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Une histoire subjective des recherches sur les archées en France

I : Les archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisomérases
A subjective history of research on the Archaea in FranceI: Archaea: a goldmine for the study of DNA topoisomerases
Patrick Forterre
p. 17-27

Résumés

Les archées représentent l’un des trois domaines du vivant, au côté des bactéries et des eucaryotes. Très tôt après leur découverte, en 1977, l’auteur a entrepris l’étude de ces microorganismes. Il décrit la découverte dans son équipe à Orsay de nouvelles familles d’enzymes impliquées dans la modification des super-hélices d’ADN. L’une de ces enzymes, la reverse gyrase, est essentielle à la vie à très haute température, une autre, l’ADN topoisomérase VI « chez les archées », a permis d’identifier une protéine clef impliquée dans la diversification de notre matériel génétique.

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Texte intégral

Remerciements

Je remercie Jean-Michel Rossignol pour m’avoir permis d’évoquer l’historique de mes recherches sur les archées et la saga de leurs ADN topoisomérases. Je m’excuse auprès de nombreux collaborateurs que je n’ai pas eu la place de citer ici et qui ont participé à cette aventure : Christine Jaxel, Cyril Bulher, Chantale Bocs, Yvan Zivanovic, Stéphanie Marsin, Purificacion Lopez-Garcia, Olivier Guipaud, Florence Constantinesco et beaucoup d’autres.

Introduction

  • 1 Je raconte l’histoire de la découverte des archées par Carl Woese dans mes ouvrages « Microbes de l (...)
  • 2 Cette division se basait principalement sur la présence (eucaryote) ou l’absence (procaryote) d’un (...)
  • 3 Proceedings of the National Academy of Science.

1Mon histoire d’amour avec les archées a commencé en 1982 avec la lecture de la revue de Carl Woese, publiée dans Scientific American, dans laquelle il décrivait en détail les recherches qui l’avaient conduit à mettre en évidence une différence fondamentale au niveau moléculaire entre les bactéries « classiques » et un groupe de bactéries atypiques qu’il avait baptisé archéobactéries (1)1 (Figure 1). Selon lui, le monde vivant ne devait plus être divisé en deux grandes catégories, eucaryotes et procaryotes2, mais en trois : eucaryotes, eubactéries et archéobactéries. Je n’avais pas lu l’article princeps à sa sortie en 1977 dans PNAS3 (2) car, comme la plupart des biochimistes et biologistes moléculaires, je ne suivais pas à l’époque la littérature sur l’évolution des microorganismes. Je n’ai cessé depuis de conseiller à mes étudiants et à mes collègues de continuer à lire les revues de vulgarisation, afin de ne pas rester confiné dans son domaine d’expertise.

Figure 1 – Découverte des archées – Carl Woese

Figure 1 – Découverte des archées – Carl Woese

Découverte des archées. Trente ans après, Carl Woese me présente en 2007 dans son laboratoire le film (autoradiographie) qui lui a révélé l’originalité des archées (1,2). Chaque tache noire correspond à un fragment de la molécule d’ARN de la petite sous-unité du ribosome digéré par une enzyme qui coupe après la lettre G (guanine).

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Figure 1 bis - Les souches de Sulfolobus

Figure 1 bis - Les souches de Sulfolobus

Les souches de Sulfolobus sur lesquelles j’ai travaillé m’ont été fournies par Wolfram Zillig, qui en a isolé plusieurs espèces dans différentes sources chaudes terrestres acides. On le voit sur cette photo récupérer des échantillons dans une source chaude de l’ile de White Island en Nouvelle-Zélande.

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Une nouvelle biologie moléculaire : de nouvelles opportunités

2Un nombre considérable de chercheurs dans le monde travaillait depuis plus de trente ans sur la biologie moléculaire des bactéries et depuis la fin des années 1960, un nombre toujours plus grand s’était progressivement attaqué à celle des eucaryotes. Par contre, très peu de chercheurs s’étaient intéressés aux archaebactéries, un boulevard s’ouvrait donc pour ceux qui avaient eu la chance de découvrir le travail de Woese avant leurs collègues, et qui auraient l’audace d’abandonner leur organisme modèle préféré pour s’attaquer à l’étude de microorganismes dont presque personne n’avait entendu parler.

  • 4 La réplication correspond à la duplication de la double-hélice d’ADN pour former deux double-hélice (...)
  • 5 Adenosine triphosphate, son hydrolyse en adénosine diphosphate (ADP) libère l’énergie nécessaire au (...)

3J’étais à l’époque jeune assistant titulaire à l’Université Paris VII et je travaillais sur la réplication de l’ADN4 chez Escherichia coli à l’Institut de biologie moléculaire du CNRS sur le campus de Jussieu. J’avais découvert ce sujet, en plein essor au début des années 1970, grâce au cours de biologie moléculaire donné par François Gros. J’avais rejoint pour ma thèse Masamichi Kohiyama, qui avait hérité de ce sujet suite à son passage dans le laboratoire de François Jacob, lequel avait proposé en 1963, le modèle du réplicon. Je travaillais sur le rôle de l’ATP5 dans la réplication de l’ADN en utilisant un modèle de réplication in vitro. Je m’étais plus particulièrement intéressé à l’ADN gyrase. Cette enzyme fascinante peut introduire des super-hélices négatives dans l’ADN, grâce à l’énergie de l’ATP (Figures 2 et 3). Dans une super-hélice, la double hélice bien connue s’enroule sur elle-même, en formant des supertours. Les super-hélices sont dites négatives si elles s’enroulent dans le sens contraire des tours formés par l’enroulement des deux brins de l’ADN dans la double hélice. Ce « surenroulement » inversé peut provoquer localement l’ouverture des deux brins de l’ADN (Figure 3), ce qui va faciliter toute une série de processus, tel que la réplication de l’ADN ou la lecture de certains gènes. J’avais montré que des inhibiteurs de la gyrase, l’acide nalidixique et la novobiocine, inhibaient la réplication de l’ADN in vitro. En 1980, j’avais proposé le premier modèle qui supposait que cette enzyme introduise des coupures double-brins dans l’ADN, et non simple-brin comme on le pensait jusque-là. Cette caractéristique allait par la suite définir les ADN topoisomérases de type II (Topo II) (encadré 1). Ces enzymes sont présentes chez tous les organismes à ADN car elles sont indispensables pour éliminer les super-hélices positives qui se forment pendant la réplication pour compenser l’ouverture des deux brins et pour séparer les chromosomes entrelacés à la fin des divisions cellulaires. Nous verrons toutefois que toutes n’ont pas l’activité gyrase présente chez les bactéries.

