Une histoire subjective des recherches sur les archées en France
Résumés
L’auteur décrit comment sa collaboration avec le microbiologiste Daniel Prieur, puis son installation à l’Institut Pasteur ont facilité l’émergence d’une communauté de recherche sur les archées. Il évoque les débats actuels sur LUCA, la topologie de l’arbre universel et l’origine des eucaryotes.
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Je remercie Jean-Michel Rossignol pour m’avoir permis d’évoquer l’historique des recherches sur les archées en France. Je m’excuse en particulier auprès des nombreuses équipes françaises et ceux nombreux dont je n’ai pas eu la place pour évoquer leurs travaux. Je m’excuse tout particulièrement auprès de mes collaborateurs des équipes BMGE-Orsay et BMGE-Pasteur qui ont participé à cette aventure et que je n’ai pas pu tous citer ici.
Introduction
- 1 Je raconte cette histoire en détail dans mes ouvrages « Microbes de l’enfer » aux éditions Belin (2 (...)
1La communauté de recherche sur les archées en France regroupe une vingtaine d’équipes. Sa petite taille reflète la situation au niveau international où les recherches sur les archées restent très minoritaires, à l’exception sans doute de l’Allemagne. C’est le microbiologiste allemand Otto Kandler, qui a eu connaissance du concept d’archée au moment même de son élaboration en visitant le laboratoire de Carl Woese aux USA. O. Kandler, déjà très connu à l’époque, a ensuite rapidement convaincu Wolfram Zillig et d’autres biochimistes allemands de se consacrer aux archées dès le début des années 19801. Lorsque j’ai découvert le concept d’archée en 1983, j’étais encore un débutant et je n’ai pas pu avoir le même impact sur mes collègues de l’époque. C’est à ma rencontre en 1989 avec le microbiologiste Daniel Prieur (figure 1), lors d’un congrès sur les « extrêmophiles » au Portugal, que je ferais remonter la naissance d’une communauté de recherche sur les archées en France. Cette rencontre a en particulier abouti à faire de Pyrococcus abyssi (la coque brûlante des abysses) une souche modèle pour une bonne partie de cette communauté (figure 2).
Figure 1 – La campagne internationale à la mer AMISTAD en 1999
Daniel Prieur, organisateur de cette campagne pendant laquelle vingt-quatre chercheurs de différents pays ont plongé au large du Mexique avec le sous-marin de l’IFREMER, le Nautile.
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Figure 1 (b) – Evelyne Marguet
Evelyne Marguet, ingénieure CNRS, de l’équipe BMGE, a participé à l’une de ces plongées. La campagne était dirigée par Christian Jeanthon.
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Figure 1 (c) - Christian Jeanthon
Christian Jeanthon, chercheur CNRS, que l’on voit ici distribuer des échantillons de cheminées hydrothermales récupérés par 2600 mètres de profondeur.
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Figure 2 – Les Thermococcales, organismes modèles pour l’étude des hyperthermophiles.
Les Thermococcales sont présents dans les parois des cheminées hydrothermales (fumeurs noirs ou blancs).
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Figure 2 (a) – Pyrococcus abyssi
(a) La souche modèle Pyrococcus abyssi des fonds océaniques observée ici en microscopie à balayage.
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Figure 2 (b) – Thermococcale
b) La manipulation des Thermococcales nécessite une enceinte anaérobie
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Figure 2 (c) – virus PAV1
(c) Elles sont infectées par des virus tel que PAV1 qui infecte P. abyssi (d).
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Pyrococcus abyssi : un modèle d’étude pour les archées hyperthermophiles
2D. Prieur était à l’époque directeur de recherche au CNRS à l’Institut océanographique de Roscoff. Ce devait être le début d’une longue collaboration entre l’équipe BMGE (Biologie moléculaire du gène chez les extrêmophiles) à Orsay et son laboratoire, tout d’abord à Roscoff, ensuite à Brest où il allait être nommé professeur. D. Prieur venait d’initier l’étude des microorganismes des souches chaudes du fond des océans. Il allait nous apprendre à cultiver les anaérobies et nous introduire à l’étude des archées hyperthermophiles de l’ordre des Thermococcales (genres Pyrococcus et Thermococcus). Ces microorganismes anaérobies avaient été découverts dix ans plus tôt par W. Zillig et K. Stetter dans les sources chaudes de la plage de Vulcano en Italie. L’équipe de Prieur allait les rechercher dans les parois des cheminées hydrothermales. Les Thermococcales se divisent en trente minutes à des températures allant jusqu’à 105°C et sont relativement faciles à isoler et à cultiver par rapport à d’autres hyperthermophiles. Elles produisent toutefois de l’hydrogène sulfureux et leur culture demande un équipement spécialisé et certaines précautions.
- 2 L’étude directe de la topologie du chromosome est beaucoup plus difficile à réaliser et n’a toujour (...)
- 3 Voir l’article I de cette série : I : Les archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisoméras (...)
- 4 Voir « A tribute to Michel Duguet » Biochimie, 2007, v89, pp423-426.
