Fausse biographie, authentique fable : la Biographie de Mao Ying
Texte intégral
Introduction
1Han Yu 韓愈 (768-824), maître de la prose de la dynastie Tang et initiateur avec Liu Zongyuan 柳宗元 (773-819) du « mouvement de la prose antique » (guwen yundong 古文運動) avait la plus vive admiration pour Sima Qian 司馬遷 (145 av. J.-C.-86 av. J.-C.), historien de la dynastie Han, auteur du Shiji 史記 (Mémoires historiques), considéré comme un modèle de la prose antique. La « Biographie de Mao Ying » (« Mao Ying zhuan » 毛穎傳) prend pour modèle les chapitres biographiques (liezhuan 列傳) du Shiji.
2Comme l’aurait fait Sima Qian dans une ses biographies, la « Biographie de Mao Ying » présente d’abord les ancêtres du personnage, la situation de la famille, de préférence en lien avec la mythologie pour montrer son importance (premier paragraphe). Elle retrace ensuite les événements importants de la vie du personnage, en insistant sur les contrastes entre périodes de faveur et de disgrâce (ici 2e, 3e et 4e paragraphes). Enfin, la conclusion propose un commentaire ou ajoute des détails sur la descendance du personnage (dernier paragraphe).
3La « Biographie de Mao Ying » semble consacrée à une personne réelle à la vie exemplaire, or il n’en est rien : dans le texte de Han Yu, le protagoniste est en réalité un pinceau, dont on raconte l’existence du moment de sa fabrication à celui où on l’abandonne à cause de son usure. Ainsi, cette biographie n’est pas seulement une imitation, mais aussi une parodie du Shiji. Cependant, le texte paraît si vraisemblable qu’il est difficile de croire que le personnage est fictif, et si Mao Ying l’est en effet, sa vie évoque celle de personnes bien réelles.
- 1 Après la « Biographie de Mao Ying » de Han Yu, de nombreuses imitations fleurissent, mais la dénomi (...)
- 2 Voir « Du Han Yu suo zhu Mao Ying Zhuan hou ti » 讀韓愈所著毛穎傳後題 (« Inscription après la lecture de la « (...)
4La personnification d’un objet sous forme de biographie devient un nouveau genre littéraire, la « fausse biographie » 假傳 (jiazhuan), qui a été créé par Han Yu1, et dont le texte le plus célèbre reste la « Biographie de Mao Ying ». La fausse biographie est souvent considérée comme un genre comique, et Han Yu fut d’ailleurs critiqué à son époque pour avoir écrit un texte si peu sérieux. Seul Liu Zongyuan pensait qu’il s’agissait d’une œuvre extraordinaire et a écrit un essai pour le défendre2.
5Après Han Yu, il y a eu de nombreux imitateurs, mais peu ont aussi bien réussi que la « Biographie de Mao Ying ». Le pinceau étant l’un des « quatre trésors du lettré », on a ainsi écrit les biographies des trois autres trésors, avec notamment la « Biographie du Seigneur Wandan : Luo Wen » (« Wandan jun Luo Wen zhuan » 萬石君羅文傳) de Su Shi 蘇軾 (1037-1101), biographie de la pierre à encre. On trouve aussi des biographies d’autres objets ou même d’une boisson, par exemple la « Biographie du Marquis de Rongcheng » (Rongcheng hou zhuan » 容成侯傳) par Sikong Tu 司空圖 (837-908), pour le miroir, et la « Biographie de Monsieur Qinghe » (« Qinghe xiansheng zhuan » 清和先生傳) par Qin Guan 秦觀 (1049-1100), pour le vin.
- 3 En raison de l’utilisation de nombreux jeux de mots et de calembours dans ce texte, on trouvera de (...)
6La « Biographie de Mao Ying » est également représentative de l’écriture de Han Yu, la langue est simple et directe, mais permet plusieurs niveaux d’interprétation, l’auteur recourt aussi à des métaphores et des descriptions détaillées pour enrichir l’image du personnage, et structure le texte avec rigueur. Opposé à la beauté formelle recherchée du pianwen 駢文 (« la prose parallèle »), Han Yu utilise les procédés rhétoriques pour apporter de la profondeur à son message et met de l’émotion dans son écriture. La « Biographie de Mao Ying » semble être un jeu littéraire, mais sous le comique se devinent des sentiments de déception et de tristesse.3
Biographie de Mao Ying (Mao Ying zhuan)
- 4 Le Zhongshan 中山 est le nom d’un territoire vassal de la dynastie des Zhou, aujourd’hui dans la prov (...)
