Navigation – Plan du site

AccueilNuméros26Comptes rendusMatthew James Crawford et Joseph ...

Comptes rendus

Matthew James Crawford et Joseph M. Gabriel (dir.), Drugs on the Page. Pharmacopoeias and Healing Knowledge in the Early Modern Atlantic World

Rafael Mandressi
p. 213-214
Référence(s) :

Matthew James Crawford et Joseph M. Gabriel (dir.),

Drugs on the Page. Pharmacopoeias and Healing Knowledge in the Early Modern Atlantic World

, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2019, 374 pages

Texte intégral

1« Penser avec les pharmacopées » (« Thinking with Pharmacopoeias ») : tel est le titre de l’introduction de cet ouvrage, signée par ses deux codirecteurs, indiquant le propos général qui unit les douze chapitres et la postface qui le composent. Il s’agit, pour l’époque moderne et l’espace atlantique, d’interroger à la fois les savoirs relevant de la botanique médicale et certaines de leurs formes textuelles, leurs usages et leurs circulations, tout en les inscrivant dans des cadres politiques, sociaux et professionnels où agissent des acteurs multiples : apothicaires et médecins, mais aussi d’autres praticiens du monde de la santé et du soin, ainsi qu’administrateurs, imprimeurs, autorités royales, locales ou impériales, et patients.

2Les pharmacopées, dont il est en partie question de retracer la généalogie, ont ici le double statut de source et d’objet d’étude : outils de transmission, de formalisation et de contrôle de connaissances et de pratiques, elles peuvent être analysées dans l’optique des « genres épistémiques », autrement dit des objets textuels associant de façon spécifique une organisation formelle et un contenu cognitif. Or elles permettent aussi de mettre en lumière divers systèmes de transactions, allant des échanges commerciaux aux arrangements locaux modulant, voire défiant, les standardisations officielles des substances médicinales. Celles-ci, produites par des pouvoirs institutionnels, qu’ils soient corporatifs ou étatiques, sont à leur tour le résultat de processus complexes de négociation marqués autant par des hiérarchies et des rapports de force – entre médecins et apothicaires, par exemple – que par des enjeux et des conjonctures politiques.

3Les études de cas réunies dans ce volume offrent, considérées dans leur ensemble, des analyses fines de tous ces aspects ; voilà un des mérites d’un ouvrage collectif dont l’organisation réussit à rendre cohérente dans son propos la pluralité des contributions, distribuées dans l’espace et dans le temps à partir d'un cadrage (le monde atlantique et l’époque moderne) particulièrement large. Quatre parties structurent le questionnaire autour des pharmacopées et à travers elles : les traditions textuelles, la codification du savoir, la « construction de nouveaux mondes » et « l’émergence de la nation ». De l’Espagne ou la Florence tardo-médiévales et renaissantes à l’Amérique portugaise de la fin du xviiie siècle en passant par les Caraïbes britanniques, le Canada français ou la place des savoirs et des pratiques médicinales sub-sahariennes dans l’Atlantique moderne, le pari de la diversité évite heureusement la tentation du « grand tableau », tout en exploitant les vertus heuristiques des échelles multiples : chronologies courtes et longues, dimensions locale, urbaine, nationale et impériale, analyse d’un texte singulier et de corpus éditoriaux de plus ou moins grande ampleur.

4Reste sans doute à discuter plus que le livre ne le fait la notion de « monde atlantique », aussi bien sur le plan historiographique, c’est-à-dire en situant ce choix par rapport aux usages qui ont été faits de cette catégorie depuis plusieurs décennies désormais, que comme unité d’analyse, en relation, entre autres, à une échelle globale qui s’insinue parallèlement dans certains chapitres. On assiste en effet, à cet égard, à une juxtaposition – explicitement assumée – d’études portant sur le monde atlantique et d’autres sur des cas ayant lieu dans le monde atlantique.

5Ce déficit de problématisation n’entame en rien, cependant, la qualité principale de l’entreprise, à savoir la très riche démonstration qui est faite du bien-fondé de tracer des trajectoires en histoire de la médecine et de la santé à l’époque moderne en « pensant avec les pharmacopées ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Rafael Mandressi, « Matthew James Crawford et Joseph M. Gabriel (dir.), Drugs on the Page. Pharmacopoeias and Healing Knowledge in the Early Modern Atlantic World »Histoire, médecine et santé, 26 | 2024, 213-214.

Référence électronique

Rafael Mandressi, « Matthew James Crawford et Joseph M. Gabriel (dir.), Drugs on the Page. Pharmacopoeias and Healing Knowledge in the Early Modern Atlantic World »Histoire, médecine et santé [En ligne], 26 | hiver 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/8789 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12riu

Haut de page

Auteur

Rafael Mandressi

Centre Alexandre-Koyrérafael.mandressi@cnrs.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search