Navigation – Plan du site

AccueilNuméros16Jeux des vers et de la proseUne bêtise à glorifier pour dix m...

Jeux des vers et de la prose

Une bêtise à glorifier pour dix mille générations

Le « Fu de la loche et des anguilles » (« Qiushan fu » 鰍鱔賦) et le voyage de Wang Gen 王艮 (1483-1541) à Pékin
Lucas Humbert

Résumés

Vers la fin de l’année 1522, le saunier Wang Gen 王艮 (1483-1541), nouvellement fait disciple du grand confucéen Wang Yangming 王陽明 (1472-1529) et futur fondateur de l’école dite « de Taizhou » (Taizhou xuepai 泰州學派), commit la frasque la plus éclatante de toute sa carrière : il eut l’idée de monter à Pékin, vêtu et carrossé à l’antique, pour répandre auprès des doctes et des ignorants qu’il rencontrerait en chemin la doctrine de son maître. Avant son départ, il composa, dans un genre littéraire déjà démodé à son époque, un « Fu de la loche et des anguilles » (« Qiushan fu » 鰍鱔賦), qui nous relate la glorieuse histoire d’une loche, enfermée dans la jarre d’un étal marchand, qui bondit hors de sa prison et se prend à cabrioler dans tous les sens, réveillant et délivrant les anguilles engourdies qui croupissaient en sa compagnie : ému par ce spectacle, un badaud passé par-là se met en tête de partir joyeusement au secours de ses contemporains. La prédication de Wang Gen sera un échec, pour lequel il sera morigéné, à son retour, par Wang Yangming en personne ; il battra sa coulpe, et n’entreprendra plus aucun voyage de ce genre. Toutefois, il ne fera pas disparaître ce fu, conservé en place voyante dans ses œuvres, et cet épisode ne laissera pas d’inspirer une vénération secrète chez plusieurs de ses contemporains.

Haut de page

Texte intégral

Présentation

Jusqu’à la dynastie Song, le confucianisme ne prétendait que résoudre le problème de la violence dans une société par le respect de règles appelées rites ; il ne concernait que la morale politique et n’impliquait aucune métaphysique ; il était avant tout pragmatique. Mais sous les Song, des penseurs, dont le plus célèbre est Zhu Xi (1230-1300), devant l’impact du bouddhisme qui, lui, fournissait une explication totale de l’univers, ont voulu, sur son modèle, transformer le confucianisme en une pensée elle aussi capable de rendre compte de tout, de tout justifier, c’est-à-dire qu’ils ont transformé le confucianisme en une idéologie. Ce fut une catastrophe dévastatrice. Dès lors, l’État avait à sa disposition une pensée qui lui permettait de contrôler tous les aspects de la vie et il s’en trouvait singulièrement renforcé. […] Une autocensure avant tout, et une censure pointilleuse et rigoureuse si nécessaire, furent instaurées et touchèrent tous les aspects de la vie. Le puritanisme prévalut avec ses conséquences : des perversités comme les pieds bandés des femmes et, en cas de relâchement très momentané de la pression étatique à la fin de la dynastie Ming, une littérature érotique typique des fantasmes des gens frustrés. […] Certes il y eut presque toujours, parfois au péril de leur vie, des voix pour s’élever contre les abus de gouvernants, mais ce fut toujours au nom de la morale régnante et celle-ci ne fut jamais remise en cause. Et il s’agissait d’exceptions dans une société où dominait la puissance de la famille et de l’État sur les individus. Avant cette prédominance du néo-confucianisme, la civilisation chinoise était en avance sur le reste du monde ; après, elle se referma sur elle-même et ne devint plus que le fossile d’un passé perdu.

  • 1 Jacques Pimpaneau, Anthologie de la littérature chinoise classique. Arles : Picquier, 2004, pp. 13- (...)

1Les mots que nous citons là occupent une part importante de l’introduction de Jacques Pimpaneau à son Anthologie de la littérature chinoise classique1. La lecture de l’histoire chinoise qu’ils traduisent n’est pas propre à leur auteur, mais celui-ci l’a portée avec plus de force et de cohérence que d’autres, dont l’hostilité au néoconfucianisme était le plus souvent moins déclarée. Suivant l’usage sinologique hérité du siècle dernier (et en faisant abstraction des polémiques qui l’entourent depuis plusieurs décennies), le terme de « néoconfucianisme » renvoie à un corps de doctrine attaché à systématiser le contenu des classiques confucéens et à les fonder au point de vue métaphysique, formé d’abord par une poignée de penseurs sous la dynastie des Song 宋 (960-1279), puis ratifié officiellement en 1313 — ironiquement sous la dynastie mongole des Yuan 元 (1271-1368) — avec l’adoption des exégèses de Zhu Xi 朱熹 (1130-1200) et de ses disciples pour les examens impériaux. Mais il se peut que Jacques Pimpaneau songe ici, non pas seulement à la philosophie néoconfucéenne qui reste au XIe siècle l’affaire d’un petit nombre d’hommes, mais bien au triomphe historique du mandarinat et de ses valeurs, phénomène qu’on sait bien antérieur à 1313 et qui fut la grande affaire de la dynastie des Song. Il est indéniable que, sur le long terme, férule mandarinale et férule néoconfucéenne se soient conjuguées à en devenir indissociables, en dépit de la béance qui n’échappe à personne entre l’exercice de l’autorité mondaine et la prétention, chez les meilleurs tartufes du millénaire précédent, à la pureté des procédés : de là, cette troublante ressemblance entre les dépositaires du pouvoir impérial et ceux qui s’élevèrent contre leurs abus. Mais il s’est bien trouvé quelques hommes qui, sans disposer du moindre grade officiel, croyaient trouver dans l’emphase cosmologique du néoconfucianisme la meilleure expression de leur propre générosité d’âme ; intermédiaires bénévoles entre l’État et la foule, ils tardaient quelquefois à prendre conscience de la position inconfortable qui était la leur. Le présent article entend capturer le moment d’un élan de confiance de ce genre, avant qu’il ne donne lieu à des illusions perdues ou ne se transforme en catéchisme.

  • 2 Monika Übelhör, Wang Gen (1483-1541) und seine Lehre. Eine kritische Position im späten Konfuzianis (...)
  • 3 Sur l’effigie de Confucius au temple de Qufu, voir Julia K. Murray, « “Idols” in the Temple: Icons (...)
  • 4 Wang Gen 王艮 ; Chen Hanming 陳寒鳴 (éd.), Wang Gen quanji 王艮全集. Shanghai : Shanhai guji, 2022, juan 4, (...)
  • 5 Ibid., p. 82.

2En 1507, dans un moment déjà avancé de la dynastie des Ming 明 (1368-1644), le nommé Wang Gen 王艮 (1483-1541), saunier de Taizhou 泰州 au Zhili du Sud (Nan Zhili 南直隸), se livrait dans le Shandong 山東 à des activités marchandes : contrebande de sel, prétendent les uns, commerce d’étoffes et de vêtements selon Monika Übelhör2. De passage à Qufu 曲阜, il y fait halte au Temple de Confucius (Kongmiao 孔廟) local, le seul de Chine à abriter une statue du Maître en lieu et place de sa tablette cultuelle3. En face de l’effigie, le jeune Wang Gen s’écrie : « Confucius était un homme, et moi aussi4 ! » (Fuzi yi ren ye, wo yi ren ye 夫子亦人也我亦人也). Il se procure là-dessus des éditions courantes des Entretiens (Lunyu 論語), de la Grande Étude (Daxue 大學) et du Classique de la piété filiale (Xiaojing 孝經), interrogeant ceux qu’il rencontre en chemin sur l’intelligence de ces textes5. Une nuit de 1511, nous dit sa chronologie biographique (nianpu 年譜), il fait le rêve suivant :

  • 6 Ibid., p. 83.

Le Maître rêva un soir que le Ciel s’effondrait sur son corps : tous les hommes allaient courant et hurlant au secours. Le Maître déploya alors ses bras et se leva en, supportant le poids du Ciel à la force de ses paumes. À la vue du trouble où étaient le soleil, la lune et les constellations, il y remit de l’ordre à mains nues. Les hommes se mirent alors à danser de joie et à lui témoigner leur gratitude. Il s’éveilla tout baigné de sueur, et subitement il eut l’intuition irrésistible que la constitution de notre cœur passe au travers des choses ; que tous les êtres ne font qu’un seul corps ; que l’univers se trouve en nous-même. Dans la suite, tout ce qu’il fit et ne fit pas, tout ce qu’il dit et tout ce qu’il tut tenait dans cette intuition-là6.
先生一夕夢天墜壓身,萬人奔號求救。先生獨奮臂托天而起,見日月列宿失序,又手自整佈如故,萬人歡舞拜謝。醒則汗溢如雨,頓覺心體洞徹,萬物一體、宇宙在我之念,益真切不容已。自此行住語默,皆在覺中。

  • 7 Hou Wailu 侯外廬, al. (dir.), Zhongguo sixiang tongshi : di si juan 中國思想通史:第四卷. Beijing : Renmin, 1960 (...)
  • 8 Mori Noriko森紀子, « Shōba no Tai-shū Gaku-ha » 鹽場の泰州學派, Tōhō gakubō, 1986, 58, p. 535. Monika Übelhör (...)
  • 9 Xue Xuan 薛瑄 ; Zhang Xuhui 張旭輝, Sun Dapeng 孫大鵬 (éd.), Xue Wenqing Dushulu, Xu Dushulu daodu 薛文清《讀書錄 (...)
  • 10 Cai Chen 蔡沈, Shu jizhuan 書集傳. Beijing : Zhonghua zhuju, 2017, p. 99, « Promotion de [Fu] Yue, premi (...)
  • 11 Entretiens, 7.5 ; Anne Cheng (trad.), Entretiens de Confucius. Paris : Seuil, coll. « Points », réé (...)
  • 12 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 88. Le Zhuangzi dit, selon la traduction de Jean Levi : « L’homme au (...)

3Les causes de ce sentiment spontané de désordre dans le monde ne sont pas claires. Hou Wailu 侯外廬 (1903-1987) parle d’une espèce de ferveur religieuse, nourrie par un candide sentiment d’injustice7 ; Mori Noriko 森紀子 dit, avec peut-être plus de précision, que Wang Gen se sentait alors accablé par la rébellion de Liu Liu 劉六 (?-1512) et de Liu Qi 劉七 (?-1512), qui s’était déclarée la même année dans le Zhili du Nord (Bei Zhili 北直隸), et qu’il avait rêvé d’y mettre un terme à la seule force de ses bras8. Or sous les Ming, le rêve est une thématique récurrente sous la plume de Xue Xuan 薛瑄 (1389-1464) et de Wu Yubi 吳與弼 (1391-1469), qui l’un comme l’autre font état de nuits au cours desquelles Zhu Xi en personne leur serait apparu9. Il y avait eu avant cela, sous les Shang 商 (c. 1570 av. J.-C.-1045 av. J.-C), le rêve du roi Gaozong 高宗, au cours duquel lui apparut la figure d’un « aide excellent » (liangbi 良弼) et qui donna lieu à la recherche de son ministre Fu Yue 傅說10 ; il y avait eu, en sens inverse, Confucius ayant cessé de rêver du Duc de Zhou (Zhou Gong 周公) — l’exemplaire régent du début de la dynastie des Zhou 周 (c. 1100 av. J.-C.-256 av. J.-C.) —, et s’en lamentant11. Plus d’un précédent canonique faisait intervenir le motif du songe dans la quête de la sainteté : aussi, quand Wang Gen partira au Jiangxi 江西 en 1520 prendre connaissance de la doctrine de Wang Yangming 王陽明 (1472-1529) en lui annonçant qu’il avait rêvé de leur entrevue la veille au soir, il ne s’attend vraisemblablement pas à la réponse qui lui est lancée, en une citation déformée du Zhuangzi 莊子 : « L’homme vrai ne rêve pas12 ! » (zhenren wu meng 真人無夢).

  • 13 Wang Gen, Op. cit., juan 87 4, p. 87, « Chronologie biographique ».

