Lire, écrire, soigner. La circulation des remèdes dans une communauté religieuse urbaine (Rome, xvie-xviie siècles)
Résumés
L’article analyse un recueil manuscrit de recettes médicinales (env. 1590-1643) et met en lumière son contexte de production et d’usage : l’oratoire de Santa Maria in Vallicella à Rome. Ce livre est à la fois un texte, un outil de lecture et un bloc-notes. Son analyse matérielle témoigne des façons dont il a été produit, en révélant l’utilisation de sources manuscrites et de livres imprimés conservés dans la bibliothèque oratorienne, et un mélange de pratiques d’écriture et lecture. L’article met aussi en évidence le rôle des parcours informels et oraux dans la diffusion du savoir médical à la Vallicella, en soulignant également la façon dont les soins y étaient pratiqués, que ce soit par des soignants professionnels ou à travers le partage de savoirs et de savoir-faire thérapeutiques entre les prêtres oratoriens. Le but est d’estimer la contribution de ces derniers à la formation du recueil et, finalement, de montrer que la compilation de recettes était une composante d’un plus vaste processus de circulation des connaissances médicales, qu’il convient d’inscrire dans un milieu social et culturel spécifique.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Cet article est un extrait, traduit et retravaillé, d’une thèse de doctorat : Stefano Tomassetti, (...)
- 2 Sur l’érudition : Antonella Barzazi, « Una cultura per gli ordini religiosi : l’erudizione », Quad (...)
- 3 Federica Favino, « Ordini religiosi e scienza », dans Antonio Clericuzio et Saverio Ricci (dir.), (...)
- 4 Angela Montford, Health, Sickness, Medicine and the Friars in the Thirteenth and Fourteenth Centur (...)
- 5 Biblioteca Vallicelliana, Roma [BV], O24, p. 1-145.
- 6 Christian Jacob (dir.), Lieux de savoir. Espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007.
1Au cours de ces vingt dernières années, la circulation des savoirs à l’intérieur des ordres religieux a fait l’objet de nombreuses études1. En ce qui concerne l’Italie moderne, les travaux se sont intéressés à la fonction éducative endossée par les congrégations, aux collections de livres qu’elles détenaient et à leur rôle dans l’érudition2. Le thème de la production des savoirs, y compris les connaissances scientifiques, a reçu une attention particulière3. Pour autant, la dimension pratique et informelle de la circulation des idées, tout comme les savoirs médicaux, a été moins considérée4. Dans cet article, nous allons croiser ces deux questions, à partir d’un contexte spatial spécifique, l’oratoire romain de la Vallicella des xvie et xviie siècles – siège d’une congrégation de prêtres séculiers – et d’un objet produit et utilisé à l’intérieur de cette communauté : un recueil de recettes médicinales (Secreta medicinalia5). L’objectif est de mettre en évidence la façon dont les savoirs médicaux ont circulé, à travers une interaction concrète entre espaces, individus et objets, dans un « lieu de savoir6 » déterminé.
Un lieu, des parcours du savoir
- 7 Vittorio Frajese, « Filippo Neri, santo », dans Dizionario biografico degli Italiani [DBI], vol. 4 (...)
2L’oratoire romain a été fondé vers le milieu du xvie siècle par le prêtre Philippe Neri (Florence, 1515-Rome, 1595), qui y organisait des moments quotidiens de prière, des pèlerinages dévotionnels, des discussions sur les Livres saints et des sermons sur l’histoire de l’Église. En 1575, il établit une congrégation de prêtres séculiers, auxquels le pape confia la gestion d’une paroisse, Santa Maria in Vallicella, où les prêtres vivaient en commun, avec une règle et une hiérarchie7.
- 8 Paolo Prodi, Profezia vs utopia, Bologna, Il Mulino, 2013, p. 189 (chap. « La spiritualità di san (...)
3Les Oratoriens étaient profondément insérés dans la société urbaine, proches du monde patricien et des classes professionnelles et artisanales, et avaient des liens particuliers avec la Curie romaine, c’est-à-dire avec une sphère sociale et culturelle plutôt élevée. L’oratoire était un lieu ouvert au clergé comme aux laïcs, pour lesquels les réunions quotidiennes organisées par les prêtres étaient une occasion de participer activement à leur perfectionnement spirituel8 ; cette ouverture au laïcat urbain poussa ainsi plusieurs étudiants, artisans, juristes, savants, mais aussi bon nombre de professionnels de santé, à fréquenter ces séances.
- 9 Voir le cas des Jésuites de Rome : Elisa Andretta, « Medicina e comunità », art. cit., p. 118-125.
4En effet, pour plusieurs soignants de la ville, l’oratoire constitua aussi bien un pôle d’attraction spirituel, social et politique qu’un lieu de travail, puisque la congrégation avait à disposition – ce qui n’était pas inhabituel pour un ordre religieux urbain9 – une équipe médicale officielle, composée d’un médecin, d’un chirurgien et d’un apothicaire. À l’exception de ce dernier, qui était le seul à vivre dans la communauté, ils intervenaient à l’oratoire en cas de nécessité, en prescrivant les soins pour les malades. Leur présence, plus ou moins régulière, était cruciale pour la diffusion du savoir médical à la Vallicella, mais les conseils des professionnels s’inséraient dans un entrelacs d’informations provenant de circuits divers, à l’extérieur et à l’intérieur de l’oratoire.
- 10 BV, O60, Vita di Pier Francesco Scarampi, fo 48 ro. Toutes les traductions à partir de cet endroit (...)
5Lorsqu’un de ses membres tombait malade, l’ensemble de la communauté se mobilisait pour s’en occuper, à la fois sur le plan spirituel et corporel : les soins étaient une affaire commune et partagée. Ainsi, quelques indices provenant de sources hagiographiques attestent que les informations et les avis sur les thérapies circulaient librement parmi les prêtres. Par exemple, Père Pier Francesco Scarampi avait l’habitude de donner des recommandations thérapeutiques à ses frères, auxquels il conseillait « l’huile de la lampe de saint Philippe » comme remède efficace contre les maux « de toute sorte10 ».
