Trois contes contemporains sur le thème du Petit Chaperon rouge
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- 1 Jacques Pimpaneau, Le Petit Chaperon rouge, version chinoise, sans rouge nichaperon. Courbevoie, Th (...)
1Parmi les nombreuses traductions de contes de Jacques Pimpaneau, un petit livre peu connu a particulièrement attiré mon attention : Le Petit chaperon rouge, version chinoise, sans rouge ni chaperon1. Il s’agit d’un livre accordéon accompagné de papiers découpés illustrant les histoires. Nous y trouvons deux contes, l’un intitulé « La grand’mère loup », et l’autre « La vieille femme tigre ».
Le petit chaperon rouge, version chinoise, sans rouge ni chaperon
Fables illustrées de papiers découpés par un artiste de Chine populaire. Jacques Pimpaneau, traducteur, Courbevoie, Théâtre Typographique, 1986.
- 2 Ting Nai-tung, A Type of Chinese Folktales, in the Oral Tradition and Major of Non-Riligious Classi (...)
- 3 King Yung-hua, Minjian gushi leixing suoying 民間故事類型索引 (Classification internationale des contes pop (...)
2Dans le catalogue international des contes, « Le petit chaperon rouge » est classé en AT333, une rubrique qui regroupe toutes les variantes de ce conte. Les versions chinoises sont classées dans le « sous-type C » dans le catalogue des contes populaires chinois de Ting Nai-tung 丁乃通2 et dans celui de King Yung-hua 金榮華3. Selon le catalogue de ce dernier, il existe environ quatre-vingt-dix variantes qui ont été collectées sur l’ensemble du territoire chinois.
- 4 Actuellement, la plus ancienne édition existante est celle du Saoye shanfang 掃葉山房, publiée en 1803.
- 5 Huang Chih-chun (Zhijun), Huang Chengzeng, Annette Spacht, Günter Lontzen et Jacques Barchilon, « T (...)
3La première mention chinoise de ce conte date du XVIIe siècle, presque à la même époque que la version de Charles Perrault en Europe. Ce conte, intitulé « Hu Ao Zhuan » 虎媪傳 (« L’histoire de la vielle femme tigre »), a été d’abord compilé par Huang Zhijun 黃之隽 (1668-1748) et recensé plus tard dans le Guang yuchu xin zhi 廣虞初新志 par Huang Chengzeng 黃承增 (date inconnue) au XVIIIe siècle4. Une traduction anglaise en a été réalisée par Annette Specht en 19935. Jacques Pimpaneau en a également proposé une traduction en français, mais sans préciser ses sources, dans le petit livre que nous avons mentionné plus haut. Malgré cela, la traduction française du titre, les illustrations en papier découpé du titre (Hu Ao 虎媪) et le contenu de l’histoire ne laissent aucun doute sur le fait qu’il s’agit bel et bien de la première version chinoise du petit chaperon rouge.
Le petit chaperon rouge, version chinoise, sans rouge ni chaperon
Fables illustrées de papiers découpés par un artiste de Chine populaire. Jacques Pimpaneau, traducteur, Courbevoie, Théâtre Typographique, 1986.
- 6 Muriel Bloch, « La grand-mère loup », 365 contes pour tous les âges . Paris : Gallimard jeunesse/Gi (...)
- 7 Les deux premiers contes sont tirés de Chen Qinghao 陳慶浩, Wang Qiugui 王秋桂 (dir.), Zhongguo minjian g (...)
4J’aimerais proposer ici trois variantes chinoises contemporaines compilées lors de collectes faites au cours du XXe siècle. Certes, il en existe déjà plusieurs traductions françaises dans des albums de contes pour la jeunesse6, mais l’histoire est souvent la même — en l’occurrence la version classique avec le loup comme protagoniste, alors qu’il existe de nombreuses variantes dans la sphère chinoise — et reste un peu sage par rapport à l’original, de nombreuses versions chinoises ne nous épargnant pas les détails de la dévoration, et éludant la plupart du temps la « résurrection » finale des enfants. En ce qui concerne mon choix des contes contemporains dans le cadre de cette publication, j’ai ainsi opté pour la traduction de trois contes d’origine géographique et ethnique différentes : une variante provenant de l’ethnie Han 漢, comme la majorité des sources de ce conte — « Cramponnette et ses trois sœurs », « Liaodiaor he tade sange zimei » 釕銱兒和她的三個姊姊 (province du Liaoning 遼寧) —, une autre de l’ethnie Zhuang 壯 — « Un frère et une sœur aux prises d'un xiaye », « Jie di dou xiaye » 姐弟鬥[女下]耶 (province du Guangxi 廣西) —, la troisième provenant de l’ethnie Hani 哈尼 — « Le soleil et la lune », « Taiyang he yueliang » 太陽和月亮 (province du Yunnan 雲南). Ceci devrait nous permettre d’élargir et d’affiner notre approche de la Chine dans sa diversité culturelle tout en restant focalisé sur un conte-type7.
Cramponnette et ses trois sœurs
- 8 Les prénoms des fillettes, en chinois, sont Tiáozhou gēda 笤帚疙瘩, Sàozhou gēda 掃帚疙瘩, Ménchagùnr 門插棍兒, (...)
- 9 Le jiaozi 餃子 est une sorte de ravioli chinois, un plat traditionnel.
- 10 Kang 炕, lit traditionnel en Chine du nord. C’est en fait un four à bois de taille et tout en longue (...)
- 11 Conteur : Chen Guifang 陳貴芳 ; collecteur et arrangeur : Chen Li 陳立. Source : Zhongguo minjian gushi (...)
5Il était une fois une famille composée d’une mère et de ses quatre filles : l’aînée s’appelait « Époussette », la deuxième « Balayette », la troisième « Chevillette », et la benjamine « Cramponnette »8.
Un jour, la mère dit à ses filles : « C’est l’anniversaire de votre grand-mère. Je vais lui rendre visite à cette occasion. Vous restez bien sagement à la maison. » Sur ces mots, elle s’en fut en emportant un panier.
À mi-chemin, la mère rencontra une énorme tigresse qui se mit à bavarder avec elle en affichant un sourire de circonstance : « Grande sœur, où t’en vas-tu comme ça ?
— Je vais rendre visite à ma mère.
— Et qu’est-ce qu’il y a dans ce panier ?
— Des jiaozi9 que j’ai préparés pour elle. »
La tigresse continua de l’interroger : « Grande sœur, dis-moi, qui y a-t-il d’autre dans ta famille ?
— Nous sommes cinq. J’ai donc quatre filles : l’aînée qui s’appelle « Époussette », la deuxième « Balayette », la troisième « Chevillette », et la benjamine « Cramponnette », lui dit la mère en énumérant les noms de ses filles.
À l’évidence, la tigresse nourrissait de noirs desseins, mais elle feignit la gentillesse : « Grande sœur, vous avez une puce sur la nuque. Laissez-moi vous en débarrasser. » Mais sur ces mots, la tigresse poussa un rugissement et referma d’un coup ses mâchoires sur la nuque de la mère ; elle serra de toutes ses forces et la tua. Puis elle se reput des jiaozi dans le panier.