4La même année, un magister natif de Ji’an 吉安 et de service à Taizhou avait en effet touché mot de Wang Yangming à Wang Gen, qui se serait écrié : « Une telle chose existe vraiment ? De nos jours, les lettrés, sans exception, sont tous empêtrés dans la préparation des examens et enivrés par la petite gloriole. Y a-t-il vraiment un homme qui parle comme je fais ? Je ne puis ne pas aller le voir : je lui donnerai mon approbation, ou non13. » 有是哉?方今大夫士汩沒於擧業,沉酣於聲利,皆然也。信有斯人,論學如我乎?不可不往見之,吾俯就其可否。Wang Gen était donc venu entendre Wang Yangming, néoconfucéen en vue, grand coordinateur (xunfu 巡撫) et pacificateur victorieux de Nan’an 南安 et de Ganzhou 贛州, non point en qualité d’élève, mais d’examinateur. Présentés l’un à l’autre, ils ont un dialogue dans lequel nous lisons notamment les mots suivants :

  • 14 La phrase est de Zengzi 曾子 (505 av. J.-C. - 435 av. J.-C.), Entretiens, 14.26 (ou 14.27), mais on p (...)
  • 15 Les « broussailles » (caomang 草莽) sont le lieu du provincialisme populaire, mais aussi la retraite (...)
  • 16 Le Traité sur les rites (Liji 禮記) parlait d’« avoir les vertus nécessaires pour protéger le peuple (...)
  • 17 Cette idée nous vient également de Mencius, 7A, 16, « De tout cœur, première partie » (« Jinxin sha (...)
  • 18 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 88, « Chronologie biographique ».

Messire [Wang Yangming] dit : « L’homme de bien songe à ne pas quitter sa place14. »
[Le Maître] dit : « Je suis un vulgaire homme, sorti des broussailles15 ; pas un jour, toutefois, je n’ai oublié le cœur du souverain et du peuple chez Yao et Shun16. »
Messire dit : « Shun, dans sa montagne reculée, restait à folâtrer parmi les chevreuils et les pourceaux, les arbres et les rochers17, tout aise et tout joyeux sa vie durant, à en oublier le monde. »
[Le Maître] dit : « En ce temps-là, il y avait Yao en haut18 ! »
公曰:「君子思不出其位。」
先生曰:「某草莽匹夫,而堯舜君民之心,未嘗一日忘。」
公曰:「舜居深山,與鹿豕木石游居,終身忻然樂而忘天下。」
曰:「當時有堯在上!」

  • 19 Pour une belle narration des revers de la carrière de Wang Yangming, voir Yang Guorong 楊國榮, Xinxue (...)

5On raconte que Wang Gen, à sa première entrevue avec Wang Yangming, s’était d’emblée installé sur la natte du maître, et que ça n’est qu’au terme de leur entretien qu’il aurait condescendu à s’en déclarer le disciple. Mais, s’il fut effectivement subjugué par sa doctrine de la « conscience morale » (liangzhi 良知), il reçut tout aussi bien l’approbation de son interlocuteur sur cette dernière phrase, autorisation de fait à prendre part à la mise en ordre du monde. Sous le règne de Wuzong 武宗 (Zhu Houcong 朱厚照, 1491-1521, nom d’ère Zhengde 正德, 1506-1521), empereur illustre pour son incurie, tout se passait comme s’il n’y avait plus de souverain, en tout cas pas un qui fût de la trempe de Yao : il appartenait donc à chacun, lettrés et marchands, de s’arroger les devoirs et le souci qui relèvent en principe du sommet de l’État. Wang Yangming, qui avait enduré un exil injuste et s’était trouvé en position d’agir militairement sans l’agrément de la cour, avait bien conscience de cela19.

6Wang Gen rentre chez lui prendre soin de son père, puis se remet vite en voyage et se fait peu à peu connaître du monde lettré. En 1522, il se rend à Kuaiji 會稽, pays natal de Wang Yangming où celui-ci, en proie à des calomnies pendant ses années de service, s’est temporairement retiré.

  • 20 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 90. Nous modifions quelque peu la ponctuation proposée par l’éditeur (...)

Un jour, il s’en fut informer messire Yangming : « Le Ciel m’a fait don d’un maître pour faire valoir cette étude qui s’était éteinte mille années durant. Puis-je faire qu’il y ait des hommes, dans le monde, qui n’en aient entendu parler ? » Il s’enquit alors de la façon dont était confectionné le char sur lequel Confucius, en son temps, voguait de par le monde : messire Yangming sourit, et ne lui fit pas de réponse. Il prit congé et conçut un char aux roues recouvertes de joncs, et sur la devanture duquel il était inscrit : « Le monde n’est qu’un, toutes les choses font un seul corps. Je pénètre dans les monts et les bois à la recherche d’illustres reclus ; je passe par les foires et les carrefours, livrant mes lumières aux ignorants. Je vais selon la sainte Voie du Ciel et de la Terre, ne commettant pas le moindre écart ; j’accomplis ma conscience morale, chose insondable parmi les démons et les esprits. Je désire faire le bien parmi tous les hommes du monde, et je n’y parviendrais pas si je ne paradais comme je fais. On ne me connaîtra que par ce voyage ! On ne me condamnera que pour ce voyage20 ! »
一日,入告陽明公曰:“千載絕學,天啓吾師倡之,可使天下有不及聞此學乎?”因問孔子當時周流天下車制如何?陽明公笑而不答。既然制一蒲輪,標題其上曰:「天下一個,萬物一體。入山林求會隱逸,過市井啓發愚蒙。遵聖道天地弗違,致良知鬼神莫測。欲同天下人爲善,無此招搖做不通。知我者,其惟此行乎!罪我者,其惟此行乎!」

  • 21 La chronologie biographique prétend que ces mots se trouvent dans le Mencius, 6B, 2, « Maître Gao, (...)
  • 22 C’est précisément à Jacques Pimpaneau que nous reprenons cette traduction d’un terme attesté dans l (...)
  • 23 Sur Yuan Huang et ses célébrissimes Quatre instructions de Liaofan (Liaofan si xun 了凡四訓), on consul (...)
  • 24 Yuan Huang 袁黃, Liangxing zhai ji 兩行齋集, quatrième année de l’ère Tianqi 天啓 (1624), 14 juan, conservé (...)
  • 25 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 210, « Compilation des mémoires et biographies » (« (...)

7Wang Gen aimait les manières antiques, et s’était composé un costume inspiré du Traité sur les rites (Liji 禮記) après avoir cru lire dans le Mencius : « Peut-on vraiment prononcer les mêmes paroles que Yao, accomplir les mêmes actions que Yao, et ne pas se vêtir des mêmes vêtements que lui21 ? » 言堯之言,行堯之行,而不服堯之服,可乎? L’édition Wanli 萬曆 (1572-1620) des œuvres de Wang Gen comporte une illustration nous renseignant sur ce fameux « char aux roues recouvertes de jonc » (pulun 蒲輪), qui servait dans l’Antiquité à sillonner les provinces à la recherche de sages reclus, chose que revendique par ailleurs l’inscription dans la version qu’en donne la chronologie biographique22. La biographie de Wang Gen établie par Yuan Huang 袁黃 (1533-1606), célèbre promoteur des « barèmes des mérites et démérites » (gongguo ge 功過格)23, tient qu’il y avait sur le char une plaque indiquant : « Que ceux qui s’interrogent sur le sens des Cinq Classiques se dressent sous cette enseigne » 問五經疑義者,立此牌下, accompagnée d’une dizaine d’autres, sur le même modèle : « Que ceux qui désirent voir leur nature dans la clarté du cœur… » 欲明心見性者, « que ceux qui délibèrent sur l’art de gouverner… » 商量經濟者, et ainsi de suite24. Suivant la version de Zeng Liude 曾六德 (1570-?), il n’y aurait eu qu’une enseigne, annonçant plus sobrement : « Médecine du cœur25 » (yixin 醫心).

  • 26 Yu Ying-shih 余英時, Song Ming lixue yu zhengzhi wenhua 宋明理學與中國文化. Guilin : Guangxi shifan daxue, 2006 (...)
  • 27 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 5, pp. 120-121, « Inscription funéraire établie par messi (...)
  • 28 Wang Yangming 王陽明, Wang Yangming quanji 王陽明全集. Shanghai : Shanghai guji, 1992, p. 89, Notes sur la (...)

8Quelle mouche avait donc piqué Wang Gen ? Sa chronologie biographique nous parle d’un vœu de faire connaître au reste du monde la doctrine de la « conscience morale », dans un goût de la prédication universelle que Yu Ying-Shih 余英時 (1930-2021) regardera comme la grande nouveauté du néoconfucianisme des Ming26 ; la version de Zhao Zhenji 趙貞吉 (1508-1567), héritier de l’école de Taizhou, fait parler Wang Gen dans des termes plus négatifs : « Si les mœurs ne sont pas devenues excellentes, c’est bien ma faute27 ! » 風之未遠也,是某之罪也! Ce réflexe néoconfucéen consistant à prendre sur soi l’insuffisance des choses avait été remis au goût du jour par Wang Yangming, qui, en bon lettré-fonctionnaire, faisait profession de « regarder la famine et la noyade du peuple comme notre propre famine et notre propre noyade28 » (shi min zhi jini you ji zhi jini 視民之飢溺猶己之疾溺). Wang Gen, quant à lui, ne fit pas le choix de remédier à cette famine et à cette noyade par la voie traditionnelle qui eût consisté à se mettre au service de l’empereur, encore qu’il se rende à la capitale en anticipant un examen métropolitain (huishi 會試) devant se tenir en 1523, et, avec cela, un attroupement de lettrés susceptibles d’être gagnés à ses vues. Il sait au demeurant que son attitude tapageuse en offensera quelques-uns, et paraît solliciter nos excuses en affichant, d’après la version ci-devant traduite : « Je désire faire le bien parmi tous les hommes du monde, et je n’y parviendrais pas si je ne paradais comme je fais. » 欲同天下人爲善,無此招搖做不通。

  • 29 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., p. 90.
  • 30 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 2, pp. 43-44, « Fu de la loche et des anguilles » (« Qius (...)
  • 31 Le caractère déluré du texte qu’on va lire nous interdit de recourir aux accents solennels de la «  (...)
  • 32 Ivan P. Kamenarović (trad.), Écrits de Maître Xun. Paris : Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque (...)

9La chronologie biographique, recueillie dans ses œuvres, embraie là-dessus : « Il composa le “Fu de la loche et des anguilles”. Ce texte se trouve dans les juan précédents29. » 作《鰍鱔賦》,文列前卷. C’est effectivement une pièce dans le genre fu 賦 que nous découvrons dans le même ouvrage, et par-dessus le marché une pièce dont les qualités littéraires la rendent unique parmi les quelques ouvrages dus à la main de Wang Gen30. On peut s’étonner de le voir composer, pour la seule fois de sa vie, dans ce genre qui a largement perdu la faveur qui avait été la sienne sous les Han 漢 (206 av. J.-C. - 220), surtout pour un texte à dominante narrative, et qui ne fait qu’un appel modéré aux luxuriances stylistiques que le fu autorise en principe : le genre paraît convoqué, non pas en raison de ses propriétés formelles, mais parce qu’il est par essence la forme littéraire du mirage et du bouleversement31. Quant à l’association de la loche et de l’anguille (en vérité du monoptère), il en existe un écho dans le Xunzi 荀子, qui à deux reprises met la première en regard avec une sorte d’esturgeon (shan 鱣), homophone de la seconde32 ; mais Wang Gen ne parle nulle part de cet ouvrage auquel tout l’oppose : il y a là tout au plus le souvenir d’un dissyllabe figé, sinon peut-être une invention de l’auteur.

  • 33 Sheng-kuang Lee, « Commoner and Sagehood: Wang Ken and the T’ai-chou School in late Ming Society », (...)

10Ce fu, peu connu des spécialistes de la littérature, constitue un moment fort, régulièrement commenté, dans l’histoire intellectuelle chinoise : encore qu’il ait certainement fait l’objet de retouches et nous soit parvenu dans un état excessivement achevé, il conserve en sa fraîcheur la vision qui lui avait donné naissance en 1522. Il en existe à ce jour une traduction anglaise et une allemande33 : manquait encore sa version française, que nous proposons ci-dessous. Puisque les références classiques y sont allègrement détournées de leur usage conventionnel, nous préférons le livrer ici sans notes, et tâcherons dans un second temps d’en éclairer les lignes de forces.