Figure 2 – Superhélice d’ADN négative

Figure 2 – Superhélice d’ADN négative

Dans la cellule, l’ADN est très rarement au repos (comme sur la photo en bas à gauche prise en microscopie électronique, on parle d’ADN relâché). La double hélice se tord ou se détord sous l’effet de contraintes physiques ou mécaniques, comme les vieux fils téléphoniques, ce qui entraine la formation de super-hélices. Des super-hélices peuvent être aussi produites ou au contraire éliminées par des enzymes, les ADN topoisomérases.

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Figure 3 - Gyrase et reverse gyrase

Figure 3 - Gyrase et reverse gyrase

En utilisant l’énergie de l’ATP, la gyrase produit des super-hélices négatives et la reverse gyrase des super-hélices positives dans un ADN circulaire. Dans une super-hélice négative, comme la super-hélice tourne dans le sens inverse de la double-hélice, le nombre d’entrelacements entre les deux brins sera plus faible que dans un ADN relâché. Cette caractéristique va faciliter l’ouverture de la double-hélice qui aura tendance à relâcher un peu l’ADN, ce qui est favorable sur le plan énergétique. Ce sera l’inverse pour un ADN surenroulé positivement, qui sera plus difficile à ouvrir.

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  • 6 Malheureusement, aucun de ces chercheurs n’a obtenu le prix Nobel, alors que leurs découvertes ont (...)

4J’étais donc fasciné par tout ce qui tournait autour de la topologie de l’ADN. Malheureusement, j’étais en compétition avec des équipes américaines toutes plus performantes les unes que les autres, celles de Jim Wang, le découvreur des ADN topoisomérases en 1970, de Martin Gellert, qui avait découvert la gyrase en 1976, ou encore de Nick Cozzarelli, qui allait proposer en 1980 la distinction entre Topo de type I (Topo I) et de type II (Topo II) (encadré 1)6. Je ne pouvais pas jouer avec succès dans la même cour qu’eux, vu les faibles moyens dont nous disposions à Paris. Nous étions de plus isolés sur la scène nationale, les biochimistes de pointe en France s’étant presque tous focalisés sur l’ARN et la traduction. A défaut de pétrole, il fallait des idées ! Travailler sur les archéobactéries fut pour moi la bonne pioche. Je décidai d’étudier leurs ADN polymérases et topoisomérases. J’espérais pouvoir disposer de quelques années d’avance sur les chercheurs américains avant que ces derniers ne découvrent à leur tour l’intérêt des archées. Je me trompais, aucun de ceux cités plus haut ne s’est jamais intéressé aux archées, restant tous attachés aux organismes modèles bactériens ou eucaryotes. Il a fallu plus de vingt ans pour que de jeunes chercheurs aux USA ou en Grande-Bretagne se rendent compte de l’intérêt de la biologie moléculaire des archées et montent des équipes performantes sur le sujet à partir des années 2000.

5Faute de financement spécifique, mes premières recherches se limitèrent aux archées aérobies des genres Halobacterium et Sulfolobus, faciles à cultiver avec les moyens du bord. Ma première découverte en 1984 fut la mise en évidence de la sensibilité d’une archée Halobacterium halobium, à l’aphidicoline, une drogue connue jusque-là pour inhiber spécifiquement les ADN polymérase eucaryotes (3). H. halobium est une archée halophile (qui aime le sel). Ces archées se caractérisent par une couleur rouge très prononcée due à des pigments de type caroténoïde qui les protègent des rayons du soleil à la surface des lacs salés. Je me souviens de mon émotion en observant la disparition de cette couleur rouge dans le milieu de culture en fonction de la concentration d’aphidicoline (Figure 4).

Figure 4 – Inhibition de l’archée halophile

Figure 4 – Inhibition de l’archée halophile

Halobacterium halobium par l’aphidicoline. Cultures de H. halobium réalisées en présence de concentrations croissantes d’aphidicoline (3).

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  • 7 Ce sujet est abordé dans le deuxième article de cette série.

6Le biochimiste allemand Wolfram Zillig (Figure 1) avait déjà montré à l’époque que les ARN polymérases des archées étaient beaucoup plus proches de celles des eucaryotes que de celles des bactéries. La liste des caractères eucaryotes des archéobactéries allait rapidement s’allonger, conduisant Woese à abandonner en 1990 ce terme pour le remplacer pour celui « d’archée » (4). Il n’était pas question pour lui que la communauté scientifique continue de confondre ses archées avec de quelconques bactéries atypiques. Les relations évolutives précises entre archées et eucaryotes restent aujourd’hui un sujet brûlant d’actualité parmi les évolutionnistes7.

  • 8 Cette valeur est proche de la saturation.
  • 9 Ces pâtes sont obtenues en centrifugeant à grande vitesse des milieux culture contenant de grandes (...)

7Si les archées halophiles se prêtaient bien aux études physiologiques, l’adaptation de leurs protéines aux concentrations de sel extraordinairement élevées de leur cytoplasme, 3-4 molaires de chlorure de potassium8, rendait l’approche biochimique très aléatoire chez ces microorganismes. Par contre, les protéines thermostables des archées thermoacidophiles du genre Sulfolobus, pouvaient faire rêver un biochimiste habitué à purifier les protéines fragiles des bactéries qui vivent à des températures beaucoup plus basses. Je décidai donc de rechercher les ADN polymérases et topoisomérases de cette archée qui vit de façon optimale à des températures autour de 75°C, à des pH acides compris entre 2 et 3. J’écrivis à W. Zillig qui m’encouragea et m’envoya un échantillon de Sulfolobus acidocaldarius. Je réussis à produire de grande quantité de pâte de cette archée thermoacidophile grâce au centre de fermentation du CNRS à Gif-sur-Yvette9 et à détecter les activités que je recherchais. Il fallait ensuite isoler les protéines impliquées et les caractériser.

8En 1985, j’ai rejoint avec une doctorante, Christiane Elie, le laboratoire d’Anne-Marie de Recondo qui travaillait sur la réplication de l’ADN chez les eucaryotes à l’Institut de recherches scientifiques sur le cancer. Là, nous avons purifié l’ADN polymérase de S. acidocaldarius et nous avons pu montrer en collaboration avec Jean-Michel Rossignol et Samia Salhi, doctorante, qu’elle était capable de synthétiser de l’ADN jusqu’à 100°C (5). La mise au point en 1987 de la PCR (polymerase chain reaction) basée sur l’ADN polymérase de la bactérie Thermus aquaticus (Taq polymérase) a eu comme conséquence inespérée de me permettre d’obtenir des financements pour étudier l’ADN polymérase de S. acidocaldarius en vue d’en faire une concurrente de la Taq. L’ADN polymérase de S. acidocaldarius s’est toutefois révélée inférieure à la Taq pour la PCR, au contraire des ADN polymérases des archées hyperthermophiles anaérobies Pyrococcus furiosus (Pfu) et Thermococcus littoralis (Vent), isolées par des compagnies de biotechnologie américaines au début des années 1990. Si nous avions pu travailler plus tôt sur les archées anaérobies, notre équipe aurait sans doute pu mieux bénéficier de l’effet PCR. Cela n’a malheureusement pas été le cas.