- 11 Angela Montford, Health, Sickness, Medicine, op. cit., p. 65-89.
- 12 BV, O58, Vita di Leandro Colloredo, fo 134 ro-vo.
6Dans le partage de connaissances et de pratiques de soins, un rôle particulier incombait aux infirmiers. Il ne s’agissait pas de professionnels, mais de membres ordinaires de la communauté qui – comme pour les Dominicains et les Franciscains aux xiie et xiiie siècles11 – coordonnaient les soins spirituels et corporels destinés aux Oratoriens, prenant note de « toutes les prescriptions » des médecins et veillant à ce « qu’elles soient prises aux heures prescrites ». L’infirmier devait notamment « s’occuper des tâches basses et répugnantes12 », comme l’hygiène corporelle, la transcription de recettes ou l’assistance pendant les petites et les grandes opérations chirurgicales : par conséquent, il disposait d’un savoir-faire qui contribuait activement au rétablissement physique des malades.
- 13 Anne Piéjus, Musique, censure et création. G. G. Ancina et le Tempio armonico (1599), Florence, Ol (...)
- 14 Elisa Andretta, « Medicina e comunità », art. cit., p. 128-129.
- 15 Archivio della Congregazione dell’Oratorio di Roma [ACOR], A.I.36, ff. 45 ro-110 ro.
- 16 ACOR, A.I.44, fo 26 ro ; BV, O26, ff. 36 ro-38 vo; Cistellini, San Filippo, op. cit., p. 482, p. 5 (...)
- 17 BV, O59, Vita di Cesare Becilli, fo 355 ro-vo.
- 18 ACOR, C.I.7, Decr. 5 dicembre 1636, p. 14.
- 19 BV, O60, Vita di Giovanni Battista Petrucci, fo 341 ro. Sur les oratoriens pendant la peste de 165 (...)
- 20 ACOR, C.I.8, p. 147.
7La communauté oratorienne était aussi fréquentée par des individus qui, quoique dépourvus de charge médicale officielle, étaient porteurs d’une professionnalité médicale spécifique en vertu de leur formation et du métier qu’ils exerçaient avant d’entrer à la Vallicella. Le plus connu est Giovanni Giovenale Ancina13, professeur de médecine théorique à Turin (1567-1570), qui était devenu prêtre oratorien en 1582. La congrégation ne lui confia jamais la charge de médecin officiel (medico di casa14), mais il existe plusieurs témoignages de son engagement dans la visite et le soin des fidèles15 et de ses confrères malades. Il les soignait avec des herbes médicinales, qui étaient aussi l’objet de ses recherches16. Un autre médecin oratorien, Cesare Becilli, devint « médecin personnel » du cardinal oratorien Cesare Baronio après avoir exercé sa profession médicale à Ronciglione. Il mit son expertise au service « des malades, tant de la maison que des séculiers, avec des visites très fréquentes, en les réconfortant avec une grande douceur17 » et en donnant son avis sur l’état de santé des oratoriens, en collaboration avec les medici di casa18. De même, le chirurgien Giovanni Battista Petrucci, qui avait reçu une partie de son éducation à l’hôpital Santo Spirito, entra à la Vallicella comme laïc de la congrégation pendant l’épidémie de peste de 1656, « où il fut tout à la fois médecin, chirurgien et infirmier19 ». Il s’y installa, continua ainsi à assister régulièrement les malades de la maison, et fut aussi chargé de la gestion provisoire de la pharmacie20.
8En bref, les soins du corps revêtaient une dimension collective, mais on voyait aussi émerger des individus plus importants et influents que d’autres, professionnels ou non. La production et l’utilisation pratique du recueil que nous allons analyser ne peuvent être comprises sans considérer ce contexte, caractérisé par une présence très dense de professionnels de santé et l’habitude de partager quotidiennement les pratiques et les savoirs.
Rassembler des recettes
- 21 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge. Medicine, Science, and the Household in Early Modern (...)
- 22 Matteo Valleriani (dir.), The Structures of Practical Knowledge, Cham, Springer, 2017.
- 23 Pamela H. Smith, « Science on the Move. Recent Trends in the History of Early Modern Science », Re (...)
9Depuis plus de vingt ans, les recueils de recettes médicinales font l’objet d’une attention croissante de la part des historiens des sciences et de la médecine de l’âge moderne21. Cet intérêt trouve son origine dans la reconnaissance de l’importance du savoir pratique. Ce dernier est considéré dans son rapport avec les aspects théoriques de la recherche scientifique des époques étudiées22, à partir d’une conception très large des acteurs et actrices et des lieux impliqués dans les pratiques épistémiques23.
- 24 Anna Foa, « Consolini, Pietro », dans DBI, vol. 28, 1983, p. 51-52. L’identification de la graphie (...)
- 25 Giovanni Marciano, Memorie historiche della Congregatione dell’Oratorio, Napoli, De Bonis, vol. 1, (...)
- 26 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica. Fabiano Giustiniani e l’origine di una bib (...)
- 27 ACOR, PI2, Medicae disputationis, doc. cit., ff. 27ro-36ro.
- 28 Nancy G. Siraisi, « Signs and Evidence: Autopsy and Sanctity in Late Sixteenth-Century Italy », da (...)
10L’auteur du recueil que nous allons analyser est l’oratorien Pietro Consolini (Monteleone di Fermo, 1565-Rome, 1643)24. Originaire des Marches, il s’installa à Rome à l’âge de vingt ans, et, en 1590, il entra dans la congrégation oratorienne, devenant l’un des plus intimes confrères de Philippe Neri. Celui-ci le poussa à étudier la théologie à l’école des Augustins et la médecine à la Sapienza25. Consolini put approfondir cette discipline à la Vallicella, grâce au fonds considérable de livres scientifiques conservé dans la bibliothèque de la congrégation, créée en 157726. Les Secreta medicinalia – que l’on peut dater entre 1590 et 1643 – sont le second document qui témoigne d’une participation active de l’oratorien à la production du savoir médical ; le premier est un livret manuscrit27 où il soutient, dans le cadre du procès de canonisation de Philippe Neri, la thèse selon laquelle la conformation anormale de son cœur serait d’origine surnaturelle28.
