Si on jouait au mandarin ?
Texte intégral
- 1 Voir la traduction du conte par Rainier Lanselle, « Wang le Treizième, à cinq ans, paraît devant l’ (...)
- 2 On trouvera un exemple parmi d’autres dans le second volume de ses Wushengxi 無聲戲 (Comédies silencie (...)
1L’enfance est si peu évoquée dans la fiction romanesque ancienne en langue vulgaire que, lorsqu’on veut illustrer ce thème dans ce genre littéraire si cher aux lecteurs du milieu du XVIIe siècle, on pense immédiatement au trente-sixième conte du Jingu qiguan 今古奇觀 (Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois), repris du cinquième conte du second recueil des Pai’an jingqi 拍案驚奇 (Taper sur la table en s’exclamant « Extraordinaire ») de Ling Mengchu 凌濛初 (1580-1644) lequel s’était inspiré pour le rédiger de narrations anciennes en langue classique. Dans cette histoire, un enfant de cinq ans se fait remarquer par l’empereur par une clairvoyance particulièrement précoce qu’il met en œuvre pour échapper à une bande de malandrins1. Et c’est généralement sous l’angle de l’intelligence que l’enfance des personnages est convoquée ; une intelligence envisagée comme une disposition innée, promesse de futurs succès dans la carrière mandarinale pour le garçonnet qui commence à mémoriser sans difficulté aucune le monumental corpus confucéen et compose avec aisance, et assurance d’heureux mariage pour la future jeune fille, laquelle maîtrise sans s’épuiser la poésie, la musique, la calligraphie, la peinture, ou plus modestement la broderie. Bref, s’il est acquis que, pour les héros de ces narrations, le génie n’attend pas le nombre des années, l’étape de formation est souvent évacuée en quelques phrases convenues et les auteurs ne s’attachent que fort rarement à décrire la période cruciale qui précède, pour les garçons, l’entrée en étude avec des maîtres dont le rôle, bon ou mauvais, fait, quant à lui, parfois l’objet d’une plus grande attention2.
- 3 Sur ce genre aux colories variées, voir notre « Les infortunes chinoises de la vertu. Jin Yun Qiao (...)
2Tout ceci pour dire qu’il est rare de lire des développements sur les exploits des gamins de cinq-six ans tels que ceux que décrit le Lin’er bao 麟兒報 (La rétribution de l’enfant prodige) petit roman du début des Qing 清 (1644-1911), roman qu’on range dans la catégorie fourre-tout des caizi jiaren xiaoshuo 才子佳人小說. Souvent décrié, le sous-genre qui connut sa vogue sous le règne des Manchous n’en offre pas moins des créations d’un grand intérêt3. Dans ce cas précis, outre de prendre la peine de montrer un héros plein de ressources, c’est le jeune et brillant Lian Qing 廉清 dont on va découvrir ci-dessous l’immense potentiel dans son état embryonnaire, le roman fait vivre des personnages féminins qui n’ont pas froid aux yeux et n’hésitent pas à enfiler des vêtements masculins pour conduire le lecteur à travers des péripéties aussi nombreuses que fort convenues — le titillant quelque peu au passage par la narration d’une première nuit de noces entièrement féminine —, jusqu’à l’inévitable happy-end, offrant au brillant jeune homme un double mariage consécutif à des succès sans pareil aux concours mandarinaux dûment salués par le couple impérial.
3Mais notre intention n’est pas de démêler l’enchevêtrement des situations à rebondissement qui tiennent en haleine le lecteur sur seize chapitres, mais de planter le décor pour goûter cette mise en scène de jeux enfantins, qu’on trouvera sans doute un peu forcée, voire peu convaincante. On y voit, en effet, un jeune garçon très mâture pour ses cinq ans (six ans à la chinoise) faire la leçon à ses petits camarades lesquels sont, quant à eux, très criants de vérité. S’y opposent plusieurs visions de l’exercice du mandarinat qui parlent d’elles-mêmes.
- 4 Ce qui vaut au roman de circuler sous le titre alternatif de Ge xianweng zhuan 葛仙翁傳 (Biographie de (...)