Découverte de la reverse gyrase

  • 10 Le contrôle du surenroulement de l’ADN par la gyrase, une enzyme ATP-dépendant, permet aux bactérie (...)

9En 1983, j’avais obtenu le feu vert de M. Kohiyama pour étudier les ADN polymérases des archées, mais pas pour leurs ADN topoisomérases ! Pour passer outre, j’avais démarré une collaboration avec Michel Duguet, professeur à Paris VI, dont le laboratoire était situé boulevard Raspail à Paris. Je travaillais donc dans la journée à Jussieu et le soir à Raspail avec Gilles Mirambeau, un doctorant de M. Duguet. A l’époque, les équipes américaines venaient de montrer que, contrairement à celles de bactéries, les Topo II des eucaryotes n’avaient pas d’activité gyrase, elles ne pouvaient que relâcher un ADN surenroulé. Vu l’intérêt de l’activité gyrase pour la physiologie cellulaire10, il semblait donc que sur ce point, nous – les eucaryotes – étions inférieurs aux bactéries, ce qui allait tout à fait à l’encontre des idées reçues. Je me posais donc une question simple : la Topo II des archées, des procaryotes, avait-elle une activité gyrase, comme chez les bactéries, ou était-elle dépourvue de cette activité, comme chez les eucaryotes ? Ce que je n’avais pas prévu, c’était l’existence chez les archées d’une activité inverse de celle de la gyrase, une « reverse gyrase », une ADN topoisomérase qui introduit dans l’ADN des supertours, non pas négatifs, mais positifs (Figure 3).

  • 11 Les hélicases peuvent séparer les deux brins de la double-hélice, mais ne peuvent pas changer le no (...)

10Pour la première publication sur cette enzyme, nous avons été devancés par un chercheur japonais et une technicienne, qui, cependant avaient commis une erreur majeure dans leur première publication en 1984. Ils décrivaient en effet dans la revue Nature la reverse gyrase comme une Topo II. Cela semblait logique car elle avait besoin de l’énergie de l’ATP pour introduire des supertours positifs dans l’ADN et, jusque-là, toutes les ADN topoisomérases ATP-dépendantes connues étaient des Topo II. Or, dès l’année suivante, nous avons pu montrer avec Marc Nadal (doctorant de M. Duguet) que la reverse gyrase est une Topo I ATP dépendante, la première du genre et la seule connue jusqu’à ce jour (6). Le clonage du gène de la reverse gyrase par un troisième étudiant de M. Duguet, Fabrice Confalonieri, allait montrer que cette enzyme est en fait une protéine complexe, formée par la fusion d’un domaine Topo I et d’un domaine hélicase11, ce qui explique sa dépendance vis-à-vis de l’ATP (7) (Figure 5). Marc Nadal et son équipe poursuivent actuellement l’étude mécanistique de la reverse gyrase à l’École normale supérieure de Paris. L’analyse par la technique des molécules uniques leur a permis récemment de décortiquer le mécanisme qui aboutit à l’introduction d’un supertour positif dans l’ADN par cycle réactionnel (8).

Figure 5 – La structure de la reverse gyrase suggère que les organismes hyperthermophiles ont été précédés par des organismes mésophiles

Figure 5 – La structure de la reverse gyrase suggère que les organismes hyperthermophiles ont été précédés par des organismes mésophiles

La reverse gyrase est formée par l’association d’un domaine Topo I (gris clair) et d’un domaine hélicase (gris foncé) qui appartiennent à deux grandes familles d’enzymes ayant une longue histoire évolutive (7). Elle est donc apparue suite à la fusion de deux gènes codant pour une Topo I et une hélicase. La reverse gyrase étant essentielle pour les hyperthermophiles, ces derniers ont dû être précédés par des organismes non hyperthermophiles qui possédaient ces deux gènes à l’état isolé (15).

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  • 12 Ceci explique pourquoi il n’existe pas de corrélation entre le pourcentage en base GC du chromosome (...)

11Quel est le rôle de la reverse gyrase in vivo ? J’ai pu m’attaquer à cette question après avoir installé en 1988 ma propre équipe de recherche intitulée « Biologie moléculaire du gène chez les Extrêmophiles » (BMGE) à l’Institut de génétique et microbiologie à Orsay (une unité mixte CNRS, Université Paris-Sud). L’introduction de supertours positifs correspond à une augmentation du nombre de liens topologiques entre les deux brins de la double-hélice. Nous avions montré avec M. Nadal que l’ADN circulaire d’un virus d’archée, le virus SSV1, que j’avais récupéré à Munich chez W. Zillig, était surenroulé positivement (9). J’avais ensuite rendu visite à Karl Stetter à Regensburg, qui avait découvert avec W. Zillig les premières archées mais aussi les bactéries hyperthermophiles, c’est-à-dire dont les températures optimales de croissance sont supérieures à 80°C. Il possédait les seuls fermenteurs au monde capables de produire en grande quantité ces bactéries et m’avait fourni des quantités importantes de « pâte » de ces organismes. Nous avons donc pu montrer avec Claire Bouthier de la Tour (équipe de M. Duguet), que la reverse gyrase était présente, non seulement chez les archées, mais également chez les bactéries hyperthermophiles (10). Il semblait alors évident que cette enzyme devait introduire in vivo chez les organismes vivants à haute température un surenroulement positif permettant de stabiliser l’ADN. A notre grande surprise, nous avons montré que ce n’est pas le cas, car certaines archées et bactéries hyperthermophiles ont un ADN surenroulé négativement (11). Elles possèdent à la fois la gyrase et la reverse gyrase et c’est la gyrase qui gagne ! De plus, dans l’équipe, Evelyne Marguet a pu montrer qu’un ADN double-brin circulaire fermé, qu’il soit surenroulé positivement ou négativement, reste stable in vitro au moins jusqu’à 107°C (12)12.