La nuit tombée, la tigresse enfila les vêtements de la mère et, se faisant passer pour elle, se présenta à la porte de la maison. Elle frappa en imitant la voix de la mère : « Époussette ! Balayette !! Ouvrez-moi la porte ! » La tigresse préparait quelque mauvais coup ! Mais sa voix ne ressemblait pas à celle de la mère, si bien que l’aînée et la deuxième sœur se méfiaient. Elles répondirent par une ritournelle : « Voix de l’est, voix de l’ouest… Notre mère, point tu n’es ! … et ne lui ouvrirent pas la porte. »
Voyant que les aînées étaient difficiles à duper, la tigresse héla alors les deux cadettes : « Chevillette ! Cramponnette ! Ouvrez-moi ! »
Chevillette ne réagit pas, mais Cramponnette, trop jeune pour réfléchir, pensa que c’était sa mère qui était de retour, et elle courut lui ouvrir.
Une fois entré dans la maison, la tigresse grimpa sur le kang10 pour dormir avec la plus jeune. Cramponnette, se retournant dans sa couche, heurta légèrement la tête touffue de la tigresse. Surprise, elle demanda : « Maman, d’où viennent tous ces poils sur ta tête ? » La tigresse répondit : « C’est le chapeau de fourrure que ta grand-mère m’a donné parce qu’elle avait peur que j’aie froid. » Cramponnette allongea le bras et, touchant le ventre de la tigresse, lui demanda : « Et tu as des poils ici aussi ?
— C’est le manteau de fourrure que ta grand-mère m’a donné ! » dit la tigresse.
Peu après, Cramponnette, tendant la jambe, heurta la queue de la tigresse : « Maman, qu'est-ce que c’est cette chose ? Que c’est long… » La tigresse répondit : « C’est un rouleau de lin que m’a donné votre grand-mère. Je ne pouvais plus le porter, alors je l’ai accroché à ma ceinture. » La tigresse eut peur d’être démasquée si Cramponnette continuait de l’interroger ainsi : « Ne me pose plus de question, lui dit-elle, il est tard, dors vite maintenant... »
Une fois que les enfants se furent endormis, la tigresse ouvrit grand sa gueule et tua d’un coup Cramponnette, qu’elle croqua à belles dents. Les trois sœurs furent soudain réveillées par les bruits de mastication que faisait la tigresse en train de broyer les os. Chevillette lui demanda : « Maman, qu’est-ce que tu manges ?
— Je mange les jujubes de grand-mère. »
Elle jeta ensuite à chacune des filles l’un des orteils. Les enfants, en y goûtant, comprirent alors que cette « maman » n’était pas un être humain. Que faire ? Époussette eut une idée pour se sauver. Elle dit à la tigresse : « Maman, maman ! Il faut que je sorte faire pipi ! » La tigresse la crut et lui dit : « Vas-y. » Époussette descendit alors du kang, ouvrit la porte, s’enfuit dans la cour et grimpa dans un arbre. Une fois sa grande sœur partie, Balayette dit alors : « Maman, maman ! Moi aussi il faut que je sorte faire pipi !
— D’accord, mais reviens vite ! » Et la deuxième sœur s’en fut.
Voyant que ses deux sœurs étaient parties, Chevillette fut prise d’inquiétude : « Maman, maman ! Moi aussi je sors faire pipi ! » Et, sans même attendre la permission de la tigresse, elle descendit du kang et courut dehors.
Après avoir entièrement dévoré Cramponnette, la tigresse qui essuyait ses babines réalisa que les trois sœurs n’étaient pas encore revenues. Elle courut alors dans la cour et cria en direction de l’arbre : « Mes filles, comment avez-vous fait pour grimper dans cet arbre ? Montrez à maman comment faire qu’elle y grimpe aussi ! »
Mais les trois sœurs n’étaient pas si bêtes. Après s’être entretenues à voix basse, elles dirent à la tigresse : « Va chercher la corde de chanvre accrochée à la poutre de la maison. Nous allons te hisser jusqu’à nous. »
La tigresse alla chercher la corde, la noua autour de sa taille, et jeta ensuite l’autre bout aux fillettes. Époussette, Balayette et Chevillette hissèrent alors la tigresse en y mettant toute leur force — mais, arrivées à mi-hauteur, elles lâchèrent soudain la corde. Elles répétèrent leur manœuvre deux fois, trois fois, jusqu’à ce que, à la cinquième fois, la tigresse mourut dans la chute.
Époussette, Balayette et Chevillette descendirent alors de l’arbre. Elles trainèrent le corps de la tigresse dans l’arrière-cour et l’y enterrèrent. Plus tard, un chou poussa à l’endroit où le corps était enfoui : avec le temps, ce chou grandit, grandit et, énorme, finit par peser une vingtaine de livres. Un beau jour, un marchand ambulant passa devant chez elles et les trois sœurs échangèrent le chou contre un sachet d’aiguilles.
De retour chez lui avec le chou, le marchand, dit à sa femme : « Il n’y a rien à manger aujourd’hui. Fais donc cuire ce chou ! » Son épouse prit un couteau et, d’un coup, coupa le chou. Devinez ce qui s’est passé ? Une fillette en est sortie ! Et elle s’est mise à les supplier : « Père, mère, ne me tuez pas ! Gardez-moi plutôt pour veiller sur votre maison ! »
C’était Cramponnette !
À partir de ce jour, elle vécut dans cette famille comme si elle avait été leur propre enfant…11
Un frère et une sœur aux prises avec un xiaye
- 12 Xiaye [女下]耶. Dans la langue des Zhuang, le xiaye est un monstre à poils longs entre le gorille et l (...)
- 13 Dajie 達姊 dans la langue des Zhuang signifie la sœur et Tenong 特儂, petit frère.
6Autrefois, nous, les Zhuang, nous vivions au milieu des forêts où l’on trouvait non seulement des bêtes sauvages, mais aussi des xiaye12, ces monstres qui dévorent les humains.
Au pied d’une montagne, à la lisière de la forêt, vivait une famille de quatre personnes : le père, la mère, une fille et un garçon. La fille se prénommait Dajie, et le garçon Tenong.13 Un jour, les parents partirent très loin, chez un parent proche, à l’occasion d’un enterrement, laissant la sœur et son frère, Dajie et Tenong, à la maison. Avant leur départ, les parents leur dirent : « Si vous avez peur cette nuit, allez de l’autre côté de la montagne appeler votre grand-mère pour qu’elle vienne passer la nuit avec vous. »
La forêt était silencieuse. La journée qui s’étirait en longueur n’était pas encore finie que Tenong, n’en pouvant plus, commença à pleurer. Pour le réconforter, Dajie dit à son petit frère : « Ne pleure pas. On va jouer à porter un bébé. » Elle prit le chat domestique et l’attacha sur le dos de son frère. Mais au bout d’un moment, Tenong se lassa du jeu, et se remit à pleurer. Dajie lui dit alors : « Bon, on va chercher grand-mère ensemble. » Tenong essuya ses larmes et, avec sa sœur, se mit en route pour aller chercher leur grand-mère derrière la montagne.
Les deux enfants n’étaient jamais allés chez elle. Ils se souvenaient seulement des propos de leurs parents disant qu’il fallait grimper la montagne derrière la maison. Ils l’escaladèrent sans ménager leurs efforts et atteignirent le sommet à grand peine — mais de là, ils ne voyaient toujours que la forêt, immense et ténébreuse.
« Grand-mère, grand-mère, où es-tu ? » cria Tenong en direction de la forêt — mais la forêt ténébreuse restait silencieuse. Ce n’est qu’après un long moment que leur revint l’écho de leur propre voix depuis une montagne lointaine.