4Lian Qing est le fruit tardif — sa mère, madame Pan 潘, a déjà 50 ans lorsqu’elle tombe enceinte — d’une union sanctifiée par la venue tout aussi opportune que très étonnante du saint taoïste Ge Hong 葛洪 (283-343)4, rétribution quasi-immédiate des actes vertueux du père, Tian Xiaocun 廉小村. Progéniture inespérée d’un couple de petits artisans ayant pour seuls subsides la vente du doufu qu’ils fabriquent, le petit Qing a un frère aîné, Qi’er 潔兒 (Propret), n’ayant pas ses disponibilités ; de fait, il semble bien sortir d’un moule différent :
- 5 On a là mention de quatre des ouvrages les plus couramment proposés aux jeunes enfants au début de (...)
- 6 Ce passage du chapitre 2, tout comme celui qu’il précède immédiatement, est traduit à partir de l’é (...)
Considérant ce fils qui, en tout point adorable, avait toutes les grâces, ne ressemblant en rien à un rejeton de la plèbe, [Tian Xiaocun] lui choisit le prénom de Qing’er, Clarté. Le temps s’écoula à toute vitesse, et, sans qu’on y prenne garde, celui-ci avait déjà six ans. Témoins de sa vivacité d’esprit et de son extraordinaire aisance oratoire, ses parents profitaient de chaque occasion pour lui prodiguer quelque forme d’enseignement avec des ouvrages tels que Les cent noms de famille ou La dissertation en mille caractères, qu’il assimilait sans le moindre effort ; et quand son frère peinait de son côté à avaler le Classique de la piété et La petite étude, il s’en imprégnait seulement en l’écoutant, en cachette, rabâcher ses leçons5. Conscient du potentiel hors du commun de son garçonnet, Lian Xiaocun se réjouissait de ce qu’il échapperait à sa modeste condition et désirait en conséquence l’envoyer étudier. « Après quelques années d’apprentissage notre Qie’er n’est toujours pas fichu de pondre une composition correcte, fit remarquer madame Pan. Qui plus est, son maître est un vieillard dont la classe est surchargée ; impossible de bien étudier dans ces conditions. Ne vaudrait-il pas mieux lui trouver un autre maître ? — Tu as raison, mais il n’y en a pas dans notre bourg. J’ai bien entendu dire qu’un certain maître Zhao du Bourg des orchidées était un puits de science, mais il habite vraiment loin, j’ai peur que cela ne pose problème. — Certes, notre fils est encore bien jeune, et sans quelqu’un pour l’accompagner sur la route, cela semble impossible. Attendons qu’il ait grandi quelque peu ; on en reparlera l’année prochaine. » Au terme de cet échange, se retrouvant sans maître pour le guider, Qing’er put sans restriction s’ébattre à sa guise. Il n’en reste pas moins que sa manière de s’amuser n’avait rien de commune avec celle des autres enfants de son âge. Elle avait de quoi surprendre tout un chacun6.
- 7 La traduction de ce passage (éd. Chunfeng wenyi, 1983, pp. 17-20), qu’on trouvera en annexe, a été (...)
5On va le voir. En effet, le petit Lian Qing sort du lot. On trouvera sans doute tirée par les cheveux cette petite piécette dont nous ne fournissons ci-dessous que la première partie — celle où le génial gamin offre une vision idéalisée de la pratique mandarinale, l’opposant à celles défendues par deux de ses camarades de jeux, sans doute plus conformes à la pratique courante telle qu’elle devait être perçue par les lecteurs de l’époque7.
Illustration du chapitre 2 dans l’édition Xinbian xiuxiang cuxin xiaoshuo Lin’er bao 新編綉像簇新小說麟兒報 (1672) disponible [en ligne] sur ChineseTextProject à l’URL : https://ctext.org/library.pl?if=en&file=239438&page=24
Graine de mandarin
- 8 En lisant cette réplique, on pense naturellement à Mencius qui professait que tout un chacun pouvai (...)
- 9 Père-mère du peuple : appellation courante donnée aux mandarins locaux.
- 10 Lian Qing dessine dans ses grandes lignes le système bureaucratique chinois sous les Ming (1368-164 (...)
- 11 Si nous ne traduisons pas le cas judiciaire qui est soumis à la sagacité de Lian Qing nous choisiss (...)