12La génomique comparative a toutefois permis de conclure que la reverse gyrase joue très certainement un rôle clef dans l’adaptation à la très haute température, par un mécanisme encore inconnu. En analysant les génomes disponibles en 2002, j’avais observé que tous les organismes hyperthermophiles possédaient une reverse gyrase (13). A l’inverse, cette enzyme n’était jamais présente chez un organisme mésophile. De plus, la reverse gyrase était la seule protéine présentant ces caractéristiques, autrement dit la seule protéine spécifique des hyperthermophiles. A l’époque, le nombre de génomes séquencés était encore très limité. Des dizaines de milliers de génomes étant aujourd’hui disponibles, j’ai repris récemment cette analyse avec un chercheur néo-zélandais, Ryan Catchpole et nous avons confirmé nos conclusions de 2002 (14).

Ce que la reverse gyrase nous a appris sur LUCA et l’hypothèse d’une origine chaude de la vie

  • 13 http://www-archbac.u-psud.fr/Meetings/LesTreilles/Treilles_frm.html56

13Dans sa revue parue dans Scientific American, Woese avançait l’idée selon laquelle la biologie comparée des trois domaines devait aider à reconstituer le dernier ancêtre commun à tous les organismes cellulaires actuels (archées, bactéries et eucaryotes). Cette perspective m’avait fasciné. En 1996, j’avais organisé à la fondation des Treilles en Provence un colloque pour discuter de ce problème. C’est au cours de ce colloque que cet ancêtre fut baptisé LUCA pour Last Universal Common Ancestor13. Il y avait débat concernant la nature de LUCA. Vivait-il dans des biotopes chaud ou froid ? L’étude de la reverse gyrase pouvait-elle permettre d’apporter quelques éléments dans le débat ?

14En 2016, une équipe allemande a publié dans la revue Nature Microbiology un article dans lequel les auteurs affirmaient que la reverse gyrase était présente chez LUCA, en accord avec l’idée selon laquelle LUCA était un hyperthermophile. Nous avons repris cette analyse avec R. Catchpole en comparant les séquences de toutes les reverse gyrases d’archées et de bactéries connues à l’heure actuelle (14). Si la reverse gyrase était présente chez LUCA, les descendantes devraient être très différentes aujourd’hui chez les archées et chez les bactéries puisqu’elles auraient divergé l’une de l’autre depuis plus de trois milliards d’années, ce qui correspond au temps écoulé depuis la séparation de ces deux domaines. Au contraire, nous avons observé que les reverse gyrases des archées et des bactéries ne pouvaient pas être distinguées les unes des autres. La reverse gyrase est sans doute apparue chez un ancêtre des archées avant d’être récupéré par certaines bactéries par transfert de gêne. La reverse gyrase n’était donc pas présente chez LUCA, ce qui nous a permis de conclure que ce dernier ne vivait sans doute pas à haute température.

  • 14 Vu la fragilité de l’ARN à haute température, l’hypothèse d’un lien direct entre une origine chaude (...)

15Cette conclusion va à l’encontre d’une idée largement répandue selon laquelle les hyperthermophiles seraient des reliques des premières formes de vie apparues sur la planète. J’ai toujours pensé qu’elles étaient plutôt des merveilles d’adaptation, la reverse gyrase en est un bon exemple qui est née de la fusion de deux protéines déjà élaborées, une Topo I et une hélicase. Si l’activité de la reverse gyrase a bien été toujours essentielle pour les hyperthermophiles, les organismes qui ont vécu avant cet événement de fusion ne pouvaient donc sans doute pas vivre à très haute température (Figure 5). Cette conclusion empêche d’imaginer un lien direct entre une origine de la vie brûlante et LUCA (15)14. Je n’ai jamais réussi à convaincre certains de mes collègues et amis, en particulier K. Stetter, de cette logique. Pour eux, et pour de nombreux journalistes scientifiques, l’hypothèse d’une origine chaude de la vie est trop excitante pour ne pas être vraie !

Une nouvelle famille d’ADN topoisomérases de type II

  • 15 ADN topoisomérase VI dans la littérature scientifique ce qui crée une certaine confusion entre la n (...)

16La découverte en 1985 de la reverse gyrase (une Topo I) avait laissé en suspens la question qui me préoccupait : les Topo II des archées possédaient-elles une activité gyrase ? Nous pensions que oui, car nous avions montré que les archées halophiles et certaines archées méthanogènes étaient sensibles aux inhibiteurs de la gyrase bactérienne (16). Mais pour répondre vraiment à la question, il fallait isoler une Topo II d’archée. En 1994, une post-doctorante, Agnès Bergerat, et une ingénieure CNRS, Danielle Gadelle, ont réussi à isoler la Topo II de Sulfolobus shibatae (Figure 6). Cette enzyme n’avait pas d’activité gyrase, ce qui semblait a priori la rapprocher de l’enzyme eucaryote. Par contre, elle était composée de deux sous-unités, A et B, comme la gyrase bactérienne. Le clonage du gène codant pour cette enzyme, en utilisant les techniques laborieuses de l’époque, allait nous apporter une surprise de taille (17). Au niveau de sa séquence, la Topo II de S. shibatae ne ressemblait ni à la gyrase bactérienne, ni à la Topo II des eucaryotes. Elle correspondait à une nouvelle famille que nous avons appelé Topo IIB (les Topo II déjà connues devenant les Topo IIA). Nous l’avons baptisé ADN topoisomérase VI (Topo VI15) pour tenir compte de la nomenclature historique des ADN topoisomérases déjà connues à l’époque (Tableau 1).

Figure 6 – L’ADN topoisomérase VI des archées et ses homologues eucaryotes.

Figure 6 – L’ADN topoisomérase VI des archées et ses homologues eucaryotes.

La découverte de l’ADN topoisomérase VI des archées en 1987 a permis l’identification du complexe qui déclenche la recombinaison des chromosomes parentaux pendant la méiose (18, 19) et la topo VI qui est responsable de la grande taille des plantes (21). La photo de gauche compare à la même échelle la plante sauvage d’Arabidopsis thaliana et un mutant de cette plante qui ne possède plus l’activité topo VI.