3Un résultat marquant de notre collaboration fut l’isolement du premier plasmide d’un hyperthermophile, le plasmide pGT5 de P. abyssi. En utilisant ce plasmide comme rapporteur pour étudier la topologie de l’ADN intracellulaire2, un doctorant de BMGE, Franck Charbonnier, a pu montrer que l’ADN des archées hyperthermophiles était relâché et non pas surenroulé négativement, comme celui des bactéries possédant la gyrase3 (1). La souche de P. abyssi GE5 avait été isolée et caractérisée par un doctorant de D. Prieur, Gael Erauso, à partir d’échantillons de cheminées hydrothermales récupérés par deux mille mètres de profondeur dans l’océan Pacifique (2). A la fin des années 1990, Jean Weissenbach, qui avait pris la direction du Centre national de séquençage (CNS) qui venait d’être créé, choisit comme premier génome à séquencer – pour se faire la main - celui de P. abyssi. Un de mes souvenirs les plus chers restera l’annotation de ce génome en collaboration avec George Cohen, quatre-vingt ans à l’époque, qui allait signer en premier auteur l’article sur ce génome (3). Signant moi-même en dernier auteur, j’aimais imaginer que George Cohen aurait pu être mon thésard ou mon « post-doc » ! Ma collaboration avec le CNS s’est poursuivie avec le séquençage de Thermococcus gammatolerans, une autre archée hyperthermophile isolée par l’équipe de D. Prieur et dont la résistance aux rayonnements ionisants est du même ordre que celle de la bactérie Deinococcus radiodurans (4, 5). J’ai pu obtenir un financement pour étudier la physiologie de cette archée radiorésistante grâce au programme inter-organismes piloté par le CEA et le CNRS appelé TOXNUC (TOXicologie NUCléaire). Cette étude a été réalisée dans l’équipe que venait de mettre en place Fabrice Confalonieri à Orsay à la suite du décès de Michel Duguet4 (6) et s’est poursuivie en collaboration avec l’équipe de Jean Armangaud au CEA.
- 5 IFREMER : Institut français de recherche et exploitation de la mer.
- 6 Groupe de recherche.
4Ces trente dernières années, D. Prieur et moi-même avons donc essayé de promouvoir les recherches sur les archées en France en favorisant les synergies entre différents laboratoires. Dans les années 1990, D. Prieur avait mis en place avec l’aide de l’IFREMER5 un GDR6 CNRS appelé Bactocéan qui avait soutenu les recherches de nos équipes et celles de deux chercheurs intéressés par l’effet de la pression, Guy Hervé à Paris et Marie-Dominique Legoy à La Rochelle. Au début des années 1990, notre équipe à Orsay a aidé le laboratoire de George Barbier à l’IFREMER de Brest à initier un programme de recherche sur la réplication et la réparation de l’ADN chez les Thermococcales en accueillant un doctorant financé par l’IFREMER, Ahmed Bouyoub (7). Par la suite, Jöel Quérellou puis Didier Flamand, ont développé ce programme de recherche en prenant P. abyssi comme souche modèle (8).
Identification de la première origine de réplication chez une archée
- 7 Il a été montré par la suite que d’autres archées utilisent plusieurs origines, mais toujours en no (...)
5A la fin des années 1990, j’avais pu prédire par une approche bio-informatique, en collaboration avec Hervé Philippe et un doctorant Philippe Lopez, la position de l’origine de réplication de l’ADN chez plusieurs archées et l’identité de la protéine qui déclenche la réplication du chromosome – un homologue de Cdc6 qui réalise la même fonction chez les eucaryotes (9). Le séquençage du génome de P. abyssi allait permettre à deux post-doctorants, Hannu Myllykallio et Fujihiko Matsunaga, de valider ces deux prédictions expérimentalement grâce à notre capacité de cultiver P. abyssi (10, 11). Si P. abyssi utilise une protéine initiatrice de type eucaryote, il n’utilise qu’une seule origine sur son chromosome pour démarrer la réplication, comme le font les bactéries, alors que les eucaryotes utilisent de multiples origines7. C’est un exemple des similitudes superficielles qui existent parfois entre bactéries et archées, peut-être dû à une convergence évolutive correspondant au phénotype « procaryote », dans ce cas, un chromosome circulaire de petite taille (12).
L’ADN a été « inventé » deux fois
6H. Myllykallio (Figure 3) était premier auteur de notre publication sur l’origine de réplication parue dans la revue Science (9). Deux ans plus tard, il récidivait en publiant, toujours grâce à l’analyse du génome de P. abyssi, la découverte d’une nouvelle famille de thymidylate synthase, l’enzyme qui transforme l’un des précurseurs de l’ARN, l’UMP, en dTMP, un précurseur spécifique de l’ADN (13). Depuis la découverte de la première thymidylate synthase (TdS), appelée ThyA, en 1966, tous les biochimistes pensaient qu’il n’existait qu’un seul type de TdS et qu’il s’agissait d’une protéine universelle. Or, le gène codant pour ThyA n’était pas présent chez P. abyssi. Comment cette archée faisait-elle donc pour produire son ADN ? H. Myllykallio trouva la réponse en identifiant dans le génome de P. abyssi une nouvelle famille de TdS, qu’il appela ThyX. Les protéines ThyA et ThyX ne sont pas homologues, ce qui indique que le remplacement de l’uracile (la lettre U) dans l’ARN par la thymidine (la lettre T) dans l’ADN s’est produit deux fois indépendamment.
Figure 3 – Le pionnier et quelques successeurs en France
A gauche, Carl Woese reçoit la médaille du prix Crafoord des mains du roi de Suède à Stockholm en 2003.
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Figure 3 – Portrait Hannu Myllykallio
Hannu Myllykallio qui a décrit la première origine de réplication chez une archée.
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Figure 3 – Portrait Bruno Franzetti
Bruno Franzetti, qui a découvert un nouveau mécanisme de recombinaison.
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Figure 3 – Portrait Claire Geslin
Claire Geslin, qui a découvert le premier virus de Thermococcale, PAV1 (Figure 1).
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7Grâce à ses deux papiers dans Science, H. Myllykallio obtient la médaille de bronze du CNRS, le prix de la fondation Bettencourt Schuller et un financement de l’INSERM, alors dirigé par Christian Bréchot (ce qui ne manqua pas de m’étonner agréablement, puisque notre équipe n’était pas rattachée à cet Institut). H. Myllykallio dirige aujourd’hui un laboratoire à l’École polytechnique et continue de travailler sur divers aspects de la physiologie des archées. ThyX est devenue une cible prometteuse pour la recherche de nouveaux antibiotiques car de nombreuses bactéries pathogènes utilisent ThyX comme thymidylate synthase alors que nous utilisons ThyA.