Fu de la loche et des anguilles

11Un badaud flânait au marché. À la devanture d’une échoppe, il aperçut une jarre dans laquelle étaient entretenues des anguilles, toutes recouvertes et tout entortillées sur elles-mêmes, avec un air moribond. Brusquement, une loche, bondissant hors de la jarre, se mit à faire des cabrioles, de haut en bas, de gauche à droite, d’avant en arrière ; elle voguait et dérivait, sans trouver son repos, pareille à un fabuleux dragon. Grâce à elle, les anguilles firent volte-face, à nouveau traversées de leurs souffles vitaux : elles étaient revenues à la vie. Ces volte-face, ce regain en souffles et cette vie préservée furent autant d’exploits dont le mérite appartenait à la loche. Et encore qu’elle en fût aussi joyeuse que toutes les anguilles, la loche n’avait nullement agi par simple commisération pour elles, ni dans l’espoir d’en obtenir quelque chose en retour. Elle avait seulement laissé faire sa propre nature.

12Le badaud, qui en fut très ému, s’écria dans un soupir : « Et moi, qui suis entretenu parmi mes semblables entre le Ciel et la Terre, je ne serais pas pareil à cette loche et à ces anguilles, qu’on entretient ensemble dans une jarre ! À ce que j’ai entendu dire, le Grand homme répute toutes les choses de ce monde ne faire qu’un seul et même corps. Il dresse un cœur pour le Ciel et la Terre ; il dresse un destin pour le peuple. Et à présent, sous mes yeux, ce ne serait pas la même chose ! » Le badaud songea à apprêter un char et à faire ses bagages : dans sa fureur, il s’était découvert la vocation d’aller voguer de par le monde.

13Encore un moment, et le vent se leva, accompagné d’un grand orage. La loche s’y élança à point nommé ; elle s’enfonça dans la Voie lactée, fondit sur le vaste océan. Se dérobant avec aise, déliée en tous lieux, elle connaissait un bonheur démesuré. Puis elle se tourna vers les anguilles captives, et forma le désir de leur venir en aide. Elle déploya son corps et, se métamorphosant en dragon, fit gronder la foudre et tomber le déluge, qui fit déborder d’eau la jarre où étaient les anguilles. Celles-là mêmes qui, tantôt, étaient toutes couvertes et tout entortillées, revinrent à la vie dans une liesse immense ; ressaisies de leurs facultés spirituelles, elles n’eurent plus qu’à s’en retourner ensemble dans le long fleuve et dans le vaste océan.

14Le badaud, très content, monta sur son char et se mit en route.
D’aventure, on lui lança : « Envisagez-vous d’entrer en cage ?
— Non, répondit-il. Souffrirais-je d’être une courge suspendue au mur, sans nourrir personne ?
— Vous comptez donc disparaître parmi les hauteurs et les horizons ?
— Non plus. À qui puis-je m’associer, si ce n’est aux autres hommes ?
— Mais alors, comment comptez-vous vous y prendre ?
— Sans m’écarter des choses, je ne m’y laisserai pas enclore. »

15Il composa là-dessus un poème pour son contradicteur. Le poème disait :

« L’espace d’un matin, le printemps est arrivé ; il n’en pouvait mais.
Il vogue de par le monde, pour le rayonnement de l’Auguste pays.
Un jour, les choses seront transformées : Ciel et hommes seront en harmonie ;
Qilin et Phénix feront leur retour, dans la saison de Yao et de Shun. »

Commentaire

  • 34 Le daoren 道人 du texte laisserait peut-être croire à un maître taoïste ou à un homme en quête de la (...)
  • 35 Zhu Xi 朱熹, Sishu zhangju jizhu 四書章句集注. Beijing : Zhonghua shuju, 2011, p. 19.
  • 36 Mencius, 2A, 6, « Gongsun Chou, première partie » (« Gongsun chou shang » 公孫丑上). André Lévy (trad.) (...)
  • 37 Johanna Lidén, Op. cit., p. 98.
  • 38 Wang Yangming, Op. cit., juan 2, p. 79, Notes sur la transmission du savoir et sa pratique, deuxièm (...)

16Le badaud en question, c’est naturellement Wang Gen34 ; les anguilles, c’est à peu près la foule en détresse du rêve de 1511, non plus subjuguée par des désordres cosmologiques, mais prise de torpeur par défaut de sollicitation extérieure, dans cette espèce de mort occasionnée par la claustration et par l’absence de vie éthique. La loche qui s’élève pourrait être regardée comme un avatar de Confucius s’en allant pérégriner d’une principauté à l’autre dans la compagnie de ses premiers disciples, à un détail près : là où Confucius était habile à l’art de se faire voir et de se retirer le moment venu (shi 時) et était, pour cette même raison, un homme d’une extrême distinction, la loche ne s’embarrasse d’aucune nécessité extérieure à son propre caprice et se fait une fierté de cabrioler sans grand sens de l’à-propos. Ce qu’elle partage avec le dragon n’est pas la prescience des opportunités que sa « position » (wei 位) lui procure, mais seulement sa disposition à bouleverser l’ordre du monde. Elle n’agit d’ailleurs pas par intuition de quelque « sens du devoir » (yi 義) qu’il lui appartiendrait d’honorer : puisqu’il est dans son naturel de se mouvoir, il lui suffit de « laisser faire sa nature » (shuai xing 率性) pour se soustraire à la quiétude de ses comparses ; glosant ce dissyllabe issu de l’Invariable Milieu (Zhongyong 中庸), Zhu Xi parlait quant à lui de « se conformer » (xun 循) à notre « nature », s’entend que celle-ci, encore qu’elle soit suprêmement bonne, peut être détournée de sa pureté première et nous porter, si nous n’y prêtons garde, à nous conduire mal ; notre nature étant une chose si subtile, il serait aussi proprement inconcevable de la « laisser faire »35. La loche excite une sollicitation suivie d’une réaction (ganying 感應) chez les anguilles, qui en bénéficient toutes, mais l’élan de sa nature profonde y aura suffi : elle n’a pas agi en simple redresseuse de torts, par excitation de son « cœur de commisération » (ceyin zhi xin 惻隱之心) ou de son « cœur de honte et de grief » (xiuwu zhi xin 羞惡之心), toutes choses qui pourtant relèvent, à suivre la lecture la plus autorisée du Mencius, de notre nature foncière36. Peut-être notre loche, étant une loche et non point Mencius, s’affranchit quelque peu des attributs de la « nature humaine » en général : Johanna Lidén propose sur ce point un rapprochement entre notre fu et la pratique du fangsheng 放生, « libérer les animaux », qui a effectivement le vent en poupe sous les Ming37. Mais il est plus probable qu’ici, Wang Gen se fasse avant tout l’héritier de Wang Yangming et de sa grande déclaration : « La joie, telle est la constitution intime de notre cœur38 » 樂是心之本體.

  • 39 Triptyque dont la source canonique était le « Commentaire attaché » (« Xici » 繫辭) du Livre des Muta (...)
  • 40 Cheng Hao 程顥, Cheng Yi 程頤, Er Cheng ji 二程集. Beijing : Zhonghua shuju, 2004, p. 15. Sur l’applicatio (...)
  • 41 Hengqu 橫渠 est une appellation de Zhang Zai, du nom du bourg où il résidait au Shaanxi 陝西. Sur la ge (...)

17La vérité de la fable ne réside pas ici cependant, car les anguilles n’ont pas été seules à être libérées : le spectacle de la loche en touche d’autres, à commencer par notre badaud. Celui-ci se remémore le triptyque des « trois puissances » (sancai 三才), soit le Ciel, la Terre et les hommes39, et il s’y sent désormais à l’étroit : lui vient le désir de s’égaler au Ciel et à ses vertus transformatrices. Sous les couleurs du « grand homme » (dazhangfu 大丈夫) dont parle le Mencius, il invoque Cheng Hao 程顥 (1032-1085), pour qui « l’homme bon répute toutes les choses de ce monde ne faire qu’un seul corps » (renzhe yi tiandi wanwu wei yi ti 仁者以天地萬物爲一體), déclaration célèbre qui fonde le sentiment de communion avec les « dix mille choses » chez les néoconfucéens, et que les disciples de Wang Yangming ne renieront pas40 ; il se ressouvient par ailleurs des deux premières des « Quatre instructions de Hengqu » (Hengqu si ju jiao 橫渠四句教), ainsi nommées pour avoir été attribuées — non sans quelque déformation — à Zhang Zai 張載 (1020-1077) : « Dresser un cœur pour le Ciel et la Terre ; dresser un destin pour le peuple. Poursuivre la doctrine perdue des anciens Saints ; faire advenir la Grande paix pour dix mille générations41. » 爲天地立心,爲生民立命;爲往聖繼絕學,爲萬世開太平。 Cette seconde citation, mot d’ordre programmatique chez les néoconfucéens des Song, semble en l’occurrence entendue en un sens plus littéral : Wang Gen se mêle de décider de l’avenir du monde, et à cette fin il s’en fait lui-même le centre.

  • 42 On se référera à Jean-Pierre Diény, Le Symbolisme du dragon dans la Chine antique. Paris : Collège (...)
  • 43 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 3, p. 55, « Deux poèmes présentés pour une première renco (...)

18Le souhait de partir voguer de sous le Ciel fait écho, avec un recoupement presque parfait, à ce que les biographies de Wang Gen nous disent sur les circonstances de son départ de Kuaiji. C’est sur ces entrefaites que la loche se lève dans l’orage, qu’elle paraît avoir occasionné, et se métamorphose en dragon : le centon de la créature aquatique passant la Porte du dragon (Longmen 龍門) pour devenir dragon est célèbre, mais nous ne sachions pas qu’une loche en ait jamais reçu l’onction42. Agissant comme le dragon débraillé qu’elle était déjà plus ou moins virtuellement, elle est prise du libre désir de venir en aide aux anguilles, et dans ses nouvelles prérogatives il ne lui est plus difficile de faire tomber la pluie et de faire déborder les jarres jusque dans le Yangzi et dans l’océan. Cette association des cours d’eau et de la mer est un lieu commun dans la littérature descriptive, mais Wang Gen, contrairement à bien des littérateurs, n’était lui-même pas étranger à l’élément marin : dans le poème par lequel il se présentait à Wang Yangming, il se décrivait comme un « ignare mal dégrossi, demeurant au littoral »43 (gulou yumeng zhu haibin 孤陋愚蒙住海濱).

  • 44 Voir Tao Yuanming, Philippe Uguen-Lyon (trad.), Œuvres complètes. Paris : Les Belles Lettres, coll. (...)
  • 45 Entretiens, 17.7 ; Anne Cheng (trad.), Op. cit., p. 136 : « Suis-je donc une coloquinte que je doiv (...)
  • 46 Zhu Xi, Op. cit., p. 165.
  • 47 Entretiens, 18.6 ; Anne Cheng (trad.), Op. cit., p. 142 : « Si je ne peux attendre aucune aide des (...)
  • 48 Theodore de Bary, « Individualism and Humanitarianism in Late Ming Thought », in Theodore de Bary ( (...)
  • 49 Zuo Dongling 左東嶺, Wang xue yu zhongwan Ming shiren xintai 王學與中晚明士人心态. Beijing : Renmin wenxue, 2000 (...)

19Suit un dialogue du badaud, s’en allant faire cela même que Wang Gen fera, avec un contradicteur. Celui-ci lui demande s’il compte entrer en « cage » (fanlong 樊籠), c’est-à-dire à un poste mandarinal, en souvenir des vers de Tao Yuanming 陶淵明 (365-427) : « Je suis demeuré longtemps en cage,/Enfin je puis revenir au naturel44. » 久在樊籠裏,復得返自然。 Wang Gen répond par la négative, non pas en émettant à son tour le vœu de gagner une retraite champêtre, mais en se prévalant des mots de Confucius : « Souffrirais-je d’être une courge suspendue à un mur, sans nourrir personne45 ? » 吾豈匏瓜也哉?焉能繫而不食? Cette déclaration est prise à contre-pied de la lecture officielle (autant dire une nouvelle fois, sous les Ming, celle de Zhu Xi) des Entretiens, qui y voit l’exceptionnelle compromission d’un Confucius hésitant à répondre favorablement à la convocation du rebelle Bixi 佛肸46 : aux yeux de Wang Gen, celui qui demeure sans emploi, tels l’ermite ou la courge sèche, ce n’est pas le professeur itinérant, mais bien le mandarin en poste qui se coupe de ses administrés. C’est pourquoi, refusant tout également de « disparaître parmi les hauteurs et les horizons » (gaofei yuanju 高飛遠舉), il s’empresse de déclarer : « À qui puis-je m’associer, si ce n’est aux autres hommes47 ? » 吾非斯人之徒而誰與? Cette profession de foi et celle de la « courge », qui s’éclairent l’une l’autre dans le texte des Entretiens, en viendraient presque à s’équivaloir dans les réponses de Wang Gen, pour qui renoncer à la fonction publique n’implique pas de faire ses adieux au monde — et toutes ces choses rendent caduc, au moins pour le Wang Gen de 1522, le grand dilemme du service et de la retraite (chuchu 出處) qui tracasse l’existence de la plupart des lettrés velléitaires. De là, sa conclusion : « Sans m’écarter des choses, je ne m’y laisserai pas enclore. » 雖不離於物,又不囿於物也。 Il y a là une maxime de gouvernement que Theodore de Bary rapprochera de la philosophie de Vimalakīrti dans le bouddhisme Mahāyāna48 : Wang Gen se propose de prendre part à la salvation du monde, mais ne souhaite pas y être pris jusqu’à l’engourdissement et à la compromission morale d’une carrière publique dans les règles de l’art. « Il veut s’occuper des affaires du monde, dit Zuo Dongling 左東嶺, mais ne souhaite pas que le monde s’occupe de lui : voilà le raisonnement qui est le sien49. » 他要管人間之事,又不欲受人間之管,這便是他的思路.