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Tableau 1 - nomenclature historique des ADN topoisomérases

Famille d’ADN topoisomérases

Année de la découverte

Nom vernaculaire

Type

Organisme de la découverte

Pays de la découverte

Domaine ou la protéine est présente et/ou ubiquitaire

DNA topoisomérase 1

1971

Protéine omega

I (A)

Bactérie

USA

Bactéries

DNA topoisomerase 1

1972

Swivelase

I (B)

Eucaryote

USA

Eucaryote

Bactéries Archées

DNA gyrase

1976

Gyrase

II (IA)

Bactérie

USA

Bactéries

Archées

DNA topoisomerase 2

1980

Topo II

II (A)

Eucaryote

USA

Eucaryotes

DNA topoisomerase 3

1984

Topo III

I (A)

Bactérie

USA

Bactéries

Archées

Reverse gyrase

1984

Reverse gyrase

1 (A)

Archée

Japon

France

Archées

Bactéries

DNA topoisomerase 4

1988

Topo IV

II (A)

Bactérie

USA

Bactéries

DNA topoisomerase 5

1992

Topo V

I (C)

Archée

USA

Archée

DNA topoisomerase 6

1997

Topo VI

II (B)

Archée

France

Archée

DNA topoisomerase 8

2014

Topo VIII

II (B)

Bactérie

Archée

France

Bactérie

Archée

Les ADN topoisomérases se sont vues attribuées des nombres en chiffe romain en fonction de l’historique de leur découverte (de I à VI). Ils ont été indiqués en chiffre arabe dans cet article pour éviter la confusion avec la nomenclature basée sur leur mécanisme d’action (type I et II). Noter que toutes les Topo avec des nombres pairs sont de type II et celles avec des nombres impairs sont de type I. Pour cette raison, la septième ADN topoisomérase découverte, qui est une Topo II, a été baptisée Topo VIII (8). Les ADN topoisomérases appartiennent à des familles différentes (A, B, C) si elles ne sont pas homologues.

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  • 16 Il est probable que l’ancêtre commun des archées était un hyperthermophile.

17Nous savons aujourd’hui, grâce à la génomique comparée, que presque toutes les archées possèdent la Topo VI qui devait être présente chez leur dernier ancêtre commun, LACA (the Last Archaeal Common Ancestor) mais qu’un certain nombre d’entre elles ont acquis en plus la gyrase par transfert de gènes venant des bactéries (18). Ceci explique pourquoi certaines archées hyperthermophiles possèdent à la fois la gyrase et la reverse gyrase. La gyrase est toutefois surtout présente chez les archées qui vivent à basse température. On pense que l’acquisition de la gyrase bactérienne par ces archées a pu les aider à s’adapter au froid16 et que, à l’inverse, l’acquisition de la reverse gyrase des archées a pu aider certaines bactéries à s’adapter à des milieux chauds.

18Le séquençage des gènes codant pour les deux sous-unités, A et B, de la Topo VI de S. shibatae nous a permis en 1997 de faire une autre découverte majeure (17). Sa sous-unité A ressemblait à une protéine eucaryote de fonction inconnue, SPO11 (Figure 6). On savait toutefois que SPO11 devait intervenir dans la méiose, ce mode de division cellulaire atypique qui aboutit chez les eucaryotes à la formation des gamètes, spermatozoïdes et ovules. Nous avons donc supposé qu’à l’instar d’une Topo II, SPO11 devait être la protéine responsable des coupures double-brins connues pour initier la recombinaison des chromosomes parentaux pendant la méiose. Nous avons pu confirmer cette hypothèse par une approche génétique chez la levure en collaborant avec Alain Nicolas à l’Institut Curie (17). L’étude des archées nous a donc permis, de façon inattendue, de répondre à une question majeure concernant la recombinaison méiotique, processus qui permet la diversification des individus de génération en génération.

19En fait SPO11 n’était qu’une pièce du puzzle. Vingt ans plus tard, les équipes de Mathilde Grelon (INRA Versailles) et de Bernard de Massy à Montpellier ont réussi à identifier chez les eucaryotes un homologue de la sous-unité B de la Topo VI des archées, grâce à leurs similarités de structure (19, 20). Cet homologue s’associe à SPO11 pour former un complexe, une Topo IIB méiotique, qui est le véritable initiateur de la recombinaison des chromosomes parentaux (Figure 7). Il est remarquable que ce soit trois équipes françaises qui aient découvert, grâce aux archées, le complexe protéique à l’origine des remaniements des génomes eucaryotes, l’étude de la méiose ayant été jusque-là un domaine dominé par les équipes américaines.

20La publication de la séquence de la Topo VI des archées par notre équipe en 1997 a également permis, quatre ans plus tard à, une équipe allemande d’identifier une Topo VI très proche de celle des archées dans le génome d’une plante, Arabidopsis thaliana (21). Nous savons maintenant que toutes les plantes possèdent à la fois une Topo IIB méiotique et une Topo VI. Cette dernière est essentielle pour permettre aux plantes d’atteindre leur taille normale (Figure 6). La taille des plantes est en effet directement corrélée à celle de leurs cellules, elle-même corrélée au nombre de chromosomes homologues présents dans le noyau. Alors que nos cellules ne possèdent que deux exemplaires de chaque chromosome homologue, les cellules de plantes peuvent en contenir un nombre variable de multiple de 2, jusqu’à 32 dans certain cas. Les chromosomes se dédoublent à chaque fois par un mécanisme appelé « endoreduplication » qui requiert une Topo VI active. Là encore, on voit comment l’étude des archées a eu un impact majeur sur tout un pan de la biologie moléculaire des eucaryotes.

  • 17 Ces structures ont été résolues par la technique de la diffraction aux rayons X.
  • 18 La Topo 8 est codée par des gènes principalement présents chez des plasmides conjugatifs bactériens (...)

21Nous avons entrepris de résoudre la structure de la Topo VI en collaborant avec l’équipe d’Herman Van Tilbergh à Orsay. Nous avons obtenu cette structure sous la forme « ouverte » qui lui permet de fixer deux hélices d’ADN (22), l’équipe de J. Berger aux USA ayant publié quelques mois auparavant celle de la forme « fermée »17. En superposant ces deux structures, on peut comprendre comment la Topo 6 peut faire passer deux double-hélices d’ADN l’une au travers de l’autre (Figure 6). Par la suite, nous avons pu poursuivre nos travaux sur les Topo IIB grâce à la persévérance de D. Gadelle qui allait découvrir en 2013 un nouveau membre de cette famille, la Topo 8 (23), la première ADN topoisomérase plasmidique (Tableau I)18.

Un modèle archée pour étudier une ADN topoisomérase humaine

  • 19 La Topo IB n’était présente chez aucune des archées connues avant 2008. Nous l’avons identifié dans (...)
  • 20 Cette archée, proche des Thaumarchées, est officiellement classée dans le phylum des Aigarchaeota.

22Ces dernières années, les archées nous ont encore permis de faire une avancée significative dans la compréhension des ADN topoisomérases eucaryotes. Nous avons en effet découvert que certaines archées19 possèdent une Topo I de la famille IB très proche de celle présente chez les eucaryotes (24). Cette enzyme a été très étudiée chez l’homme car elle est la cible d’une drogue anticancéreuse importante, la camptothécine. La structure de la Topo IB humaine n’a été résolue qu’en présence d’ADN. Un chercheur post-doctorant travaillant dans notre équipe à Orsay, Tomio Takahashi, a réussi à cristalliser la Topo IB d’une archée thermophile, Caldiarchaeum subterraneum20, en absence d’ADN (25). L’enzyme des archées et celle de l’homme sont si proches qu’il lui a été possible, en comparant les deux structures, avec et sans ADN, de déterminer les changements de conformation induits par la fixation de l’ADN et ainsi de reconstituer le cycle enzymatique complet. Contrairement à l’enzyme humaine, la Topo IB des archées, pourtant très semblable, est résistante à la camptothécine. Sa comparaison avec celle de l’homme permettra peut-être de mieux comprendre les raisons de cette différence et d’acquérir de nouvelles connaissances sur le mode d’action de cette drogue anticancéreuse.