- 5 Mingshi 明眎 est un surnom du lapin.
- 6 Yu 禹 est le fondateur de la dynastie Xia, souvent appelé Da Yu, Yu le Grand.
- 7 Mao 卯 est la quatrième des branches terrestres, dans les douze signes du zodiaque chinois, son sign (...)
- 8 Le lapin est le quatrième des animaux-signes du zodiaque chinois.
- 9 Dans l’Antiquité, les Chinois pensaient que le lapin sort de la bouche, ce qui fait que le lapin se (...)
- 10 Nou 䨲 désigne le jeune lapin.
- 11 La dynastie Yin est un autre nom de la dynastie Shang (1570 à 1045 av. J.-C.).
- 12 Le texte d’origine est « Heng’e » 姮娥, qui est le nom original de Chang’e 嫦娥, personnage célèbre de (...)
- 13 Jun 㕙 signifie « lapin rapide et rusé ».
- 14 Han Lu était un chien rapide. L’intrigue s’inspire de l’histoire de la compétition entre Jun et Han (...)
- 15 Un autre chien cité lors de la Période des Printemps et Automnes.
7Mao Ying est originaire de Zhongshan4. Son ancêtre s’appelait Mingshi5, il avait aidé Yu6 à régner sur les territoires de l’Est. Grâce au mérite acquis en faisant prospérer toutes les créatures, il obtint comme fief Mao7, et après sa mort, devint l’une des divinités des douze signes du zodiaque8. Mingshi a dit une fois : « Mes descendants sont la progéniture d’une divinité, et à la différence des autres espèces, ils devront naître crachés par la bouche9. » Et il en fut ainsi. Le descendant de Mingshi à la huitième génération était appelé Nou10, on dit que pendant la dynastie Yin11, il vivait à Zhongshan, où il acquit la magie des immortels, étant capable d’être invisible et de faire bouger des objets. Il suivit secrètement Chang’e12 et partit dans la lune en chevauchant un crapaud, où ses descendants ont ensuite vécu et sont restés à l’écart du monde. Jun13, quant à lui, qui vivait à l’est de la ville, était rusé et bon à la course. Il a fait une compétition avec Han Lu14, que ce dernier n’a pas pu gagner. Han Lu était furieux et a conspiré avec Song Que15 pour le tuer et hacher toute sa famille en pâté de viande.
- 16 Meng Tian 蒙恬 était un général célèbre de la dynastie Qin. On lui attribue l’invention du pinceau (q (...)
- 17 Un traité de divination qui utilise des tiges d’achillée pour faire la divination.
- 18 Les anciens Chinois pensaient que les animaux vivipares ont neuf orifices et les animaux ovipares s (...)
- 19 Le terme d’origine est « mao » 髦, littéralement « les longs poils », qui est également une métaphor (...)
- 20 Avant la généralisation du papier, les Chinois écrivaient au pinceau sur des bambous.
- 21 Cette phrase fait aussi référence à la mesure de standardisation mise en place par la dynastie Qin (...)
- 22 Le prénom de « Ying » 穎, littéralement « la partie pointue », fait référence à la touffe du pinceau (...)
- 23 Nom du palais impérial de Qin.
- 24 Double sens : Il faut beaucoup de poils de lapin pour fabriquer un pinceau.
- 25 Le texte d’origine est « tangmu » 湯沐, littéralement « prendre un bain chaud ». À cette époque, quan (...)
- 26 Guancheng 管城, nom de ville, aujourd’hui à Zhengzhou, dans la province du Henan. Allusion au manche (...)
- 27 « Zi » est un titre honorifique. La personne à qui l’on donnait ce titre n’avait pas de pouvoir adm (...)
