Le corps du médecin hippocratique : média, instrument, vecteur sensoriel
Résumés
Le médecin hippocratique utilise son corps comme un outil. D’abord pour construire sa réputation et afficher son savoir par ses vêtements, son attitude et ses gestes, mais aussi lors de la consultation en mobilisant ses sens : il s’appuie sur ce qui s’affiche sur le corps du patient et sur ce que son propre corps perçoit pour élaborer un diagnostic et envisager un traitement.
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Texte intégral
- 1 De la bienséance, 12 L. IX, 239-241, trad. É. Littré, 1861. Les traités De la bienséance, Du médeci (...)
« En entrant, rappelez-vous la manière de s’asseoir, la réserve, l’habillement, la gravité, la brièveté du langage, le sang-froid qui ne se trouble pas, la diligence près du malade, le soin, la réponse aux objections, la possession de soi-même dans les perturbations qui surviennent, la sévérité à réprimer ce qui trouble, la bonne volonté pour ce qui est à faire. En cela souvenez-vous de la disposition première ; sinon, ne laissez dans le reste rien manquer de ce qui est de précepte pour le service du malade »1.
- 2 Se reporter à DEICHGRABER K., Medicus gratiosus. Untersuchungen zu einem griechischen Artzbild, May (...)
- 3 De l’Officine est un traité datant probablement de la fin du Ve siècle avant J.-C ou du début du IV(...)
1S’adressant à ses confrères ce médecin hippocratique éclaire l’importance accordée à l’attitude, au comportement, aux manières qui doivent les gouverner lors de la consultation. Plusieurs traités de la collection hippocratique, De la bienséance, Du médecin, Préceptes, Officine du médecin, De l’art ou encore le bref traité intitulé Quel doit être celui qui apprend l’art médical ? (ou testament d’Hippocrate2) édictent des instructions codifiant la pratique médicale et distillent des conseils concrets au praticien dans sa relation au patient. Ces traités, datés entre le Ve siècle avant J.-C. et le IIe siècle après J.-C.3 s’accordent sur l’essentiel : le médecin doit faire preuve de qualités techniques, mais aussi de dispositions physiques, morales et éthiques. Le corps du médecin est alors l’instrument qui va lui permettre d’exposer à la fois sa valeur et ses aptitudes. Outil de communication, le corps est le média qui transmet des intentions et donne des garanties immédiatement accessibles : inspirer confiance d’abord par l’apparence et la conduite, mais aussi asseoir une réputation.
2Si le patient cherche sur le corps du médecin les signes de sa qualité professionnelle, le médecin lui, procède à un examen du corps du patient en se fondant dans un premier temps sur l’observation. Il s’appuie sur des faits repérables par le prisme des organes des sens, signes qu’il analysera ensuite en mobilisant son savoir et son intelligence (gnomè). La médecine hippocratique est une médecine des sens et la perception sensible est essentielle dans la pratique. De l’acuité du praticien dépendent non seulement la recherche des causes, l’établissement du diagnostic, mais aussi la mise en œuvre du traitement. Écouter, regarder, sentir, toucher, goûter permettent d’établir la communication et l’échange entre le corps du médecin récepteur et le corps du patient émetteur : toute une « organisation sensorielle » est rendue possible, que le médecin mettra en mots et en actes, au service du diagnostic et du traitement.
La communication corporelle
- 4 Pour ne citer que quelques références : DEICHGRABER K., Medicus gratiosus. Untersuchungen zu einem (...)
3Ces traités qui élaborent une déontologie de l’art médical, décrivent souvent un médecin modèle tant par ses manières que par les valeurs qu’il s’applique à communiquer. Dans ce cadre, le premier contact est décisif. Nul doute que savoir et pratique sont les meilleures garanties de son professionnalisme, mais l’image que le médecin donne de lui-même compte tout autant. Prestance, allure, et mise soignée s’avèrent déterminantes car le médecin est en représentation4 et son corps médiatise ses aptitudes et le sérieux de ses actes.
Apparence
- 5 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récente, Hippocra (...)
« La règle du médecin doit être d’avoir une bonne couleur et de l’embonpoint, suivant ce que comporte sa nature ; car le vulgaire s’imagine que ceux dont le corps n’est pas ainsi en bon état ne sauraient soigner convenablement les autres. Puis il sera d’une grande propreté sur sa personne, mise décente, parfums agréables et dont l’odeur n’a rien de suspect ; car, en général, tout cela plaît aux malades »5.
- 6 BARRA E., « Les couleurs du corpus hippocraticum », Corps, 3, 2007/2, p. 25-32 et « Des humeurs, de (...)
- 7 La belle apparence, BOETSCH G. et al. (dir.), Paris, CNRS éditions, 2010. Se reporter aux travaux d (...)
4Dans ses conseils à un débutant, le praticien commence par une recommandation corporelle qui vise à imposer au premier contact avec le patient, une bonne image qui présidera leur relation. Son teint doit refléter l’équilibre de ses humeurs, une « bonne couleur », c’est-à-dire médiane, révélant la santé6. Son allure générale est aussi signifiante7, un relâchement signalant un laisser-aller de la personne. Ainsi maîtriser son poids atteste et affiche qu’il s’applique à lui-même ce qu’il prescrit au patient. Un corps sain et solide est le gage de sa bonne santé et de son professionnalisme.
5Hygiène et tenue jouent aussi un rôle majeur dans l’élaboration d’un climat de confiance avec le patient. La propreté est la garantie patente que le soin qu’il s’accorde, il le prodiguera à autrui mais affirme aussi son exemplarité. C’est d’ailleurs un point sur lequel insiste un médecin d’Épidémies :
- 8 Épidémies, VI, 4, 7 L. V, 308-309, trad. É. Littré, 1846. Se reporter à l’édition plus récente, Hip (...)