Or, à cette époque, il y avait justement un xiaye dans cette forêt qui n’avait plus mangé de chair humaine depuis des lustres. Quand il entendit les cris des enfants et voyant que personne ne leur répondait, il se dit : « Pourquoi ne pas prendre la place de cette grand-mère ? » Aussi, quand Tenong appela de nouveau, le xiaye leur répondit en imitant la voix d’une vieille femme : « Mes petits-enfants, c’est vous qui m’appelez ? » Tenong voulut répondre aussitôt mais sa sœur l’en empêcha. Elle lui dit : « Dans la forêt, il y a souvent des xiaye qui dévorent tous ceux qu’ils rencontrent sur leur chemin : il ne faut pas répondre à tort et à travers ! » Les enfants ne lui répondant pas, le xiaye continuait de crier : « Mes petits-enfants, pourquoi appelez-vous votre grand-mère ? » Pensant que sa sœur était trop peureuse, Tenong ne l’écouta pas et répondit : « Papa et maman sont partis à l’enterrement d’un parent. Nous sommes venus te chercher pour que tu passes la nuit avec nous à la maison. » Le xiaye, tout content, leur dit alors : « Je suis en train de ramasser des herbes et des branchages dans la forêt. Venez m’aider ! » Tenong voulut y aller mais Dajie ne le laissa pas partir. Elle lui dit à voix basse : « Sa voix rauque ne ressemble pas à celle de notre grand-mère. Demandons-lui de sortir de la forêt. Si c’est notre grand-mère, nous l’aiderons. Sinon, nous nous sauverons ! » Sur ces mots, elle cria alors en direction de la forêt : « Grand-mère, nous sommes très fatigués après notre escalade et nous voulons nous reposer un peu. Si tu as de l’eau, amènes-en nous s’il te plaît. » Le xiaye, n’osant pas se montrer en plein jour à l’extérieur de la forêt, inventa alors un mensonge : « J’ai déjà fini l’eau de ma calebasse. Si vous avez soif, vous n’avez qu’à aller manger quelques cannes à sucre au bout du champ ! Puis vous rentrerez chez vous et je vous rejoindrai ce soir après avoir fermé ma maison. »
L’entendant dire qu’il y avait des cannes à sucre à manger, Tenong entraîna aussitôt sa sœur pour aller en couper quelques-unes qu’ils épluchèrent sur le chemin du retour. Mais Dajie se tenait sur ses gardes : elle avait toujours des doutes sur cette grand-mère. C’est pourquoi, à chaque fois qu’elle recrachait les fibres de canne, elle les faisait disparaître dans les buissons au bord du sentier — tandis que Tenong, qui était ingénu et ne se méfiait de rien, recrachait les fibres directement sur le chemin.
La nuit tomba. Le xiaye sortit de la forêt et, suivant les fibres de cannes à sucre, arriva devant la maison des enfants. Reprenant le rôle de la grand-mère, il frappa à la porte : « Toc toc »
« Qui est-ce ? demanda Dajie.
— C’est grand-mère ! répondit le xiaye.
— Grand-mère est arrivée ! » Tout joyeux, Tenong courut ouvrir la porte, mais sa sœur l’en empêcha à nouveau. « Notre grand-mère a une voix claire. Pourquoi ta voix est-elle rauque ? lui demanda-t-elle.
— J’ai ramassé des herbes et des branchages pendant plusieurs jours et je me suis fait mal au dos, alors j’ai mangé des graines de soja grillées et j’ai bu de l’alcool : voilà pourquoi ma voix est enrouée !
— D’accord, mais passe d’abord ta main par la chatière de la porte que nous y jetions un coup d’œil : nous te l’ouvrirons sans faute si tu es notre grand-mère ! » dit la sœur.
Le xiaye n’eut d’autre choix que de s’accroupir et de passer une main à travers la chatière. Mais il n’osa pas en montrer davantage, car une couche épaisse de poils noirs couvrait son avant-bras. Dajie, touchant sa main, trouva qu’il avait la peau rude : elle demanda à son petit frère de la toucher également. Et ce dernier s’écria avec stupeur : « Non, non ! La main de notre grand-mère n’est pas aussi rude ! »
Le Xiaye retira alors aussitôt sa main et expliqua : « Grand-mère va tous les jours dans la forêt pour ramasser des herbes et du bois. Comment ses mains pourraient-elles ne pas être rudes ? » Mais le xiaye savait qu’il ne pourrait pas berner les enfants et eut une idée : il mordilla d’abord ses griffes de ses dents aiguisées. Puis il fit le tour de la maison et repéra une ruche dont il sortit un cadre qu’il écrasa : avec la cire, il se frotta alors les mains jusqu'à ce que sa peau devienne bien lisse, puis il retourna devant la porte et dit : « Mes petits-enfants. Grand-mère est là. Ouvrez-moi la porte. » Dajie lança un regard à Tenong. « Si tu es notre grand-mère, passe ta main à travers la chatière pour nous la montrer. »
Le xiaye passa la main à travers la chatière. Tenong s’avança et la toucha : il n’y avait plus de griffes et la paume était lisse. Il appela alors sa sœur pour qu’elle vérifie. Effectivement, la peau était plus lisse. Elle hocha la tête et Tenong ouvrit aussitôt la porte. Quand celle-ci s’entrouvrit, la lumière de la maison éclaira l’entrée. Alors le xiaye, pour éviter que les enfants n’aient peur et ne prennent la fuite en voyant son corps hirsute, saisit le heurtoir pour empêcher que la porte ne s’ouvre complètement : « Mes petits-enfants, mes yeux malades ne supportent pas la lumière… Éteignez d’abord avant que je n’entre dans la maison ! »
Tenong, qui voulait que sa grand-mère entre tout de suite pour les accompagner pendant la nuit, s’empressa d’éteindre la lampe. Le xiaye entra alors dans la maison et ferma aussitôt la porte de l’intérieur. Dajie chercha un tabouret dans le noir et l’apporta à sa grand-mère : « Assieds-toi, grand-mère. » Or, le xiaye ne pouvait pas s’assoir sur le tabouret à cause de sa longue queue : « J’ai un furoncle à la fesse, je ne peux pas m’asseoir sur ce tabouret. Trouvez-moi donc une cage à poule ! » dit-il. Tenong répondit : « La cage se trouve dans le coin de la porte, mais elle est pleine de poules, c’est difficile de la déplacer.
— Alors, je vais aller la chercher moi-même. »
Le xiaye avança à tâtons dans l’obscurité jusqu’au coin de la porte. Elle s’assit sur la cage et y laissa pendre sa longue queue — les poules caquetaient à cause de sa queue qui remuait.
« Pourquoi les poules sont-elles si agitées ? demanda Dajie.
— À cause du furoncle sur mes fesses : ça sent mauvais ! Et comme elles le picorent, grand-mère doit les chasser de la main ! »
Tenong, gagné par le sommeil, donna son chat au xiaye et, au contact de ses poils, remarqua que son corps était hirsute. Il lui demanda alors : « Grand-mère, pourquoi as-tu tant de poils sur le corps ? » La grand-mère dit : « C’est qu’il fait froid dans la forêt : penses-tu que Grand-mère pourrait supporter le froid de la nuit sans porter un manteau de fourrure ? J’étais tellement pressée de venir ce soir que, dans la hâte, j’ai mis mon manteau à l’envers. » Tenong, ne se doutant de rien, confia son chat au xiaye et déclara qu’il allait se coucher. Dajie n’eut d’autre choix que de l’accompagner. Elle s’allongea près de lui.
