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Sources et documents

Le dispositif gynécologique : un panoptique entre technologie de contrôle et technologie de genre

Étude de catalogues contemporains de fabricants de fauteuils gynécologiques
The Gynaecological Apparatus. A Panopticon Between Control Technology and Gender Technology
El dispositivo ginecológico: un panóptico entre tecnología de control y tecnología de género
Ikrame Moucharik
p. 185-195

Résumés

Les catalogues de matériel médico-chirurgical représentent une source utile à l’histoire sociale et culturelle de la médecine. Ils fournissent notamment des données permettant d’interroger les dispositifs et pratiques de soins dans un temps long. Sur la base d’un corpus de catalogues contemporains de fabricants européens de fauteuils gynécologiques et en s’intéressant plus particulièrement à leur contenu visuel, cet article souhaite montrer l’intérêt de telles sources pour documenter les modifications apportées au fauteuil gynécologique. L’article propose aussi d’analyser les représentations des objets, des espaces et des relations de soin comme faisant partie d’un dispositif gynécologique. Il met en exergue le contrôle et la surveillance qu’exerce ce dispositif sur le corps des femmes tel un panoptique. Par la façon dont il met en scène les interactions médecins-patientes et par la non-représentation des corps masculins s’agissant des fauteuils proctologiques et urologiques, ce dispositif apparaît comme une technologie de genre. 

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Texte intégral

Les catalogues de fabricants de matériel médico-chirurgical, une source utile à l’histoire sociale et culturelle de la médecine

  • 1 Sylvie Chaperon et Nahema Hanafi, « Médecine et sexualité, aperçus sur une rencontre historiograph (...)
  • 2 Claire Jones, « Instruments of Medical Information: The Rise of the Medical Trade Catalog in Brita (...)
  • 3 Claire Jones, Ibid., p. 568.

1Les sources mobilisées par les historiens et historiennes de la médecine sont très abondantes et variées, qu’elles soient produites par les professionnel·les de santé ou par les profanes1. Certaines, comme les catalogues de fabricants de matériel médical, restent toutefois insuffisamment explorées. En s’intéressant aux catalogues britanniques de matériel médico-chirurgical sur une période allant de 1750 à 19142, Claire Jones a pourtant souligné la multiplicité des informations fournies, aussi bien dans leur contenu que dans leur matérialité, en suivant les approches des historiens et historiennes de l’imprimerie « […] which take the material features of a publication, its paratext and circulation, as seriously as the text itself3 ». Ces catalogues constituent effectivement une source d’information non seulement sur les instruments et appareils utilisés, sur l’évolution des professions et pratiques médicales, mais aussi sur les liens entre les fabricants et les médecins, ainsi que sur l’histoire de la publicité et de l’imprimerie.

  • 4 Le premier catalogue britannique publié est celui de Samuel Lundy qui date de 1775. Voir l’article (...)

2Depuis leur apparition à la fin du xviiie siècle4, les catalogues ont connu des modifications de forme et de mode de distribution. Leur diffusion a d’abord été locale, autour des hôpitaux et facultés, avec des liens de proximité entre fabricants et chirurgiens. Au cours du xixe siècle, diverses mutations – l’industrialisation, le développement du commerce international, l’augmentation du nombre de médecins et de spécialités médicales, la diversification des instruments et des appareils – ont conduit à une plus grande circulation des catalogues alors distribués par voie postale et traduits dans plusieurs langues. À cette période, ils deviennent plus ouvertement publicitaires, se rapprochant ainsi des autres brochures commerciales. Les illustrations ont par ailleurs toujours constitué une partie importante des catalogues, qui comportent également des informations écrites, des témoignages de médecins ou de fabricants et des conseils pratiques. Autant de données qui permettent également d’interroger les dispositifs et pratiques de soins dans un temps long.