« Gracieusetés pour les malades, par exemple propreté dans leurs boissons, leurs aliments et dans ce qui s’offre à leurs yeux, mollesse dans ce qui est en contact avec leur corps ; autres : [permettre] ce dont l’effet n’est pas grandement nuisible ou est facilement réparable, par exemple l’eau froide là où il faut faire cette concession ; les visites, les discours, la tenue, l’habit, pour le malade, la chevelure, les ongles, les odeurs »8.
- 9 Cf. BODIOU L., GHERCHANOC F., HUET V. et MEHL V. (dir.), Parures et artifices. Le corps exposé dans (...)
- 10 JOUANNA J., « Quel doit être celui qui apprend l’art médical ? Ou Testament d’Hippocrate », op. cit (...)
- 11 Voir aussi Préceptes, 10 L. IX, 266-267, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récent (...)
6La propreté est de l’ordre du visible et participe des signes apparents qui donnent du crédit personnel dont on peut penser qu’il sera aussi professionnel : si l’homme est soigné, on peut gager qu’il sera soigneux. Ainsi des habits trop ostentatoires ou au contraire miteux donnent des clés de lecture d’une personnalité9. Le médecin du traité Quel doit être celui qui apprend l’art médical ? précise même qu’ils doivent être « tous blancs, sinon proches du blanc, moelleux et pas rêches »10. La tenue du médecin doit être appropriée et adaptée à la pratique : la blancheur est « vraiment le signe de sa vie pure » indique ce traité ; en outre, si le médecin est trop apprêté, il risquerait de sembler plus soucieux de lui-même que des autres. C’est la mesure qui prévaut. D’autres mises en garde suivent la même logique. Les cheveux doivent être coupés « sans boucles et régulièrement », les parfums d’utilisation modérée. Trop forts, trop capiteux ou nauséabonds, ils qualifient sans délai : c’est le propre du parfum de susciter une réaction immédiate d’adhésion ou de rejet qui peut détourner le patient. L’odeur ne doit pas venir troubler l’impression : trop puissante, elle est intrusive et risque surtout de masquer et de contredire un visuel positif11.
7Si le médecin doit rassurer par son allure générale et son apparence pour gagner la confiance du malade et de son entourage, il ne doit pas toutefois céder aux artifices ni à la facilité de leurs usages trompeurs. Un médecin soigné et en bonne santé est celui qui s’applique à lui-même son savoir-faire, aussi son corps est-il le meilleur média de sa réputation.
Attitude et comportement
8Le médecin doit également surveiller sa conduite lors des visites et consultations. La mise en présence des corps est l’occasion de confronter les personnalités : les manières de s’exprimer, de se contenir, de se présenter au patient ne sont pas indifférentes. Le praticien doit s’imposer sans effrayer, rassurer sans donner de faux espoirs, affirmer sa compétence par son attitude, ses mots, ses gestes.
9Le comportement du praticien est encore un signe de sa respectabilité. Les qualités morales se confondant avec les compétences professionnelles, elles doivent immédiatement être identifiables par le patient. Les conseils donnés oscillent entre remarques de bon sens et code de bonne conduite. Il s’agit autant de présenter bien que de savoir agir. L’état corporel, la mesure des gestes et des mots témoignent d’une position et d’une disposition. Maintien et contenance affirment la maîtrise de soi, mais il faut se garder de l’excès de gravité et de rigidité au risque de faire fuir ou d’impressionner le client :
- 12 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861.
« Quant à l’extérieur, il aura la physionomie réfléchie, sans austérité ; autrement il paraîtrait arrogant et dur ; d’un autre côté, celui qui se laisse aller au rire et à une gaieté excessive est regardé comme étranger aux convenances ; et cela, il faut s’en préserver soigneusement »12.
10En effet, le médecin fait commerce de son art et doit veiller à rester accessible. En manifestant sa tempérance, un subtil mélange entre la retenue et le sérieux qu’exige son métier, il installe une relation de confiance. Dans ce délicat équilibre des convenances, le faux-pas guette et peut faire basculer le rapport humain du côté de l’aversion.
- 13 De la bienséance, 7 L. IX, 236-237, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récente, Hi (...)
« Il faut que le médecin ait à son service une certaine urbanité, car la rudesse repousse et les gens en santé et les gens malades. Il s’observera diligemment, de manière à ne découvrir que peu de parties de son corps et à ne pas disserter beaucoup avec les personnes étrangères à l’art, mais en leur disant le nécessaire ; il pensera qu’agir autrement est l’équivalent d’une provocation au traitement. Il ne fera rien qui soit entaché de recherche ou d’ostentation »13.
11Le corps du médecin doit transmettre deux messages : l’honorabilité et la confiance. Aussi les codes tacites qui prévalent au comportement et à la manière d’être doivent-ils être emprunts de sobriété et de modération. Si l’ostentation est bannie autant par les artifices du corps que la surenchère des mots, le praticien doit veiller à créer le nécessaire allant de la rencontre. Ne pas indisposer par l’étalage de soi, c’est être disponible pour l’autre ; offrir une parole mesurée et contrôlée, c’est le gage d’une réflexion ordonnée qui sera entendue ; les gestes appropriés assurent d’une technique affirmée. Enfin le médecin doit savoir maîtriser ses émotions et ses sentiments, ne pas se laisser aller au rire par exemple, ni s’abandonner dans l’instant, mais agir avec sang-froid.
12Le bon médecin doit se conduire en tout avec décence et réserve : c’est l’ensemble de sa vie personnelle qui reflète alors sa tempérance et la maîtrise de son art. Obligation lui est faite de se montrer intègre et exemplaire :
- 14 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861.
« Quant au moral, l’homme sage non seulement sera discret, mais aussi il observera une grande régularité dans sa vie ; cela fait le plus grand bien à la réputation ; ses mœurs sont honorables et irréprochables et, avec cela, il sera pour tous grave et humain ; car se mettre en avant et se prodiguer excite le mépris, quand même ce serait tout à fait utile »14.