6Un jour, une déambulation en compagnie de la troupe de ses petits camarades, le conduisit dans le Bourg des orchidées, sur le parvis de la résidence du ministre Xing où se trouvait, à l’abri d’un kiosque, un puits. C’est là qu’ils choisirent de s’amuser un moment jusqu’à ce que Lian Qing interpelle ses amis : « Cette manière de jouer manque vraiment de saveur ! En y réfléchissant, si le ministre Xing, qui n’est qu’un être humain, a réussi à devenir haut fonctionnaire, rien ne nous interdit de le devenir à notre tour8. Pourquoi ne pas nous divertir en jouant au mandarin ; ne serait-ce pas plaisant ? — Jouer à faire le mandarin, répliquèrent les autres, pour sûr que cela doit être drôle ! Mais qui d’entre nous va avaler de laisser un autre que lui tenir le rôle ? — Le problème n’est pas là, renchérit Lian Qing. Ce qui compte, c’est bien de ne pas prendre les choses à la légère, car être mandarin exige de se conformer à des principes. Celui d’entre nous qui saura les exposer sera celui à qui on accordera ce mérite. Que vous en dit ? — Bien vu, lança pleine d’allégresse la petite troupe de laquelle émergea la voix d’un des garçonnets poussé par l’urgence à ne pas se faire devancer : « Mon avis est qu’un mandarin est au-dessus de tout le monde, et que tout le monde sans exception cherche à le flatter. Ainsi, moi mandarin, j’obtiendrai ce que je voudrai, que cela soit argent ou objets de valeur, sans avoir autre chose à faire qu’à ravaler mon sens moral ; pour sûr que les pots-de-vin vont tomber et que je pourrai en profiter avec mon épouse une fois rentré à la maison. C’est cela le Grand principe de la pratique mandarinale. Qu’est-ce que vous en dîtes ? Le rôle ne me revient-il pas ? — Ta vision du mandarinat ne tient pas le coup ! le rabroua un autre gamin en s’extirpant du groupe. Comment pourrais-tu arriver à tes fins en t’y prenant de la sorte ? Laisse-moi t’expliquer : c’est certain que tous les mandarins ne rêvent que de se remplir les poches, mais tu ne tiens pas compte de ce que personne n’abandonne sa fortune de bon cœur. Les richesses ne manquent pas, mais qui va te les offrir sans réticence ? Moi mandarin, vous allez voir comment je vais m’y prendre : je vais user du bambou et jouer de la férule, je vais faire rougir les chairs et moudre les pieds, si bien que tout le monde sera à ce point terrifié, que je n’aurai pas besoin de corrompre, les pots-de-vin tomberont d’eux-mêmes. Voilà un principe qui ne peut être surpassé ! — Merveilleux ! La cruauté combinée à la cupidité : c’est bien cela qu’il faut de nos jours ! » s’enthousiasma la bande d’amis. Encouragé par ce bel assentiment, le dernier orateur se mettait déjà à parader, se dandinant de droite et de gauche, bien décidé à endosser la fonction, lorsque Lian Qing, manifestant son désaveu par un sourire narquois, prit la parole : « À vous écouter tous les deux, on dirait bien que ce n’est pas un poste de mandarin que vous briguez, mais bien la mort que vous recherchez ! — Quel chat resterait insensible à l’attrait de la chair du poisson ? En quoi cela est-ce chercher la mort ? lâchèrent les deux gamins désarçonnés par cette remarque. — Pour vous, occuper une charge permettrait donc toutes les licences. Vous oubliez que le mandarin de base évolue sous le regard de ses supérieurs. — Eh bien. Tout sous-préfet n’est-il pas, en tant père et mère du peuple9, intouchable ? Qui donc se risquerait à lui chercher des noises ? — Comment se ferait-il que personne ne le surveille ? Vous n’y entendez vraiment rien ; laissez-moi vous instruire : le sous-préfet agit sous le contrôle du préfet, lequel répond de ses actes devant le gouverneur provincial, qui à son tour dépend du bureau du censorat lui-même sous la tutelle des Six ministères, leur chef évoluant quant à lui sous l’œil du Grand conseiller, qui, malgré sa position éminente, reste sous le contrôle de l’empereur10 ! Ainsi, si vous vous comportez, comme vous venez de l’exposer, de manière aussi cupide que