  • 5 Anne Carol, « L’examen gynécologique en France, xviiie-xixe siècles : techniques et usages », dans (...)
  • 6 Karin Ehrnberger et al., « The Androchair: Performing Gynaecology through the Practice of Gender C (...)
  • 7 Le concept de violences gynécologiques et obstétricales est né des campagnes des féministes latino (...)
  • 8 La position en décubitus dorsal est la position la plus communément adoptée en France. Robbie Davi (...)
  • 9 Voir l’étude de Kyoko Mimura et ses co-auteurs qui comparent les fauteuils et pratiques gynécologiq (...)
  • 10 https://www.medicalexpo.fr > Soins secondaires > Gynéco-obstétrique.
  • 11 Nous avons finalement retenu les catalogues des fabricants suivants : Lemi, Linet, Medifa, Merivaa (...)
  • 12 [N. D. É.] : Pour des questions de droits, le corpus d’images sur lequel s’appuie cet article n’a (...)
  • 13 Camille Paloque-Berges utilise le terme « nativement numérique », qu’elle a adapté de l’anglais bo (...)
  • 14 Camille Paloque-Berges décrit quatre niveaux de matérialité des sources nativement numériques.

3On développera ici l’exemple de l’objet fauteuil gynécologique, dont le design a peu évolué au fil des siècles. Sa conception est intrinsèquement liée à la redécouverte du spéculum par Récamier dans les années 1820 : le spéculum, en substituant la vue au toucher, change la position d’examen. La position allongée devient la plus courante en France à partir des années 1840, ce qui nécessite des appareils supplémentaires comme le fauteuil gynécologique et la lampe d’examen5. Le fauteuil gynécologique a donc été conçu pour répondre aux besoins des médecins, alors majoritairement des hommes, sans tenir compte de la perspective des patientes6, aujourd’hui davantage sujette à discussion, notamment dans le cadre des débats sur les violences gynécologiques7. Ce fauteuil permet de réaliser des examens durant lesquels les femmes sont placées dans une position dite en décubitus dorsal, genoux fléchis, pieds dans les étriers, une position qui, en augmentant la vulnérabilité physique des femmes et en diminuant leur capacité de défense et de consentement, peut faciliter des situations violentes8. Ces dynamiques transparaissent d’ailleurs dans les catalogues de fabricants qui, via leurs diverses illustrations, invitent à penser la façon dont sont perçus et conçus ces dispositifs de soin. Ceux-ci varient selon les aires culturelles9, et on se limitera ici aux fabricants européens sélectionnés sur le site medicalexpo.fr10, qui met en relation les fournisseurs avec les distributeurs. Sur les quarante-cinq fabricants européens (issus de quatorze pays) inventoriés, seuls ont été retenus ceux qui disposent de catalogues représentant une salle de consultation gynécologique11. L’ensemble de ces documents est disponible sur le site des fabricants12. Ce sont des sources « nativement numériques13 » et faciles d’accès, qui ne disposent pas d’un support papier et ont donc une matérialité particulière14.

  • 15 Olivier Faure, « Une histoire du soin est-elle possible ? », Histoire, médecine et santé, no 7, 20 (...)
  • 16 Michel Foucault définit le dispositif comme un ensemble hétérogène composé d’éléments matériels et (...)
  • 17 Gunther Kress et Theo Van Leeuwen, Reading Images. The Grammar of Visual Design, London, Routledge (...)

4Leur analyse permet de poser plusieurs questions sur les évolutions apportées au fauteuil gynécologique mises en avant par les fabricants, ainsi que sur les représentations que ces catalogues donnent des objets techniques, des patientes, des praticiens et praticiennes et de la relation de soin. En représentant des espaces thérapeutiques, du mobilier et du matériel médical, ainsi que des soignant·es à l’œuvre, ils encouragent à étudier l’interaction thérapeutique « par la reconstitution du cadre et de l’ambiance dans laquelle elle a lieu15 ». On se propose d’analyser ces représentations comme faisant partie d’un dispositif – le dispositif gynécologique – afin de lier des objets matériels à des entités plus sociales, des règles, des normes, des espaces et des interactions16. Il s’agit également de combiner l’approche microsociologique et interactionniste d’Erving Goffman avec son échelle d’observation au ras du sol pour faire émerger les rapports de force et les interactions produites dans des représentations de relation de soin, et l’approche sémiotique de Gunther Kress et de Théo Van Leeuwen qui se focalise sur les caractéristiques formelles de l’image17.