13Honnête et loyal envers les siens, le médecin garantit qu’il saura appliquer les mêmes préceptes dans sa pratique professionnelle. Tout en lui affirme sa réputation et son corps le communique : son corps sain rassure, sa décence tranquillise. C’est tout son être qui doit exprimer la mesure et la maîtrise, c’est-à-dire la juste distance que requiert l’autorité de l’art.
Le corps en situation
14Le médecin doit également savoir utiliser l’espace et la distance et se positionner lors de la consultation. Dans son accès au corps souffrant du patient, il se place dans les dispositions physiques les plus propices à sa pratique. Le traité De l’officine du médecin détaille les précautions à prendre pour agencer le lieu, les personnes et les objets lors de la consultation et du traitement. Le texte précise les dispositions pratiques à mettre en œuvre pour plus d’efficacité :
- 15 De l’officine du médecin, 2 L. III, 275-277, trad. É. Littré, 1841. Se reporter aussi à l’édition p (...)
« À considérer : le malade ; l’opérateur ; les aides ; les instruments ; la lumière ; où et comment ; quelles choses et comment ; où le corps du malade, là les instruments ; le temps ; le mode ; la partie affectée»15.
15L’environnement général, humain, temporel, fonctionnel est pris en compte : ce qui est visé c’est la nécessaire organisation lors de la visite dans laquelle l’improvisation qui jetterait le discrédit en suggérant l’amateurisme n’a pas sa place. Il est recommandé au médecin d’être ordonné : aides et instruments disponibles, espace dégagé et lumière convenable. Le corps du malade et la partie à observer doivent être définis, le médecin étant capable d’envisager les possibles avant de débuter, d’anticiper toute éventualité, à la fois « Où et comment » et « quelles choses et comment ». Une telle ordonnance des intervenants, des objets, des lieux et du temps témoigne de l’efficience du médecin, de sa pertinence et de sa volonté de mener l’examen.
16La consultation est une rencontre des corps et c’est au médecin qu’il revient d’ajuster convenablement sa posture pour accéder au corps du patient. Quatre paramètres sont à considérer : la position dans laquelle le médecin se sent le mieux pour intervenir, celle à prendre par rapport au patient, la partie du corps qu’il faut visualiser et enfin la nécessaire lumière. Assis ou debout lors de l’examen, en fonction de la partie du corps à examiner ou traiter, le médecin doit se sentir libre de ses gestes, ferme sur ses appuis, sans gêne extérieure.
- 16 De l’officine du médecin, 3 L. III, 278-285, trad. É. Littré, 1841.
« Position convenable de l’opérateur relativement à lui-même : assis, il aura les pieds dans la verticale des genoux, et tenus à une petite distance l’un de l’autre ; les genoux un peu plus haut que les aines, et écartés de telle sorte que les coudes puissent s’y poser, ou se porter en dehors des cuisses ; le vêtement ni trop lâche ni trop serré, sans plissements, jeté également sur les épaules et les coudes. Position de l’opérateur assis relativement à la partie qu’il opère : considérer le degré d’éloignement et de proximité, le haut et le bas, la droite, la gauche et le milieu. Du degré d’éloignement ou de proximité, la limite est, que les coudes ne dépassent pas les genoux antérieurement, et les flancs postérieurement ; du haut, que les mains ne soient pas portées plus haut que les mamelles ; du bas, que l’opérateur n’aille pas au-dessous d’une position où, appuyant la poitrine sur les genoux, il aurait les avant-bras fléchis à angle droit sur les bras ; même règle pour le milieu ; quant aux déplacements latéraux, ils ne doivent pas aller jusqu’à faire quitter le siège, mais, suivant qu’il sera besoin de se tourner, le corps et la partie qui opère s’avanceront. Dans la position debout, le médecin fera son examen, se tenant également et solidement sur les deux pieds ; mais il opérera, en n’ayant sur le sol qu’un seul pied, qui ne sera pas celui du côté de la main qui opère ; l’autre pied sera élevé assez pour que le genou soit à la hauteur de l’aine comme dans la position assise ; du reste les règles seront les mêmes»16.
- 17 Pour l’espace de l’officine figuré par l’imagier, cf. DASEN V. et KING H., La médecine dans l’Antiq (...)
- 18 De l’officine du médecin, 3 L. III, 278-285, trad. É. Littré, 1841.
- 19 Des conseils sont aussi donnés pour positionner le corps du patient pour faciliter l’intervention :(...)
17De l’officine du médecin prête une grande attention à l’environnement de la rencontre puisqu’il doit faciliter la pratique, en particulier la lumière, sa qualité et sa provenance17. De même pour l’orientation du médecin par rapport à celle-ci : il doit se placer en fonction de l’éclairage, à la fois pour bien voir la partie à traiter et pour préserver le patient. C’est avec circonspection qu’il accède au corps du malade et respecte l’intimité de certaines parties : l’auscultation est empreinte de pudeur et joue autant sur l’ombre que la lumière18. Le cadre, les gestes et les actes pratiqués doivent être adaptés aux besoins particuliers et ne causer ni souffrance ni gêne injustifiées aux malades, veiller à prendre en considération leur confort physique et moral. Une fois encore, la vêture du praticien est mentionnée comme élément à prendre en considération, les habits ne devant pas embarrasser la manœuvre, ni entraver les mouvements. Qu’il s’agisse de la position requise, assise ou debout, ce qui compte c’est la droiture qui permet la stabilité du geste et la régulation de la juste distance par rapport au patient19.
18Le médecin n’agit pas sur des êtres désincarnés ; dès le premier contact avec le patient, il lui faut transmettre des informations claires sur lui-même pour installer un climat de confiance. Dans la consultation c’est par le corps que l’échange se fait, qu’une communication implicite s’opère. Passé le premier contact, le corps est aussi un instrument utile dont il faut exploiter au maximum les capacités. Aussi le médecin met-il son corps à la disposition de son savoir par le biais de ses sens.