Le xiaye se mit aussi au lit mais, comme la couverture était petite, il dut se coucher tout seul de l’autre côté du lit. Il n’avait plus mangé de chair humaine depuis bien longtemps et avait l’intention de ligoter les enfants pendant leur sommeil et de les ramener dans la forêt afin de pouvoir faire bonne chère. Mais comme Dajie était toujours éveillée, il ne trouvait pas l’occasion de passer à l’acte. Plus il y pensait, plus il salivait. Il avait si faim qu’il tordit le cou du chat pour le dévorer chair et os. Entendant les bruits de mastication, Dajie s’alarma : « Grand-mère, que manges-tu ? » Le xiaye, voyant qu’elle était vigilante, lui mentit : « J’ai encore des graines de soja grillés avec moi. Je grignote un peu…
— Donne-m’en quelques-unes.
— Non, le soja grillé est mauvais pour les dents des enfants. »
Tandis qu’il dévorait le chat, le sang dégoulinant de sa gueule coulait partout dans le lit. Dajie demanda : « Grand-mère, pourquoi le lit est-il mouillé ?
— Grand-mère est vieille et ne peut plus retenir son urine, elle a mouillé le lit. » Dajie tâta le lit et tomba sur quelque chose qui ressemblait à un morceau de boyau.
« Grand-mère, qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est la cordelette qu’utilise ton petit frère pour attacher le chat. Elle est imbibée d’urine. »
Dajie eut des soupçons car la cordelette était humide et visqueuse. Elle la renifla et sentit l’odeur du sang : c’étaient les boyaux du chat ! Le xiaye les avait bien dupés. Elle voulut aussitôt prendre la fuite, mais Tenong dormait encore. Devant l’urgence de la situation, elle eut une idée. Elle pinça fort les fesses de son petit frère et lui cria : « Lève-toi tout de suite ! » Le xiaye fit semblant de se fâcher : « Pourquoi le réveilles-tu en pleine nuit ?
— Grand-mère, son vêtement est tout mouillé de ton urine. Je le réveille pour qu’il se change.
— Il fait noir comme dans un four. Ce n’est pas la fin du monde si ses vêtements sont un peu mouillés !
— Grand-mère, mon petit frère a une santé fragile. Même si c’est seulement un peu mouillé, il va attraper froid et se mettre à tousser. Tu es âgée et fragile, toi aussi. Cela ne te va pas te réveiller s’il tousse cette nuit ? » Le xiaye n’eut d’autre choix que d’accepter. Mais, pour éviter qu’elle ne prenne la fuite, il attacha en secret une corde à sa natte. « Alors, fais vite. Une fois ses vêtements changés, vous vous recoucherez tout de suite, sinon vous allez prendre froid. »
Dajie tira Tenong du lit. Mais sentant que quelque chose la gênait, elle toucha ses cheveux et réalisa que sa natte avait été attachée par le xiaye. Elle dénoua la corde en catimini et l’attacha au pied du lit. Puis, poussant son frère, ils se dirigèrent vers l’échelle du grenier et l’escaladèrent pour aller se cacher sous le toit.
Comme les deux enfants ne revenaient pas, le xiaye tira sur la corde mais celle-ci ne bougea pas. Il appela, mais personne ne lui répondit. Il comprit alors que les deux enfants s’étaient cachés. Il se leva, avança à tâtons dans le noir et renifla partout.
Cachée sous le toit, Dajie entendit les pas trainants du xiaye dans la maison. Et c’est alors qu’elle se souvint qu’elle avait oublié de remonter l’échelle. Si le xiaye montait dans le grenier, ils n’auraient plus les moyens de se sauver. Elle allait retirer l’échelle lorsque le xiaye la repéra. Tous les deux se la disputèrent violemment. Mais bien évidemment, Dajie avait moins de force que le xiaye qui lui arracha finalement l’échelle des mains. Dans la dispute, Dajie tomba à la renverse sur un tas de citrouilles qui se trouvait juste à côté.
Le jour se levait peu à peu, si bien que Dajie et Tenong pouvaient maintenant distinguer le monstre noir et hirsute en bas de l’échelle. Tenong prit peur et Dajie était paniquée. Le xiaye, tout à sa joie, rugit alors : « Petits chenapans, vous voulez vous cacher ? Je vais vous attraper tous les deux et m’offrir un bon repas dans la forêt ! » Il commença à grimper et, lourd comme il l’était, les deux enfants n’arrivèrent pas à renverser l’échelle. C’est alors que, par mégarde, ils heurtèrent le tas de citrouilles dont l’une, en tombant, alla directement frapper la tête du xiaye, lui faisant perdre l’équilibre. En voyant cela, Dajie dit à son frère : « Vite, jette les citrouilles à la tête de ce monstre. »
Les deux enfants s’empressèrent de jeter les citrouilles sur le xiaye. Quand la première citrouille lui tomba sur la tête, le xiaye poussa un cri étouffé mais ses mains continuaient de serrer bien fort l’échelle. La deuxième citrouille tomba sur ses mains qui lâchèrent prise, mais ses pieds étaient encore fermement accrochés. La troisième citrouille frappa directement sa poitrine, déséquilibrant son corps ; la quatrième citrouille atteignant ses pieds, il finit par tomber par terre. Les deux enfants récupérèrent difficilement l’échelle. Et comme il faisait désormais grand jour, le xiaye, défiguré, mais craignant que les parents ne rentrent, se hâta de repartir dans la forêt.
Lorsque les parents, rentrés à la maison, apprirent que les deux enfants avaient triomphé du xiaye, ils leur dirent : « Le xiaye est un monstre retors. Pour ce qui est de la force, vous ne pouvez pas rivaliser ; quant à vos mains, elles n’ont pas de griffes, et pour ce qui est de vos jambes, vous courez moins rapidement que lui. Face à lui, vous ne pouvez recourir qu’à votre intelligence et à votre perspicacité ainsi qu’à votre courage et à votre sang-froid pour l’affronter. »
- 14 Collecteur et arrangeur : Lan Hongen 藍鴻恩. Source : Zhongguo minjian gushi quanji – Guangxi gushi ji(...)
7Quelque temps après, les parents demandèrent à Dajie d’aller faire paître les bœufs et à Tenong d’aller acheter du sel, si bien que les deux enfants durent à nouveau s’éloigner de la maison. Dajie faisait paître ses bœufs à la lisière de la forêt mais, comme le soleil tapait très fort, les bœufs coururent se mettre à l’abri dans les bois, si bien que Dajie dut pénétrer dans la forêt pour aller les chercher. Quant au xiaye, fou de rage d’avoir été battu à plate couture par les deux enfants et qui ne pensait qu’à trouver l’occasion de se venger, il se trouvait dans la forêt au même moment. Apercevant au loin Dajie qui était en train de courir après ses bêtes dans la forêt, il décida de se cacher dans les environs. Quand la jeune fille s’approcha de lui, il se précipita et s’empara d’elle. Il poussa un rugissement de joie.
Dajie se souvint alors des conseils de ses parents : il fallait garder son sang-froid, faire preuve de courage, d’intelligence et de perspicacité pour combattre le monstre. Aussi resta-t-elle impassible. Quant au xiaye, défiguré par les citrouilles seulement quelques jours plus tôt, le sang lui montait à la tête dès qu’il rugissait de joie, ce qui provoquait chez lui des démangeaisons désagréables, si insupportables qu’il devait lâcher une main pour se gratter. Dajie lui dit alors : « Xiaye, xiaye, tu pourras me dévorer quand tu voudras. Mais ce ne sera pas agréable de le faire dans ces conditions. Laisse-moi d’abord t’aider à te débarrasser de tes poux. Après quoi, tu auras tout le temps de me dévorer. »
Le xiaye trouva qu’elle avait raison. Mais, craignant que l’enfant ne prenne la fuite, il lui dit : « Monte dans cet arbre. Je vais m’installer sur l’embranchement. »
Le xiaye s’assit à califourchon sur l’embranchement comme sur une chaise à dossier. Pensant que Dajie ne pouvait pas descendre de l’arbre sans passer par lui, il la laissa tranquillement l’épouiller. Dajie, qui avait une idée derrière la tête, le débarrassait de ses poux tout en lui massant le crâne de temps en temps pour son plus grand bonheur. Or, dans le même temps, Dajie tissait peu à peu une natte avec ses longs poils et les nouait à une fourche de l’arbre. Quand sa manœuvre fut terminée, elle descendit de l’arbre en se balançant de branche en branche et prit la fuite.