Un panoptique gynécologique

  • 18 Cet appareil optique (une loupe reliée à une caméra) permet de réaliser une colposcopie et ainsi d (...)

5« Écoutez le malade, il vous donnera le diagnostic ». Cette phrase attribuée au médecin canadien Willian Osler ne correspond pas à la consultation gynécologique telle que représentée dans notre corpus (figure 1). En effet, il ressort de l’analyse que le cœur du message des publicitaires est bien sûr le fauteuil gynécologique, mais surtout toute la technologie d’optique qui l’accompagne : le vidéocolposcope18, les écrans, l’échographe. Le spéculum, premier instrument d’observation développé pour « explorer » le corps des femmes, apparaît, mais sans toutefois être mis en avant. Il est souvent transparent, jeté à la poubelle (figure 2) comme pour signifier son archaïsme. À l’inverse, le vidéocolposcope et les écrans qui lui sont reliés sont au centre du message (figure 3).

  • 19 Alexandre Klein, « La transparence du corps en médecine, obscur modèle de notre modernité », Appar (...)

6Le dispositif gynécologique reste donc un dispositif visuel, un panoptique gynécologique qui s’inscrit dans la continuité de celui du xixe siècle, auquel se sont ajoutés d’autres appareils optiques ainsi que des écrans. Représentatives d’une médecine de surveillance technoscientifique, ces technologies spéculaires signent le triomphe du regard, qui conduit à une transparence des corps19. Médecins et patientes baignent dans un environnement de soin décrit comme idéal, fait d’écrans et d’autres appareils, un « espace de travail gynécologique » (figure 4).

  • 20 Thomas Schlich, « Surgery, Science and Modernity: Operating Rooms and Laboratories as Spaces of Co (...)

7Plus qu’un fauteuil gynécologique, les fabricants proposent en effet tout un espace de travail, de contrôle et de surveillance. Thomas Schlich a bien décrit les fonctions de contrôle remplies par l’architecture et les dispositions spatiales, en particulier celles des salles de chirurgie, qui transforment les patients et patientes en corps dociles20. Ces espaces permettent aux chirurgiens et chirurgiennes de maîtriser leurs conditions de travail par le contrôle de l’asepsie et du temps, mais aussi du corps des patients et patientes.

Une technologie de genre

8Dans ce dispositif gynécologique, le regard des médecins est souvent détourné des corps. Iels semblent en effet davantage au chevet des écrans (figure 5) que des patientes, et se retrouvent parfois même seul·es face aux écrans. Dans cette configuration, iels apparaissent comme de simples utilisateurs et utilisatrices de technologies, manipulant et touchant les machines plus que les humains.

  • 21 Terme emprunté à Ella Shohat dans « Lasers for Ladies: Endo Discourse and the Inscriptions of Scie (...)
  • 22 Laura Mulvey a introduit le concept de male gaze dans son article publié en 1975, « Visual Pleasur (...)

9Ces technologies d’imagerie placent les médecins dans une position de spectateurs et spectatrices distant·es qui regardent le corps virtuel des patientes alors même qu’iels ont une proximité corporelle avec elles. Cette gyno-technologie21 transforme ainsi le corps des femmes en spectacle, un spectacle pelvien genré dans lequel le spectateur ou la spectatrice voit la consultation gynécologique à travers un regard masculin, un male gaze médical22 (figure 6).

10Le dispositif gynécologique, comme le cinéma classique hollywoodien analysé par Laura Mulvey, produit ainsi une position de spectateur masculinisé. Les femmes représentant les patientes sont placées dans des positions vulnérables, dominées par les médecins et les spectateur·trices. Elles apparaissent comme des objets de contemplation, dépersonnalisées, arborant un visage sans expression (figure 7).

