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Romanciers en proie à la perdition

Le pavillon des égarements (« Milou ji » 迷樓記)

Un labyrinthe de chair pour Yang des Sui, empereur débauché
Rubén Almendros

Texte intégral

Introduction

1L’Empereur Yang de Sui (Sui Yangdi 隋煬帝, 604–618) est incontestablement l’un des plus fameux personnages maudits de l’historiographie traditionnelle chinoise. Né au sein d’un clan aristocratique du nord de la Chine, il devint rapidement le fils favori de la famille Yang grâce à son extraordinaire intelligence et son talent littéraire, et se vit confier des responsabilités politiques et militaires dès son plus jeune âge. En 589, à l’âge de vingt ans, après avoir accepté de diriger l’expédition des Sui 隋 contre les Chen 陳, Yangdi connut une grande gloire et gagna la confiance de son père, l’Empereur Wen (Sui Wendi 隋文帝, 581–604).

  • 1 Pour plus d’information sur la biographie et la montée sur le trône de Sui Yangdi, voir la première (...)

2Son portrait tyrannique et brutal ne commença à se dessiner qu’à l’approche de sa succession au trône. Profitant de la méfiance que sa mère, l’Impératrice Wenxian 文獻, commence à éprouver à l’égard de son frère aîné Yang Yong 楊勇, particulièrement entiché d’une concubine nommée Dame Yun 雲氏, Yangdi lui avoua son désir de remplacer son frère en tant que prince héritier. Ainsi, se présentant comme un fils exemplaire et un mari loyal face à Yang Yong, il ourdit un complot visant à accuser son frère d’être un potentiel usurpateur du trône. En 600, Wendi écarta Yang Yong de l’empire et désigna Yangdi comme son successeur. Quatre ans plus tard, en 604, Wendi mourut dans des circonstances étranges après avoir tenté de rétablir Yang Yong dans ses fonctions de prince héritier. Yangdi, proclamé empereur après cet incident, est traditionnellement considéré comme ayant orchestré l’assassinat de son père1.

  • 2 Citons, à titre d’exemple, l’épanouissement de la ville de Luoyang — devenue le centre économique e (...)

3C’est précisément sur cet affreux crime parricide, condamné par les sources historiographiques postérieures, que repose l’image négative de Sui Yangdi. Malgré les accomplissements sociaux, politiques, culturels, économiques et diplomatiques menés par ce souverain réprouvé2, son règne fut assombri par les énormes efforts réformistes de son père, Sui Wendi, et par l’arrivée des Tang 唐 en 618. Ses dernières années à la tête de l’empire ne firent que confirmer sa dérive autoritaire et licencieuse : Yangdi traita sévèrement les critiques de la cour, étouffa le peuple par une fiscalité excessive, suffoqua les rébellions paysannes dans le Nord, suite à l’inondation de 611 et l’épisode de famine en résultant, et échoua dans ses trois campagnes militaires contre Koguryô.

4Toutefois, si un aspect de la biographie de Sui Yangdi a définitivement marqué sa réception postérieure dans la culture populaire chinoise, c’est bien sa dépravation et sa lubricité. En effet, vers la fin de son règne, l’Empereur Yang ordonna la construction d’une quarantaine de somptueux palais secondaires répartis dans tout le territoire. La fiction imagina l’un d’eux : le pavillon des égarements (Milou 迷樓), où le souverain aurait passé, jours et nuits, entouré de ses concubines, devenant ainsi dans l’imaginaire une cause déterminante de la chute de la dynastie Sui.

  • 3 Non seulement le motif littéraire de l’aphrodisiaque, évoqué dans le « Milou ji », sera repris par (...)
  • 4 Un des poètes appartenant à ce groupe, Liu Yazi 柳亞子 (1887-1958), publia même en 1921 une anthologie (...)
  • 5 Stephen Owen, Mi-Lou: Poetry and the Labyrinth of Desire. Cambridge (Mass) : Harvard University Pre (...)

5Parmi toutes ces histoires, le chuanqi 傳奇 de la dynastie Song « Le pavillon des égarements de l’Empereur Yang » (« Yangdi milou ji » 煬帝迷樓記), d’auteur anonyme, est le premier à décrire ce labyrinthe légendaire du désir, construit par cet empereur maudit à Jiangdu peu avant son assassinat par ses serviteurs à l’occasion d’une de ses fréquentes visites. Écrit en chinois classique, ce récit court servit de base pour le roman en langue vernaculaire « L’Histoire galante de l’Empereur Yang des Sui » (Sui Yangdi yanshi 隋炀帝艳史, 1631) et influença décisivement la tradition littéraire érotique de la Chine impériale tardive3. L’influence culturelle de ce pavillon fut telle qu’un groupe de poètes, sous la République de Chine (1912-1949), nomma Milou la maison située dans la pittoresque ville aquatique de Zhouzhuang 周莊 (Jiangsu), où ils se réunissaient pour boire du vin et composer de la poésie4. Ce motif franchira même les frontières de l’Empire du Milieu et inspira un chercheur de l’envergure de Stephen Owen pour écrire une monographie comparatiste sur le pouvoir séducteur de la poésie en Chine comme en Occident5.