  • 50 Sano Kōji 佐野公治, « Ō Sinzai ron » 王心斎論, Nihon Chūgoku-gaku kaihō, 1973, 23, pp. 140-153.
  • 51 Monika Übelhör, Op. cit., p. 34.
  • 52 Geng Dingxiang 耿定向 ; Fu Qiutao 傅秋濤 (éd.), Geng Dingxiang ji 耿定向集. Shanghai : Huadong shifan daxue, (...)
  • 53 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 2, pp. 51-54.
  • 54 Huang Zongxi 黃宗羲, Mingru xue’an 明儒學案. Beijing : Zhonghua shuju, 1986, vol. 2, pp. 1086-1086.
  • 55 Ces créatures sont également nommées ensemble dans le Mencius, 2A, 4, « Gongsun Chou, première part (...)
  • 56 Sur cette période, voir Deng Zhifeng 鄧志峰 (Deng Bingyuan 鄧秉元), Wang xue yu wan Ming shidao fuxing yu (...)

20Vient enfin le quatrain heptasyllabique, qui n’est pas la part la mieux inspirée de ce fu, mais se trouve au centre d’un problème biographique assez digne d’intérêt. Sano Kōji 佐野公治 a en effet suggéré que ces vers trahiraient des ambitions politiques que Wang Gen aurait nourries en se rendant la capitale50. Monika Übelhör conteste ce point en soulignant que la Juste transmission des Saintes études (Shengxue zongzhuan 聖學宗傳) de Zhou Rudeng 周汝登 (1547-1629), qui nous parle du dessein qu’aurait eu Wang Gen de soumettre un mémoire à la cour, est réputé peu fiable51. Pourtant, la biographie de Wang Gen due à Geng Dingxiang 耿定向 (1524-1596), qu’on juge assez digne de créance quant à elle, nous précise elle aussi : « Il composa un mémoire en plus de mille caractères, dans lequel il déployait avec beaucoup d’honnêteté les thèmes de la piété filiale et de la soumission fraternelle. Il avait à dessein de le faire soumettre à la cour52. » 著書千餘言,諄諄申孝弟,擬伏闕上。 On ne sait quelles circonstances auraient bien pu commander, sans cela, la rédaction de sa longue et protocolaire « Dissertation sur la Voie royale53 » (« Wangdao lun » 王道論). À ce genre d’entreprise, il existait aussi un précédent glorieux : pendant l’ère Tianshun 天順 (1457-1464), le confucéen Chen Zhensheng 陳真晟 (1411-1474), à peine plus éminent que Wang Gen, avait voulu soumettre un mémoire à la cour pour instruire l’empereur sur la Voie confucéenne54. A fortiori, Wang Gen effectuait son voyage dans une heure confuse de transmission du pouvoir de l’empereur Wuzong, tout justement défunt, à son cousin le futur empereur Shizong 世宗 (Zhu Houcong 朱厚熜, 1507-1567, nom d’ère : Jiajing嘉靖, 1522-1566) ; ceci, joint à l’aréopage qui s’assemble pour l’examen métropolitain, ne pouvait qu’accorder son voyage au ton des majestueux présages que sont le Phénix et le Qilin55 : le faste de l’« Auguste pays » (huangzhou 皇州) dont nous parle le quatrain, c’est celui des quartiers impériaux dans lesquels l’auteur n’aurait sans doute pas répugné de s’inviter56. Cela ne signifie pas que Wang Gen aurait eu un dessein arrêté en entreprenant son voyage : à ses yeux, apporter ses lumières au tout venant et prendre part au rayonnement du règne qui débute, c’était une seule et même affaire.

Apostille

21Voilà comment la chronologie biographique nous relate la suite des événements :

  • 57 La porte Chongwen 崇文 est située au sud-est de Pékin.
  • 58 Il s’agit d’Ouyang De 歐陽德 (1496-1554), disciple de Wang Yangming, grand pédagogue ayant contribué a (...)
  • 59 Shou’an 守庵 est le hao de Wang Hong 王玒 (1445-1536), père de Wang Gen.
  • 60 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 4, pp. 90-91, « Chronologie biographique ».

Sur le chemin de la capitale, il assemblait des hommes pour converser. Des bandits s’étaient signalés au Shandong, et les escouades de Dezhou, qui surveillaient la douane, lui barrèrent la route. Le Maître, qui se prévalait d’être habile à l’art de la guerre, obtint une entrevue avec le magistrat du canton. Le magistrat dit : « Ce qui importe à la guerre, c’est le courage. Que pouvons-nous faire, nous autres confucéens, avec la poltronnerie qui est la nôtre ? » Le Maître dit : « Laissez-moi vous exposer une comparaison. J’élevais naguère, dans ma maison, une poule qui redoutait les iris. Un jour que je menais l’un de ses poussins dans les champs, précisément un iris parut : la poule, là-dessus, déploya ses ailes et lui livra bataille. Après cet épisode, elle ne devait plus savoir ce que les iris avaient de redoutable. La cause en est que son cœur était tout au souci de son poussin. Vous êtes le père et la mère du peuple ; les habitants du canton, ce sont pour vous autant d’enfants. Pour peu vous ne souffriez pas que vos enfants soient menacés par des bandits, quel courage peut bien vous manquer ? Je vous verrai tantôt déployer vos ailes et leur livrer bataille, avec plus de vigueur encore que cette poule. » Ayant entendu ces paroles, le magistrat se ravisa et renforça ses préparatifs militaires. Il envoya des hommes pour aider le Maître à passer le fleuve, et le remit sur son chemin.
À la veille de l’arrivée du Maître au Nord, un vieillard rêva qu’un dragon jaune faisait tomber la pluie, et qu’arrivé à la porte Chongwen57 celui-ci se métamorphosait en un homme dressé sur pieds. L’aube venue, le vieillard s’éveilla, tout juste quand le Maître passait par-là.
En ce temps-là, messire Yangming tenait des propos de doctrine qui différaient de ceux de Zhu Xi ; ceux qui s’étudiaient à psalmodier les écrits de Zhu s’en étaient déjà pris à lui. Or donc, le Maître accourrait pour converser et pour instruire les hommes avec un zèle redoublé, tant chapeauté que vêtu et carrossé à l’antique, pour le plus grand étonnement de tout un chacun. Il se trouvait qu’[Ouyang] Nanye58 et ses compères étaient alors à la capitale, où ils prièrent instamment le Maître de rentrer. Messire Yangming, lui aussi, avait envoyé une lettre à messire Shou’an pour qu’on mandât des hommes qui le fissent revenir59.
Le Maître regagna Kuaiji et s’en fut voir messire Yangming. Celui-ci, qui souhaitait réprimer son tempérament par trop audacieux et l’excentricité de ses agissements, refusa de le voir trois jours d’affilée. Un jour, messire Yangming accompagnait un invité au sortir de sa maison, où il aperçut le Maître agenouillé, qui disait : « Je connais ma faute ! » Messire Yangming n’y prêta point attention. Là-dessus, le Maître entra [chez messire Yangming] et, arrivé à la salle principale, il cria de plus belle : « Confucius, lui, n’en faisait pas trop ! » Là-dessus, messire Yangming aida le Maître à se relever. Les condisciples de ce dernier se trouvaient alors à ses côtés, et tous soupirèrent d’admiration devant le Maître, qui avait eu le courage de réformer ses fautes60.
沿途聚講,直抵京師。會山東盜起,德州集兵守關,不得渡。先生托以善兵法,見州守。守曰:「兵貴勇,某儒生,奈怯何?」先生曰:「某有譬語,請爲公陳之。家嘗畜鷄母,其所畏者鳶也。一日,引其雛之野,鳶忽至,輒奮翼相鬥,蓋不復知鳶之可畏。其故何也?憂雛之心切耳。公,民之父母;州之民,皆赤子也。倘不忍赤子之迫於盜,何患無勇?將見奮翼相鬥者,愈於鷄母也。」州守聼其言,悟,益嚴於爲備。遣人護先生渡河,復先於其所往。
比至都下,先夕有老叟夢黃龍無首,行雨之崇文門,變爲人立。晨起,先生適至。
時陽明公論學與朱文公異,誦習文公者頗抵牾之。而先生復講諭勤懇,冠服車輪悉古制度,人情大異。會南野諸公在都下,勸先生歸,陽明公意移書守安公遣人速先生。
先生還會稽,見陽明公。公以先生意氣太高、行事太奇,欲稍抑之,乃及門三日不得見。一日,陽明公送客出,先生長跪曰:「某知過矣!」陽明公不顧。先生隨入,至庭事,復厲聲曰:「仲尼不爲已甚!」於是陽明公揖先生起。時同志在側,亦莫不歎先生勇於改過。

  • 61 La doctrine mencienne consistant à préserver notre « cœur de nouveau-né » (chizi zhi xin 赤子之心), ais (...)

22On ne sait ce qu’il faut croire de l’aventure de Dezhou : la fable ficelée par Wang Gen a beau refléter un généreux spontanéisme qui s’accorde avec l’esprit de son école, sa conclusion n’a pas la hauteur de vue du « Fu de la loche et des anguilles » et se rapproche de la morale paternaliste que Luo Rufang 羅汝芳 (1515-1588) formera sur sa propre mission de fonctionnaire61 ; quant à l’escorte militaire dont il aurait bénéficié, elle paraît être accordée un peu trop facilement, encore qu’elle s’accompagne censément d’un sauf-conduit propre à nous éclairer sur la facilité avec laquelle il put accéder à la capitale.

  • 62 Wang Bi ; Lou Yulie (éd.), Op. cit., p. 2, hexagramme Qian 乾.
  • 63 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 221, « Compilation des mémoires et biographies, deu (...)
  • 64 Zuo Dongling, Op. cit., p. 345-346.

23Nombreuses sont les biographies de Wang Gen à faire état du rêve du vieillard. Il s’agit là d’un signe ardu à interpréter : le Livre des Mutations parlait certes d’une « foule de dragons sans tête » (qunlong wu shou 群龍無首), ajoutant que cela est « faste »62 (ji 吉) ; mais qu’est-ce au contraire qu’un unique dragon décapité ? Les commentateurs, pour la plupart, s’en tiennent à l’allure auspicieuse du tableau, et ils peuvent se prévaloir de la narration très laconique de la plupart des versions ; pourtant, à en croire cette fois-ci la biographie due à Cai Yizhong 蔡毅中 (1567-1631), « le vieillard fut étonné de son apparence, et se mit à causer avec lui, constatant là-dessus l’émouvante solennité de ses manières. S’enquérant de la vocation qu’il nourrissait, il n’en fut que plus ahuri, et commença à le convier à rentrer chez lui. Il convoqua une dizaine de ses condisciples pour conférer avec eux. Enfin ils l’exhortèrent à s’arrêter63. » 叟異其象,與立談,則風至冷冷動人,究其志,又不勝駭異,乃挽之歸家,約同志者數十人與晤講,勸止之。 Aux yeux de Zuo Dongling, la décapitation de notre dragon jaune figurerait un confucéen en charge de transformer le monde, mais tout aussi bien privé de la dignité qui lui permettrait de mettre un pareil vœu à exécution64. Une loche ne pouvait se métamorphoser en dragon à si bon compte : peut-être, d’ailleurs, que cette métamorphose n’avait été qu’une chimère, fruit d’une évaluation erronée des forces en présence, consécutive à une véritable insensibilité au « moment » et à la « position » — en un mot, d’un indéniable « laisser-aller ».