11Elles sont même parfois remplacées par des pommes ou des grenades, dans un processus de déshumanisation et d’objectification (figures 8 et 9). Ces catalogues mettent ainsi en scène une médecine technoscientifique profondément imprégnée des représentations stéréotypées des femmes, comme l’illustre la pomme sur le fauteuil gynécologique découpée virtuellement par les rayons d’imagerie médicale (figure 9). Notons par ailleurs qu’en dépit de l’existence de fauteuils à usage mixte, à la fois gynécologique, proctologique et urologique, les patients masculins sont absents des catalogues (figures 10 et 11).

  • 23 Sandra Boehringer et Estelle Ferrarese, « Féminisme et vulnérabilité », Cahiers du genre, vol. 58, (...)
  • 24 Louis Braverman, « “Il n’y jamais rien qui est entré par là !” Résistances et malaises masculins f (...)

12Sandra Boehringer et Estelle Ferrarese rappellent que « le caractère de vulnérabilité est construit et prêté, au sein d’une société spécifique, à certains corps, et moins, ou pas à d’autres23 ». Les « normes dominantes de la masculinité […] rendent le corps des hommes impénétrable24 » et expliquent que les positions d’examen urologique et proctologique soient ainsi visiblement jugées incompatibles avec l’expression d’un idéal masculin, ces positions étant dévirilisantes. Toutefois, on retrouve par moments des représentations de patientes dans des situations moins vulnérables, signe de rapports plus égalitaires avec les médecins (figure 12).

  • 25 Teresa de Lauretis, citée par Maxime Cervulle, Françoise Duroux et Lise Gaignard dans « À plusieu (...)

13Soulignons que, dans ces cas spécifiques, les médecins représentés sont des femmes. Lorsque le médecin est un homme, les rapports semblent plus inégalitaires au détriment de la patiente. Le dispositif gynécologique participe dès lors à la construction et à l’énonciation des normes genrées et peut être considéré comme une technologie de genre. Teresa de Lauretis indique en effet que le genre est le « produit des technologies sociales variées comme le cinéma et les discours institutionnalisés, les épistémologies et les pratiques critiques ainsi que les pratiques de la vie quotidienne25 ». Judith Butler propose quant à elle le concept de performance de genre pour souligner que celui-ci n’est pas un ensemble d’attributs mais qu’il est le résultat d’actes performatifs qui le constituent. L’examen gynécologique, en mettant en scène la vulnérabilité et la passivité des femmes, peut ainsi être considéré comme une performance de genre.

Conclusion

  • 26 Madeleine Akrich et Nicolas Dodier, « Les objets de la médecine : Présentation », Techniques et c (...)

14Rapidement présentées ici, ces images offrent de multiples informations sur les représentations des espaces et des relations de soin. Le fauteuil gynécologique, le spéculum et de façon générale les techniques de la médecine sont, pour paraphraser Madeleine Akrich et Nicolas Dodier, des objets autour desquels des échanges se nouent et des rituels se mettent en place26, et les personnes qui conçoivent ces catalogues n’hésitent pas à proposer des scénarios autour de ces objets en s’appuyant sur des représentations genrées. Des représentations genrées qui jouent également un rôle dans la conception de l’objet fauteuil gynécologique qui à son tour les construit et les renforce.

15L’analyse du contenu textuel de ces sources pourrait apporter d’autres informations concernant la relation de soin, mais aussi sur les relations entre fabricants et médecins. En effet, selon Claire Jones, les médecins du xixe siècle étaient en même temps destinataires et co-auteurs des catalogues à travers leurs témoignages, leurs recommandations et les instruments et appareils médicaux qu’ils développaient eux-mêmes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment se fabriquent ces catalogues ? Existe-t-il encore cette proximité entre les personnes qui les conçoivent et celles qui les utilisent ? Associer des méthodes numériques à des entretiens avec les concepteur·trices et les médecins permettrait d’approfondir le questionnement et aussi de mieux contextualiser ces données numériques.