La voyant s’enfuir, le xiaye se leva pour la rattraper : quelle ne fut pas sa surprise quand il vit que ses poils étaient attachés à la fourche de l’arbre — impossible de se libérer, impossible de partir. Fou de rage, il ne put se libérer qu’en usant de toutes ses forces. Mais cette évasion lui coûta très cher : non seulement les poils de son crâne furent tous arrachés, mais il ne restait plus grand-chose de la peau, si bien que sa tête dégoulinait de sang et qu’il ressentait une douleur vive et aiguë. Il voulut encore chasser la jeune fille, mais celle-ci avait déjà sauté sur le dos d’un de ses bœufs. Elle donna une claque sur son arrière-train et la bête, la queue dressée en l’air, sortit de la forêt en courant.
Fou furieux, le xiaye sortit de la forêt pour la poursuivre. Mais voyant que Dajie, à califourchon sur son bœuf, avait franchi la rivière, il comprit qu’il ne pourrait plus la rattraper et il décida de faire une pause. Lorsqu’il réalisa qu’il saignait abondamment, il prit une feuille de bananier qu’il enroula autour de sa tête en guise de pansement. À cet instant, il vit au loin arriver un enfant — c’était justement Tenong qui était parti acheter du sel. Celui-ci n’avait pas remarqué le xiaye avant de se retrouver juste devant lui, car il ne pensait qu’à rentrer au plus vite à la maison. Son cœur se mit à battre la chamade en le voyant, mais il pensa aux paroles de ses parents : il fallait garder son sang-froid, faire preuve de courage, d’intelligence et de perspicacité pour combattre le monstre. Aussi resta-t-il impassible. Et lorsque le xiaye, l’ayant attrapé d’un coup, ouvrit sa gueule et s’apprêta à le croquer, Tenong lui dit : « Xiaye, veux-tu du sel ?
— Ne comprends-tu pas que je vais te dévorer ?
— Mais sans sel, la chair est beaucoup moins bonne. » Le xiaye, qui n’avait jamais goûté de sel, demanda : « Du sel ? Qu’est-ce que c’est ? » Tenong lui montra le sel qu’il venait d’acheter : « Non seulement le sel améliore le goût de la viande, mais il peut s’utiliser comme onguent. Qu’on soit blessé, qu’on souffre de contusions ou de saignements, il suffit d’appliquer une couche de sel et tout va mieux ! » Le xiaye lui lança un regard incrédule.
Tenong continua : « Tu n’as qu’à en prendre un peu pour goûter ! » Le xiaye prit vraiment du sel et le mit dans sa gueule. Trouvant que le goût était bon, il demanda à Tenong : « Le sel peut-il vraiment soigner les blessures, les contusions et les saignements ?
— Bien-sûr, dit Tenong. Chez nous, c’est comme cela qu’on les soigne. » Le xiaye enleva le pansement de feuilles de bananier et, lui montrant sa tête ensanglantée, lui demanda : « Et ça aussi ?
— Oui !
— Alors, applique-moi un peu de sel dessus. »
Tenong ajouta : « Pendant que j’appliquerai le sel, tu masseras ta tête avec tes mains. Plus le sel pénètrera profondément, plus vite tu guériras ! » Le xiaye s’assit alors par terre et, tandis que Tenong saupoudrait le sel, il massait bien fort de ses pattes. Mais plus il massait, plus il souffrait — jusqu’à ce qu’il ressentît une douleur si violente et si vive qu’il finit par se rouler par terre. Tenong en profita alors pour s’échapper.
Le Xiaye qui se tordait de douleur sur le sol effraya un buffle qui quitta alors son bain de boue pour aller se réfugier dans la rivière. Le xiaye pensa : « Ce buffle couvert de boue est devenu tout propre après s’être baigné dans l’eau. Est-ce que ma tête irritée par le sel ne sera pas également nettoyée si je fais de même ? À cette pensée, il sauta dans la rivière — « plouf ! » … mais il ne remonta plus à la surface, car il n’avait jamais appris à nager !14
Le soleil et la lune
- 15 Les premières arbalètes apparaissent en Chine dès la Période des Royaumes combattants (Ve siècle av (...)
8Jadis, les hommes vivaient dans des forêts très denses, au milieu de nombreux animaux sauvages parmi lesquels les eluoluoma 俄羅羅瑪dont la particularité était de s’en prendre souvent aux humains.
Vous vous demandez ce que c’est qu’un eluoluoma ? C’est une bête sauvage plus grande qu’un homme, au corps encore plus robuste et trapu que celui d’un buffle et aux poils très longs. Quand la femelle a des petits, elle lance ses mamelles qui, d’ordinaire, touchent presque le sol, jusque sur son dos pour allaiter ses petits. Quand ils mangent, ils font autant de bruit qu’un porc, déchirant leurs proies de leurs dents carnassières. Comme ils ne sont bons à rien, ils ne savent rien faire d’autre que de voler nos récoltes, notre maïs et notre sarrasin… Et il leur arrive parfois aussi d’attraper un homme qu’ils emmènent au loin pour le dévorer vif…Tout le monde a peur d’eux.
Il était une fois une famille de l’ethnie Hani qui avait deux enfants. L’aînée s’appelait Yuebai, le cadet Yueluo. Les enfants étant nés tous les deux le jour du mouton, on leur avait donné un prénom comportant le caractère 约 yue, « mouton ». Comme l’aînée avait un visage à la peau très claire, aussi éclatante que de l’argent, on avait ajouté à son prénom le caractère 白 bai, « blanc », pour l’appeler Yuebai ; le garçon portait quant à lui tous les espoirs de ses parents qui, s’ils l’avaient pu, l’auraient fait passer à l’âge adulte en une journée. C’est pourquoi ils avaient ajouté à son prénom le caractère 罗 luo, « Prospérité », pour l’appeler Yueluo. Les deux enfants étaient à la fois intelligents et dégourdis, et aussi charmants l’un que l’autre.
Quand le maïs de la famille fut mûr, le père prit son arbalète15 et ses carreaux pour aller le surveiller, car tous les ans, les eluoluoma venaient dévorer la récolte. Le père devait être sur ses gardes. Et de fait, un couple d’eluoluoma — les plus rusés — se trouvait là, venu comme les années précédentes manger le maïs de la famille de Yuebai. Alors qu’ils étaient en train de se régaler, la femelle dit au mâle : « Père de mon enfant ! Quelqu’un est en train d’armer son arbalète, j’ai entendu le déclic de la corde qu’on cale sur l’arbrier !
— Mais non, mais non. C’est le vent qui souffle dans les feuilles de maïs.
— Sauvons-nous vite ! Je viens d’entendre le bruit du carreau qu’on installe sur l’arbrier !
— Mais non, c’est le bruit d’une pierre sous tes pieds. » Or, juste à cet instant, un carreau arriva dans un sifflement et se planta tout droit dans la nuque du mâle qui tomba raide mort.
« Malheur ! Père de mon enfant ! Quelle mort horrible, quelle mort désolante ! Il me faut te venger ! »
Dès lors, la femelle eluoluoma vint chaque jour dans la montagne, se tenant aux aguets, dans l’espoir de venger le père de ses petits.