- 29 William Eamon, Science and the Secrets of Nature. Books of Secrets in Medieval and Early Modern Cu (...)
- 30 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge, op. cit., p. 13-14.
- 31 Voir Nahema Hanafi, « Formules domestiques », art. cit., p. 147-160 ; Elaine Leong, Recipes and Ev (...)
11Si les recueils de recettes imprimés (libri di segreti) sont (ou plutôt prétendent être) l’expression d’une cristallisation des connaissances pratiques (artisanales, médicinales, alchimiques29), les recueils manuscrits se caractérisent par une structure plus fragmentée, qui révèle de manière évidente les pratiques d’écriture, de lecture et d’annotation de ceux qui les consultaient30. Par conséquent, il est particulièrement pertinent de conduire une étude simultanée des contenus et de la matérialité du recueil31, qui tienne compte de sa double nature de texte et d’objet.
12La partie la plus structurée des Secreta (p. 9-44) se compose de ce que l’on appellera le « recueil ordonné », un ensemble de 187 recettes médicales de longueurs et de niveaux de détail variables. Les dix-huit premières recettes, ainsi que les cent recettes des pages 23 à 34, se caractérisent par une brève description des ingrédients, de la composition et des modalités d’administration.
13Les vingt-quatre remèdes des pages 11 à 22 se distinguent par une plus grande complexité. On y trouve de longs descriptifs des quantités d’ingrédients requises, des périodes de l’année les plus favorables pour la cueillette des simples, de la succession des phases de préparation des composés, des appareils nécessaires, mais aussi des modalités d’administration. Mis à part ces différences structurelles, les segreti des pages 9 à 34 ont une unité textuelle particulière, grâce à une structure ordonnée et nette et à une graphie précise et uniforme. Ils constituent la collection de départ du recueil, fruit probable d’une récriture ou d’une transcription de recettes lues dans des textes préexistants : des morceaux d’œuvres imprimées, ainsi que d’autres recueils ou notes attribuables soit à Consolini lui-même, soit à des amis, à des connaissances ou à des confrères. En revanche, dans les 39 recettes des pages 34 à 44, la structure du recueil devient moins précise, plus fragmentée et plus synthétique.
Espaces du savoir médical : la pharmacie et la bibliothèque
- 32 Sur l’hygiène, voir aussi les recettes conservées dans la collection de l’oratorien Virgilio Spada (...)
- 33 Gilles Sinicropi, « Rendre service aux malades », art. cit. Sur Rome, voir Margherita Breccia Frat (...)
- 34 ACOR, C.I.2, fo 5 ro.
- 35 Alessandro Alluminati (1581-1605), Egidio Calvelli (1587-1659), Carlo de Arcangelis (1642-fin xvii(...)
- 36 BV, O58, Vita di Giovanni Matteo Ancina, fo 380 ro ; BV, O59, Vita di Francesco Zazzara, fo 172 vo(...)
14Avant de poursuivre l’analyse du recueil, il faut souligner que la prescription de remèdes pharmacologiques était pour les oratoriens une composante fondamentale des thérapies32. Comme cela était très souvent le cas dans les ordres religieux urbains de la première modernité33, ils disposaient de leur propre pharmacie, active depuis 158034 et gérée par des apothicaires professionnels35. Nous ne savons pas grand-chose de ces derniers, si ce n’est les éléments que nous tirons de sources hagiographiques et administratives oratoriennes. Ces textes nous apprennent que leur rôle était crucial, tant à cause de leur poids économique, que parce qu’ils étaient les seuls professionnels de la santé à vivre quotidiennement avec les prêtres : ils achetaient, produisaient et distribuaient les médicaments, et donnaient aux pères la première assistance médicale en cas d’urgence36. En raison de l’importance de leurs tâches, la communauté confiait cette fonction à des fils spirituels ou à des hommes de confiance, qui étaient accueillis en son sein comme membres laïcs.
- 37 ACOR, C.I.8, p. 334, p. 437.
- 38 Ibid., p. 343.
15Les apothicaires vivaient à l’oratoire et étaient spirituellement et temporellement soumis aux prêtres, qui étaient à la fois leurs confesseurs et leurs supérieurs hiérarchiques, et pouvaient ainsi limiter et contrôler leur vie au quotidien, notamment leurs mouvements37. Cette position subordonnée est à mettre en rapport avec l’importance des apothicaires dans la protection quotidienne de la santé des oratoriens : le fonctionnement de la pharmacie, et la présence régulière de ses responsables, étaient indispensables pour la maison, comme l’atteste le fait qu’ils étaient remplacés en cas d’absence prolongée38.
- 39 ACOR, B.VI.8, fo 87 vo.
16L’inventaire de la pharmacie indique que les apothicaires étaient équipés de tout l’appareillage nécessaire pour assembler, cuire et distiller des produits médicinaux. Mais nous souhaitons surtout souligner ici que les livres étaient également des outils qu’ils utilisaient au quotidien pour leur travail. Dans la boutique, on conservait la version vulgarisée du De materia medica de Dioscoride, l’Herbolario volgare (Venezia, Vavassore, 1534), mais aussi des manuels, tels que les Osservationi di Girolamo Calestani Parmigiano (Venezia, de’ Franceschi, 1584) et les Avertimenti nelle compositioni de’ medicamenti per uso della spetiaria (Venezia, Polo, 1596)39.
- 40 BV, VI.5.B.7.
- 41 Valentina Pugliano, « Specimen Lists. Artisanal Writing or Natural Historical Paperwork? », Isis, (...)