8De mon côté, ces découvertes m’ont permis d’être invité en 2003 pour donner la conférence sur la biologie moléculaire des archées à Lund en Suède, pour la remise du prix Crafoord à C. Woese (Figure 3). J’ai eu à cette occasion la possibilité de faire connaissance avec le chercheur qui a le plus influencé ma carrière. Suite à cette rencontre, C. Woese allait soutenir ma candidature pour entrer à l’Institut universitaire de France (IUF) ce qui allait me permettre d’être déchargé de la plus grosse partie de mes charges d’enseignement et de pouvoir par la suite, comme nous le verrons, mener de front la direction de deux équipes de recherche.
La campagne AMISTAD, un tournant dans nos recherches sur les Thermococcales
- 8 Je décris la descente dans le Nautile de ma collaboratrice, Evelyne Marguet, dans un chapitre de mo (...)
9Le laboratoire de D. Prieur avait un accès privilégié aux campagnes organisées par l’IFREMER et à leur fameux sous-marin jaune, le Nautile. Cette connexion allait ainsi permettre à notre équipe de participer en 1999 à une campagne internationale de collecte d’échantillons au large des côtes mexicaines, la campagne AMISTAD (pour amitié en espagnol)8 (Figure 1). Notre objectif était la recherche de virus infectant les Thermococcales. La plupart des virus d’archée isolés jusque-là provenait de souches aérobies, en particulier de Sulfolobales. Le grand spécialiste des virus d’archée à l’époque, W. Zillig, participait à cette campagne et son aide fut décisive par la suite pour la mise en place d’une collection de souches qu’Evelyne Marguet et moi-même avons été isoler dans son laboratoire à l’Institut Max-Planck de Munich.
- 9 Ces structures sont appelées « Tunneling nanotubes » chez les eucaryotes.
10Une doctorante de D. Prieur, Claire Geslin (Figure 3), qui participait à la campagne AMISTAD, allait isoler le premier virus infectant une Thermococcales (14), le virus PAV1 dont l’hôte est P. abyssi (Figure 2). A Orsay, nous n’avons pas réussi à isoler de virus, mais un doctorant, Nicolas Soler, aujourd’hui maitre de conférence à Nancy, a observé que toutes nos nouvelles souches produisaient des vésicules membranaires, dont certaines contenaient de l’ADN (15). Une autre doctorante de l’équipe, Marie Gaudin, a ensuite montré que ces vésicules pouvaient transférer de l’ADN entre différentes souches (16), un phénomène que N. Soler et moi avons récemment proposé de baptiser vésiduction (17), un quatrième mécanisme de transfert d’ADN, à côté de la transformation, de la conjugaison et de la transduction. Il y a dix ans, personne ne croyait encore trop à l’importance biologique de ces vésicules chez les bactéries. Aujourd’hui, la situation a radicalement changé et leur étude est devenue à la mode, avec des journaux et des congrès spécialisés (18). Nous avons observé que les Thermococcales produisent également des nanotubes qui peuvent relier les cellules entre elles et qui rappellent les nanotubes observés entre cellules eucaryotes9.
- 10 European Research Concil.
- 11 Institut de biologie intégrative de la cellule.
11Suite à ces travaux, j’ai obtenu un financement européen de l’ERC10, EVOMOBIL, pour étudier la coévolution des archées avec leurs plasmides et virus. Bien que retraité, j’ai ainsi pu poursuivre mes travaux dans l’équipe de Jacques Oberto (Figure 3), Biologie Cellulaire des archées (BCA) à Orsay au sein de l’I2BC11. J’ai profité du projet EVOMOBIL pour faire séquencer par l’équipe de Valérie Barbe au CNS les souches isolées suite à la campagne AMISTAD et une partie de la collection de souches de D. Prieur (en collaboration avec Mohamed Djebbar qui lui a succédé à la tête du laboratoire à Brest). Nous avons ainsi obtenu les génomes d’une centaine de souches et plusieurs dizaines de nouveaux plasmides. J. Oberto a entrepris d’étudier ces plasmides, en particulier le mécanisme d’action de leurs intégrases, avec Violette Da Cunha, post-doctorante, et deux doctorants, Matteo Cossu et Catherine Badel (19). Nous avons pu montrer que l’intégration de ces plasmides entraîne le réarrangement des génomes à grande échelle (20). Nous avons également pu identifier le premier plasmide conjugatif d’une archée hyperthermophile. Ryan Catchpole a réussi à observer de la conjugaison à 100°C, non seulement entre Thermococcales, mais également entre archées appartenant à différents phylums, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de la génétique des archées hyperthermophiles.
12Nos recherches nous ont également permis d’établir des collaborations avec des non biologistes. Il y a quelques années, j’avais codirigé avec François Guyot, un géochimiste du Muséum d’histoire naturelle à Paris, un programme CNRS appelé GEOMEX, « géomicrobiologie en conditions extrêmes ». Aurore Gorlas, maitre de conférence dans l’équipe de Jacques Oberto, collabore aujourd’hui avec lui pour étudier l’impact des Thermococcales sur la minéralisation de leur environnement (21). Je participe moi-même actuellement au projet ERC d’un physicien marseillais, Guillaume Baffou, qui développe une technique originale pour visualiser la croissance des archées hyperthermophiles (chauffage localisé par laser sur lamelle recouverte de billes d’or). L’un de nos objectifs est de déterminer leur température maximale de croissance. Pour moi, le record actuel est détenu depuis 1993 par Pyrolobus fumarii qui peut croitre jusqu’à 113°C (22). Toutefois, une équipe américaine et une japonaise ont rapporté par la suite des températures de 121 et 122°C pour d’autres archées. Ces annonces me laissent dubitatif car personne n’a pu les reproduire.
- 12 Société Française de biochimie et biologie moléculaire.