Un beau jour, le père de Yuebai et Yueluo se rendit jusqu’au col de la montagne pour chasser. L’eluoluoma se transforma alors en une biche et surgit soudain devant lui en poussant deux raires sonores. Le père la poursuivit. La biche courut jusqu'au pied d’une vielle falaise et disparut soudain. « C’est étrange, je l’ai pourtant bien vue courir jusqu’ici… Comment a-t-elle pu disparaître ? Est-ce que j’hallucine ? » Il la cherchait partout quand un gros rocher tomba de la falaise dans un énorme fracas et l'écrasa.
Le père de Yueluo et Yuebai une fois mort, l’eluoluoma s’en fut tuer leur mère. Profitant de ce qu’elle était allée au potager pour cueillir des légumes, elle lui sauta à la gorge, la mordant à mort. Puis elle ôta ses vêtements, se glissa dedans et s’en alla duper Yueluo et Yuebai.
- 16 Dans la tradition des Hani, les résidus brûlés du fond de casserole sont censés chasser les mauvais (...)
- 17 Abo 阿波 dans la langue des Hani signifie littéralement « grand-père ». Mais dans notre contexte, c’e (...)
- 18 Le texte original suggère donc le sens de « la mer » (da hai 大海) pour ce terme. Nous avons cependan (...)
- 19 La transcription de ce terme en chinois est « 納西七尼賈納 ».
- 20 Api 阿匹 : dans la langue des Hani, Api désigne une vieille femme.
9Quand les adultes Hani partaient travailler, leurs enfants restaient jouer à la maison, la porte étant fermée de l’intérieur pour éviter que les eluoluoma ou quelque autre bête sauvage ne viennent s’emparer d’eux. Yueluo et Yuebai attendirent que le soleil se fut couché, puis, ne voyant pas leurs parents rentrer, ils attendirent encore que les étoiles apparaissent dans le ciel mais ils ne voyaient toujours personne revenir. Alors qu’il faisait nuit noire, ils entendirent une voix qui leur disait : « Les enfants, ouvrez vite la porte, maman est de retour ! » Yueluo et Yuebai qui avaient écouté attentivement et se dirent : « Cette voix vieille et éraillée, ça ne ressemble pas à la voix de notre mère ! » Ils répondirent alors : « La voix de notre mère n’est pas aussi désagréable : tu n’es pas notre mère, mais bien plutôt un eluoluoma de la montagne.
— Mais non, mais non. C’est que je suis fatiguée après cette journée de travail. Et comme je n’ai pas bu la moindre gorgée d’eau, ma voix s’est un peu éraillée.
— Hum… Si tu es notre mère, passe un doigt par la porte pour qu’on vérifie. »
L’eluoluoma passa un doigt par l’entrebâillement de la porte : « Tenez, tenez, vérifiez tout ce que vous voudrez ! » Les deux enfants touchèrent le doigt et s’exclamèrent : « Oh ! Que ces poils sont raides et longs ! Non, non, tu n’es pas notre mère, tu es un eluoluoma ! Notre mère n’a pas de poils aussi raides et longs sur les mains ! » L’eluoluoma retira aussitôt sa patte et en arracha les poils avant de la passer à nouveau dans l’entrebâillement de la porte : « Ce ne sont pas des poils durs qui vous ont piqué, ce sont des épines qui se sont enfoncées dans mes doigts quand je travaillais au jardin. Regardez, je les ai retirées et ma main est bien lisse maintenant. » Les deux enfants touchèrent ce doigt, mais il était suintant et visqueux comme s’il était recouvert de sang. « C’est vrai que c’est bien lisse maintenant... Mais il y a du sang ! Notre mère n’a pas les mains qui saignent comme ça. »
L’eluoluoma retira à nouveau sa patte et la lécha jusqu’à ce qu’elle soit bien propre. « Et maintenant, ça va ?
— Pas encore ! Notre mère a une bague d’or à son doigt… » L’eluoluoma prit alors un brin de paille qu’il enroula autour de son doigt : « Voilà la bague. M’ouvrirez-vous maintenant ? »
Yuebai, l’aînée, trouvait que la bague n’était guère ressemblante, mais son petit frère Yueluo, un peu naïf, la trouva ressemblante et voulut aussitôt ouvrir la porte. Dans le feu de l’action, sa sœur le gifla et il se mit à pleurer. « Mon enfant, pourquoi pleures-tu ?
— Ma sœur ne veut pas que j’ouvre la porte, et elle m’a giflé !
— Quelle méchante fille ! Attends un peu que je lui fasse son affaire ! »
Voyant que les enfants ne voulaient pas lui ouvrir la porte, l’eluoluoma grimpa sur le toit arrondi de la maison pour en arracher le chaume, puis elle se faufila à l’intérieur. Mais, alors qu’elle avait réussi à faire passer l’une de ses mamelles à l’intérieur, l’autre était restée coincée au dehors. Elle tira dessus avec force et le sang se mit à dégouliner, mais elle n’en avait cure. Une fois à l’intérieur, elle se mit à vociférer : « Pourquoi vous ne m’avez pas ouvert la porte ? Vilains petits sacripants, allez vite vous laver le visage et les pieds, et au lit ! » Les deux enfants firent leur toilette. Mais quand Yueluo fut bien propre, Yuebai le frotta avec du noir de marmite16. Yueluo se lava à nouveau, mais sa sœur recommença la manœuvre — elle voulait chasser les mauvais esprits. « Maman, j’ai bien lavé mon visage et mes pieds, mais Yuebai m’a sali avec du noir de marmite. Je me suis relavé, et elle m’a encore sali !
— Quelle idiote ! Continue de m’échauffer avec tes bêtises, et tu vas voir de quel bois je me chauffe !... Attends, mon chéri, maman va t’aider à te laver. »
La toilette terminée, tout le monde alla se coucher. Yuebai se réveilla au beau milieu de la nuit : elle entendait sa mère mastiquer à grand bruit. Elle lui demanda : « Qu’est-ce que tu manges, maman ?
— Pas grand-chose. Ton oncle nous a donné quelques fèves séchées, j’en grignote une ou deux …
— Eh bien, donne-m’en quelques-unes. »
Or, voilà que l’eluoluoma lui donna un morceau de main ! « Horreur, c’est mon petit frère qu’elle a mangé ! » pensa-t-elle. Elle mit la main de son frère dans sa large blouse et dit à l’eluoluoma : « Maman, il faut que je sorte faire pipi.
— Si c’est pour faire pipi, tu n’as qu’à le faire dans la maison.
— Mais la divinité de la maison me mordrait les fesses !
— Tu n’as qu’à le faire dans le foyer !
— Ça, le dieu du foyer ne me le pardonnerait pas ! Je vais aller me soulager derrière la maison. Si tu n’as pas confiance, attache une corde à mon bras. Quand tu la tireras, je te répondrai.
— Bon, entendu. »
L’eluoluoma attacha une corde au bras de Yuebai et la fit descendre par la fenêtre. Mais Yuebai dénoua la corde et l’attacha à la patte du chien devant la porte — et quand l’eluoluoma tira dessus, c’est le chien qui se mit à aboyer !
« Sale bête ! Qu’est ce qui te prend ? C’est ma fille que j’appelle, qu’est-ce que tu as à aboyer ? »
Yuebai prit ses jambes à son coup. Elle courut jusqu’au bout du village, et se cacha sur un kaki.
Or, l’eluoluoma l’avait poursuivie. « Descends tout de suite, ma fille. Qu’est-ce que tu fais là-haut ?