8À l’époque du Premier empereur Qin, le général Meng Tian16 allait attaquer l’État de Chu dans le Sud, et s’était arrêté en chemin à Zhongshan pour intimider l’État de Chu au moyen d’une grande chasse. Il convoqua les officiers militaires puis utilisa le Lianshan17 pour tirer les augures sur cette opération, afin de faire des prédictions avec les signes du ciel et de l’humain. Le devin obtint un oracle favorable qui disait que « Ce que nous devrons attraper aujourd’hui, c’est un animal sans cornes ni crocs, de couleur brun jaune, avec une lèvre manquante et des longues moustaches, doté de huit orifices18 et accroupi sur ses pattes. Il suffit de prendre ses longs poils19 et de les utiliser pour écrire sur les lamelles de bambou20, et quand tout le monde l’utilisera pour écrire21, alors l’État de Qin annexera les autres princes feudataires ! » Alors ils chassèrent, traquèrent la famille de Mao, arrachèrent leurs longs poils, et ramenèrent ainsi Mao Ying22 dans un chariot, le présentèrent comme captif à l’Empereur au Palais de Zhangtai23, rassemblèrent et attachèrent toute sa famille24. L’empereur de Qin demanda à Meng Tian de donner à Mao Ying un bain chaud25, lui octroya le fief de Guancheng26, et le nomma Guanchengzi27. Il connut une faveur croissante auprès de l’empereur et fut chargé de diverses affaires.
- 28 Le texte d’origine est « jiesheng zhi dai » 結繩之代, qui désigne l’époque où l’humain faisait des nœud (...)
- 29 Les expressions jiuliu 九流, « neuf écoles » et baijia 百家, « cent maisons » (au sens d’écoles), renvo (...)
- 30 La mention du bouddhisme est un anachronisme dans une histoire sensée se passer sous la dynastie Qi (...)
- 31 Fusu 扶蘇 et Huhai 胡亥 sont respectivement l’aîné et le fils cadet de l’Empereur de Qin.
- 32 Homme politique et vrai décisionnaire du gouvernement pendant le règne de Huhai.
- 33 Double sens : le pinceau ne dit pas ce qu’il a écrit.
- 34 Les guerriers utilisent rarement le pinceau.
- 35 Le « Zhongshuling » 中書令 est le titre du fonctionnaire qui est responsable de l’organisation des arc (...)
- 36 Le « Zhongshujun » 中書君 a deux sens : l’un est la personne qui occupe le poste du Zhongshuling, et q (...)
- 37 Le texte d’origine est « dan » 石, une unité ancienne de calcul du poids. Un dan est équivalent à so (...)
- 38 Chen Xuan 陳玄 se réfère au bâton d’encre. L’encre de Jiangzhou 絳州 (aujourd’hui dans la province du S (...)
- 39 Tao Hong 陶泓 se réfère à la pierre à encre. La pierre à encre de Hongnong 弘農 (aujourd’hui dans la pr (...)
- 40 Monsieur Chu 楮 se réfère au papier de riz. Le papier de Guiji 會稽 (aujourd’hui dans la province du Z (...)
- 41 Mao Ying et ces trois personnages forment ensemble les « quatre trésors du lettré » (Wenfang sibao (...)
9Mao Ying était une personne avec une excellente mémoire, qui se souvenait d’une multitude de choses et qui était pratique et rapide. Il n’y a rien qui n’ait été compilé et enregistré par lui depuis l’époque préhistorique28 jusqu’à la dynastie Qin. Il connaissait tout en détail : le Yin et le Yang, la divination, l’astrologie, les livres et les prescriptions médicales, les registres généalogiques, les recueils de descriptions géographiques, les histoires locales, les traités lexicaux, les arts picturaux, les livres des neuf écoles et des cent maisons29, tout ce qui concerne à la fois les phénomènes astronomiques et les affaires humaines, voire même le bouddhisme30, Laozi, et jusqu’aux doctrines des pays étrangers. Il maîtrisait également les affaires contemporaines, comme les correspondances et les documents officiels du gouvernement, les livres de comptes du marché, tous au service de l’Empereur. Depuis l’Empereur de Qin, les princes Fusu et Huhai31, le premier ministre Li Si, le chef des eunuques Zhao Gao32, jusqu’aux gens du commun, il n’y avait personne qui ne l’aimait et ne l’appréciait. Il excellait également à satisfaire les intérêts des gens, parfois vertueux, parfois vicieux, parfois habile, parfois maladroit, tout dépendait de la personne. Même s’il était plus tard abandonné, il restait toujours silencieux et retenu33. Il n’y a qu’une chose qu’il n’aimait pas, c’étaient les guerriers34, mais s’il était invité, il arrivait à l’heure dite. Il fut promu successivement jusqu’à ce qu’il soit nommé Zhongshuling35, et sa relation avec l’Empereur devint encore plus proche, l’Empereur s’adressait même à lui en l’appelant « Zhongshujun »36. L’Empereur s’occupait lui-même des affaires politiques, et se fixait à lui-même une limite de soixante kilos de documents officiels37 à lire par jour. Même les personnes chargées des affaires quotidiennes de l’Empereur n’étaient pas autorisées à être présentes, seuls Mao Ying et la personne qui tenait les bougies restaient souvent à côté jusqu’à ce que l’Empereur se repose. Mao Ying avait de bonnes relations avec Chen Xuan de Jiangzhou38, Tao Hong de Hongnong39 et Monsieur Chu de Guiji40. Ils s’appréciaient mutuellement et leurs activités comme leurs repos étaient toujours communs41. Lorsque l’Empereur appelait Mao Ying, les trois autres venaient avec lui sans attendre de convocation, et l’Empereur ne leur en faisait jamais reproche.