17Aujourd’hui, ces volumes sont conservés à la Biblioteca Vallicelliana, et leur condition matérielle suggère parfois l’utilisation fréquente qu’on en faisait à l’oratoire. On peut notamment apercevoir des brûlures ou des taches de liquides sur certaines pages de l’exemplaire de l’Herbolario volgare, mais il est également intéressant d’observer que l’on y trouve plusieurs annotations, ajouts ou corrections, qui soulignent l’intérêt de la communauté pour les remèdes pharmacologiques40. Ces pratiques d’écriture confirment aussi que, comme l’a souligné Valentina Pugliano, les mots, le stylet et le papier étaient des outils de travail à part entière pour les apothicaires de la Renaissance41.
- 42 Marina Venier, « Il catalogo dei libri in uso nella farmacia del Collegio Romano (ca. 1876) », dan (...)
- 43 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica, op. cit., p. 3.
- 44 Rosa Marisa Borraccini, « Libri di medicina nei chiostri e nei casali (dall’inchiesta della Congre (...)
18La présence et l’utilisation de livres dans la pharmacie – attestées aussi, dans le contexte jésuite, par l’imposante collection de la boutique d’apothicaire du Collège romain42 – témoigne de l’importance des pratiques d’écriture et de lecture comme aide pour prescrire et administrer des soins. D’ailleurs, à l’oratoire, les objets-livres étaient loin d’être confinés dans l’espace de la bibliothèque, puisque, depuis 1575, ils circulaient dans différents lieux, donnant vie à une libreria circolante à côté de la « véritable » bibliothèque, consacrée à l’étude individuelle43. Giuseppe Finocchiaro a écrit qu’à l’oratoire, les volumes circulaient pour des nécessités liturgiques, dévotionnelles et didactiques. Nous pouvons y ajouter des besoins thérapeutiques : en effet, la Vallicelliana, depuis sa fondation, conservait une section très importante de livres et manuscrits médicaux, à l’instar de nombreux autres ordres religieux de la même époque44.
- 45 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica, op. cit., p. 15.
- 46 Ibid., p. 37-41.
19À la fin du xvie siècle, la bibliothèque avait hérité des collections des médecins Giovanni Battista Modio et Giovanni Giovenale Ancina45, mais le poids des savoirs médicaux dans les collections de la Vallicelliana se manifeste aussi dans l’Index universalis alphabeticus (Roma, Reverendae Camerae Apostolicae, 1612), le premier catalogue thématique de la bibliothèque. Rédigé par le bibliothécaire Fabiano Giustiniani, il servait à la fois de guide à la consultation des collections et de modèle idéal d’organisation des savoirs, fondé sur la vocation culturelle spécifique de l’Oratoire46. La médecine y occupait un espace privilégié, aussi bien dans le catalogue que dans son annexe, qui était spécifiquement consacrée à des auteurs et à des sujets juridiques et médicaux.
20En bref, à l’intérieur de l’oratoire, la boutique d’apothicaire et la bibliothèque étaient des espaces essentiels pour la circulation et la mise en pratique du savoir médical. Concrètement, la transmission des livres constituait le trait d’union entre les deux : la pharmacie était un espace artisanal et thérapeutique qui tirait profit de la circulation d’ouvrages, tandis que la bibliothèque était un espace épistémique tourné vers les soins du corps de par les caractéristiques de ses collections.
Lire et indexer des remèdes
- 47 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge, op. cit., p. 147-162.
21Les Secreta medicinalia offrent un témoignage concret de la consultation des livres comme moyen de diffusion du savoir pharmacologique à l’oratoire. En effet, le recueil contient une section spécifiquement consacrée à une série de listes et d’index analytiques renvoyant à des libri di segreti et à des herbiers. Cet appareil paratextuel permet de connaître ce que Pietro Consolini lisait, et la manière dont il sélectionnait et récrivait les segreti qu’il trouvait dans les livres, fait qui prouve le rapport étroit entre les recueils manuscrits et imprimés47.
- 48 BV, O24, p. 97.
- 49 Sur l’indexation des notes manuscrites à la Renaissance : Ann Blair, Too Much to Know. Managing Sc (...)
22La partie paratextuelle des Secreta medicinalia (p. 96-145), dotée au début d’une numérotation autonome, est caractérisée par une écriture hâtive et par une organisation des textes plutôt négligée, mais un « index » rudimentaire des autres index48 facilite la lecture de ces paratextes, qui renvoient au « recueil ordonné » et à une série de textes imprimés49.
- 50 BV, O24, p. 101-103.
- 51 Le volume a été attribué à Leonardo Fioravanti (1517-1588 ca.). Voir William Eamon, Science and th (...)
- 52 BV, S. Borr. H.V.46.
- 53 Sur les segreti artisanaux : Pamela H. Smith, « What is a Secret? Secrets and Craft Knowledge in E (...)
23Le premier index (« auctore Falopp50 »), renvoie aux Secreti diversi e miracolosi (1re éd. Venezia, Marco di Maria, 1563), faussement attribués à Gabriele Falloppio (1523-1562)51. La bibliothèque des Oratoriens possède une édition de 1578 (Venezia, Alessandro Gardano52), dont la pagination coïncide avec celle qui a été retrouvée dans le sommaire du manuscrit. Pietro Consolini a dû trouver peu commode la consultation d’un livre sans index analytique, qui recenserait alphabétiquement les remèdes, les maladies, les objectifs thérapeutiques mais aussi les recettes du domaine technique et artisanal53 : il combla cette lacune en élaborant lui-même cette liste de tous les segreti présents dans le livre.
- 54 Iolanda Ventura, « Classification Systems and Pharmacological Theory in Medieval Collections of Ma (...)
- 55 Incipit herbarium Apulei Platonici ad Marcum Agrippam, Rome, de Lignamine, 1481.
- 56 BV, O24, p. 106-109.
- 57 Ibid., p. 66-69, 140-141.
- 58 Ibid., p. 70-79.