  • 6 La version ponctuée utilisée pour cette traduction se trouve dans Lu Xun 鲁迅, Lu Xun quanji 鲁迅全集 (Œu (...)
  • 7 La date de ces trois récits demeure incertaine : leur existence est avérée sous la dynastie Song (9 (...)

6Nous présentons ici la traduction intégrale de ce chuanqi, répertorié par Lu Xun 鲁迅 (1881-1936) au début du XXe siècle6. Dans cette compilation, il est accompagné de deux autres récits en langue classique — le « Haishan ji » 海山記 (« Histoire des mers et des monts ») et le « Kaihe ji » 開河記 (« Histoire du creusement du Grand Canal ») — formant ce que l’on appelle « Les Trois récits sur l’empereur Yang des Sui » (« Sui Yang sanji » 隋炀三記), qui posent les bases de sa légende noire7. Le « Milou ji », qui s'achève par une légitimation du pouvoir civilisateur des Tang face au barbarisme du dernier souverain de la dynastie Sui, raconte les dernières années du lubrique Sui Yangdi. Nous assisterons ensuite à la construction de ce monument à l’excès, traverserons tous les coins et recoins du palais et nous adonnerons au même plaisir que celui ressenti par cet empereur de perdition. Espérant avoir saisi une infime partie de la vivacité contenue dans le « Milou ji », sûrement mieux raconté dans la bouche de notre cher conteur Jacques Pimpaneau, Maître de mes maîtres, que je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion de rencontrer, j’invite l’impatient lecteur à s’égarer dans ce récit-labyrinthe comme le firent jadis tant de concubines.

Traduction

7Au crépuscule de sa vie, l’empereur Yang s’abandonna aux plaisirs de la chair. Un jour, il appela ses serviteurs les plus proches : « Moi, maître des hommes, j’ai joui des richesses de ce monde. À présent, je souhaite aussi goûter aux limites de la volupté, ainsi qu’assouvir mes appétits. Maintenant que l’empire baigne dans une paix opulente, sans troubles tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, je peux enfin satisfaire mes envies. Malgré la splendeur et l’immensité du palais impérial, je souffre de n’avoir ni chambres secrètes ni pièces étroites, pas de porches cachés ou de petites portes. Si seulement je pouvais les posséder, je me réjouirais d’y passer mes derniers jours ».

8Un de ses domestiques, Gao Chang, s’adressa à lui : « Votre humble serviteur a pour ami Xiang Sheng, originaire du Zhejiang, qui affirme pouvoir bâtir un palais ». Le lendemain, l’empereur fit venir à lui Xiang Sheng pour l’interroger sur une telle entreprise. « Permettez-moi, votre Majesté, d’aller chercher mon carnet de dessins », répondit-il. Quelques jours plus tard, il présenta ses plans à l’empereur, qui les examina avec grand plaisir. Le jour même, il demanda aux fonctionnaires de fournir le bois d’œuvre nécessaire.

  • 8 L’expression she ri 射日, littéralement « tirer à l’arc sur le soleil », fait référence à Hou Yi 后羿, (...)

9Des dizaines de milliers de serviteurs furent mobilisés et, en un an, les travaux furent achevés. Il y avait des tours et des pavillons hauts et bas, avec des galeries et fenêtres aux contrastes lumineux ; des alcôves cachées et des pièces secrètes aux rampes de jade et balustrades écarlates, toutes reliées les unes aux autres, formant un cercle infini, avec des chambres occultes en enfilade. On comptait mille portes et dix-mille fenêtres, recouvertes d’or et de jaspe vert au-dessus et en dessous. Des dragons dorés se dissimulaient sous les poutres et des bêtes de jade s’accroupissaient aux abords des portes. Les murs et pavés irradiaient de lumière, les rayons du soleil8 traversant les treillis des fenêtres. C’était le summum de l’artisanat, tel qu’on ne l’avait plus vu depuis les temps anciens ; tout cela à grands frais de jade et d’or, au point que les caisses de l’empire furent complètement vidées. Si quelqu’un y entrait par erreur, il serait incapable de retrouver la sortie même en y passant une journée entière.