cruelle, vos agissements seront tôt ou tard révélés à l’empereur qui vous fera soumettre à un interrogatoire, lequel conduira à une condamnation à la décapitation ou à la pendaison. En quoi, ne serait-ce pas courir après la mort ? » Ce petit laïus donna la nausée aux deux prétendants : « À y regarder sous cet angle, être mandarin n’est rien de plus qu’un calvaire ! — Un calvaire ? Et en quoi ? reprit Lian Qing. Servir offre bien au contraire son lot de satisfactions ! — Si on ne peut pas plus toucher de pots-de-vin que se livrer à la torture, de quelles satisfactions parles-tu ? — Si l’empereur a créé toutes ces catégories de postes, c’est pour charger ceux qui les occupent, chacun à son niveau, d’administrer la multitude. Si, grâce à leurs actions, les récoltes sont bonnes, que règne la paix, que dans tous les recoins de l’empire personne ne souffre ni du froid ni de la faim, alors ils reçoivent rétributions et honneurs pour service rendu et jouissent d’une paie et d’un train de vie opulents. Et ceci ne serait pas une satisfaction ? — Certes voilà de bien belles paroles, mais, reprirent les deux postulants, comment y croire quand il n’y a qu’un seul Grand secrétaire pour une multitude de sous-préfets, certains vertueux et dévoués, mais d’autres cupides et cruels. Comment pourrait-il les avoir tous à l’œil ? C’est bien improbable qu’il y parvienne et cela ne peut conduire qu’à un véritable chaos. — Certes, le Grand secrétaire est, en qualité de chef du gouvernement en charge d’une multitude de choses, mais ce n’est pas à lui seul que revient de surveiller l’ensemble de ce qu’il se passe dans l’empire. Pour y parvenir, il lui suffit, pour une bonne part de sélectionner un bon ministre de l’Administration civile. Bien choisi, ce dernier saura s’appuyer sur de bons mandarins qui lui éviteront d’avoir à parcourir l’empire. Il aura rempli la moitié de sa fonction en choisissant treize censeurs d’excellence qui à leur tour seront vigilants sur la conduite de gouverneurs de province et d’agents préfectoraux entièrement dévoués au service du peuple. Comment cela pourrait-il ne pas fonctionner ? » Cet exposé laissa sans voix nos deux contradicteurs. « Frère Qing a fort bien parler, s’enthousiasma le reste de la compagnie. C’est vraiment lui qui mérite de faire le mandarin, encore faut-il qu’il nous dise quel poste il compte occuper. — Je pourrais bien assurer tous les postes, de celui de Grand conseiller à celui de sous-préfet en passant par celui de ministre de la fonction publique ou de censeur, mais je vais partir du bas de l’échelle avant d’envisager d’autres fonctions, et donc, m’en tenir au poste de sous-préfet pour régler quelque affaire de son ressort afin de vous montrer de quoi je suis capable. — Merveilleux ! À toi le poste de sous-préfet et ses attributions ! — Certes, encore faut-il s’y prendre avec précaution pour ne pas faire n’importe quoi. Comme le dit si justement un dicton populaire : qui enfile les atours du dragon doit se comporter en dragon, qui imite le tigre doit rugir en tigre. Ainsi, agissant en qualité de mandarin, vous allez devoir vous conformer à mes directives, frapper si je demande de frapper, et ne pas rechigner à appliquer mes ordres. Le résultat dépend de votre capacité à tenir votre rôle. — Naturellement », approuvèrent-ils d’une seule voix. Et comme pour tenir un procès, il fallait que plainte soit déposée, le mandarin adressa cette demande aux deux postulants éconduits : « Si vous avez encore la volonté de vous exprimer, délibérez entre vous pour trouver un litige à soumettre à mon examen afin de juger de mes capacités à l’élucider. » Ci fait, l’un des deux garçonnets dont les ambitions à devenir mandarin venaient d’être anéanties par Lian Qing était tout désireux de lui donner du fil à retordre en lui proposant un cas bien retors dont il ne pourrait se dépêtrer, afin d’épancher ainsi sa rancœur. Son acolyte et lui prirent un peu de champ et mirent au point leur stratégie11.