24L’absence d’un appareil analytique adéquat poussa Consolini à rédiger quatre autres paratextes. Ceux-ci renvoyaient à l’herbier d’ « Apuleio Plat », c’est-à-dire « Platonico », ou Pseudo-Apulée (ive-ve siècles), exemple d’une tradition pharmacologique ancienne, à caractère pratique54, qui avait circulé sous forme manuscrite et imprimée. Dans ce volume55, privé de pagination et sans index analytique, une liste introduisait l’ensemble des notices, qui traitaient chacune d’une herbe. Sur cette liste, chaque herbe était associée à un numéro. En fait, ce procédé facilitait bien peu la consultation, étant donné que ce numéro – quoique respectant la position dans le texte – n’était pas répété devant chaque élément. Consolini remédia à ce problème en élaborant un index analytique par maladie56, deux sommaires alphabétiques des simples57 et une synthèse de l’œuvre58, qui permettait de saisir les vertus thérapeutiques de chaque simple listé, sans qu’il fût strictement nécessaire de consulter la page qui le décrivait.
- 59 Ibid., p. 110-113.
- 60 Ibid., p. 97. Voir Lionello Puppi, « Colombina, Gasparo », dans DBI, vol. 27, 1982, p. 144-146.
- 61 Gasparo Colombina, Il bomprovifaccia per Sani, & Amalati, Padova, Paolo Tozzi, 1621, appareil intr (...)
- 62 BV, O24, p. 110.
25Une synthèse encore plus concise est intitulée « ex lib. prosit59 ». C’est une référence au Bomprovifaccia per Sani, & Amalati (Padova, Pietro Paolo Tozzi, 1621), un livre des simples rédigé par l’oratorien Gasparo « Colombina60 », qui avait synthétisé sur de courtes fiches les vertus médicinales de centaines de plantes. Consolini rédigea une version synthétique de l’index analytique, sans y noter les renvois aux pages ; par exemple, là où l’index du livre indique : « pour l’apostème de la gorge, fo 156. / Pour l’apostème cassée, fo 211. / Pour l’apostème de la rate, fo 170 / Pour l’apostème chaude du foie, fo 21261 », l’oratorien résume avec un seul mot : « apostème62 ». Avec l’aide d’une liste ainsi présentée, le lecteur pouvait choisir de ne se référer au livre que s’il pensait pouvoir y trouver des réponses à ses exigences thérapeutiques.
- 63 Ibid., p. 121-24.
- 64 BV, S. Borr. Q.IV.78.
- 65 Meredith K. Ray, Daughters of Alchemy. Women and Scientific Culture in Early Modern Italy, Cambrid (...)
26Un autre sommaire est tiré de « lib. Isa. Cort.63 », c’est-à-dire de I secreti de la signora Isabella Cortese (Venezia, Bariletto, 1574)64, mystérieuse professeure de secrets qui proposait un guide pour la mise en œuvre des secrets de l’alchimie65. Ce volume ne présentait pas d’index analytique et Consolini commença à en élaborer un, de type sélectif, centré uniquement sur les remèdes médicaux, qu’il laissa toutefois inachevé.
- 66 BV, O24, p. 114-17.
- 67 BV, S.Borr. H.V.52 ; BV, S.Borr. G.I.135.2.
27Un autre index66 est tiré de Li maravigliosi secreti di medicina e chirurgia (1re éd. Roma, Antonio Blado, 1577) de Giovanni Battista Zapata, dont la Vallicelliana possède deux exemplaires67. Le sommaire de Consolini est une liste alphabétique simple et désordonnée de maladies, d’organes, de parties anatomiques : en le comparant à l’index imprimé, il est certain que ce n’est ni une synthèse, ni une copie ; toutefois, il pourrait s’agir d’un index original, élaboré après une lecture attentive du livre, mais laissé incomplet.
- 68 Ann Blair, Too Much to Know, op. cit., p. 62-116.
28La minutie avec laquelle Consolini rédigeait ses paratextes peut être mieux comprise si nous la replaçons dans un contexte culturel où la gestion d’une grande quantité de connaissances rendait nécessaires des stratégies spécifiques pour les conserver et les avoir à disposition au besoin. Autrement dit, le recueil est un témoignage concret de la diffusion croissante des pratiques d’annotation durant la Renaissance, à mettre en relation avec une série de facteurs : la grande disponibilité du papier, l’abondance de livres imprimés, une préoccupation spécifique face au risque de perdre des informations importantes et utiles pour différentes finalités68.
- 69 Ibid., p. 137-144.
- 70 Giuseppe Antonio Guazzelli, Raimondo Michetti et Francesco Scorza Barcellona (dir.), Cesare Baroni (...)
- 71 Cistellini, San Filippo cit., p. 574-579.
29L’indexation des livres69 était l’une des stratégies qui furent améliorées pour faciliter et accélérer l’accès aux informations. Les Secreta medicinalia indiquent que ce travail était particulièrement utile à l’oratoire pour les besoins médicaux, mais cela n’était évidemment pas la seule raison pour laquelle il convenait d’indexer les livres. En effet, depuis le xvie siècle, plusieurs oratoriens se consacraient à l’érudition historique, en publiant quelques-uns des principaux ouvrages de l’époque de la Contre-Réforme, à partir des monumentales Annales ecclesiastici de Cesare Baronio70. Nous savons que leur rédaction était aussi une entreprise collective, qui impliquait un travail minutieux de relecture et de construction des index, que Baronio confia à ses confrères, en faisant de l’oratoire et de sa bibliothèque une sorte d’atelier de rédaction71. Les prêtres étaient donc non seulement habitués à travailler avec et sur les livres, mais encore ils le faisaient collectivement, en partageant aussi bien les pratiques que les fruits de celles-ci.