- 42 Double sens : le mot d’origine est « fushi » 拂拭, littéralement effacer les poussières (du pinceau), (...)
- 43 Double sens : enlever le capuchon du pinceau.
- 44 Le pinceau a été utilisé longtemps, donc il n’écrit plus de manière fluide.
- 45 L’extrémité de la touffe du pinceau est donc usée.
- 46 L’expression utilisée « yidi » 夷狄, renvoie à des peuples non-Han.
10Quelques temps plus tard, lors d’une audience, l’Empereur ayant une mission à confier, voulut la donner comme une promotion42 à Mao Ying. Mao Ying enleva alors son chapeau43 en signe de remerciement. L’Empereur vit qu’il était chauve, et que ce qu’il écrirait ne pourrait donc pas être comme il l’aurait voulu44, l’Empereur rit de bon cœur et dit : « Zhongshujun est déjà trop âgé et chauve pour m’être utile. Autrefois, je vous appelais “Maître compétent en écriture”, aujourd’hui n’avez-vous pas perdu vos compétences ? » Mao Ying répondit : « Je travaille de tout mon cœur.45 » Il ne fut alors plus convoqué, retourna dans son fief, et mourut de vieillesse à Guancheng. Il a eu de nombreux descendants, dispersés dans toute la Chine et dans d’autres peuples46. Ils portent tous le nom de Guancheng, mais seuls ceux qui vivent à Zhongshan peuvent poursuivre la carrière de leurs ancêtres.
- 47 Dans le Shiji 史記 (Mémoires historiques) de Sima Qian 司馬遷 (145 à 86 av. J.-C.), chaque texte se term (...)
- 48 Aujourd’hui le nom de famille et le nom de clan n’ont plus de différence, mais avant la dynastie Qi (...)
- 49 Ji 姬, nom de clan royal de la dynastie Zhou (1045 à 256 av. J.-C.).
- 50 Le roi Wen de Zhou, aussi appelé Zhou Wen Wang 周文王, est le père du fondateur de la dynastie Zhou (1 (...)
- 51 Aujourd’hui dans la province du Shanxi. Le nom de famille « Mao » est dû au nom du fief, et a rempl (...)
- 52 Noms des fiefs des autres fils du roi Wen de Zhou. Le nom de clan de ces princes est Ji comme pour (...)
- 53 Des conseillers célèbres du Seigneur de Xinling 信陵君 et du Seigneur de Pingyuan 平原君, qui sont de gra (...)
- 54 Les Annales des Printemps et Automnes 春秋 (Chun Qiu) est une chronique de l’État de Lu (772 à 481 av (...)
11Commentaire de l’Historien47 : le nom de famille « Mao » provient de deux clans48. L’un qui est associé au nom de « Ji »49, d’après le fils du roi Wen de Zhou50, qui reçut le fief de Mao51, qui était l’un des domaines féodaux de Zhou, avec Lu, Wei et Dan52. Pendant les Royaumes combattants, il y avait par exemple Mao Gong et Mao Sui53. L’autre est le clan de Zhongshan, à l’origine inconnue, mais dont les descendants sont les plus prospères. Ce n’est pas la faute de la famille Mao si Confucius a cessé d’écrire après l’achèvement des Annales des Printemps et Automnes54. C’est quand le général Meng Tian a sélectionné les poils longs de Zhongshan, et que l’Empereur de Qin lui a donné le fief de Guancheng, que la famille de Zhongshan est devenue célèbre pour des générations, alors que la famille de Mao portant le nom de clan de « Ji » est tombée dans l’oubli. Mao Ying a d’abord été vu comme une proie et capturé, mais finalement a reçu des fonctions. Mao Ying a participé et contribué à la conquête des États vassaux par l’État de Qin. Mais la récompense n’était pas proportionnée au mérite, et il a été abandonné à cause de sa vieillesse. Qin est vraiment ingrat et sans cœur !