Table descriptive des illustrations

 

Figure 1. « Voir et traiter ». Atmos, catalogue pour le fauteuil gynécologique Atmos® Chair 41 Gyne, 2020, p. 1.
Sur cette image sont représentés un fauteuil gynécologique, un tabouret et un meuble de rangement sur lequel est fixé un écran. Le fond comme les meubles sont de couleur jaune. Un agrandissement de l’image affichée sur l’écran apparaît à gauche. Il s’agit d’un col de l’utérus sanguinolent représenté en gros plan. Tout à fait à droite de l’image est montré le côté droit du visage d’une femme, qui prend toute la hauteur du cadre mais figure en arrière-plan. Un faisceau imaginaire part de son œil vers l’écran, et ainsi vers l’image agrandie du col de l’utérus.
Figure 2. « Le spéculum à la poubelle ». Linet, catalogue pour le fauteuil gynécologique Gracie, 2017, p. 7.
Nous sommes devant un ensemble de trois petites images. La première montre trois spéculums disposés sur un chariot pour être réchauffés avant l’examen afin d’améliorer le confort de la patiente, comme l’explique la légende. La deuxième montre un meuble pour ranger les spéculums à désinfecter après usage. Sur la troisième, un homme jette un spéculum dans une corbeille prévue à cet effet à l’intérieur du meuble.
Figure 3. « Le vidéocolposcope ». Linet, catalogue pour le fauteuil gynécologique Gracie, 2017, p. 4.
En gros plan et au centre de l’image se trouve un vidéocolposcope manipulé par une main d’homme. Le vidéocolposcope est fixé à un fauteuil gynécologique sur lequel est allongée une femme dont on n’aperçoit qu’une partie des jambes et du dos. En bas de l’image sont disposées trois photos de cols de l’utérus. La légende qui accompagne l’image utilise des termes empruntés au domaine de l’optique : focus, zoom, green filter, freeze image.
Figure 4. « Espace de travail gynécologique ». Linet, catalogue pour le fauteuil gynécologique Gracie, 2017, p. 2-3.
L’image montre un espace de consultation gynécologique, dans une pièce dont on suggère les trois murs qui font face à la porte. Au centre, un fauteuil gynécologique sur lequel sont intégrés un vidéocolposcope et un écran situé près de l’accoudoir droit. Un tabouret se trouve en face du fauteuil, les deux sont de couleur jaune. Près du mur de gauche se trouve un chariot mobile avec des spéculums en train d’être réchauffés. Un autre chariot mobile contenant un échographe et un écran est situé à droite du fauteuil. On peut apercevoir tout en bas de l’image, près du mur de droite, un bureau avec un écran et une chaise. Un quatrième écran est visible sur le mur derrière le fauteuil. De gauche à droite de la pièce, trois de ces écrans déclinent l’image en gros plan d’un col de l’utérus. Sur celui du chariot mobile, on voit une échographie d’un fœtus. La légende indique que les équipements visuels de cette salle consistent en un vidéocolposcope haute définition, des écrans LCD haute définition ainsi qu’un système de transfert immédiat des photos et vidéos prises avec le vidéocolposcope sur l’ordinateur du médecin.
Figure 5. « Au “chevet” » des écrans ». Schmitz, catalogue pour le vidéocolposcope Vidan®2, 2018, p. 8.
Trois images sont réparties en colonne à droite de la page. Dans les deux premières, on peut voir une femme allongée sur un fauteuil gynécologique. À côté d’elle, une médecin en blouse blanche assise sur un tabouret est tournée vers un écran situé à gauche. La patiente regarde elle aussi vers un autre écran fixé à la droite du fauteuil. Dans la troisième case, la patiente est aussi allongée sur le fauteuil gynécologique avec la médecin en face d’elle. Trois autres personnages en blouse blanche ont le regard tourné vers un écran fixé au mur. L’un de ces personnages est un homme qui, comme l’explique la légende, commente les images à l’attention des deux assistants.
Figure 6. « Le spectacle pelvien ». Image promotionnelle pour l’environnement de travail gynécologique Gracie, site Internet de Wissner-Bosserhof Belgium, filiale du groupe Linet, page « Station de travail gynécologique > Gracie »