Prendre des notes, entre lecture et échanges informels
30Les Secreta medicinalia montrent non seulement le travail de précision requis par la rédaction des index, mais aussi des pratiques de simples annotations, qui sont visibles dans différents textes et paratextes tout au long du recueil : il ne s’agit pas d’une section séparée, mais d’une série de notes ébauchées dans différentes parties de l’ouvrage.
- 72 BV, O24, p. 1-8.
- 73 Ibid., p. 118-20, p. 134-136.
- 74 Ibid., p. 38. Voir « L’Hortus sanitatis » [dossier thématique], Kentron, no 29, 2013.
31Par exemple, un petit cahier contient une série de secrets et des notes en latin et en italien72, mais aussi de brefs approfondissements sur le romarin et le chardon béni73. Dans le recueil, on trouve aussi plusieurs notes bibliographiques et des références à des œuvres imprimées. Parfois se glisse une note relative à l’œuvre, au chapitre ou aux pages : c’est le cas d’une recette pour l’ardorem orinae, tirée du chapitre 425 du sixième livre de l’Hortus sanitatis74 (1re éd. Mayenze, 1491).
- 75 Michaela Valente, « Della Porta, Giovanni Battista », dans Adriano Prosperi, Vincenzo Lavenia et J (...)
- 76 Leen Spruit, « Arnau de Vilanova (Arnaldo di Villanova) », dans Dizionario Storico dell’Inquisizio (...)
- 77 BV, O24, p. 131. Il est significatif que les Secreta medicinalia présentent seulement la cote des (...)
- 78 Arnaud de Villeneuve, Opera medica omnia, Basileae, Waldkirch, 1585, p. 1266 (BV, S. Borr. P.II.10 (...)
32Dans deux cas, sans révéler le secret, Consolini renvoie directement à la section interdite de la bibliothèque de l’oratoire. À ceux qui cherchaient un « remède pour les yeux », il suggérait de consulter les Magiae naturalis libri XX (1re éd. Neapoli, 1558) de Giovanni Battista Della Porta75, dont il indiquait même la cote de bibliothèque (« f 1 n. 26 »), tandis que pour l’herbe « verge d’or » il renvoyait à Arnaud de Villeneuve76. Au nom de ce médecin catalan, il associait une cote (« in bibl.ca F.6.1277 »), relative probablement à l’Opera medica omnia : on loue, en effet, l’efficacité de la verge d’or pour le traitement de la lithiase rénale dans le deuxième livre du Breviarum practicae78.
- 79 BV, O24, p. 46, p. 86, p. 125, p. 142-143.
- 80 « Ebeno Dur. p. 164 » (BV, O24, p. 46) ; « l’eau suintée de la racine sauvage bue avec du vin blan (...)
- 81 Castore Durante, Herbario nuovo, Roma, Bonfadino e Diani, 1585, p. 124.
- 82 BV, O24, p. 7. Durante écrit que l’« eau suintée » du « ciano maggiore » « est utile appliquée aux (...)
33Un des volumes que Consolini a consultés le plus souvent est l’Herbario nuovo de Castore Durante (1re éd. Roma, Bartholomeo Bonfadino e Tito Diani, 1585). Les Secreta medicinalia en présentent de brèves notes ou des portions d’index79, notamment tirées de la première édition du volume. De celle-ci sont également issues quatre notes plus élaborées, comme on peut le déduire des numéros de page parfois indiqués80, ou du contenu des parties annotées. En comparant une note de Consolini et l’entrée « ciano maggiore » de l’Herbario nuovo, nous pouvons déduire la manière dont le prêtre oratorien a lu, sélectionné, retravaillé et en partie complété le passage imprimé sur la base de ses connaissances et exigences. Castore Durante écrit que cette herbe « pousse plus souvent dans les montagnes que dans les champs81 », tandis que l’oratorien écrit que cette herbe est « appelée fleur des prés ou des champs, voilà pourquoi on l’appelle champêtre », en insistant ensuite sur ce qui l’intéressait dans ce simple, c’est-à-dire sa capacité d’améliorer la vue82.
- 83 BV, S. Borr. G.IV.114.
- 84 BV, O24, p. 92. Au mot « citrons » du traité de Pisanelli, on lit que « leur jus, vert, au poids d (...)
34D’une autre annotation, nous déduisons que Consolini a effectué une lecture croisée de l’Herbario nuovo et du « Pisanella », c’est-à-dire du Trattato della natura de’ cibi e del bere (Roma, Bonfadino e Diani, 1585)83, écrit par Baldassarre Pisanelli. Consolini note que les deux médecins « affirment que le jus de citron ou de citron vert, […] pris fraîchement pressé de tout le fruit, à la quantité d’une once et demie, au poids dit purée et bu avec du malvoisie chasse énergiquement les calculs des reins84 ».
- 85 Ibid., p. 96.
- 86 Libri de re rustica, Venetiis, in aedibus haeredum Aldi, et Andreae soceri, 1533 (BV, S. Borr. R.I (...)
- 87 Silvano Boscherini, « La medicina in Catone e Varrone », dans Wolfgang Haase et Hildegard Temporin (...)
35En outre, Consolini a écrit, l’une après l’autre, trois notes bibliographiques : « Marci Terentii Varronis opera », « Osvaldi Croll. Basilica Chimica », « Io. Hortman. Praxis chimica antica85 ». Varron a dédié à la médecine l’un de ses livres perdus, Disciplinarum libri IX, et nous savons de Pline qu’il a recueilli un ensemble de remèdes médicaux tirés des simples. Très probablement, l’oratorien faisait référence au De re rustica – dont la Vallicelliana garde une édition du xvie siècle86 – où l’on peut trouver des traces de connaissances médicales, surtout en ce qui concerne les maladies liées au monde rural et aux animaux87.
- 88 Giovanna Granata, « Books without Borders: The Presence of the European Printing Press in the Ital (...)
- 89 Hiro Hirai, « The Word of God and the Universal Medicine in the Chemical Philosophy of Oswald Crol (...)
- 90 Bruce T. Moran, Chemical Pharmacy Enters the University. Johannes Hartmann and the Didactic Care o (...)