Les sens en action20
- 20 Ce développement doit beaucoup aux travaux de LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des s (...)
- 21 On doit à JOUANNA J., Hippocrate, op. cit., p. 419-426 d’avoir tôt souligné l’approche médicale sen (...)
19Le médecin débute la consultation le corps en éveil : il se met alors à l’écoute du malade, le regarde, le sent, le touche21. La perception de la maladie, surtout des affections externes et des blessures, s’opère essentiellement par la vue, les autres sens n’étant mobilisés que partiellement. Dans le cas des affections internes, la perception directe du médecin n’est plus possible que par l’intermédiaire des signes et des symptômes révélés par et attestés sur le corps du patient :
- 22 De l’Art, 12, 2, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1988.
« En effet, prenant comme critère d’évaluation la clarté ou la raucité de la voix, la rapidité ou la lenteur du souffle, et, dans le cas des flux qui ont l’habitude de s’écouler chez chacun par les voies où l’issue leur est offerte, tantôt leur odeur, tantôt leur couleur, tantôt leur ténuité ou leur épaisseur, le médecin juge de quelles parties du corps ces phénomènes sont signes, quels maux elles ont subis et quels maux elles peuvent subir. »22
La primauté des sens
20Le corps est un pourvoyeur constant de significations. C’est d’abord l’évidence de ses sens qui guide le médecin :
- 23 De l’officine du médecin, 1 L. III, 272-273, trad. É. Littré, 1841. On retrouve cette même lecture (...)
« Examiner dès le début les ressemblances et les dissemblances avec l’état de santé, les plus considérables par leurs effets, les plus faciles à reconnaître, et celles que fournissent tous les moyens d’observation ; rechercher ce qui peut se voir, se toucher, s’entendre, ce qu’on peut percevoir en regardant, en touchant, en écoutant, en flairant, en goûtant et en appliquant l’intelligence ; enfin ce qui peut se connaître par tous nos moyens de connaissance »23.
- 24 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, dont les théories sont s (...)
- 25 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 16.
- 26 BOEHM I., « Inconscience et insensibilité dans la collection hippocratique », dans Le normal et le (...)
- 27 JOUANNA J., « Hippocrate et la santé », La santé, BRAUN L. (éd.), Cahier du séminaire de philosophi (...)
- 28 IOANNIDI H., « La sensation-perception dans le corpus hippocratique », dans Tratados hipocráticos. (...)
21Le médecin, comme tout un chacun, est d’abord un organisme biologique, aussi utilise-t-il son corps par la sensation éprouvée. Puis il lui faut interpréter les signes donnés par ses sens pour élaborer une pensée. Entre la sensation et la perception24 il y a la faculté de connaissance, l’art médical devenu science et rationalité. Comme le souligne David le Breton : « Les sens sont des filtres qui ne retiennent dans leur tamis que ce que l’individu a appris à y mettre ou ce qu’il cherche justement à identifier en mobilisant ses ressources. Les choses n’existent pas en soi, elles sont toujours investies d’un regard, d’une valeur qui les rend dignes d’être perçues »25. Les sens permettent au médecin de décrypter des messages inscrits sur le corps du patient et qu’il a su repérer. Le médecin, à travers son corps, interprète son environnement et agit sur lui. Mais plus que tout autre, il doit détecter, par la qualité et l’acuité de ses perceptions sensorielles, les sensations ressenties face au corps du patient26. La perception est une interprétation que le médecin élabore parce qu’il cherche à voir, à entendre, à sentir des effets des réactions qu’il connaît et qu’il juge conformes ou non à l’état « normal » de santé27. Parce qu’il l’a appris, parce qu’il en comprend la signification et en connaît (ou croit connaître) l’explication, par habitude ou par apprentissage, les sensations qu’il éprouve seront transformées en indices lui permettant d’élaborer un pronostic28.
22Un médecin du recueil Épidémies liste les moyens de sa connaissance pratique et définit en même temps les objets à observer :
- 29 Épidémies, IV, 43 L. V 184-185 trad. É. Littré, 1846. On retrouve presque les mêmes termes au début (...)
« Savoir que les jugements se font par les yeux, les oreilles, le nez, la main et les autres moyens par lesquels nous connaissons. Le malade, l’opérateur ; celui-ci ou palpant, ou flairant ou goûtant. À remarquer aussi : cheveux, couleur, peau, veines, parties nerveuses, muscles, chairs, os, moelle, encéphale, ce qui vient du sang, viscères, ventre, bile, les autres humeurs, articulations, battements, tremblements, spasmes, hoquets, ce qui est relatif à la respiration, déjections ; moyens par lesquels nous connaissons »29.
- 30 Épidémies, I, 2, 10 L. II, 668-671 trad. É. Littré, 1840.
23Le médecin mobilise ainsi une « organisation sensorielle » propre qui lui permet d’opérer une sélection, une hiérarchie et un tamisage des significations en accordant des valeurs différentes pour lui permettre d’envisager un pronostic puis d’élaborer un diagnostic. Ses perceptions sensorielles, qui relèvent non seulement de la physiologie, mais aussi d’une orientation culturelle, vont lui permettre de dessiner une « cartographie » du corps du patient en énumérant les lieux, les objets, les mouvements, les expressions, les excrétions et bien d’autres signes encore30. Il identifie « par les yeux, les oreilles, le nez, la main » les changements ou la conformité par rapport à l’état habituel du corps : ce qu’il observe sur le corps tant du point de vue de l’anatomie que de la physiologie (peau, muscles, chairs, veines), ce qui sort du corps (déjections, sang, bile, autres humeurs), ce qu’il entend (les spasmes, hoquet, respiration), ce qu’il sent (odeurs agréables ou nauséabondes) et ce qu’il palpe (battements, spasmes, tremblements…). Le médecin voit, entend, sent, goûte, touche, éprouve, perçoit et ce faisant, le corps du patient devient une mesure de son expérience.