Sur cette image sont représentés un médecin et une patiente jeune et mince. La patiente est allongée jambes écartées sur un fauteuil gynécologique, ses pieds nus sont posés sur des repose-pieds. Elle est vêtue d’un justaucorps de couleur gris-bleu et regarde vers le plafond. Un écran est intégré au bout d’une perche sur le côté gauche du fauteuil gynécologique. Le médecin est assis sur un tabouret, il est tourné de trois-quarts vers la caméra qu’il regarde en souriant.
Figure 7. « Automate ». Atmos, catalogue pour le fauteuil gynécologique Atmos® Chair 41 Gyne, 2013, p. 3.
Cette image est composée de quatre séquences. On y voit une femme jeune et mince vêtue d’un justaucorps. Elle est placée sur un fauteuil gynécologique réglé successivement sur quatre positions différentes. La patiente est d’abord allongée avec le dos relevé en position gynécologique, puis assise sur le fauteuil avec ses pieds touchant le sol, puis complètement allongée sur le dos, puis de nouveau en position gynécologique. Lorsqu’elle est allongée ou assise, elle garde les bras le long du corps et le dos très droit. Son regard, détourné de la caméra, est sans expression et semble perdu au loin.
Figure 8. « Une grenade pour représenter le col de l’utérus ». Schmitz, catalogue pour le vidéocolposcope Vidan®2, 2018, p. 5.
Il s’agit d’un ensemble de sept images en couleur. Dans cinq d’entre elles, on observe des gros plans de cols de l’utérus agrandis jusqu’à 42 fois, comme signalé dans la légende, grâce à la loupe du vidéocolposcope. Dans les deux autres cases, les cols de l’utérus sont remplacés par une grenade coupée en son milieu, dévoilant des graines rouge sang, agrandies également grâce au vidéocolposcope. Sur ces deux images, une pince gynécologique est représentée au contact avec la grenade, comme pour l’examiner.
Figure 9. « Échographie d’une pomme ». Vidéo promotionnelle pour l’espace de travail gynécologique Gracie, 2015 (capture d’écran). Source : site Internet de Wissner-Bosserhof Belgium, filiale du groupe Linet, page « Station de travail gynécologique > Gracie » (timecode 1:27). Disponible sur YouTube.
Au centre de l’image, une pomme rouge est posée sur un fauteuil gynécologique jaune. À gauche se trouve un échographe avec un écran qui affiche l’intérieur de la pomme, désormais de couleur blanche sur fond noir. Un second écran avec la même image est fixé sur le fauteuil à droite.
Figure 10. « Consultation proctologique ». Schmitz, catalogue no 75, « Gynaecology, Urology and Proctology. The perfect equipment to meet all requirements », 2019, p. 5.
De trois quarts par rapport à la caméra, on voit un environnement de consultation proctologique. Une femme jeune et mince vêtue d’un justaucorps gris est allongée jambes écartées, les deux pieds dans les étriers, sur un fauteuil de couleur grise et rouge, désigné comme fauteuil d’examen pour la proctologie. La partie mobile du fauteuil qui se trouve sous les fesses est abaissée et la patiente a le bassin avancé au bord du siège. Elle a le regard perdu au loin. Face à elle, un homme vêtu d’une tenue blanche tient dans sa main gauche un long objet métallique. Du pied gauche, il semble actionner une pédale électrique en bas du fauteuil. Une poubelle se trouve à la gauche du fauteuil et un meuble à droite.
Figure 11. « Consultation urologique ». Schmitz, catalogue no 75, « Gynaecology, Urology and Proctology. The perfect equipment to meet all requirements », 2019, p. 11.
Une femme jeune et mince vêtue d’un justaucorps gris est allongée, jambes largement écartées, sur un fauteuil d’examen urologique bleu et gris. Face à elle, un homme vêtu d’une tenue blanche tient un « bassin de lavage gyroscopique » fixé sur le fauteuil. Leurs regards ne se croisent pas.
Figure 12. « Entretien ». Schmitz, catalogue no 75, « Gynaecology, Urology and Proctology. The perfect equipment to meet all requirements », 2019, p. 28.
Deux femmes minces sont face à face dans un environnement de travail gynécologique. À gauche, une femme vêtue d’une tenue de ville (chemise, jean, baskets) est assise sur un fauteuil gynécologique. L’autre femme est vêtue d’une tenue blanche est assise sur un tabouret, elles se sourient mutuellement. Tous les meubles sont de couleur rose : le fauteuil gynécologique, le tabouret et deux autres meubles de rangement.
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Notes