- 91 Johannes Hartmann, Praxis chimiatrica, Francofurti, apud Casparum Rötelium, 1634 (BV, S. Borr. Q I (...)
- 92 Sur la médecine chimique à Rome : Antonio Clericuzio, « Chemical Medicines in Rome : Pietro Castel (...)
- 93 Justin Rivest, « The Chymical Capuchins of the Louvre. Seminal Principles and Charitable Vocations (...)
36La citation de deux autres œuvres nous semble plus intéressante : toutes les deux sont des expressions de la pharmacologie chimique, et elles sont produites dans la sphère protestante, ce qui montre que la circulation des livres dépassait les barrières confessionnelles88. La première renvoie à la Basilica chymica, œuvre très renommée (1re éd. Francofurti, apud Claudium Marnium et Ioannis Aubrii, 1609), écrite par Oswald Croll (1560-1609), calviniste allemand et médecin paracelsien, qui avait recueilli une longue série de remèdes chimiques89. La deuxième renvoie à Johannes Hartmann (Amberg, 1568-Marburg, 1631), médecin du landgrave Maurice de Hesse-Cassel90 : sa Praxis chimiatrica (1re éd. Lipsiae, Sumtibus Gotofredi Grossii Bibliopolae, 1633), inspirée aussi de la chimie spagirique de Croll, synthétisait un grand nombre de recettes. Aujourd’hui, la Biblioteca Vallicelliana ne possède pas la Basilica chymica, mais elle garde un exemplaire de la Praxis chimiatrica91. Cela ne confirme pas automatiquement que le prêtre l’ait lu ; cependant, il est intéressant de remarquer qu’il a éprouvé la nécessité de prendre en note ce type de livres, signe d’une attention à l’égard de traitements médicaux alternatifs au système hippocratico-galénique92, sur lequel se base le reste du recueil. D’ailleurs, une familiarité avec le savoir chimique dans le milieu clérical ne serait pas étonnante, si nous considérons que, dans le Paris de 1678-1679, deux frères capucins pouvaient gérer une pharmacie proposant des remèdes chimiques : ils capitalisaient à la fois sur leur expertise scientifique et sur leur double rôle de soigneurs du corps et de l’âme93.
37Il faut souligner que les livres n’étaient pas la seule source d’information sur les thérapies. D’abord, nous devons considérer le fait que les professionnels de santé qui fréquentaient l’oratoire furent des passeurs fondamentaux pour les savoirs médicaux, ce qui permet de penser qu’ils ont influencé la rédaction des Secreta medicinalia. Leurs conseils pourraient avoir poussé Consolini à consulter certains livres ou à noter des suggestions pharmacologiques qui circulaient oralement entre les professionnels de santé et les Oratoriens, mais aussi entre les prêtres eux-mêmes.
- 94 BV, O24, p. 43-44.
38De plus, les Secreta medicinalia en tant que tels témoignent de circuits oraux de diffusion de remèdes, qui franchissaient les limites de la Vallicella et de Rome. C’est en particulier le cas d’une longue recette « pour mal de pierres, calculs, douleurs aux flancs et douleurs coliques ». Les conseils sur ses modalités d’administration ont été attribués à un certain « P. Natali », probablement un jésuite. En effet, on peut lire, par la suite, que « la susdite poudre » avait été « envoyée d’Ancône à Fermo par un p[ère] jésuite à l’un d’entre eux. Et il lui envoie aussi quatre doses de cet excellent remède. Et il lui envoie aussi ladite recette94. » Il est intéressant de noter que l’échange d’informations et de médicaments ne se passait pas entre médecins professionnels, ou entre médecin et patient, mais parmi les prêtres : cela montre l’implication active de ces derniers dans les pratiques curatives et la multiplicité des voies de circulation du savoir, tant en ce qui concerne le moyen en ce cas épistolaire que les individus impliqués.
- 95 Biblioteca Nazionale Centrale di Roma, S. Francesca Romana, 13, fo 13 ro.
- 96 BV, O53.2, p. 280. Ce texte et celui de la note précédente font référence à deux copies d’un même (...)
39On sait aussi que Consolini, affecté par de sérieux problèmes de vue, « louait beaucoup » une certaine « Recette95 » à même de soigner les yeux, et la suggérait aux jeunes de la congrégation. Ceux-ci, connaissant la maladie du père, l’aidaient dans la recherche de médicaments capables de la soulager et tirèrent d’un « livre de secrets naturels cinq remèdes pour sa maladie des yeux, les consignant sur un papier96 ». Dans ce cas, nous retrouvons – en plus de la dimension collective des soins – la même association de la lecture et de l’écriture que celle qui se rencontre dans les Secreta medicinalia. Étant donné que Consolini a consigné de nombreuses recettes sur le soin des yeux, il est possible qu’il ait recopié, parmi elles, cette note écrite par ses novices.
40La présence d’annotations diverses et denses dans le recueil atteste de son usage quotidien et fréquent, également souligné par une écriture plutôt désordonnée et hâtive. Les Secreta medicinalia semblent avoir été utilisés comme « bloc-notes » médical, qui permettait de prendre des notes en différentes occasions : après avoir testé l’efficacité d’une recette donnée, après avoir découvert un nouveau remède grâce à la lecture d’un livre ou à la suggestion orale d’un confrère, du médecin, de l’apothicaire ou d’autres personnes. Nous avons constaté que le recueil aidait également à la consultation de la bibliothèque : pour signaler la localisation d’un volume ou de son contenu, pour faciliter sa compulsation grâce à un fragment d’index ou simplement pour relever sa présence par une note bibliographique.