10Lorsque l’empereur eut fait le tour des lieux, ravi, il s’adressa à son entourage : « Même un vrai immortel s’égarerait en se promenant ici. À mes yeux, on pourrait bien le nommer "le Pavillon des égarements" ». Il fit récompenser Xiang Sheng avec un poste du cinquième rang et, pour montrer sa reconnaissance, il lui offrit également mille pièces d’étoffe provenant de l’entrepôt impérial. Il ordonna ensuite que quelques milliers de jeunes femmes aisées du gynécée soient choisies pour demeurer dans ce labyrinthe. À chaque fois que l’empereur visitait les lieux, il y passait un mois entier sans en sortir.

11Le même mois, le grand officier He Chou présenta à l’empereur une charrette destinée aux jeunes vierges. L’agencement du chariot était si petit que seule une personne pouvait y prendre place. Il renfermait un mécanisme empêchant les mains et les pieds de la femme d’effectuer le moindre mouvement. L’empereur l’essaya avec une vierge et en fut très satisfait. Il s’adressa à He Chou : « Quelle idée merveilleuse vous avez eue ! ». Pour récompenser son ingéniosité, il lui offrit dix mille pièces d’or. He Chou sortit et parla autour de lui du mécanisme astucieux de ce chariot. Certains connaisseurs affirmèrent qu’il ne s’agissait pas là d’un instrument de haute vertu.

12He Chou présenta une nouvelle charrette équipée d’un pivot tournant, tirée par des hommes, capable même de monter des étages aussi facilement que si elle roulait sur un terrain plat. Les femmes pouvant y bouger par elles-mêmes, l’empereur fut comblé. « Comment s’appelle ce chariot ? demanda-t-il à He Chou.
— Votre humble serviteur l’a construit à son idée et il n’a pas de nom, répondit l’officier. J’espère que vous pourrez lui donner un titre approprié.
— Puisque vous l’avez fabriqué en suivant vos ingénieux desseins et que je m’en servirai selon mon désir et pour mon seul plaisir, appelons-le "le chariot du libre désir" ». He Chou s’inclina devant l’empereur deux fois avant de partir.

13L’empereur ordonna à ses peintres de réaliser quelques dizaines de portraits de couples en plein ébat et de les suspendre dans le pavillon. La même année, Shang Guanshi fut rappelé du Jiangnan afin de forger plusieurs dizaines de paravents en cuivre noir, chacun mesurant cinq pieds de haut et trois pieds de large, polis pour en faire des miroirs à disposer autour de la chambre à coucher. Il se rendit à la cour et les présenta à l’empereur, qui les installa dans le pavillon des égarements. Lorsqu’il avait des rapports sexuels avec des femmes, le moindre détail de leurs corps se reflétait sur le plateau de cuivre. L’empereur, enchanté, déclara : « Les peintures ne capturent que l’apparence générale des hommes, quand ces miroirs réussissent à montrer leur vrai visage, surpassant mille fois les images ». Il récompensa ensuite Shang Guanshi avec mille pièces d’or.

14L’empereur s’adonna jour et nuit aux excès dans le pavillon des égarements, s’exténuant et épuisant ses forces. Il s’en confia à un serviteur proche : « Je me souviens du jour où je suis monté sur le trône pour la première fois. Je travaillais si dur que je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Il me fallait m’étendre sur une femme qui me servit d’oreiller, alors seulement je pouvais fermer les yeux. J’étais comme plongé dans un rêve, puis je me réveillais. Comment se fait-il que maintenant, quand je rentre dans le sommeil, embrumé, je ne sache plus m’en extirper et que, lorsque je m’approche d’une femme, je me sente épuisé ? »

  • 9 Le personnage du nain Wang Yi 王義 apparaît déjà dans le « Haishan ji », l’un des « Trois récits de l (...)
  • 10 Les eunuques étaient les seuls hommes autorisés à accéder à l’intérieur du palais car, étant castré (...)
  • 11 Littéralement, « le dragon se tient caché », expression tirée du premier trigramme qian 乾 du Livre (...)
  • 12 La salle intérieure désigne l’espace où l’on promulguait les édits gouvernementaux.