1 Sylvie Chaperon et Nahema Hanafi, « Médecine et sexualité, aperçus sur une rencontre historiographique (Recherches francophones, époques moderne et contemporaine) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 37, 2013, p. 123-142.

2 Claire Jones, « Instruments of Medical Information: The Rise of the Medical Trade Catalog in Britain, 1750-1914 », Technology and Culture, vol. 54, no 3, 2013.

3 Claire Jones, Ibid., p. 568.

4 Le premier catalogue britannique publié est celui de Samuel Lundy qui date de 1775. Voir l’article de Claire Jones, « (Re-)Reading Medical Trade Catalogs: The Uses of Professional Advertising in British Medical Practice, 1870-1914 », Bulletin of the History of Medicine, vol. 86, no 3, 2012, p. 361-393.

5 Anne Carol, « L’examen gynécologique en France, xviiie-xixe siècles : techniques et usages », dans Patrice Bourdelais et Olivier Faure (dir.), Les nouvelles pratiques de santé. Acteurs, objets, logiques sociales, xviiie-xxe siècles, Paris, Belin, 2005, p. 51-66.

6 Karin Ehrnberger et al., « The Androchair: Performing Gynaecology through the Practice of Gender Critical Design », The Design Journal, vol. 20, no 2, 2017, p. 181-198.

7 Le concept de violences gynécologiques et obstétricales est né des campagnes des féministes latino-américaines pour l’humanisation de la naissance au début des années 2000. Le Venezuela, le Mexique et l’Argentine ont été parmi les premiers pays à légiférer sur ces violences. La question des violences gynécologiques et obstétricales a émergé plus tard en France, où elle apparaît pour la première fois en 2014. Voir Lucile Quéré, « Luttes féministes autour du consentement : Héritages et impensés des mobilisations contemporaines sur la gynécologie », Nouvelles Questions Féministes, vol. 35, no 1, 2016, p. 32-47.

8 La position en décubitus dorsal est la position la plus communément adoptée en France. Robbie Davis-Floyd souligne à propos de cette position : « Le décubitus dorsal, où la femme est allongée sur le dos, les jambes écartées et relevées, les pieds dans les étriers gynécologiques et le bassin placé tout au bord de la table d’accouchement, complète ce processus d’inversion symbolique, de l’autonomie et de l’intime vers la dépendance et l’exposition totale, qui exprime et renforce l’impuissance de la femme et le pouvoir de la société (ici de son intermédiaire, l’obstétricien) dans un moment pourtant crucial de son expérience individuelle. » R. Davis-Floyd citée par Nastassia Audibert, « “Violence obstétricale”. Émergence d’un problème public en France », Mémoire de master, Paris School of International Affairs, 2016. Disponible en ligne : https://www.academia.edu/29049665/Violence_obstétricale_-_émergence_dun_problème_public_en_France (consulté le 8 janv. 2024).

9 Voir l’étude de Kyoko Mimura et ses co-auteurs qui comparent les fauteuils et pratiques gynécologiques japonaises avec celles d’autres pays. Mimura Kyoko et al., « Patient-Centered Development? Comparing Japanese and Other Gynecological Examination Tables and Practices », East Asian Science, Technology and Society: An International Journal, no 8, 2014, p. 323-345.

10 https://www.medicalexpo.fr > Soins secondaires > Gynéco-obstétrique.

11 Nous avons finalement retenu les catalogues des fabricants suivants : Lemi, Linet, Medifa, Merivaara, Promotal, Schmitz et Atmos.