13Dans les années 2000, alors que je siégeais au conseil d’administration de la SFBBM12, j’avais mis en place un groupement thématique sur les archées au sein de cette société. De nouvelles équipes avaient commencé à travailler sur la biochimie et la biologie moléculaire des archées, en prenant souvent comme souche modèle P. abyssi. C’était le cas, par exemple, de Béatrice Clouet-d’Orval à Toulouse qui étudie les enzymes impliquées dans la dégradation des ARN messagers, d’Yves Mechulan et Emmanuelle Schmitt à Polytechnique qui étudient l’initiation de la traduction, ou encore de Bruno Franzetti (Figure 3), à Grenoble qui avait monté une équipe travaillant sur le protéasome et ses complexes associés chez les archées halophiles et hyperthermophiles. Le groupement thématique de la SFBBM a donné naissance par la suite à un GDR « archées » présidé par Bruno Franzetti. Les colloques du GDR « archées » ont regroupés chaque année une centaine de participants. De nombreuses collaborations se sont établies à ces occasions entre les différentes équipes du GDR qui se répartissent sur tout le territoire national (Figure 4). L’équipe d’H. Myllykallio à Polytechnique collabore ainsi activement avec celle de Didier Flamand à Brest pour étudier la réplication et la réparation de l’ADN chez les archées. La communauté archée en France s’est également enrichie ces trois dernières années de deux équipes pasteuriennes issues de mon passage dans cet Institut entre 2003 et 2019.
Figure 4 – Localisation et spécialisation des équipes françaises du GDR archées
Les liens indiquent les coopérations entre différentes équipes.
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Les archées et leurs virus entrent à l’Institut Pasteur
- 13 Les Thermococcales produisent de l’hydrogène sulfureux qui est un gaz toxique, ce qui implique une (...)
14En 2003, j’ai accepté de rejoindre l’Institut Pasteur pour prendre la direction du département de microbiologie et monter une nouvelle unité de recherche. Je ne pouvais pas refuser cette proposition qui me permettait de faire rentrer le troisième domaine du vivant dans cette prestigieuse maison ! En même temps, je ne souhaitais pas abandonner mon équipe à Orsay, dont une bonne partie des membres ne voulait pas rejoindre la capitale. De plus, Evelyne Marguet venait juste de finir l’installation d’une nouvelle plateforme pour la culture des Thermococcales, et il était difficile de la transplanter à Pasteur pour des raisons de sécurité13. Curieusement, je n’ai pas eu de problème pour faire accepter à Philippe Kourilsky, alors directeur de l’Institut Pasteur, l’idée de garder mon équipe à Orsay tout en prenant la direction d’une unité et d’un département. Par contre, j’ai dû me battre pour faire accepter cette idée à la direction des sciences de la vie du CNRS de l’époque. Je n’ai pas regretté mon entêtement, car ce sont les recherches que j’avais pu poursuivre à Orsay en parallèle à mon engagement à Pasteur qui m’ont permis d’obtenir par la suite un financement ERC.
- 14 J’avais choisi de donner à l’unité de Pasteur le même nom qu’à l’unité d’Orsay.
- 15 Ils ont en particulier mis en évidence pour la première fois de l’ADN de forme A dans un objet biol (...)
15Pour pouvoir faire tourner deux équipes en parallèle, je proposai à un chercheur géorgien travaillant en Allemagne, David Prangishvili, de me rejoindre à Pasteur pour y poursuivre ses recherches sur les virus des archées (Figure 5). Après avoir quitté l’URSS, ce dernier avait travaillé sur ces virus, tout d’abord chez W. Zillig puis chez K. Stetter. Il était devenu le leader incontesté des recherches dans ce domaine (23). Pendant les quinze ans qui ont suivi son installation à Pasteur, D. Prangishvili et ses étudiants ont réalisé un travail exceptionnel dans notre unité BMGE-Pasteur14 en décrivant un nombre considérable de nouvelles familles virales (24). Ils ont découvert des phénomènes inconnus jusque-là, telle la production par certains virus de pyramides protéiques capables de percer l’enveloppe cellulaire pour laisser les virions s’échapper de la cellule (25) (Figure 5). Ces dix dernières années, D. Prangishvili a été secondé dans ses recherches sur les virus d’archées par l’un des plus brillant chercheurs que j’ai rencontré au cours de ma carrière, Mart Krupovic15 (Figure 5). Venu de Lituanie, cet amoureux des virus nous avait rejoints en 2011 comme post-doctorant avant d’être recruté comme chercheur par l’Institut Pasteur. David et Mart ont réalisé ensemble une série de découvertes spectaculaires, telle l’existence d’ADN naturel de forme A dans les virions de certains virus d’archée (26). J’ai moi-même participé avec Mart à la découverte d’une nouvelle famille d’éléments mobiles, les casposons, qui seraient à l’origine du système CRISPR (27) et à la caractérisation de la première ADN polymérase capable de démarrer une synthèse d’ADN sans amorce (28). Je renouais ainsi avec mes premiers travaux sur la réplication en renversant un paradigme datant des premiers travaux d’Arthur Kornberg sur les ADN polymérases dans les années 1960. Depuis mon départ en retraite en 2019, Mart dirige l’unité « Virologie des archées » à l’Institut Pasteur ou il poursuit ses recherches sur les interactions entre les virus et leurs hôtes chez les archées.
Figure 5 – Les archées à l’Institut Pasteur
Patrick Forterre et David Prangishvili devant un fermenteur utilisé pour cultiver les Sulfolobales et leurs virus.
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Figure 5 (a) – L’ouverture de l’unité virologie des archées
De gauche à droite - D. Prangishvili, P. Forterre et Mart Krupovic lors du colloque organisé le 2 février 2020 pour la fermeture de l’unité BMGE Pasteur et l’ouverture de l’unité virologie des archées.
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Figure 5 (b) – Sulfolobus infectées par le virus SIRV
Cellules de Sulfolobus infectées par le virus SIRV (Sulfolobus islandicus rudivirus) qui produit des pyramides (flèches blanches) (A) qui percent la paroi de l’archée (B).
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Figure 5 (c) – Archée percée
La paroi de l’archée (B) et s’ouvre ensuite pour laisser sortir les virions de la cellule (C) (25).
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- 16 Biologie évolutive de la cellule microbienne.