Prééminence de la vue
- 31 JOUANNA J., Hippocrate, op. cit., p. 409-411.
- 32 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 75.
24Dans le modèle fonctionnel qui est celui du médecin, certains de ses sens exercent un ascendant sur les autres. Dans les textes hippocratiques qui exposent comment procéder à l’observation clinique, c’est la vue qui est toujours citée en premier31. Le regard porté sur l’autre n’est jamais indifférent, car c’est l’observation qui guide d’abord le médecin dans sa lecture du corps. Voir n’est pas un acte passif, un simple enregistrement mais un apprentissage : il faut apprendre à voir, pour reconnaître il faut connaître32.
25Par la vue, le médecin interprète, détermine aussi le champ de possibilité du visible et de l’invisible qui prévaut à la distinction des catégories de maladies à prendre en compte :
- 34 De l’art, 9, 2-3, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1988.
« Il existe, pour les gens qui ont une connaissance convenable de cet art, d’un côté les maladies dont le siège n’est pas difficile à voir – et elles ne sont pas nombreuses –, mais de l’autre des maladies dont le siège n’est pas facile à voir, et elles sont nombreuses. Il y a tout d’abord les maladies qui font efflorescence à la surface du corps et dont le siège est bien visible, soit par la couleur, soit par les gonflements. Elles offrent la possibilité de reconnaître par la vue et le toucher la dureté ou la souplesse qu’elles présentent et de distinguer celles qui sont chaudes, celles qui sont froides et chacun des facteurs dont la présence ou l’absence les rend telles »34.
- 35 HERIDA M. La peau dans les écrits hippocratiques, Thèse de médecine, Paris VI Saint-Antoine, 1998. (...)
26Même si les maladies internes et donc invisibles étaient sans doute plus nombreuses que les maladies externes et visibles, les signes et les symptômes des affections s’inscrivent sur le corps. Aussi une lecture générale de l’apparence de celui-ci permet-elle, à la surface, de donner un premier avis. Enveloppe du corps, la peau est l’organe essentiel qui fait contact avec l’autre, elle détermine l’âge, le sexe, l’état de santé, la « race », mais aussi marque la frontière entre le dedans et le dehors du corps. C’est bien elle qui donne les indications d’un dysfonctionnement, par son odeur, sa texture, sa chaleur ou sa couleur35. C’est par la peau que débute le célèbre examen du traité Pronostic où, dans un premier temps, l’auteur s’attache à toutes ses caractéristiques, se concentrant sur le visage du patient pour aboutir à une description des signes évocateurs d’un état ante-mortem :
- 36 Pronostic 2, trad. J. Jouanna, CUF, 2013.
« Il faut observer de la façon suivante dans les maladies aiguës : d’abord le visage (πρόσωπον) du malade pour savoir s’il est semblable à celui des gens en bonne santé et surtout s’il est semblable à lui-même. Ce sera l’état le plus favorable, alors que l’état le plus opposé au semblable est le plus redoutable. Voici quel sera cet état : nez effilé, yeux enfoncés (κοῖλοι), tempes affaissées (ξυμπτωκότες), oreilles froides (ψυχρὰ) et contractées (ξυνεσταλμένα), lobes des oreilles écartées, peau du front sèche (σκληρόν), tendue et aride, teint de l’ensemble du visage jaune (χλωρόν) ou même noir (μέλανἐὸν), livide (πελιὸν) ou plombé (μολιβδῶδες). Si donc c’est au début de la maladie que le visage présente un tel aspect et qu’il n’est pas encore possible de faire des conclusions en s’appuyant sur les autres signes (σημείοισι), il faut de surcroît interroger pour savoir si par hasard l’individu a souffert d’insomnie, ou s’il a une forte diarrhée ou s’il est affamé (λιμῶδές) »36.
- 37 JOUANNA J. et MAGDELAINE C., Hippocrate. L’art de la médecine, commentaire au Pronostic, Paris, GF (...)
27Comme le font remarquer J. Jouanna et C. Magdelaine « l’ordre de l’observation (visage, position du malade, mouvement des mains) correspond à la progression du médecin vers son malade et à la première vision qu’il en a »37. C’est seulement en dernier lieu que l’interrogatoire vient compléter l’observation.
- 38 MUDRY Ph., « Le regard souverain ou la médecine de l’évidence » dans Les cinq sens, op. cit., p. 31 (...)
28Indiscutablement le médecin accorde une grande importance à l’observation clinique : elle est la base du raisonnement médical. Difficile qu’il en soit autrement dans la mesure où le médecin ne possède pas d’instrument d’investigation. Aussi le médecin doit-il apprendre à regarder en cartographiant le corps, y apposer sa grille de lecture et noter tous les changements visibles. Il commence par le visage puis s’attache à l’apparence, pour détailler ensuite ses parties. Il prend en compte les couleurs, les changements d’aspect, les odeurs, les bruits…, ce que Ph. Mudry appelle, à propos de Celse, mais opérant également ici, une « médecine de l’évidence »38.
Synesthésie39
- 39 Se reporter à BUTLER S. et PURVES A., Synesthesia and the Ancient Senses, Londres, Routledge, 2011 (...)
- 40 Expression récurrente dans la description du « faciès hippocratique », Pronostic, 2. Se reporter ut (...)
- 41 Pour le nombre des sens, JOUANNA J., « Sur la dénomination et le nombre des sens d’Hippocrate à la (...)
29Si la vue guide prioritairement le médecin dans l’examen du patient, il fait aussi appel aux « autres signes »40. Les sens sont mis à contribution soit les uns après les autres, comme dans le Pronostic où observation, interrogation puis palpation se suivent, soit simultanément41. On assiste à une véritable synesthésie élaborée dont l’intelligibilité est rendue accessible par le médecin grâce à des références de la vie quotidienne.