12 [N. D. É.] : Pour des questions de droits, le corpus d’images sur lequel s’appuie cet article n’a pu être reproduit ici. Des descriptions précises des images ont donc été élaborées par l’autrice et sont consultables dans la table des illustrations en fin d’article, où la référence du matériel promotionnel utilisé est chaque fois mentionnée.

13 Camille Paloque-Berges utilise le terme « nativement numérique », qu’elle a adapté de l’anglais born digital, pour désigner les « […] traces, données, documents, et artefacts issus directement du contexte numérique, et pouvant acquérir une valeur de source pour le chercheur en SHS […] ». Voir Camille Paloque-Berges, « Les sources nativement numériques pour les sciences humaines et sociales », Histoire@politique, vol. 30, no 3, 2016, p. 221-244.

14 Camille Paloque-Berges décrit quatre niveaux de matérialité des sources nativement numériques.

15 Olivier Faure, « Une histoire du soin est-elle possible ? », Histoire, médecine et santé, no 7, 2015, p. 94.

16 Michel Foucault définit le dispositif comme un ensemble hétérogène composé d’éléments matériels et immatériels, de pensées, d’énoncés scientifiques, de prescriptions juridiques, de discours, de machines concrètes et de technique. Voir Michel Foucault, Dits et Écrits, 1954-1988, t. 3, 1976-1979, Paris, Gallimard, 1994.

17 Gunther Kress et Theo Van Leeuwen, Reading Images. The Grammar of Visual Design, London, Routledge, 1996.

18 Cet appareil optique (une loupe reliée à une caméra) permet de réaliser une colposcopie et ainsi d’étudier la morphologie du col de l’utérus qui apparaît sur les écrans.

19 Alexandre Klein, « La transparence du corps en médecine, obscur modèle de notre modernité », Appareil, no 7, 2011.

20 Thomas Schlich, « Surgery, Science and Modernity: Operating Rooms and Laboratories as Spaces of Control », History of Science, vol. 45, no 3, 2007, p. 231-256.

21 Terme emprunté à Ella Shohat dans « Lasers for Ladies: Endo Discourse and the Inscriptions of Science », Camera Obscura, vol. 10, no 2, 1992, p. 57-90.

22 Laura Mulvey a introduit le concept de male gaze dans son article publié en 1975, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, no 3, p. 6-18. Voir également les travaux de Ludmilla Jordanova sur le regard (mâle) médical et scientifique et le corps des femmes dans son livre Sexual Visions: Images Of Gender In Science And Medicine Between The Eighteenth And Twentieth Centuries, Madison, University of Wisconsin Press, 1989 ; ainsi que l’ouvrage de Lisa Cartwright sur la culture visuelle médicale : Screening the Body: Tracing Medicine’s Visual Culture, Minneapolis/London, University of Minnesota Press, 1995.

23 Sandra Boehringer et Estelle Ferrarese, « Féminisme et vulnérabilité », Cahiers du genre, vol. 58, no 1, 2015.

24 Louis Braverman, « “Il n’y jamais rien qui est entré par là !” Résistances et malaises masculins face au toucher rectal », Recherches sociologiques et anthropologiques, vol. 48, no 1, 2017.

25 Teresa de Lauretis, citée par Maxime Cervulle, Françoise Duroux et Lise Gaignard dans « À plusieurs voix autour de Teresa de Lauretis : Théorie queer et cultures populaires, de Foucault à Cronenberg », Mouvements, no 57, 2009, p. 150.

26 Madeleine Akrich et Nicolas Dodier, « Les objets de la médecine : Présentation », Techniques et culture, no 25-26, 1995.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ikrame Moucharik, « Le dispositif gynécologique : un panoptique entre technologie de contrôle et technologie de genre »Histoire, médecine et santé, 25 | 2024, 185-195.

Référence électronique

Ikrame Moucharik, « Le dispositif gynécologique : un panoptique entre technologie de contrôle et technologie de genre »Histoire, médecine et santé [En ligne], 25 | été 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/8627 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1217n

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