16Lors de mon installation à Pasteur, j’étais accompagné par Simonetta Gribaldo, une post-doctorante italienne de BMGE d’Orsay passionnée par l’évolution qui avait décidé de me suivre à Pasteur. Elle avait fait le bon choix puisque qu’elle dirige aujourd’hui dans cet Institut sa propre unité de recherche16. Elle étudie en particulier les archées méthanogènes avec un chercheur pasteurien, Guillaume Borrel (29), une thématique que Jean-Paul Aubert, à l’époque professeur à Paris VII, avait déjà essayé d’introduire à Pasteur dès les années 1980. Une expérience malheureusement interrompue par le décès prématuré en 1986 du jeune pasteurien, Lionel Sibold, qui avait pris en charge cette thématique dans son unité. Les archées méthanogènes ont colonisé nos intestins et leur étude pourrait avoir des répercussions sur la santé humaine. L’équipe de Didier Raoult à Marseille a ainsi décrit en 2012 une nouvelle archée intestinale, Methanomassilicoccus luminyensis (30) et S. Gribaldo a montré que cette archée était la représentante d’un nouvel ordre d’archée méthanogène (31).
- 17 Les Thaumarchées avaient été identifiées précédemment dans de très nombreux environnements froids, (...)
- 18 Analyse de tout l’ADN présent dans l’environnement en vue de reconstruire les génomes des organisme (...)
17J’ai travaillé pendant plusieurs années sur la phylogénie des archées avec S. Gribaldo et Céline Brochier, aujourd’hui professeur à Lyon. Jusqu’en 2008, seuls deux grands phylums d’archées avaient été identifiés et nommés par C. Woese, celui des Euryarchées et celui des Crenarchées. En 2008, notre travail nous a permis de proposer l’existence d’un troisième grand phylum d’archées, que nous avons baptisé les Thaumarchées17 (32). Certaines Thaumarchées jouent un rôle particulièrement important dans le cycle de l’azote sur notre planète et leur étude est actuellement en plein essor. En proposant un nouveau phylum, nous avons ouvert une boite de Pandore. Le développement de la métagénomique18 et une nouvelle définition plus étroite de la notion de phylum ont conduit à une explosion du nombre de phylums chez les archées. Nous en sommes aujourd’hui à une quarantaine, la plupart ne contenant aucune espèce cultivée et ne sont connues que grâce à l’analyse d’un ou de plusieurs génomes reconstruits par informatique, à partir d’échantillon d’ADN environnemental.
Débats au sein de la communauté des archées
- 19 Voir l’article I de cette série : I : Les archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisoméras (...)
- 20 Les réplicases des bactéries et des archées ne font pas partie de la même famille.
- 21 La primase synthétise l’amorce d’ARN utilisée par la réplicase pour démarrer la synthèse de l’ADN a (...)
- 22 L’hélicase sépare les deux brins de l’ADN en avant de la fourche de réplication.
18La plupart des chercheurs qui travaillent sur les archées s’intéressent à l’évolution et espèrent tirer de leurs études des informations nouvelles permettant de reconstruire l’histoire de la vie sur notre planète. La nature de LUCA et l’origine des eucaryotes sont parmi les questions les plus discutées. En 1977, C. Woese avait imaginé LUCA sous la forme d’un organisme très primitif, qu’il appelait « le progénote » (33). Pour lui, ce progénote avait encore un génome à ARN et fabriquait des protéines de séquence « approximative » en raison d’un système de traduction encore peu fidèle. Je m’étais longtemps opposé à cette idée car je pensais que toutes les Topo II étaient homologues, c’est-à-dire qu’elles descendaient d’un ancêtre commun présent chez LUCA. J’ai dû changer d’avis lorsque nous avons découvert que les Topo II des bactéries (des Topo IIA) et des archées (une Topo IIB) n’étaient pas homologues19. Or les Topo II sont indispensables pour une vie cellulaire à ADN. A la même époque, le séquençage des premiers génomes d’archée a montré qu’en plus des Topo II, trois protéines essentielles pour la réplication de l’ADN n’étaient pas non plus homologues entre Archées et Bactéries : la réplicase20, la primase21 et l’hélicase22. Finalement, la découverte de ThyX par H. Myllykallio a montré que l’ADN sous sa forme actuelle, avec de la thymine, avait été inventé deux fois. L’hypothèse la plus parcimonieuse pour expliquer toutes ces observations semblait donc bien celle d’un LUCA dont le génome était encore constitué d’ARN (Figure 6). Dans ce cas, il fallait imaginer que l’ADN et les protéines de sa réplication étaient apparus indépendamment chez les bactéries et les archées. Mais dans ce cas, quelle était l’origine de cet ADN ?
Figure 6 – Origine et évolution des protéines qui répliquent l’ADN
L’hypothèse d’une origine virale de l’ADN (32) permet d’expliquer pourquoi les quatre protéines majeures impliquées dans la réplication de l’ADN, les ADN polymérases, primase, hélicase et topoisomérases ne sont pas homologues entre archées et bactéries, c’est-à-dire qu’elles ne descendent pas d’une ancêtre commune qui aurait été présente chez LUCA. Cette hypothèse suggère que le génome de LUCA était encore constitué d’ARN, le précurseur de l’ADN au cours de l’évolution.
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19En 2002, j’avais proposé l’hypothèse suivante : l’ADN serait apparu tout d’abord chez les virus, comme une forme modifiée de l’ARN, résistante aux mécanismes antiviraux des cellules infectées (34) (Figure 6). Cette hypothèse permettait d’expliquer pourquoi le remplacement de l’ARN par l’ADN avait eu un avantage sélectif immédiat pour les premiers organismes à ADN. De plus, si l’on ne connait que deux types de protéines de réplication non homologues chez les êtres cellulaires, on connait plusieurs autres types de protéines de réplication chez les virus. L’hypothèse d’une origine virale de l’ADN permet d’expliquer cette diversité puisqu’elle sous-tend que les protéines de réplication cellulaires ne correspondraient qu’à un sous-ensemble de toutes celles apparues chez les virus.