- 42 Cf. CAMBIANO G., « Le médecin, la main et l’artisan » dans Corpus hippocraticum, actes du colloque (...)
30Rarement la perception d’un sens est isolée et si la vue est essentielle, elle est liée, lors de la consultation, au toucher. C’est le sens du proche, du contact avec l’intime car il implique le corps-à-corps par le biais des mains42. Elles sont les premiers instruments du médecin. Le traité Officine du médecin donne des recommandations quant à leur aspect, leur mouvement et la partie à employer :
- 43 De l’officine du médecin, 4 L. III, 284-289, trad. É. Littré, 1841.
« Les ongles ne doivent ni déborder les doigts, ni en laisser nu les extrémités ; car c’est du bout des doigts que le médecin se sert. Dans la plupart des actes qu’il accomplit, il emploie : les doigts, dans l’opposition du pouce avec l’index ; la main entière, dans la pronation ; les deux mains, dans l’opposition l’une avec l’autre. C’est une heureuse disposition des doigts, que l’intervalle qui les sépare, soit grand, et que le pouce soit opposé à l’index ; mais c’est une maladie, et l’usage des doigts en est gêné, quand, de naissance ou pendant l’accroissement, le pouce est tenu rapproché des autres doigts. Il faut s’exercer à exécuter toute chose avec l’une ou l’autre main, et avec les deux à la fois (car elles sont semblables) ayant pour règles l’utilité, la convenance, la promptitude, la légèreté, l’élégance, la facilité »43.
- 44 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 179. Cf. MICHLER M., « Die P (...)
31Ces instructions visent encore à construire une image positive de la profession, ici par la dextérité, preuve une nouvelle fois de sa qualification et de son habilité technique. Elles montrent aussi l’importance accordée à la palpation, sens du proche qui « rive au réel le plus immédiat »44.
32Cet appel au réel, au quotidien, au vécu partagé est une constante dans le langage médical qui traduit la perception sensorielle. Particulièrement quand le médecin décrit une maladie et ses symptômes, comme l’illustre cette affection qualifiée par sa couleur :
- 45 Maladies, II, 73, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1983. Ainsi peut-on procéder à un examen visuel de (...)
« Maladie noire : le malade vomit des matières noires comme de la lie, tantôt sanguinolentes, tantôt semblables à de la piquette, tantôt l’encre de la sèche, tantôt âcre comme du vinaigre, tantôt salive et pituite, tantôt bile jaune ; et quand c’est le noir sanguinolent qu’il vomit, les matières exhalent une odeur de sang, la gorge et la bouche sont brulées par le vomissement, les dents agacées et ces matières tombant à terre y font effervescence »45.
- 46 DEBRU A., Hippocrate. La consultation, op. cit., p. 58. Il conviendrait de mener un travail exhaust (...)
33Cette description suffit à confirmer la synesthésie des sens utilisée par le médecin pour traduire, par le langage, les signes repérés. Pour cela, il veille à procéder par analogie, car « quand le mot est insuffisant, l’image le relaie »46.
34Ainsi pour le médecin le corps est-il un instrument de communication servant à établir une relation avec son patient, affermir sa réputation, imposer sa respectabilité. Apparence, vêtements, attitude, position sont objets de conseils distillés dans plusieurs traités montrant que la pratique médicale a autant besoin de directives et de codes que de savoirs pour s’affirmer. Pour cela, le médecin s’appuie sur des faits visibles et perceptibles. Ce sont donc les sens, immédiatement appréciables et partagés, qui entrent en action et permettent la communication et l’échange dans la rencontre des corps que représente la consultation. La médecine hippocratique est une médecine sensitive, certains sens sont immédiatement sollicités comme la vue ou le toucher, d’autres secondairement. Toutefois, qu’il s’agisse de l’élaboration du diagnostic, de la description d’une maladie ou de ses symptômes ou de la recension d’un traitement, la perception faite par un sens n’est jamais isolée. C’est une vraie synesthésie qui entre en jeu dans le tableau d’une pratique réussie qui rassure et impressionne, un véritable protocole sensoriel qui, s’il n’est pas théorisé est systématisé et transmis, cette « médecine de l’évidence » est un préalable à l’art médical désormais élaboré comme savoir assurément rationnel :
- 47 De l’art, 11, 3, trad. J. Jouanna, CUF, 1988.
« Car le médecin, du moment qu’il ne lui était pas possible de percevoir par la vue la partie souffrante ni de s’en informer par ouï-dire, la recherche par le raisonnement »47.
Notes
1 De la bienséance, 12 L. IX, 239-241, trad. É. Littré, 1861. Les traités De la bienséance, Du médecin et Officine du médecin sont donnés dans la traduction d’É. Littré consultable sur www2.biusante.parisdescartes.fr. Le texte grec est repris du site Remacle, issu également de l’édition d’É. Littré, Œuvres complètes d’Hippocrate, 10 vol., Paris, J.-B. Baillière, 1839-1861.
2 Se reporter à DEICHGRABER K., Medicus gratiosus. Untersuchungen zu einem griechischen Artzbild, Mayence, Verlag der Akademie der Wissenschaften und der Literatur, 1970, p. 88-107. On trouvera une traduction française de ce traité par JOUANNA J., « Quel doit être celui qui apprend l’art médical ? Ou Testament d’Hippocrate » dans Officina Hippocratica. Beiträge zu Ehren von Anargyros Anastassiou und Dieter Irmer, PERILLI L., BROCKMANN C., FISCHER K. D. et ROSELLI AM. (dir.), Berlin, De Gryter, 2011, p. 77-116.