15Un jour, un nain appelé Wang Yi9 s’adressa à l’empereur : « Votre humble serviteur n’est qu’un paysan estropié, incapable de dépasser les autres dans tout ce qu’il fait. Je suis né dans une région déserte et reculée, mais ayant été recommandé, j’ai eu la chance de devenir serviteur pour balayer le gynécée. Sa Majesté m’a traité avec une telle bienveillance que je me suis castré pour être à Son service10. Depuis lors, j’ai pu aller et venir dans votre chambre et circuler de pièce en pièce. Personne n’est à présent un ami plus sûr pour Sa Majesté que moi. Je me suis permis de parcourir les livres du palais, les ai savourés encore et encore et ai pu en retenir une infime partie. J’y ai lu qu’une bonne énergie vitale permettrait d’affiner l’ouïe et d’aiguiser le regard. Avant que Sa Majesté ne soit montée sur le trône11, l’empereur précédent se montrait diligent et économe. Vous vous approchiez alors rarement des femmes, mais vous entouriez chaque jour d’hommes vertueux. Sa Majesté étant riche d’une force vitale intérieure, la clarté de sa puissance spirituelle s’en manifestait à l’extérieur, de sorte qu’elle ne puisse dormir ni le jour ni la nuit. Au fil de ces dernières années, vous avez comblé le gynécée d’une myriade de plaisirs et y avez festoyé de jour comme de nuit. Hormis une fois l’an à l’occasion de fêtes auspicieuses, a-t-on jamais pu apercevoir Sa Majesté dans la salle intérieure12 ? Le reste du temps vous ne vous rendiez pas souvent à la cour. Éventuellement, si Sa Majesté recevait des invités venus de loin ou assistait à quelque célébration exceptionnelle, elle siégeait pour une audience jusqu’à une heure tardive, puis, sans perdre un seul instant, elle se levait et se retirait dans le gynécée. Or en consacrant un corps limité à des désirs sans borne, j’ai depuis longtemps prédit que Sa Majesté s’épuiserait. J’ai entendu parler d’un rustre vieillard qui, dans les temps anciens, chantait et dansait tout seul sur un rocher. Un homme l’interrogea : « De quoi vous réjouissez-vous ainsi tout seul ?
— J’ai trois joies, les connaissez-vous ? répondit le vieil homme
— Lesquelles ? demanda-t-il.
— Il est difficile dans la vie de trouver la paix et la prospérité, et de nos jours aucun soulèvement militaire ne se profile à l’horizon : ceci est une joie. Il est rare dans la vie d’avoir tous ses membres au complet, et aujourd’hui je ne suis pas infirme : ceci est ma deuxième joie. Il est compliqué de parvenir à la vieillesse, et j’ai déjà quatre-vingts ans : ceci est ma troisième joie ». En entendant cela, l’homme soupira d’admiration, puis s’en alla. Sa Majesté jouit des richesses et honneurs en ce monde. Doté d’une apparence supérieure et éminente, vous possédez le teint du dragon et les airs du phénix, mais vous ne semblez pas vous chérir, même si vos préoccupations ne peuvent évidemment pas être comparées à celles d’un vieux rustre. Votre petit et insignifiant serviteur ne sait témoigner à Sa Majesté sa reconnaissance et, ignorant des interdits, il a offensé le visage du Ciel ».

16Ensuite il se jeta à terre en sanglotant. L’empereur lui ordonna de se relever. Le lendemain, il convoqua Wang Yi et lui dit : « Hier soir j’ai réfléchi à tes paroles, qui témoignaient d’une immense et profonde sagesse. Tu es quelqu’un qui me chérit véritablement ». L’empereur ordonna alors à Wang Yi de choisir une pièce calme dans son gynécée dans laquelle il resterait seul sans qu’aucune femme ne soit autorisée à entrer. Deux jours plus tard, l’empereur en sortit, furieux : « Comment peut-on demeurer ici dans une telle mélancolie ? Dans ces conditions, à quoi bon vivre dix millions d’années ? ». Il retourna alors au Pavillon des égarements.

  • 13 Le roman Ming Sui Yangdi yanshi apporte plus de détails sur la raison du suicide, évoquée brièvemen (...)
  • 14 Les poèmes suivants sont également retranscrits dans la version vernaculaire de ce récit, le Sui Ya (...)

17On comptait tant de femmes au palais que nombreuses étaient celles qui ne pouvaient partager la couche de l’empereur. Un jour, une concubine d’une grande beauté appelée Dame Hou se pendit à une poutre13. Un sac de brocart suspendu à son bras contenait un message. Les laquais le portèrent à l’empereur, découvrant qu’il s’agissait de poèmes14. Il y en avait trois s’intitulant « Sentiments de soi » :

Les traces de la voiture de jade s’interrompent devant la cour,
Les herbes odorantes forment peu à peu un nid.
On entend au loin le son des flûtes et des tambours,
En quel endroit se trouvent les grâces de Votre Excellence ?

Je désire pleurer, mais les larmes ne coulent pas,
Je dépasse ma peine en un puissant chant.
Chatoyantes, les fleurs de la cour s’apprêtent à éclore,
Comment alors ne pas se projeter au printemps ?

Les jours de la belle saison semblent n’avoir de fin,
Marchant toute seule, à quoi pourrais-je penser ?
Je ne peux rivaliser avec les herbes et les fleurs,
Eux qui savent accueillir la pluie et la rosée.