- 23 Ces auteurs pensent que l’ADN de LUCA était répliqué par une ancêtre de l’ADN polymérase des archée (...)
- 24 Les ribosomes sont les organites cellulaires responsables de la synthèse des protéines.
- 25 Voir l’article I de cette série, « Les Archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisomérases (...)
20L’idée d’un LUCA à ARN est encore loin de faire l’unanimité aujourd’hui dans la communauté. En 1999, j’avais proposé que LUCA ait possédé un système de réplication de l’ADN ressemblant à celui des archées, remplacé chez les bactéries par un système d’origine virale (35). Cette idée a été reprise récemment par M. Krupovic et d’autres auteurs (36)23. Entre temps, j’ai toutefois changé d’avis. Pour moi, un argument fort en faveur d’un LUCA à ARN est fourni par la génomique comparée qui suggère que LUCA devait être un organisme beaucoup plus simple que les organismes modernes (37). Par exemple, il est probable que ses ribosomes24 ne contenaient que les trente-quatre protéines communes aux ribosomes des trois domaines alors que ceux des organismes modernes comprennent entre soixante et quatre-vingt protéines. Enfin, l’idée selon laquelle le génome de LUCA était encore constitué d’ARN permet d’expliquer un phénomène que Woese avait mis en avant dans ses publications des années 1970, le ralentissement de la vitesse d’évolution des macromolécules entre LUCA et les trois derniers ancêtres communs aux trois domaines cellulaires. On peut imaginer en effet que ce ralentissement a fait suite à la transition des génomes à ARN vers les génomes à ADN, dont la réplication est beaucoup plus fidèle (38). L’évolution rapide des macromolécules entre la période de LUCA et celle de la transition ARN/ADN expliquerait pour sa part pourquoi les archées et les bactéries sont séparées par une longue branche dans les phylogénies des protéines universelles. C’est précisément l’absence d’une telle longue branche entre les archées et les bactéries dans la phylogénie de la reverse gyrase qui nous avait conduit à conclure à l’absence de cette protéine chez LUCA (39)25.
21Pour Woese, LUCA était si simple qu’il n’était pas capable de fabriquer fidèlement ses protéines. Sur ce point, je pense qu’il faisait fausse route. La génomique comparée indique en effet que LUCA possédait déjà plusieurs enzymes impliquées dans la fidélité de la synthèse protéique. Nous avons obtenu un résultat en ce sens à Orsay en étudiant un complexe enzymatique impliqué dans la synthèse d’une modification des ARN de transfert essentielle pour la lecture correcte du message génétique. Tamara Basta et un doctorant, Ludovic Perrochia, ont montré, en collaboration avec Valérie Crecy-Lagarde aux USA, que les complexes des archées et des bactéries partageaient deux protéines universelles qui étaient capables de catalyser cette modification des ARN de transfert chez les mitochondries (40). Nous pensons, dans ce cas, que la mitochondrie reproduit ce que pouvait réaliser LUCA (37). On peut donc imaginer LUCA comme un organisme à ARN plus simple que les organismes actuels (sur le plan de sa biologie moléculaire) mais déjà capable de fabriquer des protéines très efficaces.
Les archées et l’arbre universel du vivant
- 26 Les phylums qui le composent portent les noms de dieux germaniques, tel que Lokiarchaeota pour le d (...)
22La question la plus débattue actuellement est celle de l’origine des eucaryotes. Nous avons vu que le nombre de phylums d’archées a explosé ces dernières années, ce qui a conduit à les regrouper au sein de superphylums. Le plus célèbre d’entre eux est celui des Asgards26 (41). De nombreux évolutionnistes pensent aujourd’hui que ces archées sont les ancêtres directs des eucaryotes. Ces derniers seraient nés de l’association entre une archée et une ou plusieurs bactéries. Selon moi ce modèle, généralement appelé arbre 2D (pour deux domaines primaires archées et bactéries) nous ramène à une conception antérieure aux travaux de C. Woese, telle celle de Lynn Margulis, qui envisageait l’apparition tardive des eucaryotes résultant de l’association de plusieurs procaryotes.
23La transformation d’une archée en eucaryote sous l’influence d’une ou de plusieurs bactéries m’a toujours semblé un scénario de science-fiction. Je pense plutôt que les archées et les eucaryotes ont évolué à partir d’un ancêtre commun, par simplification dans le cas des archées et par complexification dans le cas des eucaryotes. J’ai donc décidé de reprendre l’analyse des données soutenant l’émergence des eucaryotes à partir des Asgards. J’ai pu réaliser ce travail grâce à deux post-doctorants, Violette Da Cunha et Morgan Gaia. Nous avons pu montrer que le choix entre les arbres 2D et l’arbre de Woese (dit 3D) dépendait du jeu d’espèces et des protéines universelles utilisées pour réaliser des phylogénies moléculaires (42). Les arbres 2D étaient favorisés par la présence dans les jeux de données d’espèces connues pour évoluer rapidement et par la présence de protéines de petite taille, comme les protéines ribosomales. Ce phénomène est probablement à la conjonction de deux effets : d’une part la longue branche des bactéries attire vers elles les archées qui évoluent rapidement, ce qui finit par inclure les eucaryotes à l’intérieur des archées, et d’autre part la branche spécifique des Archées dans les arbres 3D étant très petite, elle ne peut être obtenue qu’avec des protéines de grande taille contenant beaucoup de signal (43, 44).
- 27 L’ARN polymérase synthétise les ARN messagers en recopiant le message de l’ADN en ARN, c’est la tra (...)
24En nous concentrant sur les deux plus grandes protéines universelles, les deux grandes sous-unités des ARN polymérases27, nous avons obtenu un arbre 3D robuste (42). Nos derniers travaux montrent par ailleurs que certaines protéines d’Asgard très proches de leurs homologues eucaryotes auraient pu être introduites chez ces archées par transfert de gènes à partir de proto-eucaryotes (44). Si les Asgards ne sont sans doute pas les ancêtres directs des eucaryotes, ils auraient donc pu coexister avec ces derniers.