  • 65 Mencius, 4B, 10, « Lilou, deuxième partie » (« Lilou xia » 離樓下). André Lévy (trad.), Op. cit., p. 1 (...)

24La suite du récit est édifiante : l’intervention du condisciple Ouyang De pour que cesse cette prédication susceptible de nuire à la réputation de leur maître, déjà en butte aux diffamations de la cour ; les lettres de Wang Yangming au père de Wang Gen ; enfin les retentissantes excuses de celui-ci revenu au logis de son maître, avec une citation de Mencius faisant référence cette fois-ci à un Confucius éminemment raisonnable65. La chronologie biographique paraît taire autant de détails qu’elle en ajoute, tournant notamment le récit de cet échec comme l’occasion d’une venue à résipiscence. On peut donc suivre Wu Zhen 吳震, qui présume que la version de Yuan Huang est ici plus digne de foi :

  • 66 Yuan Huang, Op. cit., pp. 7b-8b ; cité dans Wu Zhen 吴震, Ming dai zhishi jie jiangxue huodong xinian (...)

L’ère Jiajing commençait à peine : était alors appliquée une sévère prohibition des vêtements irréguliers. Plusieurs de ses condisciples avaient été humiliés par des patrouilleurs, aussi s’entendirent-ils pour dissimuler son char et pour l’exhorter à s’arrêter, avant de le renvoyer au Sud. Yangming, qui en ouït parler, fut pris de colère : « Quand l’homme de bien élève sa personne, il doit bien suivre quelques règles ! À quoi bon faire ainsi étalage de soi-même ? » Une fois revenu, [Wang Gen] rendit visite à Wang Yangming, qui ne daigna pas le recevoir. Il entra et s’agenouilla au pied des galeries domestiques : de l’aube au milieu du jour, il n’osa se relever. Yangming sortit et, l’apercevant, il lui énuméra ses fautes, que [Wang Gen] reconnut de bon cœur tout en s’accablant de reproches. Face à des manières si affables, Yangming fut rasséréné sans même s’en apercevoir66.
時嘉靖初立,方嚴異服之禁,諸同志爲邏者所侮,共匿其車,勸止之,因送之南還。陽明聞之怒曰:「士君子立身行己,自有法度,何自眩也?」公既抵家,即謁陽明,陽明拒而不納。公進而跪諸廡下,自晨至於日之昃,不敢起。陽明遂出見之,面數其過,公引咎自責,舉止藹如,陽明不覺釋然。

  • 67 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 4, p. 92, « Chronologie biographique ». La formule sur l’ (...)
  • 68 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 3, pp. 63-65.

25Dans les années qui suivront, Wang Gen rabattra des ambitions trop cavalières de sa loche. Il se livrera à des apologies de la perfection à l’œuvre dans l’« usage ordinaire des petites gens » (baixing riyong 百姓日用), mais ajoutera prudemment que « le Saint sait, et donc ne l’égare pas ; les petites gens ne savent pas, aussi leur arrive-t-il de l’égarer67 » 聖人知便不失,百姓不知便會失 ; il s’en retournera à Taizhou, fort opportunément administrée par le nouveau docteur Wang Chen 王臣 (1493-?) avec qui il s’était lié d’amitié à Pékin, et quand celui-ci quittera son poste en 1526 il lui fera don d’un célèbre « Propos sur le sage avisé qui préserve sa personne » (« Mingzhe baoshen lun » 明哲保身論), exhortation à ne pas prendre des risques qui pourraient empêcher sa propre survie68.

  • 69 Voir respectivement Wang Bi 王襞 Mingru Wang Dongya xiansheng yiji 明儒王東崖先生遺集, in Wang Gen 王艮, Wang Xi (...)
  • 70 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 200, « Mémoire pour un nouveau culte, soumis au neu (...)
  • 71 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 1, respectivement p. 7 et p. 2.
  • 72 Vauvenargues. Œuvres complètes. Paris : Alive, 2003, p. 438, « Réflexions & Maximes supprimées ».

26Le « Fu de la loche et des anguilles » sera rarement cité par l’entourage de son auteur ; son fils Wang Bi 王襞 (1511-1587) et son cousin Wang Dong 王棟 (1502-1581), tout pieusement attachés qu’ils soient à faire rayonner la doctrine de leur fierté familiale, n’en feront pas une seule mention69 : ils se conformaient ainsi à l’usage biographique, qui veut qu’on garde le silence sur les fautes de nos parents. Cela étant, ce texte se retrouve dans toutes les éditions tant soit peu complètes des œuvres de Wang Gen, compilées et gravées à l’initiative de son clan et de ses continuateurs ; on le trouve même invoqué dans un mémoire adressé à la cour pour que Wang Gen soit à son tour révéré au Temple de Confucius70. Il apparaît ainsi que son auteur ne l’a pas renié : son enseignement ultérieur — qu’il n’est pas question d’exposer ici — continuera d’exhorter ses disciples à « voguer de par le monde » (zhouliu tianxia 周流天下) et à « ne pas être à l’affût du moment et de la position » (bu xi shiwei 不襲時位), réservant ses condamnations aux plus funestes excès71. C’est là un argument en faveur de la phrase de Vauvenargues : « Pour décider qu’un auteur se contredit, il faut qu’il soit impossible de le concilier72. »

27Encore qu’elle se soit éclipsée et métamorphosée, la loche fera quelques nouvelles apparitions dans le XVIe siècle chinois : elle s’en ira dans le Jiangxi, où elle se découvrira une âme de chevalier errant dans les prédications itinérantes de Yan Jun 顏鈞 (1504-1596) et de He Xinyin 何心隱 (1517-1579), que les lecteurs de la revue connaissent peut-être déjà, et qui s’exprimait ainsi devant le magistrat de Yongfeng永豐 :

  • 73 He Xinyin 何心隱, Rong Zhaozu 容肇祖 (éd.), He xinyin ji 何心隱集. Beijing : Zhonghua shuju, 1960, juan 3, p. (...)

Si vous vous attachez à votre cage, quand bien même vous y déploieriez de vastes talents, vous ne pourrez devenir autre chose qu’un fonctionnaire loyal, auteur de hauts faits, ou alors un grand probe. Quelle utilité pour la grande Voie ? Il faut sans retard dévouer sa personne pour devenir le chef de la grande Voie, comme si Confucius et Mencius revenaient au monde73.
若在樊籠戀戀,縱得以展高才,不過一效忠、立功、耿介之臣而已,於大道何補?直須出身以主大道,如孔孟復生於世。

  • 74 C’est en tout cas l’hypothèse qui se trouve au cœur de l’ouvrage de Shen Chenqing 沈承慶, Huashuo Wu C (...)

28L’accès de témérité de 1522 était l’un de ces échauffements momentanés qui marquent les esprits : il n’était pas vraiment possible de s’y égaler, et même Yan Jun et He Xinyin, avec leurs vues trop enflées et leur goût de la machination politique, avaient perdu quelque chose de la nonchalance de la loche ; il était moins possible encore de faire comme si celle-ci n’avait jamais pris son envol. Son ombre ondulera au sud de la Huai, dans le district de Xinghua 興化 par le truchement duquel elle se transportera jusqu’au sommet de l’État en la personne de Li Chunfang 李春芳 (1510-1584), admirateur de Wang Gen et premier conseiller du Grand conseil (neige shoufu 内閣首輔) entre 1568 et 1571, quelquefois nommé parmi les potentiels auteurs de la Pérégrination vers l’Ouest (Xiyou ji 西游記)74. On relatait le voyage de Wang Gen comme un précédent exceptionnel, propre surtout à inspirer de la honte à ceux qui se comptaient parmi ses disciples, et qui, ou bien ne souhaitaient pas renoncer à la carrière mandarinale, ou bien y avaient renoncé et, du même coup, n’osaient plus du tout se rendre à la capitale. Le potier Han Zhen 韓貞 (1509-1585), dans les deux derniers vers d’un poème adressé au propre fils de Wang Gen, nous a laissé un témoignage de ce renoncement mêlé de vénération :

  • 75 Han Zhen 韓貞, Han Zhen ji 韓貞集, in Yan Jun 顔鈞 ; Huang Xuanmin 黃宣民 (éd.), Yan Jun ji 顔鈞集. Beijing : Zh (...)

Voguer de par le monde… une autre fois !
Pour ma part, je me lève, prends mon char et m’en retourne chez moi75.
他日周流天下去,
區區端作御車還。

Haut de page

Bibliographie

Cai Chen 蔡沈, Shu jizhuan 書集傳 (Le Livre des documents avec ses commentaires). Beijing : Zhonghua zhuju, 2017.

Chavannes, Édouard ; Kaltenmark, Max ; Pimpaneau, Jacques (trad.), Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien. Paris : You-Feng, 2015, 9 vol.

Chen Lai 陳來, Song Ming lixue 宋明理學 (Le Néoconfucianisme des Song et des Ming). Beijing : Beijing daxue, 2020.

Cheng, Anne, « De la place de l’homme dans l’univers : la conception de la triade Ciel-Terre-Homme à la fin de l’antiquité chinoise », Extrême-Orient Extrême-Occident, n° 3, 1983, « Le rapport à la nature : notes diverses », pp. 11-22.

Cheng, Anne (trad.), Entretiens de Confucius. Paris : Seuil, coll. « Points », rééd. 2014.

Cheng Hao 程顥 ; Cheng Yi 程頤, Er Cheng ji 二程集 (Œuvres des frères Cheng). Beijing : Zhonghua shuju, 2004.

Confucius (sic) ; Roger Pinto (trad.), Le Livre de la piété filiale. Paris : Seuil, coll. « Points », 1998.

Couvreur, Séraphin (trad.), Mémoires sur les bienséances et les cérémonies. Leiden-Paris : Brill-Les Belles Lettres, 1950.

De Bary, Theodore, « Individualism and Humanitarianism in Late Ming Thought », in Theodore de Bary (dir.), Self and Society in Ming Thought. New York : Columbia University Press, 1970, pp. 145-247.

Demiéville, Paul, Choix d’études bouddhiques (1929-1970). Leiden : Brill, 1973.

Deng Zhifeng 鄧志峰 (Deng Bingyuan 鄧秉元), Wang xue yu wan Ming shidao fuxing yundong王學與晚明師道復興運動 (L’École de Wang Yangming et le mouvement de la renaissance de la Voie des professeurs à la fin des Ming). Shanghai : Fudan daxue, 2020.

Diény, Jean-Pierre, Le Symbolisme du dragon dans la Chine antique. Paris : Collège de France, Institut des Hautes Études chinoises, 1987,

Diény, Jean-Pierre, Images et représentations du monde dans la Chine ancienne. Choix d’études (1962-2006). Paris : Collège de France, coll. « Institut des hautes études chinoises », 2012, 2 vol.

Geng Dingxiang 耿定向 ; Fu Qiutao 傅秋濤 (éd.), Geng Dingxiang ji 耿定向集 (Œuvres de Geng Dingxiang). Shanghai : Huadong shifan daxue, 2015, 2 vol.

Han Zhen 韓貞, Han Zhen ji 韓貞集 (Œuvres de Han Zhen), in Yan Jun 顔鈞 ; Huang Xuanmin 黃宣民 (éd.), Yan Jun ji顔鈞集 (Œuvres de Yan Jun). Beijing : Zhongguo shehui kexue, 1997.

He Xinyin 何心隱 ; Rong Zhaozu 容肇祖 (éd.), He xinyin ji何心隱集. Beijing : Zhonghua shuju, 1960.

Hou Wailu 侯外廬, al. (dir.), Zhongguo sixiang tongshi : di si juan 中國思想通史:第四卷 (Histoire générale de la pensée chinoise : volume 4). Beijing : Renmin, 1960.

Huang Zongxi黃宗羲, Mingru xue’an 明儒學案 (Les Écoles philosophiques des confucéens Ming). Beijing : Zhonghua shuju, 1986, 2 vol.

Humbert, Lucas, « He Xinyin何心隱 (1517-1579) à l’avant-garde de sa propre réhabilitation : la “Missive à Wang, grand coordinateur du Huguang” », Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 14 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2022, à l'URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/2439 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ideo.2439

Kamenarović, Ivan P., (trad.), Écrits de Maître Xun. Paris : Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque chinoise », 2016

Kelleher, Theresa (trad.), The Journal of Wu Yubi : The Path to Sagehood. Indianapolis : Hackett Publishing Co, 2013.