18Deux poèmes nommés « Regardant les pruniers » disaient ceci :

Les couches de neige ne fondent pas au soleil,
Je fronce les sourcils en déroulant le rideau.
Les pruniers de la cour me témoignent leur sympathie,
Tandis qu’au bout des branches naît un peu de printemps.

  • 15 Pour des questions rythmiques, nous avons allégé le vers original, indiquant le nom du pavillon : l (...)

Que de doux parfums froids et délicats,
Ceux qui s’y attachent ne sont-ils pas naïfs ?
Derrière le pavillon parvient la douceur vernale15,
Dispersant à sa guise les fleurs au printemps.

19Le poème « Maquillage achevé » :

Une fois fardée, la nostalgie me prend,
Les doux rêves laissent place au chagrin.
Jamais je ne pourrai imiter les duvets de saule,
Qui volent en tous lieux à l’arrivée du printemps.

20Le poème « Intentions » :

  • 16 Wang Zhaojun 王昭君, considérée comme une des quatre beautés de la Chine ancienne, fut donnée en maria (...)

Les herbes immortelles sont retenues dans la grotte secrète,
Les beautés de jade captives derrière les volets sculptés.
Monsieur Mao pourrait bien être exécuté,
Refusant de peindre fidèlement Zhaojun16.

21Le poème « De la blessure de soi » :

  • 17 Nom du règne de l’Empereur Xiao Wen 孝文 (471-499), de la dynastie Wei du Nord.
  • 18 Le Palais Inachevé (Wei yang gong 未央宮) est un palais impérial que l’Empereur Han Gaozu 漢高祖 (206-195 (...)
  • 19 Le palais Changmen 長門, traduit ici par « Grande Porte », désigne la résidence impériale où demeuren (...)

Le jour où je suis entrée à la cour de Cheng Ming17,
J’étais profondément redevable au Palais Inachevé18.
En sept ou huit ans derrière la Grande Porte19,
Je n’ai jamais vu l’Empereur.
La fraîcheur printanière me purifie jusqu’aux os,
Seule, je me couche dans une demeure vide et triste.
Emportée par le vent, je marche dans la cour,
Isolée, j’enfouis en moi le vide et les tourments.
Chaque jour les jeunes mariés se chérissent,
J’attends et dépends de l’extraordinaire.
Mes couleurs et ma beauté finalement délaissées,
Comment peut-on débattre d’un destin si malheureux ?
Les bontés du roi sont en effet lointaines,
Moi, concubine, je fais les cent pas,
Comment dans mon entourage n’ai-je pas de proche famille ?
Négligés, mes parents vieillissent dans la chambre du Nord.
Dans ce corps sans ailes, je languis,
Comment pourrai-je franchir ces hauts remparts ?
Mon existence est bien pesante,
La fin de mes jours, un choix enviable.
J’accroche un tissu de soie à la poutre écarlate,
Mes entrailles semblent en ébullition.
Morte, je déplorerai ma propre perte,
Comme si la soie tiraillait mes viscères.
Résolue, je me rendrai au lieu funeste,
Et retournerai au pays des morts.

  • 20 Se référer à la note 13.
  • 21 Dans la Chine impériale, les rangs sociaux supérieurs condamnés à la peine de mort pouvaient bénéfi (...)
  • 22 Le Bureau de la Musique (Yuefu 樂府), créé en 120 av. J.-C. par Han Wudi 漢武帝, avait pour but de colle (...)

22Lisant ces poèmes, l’empereur fut saisi à plusieurs reprises d’une profonde tristesse. Il alla voir sa dépouille et dit : « Même morte, son visage est aussi beau que la fleur de pêcher ». Il convoqua alors d’urgence l’émissaire impérial Xu Tingfu20 : « Je t’ai envoyé choisir quelques concubines pour les faire entrer dans le Pavillon des égarements. Comment as-tu pu oublier cette femme ? ». Il fit mettre Xu Tingfu en prison et lui accorda le suicide21. Dame Hou fut enterrée lors de somptueuses funérailles. L’empereur récitait tous les jours ses poèmes et les appréciait tant qu’il ordonna au Bureau de la Musique22 de les harmoniser pour être chantés. Il se rendit encore au gynécée afin de choisir personnellement cent femmes pour le Pavillon des égarements.

  • 23 La huitième année de l’ère Daye correspond à l’année 612.
  • 24 Le premier des deux caractères composant le nom de l’alchimiste est remplacé par un petit carré bla (...)
  • 25 Dans ce chuanqi, le liquide contenu dans les tasses n’est pas indiqué, contrairement au roman verna (...)