- 28 Chez les eucaryotes, les gènes sont formés de régions codantes interrompues par des régions non cod (...)
25Le débat 2D/3D est important car il conditionne tous les travaux sur l’origine des eucaryotes et la nature de LUCA (Figure 7). En effet, si le modèle 2D est correct, on doit imaginer que tous les caractères uniques aux eucaryotes, et ils sont nombreux, sont apparus « récemment » dans la branche qui leur est spécifique. Par contre, dans le modèle 3D, certains de ces caractères – par exemple les gènes mosaïques et le splicéosome28 – pourraient être plus anciens et avoir été perdus chez les archées et/ou les bactéries. La plupart des évolutionnistes et des chercheurs travaillant sur les archées suivent actuellement le modèle 2D. Ce modèle satisfait le goût des humains pour les dichotomies : le monde n’est plus divisé en trois domaines, mais en deux domaines primaires, archées et bactéries. Il permet également de retrouver la vision de l’évolution traditionnelle, du simple vers le complexe, des procaryotes vers les eucaryotes. Pour les chercheurs travaillant sur les archées, le modèle 2D est vu comme une promotion de leurs organismes préférés (de l’un des trois domaines à l’un des deux domaines primaires) et la gratification d’étudier nos ancêtres directs. Je pense pourtant qu’ils se trompent et j’espère que les travaux que j’ai initiés avec de jeunes collègues sans parti pris au départ pourront se poursuivre à l’avenir et permettre de résoudre cette question.
Figure 7 – Les modèles 3D et 2D pour l’arbre universel du vivant
La flèche en pointillé indique le transfert de la bactérie à l’origine des mitochondries vers un ancêtre des eucaryotes modernes. Dans le modèle 2D le plus populaire actuellement, ce transfert est à l’origine de la transformation d’une archée de type Asgard en eucaryote. Dans le modèle 2D, le dernier ancêtre commun des archées, LACA, est également l’un de nos ancêtres et les eucaryotes sont formellement des archées. Pour un historique des débats entre les deux modèles, voir la référence 41. Dans le modèle 3D, les caractères spécifiques aux eucaryotes (tableau central) ont pu apparaître à trois différentes périodes de l’évolution (grosses flèches) ; dans le modèle 2D, ils sont forcément apparus après la séparation des archées et des eucaryotes (une seule grosse flèche).
©DR
Notes
1 Je raconte cette histoire en détail dans mes ouvrages « Microbes de l’enfer » aux éditions Belin (2007), et « Microbes from Hell » Chicago University Press (2016).
2 L’étude directe de la topologie du chromosome est beaucoup plus difficile à réaliser et n’a toujours pas été faite chez les archées.
3 Voir l’article I de cette série : I : Les archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisomérases.
4 Voir « A tribute to Michel Duguet » Biochimie, 2007, v89, pp423-426.
5 IFREMER : Institut français de recherche et exploitation de la mer.
6 Groupe de recherche.
7 Il a été montré par la suite que d’autres archées utilisent plusieurs origines, mais toujours en nombre très limité par rapport aux eucaryotes.
8 Je décris la descente dans le Nautile de ma collaboratrice, Evelyne Marguet, dans un chapitre de mon ouvrage « Microbes de l’enfer ». Op.cit.
9 Ces structures sont appelées « Tunneling nanotubes » chez les eucaryotes.
10 European Research Concil.
11 Institut de biologie intégrative de la cellule.
12 Société Française de biochimie et biologie moléculaire.
13 Les Thermococcales produisent de l’hydrogène sulfureux qui est un gaz toxique, ce qui implique une pièce pouvant être ventilée rapidement et une hotte aspirante à débit réglable.
14 J’avais choisi de donner à l’unité de Pasteur le même nom qu’à l’unité d’Orsay.
15 Ils ont en particulier mis en évidence pour la première fois de l’ADN de forme A dans un objet biologique, les virions de certains virus d’archées.
16 Biologie évolutive de la cellule microbienne.
17 Les Thaumarchées avaient été identifiées précédemment dans de très nombreux environnements froids, marins et terrestres, grâce à leurs ARN 16S. Les premiers génomes de Thaumarchées ont été obtenus à la fin des années 2000 et une Thaumarchée, Nitrosopumilus maritimus a été cultivée pour la première fois en 2009.
18 Analyse de tout l’ADN présent dans l’environnement en vue de reconstruire les génomes des organismes vivant dans cet environnement. La métagénomique a été rendue possible par le développement des techniques de séquençage à grande échelle.
19 Voir l’article I de cette série : I : Les archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisomérases.
20 Les réplicases des bactéries et des archées ne font pas partie de la même famille.
21 La primase synthétise l’amorce d’ARN utilisée par la réplicase pour démarrer la synthèse de l’ADN au cours de la réplication.
22 L’hélicase sépare les deux brins de l’ADN en avant de la fourche de réplication.
23 Ces auteurs pensent que l’ADN de LUCA était répliqué par une ancêtre de l’ADN polymérase des archées (famille D) et que celle-ci a été remplacée par des réplicases virales de la famille C chez les bactéries et B chez les eucaryotes. Je pense, pour ma part, que la Pol D des archées est également d’origine virale.
24 Les ribosomes sont les organites cellulaires responsables de la synthèse des protéines.
25 Voir l’article I de cette série, « Les Archées : une mine d’or pour l’étude des ADN topoisomérases ».
26 Les phylums qui le composent portent les noms de dieux germaniques, tel que Lokiarchaeota pour le dieu Loki, tous ces dieux se retrouvent au sein de l’Asgard, l’équivalent de l’Olympe pour les dieux grecs.