Quand l’étude des ADN topoisomérases permet de reconstruire le passé

  • 21 Nos analyses phylogénétiques ont montré que l’ADN gyrase a été transférée d’une bactérie à l’ancêtr (...)

23L’étude de la topologie de l’ADN chez les archées se poursuit actuellement dans l’équipe « Biologie cellulaire des archées » (BCA) à l’Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC) de Gif-sur-Yvette. Cette équipe est dirigée par Jacques Oberto, directeur de recherche au CNRS, qui avait rejoint BMGE en 2005 pour travailler avec moi sur les archées. Les travaux sur la topologie de l’ADN sont pilotés par Tamara Basta, maitre de conférence à l’Université Paris-Saclay. Son doctorant, Paul Vilain, vient de reproduire, grâce aux outils génétiques désormais disponibles, le transfert génétique qui a permis l’introduction de la gyrase chez certaines archées, il y a 2 ou 3 milliards d’années (26)21. Il a en effet réussi à transférer la gyrase d’une bactérie hyperthermophile, Thermotoga maritima, chez l’archée hyperthermophile T. kodakaraensis, qui ne la possédait pas (27). La souche transformée est viable et son ADN devient surenroulé négativement. Comment cette archée recombinante fait-elle pour adapter toute sa biologie à un tel changement de conformation de son ADN ? L’étude de cette souche est en cours afin de répondre à cette question.

  • 22 Selon de nombreux auteurs, les Asgard seraient les ancêtres directs des eucaryotes, pour d’autre, y (...)

24Vu l’importance des ADN topoisomérases dans le monde cellulaire, j’avais fait très tôt le pari qu’étudier ces enzymes chez les archées devrait nous permettre d’en apprendre plus sur l’histoire de la vie sur notre planète. Au vu des résultats obtenus avec la reverse gyrase et la Topo VI, je considère que ce pari a été plutôt réussi. La découverte et l’étude de la reverse gyrase nous ont appris que LUCA n’était pas un hyperthermophile et la découverte chez les archées d’une Topo II qui n’est pas homologue à celles des bactéries soulève la possibilité d’un LUCA sans ADN, une hypothèse sur laquelle je reviendrais dans un second article. Il reste toutefois encore de nombreux points d’interrogation, nous aimerions en particulier comprendre quel est le véritable rôle de la reverse gyrase. Il y a quelques années, un chercheur japonais, Hiroki Higashibata, a passé un an à Orsay pour isoler des mutants de cette enzyme et tenter de répondre à la question. Ces travaux, qui se poursuivent dans l’équipe BCA et au Japon, devraient nous permettre de résoudre cette énigme. Enfin, en analysant les génomes d’un nouveau groupe d’archée récemment identifié, le super phylum des Asgards, j’ai détecté une Topo VI atypique qui ressemble beaucoup à celle des plantes. Ces archées possèdent certains caractères eucaryotes qui leur sont propres et dont l’origine reste mystérieuse22. Je suis donc persuadé que les ADN topoisomérases des archées n’ont pas fini de nous surprendre.

Encadré I

Les ADN topoisomérases, comme la gyrase, sont capables de modifier le nombre de liens topologiques (tour et supertours) entre les deux brins de l’ADN. Deux molécules d’ADN identiques, à l’exception du nombre de leurs liens topologiques, sont des topoisomères. Les Topo I introduisent des coupures transitoires simple-brin dans l’ADN et font passer un brin au travers d’un autre alors que les Topo II introduisent des coupures transitoires double-brin et font passer une double-hélice au travers d’une autre. Elles combinent des activités nucléases (coupure) et ligase. Les Topo I sont monomériques alors que les Topo II (IIA ou IIB) sont dimériques ou tétramériques, formées par deux domaines ou deux sous-unités A et B. La sous-unité A est responsable de la formation de la coupure transitoire double-brins. La sous-unité B hydrolyse l’ATP en ADP produisant ainsi l’énergie nécessaire à la réaction.

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Bibliographie

1 Woese, C.R. “Archaebacteria”, Scientific American, 1 June. 1981

2 Woese C.R, Fox G.E, Phylogenetic structure of the prokaryotic domain : the primary kingdoms Proc. Natl. Acad. Sci, 74, 1977, 5088-5090.

3 Forterre P., Elie C., Kohiyama M., “Aphidicolin inhibits growth and DNA synthesis in halophilic archaebacteria”. J. Bacteriol. 159, 1984, 800-802.

4 Woese C.R, Kandler O, Wheelis M.L., “Towards a natural system of organisms: proposal for the domains Archaea, Bacteria, and Eucarya”, Proc. Natl. Acad. Sci, 87, 1990, 4576-4579

5 Salhi S., Elie C., Forterre P., De Recondo A.M. Rossignol J.M., “The DNA polymerase from Sulfolobus acidocaldarius. Replication at high temperature of long stretches of single-stranded DNA.” J. Mol. Biol., 209, 1988, 635-644.

6 Forterre P., Mirambeau G., Jaxel C. Nadal M. Duguet M., “High positive supercoiling in vitro catalyzed by an ATP and polyethylene glycol-stimulated topoisomerase from Sulfolobus acidocaldariusEMBO J. 4, 1985, 2123-2128.

7 Confalonieri, F., Elie, C., Nadal L, M., Boutier de la Tour, C., Forterre P. Duguet, M., “Reverse gyrase: a helicase-like domain and a type I DNA topoisomerase in the same polypeptide”. Proc. Natl. Acad. Sci., 90, 1993, 4753-4757.

8 Yang, X., Garnier, F., Débat, H., Strick, T. Nadal, M. “Direct observation of helicase-topoisomerase coupling with reverse gyrase” Proc. Natl. Acad. Sci., 117, 2020, 10856-10864.

9 Nadal M., Mirambeau G., Forterre P., Reiter W.D. Duguet M. “Positively supercoiled DNA in a virus-like particle of an archaebacterium”. Nature, 321, 1986, 256-258.

10 Boutier de la Tour, C., Portemer, C., Huber, R., Forterre, P. Duguet, M., "Reverse gyrase is present in thermophilic eubacteria”, J. Bacteriol.173, 1991, 3921-3923.