Notes
1 Après la « Biographie de Mao Ying » de Han Yu, de nombreuses imitations fleurissent, mais la dénomination du genre est venue plus tard, pour la première fois dans le Wenti mingbian xushuo 文體明辨序說 (Sur la distinction des genres littéraires) de Xu Shizeng 徐師曾 (1517-1580) (Voir l’édition de Renming wenxue, 1998, révisée et annotée par Luo Genze 羅根澤, p. 153.).
2 Voir « Du Han Yu suo zhu Mao Ying Zhuan hou ti » 讀韓愈所著毛穎傳後題 (« Inscription après la lecture de la « Biographie de Mao Ying » de Han Yu »), dans Liu Zongyuan ji xiaozhu, di yi ce 柳宗元集校注 第一册 (Révision et annotation des œuvres complètes de Liu Zongyuan, premier volume), édition établie par Yin Zhanhua 尹占華 et Han Wenqi 韓文奇. Beijing : Zhonghua shuju, 2013, pp. 1435-1436. Concernant les critiques, voir les notes et commentaires de cet essai de Liu Zongyuan (p. 1437 et p. 1444). Parmi les plus connues, par exemple, il y a celles de ses amis proches, Pei Du 裴度 (765-839) et Zhang Ji 張籍 (767-830).
3 En raison de l’utilisation de nombreux jeux de mots et de calembours dans ce texte, on trouvera de nombreuses notes développées dans la traduction, afin d’éclairer certains sous-entendus. Pour celles-ci, nos versions de référence sont : Han Yu, Wubai jia zhu Han Changli ji 五百家注韓昌黎集 (Œuvres complètes de Han Changli annotées par cinq cents érudits), notes collectées par Wei Zhongju 魏仲舉, édité par Hao Runhua 郝潤華 et Wang Dongfeng 王東峰, Beijing : Zhonghua shuju, 2019 et Han Yu, Han Yu shi wen xuan yi 韓愈詩文選譯 (Traduction de poèmes et essais choisis de Han Yu) annoté et traduit par Huang Yongnian 黃永年, Chengdu : Bashu shushe, 1990.
4 Le Zhongshan 中山 est le nom d’un territoire vassal de la dynastie des Zhou, aujourd’hui dans la province du Hebei. Le pinceau en poils de lapin de Zhongshan était considéré comme synonyme de pinceau de qualité.
5 Mingshi 明眎 est un surnom du lapin.
6 Yu 禹 est le fondateur de la dynastie Xia, souvent appelé Da Yu, Yu le Grand.
7 Mao 卯 est la quatrième des branches terrestres, dans les douze signes du zodiaque chinois, son signe est le lapin. Pour la direction, il représente l’Est, pour la saison, il désigne le Printemps.
8 Le lapin est le quatrième des animaux-signes du zodiaque chinois.
9 Dans l’Antiquité, les Chinois pensaient que le lapin sort de la bouche, ce qui fait que le lapin se prononce « tu » (littéralement l’action de cracher).
10 Nou 䨲 désigne le jeune lapin.
11 La dynastie Yin est un autre nom de la dynastie Shang (1570 à 1045 av. J.-C.).
12 Le texte d’origine est « Heng’e » 姮娥, qui est le nom original de Chang’e 嫦娥, personnage célèbre de la mythologie chinoise. Elle a avalé l’élixir d’immortalité et s’est envolée dans la lune, où elle reste toujours avec un lapin et un crapaud.
13 Jun 㕙 signifie « lapin rapide et rusé ».
14 Han Lu était un chien rapide. L’intrigue s’inspire de l’histoire de la compétition entre Jun et Han Lu, qui se trouve dans le Zhanguoce 戰國策 (Stratagèmes des Royaumes combattants). L’histoire originelle est que Han Lu (chien rapide) chassait Jun (lapin rapide) et que tous deux étaient également épuisés à la fin. L’auteur invente une nouvelle fin plus violente évoquant la jalousie entre fonctionnaires.