Notes
1 Voir la traduction du conte par Rainier Lanselle, « Wang le Treizième, à cinq ans, paraît devant l’empereur », in Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois. Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1996, pp. 1467-1505 et le résumé de Chan Hing-ho, « L’enfant prodige », dans André Lévy, al., Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire. Paris : Collège de France-Institut des hautes études chinoises, coll. « Mémoires de l’Institut des hautes études chinoises », vol. VIII-3, 1981, pp. 1121-1125. Le conte est justement signalé par André Lévy en note d’un article intitulé « Souvenirs d’enfance ? À propos d’un récit du Liaozhai zhiyi » (Flora Blanchon (ed.), Asie. IV. Enfances. Paris : Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1997, pp. 143-150), mais on peut aussi bien penser à un récit de Li Yu 李漁 (1611-1680) qui ajoute aux narrations anciennes dont il s’inspire pour son « Qinhuai Jian’er zhuan » 秦淮健兒傳, quelques faits d’armes pendables du héros de La vie de Colosse de Qinhuai. Sur ce court récit en langue classique, voir Pierre Kaser, « La vie de Colosse de Qinhuai », Impressions d’Extrême-Orient, 13 | 2021, [En ligne] mis en ligne le 19 décembre 2021 à l’URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/1993 et dans le même numéro d’IDEO, les récits dans lesquels Li Yu a puisé son inspiration : Pierre Kaser, « Garde toi de te croire supérieur », Impressions d’Extrême-Orient, 13 | 2021, [En ligne] mis en ligne le 19 décembre 2021 à l’URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/1985 et Samarcande Nasser, « Liu Dongshan, le fanfaron humilié », Impressions d’Extrême-Orient, 13 | 2021, [En ligne] mis en ligne le 19 décembre 2021 à l’URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/2025.
2 On trouvera un exemple parmi d’autres dans le second volume de ses Wushengxi 無聲戲 (Comédies silencieuses) chez Li Yu, qui fait du choix du maître un élément clef d’un conte à paraître en traduction sous le titre « Le quintuple mariage ». En attendant, on pourra en lire un résumé dans Chan Hing-ho, Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire. Paris : Collège de France-Institut des hautes études chinoises, coll. « Mémoires de l’Institut des hautes études chinoises », vol. VIII-5, 2006, pp. 183-187.
3 Sur ce genre aux colories variées, voir notre « Les infortunes chinoises de la vertu. Jin Yun Qiao zhuan, un roman rose très noir du XVIIe siècle encore inédit en français », Actes du colloque Roman rose, roman noir in Malice. Le magazine des littératures & des cultures à l’ère du numérique 15|2022, du CIELAM, [En ligne] à l’URL : https://cielam.univ-amu.fr/malice/articles/infortunes-chinoises-vertu-jin-yun-qiao-zhuan-roman-rose-tres-noir-xviie-siecle. La littérature critique a maintenant rendu justice à une production dont l’étude laisse encore beaucoup de zones d’ombre, comme l’identité des auteurs. Lin’er bao a profité de cet engouement qui marque les années 80 du siècle précédent. Voir notamment Lin Chen 林辰, Ming-mo Qing-chu xiaoshuo shulu 明末清初小說述錄. Shenyang : Chunfeng wenyi, 1988, pp. 267-270 ; Lin Chen, Duan Ju 段句, Tianhuacang zhuren ji qi xiaoshuo 天花藏主人及其小說. Shenyang : Liaoning jiaoyu, coll. « Gudai xiaoshuo pingjie congshu », 2000, pp. 80-88. Voir également Keith McMahon, qui aborde ce roman pages 116 et 125 de son Misers, Shrews, and Polygamists. Sexuality and Male-Female Relations in Eighteenth-Century Chinese Fiction. Durham – London : Duke University Press, 1995.
4 Ce qui vaut au roman de circuler sous le titre alternatif de Ge xianweng zhuan 葛仙翁傳 (Biographie de l’immortel Ge) qui figure dans Lu Gong 路工 (ed.), Ming Qing pinghua xiaoshuo xuan 明清平話小說選. Shanghai : Shanghai guji, (1958) 1986.
5 On a là mention de quatre des ouvrages les plus couramment proposés aux jeunes enfants au début de leur formation, à savoir le Baijiaxing 百家姓 (Les cent noms de famille), le Qianziwen 千字文 (La dissertation en mille caractères), le Xiaojing 孝經 (Classique de la piété) et le Xiaoxue 小學 (La petite étude). Sur les principes et méthodes suivis pour entamer le long chemin de la formation du futur lettré en vue des examens et concours mandarinaux, on lira avec intérêt l’article de Jacques Gernet, « L’éducation des premières années (du XIe au XVIIe siècles) » in Christine Nguyen Tri, Catherine Despeux (ed.), Éducation et instruction en Chine. I. L’éducation élémentaire. Paris-Louvain : Centre d’Études Chinoises/Editions Peeters, 2003, « Bibliothèque de l’INALCO », n° 4, pp. 7-60.