— Je mange des kakis.
— Ils sont comment ? Sucrés ou acides ?
— Sucrés.
— Donne-m ’en un !
— D’accord. Mais si je les jette par terre, ils seront tous abimés.
— Je vais les prendre dans le pan de ma chemise.
— Mais même si tu les attrapes dans le pan de ta chemise, ils seront abîmés ! Si tu veux vraiment en manger, va chercher la lance de papa. Je vais monter jusqu’à la cime de l’arbre et chercher un kaki plus gros et plus mûr pour toi.
— Bien, bien. »
L’eluoluoma apporta la lance et Yuebai la planta dans le kaki le plus gros et le plus mûr de l’arbre. « Maman, ouvre grand la bouche, je vais y mettre le kaki. » L’eluoluoma ouvrit grand sa gueule : Yuebai y plongea la lance — et la tua !
Mais même morte, l’eluoluoma ne renonça pas à son projet de vengeance. Elle se transforma en un buisson d’orties qui entourait le kaki si bien que Yuebai ne pouvait plus redescendre de l’arbre.
Au petit jour, un groupe d’hommes qui conduisait un troupeau de chevaux passa par là. « Abo, Abo17 ! Aidez-moi à descendre de cet arbre ! Si vous me sauvez, je veux bien devenir servante dans votre maison, et j’aiderai à faire la cuisine et la lessive.
— D’accord ! »
L’un des hommes lui jeta alors une peau de cuir de buffle, et elle descendit de l’arbre en s’en couvrant les pieds.
Après quoi, elle leur raconta toute son histoire. Ils lui dirent alors : « Jeune fille, cesse de pleurer. Nous n’avons pas besoin de toi comme servante. Va, va vite sauver la vie de ton frère !
— Mais comment faire pour lui sauver la vie, Abo ?
— Regarde ce grand chemin qui se prolonge en direction du soleil à son lever. Suis-le jusqu’au bout et tu verras un immense lac18. Sur ses rives pousse une plante qui se nomme « Naxiqiniguna19 » : c’est un remède qui ramène les morts à la vie. Il te suffira de poser la plante sur la main de ton frère, et il sera ressuscité.
— Abo, vous avez tellement bon cœur ! Je vous remercierai toute ma vie ! »
Yuebai suivit le chemin qu’on lui avait indiqué jusqu’au lac, là où se levait le soleil. Elle y vit une plante portant sept fleurs, certaines de couleur rouge, d’autres de couleur blanche, et qui scintillaient au soleil. Les fleurs rouges brillaient d’un éclat rouge tandis que les fleurs blanches brillaient d’un éclat blanc. Elle cueillit une fleur rouge et la déposa sur la paume de son frère : celui-ci revint alors à la vie !
Yuebai et Yuluo discutèrent ensuite un long moment pour conclure : « Ce monde est trop rude, trop pénible, et il grouille d’eluoluoma. Nous devrions aller dans un endroit où il n’y a pas ces monstres, quitter à jamais ce lieu de souffrance et de misère. » Mais les deux enfants ne savaient comment s’y prendre. C’est alors que passa par là une vieille femme, une Api20.
« Api, Api, connaissez-vous le moyen de quitter cet endroit qui grouille d’eluoluoma ?
— Le seul endroit où il n’y a pas d’eluoluoma, c’est dans l’au-delà.
— Et comment faire pour se rendre dans l’au-delà ?
— Il est facile d’y aller. Il suffit de manger de la fleur du « Naxiqiniguna » et vous y arriverez. »
Yueluo cueillit l’une des fleurs rouges et la mangea. Son corps devint alors brûlant et prit une couleur rouge feu. Puis il s’envola dans les airs, jusqu’au soleil, et devint le dieu du soleil… Eh oui, le dieu du soleil, c’est Yueluo ! Quant à Yuebai, elle cueillit une des fleurs blanches, et après l’avoir mangée, tout son corps s’illumina. Elle aussi s’envola dans les airs, jusqu’à la lune... La déesse de la lune, c’est Yuebai !
10La sœur et le frère avaient quitté à jamais cette terre de misère et de souffrance avec ses eluoluoma pour pouvoir enfin mener une meilleure vie. Mais voilà qu’ils se lancèrent à nouveau dans une discussion : « Comment faire pour empêcher les eluoluoma de dévorer les humains ? » Ils décidèrent alors d’œuvrer en alternance : l’un sortirait le matin, et l’autre le soir pour que le monde soit toujours illuminé — les eluoluoma, voyant toujours la lumière, n’oseraient plus faire du mal aux hommes.
« Mon frère, dit Yuebai, tu sortiras la nuit.
— Non, ma sœur, j’ai peur la nuit. Entouré de toutes parts par l’obscurité, jamais je n’oserai sortir tout seul ! Vas-y, toi, vas-y !
— Bon, dans ce cas, tu sortiras le jour.
— Le jour ? Mais j’ai peur aussi le jour !
— Tu as peur de quoi ?
— J’ai peur du regard des gens.
— Comment peux-tu être aussi peu courageux, tu es un homme quand même ! Bon, je te donne une poignée d’aiguilles d’or. Si tu es intimidé, tu n’auras qu’à les lancer dans les yeux de ceux qui te regardent. »
Sur ce, le frère et la sœur se séparèrent. Yueluo, le dieu du soleil, sortait le jour et Yuebai, la déesse de la lune, sortait la nuit. Ceux qui voulaient contempler Yueluo recevait dans les yeux les aiguilles d’or qu’il leur lançait. Et comme il était craintif, il cheminait vite, si bien que son corps était toujours chaud et son visage toujours rouge. Yuebai, la déesse de la lune, n’avait pas peur et cheminait paisiblement, toute seule dans la nuit. Quand elle apercevait des caravanes de chevaux qui voyageaient dans la nuit, elle illuminait soigneusement leur chemin pour exprimer sa gratitude.
11De nombreuses années passèrent, et Yueluo et Yuebai commencèrent à se sentir seuls dans le ciel, leurs beaux jours étaient derrière eux. Ils se mirent à penser à tous ces amis qu’ils avaient eus sur la terre, quel bonheur c’était d’être tous ensemble ! Mais ils ne pouvaient plus redescendre, si bien qu’il leur arrivait parfois de pleurer à fendre le cœur. Dans ces moments-là, il se mettait à pleuvoir : la pluie qui tombait du ciel, c’était leurs larmes !
- 21 Ake 阿克 désigne un chien dans la langue des Hani. C’est en même temps un terme affectif, qu’on peut (...)
12Un beau jour, Yuebai dit à Yueluo : « Mon frère, tout le monde a une âme sœur sauf nous ; tout le monde est en couple sauf nous…Soyons mari et femme !
— D’accord, ma sœur. »
Et c’est ainsi qu’ils devinrent mari et femme.
Ensemble, ils retrouvèrent le bonheur et eurent beaucoup d’enfants car à chaque naissance, il y avait soit deux bébés soleils, soit deux bébés lunes. Or le matin, tous ces soleils chauffaient tant et si bien que la terre devint toute molle et que les pierres se mirent à fondre comme de la cire d’abeille ! Et la nuit, toutes ces lunes asséchaient les rivières et les océans : partout, la terre était calcinée. Alarmé, leur chien monta alors au ciel et les réprimanda : « Vous avez fait des choses dont vous n’avez même pas honte, et tous ces enfants que vous avez eus ! N’êtes-vous finalement pas pire que les eluoluoma ?
— Cesse d’aboyer, Ake21 !