15 Un autre chien cité lors de la Période des Printemps et Automnes.
16 Meng Tian 蒙恬 était un général célèbre de la dynastie Qin. On lui attribue l’invention du pinceau (qui existait cependant avant lui).
17 Un traité de divination qui utilise des tiges d’achillée pour faire la divination.
18 Les anciens Chinois pensaient que les animaux vivipares ont neuf orifices et les animaux ovipares seulement huit (les yeux, les oreilles, les narines et la bouche constituent les sept premiers orifices, fonctions génitales et excrétoires étant réunies en un seul). La fausse idée que les lapins, bien que vivipares, n’avaient que huit orifices était répandue.
19 Le terme d’origine est « mao » 髦, littéralement « les longs poils », qui est également une métaphore pour un talent exceptionnel.
20 Avant la généralisation du papier, les Chinois écrivaient au pinceau sur des bambous.
21 Cette phrase fait aussi référence à la mesure de standardisation mise en place par la dynastie Qin dans le domaine de l’écriture. Il s’agissait d’unifier des écritures hétérogènes dans un but centralisateur.
22 Le prénom de « Ying » 穎, littéralement « la partie pointue », fait référence à la touffe du pinceau qui est pointue. Mais il a aussi un autre sens : « intelligent », par référence au long poil, qui signale une personne exceptionnelle.
23 Nom du palais impérial de Qin.
24 Double sens : Il faut beaucoup de poils de lapin pour fabriquer un pinceau.
25 Le texte d’origine est « tangmu » 湯沐, littéralement « prendre un bain chaud ». À cette époque, quand les vassaux rendaient visite à l’empereur, ils devaient se laver au préalable. C’est ensuite devenu une sorte d’institution, désignant les fiefs accordés par l’empereur aux vassaux « pour le bain et l’hébergement ». Ici, il y a aussi double sens : le pinceau doit être lavé à l’eau chaude.
26 Guancheng 管城, nom de ville, aujourd’hui à Zhengzhou, dans la province du Henan. Allusion au manche du pinceau (guan 管, « tuyau », renvoyant au manche autrefois creux du pinceau, biguan 筆管).
27 « Zi » est un titre honorifique. La personne à qui l’on donnait ce titre n’avait pas de pouvoir administratif. Guanchengzi est devenu synonyme de pinceau.
28 Le texte d’origine est « jiesheng zhi dai » 結繩之代, qui désigne l’époque où l’humain faisait des nœuds pour prendre des notes, avant l’invention de l’écriture.
29 Les expressions jiuliu 九流, « neuf écoles » et baijia 百家, « cent maisons » (au sens d’écoles), renvoient à la totalité des courants de pensée de la période des Printemps et Automnes et des Royaumes combattants.
30 La mention du bouddhisme est un anachronisme dans une histoire sensée se passer sous la dynastie Qin, c’est un des indices laissés par Han Yu pour dire que son histoire est parodique et renvoie à des réalités de son époque (dynastie Tang).
31 Fusu 扶蘇 et Huhai 胡亥 sont respectivement l’aîné et le fils cadet de l’Empereur de Qin.
32 Homme politique et vrai décisionnaire du gouvernement pendant le règne de Huhai.
33 Double sens : le pinceau ne dit pas ce qu’il a écrit.
34 Les guerriers utilisent rarement le pinceau.
35 Le « Zhongshuling » 中書令 est le titre du fonctionnaire qui est responsable de l’organisation des archives, de la compilation, de l’enregistrement, de la transcription et de la révision des décrets pour l’Empereur.
36 Le « Zhongshujun » 中書君 a deux sens : l’un est la personne qui occupe le poste du Zhongshuling, et qui est en effet le secrétaire de l’Empereur. L’autre est un sens littéraire, c’est-à-dire « Maître compétent en écriture ». C’est aussi devenu synonyme de pinceau.
37 Le texte d’origine est « dan » 石, une unité ancienne de calcul du poids. Un dan est équivalent à soixante kilos. Puisqu’on écrivait sur des lamelles de bambou, ces bambous pouvaient être pesés.