6 Ce passage du chapitre 2, tout comme celui qu’il précède immédiatement, est traduit à partir de l’édition moderne supervisée par Bu Weiyi 卜維義 pour les éditions Chunfeng wenyi et sa collection « Ming-mo Qing-chu xiaoshuo xuankan ». Cette édition, légèrement édulcorée, a été publiée à Shenyang en 1983. Nous l’avons complétée par la consultation du fac-similé de l’édition disponible en ligne sur la plateforme ChineseTextProject à l’URL : https://ctext.org/wiki.pl?if=en&chapter=9630 : 廉小村見這小兒子生得眉目秀麗,種種愛人,竟不像個小戶人家的兒子,因取名清兒。真是光陰迅速,不知不覺這清兒早已長成六歲。父母見他舉動乖巧,說話驚人,便時常教他些百家姓、千字文。廉清只一兩遍就會。此時哥哥正讀著孝經、小學。哥哥苦讀不熟,他在旁竊聽了,早已朗朗背誦。廉小村見他聰敏異常,甚是歡喜,曉得此子後來不是鄉野庸流,因要送他上學。潘氏道:「潔兒讀了幾年書,上帳的字還寫不出。況且這先生年老,學生又多,讀不出好來。不如另尋一個先生,送去方好。」廉小村道:「這也說得是。只是我村中沒有好先生。我聞得幽蘭里趙先生是個飽學,卻嫌他住得甚遠,也說不得了。」潘氏道:「好是好,但孩子小,路上沒有照管,往來不便。等他再大些,明年送去吧。」因此廉清沒先生拘管,故終日出去玩耍。但他玩法與眾小兒不同,有一種驚人之處。
7 La traduction de ce passage (éd. Chunfeng wenyi, 1983, pp. 17-20), qu’on trouvera en annexe, a été envisagée dans le cadre de cours de traduction du parcours Études chinoises du master Langues et sociétés de l’université Aix-Marseille.
8 En lisant cette réplique, on pense naturellement à Mencius qui professait que tout un chacun pouvait devenir un Saint. Voir Mengzi 孟子, IV.B-28 : « Shun ren ye, wo yi ren ye ! » 舜人也, 我亦人也 (Shun était humain, je le suis également !) Voir Mengzi yizhu 孟子譯注 (Yang Bojun 楊柏峻, ed.). Beijing : Zhonghua shuju, coll. « Zhongguo gudian minzhu yizhu congkan », (1960) 1990, p. 198.
9 Père-mère du peuple : appellation courante donnée aux mandarins locaux.
10 Lian Qing dessine dans ses grandes lignes le système bureaucratique chinois sous les Ming (1368-1644), période pendant laquelle doit, selon toute vraisemblance, se dérouler le roman : du zhixian 知縣 (sous-préfet) à l’empereur, en passant par les strates essentielles de l’appareil bureaucratique impérial aux niveaux préfectoral (zhifu 知府), provincial (daoguan 道官), ministériel (ils sont au nombre de six, les liubu 六部), sans oublier les censeurs (doutang 都堂) et les grands conseillers (zaixiang 宰相) ; les Aperçus du dictionnaire Ricci (Paris-Taipei : Institut Ricci-Desclée de Brouwer, 2003) en fournissent, pages 398-399, un tableau plus détaillé.
11 Si nous ne traduisons pas le cas judiciaire qui est soumis à la sagacité de Lian Qing nous choisissons néanmoins de divulgâcher la conclusion de cet épisode : le jeune homme fait merveille, attirant au passage l’attention du Ministre Xing qui va l’inviter à étudier avec son fils et sa fille dont il lui accordera la main.
Haut de pageTable des illustrations
Légende | Illustration du chapitre 2 dans l’édition Xinbian xiuxiang cuxin xiaoshuo Lin’er bao 新編綉像簇新小說麟兒報 (1672) disponible [en ligne] sur ChineseTextProject à l’URL : https://ctext.org/library.pl?if=en&file=239438&page=24 |
---|---|
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/docannexe/image/3984/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 262k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Pierre Kaser, « Si on jouait au mandarin ? », Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/3984 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11z8e
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page