27 L’ARN polymérase synthétise les ARN messagers en recopiant le message de l’ADN en ARN, c’est la transcription.
28 Chez les eucaryotes, les gènes sont formés de régions codantes interrompues par des régions non codantes. L’ARN formé à partir de tels gènes contient donc des régions non codantes qui doivent être éliminées pour former un ARN messager fonctionnel, c’est ce travail « d’épissage » qui est réalisé par le splicéosome, un énorme complexe contenant des protéines et de l’ARN, tout comme le ribosome.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1 – La campagne internationale à la mer AMISTAD en 1999 |
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Légende | Daniel Prieur, organisateur de cette campagne pendant laquelle vingt-quatre chercheurs de différents pays ont plongé au large du Mexique avec le sous-marin de l’IFREMER, le Nautile. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 463k |
Titre | Figure 1(a) – Le Nautile |
Légende | Sous-marin de l’IFREMER. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 317k |
Titre | Figure 1 (b) – Evelyne Marguet |
Légende | Evelyne Marguet, ingénieure CNRS, de l’équipe BMGE, a participé à l’une de ces plongées. La campagne était dirigée par Christian Jeanthon. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 355k |
Titre | Figure 1 (c) - Christian Jeanthon |
Légende | Christian Jeanthon, chercheur CNRS, que l’on voit ici distribuer des échantillons de cheminées hydrothermales récupérés par 2600 mètres de profondeur. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 611k |
Titre | Figure 2 – Les Thermococcales, organismes modèles pour l’étude des hyperthermophiles. |
Légende | Les Thermococcales sont présents dans les parois des cheminées hydrothermales (fumeurs noirs ou blancs). |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 2 (a) – Pyrococcus abyssi |
Légende | (a) La souche modèle Pyrococcus abyssi des fonds océaniques observée ici en microscopie à balayage. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-6.jpg |
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Titre | Figure 2 (b) – Thermococcale |
Légende | b) La manipulation des Thermococcales nécessite une enceinte anaérobie |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 2 (c) – virus PAV1 |
Légende | (c) Elles sont infectées par des virus tel que PAV1 qui infecte P. abyssi (d). |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 3 – Le pionnier et quelques successeurs en France |
Légende | A gauche, Carl Woese reçoit la médaille du prix Crafoord des mains du roi de Suède à Stockholm en 2003. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 3 – Portrait Hannu Myllykallio |
Légende | Hannu Myllykallio qui a décrit la première origine de réplication chez une archée. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 3 – Portrait Bruno Franzetti |
Légende | Bruno Franzetti, qui a découvert un nouveau mécanisme de recombinaison. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 3 – Portrait Jacques Oberto |
Légende | Jacques Oberto, responsable du GDR archée. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 3 – Portrait Claire Geslin |
Légende | Claire Geslin, qui a découvert le premier virus de Thermococcale, PAV1 (Figure 1). |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 4 – Localisation et spécialisation des équipes françaises du GDR archées |
Légende | Les liens indiquent les coopérations entre différentes équipes. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 5 – Les archées à l’Institut Pasteur |
Légende | Patrick Forterre et David Prangishvili devant un fermenteur utilisé pour cultiver les Sulfolobales et leurs virus. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 5 (a) – L’ouverture de l’unité virologie des archées |
Légende | De gauche à droite - D. Prangishvili, P. Forterre et Mart Krupovic lors du colloque organisé le 2 février 2020 pour la fermeture de l’unité BMGE Pasteur et l’ouverture de l’unité virologie des archées. |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 5 (b) – Sulfolobus infectées par le virus SIRV |
Légende | Cellules de Sulfolobus infectées par le virus SIRV (Sulfolobus islandicus rudivirus) qui produit des pyramides (flèches blanches) (A) qui percent la paroi de l’archée (B). |
Crédits | ©DR |
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Titre | Figure 5 (c) – Archée percée |
Légende | La paroi de l’archée (B) et s’ouvre ensuite pour laisser sortir les virions de la cellule (C) (25). |
Crédits | ©DR |
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Fichier | image/jpeg, 15k |
Titre | Figure 5 (d) – Virion |
Légende | La paroi de l’archée percée, les virions sortent de la cellule (C) (25). |
Crédits | ©DR |
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Fichier | image/jpeg, 12k |
Titre | Figure 6 – Origine et évolution des protéines qui répliquent l’ADN |
Légende | L’hypothèse d’une origine virale de l’ADN (32) permet d’expliquer pourquoi les quatre protéines majeures impliquées dans la réplication de l’ADN, les ADN polymérases, primase, hélicase et topoisomérases ne sont pas homologues entre archées et bactéries, c’est-à-dire qu’elles ne descendent pas d’une ancêtre commune qui aurait été présente chez LUCA. Cette hypothèse suggère que le génome de LUCA était encore constitué d’ARN, le précurseur de l’ADN au cours de l’évolution. |
Crédits | ©DR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/docannexe/image/7830/img-20.jpg |
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Titre | Figure 7 – Les modèles 3D et 2D pour l’arbre universel du vivant |
Légende | La flèche en pointillé indique le transfert de la bactérie à l’origine des mitochondries vers un ancêtre des eucaryotes modernes. Dans le modèle 2D le plus populaire actuellement, ce transfert est à l’origine de la transformation d’une archée de type Asgard en eucaryote. Dans le modèle 2D, le dernier ancêtre commun des archées, LACA, est également l’un de nos ancêtres et les eucaryotes sont formellement des archées. Pour un historique des débats entre les deux modèles, voir la référence 41. Dans le modèle 3D, les caractères spécifiques aux eucaryotes (tableau central) ont pu apparaître à trois différentes périodes de l’évolution (grosses flèches) ; dans le modèle 2D, ils sont forcément apparus après la séparation des archées et des eucaryotes (une seule grosse flèche). |
Crédits | ©DR |
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Pour citer cet article
Référence papier
Patrick Forterre, « Une histoire subjective des recherches sur les archées en France », Histoire de la recherche contemporaine, Tome XI n°2 | 2022, 29-40.
Référence électronique
Patrick Forterre, « Une histoire subjective des recherches sur les archées en France », Histoire de la recherche contemporaine [En ligne], Tome XI n°2 | 2022, mis en ligne le 31 décembre 2022, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/7830 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hrc.7830
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