38 Chen Xuan 陳玄 se réfère au bâton d’encre. L’encre de Jiangzhou 絳州 (aujourd’hui dans la province du Shanxi) était un produit de tribut sous la dynastie Tang (chaque année, le meilleur de la production locale était envoyé à la Cour impériale au titre de l’impôt, c’est encore un anachronisme puisque c’était une pratique Tang). L’encre est noire, donc le prénom est Xuan (qui signifie le noir). Plus l’encre est ancienne, meilleure est la qualité, donc le nom est Chen (qui signifie la longue durée).
39 Tao Hong 陶泓 se réfère à la pierre à encre. La pierre à encre de Hongnong 弘農 (aujourd’hui dans la province du Henan) était un produit de tribut sous la dynastie Tang. Cette pierre était réalisée à partir d’argile, donc le nom est Tao (« argile »). Puisqu’il faut mettre de l’eau dans la pierre pour l’utiliser, le prénom est Hong (qui signifie l’eau profonde).
40 Monsieur Chu 楮 se réfère au papier de riz. Le papier de Guiji 會稽 (aujourd’hui dans la province du Zhejiang) était un produit de tribut sous la dynastie Tang. Le chu est le nom des arbres qui servent à faire du papier (de la famille des Moraceae, probablement le « mûrier à papier », Broussonetia Papyrifera ou Broussonetia kazinoki).
41 Mao Ying et ces trois personnages forment ensemble les « quatre trésors du lettré » (Wenfang sibao 文房四寶), qui sont les instruments essentiels de calligraphie et de la peinture chinoises, l’un n’allant pas sans les autres.
42 Double sens : le mot d’origine est « fushi » 拂拭, littéralement effacer les poussières (du pinceau), qui a aussi le sens de promouvoir ou d’accorder sa faveur à quelqu’un.
43 Double sens : enlever le capuchon du pinceau.
44 Le pinceau a été utilisé longtemps, donc il n’écrit plus de manière fluide.
45 L’extrémité de la touffe du pinceau est donc usée.
46 L’expression utilisée « yidi » 夷狄, renvoie à des peuples non-Han.
47 Dans le Shiji 史記 (Mémoires historiques) de Sima Qian 司馬遷 (145 à 86 av. J.-C.), chaque texte se termine par un paragraphe de commentaire de l’auteur.
48 Aujourd’hui le nom de famille et le nom de clan n’ont plus de différence, mais avant la dynastie Qin (221 à 206 av. J.-C.), le nom de clan, xing 姓, était le nom porté par tous les descendants d’un ancêtre tutélaire, alors que le nom de famille, shi 氏, une branche dérivée du clan, était souvent le nom d’un fief ou d’une position officielle.
49 Ji 姬, nom de clan royal de la dynastie Zhou (1045 à 256 av. J.-C.).
50 Le roi Wen de Zhou, aussi appelé Zhou Wen Wang 周文王, est le père du fondateur de la dynastie Zhou (1045 à 256 av. J.-C.). Son nom personnel était Ji Chang 姬昌.
51 Aujourd’hui dans la province du Shanxi. Le nom de famille « Mao » est dû au nom du fief, et a remplacé dans l’usage le nom de clan Ji.
52 Noms des fiefs des autres fils du roi Wen de Zhou. Le nom de clan de ces princes est Ji comme pour leur frère, mais dans l’usage le nom de leur fief, comme pour « Mao », a remplacé celui de leur clan.
53 Des conseillers célèbres du Seigneur de Xinling 信陵君 et du Seigneur de Pingyuan 平原君, qui sont de grands aristocrates régionaux de la fin de la période des Royaumes combattants (475 à 221 av. J.-C.).
54 Les Annales des Printemps et Automnes 春秋 (Chun Qiu) est une chronique de l’État de Lu (772 à 481 av. J.-C.) pendant la période des Printemps et Automnes (772 à 476 av. J.-C.), qui est considérée comme compilée par Confucius (551 à 479 av. J.-C.). Cet ouvrage a été achevé en 481 av. J.-C, l’année où le duc de Lu a chassé un qilin 麒麟 (animal mythologique symbolisant la paix, la bienveillance, la noblesse et la perfection), et suite à cela, Confucius a arrêté la rédaction de cet ouvrage, et n’a plus écrit d’autres livres. Ainsi, Han Yu dit que ce n’est pas la faute du pinceau.
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Référence électronique
Jingjing Han, « Fausse biographie, authentique fable : la Biographie de Mao Ying », Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/4118 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11z8h
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