3 De l’Officine est un traité datant probablement de la fin du Ve siècle avant J.-C ou du début du IVe ; De l’art du dernier quart du Ve avant J.-C. ; Préceptes daterait de l’époque hellénistique ; Du médecin de la période hellénistique ou début de l’ère chrétienne ; De la bienséance et Quel doit être celui qui apprend l’art médical (ou Testament d’Hippocrate) sont datés des Ier-IIe siècles après J.-C. Pour une présentation et la datation des traités de la collection, se reporter à JOUANNA J., Hippocrate, Paris, Fayard, 1992, p. 527-563.
4 Pour ne citer que quelques références : DEICHGRABER K., Medicus gratiosus. Untersuchungen zu einem griechischen Artzbild, op. cit. ; KOELBING H., Arzt und Patient in der antiken Welt, Zurich, Artemis Verlag, 1977 ; DEBRU A., Hippocrate. La consultation, Paris, Hermann, 1986 ; JOUANNA J., Hippocrate, op. cit., p. 160-201 et VAN DER EIJK Ph. J., « Quelques observations préliminaires sur les principes, les méthodes et la pratique de la thérapie médicale, Hippocrate, Dioclès, Galien », dans Guérisons du corps et de l’âme. Approches pluridisciplinaires, BOULHOL P., GAIDE F. et LOUBET M. (dir.), Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-Provence, 2006, p. 43-47.
5 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récente, Hippocrates, VIII, éd. P. Potter, Loeb Classical Library, Cambridge, Mass./Londres, Harvard University Press/W. Heinemann, 1995.
6 BARRA E., « Les couleurs du corpus hippocraticum », Corps, 3, 2007/2, p. 25-32 et « Des humeurs, des couleurs, des remèdes dans le corpus hippocraticum », dans L’Antiquité en couleurs. Catégories, pratiques, représentations, CARASTRO M. (dir.), Grenoble, Jérôme Millon, 2009, p. 153-162.
7 La belle apparence, BOETSCH G. et al. (dir.), Paris, CNRS éditions, 2010. Se reporter aux travaux de G. Vigarello, particulièrement ici Le corps redressé, Paris, J.-P. Delarge, 1978, p. 17-31.
8 Épidémies, VI, 4, 7 L. V, 308-309, trad. É. Littré, 1846. Se reporter à l’édition plus récente, Hippocrates, VIII, ed. W. D. Smith, Loeb Classical Library, Cambridge, Mass./Londres, Harvard University Press/W. Heinemann, 1994.
9 Cf. BODIOU L., GHERCHANOC F., HUET V. et MEHL V. (dir.), Parures et artifices. Le corps exposé dans l’Antiquité, Paris, L’Harmattan, 2011 et dernièrement GHERCHANOC F. et HUET V. Vêtements antiques. S’habiller se déshabiller dans les mondes antiques, Paris, Errance, 2013.
10 JOUANNA J., « Quel doit être celui qui apprend l’art médical ? Ou Testament d’Hippocrate », op. cit., p. 116.
11 Voir aussi Préceptes, 10 L. IX, 266-267, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récente, Hippocrates, I, éd. W. H. S. Jones, Loeb Classical Library, Cambridge, Mass./Londres, Harvard University Press/W. Heinemann, 1923. Sur le parfum et ses justes usages : BODIOU L. et MEHL V., « “Tel est cet objet de luxe de tous le plus superflu”. De l’envie à l’excès, savoir se parfumer dans le monde gréco-romain », dans BODIOU L., GHERCHANOC F., HUET V. et MEHL V. (dir.), Parures et artifices, op. cit., p. 57-78.
12 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861.
13 De la bienséance, 7 L. IX, 236-237, trad. É. Littré, 1861. Se reporter à l’édition plus récente, Hippocrates, II, éd. W. H. S. Jones, Loeb Classical Library, Cambridge, Mass./Londres, Harvard University Press/W. Heinemann, 1923.
14 Du médecin, 1 L. IX, 205-207, trad. É. Littré, 1861.
15 De l’officine du médecin, 2 L. III, 275-277, trad. É. Littré, 1841. Se reporter aussi à l’édition plus récente, Hippocrates, III, ed. E. T. Withington, Loeb Classical Library, Cambridge, Mass./Londres, Harvard University Press/W. Heinemann, 1928.
16 De l’officine du médecin, 3 L. III, 278-285, trad. É. Littré, 1841.
17 Pour l’espace de l’officine figuré par l’imagier, cf. DASEN V. et KING H., La médecine dans l’Antiquité grecque et romaine, Lausanne, BHMS éditions, 2008, p. 99-101.
18 De l’officine du médecin, 3 L. III, 278-285, trad. É. Littré, 1841.
19 Des conseils sont aussi donnés pour positionner le corps du patient pour faciliter l’intervention : De l’officine du médecin, 3 L. III, 278-285, trad. É. Littré, 1841.
20 Ce développement doit beaucoup aux travaux de LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, Paris, Métaillié, 2006 et « La conjugaison des sens : essai », Anthropologie et sociétés, 30, 3, 2006, p. 19-28. Se reporter à notre article, « Le corps antique et l’histoire du sensible : esquisse historiographique », en collaboration avec V. Mehl, DHA, suppl. 14, 2015, p. 151-168.
21 On doit à JOUANNA J., Hippocrate, op. cit., p. 419-426 d’avoir tôt souligné l’approche médicale sensorielle de la collection hippocratique et dernièrement DIETRICH M., « Observer, imaginer et soigner le corps malade en Grèce ancienne », dans Le corps, GUISARD Ph. et LAIZE C. (dir.), Paris, Ellipses, 2015, p. 330-346, spécialement p. 332-336. Toutefois elle a été davantage étudiée pour Galien que pour la collection hippocratique. Par exemple SIEGEL R. E., Galen on Sense Perception, Bâle/New York, S. Karger, 1970 et Les cinq sens dans la médecine de l’époque impériale : sources et développements, BOEHM I. et LUCCIONI P. (dir.), Paris, De Boccard, 2003.