Laurent, Cédric, Lavoix, Valérie, « Description, énumération et narration dans les illustrations de fu : Le cas du “Parc impérial” », in François Jacquesson, Vincent Durand-Dastès (dir.), Narrativité. Comment les images racontent des histoires. Paris : Presses de l’Inalco, 2022, pp. 375-464.

Le Blanc, Charles, Mathieu, Rémi (dir.), Philosophes taoïstes. II. Huainan zi. Paris : Gallimard, 2003.

Lee, Sheng-kuang, « Commoner and Sagehood: Wang Ken and the T’ai-chou School in late Ming Society », Thèse de doctorat, Université de l’Arizona, 1990.

Lehnert, Martin, Partitur des Lebens: Die Liaofan si xun von Yuan Huang (1533-1606). Berne-Berlin-Bruxelles-Francfort-sur-le-Main-New York-Oxford-Vienne : Peter Lang, 2004.

Lévi, Jean (trad.), Les Œuvres de Maître Tchouang. Paris : Encyclopédie des Nuisances, 2010.

Lévy, André (trad.), Mencius. Paris : You-Feng, 2003.

Li Chunfang 李春芳, Li Wending gong Yi’an tang ji 李文定公貽安堂集 (Œuvres de Li Wending, du studio Yi’an), 10 juan, quinzième année de l’ère Qianlong 乾隆 (1751), conservé à la bibliothèque de l’université Harvard.

Li Rui 李銳, « “Hengqu siju jiao” xiaokao » “橫渠四句教”小考 (Petit examen sur l’« instruction en quatre phrases de Hengqu »), Shixueshi yanjiu, 2017, 3, 167, pp. 122-123.

Lidén, Johanna, « Commoner and Sagehood: Wang Ken and the T’ai-chou School in late Ming Society », Thèse de doctorat, Université de Stockholm, 2018.

Mori Noriko 森紀子, « Shōba no Tai-shū Gaku-ha » 鹽場の泰州學派 (L’École de Taizhou des marais salants), Tōhō gakubō, 1986, 58, pp. 525-554.

Murray, Julia K., « “Idols” in the Temple: Icons and the Cult of Confucius », The Journal of Asian Studies, 2009, 68, n° 2, pp. 371-411.

Pimpaneau, Jacques, Anthologie de la littérature chinoise classique. Arles : Éditions Philippe Picquier, 2004.

Sano Kōji 佐野公治, « Ō Sinzai ron » 王心斎論 (À propos de Wang Xinzhai), Nihon Chūgoku-gaku kaihō, 1973, 23, pp. 140-153.

Shen Chenqing 沈承慶, Huashuo Wu Cheng’en. Xiyou ji zuozhe wenti jiemi話說吳承恩:《西游記》作者問題解密 (On raconte que c’est Wu Cheng’en… Révélations sur l’auteur de la Pérégrination vers l’Ouest). Beijing : Beijing tushuguan, 2000.

Tao Yuanming ; Uguen-Lyon, Philippe (trad.), Œuvres complètes. Paris : Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque Chinoise », 2022.

Übelhör, Monika, Wang Gen (1483-1541) und seine Lehre. Eine kritische Position im späten Konfuzianismus. Berlin : Verlag von Dietrich Reimer, 1986.

Wang Bi 王襞, Mingru Wang Dongya xiansheng yiji明儒王東崖先生遺集 (Œuvres posthumes de Maître Wang Dongya, confucéen des Ming), in Wang Gen王艮, Wang Xinzhai quanji王心齋全集 (Œuvres complètes de Wang Xinzhai). Nanjing : Jiangsu jiaoyu, 2001, pp. 203-272.

Wang Bi 王弼, Lou Yulie 樓宇烈 (éd.), Zhouyi zhu jiaoshi 周易注校釋 (Le Commentaire au livre des Mutations, collationné et mis en lumière). Beijing : Zhonghua shuju, 2012.

Wang Dong 王棟, Mingru Wang Yi’an xiansheng yiji 明儒王一庵先生遺集 (Œuvres posthumes de Maître Wang Yi’an, confucéen des Ming), in Wang Gen 王艮, Wang Xinzhai quanji 王心齋全集 (Œuvres complètes de Wang Xinzhai). Nanjing : Jiangsu jiaoyu, 2001, pp. 139-202.

Wang Gen 王艮 ; Chen Lüxiang 陳履祥 (éd.), Chong juan Xinzhai Wang xiansheng quanji 重鎸心齋王先生全集 (Œuvres complètes de Maître Wang Xinzhai nouvellement gravées), 10 juan, ère Wanli 萬曆 (1572-1620), conservé à la bibliothèque de l’Université Harvard.

Wang Gen 王艮 ; Chen Hanming 陳寒鳴 (éd.), Wang Gen quanji 王艮全集 (Œuvres complètes de Wang Gen). Shanghai : Shanhai guji, 2022.

Wang Yangming 王陽明, Wang Yangming quanji 王陽明全集 (Œuvres complètes de Wang Yangming). Shanghai : Shanghai guji, 1992.

Wu Zhen 吳震, Ming dai zhishi jie jiangxue huodong xinian, 1522-1602 明代知識界講學活動系年,1522-1602 (Chronologie du mouvement de la conversation philosophique dans les milieux intellectuels des Ming). Shanghai : Xuelin, 2003.

Wu Zhen 吳震, Luo Rufang pingzhuan羅汝芳評傳 (Biographie commentée de Luo Rufang). Nanjing : Nanjing daxue, 2005.

Wu Zhen 吳震, Taizhou xuepai yanjiu 泰州學派研究 (Études sur l’école de Taizhou). Beijing : Renmin daxue, 2009.

Xue Xuan薛瑄 ; Zhang Xuhui 張旭輝, Sun Dapeng 孫大鵬 (éd.), Xue Wenqing Dushulu, Xu Dushulu daodu 薛文清《讀書錄 續讀書錄》導讀 (Les Notes de lecture et la Suite des notes de lecture de Xue Wenqing, avec présentation). Shanghai : Fudan daxue, 2018.

Yang Guorong 楊國榮, Xinxue zhi si (zengding ben) 心學之思(增訂本) (Pensée de l’intuitionnisme, édition augmentée et révisée). Shanghai : Huadong shifan daxue, 2022.

Yu Ying-shih 余英時, Song Ming lixue yu zhengzhi wenhua 宋明理學與政治文化 (Néoconfucianisme et culture politique). Guilin : Guangxi shifan daxue, 2006

Yuan Huang 袁黃, Liangxing zhai ji 兩行齋集 (Recueil du studio de la double permission), quatrième année de l’ère Tianqi 天啓 (1624), 14 juan, conservé aux Archives nationales du Japon.

Zhang Yixi 張藝曦, Yangming xue de xiangli shijian : yi Ming zhongwan qi Jiangxi Jishui, Anfu liang xian wei li 陽明學的鄉里實踐:以明中晚期江西吉水、安福兩縣爲例 (La mise en œuvre provinciale de la doctrine de Wang Yangming. Le cas des districts de Jishui et d’Anfu dans les périodes intermédiaire et tardive des Ming). Beijing : Beijing shifan daxue, 2013.

Zhu Xi 朱熹, Sishu zhangju jizhu四書章句集注 (Les Quatre Livres annotés). Beijing : Zhonghua shuju, 2011.

Zuo Dongling 左東嶺, Wang xue yu zhongwan Ming shiren xintai 王學與中晚明士人心态 (La doctrine de l’école de Wang Yangming et les états d’âme de la classe lettrée dans les périodes intermédiaire et tardive de la dynastie Ming). Beijing : Renmin wenxue, 2000.

Haut de page

Document annexe

Haut de page

Notes

1 Jacques Pimpaneau, Anthologie de la littérature chinoise classique. Arles : Picquier, 2004, pp. 13-14.

2 Monika Übelhör, Wang Gen (1483-1541) und seine Lehre. Eine kritische Position im späten Konfuzianismus. Berlin : Verlag von Dietrich Reimer, 1986, pp. 17-18.

3 Sur l’effigie de Confucius au temple de Qufu, voir Julia K. Murray, « “Idols” in the Temple: Icons and the Cult of Confucius », The Journal of Asian Studies, 2009, 68, n° 2, pp. 371-411.

4 Wang Gen 王艮 ; Chen Hanming 陳寒鳴 (éd.), Wang Gen quanji 王艮全集. Shanghai : Shanhai guji, 2022, juan 4, p. 81 « Chronologie biographique » (« Nianpu » 年譜).

5 Ibid., p. 82.

6 Ibid., p. 83.

7 Hou Wailu 侯外廬, al. (dir.), Zhongguo sixiang tongshi : di si juan 中國思想通史:第四卷. Beijing : Renmin, 1960, p. 961.

8 Mori Noriko森紀子, « Shōba no Tai-shū Gaku-ha » 鹽場の泰州學派, Tōhō gakubō, 1986, 58, p. 535. Monika Übelhör rapproche cette histoire du mythe de Nügua 女媧, qui « colmata les brèches du ciel azur » (bu cangtian 補蒼天). Monika Übelhör, op. cit., p. 20 ; Charles le Blanc et Rémi Mathieu (dir.), Philosophes taoïstes. II. Huainan zi. Paris : Gallimard, 2003, p. 278 : « De l’examen des choses obscures » (« Lanming » 覽冥).

9 Xue Xuan 薛瑄 ; Zhang Xuhui 張旭輝, Sun Dapeng 孫大鵬 (éd.), Xue Wenqing Dushulu, Xu Dushulu daodu 薛文清《讀書錄 續讀書錄》導讀. Shanghai : Fudan daxue, 2018, p. 12 ; Theresa Kelleher (trad.), The Journal of Wu Yubi : The Path to Sagehood. Indianapolis : Hackett Publishing Co, 2013, p. 61.

10 Cai Chen 蔡沈, Shu jizhuan 書集傳. Beijing : Zhonghua zhuju, 2017, p. 99, « Promotion de [Fu] Yue, première partie » (« Yue ming shang » 說命上).

11 Entretiens, 7.5 ; Anne Cheng (trad.), Entretiens de Confucius. Paris : Seuil, coll. « Points », rééd. 2014, p. 61 : « Je suis donc si vieux ! Voilà bien longtemps que je n’ai vu en rêve le duc de Zhou ! » 甚矣,吾衰也!久矣,吾不復夢見周公。

12 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 88. Le Zhuangzi dit, selon la traduction de Jean Levi : « L’homme authentique de jadis avait un sommeil sans rêves. » 古之真人其寢無夢。 Jean Lévi (trad.), Les Œuvres de Maître Tchouang. Paris : Encyclopédie des Nuisances, 2010, p. 53, « À l’école du premier ancêtre ou le Tao pour seul maître » (« Da zongshi » 大宗師). Voir Jean-Pierre Diény, Images et représentations du monde dans la Chine ancienne. Choix d’études (1962-2006). Paris : Collège de France, coll. « Institut des hautes études chinoises », 2012, vol. 2, pp. 533-588, « Le saint ne rêve pas. De Zhuangzi à Michel Jouvet ».

13 Wang Gen, Op. cit., juan 87 4, p. 87, « Chronologie biographique ».

14 La phrase est de Zengzi 曾子 (505 av. J.-C. - 435 av. J.-C.), Entretiens, 14.26 (ou 14.27), mais on pense surtout au « Commentaire à la figure » (xiang 象) de l’hexagramme Gen 艮 dans le livre Livre des Mutations (Yijing 易經). Wang Bi 王弼, Lou Yulie 樓宇烈 (éd.), Zhouyi zhu jiaoshi 周易注校釋. Beijing : Zhonghua shuju, 2012, pp. 193-196. À en croire la chronologie biographique de Wang Gen, ce dernier, né Yin 銀, aurait vu son nom changé par Wang Yangming en personne, qui nourrissait des arrière-pensées claires : l’hexagramme Gen est celui de l’« arrêt » (zhi 止), autrement dit de la réserve contre toute espèce de transgression. Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., p. 89. Il ne s’agit aucunement de nier la place de l’« arrêt » dans la pensée ultérieure de Wang Gen, ni de contester que cet entretien eût été pour lui l’occasion d’un examen de conscience ; seulement, nous pensons pouvoir suivre Johanna Lidén (« The Taizhou Movement: Being Mindful in Sixteenth Century China », Thèse de doctorat, Université de Stockholm, 2018, pp. 95-97) dans l’hypothèse que Wang Gen se nommait déjà ainsi avant sa rencontre avec Wang Yangming. Une preuve nouvelle nous en a été livrée lors de notre visite au Temple à la gloire du confucianisme (Chongru ci 崇儒祠) de l’actuelle ville de Taizhou : s’y trouve en effet un rouleau daté de l’année wuyin 戊寅 de l’ère Zhengde 正德 (soit 1518), que Wang Gen cosigne avec un notable nommé Chu Guan 儲巏 (1457-1513) sous le nom que nous lui connaissons aujourd’hui, deux ans avant sa première entrevue avec son maître. Nous n’avons pas obtenu des responsables du temple qu’ils nous déroulent ce document préservé sous vitre, et nous ne pouvons donc rien trancher sur son authenticité, ni en fournir ici les références ; il s’agit en tout cas d’un ouvrage taizhounais de première main, qu’un lointain faussaire aurait difficilement pu concevoir.