23La huitième année de l’ère Daye23, un alchimiste24 présenta le Grand Élixir à l’empereur. Après l’avoir ingéré, celui-ci ne put plus contenir son excitation, partageant jour et nuit son lit avec des dizaines de femmes. À l’arrivée de l’été, l’empereur, se sentant irascible, buvait de centaines de tasses de thé sans pouvoir étancher sa soif25. Le médecin Mo Junxi s’adressa à l’empereur : « Les méridiens du cœur de Sa Majesté souffrent d’une grande irritabilité et Son énergie vitale est trop faible. Une consommation élevée de liquides pourrait entraîner une grave maladie ». Il lui prescrit alors un remède capable de le soigner : il fit placer devant l’empereur des plateaux de glace qu’il devrait contempler jour et nuit afin de soulager ses humeurs ardentes. Dès lors, toutes les femmes de la cour firent charger des plateaux de glace en espérant que le souverain leur rende visite. Dans la capitale, la glace subit une hausse de prix et les familles propriétaires de glacières en tirèrent de grands profits.

  • 26 La neuvième année de l’ère Daye correspond à l’année 613.
  • 27 Jiangdu 江都, actuelle ville de Yangzhou 揚州 dans la province du Jiangsu 江蘇, était la troisième capita (...)

24La neuvième année de l’ère Daye26, l’empereur se rendit à Jiangdu27. La voix d’une dame du Pavillon des égarements s’éleva dans la nuit calme :

  • 28 Cette chanson annonce un mauvais présage fondé sur l’utilisation de deux caractères : le saule (yan (...)

Au Henan, la souche du peuplier dépérit,
Au Hebei, le prunier fleurit.
S’envolant, les duvets de saule se dispersent ici et là,
Et les fleurs de prunier portent naturellement leurs fruits28.

25L’empereur, entendant cette chanson, jeta un habit sur ses épaules et se dressa pour mieux écouter. Il fit venir la dame et l’interrogea : « Quelqu’un t’a-t-il demandé d’entonner ce chant ou l’as-tu chanté de ton propre gré ?
— Mon frère a entendu cette mélodie de la bouche du peuple, répondit-t-elle. Il m’a dit que, sur la route, les enfants la fredonnaient souvent ».
L’empereur resta silencieux un long moment. « C’est une révélation du Ciel ! Une révélation du Ciel ! ». Il demanda ensuite du vin et chanta pour lui-même :

Le vol dense des hirondelles fait de l’ombre aux arbres du palais,
Depuis les temps anciens, la prospérité et le déclin mènent à l’affliction,
Un jour le Pavillon des égarements sera le plus beau des spectacles,
Dans le palais fleuriront les passions de leur éclat rougeoyant.

26Une fois le chant entonné, l’empereur fut submergé par son chagrin. Un serviteur s’adressa à lui : « Nous ne comprenons pourquoi, sans motif, vous chantez avec tant de tristesse ». L’empereur répondit : « Arrêtez vos questions ! Cela fera sens un jour ! »

  • 29 Bien que le récit n’explicite pas le résultat de ce déplacement, le lecteur de l’époque pourrait sû (...)
  • 30 Se référer à la note 28.

27Plus tard, l’empereur se rendit à Jiangdu29. Lorsque l’empereur Tang conduisit ses troupes et entra dans la capitale, il découvrit le Pavillon des égarements et, consterné, déclara : « Tout cela fut bâti avec la sueur et le sang du peuple ! » Il ordonna alors de le brûler. Au bout d’un mois, le feu n’était toujours pas éteint. Ce que prédisaient les ballades et poèmes d’autrefois se réalisa. On comprend maintenant que la montée et la chute des dynasties ne sont pas le fruit du hasard30.

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Notes

1 Pour plus d’information sur la biographie et la montée sur le trône de Sui Yangdi, voir la première section de la monographie de Victor Cunrui Xiong, Emperor Yang of the Sui Dynasty. His Life, Times, and Legacy. Albany : State University of New York Press, 2006, pp. 1-71.

2 Citons, à titre d’exemple, l’épanouissement de la ville de Luoyang — devenue le centre économique et culturel des Tang —, la création du Grand Canal et d’un réseau de transport terrestre, l’expansionnisme militaire, la restauration du système éducatif confucéen rétrogradé par son père ou l’introduction du degré de jinshi 進士dans le fonctionnariat.

3 Non seulement le motif littéraire de l’aphrodisiaque, évoqué dans le « Milou ji », sera repris par le chef-d’œuvre de l’érotisme chinois Jin Ping Mei 金瓶梅 (Fleur en Fiole d’Or, c. 1610), mais les fascinants objets qui y sont décrits, comme le chariot du libre désir, seront davantage développés par des romans postérieurs tels que le Yesou puyan 野叟曝言 (Francs propos d’un vieux rustre, c. 1750), ou le Shenlou zhi 蜃樓志 (Le pavillon des mirages, 1804), qui le présenteront comme un lit sexuel mécanique. À ce sujet, voir, Rubén Almendros, « Bribery and Corruption in Canton: The Circulation of Foreign Objects in the Early Nineteenth Century Novel Shenlou zhi 蜃樓志 », in Rainier Lanselle et Roland Altenburger (éds.), Everyday Archives: Vernacular Literature and the Spread of Knowledge in Early Modern China. Paris : Collège de France, à paraître.