22 De l’Art, 12, 2, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1988.
23 De l’officine du médecin, 1 L. III, 272-273, trad. É. Littré, 1841. On retrouve cette même lecture dans Du régime, I. XXIII, 2 : « Les sensations de l’homme se produisent grâce à sept structures différentes : l’ouïe pour le bruit, la vue pour ce qui est visible, le nez pour l’odeur, la langue pour le plaisir et le déplaisir, la bouche pour la conversation, le corps pour le toucher, les passages intérieurs et extérieurs pour le souffle chaud ou froid. C’est grâce à cela que l’homme a la connaissance », trad. R. Joly, Paris, CUF, 1967.
24 MERLEAU-PONTY M., Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, dont les théories sont systématisées dans Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964.
25 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 16.
26 BOEHM I., « Inconscience et insensibilité dans la collection hippocratique », dans Le normal et le pathologique dans la collection hippocratique, t. 1, dans THIVEL A. et ZUCKER A. (dir.), Nice, Presses universitaires de Nice, 2002, p. 257-270.
27 JOUANNA J., « Hippocrate et la santé », La santé, BRAUN L. (éd.), Cahier du séminaire de philosophie, 8, Strasbourg, 1988, p. 17-47.
28 IOANNIDI H., « La sensation-perception dans le corpus hippocratique », dans Tratados hipocráticos. Actes du VIIe colloque international hippocratique, LÓPEZ FÉREZ J. A. (éd.), Madrid, 1992, p. 69-74.
29 Épidémies, IV, 43 L. V 184-185 trad. É. Littré, 1846. On retrouve presque les mêmes termes au début du traité De l’officine du médecin.
30 Épidémies, I, 2, 10 L. II, 668-671 trad. É. Littré, 1840.
31 JOUANNA J., Hippocrate, op. cit., p. 409-411.
32 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 75.
33 Épidémies, VI, 2, 12 L. V, 284-285, trad. É. Littré, 1846. Cf. BOURGEY L., Observation et expérience chez les médecins hippocratiques, Paris, Vrin, 1953, p. 197-203.
34 De l’art, 9, 2-3, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1988.
35 HERIDA M. La peau dans les écrits hippocratiques, Thèse de médecine, Paris VI Saint-Antoine, 1998. La pelle umana/The Human Skin, BRAUDE B., BARRAS V. et PIGEAUD J. (dir.), Firenze, SISMEL, Edizioni del Galluzzo, Micrologus, 13, 2005, particulièrement PIGEAUD J., « La peau comme frontière », p. 23-53 et BARRAS V., « Le Galen’s touch. Peau, objet et sujet dans le système médical galénien », dans Les cinq sens, op. cit., p. 55-74.
36 Pronostic 2, trad. J. Jouanna, CUF, 2013.
37 JOUANNA J. et MAGDELAINE C., Hippocrate. L’art de la médecine, commentaire au Pronostic, Paris, GF, 1999, n° 10, p. 309.
38 MUDRY Ph., « Le regard souverain ou la médecine de l’évidence » dans Les cinq sens, op. cit., p. 31-38, dont nous reprenons ici les mots.
39 Se reporter à BUTLER S. et PURVES A., Synesthesia and the Ancient Senses, Londres, Routledge, 2011 et BRADLEY M., Smell and the Ancient Senses. The senses in Ancient Antiquity, Londres, Routledge, 2015.
40 Expression récurrente dans la description du « faciès hippocratique », Pronostic, 2. Se reporter utilement à JOUANNA J. et MAGDELAINE C., Hippocrate, op. cit., p. 309, n° 14 et p. 187.
41 Pour le nombre des sens, JOUANNA J., « Sur la dénomination et le nombre des sens d’Hippocrate à la médecine impériale : réflexions à partir de l’énumération des sens dans le traité hippocratique du Régime, 23 », dans BOEHM I. et LUCCIONI P. (dir.), Les cinq sens, op. cit., p. 9-20.
42 Cf. CAMBIANO G., « Le médecin, la main et l’artisan » dans Corpus hippocraticum, actes du colloque hippocratique de Mons, R. Joly (éd.), Mons, Université de Mons, 1977, p. 220-232 ; Manus medica. Actions et gestes de l’officiant dans les textes médicaux latins. Questions de thérapeutique et de lexique, GAIDE F. et BIVILLE F. (dir.), Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2003, particulièrement BOEHM I., « Toucher du doigt : le vocabulaire du toucher dans les textes médicaux grecs et latins, p. 229-240 et LE BRETON D., « Le sens des sens : le toucher », dans La peau. Enjeu de société, ANDRIEU B. et al. (dir.), Paris, CNRS, 2008, p. 127-138.
43 De l’officine du médecin, 4 L. III, 284-289, trad. É. Littré, 1841.
44 LE BRETON D., La saveur du monde. Anthropologie des sens, op. cit., p. 179. Cf. MICHLER M., « Die Palpation im Corpus Hippocraticum », Janus, 57, 1970, p. 261-292.
45 Maladies, II, 73, trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1983. Ainsi peut-on procéder à un examen visuel de ces matières (crachats, urine, sang) en notant leur consistance, leur couleur… alors qu’elles sont répandues sur le sol.
46 DEBRU A., Hippocrate. La consultation, op. cit., p. 58. Il conviendrait de mener un travail exhaustif listant ces perceptions sensorielles que le médecin traduit par le langage lors de la consultation et du traitement, le lieu d’émission, la chronologie de leur énumération... Ce travail reste à effectuer.
47 De l’art, 11, 3, trad. J. Jouanna, CUF, 1988.
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Référence papier
Lydie Bodiou, « Le corps du médecin hippocratique : média, instrument, vecteur sensoriel », Histoire, médecine et santé, 8 | 2016, 31-46.
Référence électronique
Lydie Bodiou, « Le corps du médecin hippocratique : média, instrument, vecteur sensoriel », Histoire, médecine et santé [En ligne], 8 | hiver 2015, mis en ligne le 03 juillet 2017, consulté le 26 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/856 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.856
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