11 Guipaud, O., Marguet, E., Noll, K., Boutier de la Tour, C. Forterre P., « Both DNA gyrase and reverse gyrase are present in the hyperthermophilic bacterium Thermotoga maritima”, Proc. Natl. Acad. Sci. 94,1997, 10606-10611.

12 Marguet, E., Forterre P., “DNA stability at temperatures typical for hyperthermophiles” Nucl. Acid Res. 22, 1994, 1681-1686.

13 Forterre, P., “A hot story from comparative genomics: reverse gyrase is the only hyperthermophile-specific protein”, Trends in Genetics”, 18, 2002, 236-238.

14 Catchpole RJ, Forterre P., “The Evolution of Reverse Gyrase Suggests a Nonhyperthermophilic Last Universal Common Ancestor”, Mol Biol Evol., 36, 2019, 2737-2747.

15 Forterre, P., A hot topic, the origin of hyperthermophiles. ” Cell, 85, 1996, 789-792.

16 Sioud M., Possot O., Elie C., Sibold L. Forterre P., “Coumarins and quinolones action in archaebacteria: evidence for the presence of a DNA gyrase-like enzyme”, J. Bacteriol., 170, 1988, 946-953.

17 Bergerat, A. De Massy, B., Gadelle, D., Varoutas, P.C., Nicolas, A. Forterre, P., “An atypical type II DNA topoisomerase from Archaea with implication for meiotic recombination”. Nature, 386, 1997, 414-417.

18 Raymann, K., Forterre, P., Brochier-Armanet C., Gribaldo, S. “Global phylogenomic analysis disentagle the complex evolutionary history of DNA replication in Archaea”, Genome Biol Evol, 6, 2014, 192-212.

19 Vrielynck N, Chambon A, Vezon D, Pereira L, Chelysheva L, De Muyt A, Mézard C, Mayer C, Grelon M. “A DNA topoisomerase VI-like complex initiates meiotic recombination”, Science. 351, 2016, 939-943.

20 Robert T, Nore A, Brun C, Maffre C, Crimi B, Bourbon HM, de Massy B., “The TopoVIB-Like protein family is required for meiotic DNA double-strand break formation”, Science. 351, 2016, 943-949.

21 Hartung, F. Puchta, H., “Molecular characterization of homologues of both subunits A (SPO11) and B of the archaebacterial topoisomerase 6 in plants”, Gene, 271, 2001, 81-86.

22 Graille, M., Cladière, L., Durand, D., Lecointre, F., Gadelle, D., Quevillon-Cheruel, S., Vachette, P., Forterre, P., Van Tilbeurgh, H., “Crystal structure of an intact type II DNA topoisomerase: insights into DNA transfer mechanisms”, Structure, 16, 2008, 360-370.

23 Gadelle D, Krupovic M, Raymann K, Mayer C, Forterre P., DNA topoisomerase VIII: a novel subfamily of type IIB topoisomerases encoded by free or integrated plasmids in Archaea and Bacteria Nucleic Acids Res. 42, 2014, 8578-8591.

24 Brochier-Armanet, C, Gribaldo, S. Forterre, P. A DNA Topoisomerase IB in Thaumarchaeota testifies for the presence of this enzyme in the last common ancestor of Archaea and Eucarya Biology Direct, 3, 2008, 54.

25 Takahashi DT, Gadelle D, Agama K, Kiselev E, Zhang H, Yab E, Petrella S, Forterre P, Pommier Y, Mayer C. Topoisomerase I (TOP1) dynamics: conformational transition from open to closed states. Nat Commun. 13(1):59. 2022 doi: 10.1038/s41467-021-27686-7.

26 Villain P, Catchpole R, Forterre P, Oberto J, da Cunha V, Basta T. Expanded dataset reveals the emergence and evolution of DNA gyrase in Archaea. Mol Biol Evol. 2022:msac155. doi: 10.1093/molbev/msac155

27 Villain P, da Cunha V, Villain E, Forterre P, Oberto J, Catchpole R, Basta T. The hyperthermophilic archaeon Thermococcus kodakarensis is resistant to pervasive negative supercoiling activity of DNA gyrase. Nucleic Acids Res. 49, 2021, 12332-12347.

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Notes

1 Je raconte l’histoire de la découverte des archées par Carl Woese dans mes ouvrages « Microbes de l’enfer » aux éditions Belin (2007), et « Microbes from Hell » Chicago University Press (2016).

2 Cette division se basait principalement sur la présence (eucaryote) ou l’absence (procaryote) d’un noyau cellulaire contenant le matériel génétique.

3 Proceedings of the National Academy of Science.

4 La réplication correspond à la duplication de la double-hélice d’ADN pour former deux double-hélice identiques, c’est-à-dire portant le même message génétique.

5 Adenosine triphosphate, son hydrolyse en adénosine diphosphate (ADP) libère l’énergie nécessaire au fonctionnement des mécanismes moléculaires.

6 Malheureusement, aucun de ces chercheurs n’a obtenu le prix Nobel, alors que leurs découvertes ont eu un impact majeur, avec des retombées considérables en médecine, puisque les Topo I et II humaines sont des cibles majeures d’antibiotiques et de drogues anticancéreuses.

7 Ce sujet est abordé dans le deuxième article de cette série.

8 Cette valeur est proche de la saturation.

9 Ces pâtes sont obtenues en centrifugeant à grande vitesse des milieux culture contenant de grandes quantités de Sulfolobus.

10 Le contrôle du surenroulement de l’ADN par la gyrase, une enzyme ATP-dépendant, permet aux bactéries de coupler directement l’expression de leurs gènes – influencée par le surenroulement - à leur état énergétique, déterminé par le rapport ATP/ADP.

11 Les hélicases peuvent séparer les deux brins de la double-hélice, mais ne peuvent pas changer le nombre de liens topologiques entre ces deux brins.

12 Ceci explique pourquoi il n’existe pas de corrélation entre le pourcentage en base GC du chromosome et la température optimale de croissance des organismes.

13 http://www-archbac.u-psud.fr/Meetings/LesTreilles/Treilles_frm.html56

14 Vu la fragilité de l’ARN à haute température, l’hypothèse d’un lien direct entre une origine chaude de la vie et LUCA est également en contradiction avec l’hypothèse selon laquelle des organismes dont les génomes étaient constitués d’ARN ont précédé les organismes à ADN.

15 ADN topoisomérase VI dans la littérature scientifique ce qui crée une certaine confusion entre la nomenclature par type (I et II) et la nomenclature historique (I, II, III, IV, V, VI)

16 Il est probable que l’ancêtre commun des archées était un hyperthermophile.

17 Ces structures ont été résolues par la technique de la diffraction aux rayons X.

18 La Topo 8 est codée par des gènes principalement présents chez des plasmides conjugatifs bactériens, mais aussi chez quelques plasmides d’archée.