15 Les « broussailles » (caomang 草莽) sont le lieu du provincialisme populaire, mais aussi la retraite du dignitaire au propres mots du Mencius, 5B, 7, « Wan Zhang, deuxième partie » (« Wan Zhang xia » 萬章下). La version d’André Lévy (trad.), Mencius. Paris : You-Feng, 2003, p. 148, parle de « sujet de la savane ».

16 Le Traité sur les rites (Liji 禮記) parlait d’« avoir les vertus nécessaires pour protéger le peuple et n’avoir pas l’ambition d’exercer l’autorité souveraine » 雖有庇民之大德,不敢有君民之心。 On ne sait si Wang Gen viole délibérément l’interdit auquel cette phrase fait allusion. Séraphin Couvreur (trad.), Mémoires sur les bienséances et les cérémonies. Leiden-Paris : Brill-Les Belles Lettres, 1950, p. 493, « Modèle de vertu » (« Biaoji » 表記). Yao 堯 et Shun 舜 sont les légendaires souverains de la haute Antiquité chinoise, le premier ayant censément abdiqué de bonne grâce en faveur du second. Ici, Shun n’est pas invoqué du point de vue de ses années de règne, mais bien sous l’angle de la retraite de ses jeunes années : on comprend à demi-mot que Shun, tandis qu’il demeurait chez lui dans la compagnie de Gusou 瞽叟, son ingrat de père, n’était pas réellement affranchi des pensées et des calculs qui, d’ordinaire, accompagnent l’ambition de régner sur le monde.

17 Cette idée nous vient également de Mencius, 7A, 16, « De tout cœur, première partie » (« Jinxin shang » 盡心上). André Lévy (trad.), Op. cit., p. 182 : « Lorsque Shun habitait au fond des montagnes, entre les bois et les rochers, errant parmi les cerfs et les sangliers, presque rien ne le distinguait des sauvages de la montagne profonde. » 舜之居深山之中,與木石居,與鹿豕遊,其所以異於山中之野人者幾希。

18 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 88, « Chronologie biographique ».

19 Pour une belle narration des revers de la carrière de Wang Yangming, voir Yang Guorong 楊國榮, Xinxue zhi si (zengding ben) 心學之思(增訂本). Shanghai : Huadong shifan daxue, 2022, pp. 17-62.

20 Wang Gen, Op. cit., juan 4, p. 90. Nous modifions quelque peu la ponctuation proposée par l’éditeur. Voir les paroles attribuées à Confucius dans le Mencius, 3B, 9, « Le Duc Wen de Teng, deuxième partie » (« Teng Wengong xia » 滕文公下) ; André Lévy (trad.), Op. cit., p. 102 : « On ne me connaîtra que par les Printemps et automnes ! On ne me condamnera que pour les Printemps et automnes ! » 知我者,其惟春秋乎!罪我者,其惟春秋乎!

21 La chronologie biographique prétend que ces mots se trouvent dans le Mencius, 6B, 2, « Maître Gao, deuxième partie » (« Gaozi xia » 告子下), qui dit en vérité : « Si tu t’habilles comme Yao, si tu parles comme Yao, si tu agis comme Yao, tu seras un autre Yao, c’est tout. » 子服堯之服,誦堯之言,行堯之行,是堯而已矣。 Traduction modifiée d’André Lévy (trad.), Op. cit., p. : 166.

22 C’est précisément à Jacques Pimpaneau que nous reprenons cette traduction d’un terme attesté dans les Mémoires historiques (Shiji 史記). Édouard Chavannes, Max Kaltenmark, Jacques Pimpaneau (trad.), Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien. Paris : You-Feng, 2015, Tome IX, p. 53, « Le seigneur de Pingjin et Zhufu Yan » (« Pingjin hou Zhufu liezhuan » 平津侯主父列傳). La « Recherche sur les points obscurs » (« Suoyin » 索隱) de Sima Zhen 司馬貞 (679-732) ajoute : « Il est ici question d’enrober les roues du char à l’aide de joncs, de peur que la végétation n’en soit endommagée. De surcroît, le jonc est la plus belle des herbes : ainsi le Traité sur les Rites nous parle-t-il d’un “mur de joncs”. Possiblement, on décorait les roues en y peignant des joncs, en marque de prestige. » 謂以蒲裹車輪,恐傷草木也。且蒲是草之美者,故《禮》有“蒲壁”,蓋畫蒲於輪以爲榮飾也。 Sima Qian 司馬遷, Shiji 史記. Beijing : Zhonghua shuju, 1972, vol. 9, juan 112, p. 2965. L’illustration que l’on trouve dans Wang Gen 王艮 ; Chen Lüxiang 陳履祥 (éd.), Chong juan Xinzhai Wang xiansheng quanji 重鎸心齋王先生全集, 10 juan, ère Wanli 萬曆 (1572-1620), conservé à la bibliothèque de l’Université Harvard, juan 1, p. 21b, ne porte pas de motif à ses roues.

23 Sur Yuan Huang et ses célébrissimes Quatre instructions de Liaofan (Liaofan si xun 了凡四訓), on consultera Martin Lehnert, Partitur des Lebens: Die Liaofan si xun von Yuan Huang (1533-1606). Berne-Berlin-Bruxelles- Francfort-sur-le-Main-New York-Oxford-Vienne : Peter Lang, 2004.

24 Yuan Huang 袁黃, Liangxing zhai ji 兩行齋集, quatrième année de l’ère Tianqi 天啓 (1624), 14 juan, conservé aux Archives nationales du Japon, juan 11, pp. 7b-8b, « Biographie de Wang Ruzhi » (« Wang Ruzhi zhuan » 王汝止傳). La même version nous apprend que Wang Gen avait voyagé en mule, accompagné de deux garçons.

25 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 210, « Compilation des mémoires et biographies » (« Shu zhuan hebian » 疏傳合編), deuxième partie, « Biographie établie par l’académicien apprenti Zeng Xinrui Liude de Pucheng au Fujian » (« Fujian Pucheng shujishi Zeng Xinrui Liude ke zhuan » 福建浦城庶吉士曾心蘂六德課傳).

26 Yu Ying-shih 余英時, Song Ming lixue yu zhengzhi wenhua 宋明理學與中國文化. Guilin : Guangxi shifan daxue, 2006, pp. 36-57.

27 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 5, pp. 120-121, « Inscription funéraire établie par messire Zhao Wensu Dazhou Zhenji, compilateur à l’Académie de la Forêt des pinceaux » (« Hanlin yuan bianxiu Neijiang Wensu Zhao gong Dazhou Zhenji zhuan muming » 翰林院編修内江文肅趙公大洲貞吉撰墓銘).

28 Wang Yangming 王陽明, Wang Yangming quanji 王陽明全集. Shanghai : Shanghai guji, 1992, p. 89, Notes sur la transmission du savoir et sa pratique (Chuanxi lu 傳習錄), deuxième partie, « Réponse à Nie Wenwei » (« Da Nie Wenwei » 答聶文蔚).

29 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., p. 90.

30 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 2, pp. 43-44, « Fu de la loche et des anguilles » (« Qiushan fu » 鰍鱔賦).

31 Le caractère déluré du texte qu’on va lire nous interdit de recourir aux accents solennels de la « rhapsodie » pour rendre le caractère fu, et la parabole qui y tient une place importante rend impropre l’alternative de l’« exposition poétique ». Voir Cédric Laurent, Valérie Lavoix, « Description, énumération et narration dans les illustrations de fu  : Le cas du “Parc impérial” », in François Jacquesson, Vincent Durand-Dastès (dir.), Narrativité. Comment les images racontent des histoires. Paris : Presses de l’Inalco, 2022, p. 378, n. 5. Au temps de Wang Gen, la célébrité des fu dus à Su Shi 蘇軾 (1037-1101) autorisait possiblement à faire appel à ce genre pour se livrer à de libres divagations philosophiques.

32 Ivan P. Kamenarović (trad.), Écrits de Maître Xun. Paris : Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque chinoise », 2016, p. 104, « De l’administration royale » (« Wangzhi » 王制) ; Ibid., p. 121, « De la prospérité des pays » (« Fuguo » 富國).

33 Sheng-kuang Lee, « Commoner and Sagehood: Wang Ken and the T’ai-chou School in late Ming Society », Thèse de doctorat, Université de l’Arizona, 1990, pp. 235-237, « A Rhapsody on the Loach and Eel » ; Monika Übelhör, Op. cit., pp. 32-33, « Die Schmerle und die Aale ».

34 Le daoren 道人 du texte laisserait peut-être croire à un maître taoïste ou à un homme en quête de la Voie, mais, nous dit Wu Zhen, il est simplement question d’un homme flânant à la foire. Wu Zhen 吳震, Taizhou xuepai yanjiu 泰州學派研究. Beijing : Renmin daxue, 2009, p. 54. La traduction de Monika Übelhör serait donc fautive sur ce point.

35 Zhu Xi 朱熹, Sishu zhangju jizhu 四書章句集注. Beijing : Zhonghua shuju, 2011, p. 19.

36 Mencius, 2A, 6, « Gongsun Chou, première partie » (« Gongsun chou shang » 公孫丑上). André Lévy (trad.), Op. cit., p. 63, parle de « commisération » et de « sentiment de justice ».

37 Johanna Lidén, Op. cit., p. 98.

38 Wang Yangming, Op. cit., juan 2, p. 79, Notes sur la transmission du savoir et sa pratique, deuxième partie. Voir Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., p. 42, « Chanson sur la joie dans l’étude » (« Le xue ge » 樂學歌).

39 Triptyque dont la source canonique était le « Commentaire attaché » (« Xici » 繫辭) du Livre des Mutations — Wang Bi, Lou Yulie (éd.), Op. cit., p. 256 — mais qui tient par ailleurs la place d’un chapitre complet dans le Classique de la piété filiale, lecture du jeune Wang Gen. Voir Confucius (sic), Roger Pinto (trad.), Le Livre de la piété filiale. Paris : Seuil, collection « Points », 1998, pp. 31-32. Voir Anne Cheng, « De la place de l’homme dans l’univers : la conception de la triade Ciel-Terre-Homme à la fin de l’antiquité chinoise », Extrême-Orient Extrême-Occident, n° 3, 1983, « Le rapport à la nature : notes diverses », pp. 11-22.

40 Cheng Hao 程顥, Cheng Yi 程頤, Er Cheng ji 二程集. Beijing : Zhonghua shuju, 2004, p. 15. Sur l’application concrète de cette unité emphatique parmi les disciples de Wang Yangming au Jiangxi, voir Zhang Yixi 張藝曦, Yangming xue de xiangli shijian : yi Ming zhongwan qi Jiangxi Jishui, Anfu liang xian wei li 陽明學的鄉里實踐:以明中晚期江西吉水、安福兩縣爲例. Beijing : Beijing shifan daxue, 2013, pp. 78-84. Pour reprendre les mots que Chen Lai 陳來 donne en guise de commentaire à ce même fu dans sa synthèse sur le Néoconfucianisme des Song et des Ming (Song Ming lixue 宋明理學), « ce qui diffère entre la théorie de l’"unité de tous les êtres” chez Wang Gen et celle des confucéens Song, c’est que, chez Cheng Hao, notre union avec les êtres — encore qu’avec sa parabole médicale de l’“engourdissement des membres” elle impliquât l’idée d’une sollicitude universelle — cette bonté consistant à ne faire qu’un corps de tous les êtres était, avant toute chose, un une disposition spirituelle ; il ne s’agissait pas, chez lui, d’en déduire un principe éthique ou une préoccupation un quelconque souci pour la société. » 王艮的萬物一體論的思想與宋儒有所不同,程顥所說的渾然與物同体雖然以醫家手足麻痹爲喻,主張息息相通,但程顥的萬物一體之仁更多的是一種境界,而不是把天地萬物爲一體作爲基础引出倫理原則或社會關懷. Chen Lai 陳來, Song Ming lixue 宋明理學. Beijing : Beijing daxue, 2020, p. 414.