— Même si je ne le voulais pas, il me faudrait aboyer ! Sur la terre, les hommes n’en peuvent plus ! »
Yueluo et Yuebai enfermèrent alors le chien afin d’éviter qu’il aille raconter des histoires. Mais celui-ci, profitant de leur absence, dévora leurs enfants l’un après l’autre.
À leur retour, voyant que leurs enfants étaient tous dévorés, ils pleurèrent à chaudes larmes. Ils se dirent qu’ils allaient faire d’autres enfants — alors le chien, qui les avait entendus, décida de rester au ciel rien que pour dévorer les nouveaux nés au fur et à mesure qu’ils naissaient. Ainsi, le jour où le chien mange les bébés soleils, le soleil s’obscurcit : c’est une éclipse solaire ; tandis que le jour où le chien dévore les bébés lunes, c’est la lune qui s’assombrit : c’est une éclipse lunaire.
- 22 La transcription de cette phrase en chinois est « 奔瑪哈瑪戈梭惶克扎, 八苦亞耶俄都結 ».
13De nos jours, quand nous, les Hani, évoquons le dieu du soleil et la déesse de la lune, nous disons : « Ben-ma-ha-ma-ge-suo-huang-ke-zha, ba-ku-ya-ye-e-dou-jie22 », ce qui veut dire que le soleil et la lune, même s’ils sont purs comme l’eau de la fontaine, font parfois aussi des bêtises, comme coucher ensemble et avoir des enfants ; d’où cette vilaine affaire de leurs enfants que dévore le chien céleste… Même aux plus intelligents et aux plus nobles d’entre nous, il peut arriver de se prendre sur le crâne une branche sèche qui tombe d’un arbre !
Documents annexes
-
Cramponnette et ses trois sœurs (texte source) (application/pdf – 3,3M)
-
Un frère et une sœur aux prises d'un xiaye (texte source) (application/pdf – 3,7M)
-
Le soleil et la lune (texte source) (application/pdf – 1,3M)
Notes
1 Jacques Pimpaneau, Le Petit Chaperon rouge, version chinoise, sans rouge nichaperon. Courbevoie, Théâtre Typographique, 1986. Document consultable en ligne à l'URL : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_130.htm
2 Ting Nai-tung, A Type of Chinese Folktales, in the Oral Tradition and Major of Non-Riligious Classical Literature. Helzinki : Academia Scientarium Fennica, FF Communications, n. 223, 1978.
3 King Yung-hua, Minjian gushi leixing suoying 民間故事類型索引 (Classification internationale des contes populaires). Taibei : Zhongguo kouzhuan wenxue xiehui 中國口傳文學協會, réed, 2014, 4 tomes.
4 Actuellement, la plus ancienne édition existante est celle du Saoye shanfang 掃葉山房, publiée en 1803.
5 Huang Chih-chun (Zhijun), Huang Chengzeng, Annette Spacht, Günter Lontzen et Jacques Barchilon, « The Earliest Version of the Chinese « Little Red Hiding Hood »: The Tale of the Tiger-women », in Merveilles & Contes, vol. 7, No. 2 (December, 1993), pp. 513-527
6 Muriel Bloch, « La grand-mère loup », 365 contes pour tous les âges . Paris : Gallimard jeunesse/Giboulées, 1995 ; Blanche Chiu, Grand’Tante Tigre. Amboise : HongFei cultures, 2013 ; Marie Sellier, Catherine Louis, Le petit Chaperon chinois. Arles : Picquier Jeunesse, 2017.
7 Les deux premiers contes sont tirés de Chen Qinghao 陳慶浩, Wang Qiugui 王秋桂 (dir.), Zhongguo minjian gushi quanji 中國民間故事全集 (Anthologie des contes populaires chinois). Taibei : Yuanliu, 1989 ; le troisième conte est issu de Zhongguo minjian gushi jicheng 中國民間故事集成 (Compendium des contes populaires chinois). Beijing : Zhongguo wenlian, 1992.
8 Les prénoms des fillettes, en chinois, sont Tiáozhou gēda 笤帚疙瘩, Sàozhou gēda 掃帚疙瘩, Ménchagùnr 門插棍兒, Liàodiàor 釕銱兒. Ces termes (qui sont plutôt des régionalismes) ne correspondent guère à des prénoms, pas plus en chinois qu’en français, leur traduction mot à mot donnant, respectivement : « Balai à manche court », « Balai à manche long », « Loquet de porte » et « Crochet de porte ». Ces traductions fonctionnant mal, on a opté ici pour une traduction libre qui garde toutefois, au moins pour les deux aînées, le principe de la répétition de la finale « - geda », évoquée par le diminutif français « - ette » que nous avons également appliqué aux quatre prénoms pour garder autant que faire se peut la couleur du texte original.
9 Le jiaozi 餃子 est une sorte de ravioli chinois, un plat traditionnel.
10 Kang 炕, lit traditionnel en Chine du nord. C’est en fait un four à bois de taille et tout en longueur, sur lequel on installe le soir venu un couchage afin de dormir au chaud.
11 Conteur : Chen Guifang 陳貴芳 ; collecteur et arrangeur : Chen Li 陳立. Source : Zhongguo minjian gushi quanji 中國民間故事全集 – Liaoning gushi ji 遼寧故事集. Taipei : Yuanliu, 1989, t. 30, pp. 487-490
12 Xiaye [女下]耶. Dans la langue des Zhuang, le xiaye est un monstre à poils longs entre le gorille et l’ours qui dévore — entre autres — les êtres humains. NB. Le caractère xia est composé des deux éléments suivants 女 et 下.
13 Dajie 達姊 dans la langue des Zhuang signifie la sœur et Tenong 特儂, petit frère.
14 Collecteur et arrangeur : Lan Hongen 藍鴻恩. Source : Zhongguo minjian gushi quanji – Guangxi gushi ji 廣西故事集. Taipei : Yuanliu, 1989, t. 5, pp. 321-333
15 Les premières arbalètes apparaissent en Chine dès la Période des Royaumes combattants (Ve siècle av. J.-C.)
16 Dans la tradition des Hani, les résidus brûlés du fond de casserole sont censés chasser les mauvais esprits.
17 Abo 阿波 dans la langue des Hani signifie littéralement « grand-père ». Mais dans notre contexte, c’est un simple terme de politesse, une forme d’adresse à des adultes de sexe masculin.
18 Le texte original suggère donc le sens de « la mer » (da hai 大海) pour ce terme. Nous avons cependant opté pour le terme de (grand) lac, l’univers Hani se limitant au Yunnan, très éloigné de la mer.
19 La transcription de ce terme en chinois est « 納西七尼賈納 ».
20 Api 阿匹 : dans la langue des Hani, Api désigne une vieille femme.
21 Ake 阿克 désigne un chien dans la langue des Hani. C’est en même temps un terme affectif, qu’on peut utiliser tel quel.
22 La transcription de cette phrase en chinois est « 奔瑪哈瑪戈梭惶克扎, 八苦亞耶俄都結 ».
23 Conteur : Lu Chaogui 盧朝貴 (ethnie Hani) ; collecteur : Shi Junchao 史軍超 ; conte collecté dans le district de Yuanyang 元陽縣, province du Yunnan. Source : Zhongguo minjian gushi jicheng-Yunnan juan 中國民間故事集成- 雲南卷 (Compendium des contes populaire chinois, province du Yunnan). Beijing : Zhonggou wenlian, 1992, pp. 117-122
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Pour citer cet article
Référence électronique
Blanche Chia-Ping Chiu, « Trois contes contemporains sur le thème du Petit Chaperon rouge », Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/3962 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11z8d
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