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Analyse d'ouvrage

Les sciences humaines dans leurs maisons

Hélène Harter
p. 225
Référence(s) :

Brigitte Marin, Véronique Siron, Les sciences humaines dans leurs maisons, Paris, Parenthèses, 2017, 185 p

Texte intégral

1Voici un ouvrage qui sans aucun doute fera date pour celles et ceux qui s’intéressent aux Maisons des Sciences de l’Homme. Il est original à de multiples titres. Il est tout d’abord plus qu’une histoire du réseau qui s’est constitué depuis les années 1960 autour des sciences qui, selon la formule de Jean Perrin, « ont pour l’objet l’humanité ». En effet il permet de disposer d’une présentation très détaillée de chacune des 23 maisons, de la pionnière établie boulevard Raspail à la plus récente qui s’est ouverte en Polynésie en 2017, en passant par celles de Caen, Grenoble, Rennes, Strasbourg, Nantes ou encore Dijon. Brigitte Marin et Véronique Siron font le choix de se positionner au plus près du terrain en s’inspirant directement de la philosophie qui sous-tend la création d’une maison. Cette démarche permet de prendre conscience de la diversité des expériences locales, même si toutes les maisons se retrouvent autour du projet braudélien d’une recherche interdisciplinaire, ancrée dans un territoire, ouverte sur l’international et soucieuse de la valorisation et de la diffusion des savoirs. Elle permet également de montrer combien ces institutions concourent aux projets de décentralisation et de territorialisation de la recherche, à travers les travaux qu’on y mène mais également à travers les liens qui se sont tissés au fil du temps avec les collectivités territoriales et les entreprises de leur territoire.

2Au fil de la lecture, on pourrait regretter l’absence d’une présentation concrète des recherches qui y sont menées. Le format resserré du livre (un peu moins de 190 pages) ne s’y prête cependant pas. Surtout, ce n’est pas son objectif. Brigitte Marin et Véronique Siron cherchent avant tout à montrer comment ces espaces ont été pensés jusque dans leur dimension matérielle pour permettre une recherche collective et interdisciplinaire. Le choix du terme de maison n’est pas anodin. Il s’agit de faire communauté au service de la recherche. L’idée est de sortir le chercheur de sa recherche individuelle voire de son isolement – une pratique qu’on associe généralement aux sciences humaines et sociales – au profit d’une recherche collective. Pour ce faire, on s’appuie sur les services aux chercheurs qu’offrent les maisons, notamment en termes d’information scientifique et technique. Surtout, on mise sur leur organisation spatiale. Les équipements collectifs y sont valorisés. Contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des autres institutions de recherche, une attention particulière est portée à la conception des espaces de convivialité et même aux circulations. Ils sont en effet pensés comme autant de lieux propices aux rencontres entre chercheurs travaillant sur des objets divers et venant de disciplines différentes, c’est-à-dire comme un environnement propice à l’émergence de nouvelles recherches collectives et interdisciplinaires.

3Le fait d’avoir associer une historienne (Brigitte Marin) et une architecte-urbaniste (Véronique Siron) donne toute la cohérence à cette lecture de l’histoire des Maisons des Sciences de l’Homme. Le choix d’un recours important à la photographie y concourt aussi. Il renforce la thèse d’un esprit des lieux propice à un certain type de recherche. L’ouvrage, bien que consacré à des institutions, est finalement vivant et se lit agréablement. Il n’en répond pas moins aux attentes qu’on peut avoir en lisant un ouvrage scientifique. Le travail repose sur des archives écrites mais aussi, ce qui est un autre élément d’originalité, sur une vaste moisson d’entretiens oraux avec celles et ceux qui ont fait et font les maisons, qu’ils soient chercheurs, gestionnaires, directeurs, techniciens ou ingénieurs. L’importance accordée aux témoignages de ces « habitants » font également de cette ouvrage une source pour les historiens de demain. Plus largement, son propos tombe bien dans un moment où nos sociétés s’interrogent sur la place qu’il faut consacrer à la recherche en sciences humaines et sociales : il donne un bel exemple de leur capacité d’innovation et d’adaptation aux enjeux les plus contemporains.

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Pour citer cet article

Référence papier

Hélène Harter, « Les sciences humaines dans leurs maisons »Histoire de la recherche contemporaine, Tome VII N°2 | 2018, 225.

Référence électronique

Hélène Harter, « Les sciences humaines dans leurs maisons »Histoire de la recherche contemporaine [En ligne], Tome VII N°2 | 2018, mis en ligne le 15 avril 2019, consulté le 13 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hrc/2538 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hrc.2538

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Auteur

Hélène Harter

Professeur d’histoire de l’Amérique du Nord à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et vice-présidente de l’Institut des Amériques

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