4 Un des poètes appartenant à ce groupe, Liu Yazi 柳亞子 (1887-1958), publia même en 1921 une anthologie homonyme, composée de 808 poèmes, dans laquelle le Milou agit en tant que symbole de la réjouissance, la frustration et la nostalgie. Voir Yang Zhiyi, « The Tower of Going Astray: The Paradox of Liu Yazi’s Lyric Classicism », Modern Chinese Literature and Culture, Vol. 28, No. 1, 2016, pp. 174-221.

5 Stephen Owen, Mi-Lou: Poetry and the Labyrinth of Desire. Cambridge (Mass) : Harvard University Press, 1989.

6 La version ponctuée utilisée pour cette traduction se trouve dans Lu Xun 鲁迅, Lu Xun quanji 鲁迅全集 (Œuvres complètes de Lu Xun). Shanghai-Beijing : Renmin wenxue, 1973, vol. 10, pp. 389-393.

7 La date de ces trois récits demeure incertaine : leur existence est avérée sous la dynastie Song (960-1279), mais ils ont probablement été composés plus tôt, sous les Tang (618-907).

8 L’expression she ri 射日, littéralement « tirer à l’arc sur le soleil », fait référence à Hou Yi 后羿, archer mythique de l’Antiquité. Selon la légende, Hou Yi mit fin à une grave sécheresse après avoir abattu avec ses flèches neuf des dix soleils ayant paru dans les cieux.

9 Le personnage du nain Wang Yi 王義 apparaît déjà dans le « Haishan ji », l’un des « Trois récits de l’empereur Yang des Sui ». Si dans le « Milou ji », Wang Yi met en garde l’empereur du déclin de l’empire et de l’importance de mener une vie modérée, dans le « Haishan ji », c’est le même Sui Yangdi — ayant appris que les signes astrologiques annoncent un désastre imminent — qui réprimande Wang Yi de ne pas l’avoir averti plus tôt.

10 Les eunuques étaient les seuls hommes autorisés à accéder à l’intérieur du palais car, étant castrés, ils ne représentaient pas une menace pour la chasteté du harem impérial.

11 Littéralement, « le dragon se tient caché », expression tirée du premier trigramme qian 乾 du Livre des mutations (Yijing 易經) : « Le dragon caché n’agit pas, le souffle yang est profondément enfoui » (潛龍勿用,陽氣潛藏). Par extension, il s’agit du souverain qui attend de montrer sur le trône.

12 La salle intérieure désigne l’espace où l’on promulguait les édits gouvernementaux.

13 Le roman Ming Sui Yangdi yanshi apporte plus de détails sur la raison du suicide, évoquée brièvement dans le chuanqi. La charmante et douée Dame Hou, élue comme concubine à l’âge de quinze ans, passa trois ans sans jamais voir l’Empereur Yang. N’ayant pas été sélectionnée par Xu Tingfu pour intégrer le gynécée personnel du souverain, elle se suicida par peur de mourir seule. La solitude, la nostalgie et la blessure sont les thèmes principaux des poèmes laissées par cette femme au grand talent littéraire.

14 Les poèmes suivants sont également retranscrits dans la version vernaculaire de ce récit, le Sui Yangdi yanshi, au quinzième chapitre.

15 Pour des questions rythmiques, nous avons allégé le vers original, indiquant le nom du pavillon : le Pavillon du Prunier de Jade (Yu mei xie 玉梅榭).

16 Wang Zhaojun 王昭君, considérée comme une des quatre beautés de la Chine ancienne, fut donnée en mariage au Khân Huhanye 呼韓邪 des Xiongnu 匈奴 par l’empereur Yuan (Yuandi 元帝, 49-33 av. J.-C.) des Han afin de forger une alliance. Selon la légende, l’empereur Yuan choisit les concubines qui rentraient à la cour à partir des portraits effectués par le peintre Mao Yanshou 毛延寿. N’ayant pas suffisamment d’argent pour soudoyer Mao Yanshou, l’image de Wang Zhaojun était moins gracieuse que celle des candidates lui ayant offert un pot-de-vin. L’empereur la sélectionna, mais ne la visita jamais en personne. Il ne découvrit son éclatant visage qu’après l’avoir désignée comme épouse de Huhanye et, furieux, exécuta Mao Yanshou. Cette référence sert, dans une certaine mesure, d’anaphore à ce qui se passera ensuite dans notre récit : après avoir découvert que la belle concubine Hou s’était suicidée puisqu’elle n’avait pas été sélectionnée par Xu Tingfu, l’Empereur Yang des Sui condamna son serviteur au suicide. Wang Zhaojun, pour sa part, se donna également la mort après que son propre fils Shiwei 世違, souhaitant la marier après le décès du Khân, lui avoue qu’il se sentait plus xiongnu que chinois.