19 La Topo IB n’était présente chez aucune des archées connues avant 2008. Nous l’avons identifié dans le premier génome séquencé d’une Thaumarchées mésophile. Nous savons aujourd’hui qu’elle est présente chez toutes les archées apparentées aux Thaumarchées et chez certaines archées du super phylum Asgard qui l’ont probablement récupéré par transfert de gènes venant des Thaumarchées.

20 Cette archée, proche des Thaumarchées, est officiellement classée dans le phylum des Aigarchaeota.

21 Nos analyses phylogénétiques ont montré que l’ADN gyrase a été transférée d’une bactérie à l’ancêtre des Euryarchées dites de groupe 2, qui comprennent les halophiles, des méthanogènes, les Thermoplasmatales et les Archéoglobales. Elle a ensuite été transférée de certaines de ses archées vers d’autres archées, dont des Asgards, avec lesquelles elles vivent probablement en symbiose (26).

22 Selon de nombreux auteurs, les Asgard seraient les ancêtres directs des eucaryotes, pour d’autre, y compris moi-même, ils auraient pu cohabiter pendant longtemps et échanger des gènes avec les lignées eucaryotes qui ont précédé le dernier ancêtre commun à tous les eucaryotes modernes. Cette question est discutée dans l’article numéro 2.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Découverte des archées – Carl Woese
Légende Découverte des archées. Trente ans après, Carl Woese me présente en 2007 dans son laboratoire le film (autoradiographie) qui lui a révélé l’originalité des archées (1,2). Chaque tache noire correspond à un fragment de la molécule d’ARN de la petite sous-unité du ribosome digéré par une enzyme qui coupe après la lettre G (guanine).
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Titre Figure 1 bis - Les souches de Sulfolobus
Légende Les souches de Sulfolobus sur lesquelles j’ai travaillé m’ont été fournies par Wolfram Zillig, qui en a isolé plusieurs espèces dans différentes sources chaudes terrestres acides. On le voit sur cette photo récupérer des échantillons dans une source chaude de l’ile de White Island en Nouvelle-Zélande.
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Titre Figure 2 – Superhélice d’ADN négative
Légende Dans la cellule, l’ADN est très rarement au repos (comme sur la photo en bas à gauche prise en microscopie électronique, on parle d’ADN relâché). La double hélice se tord ou se détord sous l’effet de contraintes physiques ou mécaniques, comme les vieux fils téléphoniques, ce qui entraine la formation de super-hélices. Des super-hélices peuvent être aussi produites ou au contraire éliminées par des enzymes, les ADN topoisomérases.
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Titre Figure 3 - Gyrase et reverse gyrase
Légende En utilisant l’énergie de l’ATP, la gyrase produit des super-hélices négatives et la reverse gyrase des super-hélices positives dans un ADN circulaire. Dans une super-hélice négative, comme la super-hélice tourne dans le sens inverse de la double-hélice, le nombre d’entrelacements entre les deux brins sera plus faible que dans un ADN relâché. Cette caractéristique va faciliter l’ouverture de la double-hélice qui aura tendance à relâcher un peu l’ADN, ce qui est favorable sur le plan énergétique. Ce sera l’inverse pour un ADN surenroulé positivement, qui sera plus difficile à ouvrir.
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Titre Figure 4 – Inhibition de l’archée halophile
Légende Halobacterium halobium par l’aphidicoline. Cultures de H. halobium réalisées en présence de concentrations croissantes d’aphidicoline (3).
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Titre Figure 5 – La structure de la reverse gyrase suggère que les organismes hyperthermophiles ont été précédés par des organismes mésophiles
Légende La reverse gyrase est formée par l’association d’un domaine Topo I (gris clair) et d’un domaine hélicase (gris foncé) qui appartiennent à deux grandes familles d’enzymes ayant une longue histoire évolutive (7). Elle est donc apparue suite à la fusion de deux gènes codant pour une Topo I et une hélicase. La reverse gyrase étant essentielle pour les hyperthermophiles, ces derniers ont dû être précédés par des organismes non hyperthermophiles qui possédaient ces deux gènes à l’état isolé (15).
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Titre Figure 6 – L’ADN topoisomérase VI des archées et ses homologues eucaryotes.
Légende La découverte de l’ADN topoisomérase VI des archées en 1987 a permis l’identification du complexe qui déclenche la recombinaison des chromosomes parentaux pendant la méiose (18, 19) et la topo VI qui est responsable de la grande taille des plantes (21). La photo de gauche compare à la même échelle la plante sauvage d’Arabidopsis thaliana et un mutant de cette plante qui ne possède plus l’activité topo VI.
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Pour citer cet article

Référence papier

Patrick Forterre, « Une histoire subjective des recherches sur les archées en France »Histoire de la recherche contemporaine, Tome XI n°2 | 2022, 17-27.

Référence électronique

Patrick Forterre, « Une histoire subjective des recherches sur les archées en France »Histoire de la recherche contemporaine [En ligne], Tome XI n°2 | 2022, mis en ligne le 31 décembre 2022, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/7956 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hrc.7956

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Auteur

Patrick Forterre

Département de microbiologie, Institut Pasteur, Paris département biologie cellulaire des archées, Institut de biologie cellulaire intégrative, Gif-sur-Yvette.

Patrick Forterre a mis en place et dirigé deux unités de recherches sur les archées. La première, à l’Institut de génétique et microbiologie d’Orsay, consacrée principalement aux mécanismes de réplication de l’ADN et à leurs ADN topoisomérases, et la seconde, à l’Institut Pasteur, consacrée principalement à l’étude de leurs virus. Plus généralement, Patrick Forterre s’est intéressé à l’évolution des microorganismes, à la nature et à l’origine de leurs virus, à la topologie de l’arbre universel du vivant et à la nature du dernier ancêtre commun universel à tous les êtres vivants actuels, LUCA.

Department of Microbiology, Institut Pasteur, Paris Department of Archaeal Cell Biology, Institute of Integrative Cell Biology, Gif sur Yvette.

Patrick Forterre has set up and directed two research units on archaea. The first one, at the Institut de Génétique et Microbiologie d'Orsay, is mainly devoted to DNA replication mechanisms and their DNA topoisomerases, and the second one, at the Institut Pasteur, is mainly devoted to the study of their viruses. More generally, Patrick Forterre has been interested in the evolution of microorganisms, in the nature and origin of their viruses, in the topology of the universal tree of life and in the nature of the last universal common ancestor of all current living beings, LUCA.

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Droits d’auteur

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