41 Hengqu 橫渠 est une appellation de Zhang Zai, du nom du bourg où il résidait au Shaanxi 陝西. Sur la genèse de cette phrase et les malentendus qui y sont associés, voir Li Rui 李銳, « “Hengqu siju jiao” xiaokao » “橫渠四句教”小考, Shixueshi yanjiu, 2017, 3, 167, pp. 122-123.

42 On se référera à Jean-Pierre Diény, Le Symbolisme du dragon dans la Chine antique. Paris : Collège de France, Institut des Hautes Études chinoises, 1987, notamment pp. 77-84.

43 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 3, p. 55, « Deux poèmes présentés pour une première rencontre avec Maître Wencheng » (« Chu ye Wencheng xiansheng shi er shou » 初謁文成先生詩二首).

44 Voir Tao Yuanming, Philippe Uguen-Lyon (trad.), Œuvres complètes. Paris : Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque Chinoise », 2022, p. 29, « Retour à ma demeure des jardins et des champs » (« Gui yuan tian ju » 歸園田居), premier poème : « Confiné trop longtemps à l’étroit d’une cage,/Je retourne à présent à ma vie spontanée ! »

45 Entretiens, 17.7 ; Anne Cheng (trad.), Op. cit., p. 136 : « Suis-je donc une coloquinte que je doive rester suspendu à sécher sans être bon à la consommation ? »

46 Zhu Xi, Op. cit., p. 165.

47 Entretiens, 18.6 ; Anne Cheng (trad.), Op. cit., p. 142 : « Si je ne peux attendre aucune aide des hommes, à qui irais-je ? »

48 Theodore de Bary, « Individualism and Humanitarianism in Late Ming Thought », in Theodore de Bary (dir.), Self and Society in Ming Thought. New York : Columbia University Press, 1970, p. 170. Sur Vimalakīrti, « un “gentilhomme lettré” (kiu-che 居士), comme on dit en chinois pour un upāsaka, un “maître de maison” avisé, riche, respecté, un homme d’affaire dont les affaires ne salissent pas les mains, un bienfaiteur qui, s’il le faut, hante les mauvais lieux pour y faire œuvre de salut, mais sans qu’aucun contact impur puisse le souiller plus que la boue ne souille le lotus », voir Paul Demiéville, Choix d’études bouddhiques (1929-1970). Leiden : Brill, 1973, pp. 347-364, « Vimalakîrti en Chine ».

49 Zuo Dongling 左東嶺, Wang xue yu zhongwan Ming shiren xintai 王學與中晚明士人心态. Beijing : Renmin wenxue, 2000, p. 346.

50 Sano Kōji 佐野公治, « Ō Sinzai ron » 王心斎論, Nihon Chūgoku-gaku kaihō, 1973, 23, pp. 140-153.

51 Monika Übelhör, Op. cit., p. 34.

52 Geng Dingxiang 耿定向 ; Fu Qiutao 傅秋濤 (éd.), Geng Dingxiang ji 耿定向集. Shanghai : Huadong shifan daxue, 2015, p. 545, « Biographie de Maître Wang Xinzhai, augmentée de celles du bûcheron Zhu et du potier Han » (« Wang Xinzhai xiansheng zhuan qiao Zhu tao Han er zi fu » 王心齋先生傳樵朱陶韓二子附) ; repris dans Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 5, p. 147, « Suite au supplément de la chronologie biographique » (« Xu Puyu » 續譜餘), « Biographie du Maître établie par messire Geng, ministre des affaires civiles » (« Hubu shangshu Geng gong zhuan xiansheng zhuanwen » 戶部尚書耿公撰先生傳文).

53 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 2, pp. 51-54.

54 Huang Zongxi 黃宗羲, Mingru xue’an 明儒學案. Beijing : Zhonghua shuju, 1986, vol. 2, pp. 1086-1086.

55 Ces créatures sont également nommées ensemble dans le Mencius, 2A, 4, « Gongsun Chou, première partie » (« Gongsun Chou shang » 公孫丑上). André Lévy (trad.), Op. cit., p. 60. Elles s’associent, dans cette occurrence, à la figure du « grand homme » (daren 大人), thème qui traverse le Mencius et s’identifie au dazhangfu de notre texte. Rien n’indique que Wang Gen ait regardé ces bons auspices comme des phénomènes indépendants de sa propre entreprise. On consultera Jean-Pierre Diény, Images et représentations…, op. cit., vol. 2, pp. 499-512, « Le Fenghuang et le Phénix ».

56 Sur cette période, voir Deng Zhifeng 鄧志峰 (Deng Bingyuan 鄧秉元), Wang xue yu wan Ming shidao fuxing yundong 王學與晚明師道復興運動. Shanghai : Fudan daxue, 2020, pp. 45-60.

57 La porte Chongwen 崇文 est située au sud-est de Pékin.

58 Il s’agit d’Ouyang De 歐陽德 (1496-1554), disciple de Wang Yangming, grand pédagogue ayant contribué au rayonnement de l’école. De source sûre, il se raccommodera avec Wang Gen, et leur correspondance nous est conservée. Voir Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 2 p. 46, « À Ouyang Nanye, avec la réponse d’Ou[yang] » (« Yu Ouyang Nanye fu Ou zha » 與歐陽南野附歐札).

59 Shou’an 守庵 est le hao de Wang Hong 王玒 (1445-1536), père de Wang Gen.

60 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 4, pp. 90-91, « Chronologie biographique ».

61 La doctrine mencienne consistant à préserver notre « cœur de nouveau-né » (chizi zhi xin 赤子之心), aisément détournable en exhortation à prendre soin de ses administrés comme d’autant d’ouailles, a trouvé dans la doctrine de Luo Rufang un très grand représentant. Voir Wu Zhen 吳震, Luo Rufang pingzhuan 羅汝芳評傳. Nanjing : Nanjing daxue, 2005, pp. 223-233. Pour la phrase du Mencius, 4B, 12, (« Lilou xia » 離婁下), voir André Lévy (trad.), Op. cit., p. 120.

62 Wang Bi ; Lou Yulie (éd.), Op. cit., p. 2, hexagramme Qian 乾.

63 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 221, « Compilation des mémoires et biographies, deuxième partie », « Biographie établie par l’académicien apprenti Cai Zhongshan Yizhong de Guangshan au Henan » (« Henan Guangshan shujishi Cai Zhongshan Yizhong ke zhuan » 河南光山庶吉士蔡中山毅中課傳).

64 Zuo Dongling, Op. cit., p. 345-346.

65 Mencius, 4B, 10, « Lilou, deuxième partie » (« Lilou xia » 離樓下). André Lévy (trad.), Op. cit., p. 119, donne : « Zhongni se gardait de tout excès. » 仲尼不爲已甚者。

66 Yuan Huang, Op. cit., pp. 7b-8b ; cité dans Wu Zhen 吴震, Ming dai zhishi jie jiangxue huodong xinian, 1522-1602 明代知識界講學活動系年,1522-1602. Shanghai : Xuelin, 2003, pp. 2-3.

67 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 4, p. 92, « Chronologie biographique ». La formule sur l’« usage ordinaire des petites gens » est, elle aussi, issue du « Commentaire attaché », Wang Bi, Lou Yulie (éd.), Op. cit., p. 236. Ce morceau des œuvres de Wang Gen a été souvent mal lu, comme s’il s’agissait d’une apologie de la perfection à l’œuvre dans la foule active : en vérité, ce sur quoi Wang Gen insiste, c’est bien l’ignorance de cette foule.

68 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 3, pp. 63-65.

69 Voir respectivement Wang Bi 王襞 Mingru Wang Dongya xiansheng yiji 明儒王東崖先生遺集, in Wang Gen 王艮, Wang Xinzhai quanji 王心齋全集. Nanjing : Jiangsu jiaoyu, 2001, pp. 217-218, « Lettre à Li Shiweng, Grand Précepteur de Zhaoyang » (« Shang Zhaoyang taishi Li Shiweng shu » 上昭陽太師李石翁書) ; Wang Dong, Mingru Wang Yi’an xiansheng yiji 明儒王一庵先生遺集, ibid., p. 156.

70 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 6, p. 200, « Mémoire pour un nouveau culte, soumis au neuvième jour de la première décade quatrième mois de la troisième année de l’ère Tianqi messire Wu Luyou Shen de Xinghua à Yangzhou, censeur du circuit du Shanxi » (« Tianqi san nian si yue chu jiu ru, Shanxi dao jiancha yushi Yangzhou Xinghua Wu gong Luyou Shen conggsi zoushu » 天啓三年四月初九日山西道監察御史揚州興化吳公鹿友甡從祀奏疏).

71 Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 1, respectivement p. 7 et p. 2.

72 Vauvenargues. Œuvres complètes. Paris : Alive, 2003, p. 438, « Réflexions & Maximes supprimées ».

73 He Xinyin 何心隱, Rong Zhaozu 容肇祖 (éd.), He xinyin ji 何心隱集. Beijing : Zhonghua shuju, 1960, juan 3, p. 73, « Nouvelle lettre à Hailou » (« You Shang Hailou shu » 又上海樓書). Nous renvoyons à notre propre contribution dans une précédente livraison de la revue : Lucas Humbert, « He Xinyin 何心隱 (1517-1579) à l’avant-garde de sa propre réhabilitation : la “Missive à Wang, grand coordinateur du Huguang” », Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 14 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2022 à l'URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/2439 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ideo.2439

74 C’est en tout cas l’hypothèse qui se trouve au cœur de l’ouvrage de Shen Chenqing 沈承慶, Huashuo Wu Cheng’en. Xiyou ji zuozhe wenti jiemi 話說吳承恩:《西游記》作者問題解密. Beijing : Beijing tushuguan, 2000 ; elle n’a pas réellement convaincu le monde savant, mais se trouve mentionnée de temps à autre. De Li Chunfang, nous avons une « Commémoration sur le Temple à la gloire du confucianisme » (Chongru ci 崇儒祠), édifié en 1576 à l’initiative de notables pour vouer un culte solennel à Wang Gen (Voir supra, note 14). Li Chunfang 李春芳, Li Wending gong Yi’an tang ji 李文定公貽安堂集, 10 juan, quinzième année de l’ère Qianlong 乾隆 (1751), conservé à la bibliothèque de l’université Harvard, juan 9, pp. 12b-15a ; repris dans Wang Gen, Wang Gen quanji, op. cit., juan 5, pp. 139-143.

75 Han Zhen 韓貞, Han Zhen ji 韓貞集, in Yan Jun 顔鈞 ; Huang Xuanmin 黃宣民 (éd.), Yan Jun ji 顔鈞集. Beijing : Zhongguo shehui kexue, 1997, p. 173, « En réponse à mon maître Wang Dongya » (« Da Wang Dongya shi » 答王東崖師). Ces vers appartiennent à un échange de poèmes dont nous avons conservé les pièces correspondantes dans Wang Bi, Mingru Wang Dongya xiansheng yiji, op. cit., p. 243, « Deux nouveaux poèmes chantés adressés à Han Yizhong » (« Zai yong ji Han Yizhong er shou » 再詠寄韓以中二首).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Lucas Humbert, « Une bêtise à glorifier pour dix mille générations »Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 07 juillet 2024, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/3943 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11z8c

Haut de page

Auteur

Lucas Humbert

Lucas Humbert est doctorant contractuel à l’Inalco (Ifrae), où il prépare sous la direction de M. Frédéric Wang une thèse intitulée « Les Virtuoses et les Misérables. Autour de la “dérive” de l’école de Wang Yangming (1472-1529) ». Ses recherches et publications, en français et en chinois, se concentrent sur les échanges entre penseurs confucéens dans la Chine du XVIe siècle. À l’Inalco, il a enseigné l’histoire de la philosophie chinoise et celle du confucianisme.30 juin 2024

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search