17 Nom du règne de l’Empereur Xiao Wen 孝文 (471-499), de la dynastie Wei du Nord.

18 Le Palais Inachevé (Wei yang gong 未央宮) est un palais impérial que l’Empereur Han Gaozu 漢高祖 (206-195 av. J.-C.) fit bâtir à Chang’an 長安, l’actuelle ville de Xi’an 西安.

19 Le palais Changmen 長門, traduit ici par « Grande Porte », désigne la résidence impériale où demeurent les femmes tombées en disgrâce. La première occurrence de cet endroit apparaît dans le « Fu du Palais Changmen » (Changmen fu 長門賦), publié pour la première fois sous la dynastie Liang (502-507) dans l’Anthologie de Zhao Ming (Zhao Ming wenxuan 昭明文選). La préface, attribuée à Sima Xiangru 司馬相如 (179-118 av. J.-C.), contextualise l’origine de cette composition poétique : l’Impératrice Chen 陳, ayant joui de la faveur de l’Empereur Xiao Wen, résidait toute seule dans le Palais Changmen et se sentait affligée et mélancolique. Elle demanda à Sima Xiangru de composer des vers pour apaiser sa tristesse et, quand les mots touchants de cet érudit parvinrent aux oreilles du souverain, elle attira de nouveau sa grâce.

20 Se référer à la note 13.

21 Dans la Chine impériale, les rangs sociaux supérieurs condamnés à la peine de mort pouvaient bénéficier de l’accord au suicide (cisi 賜死) de la part de l’empereur.

22 Le Bureau de la Musique (Yuefu 樂府), créé en 120 av. J.-C. par Han Wudi 漢武帝, avait pour but de collecter des chansons et leurs partitions musicales pour les cérémonies de la cour.

23 La huitième année de l’ère Daye correspond à l’année 612.

24 Le premier des deux caractères composant le nom de l’alchimiste est remplacé par un petit carré blanc. Nous avons décidé d’omettre ce nom comme d’autres éditions modernes de ce chuanqi l’ont fait.

25 Dans ce chuanqi, le liquide contenu dans les tasses n’est pas indiqué, contrairement au roman vernaculaire Sui Yangdi yanshi, où l’empereur boit du thé (cha shui 茶水) pour calmer ses humeurs. Afin d’harmoniser le récit en langue vulgaire et sa source classique, nous avons décidé de traduire bei 杯 par « tasses de thé ».

26 La neuvième année de l’ère Daye correspond à l’année 613.

27 Jiangdu 江都, actuelle ville de Yangzhou 揚州 dans la province du Jiangsu 江蘇, était la troisième capitale de l’empire des Sui, où Yangdi se fit construire un palais luxueux inspirant probablement le légendaire Pavillon des égarements.

28 Cette chanson annonce un mauvais présage fondé sur l’utilisation de deux caractères : le saule (yang 楊) serait un homonyme de l’empereur Yang, tandis que la prune (li 李) ferait référence au nom de famille des souverains de la dynastie Tang, dont le premier fut Li Yuan 李淵 (566-635). Le lecteur n’apprend qu’à la fin du récit, lorsque l’on évoque « les ballades et poèmes d’autrefois », le contenu de cette révélation concernant la chute de la dynastie Sui, que l’empereur Yang paraît pressentir après l’écoute de ces vers.

29 Bien que le récit n’explicite pas le résultat de ce déplacement, le lecteur de l’époque pourrait sûrement deviner, à partir de la simple évocation de la ville de Jiangdu, la tragique fin de l’empereur débauché, assassiné lors d’un de ses fréquents voyages.

30 Se référer à la note 28.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Rubén Almendros, « Le pavillon des égarements (« Milou ji » 迷樓記) »Impressions d’Extrême-Orient [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ideo/3809 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11z84

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Auteur

Rubén Almendros

Rubén Almendros est doctorant contractuel à l’Inalco, où il enseigne des cours de langue chinoise et de méthodologie, et membre de l’IFRAE. Il prépare depuis 2021 une thèse sur les rapports entre histoire et fiction dans le roman en langue vernaculaire Le Pavillon des mirages (Shenlou zhi 蜃樓志, 1804).

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