Conclusion
41Le livre de recettes et l’Oratoire en disent beaucoup l’un sur l’autre, en faisant ressortir deux caractéristiques essentielles de la circulation des savoirs médicaux : la dimension collective et l’imbrication entre écriture et oralité, lecture et échanges informels. Le cas oratorien est-il exceptionnel parmi les ordres religieux de la première modernité ? Les quelques indices tirés d’autres études de cas suggèrent que, dans une certaine mesure, les Oratoriens peuvent être rapprochés d’autres communautés masculines urbaines. L’importance de la bibliothèque et de la culture du livre, la présence d’une pharmacie et d’une équipe médicale, ainsi qu’une pleine intégration dans le tissu social urbain sont des phénomènes communs à plusieurs ordres et suggèrent qu’il existait à cette période d’autres canaux de circulation du savoir médical assez similaires à ceux de l’oratoire.
42Cela dit, dans notre cas, la dimension collective de la circulation du savoir est évidente, puisque les remèdes faisaient l’objet d’un partage informel, à l’intérieur et à l’extérieur de l’oratoire. Pour cette raison, et du simple fait que le recueil a été produit dans un contexte communautaire, nous pouvons supposer qu’il ne s’agissait pas d’un livre strictement personnel, mais d’un texte qui a été à la fois composé et utilisé de façon collective. En outre, le travail long et complexe nécessaire à la mise en forme des index des simples et des secrets semble assurément disproportionné pour un seul individu, tout comme, d’ailleurs, la collecte d’un si grand nombre de recettes. De façon générale, on a vu que les Oratoriens étaient habitués à travailler collectivement dans le domaine de l’érudition au sens large. C’était le cas, notamment, dans une tâche aussi conséquente que le travail de rédaction et d’indexation des textes des Annales ecclesiastici. En somme, les Secreta medicinalia pouvaient répondre aux exigences thérapeutiques personnelles de Consolini mais aussi à celles d’autres prêtres, tout comme ils pouvaient faciliter la consultation de la bibliothèque ou guider la composition des remèdes, servant ainsi de support pour le travail en pharmacie.
43La boutique d’apothicaire et la bibliothèque étaient deux espaces essentiels, aussi bien pour la production et l’utilisation du recueil, que, de façon générale, pour la circulation des connaissances médicales à l’oratoire. L’une permettait une mise en œuvre effective, artisanale, du savoir pharmacologique ; l’autre représentait la dimension livresque de la médecine, dont l’importance est mise en relief par la présence dense, dans les Secreta medicinalia, d’index et d’annotations bibliographiques.
44Il n’est pas surprenant, dans une communauté où les livres faisaient partie de la vie quotidienne (avant tout pour la prière et pour l’étude), qu’ils aient été aussi des outils de soins. Toutefois, l’importance de la culture du livre n’entre pas en contradiction avec la circulation orale et informelle des savoirs médicaux, qui étaient un aspect fondamental de cette transmission, même au-delà des traces documentaires qui l’attestent. Cela s’explique, en premier lieu, par le mode de vie communautaire des Oratoriens, mais aussi parce que ces derniers étaient, comme tous les ordres religieux urbains, au centre d’un réseau dense de relations rassemblant un grand nombre de fidèles – dont plusieurs professionnels de santé –, qui faisaient vivre plusieurs circuits informels de diffusion des informations, y compris médicales. Le recueil analysé est à la fois une partie intégrante et un fruit de ce processus de circulation des savoirs médicaux, qui doit se comprendre au croisement entre lecture, écriture et oralité.
Notes
1 Cet article est un extrait, traduit et retravaillé, d’une thèse de doctorat : Stefano Tomassetti, L’Oratorio e la cura : Assistenza e medicina nella Roma dei papi (secc. XVI-XVII), Università di Bologna/Université Lumière Lyon 2, 2022. Je remercie Elisa Andretta pour les nombreuses lectures attentives de l’article, Michela Lunesu pour la tradiction de sa première version, Agnès Picot pour l’aide linguistique et les relecteurs anonymes pour leurs remarques.
2 Sur l’érudition : Antonella Barzazi, « Una cultura per gli ordini religiosi : l’erudizione », Quaderni storici, no 119, 2005, p. 485-517. Sur les collections de livres : Rosa Marisa Borraccini et Roberto Rusconi (dir.), Libri, biblioteche e cultura degli ordini regolari dell’Italia moderna attraverso la documentazione della Congregazione dell’Indice, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2006 et les volumes de la collection « Libri e Biblioteche degli Ordini religiosi in Italia alla fine del secolo XVI », publiés depuis 2013 par la Biblioteca Apostolica Vaticana. Sur l’éducation : Maurizio Sangalli, « Le congregazioni religiose insegnanti in Italia in età moderna : nuove acquisizioni e piste di ricerca », Dimensioni e problemi della ricerca storica, no 1, 2005, p. 25-47 ; David Salomoni, Educating the Catholic People. Religious Orders and Their Schools in Early Modern Italy (1500-1800), Leyde, Brill, 2021.
3 Federica Favino, « Ordini religiosi e scienza », dans Antonio Clericuzio et Saverio Ricci (dir.), Il contributo italiano alla storia del pensiero. Scienze, Roma, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2013, p. 173-180. De façon générale, sur la circulation des savoirs scientifiques et médicaux dans le contexte romain, voir : Antonella Romano (dir.), Rome et la science moderne. Entre Renaissance et Lumières, Rome, École française de Rome, 2008 ; Maria Pia Donato et Jill Kraye (dir.), Conflicting Duties. Science, Medicine and Religion in Rome, 1550-1750, Londres, The Warburg Institute, 2009 ; Elisa Andretta, Roma medica. Anatomie d’un système médical au xvie siècle, Rome, École française de Rome, 2011.
4 Angela Montford, Health, Sickness, Medicine and the Friars in the Thirteenth and Fourteenth Centuries, Londres, Routledge, 2004 ; Gianna Pomata, « Medicina delle monache. Pratiche terapeutiche nei monasteri femminili di Bologna in età moderna », dans Gianna Pomata et Gabriella Zarri (dir.), I monasteri femminili come centri di cultura fra Rinascimento e Barocco, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2005, p. 331-363 ; David Gentilcore, « The Levitico, or How to Feed a Hundred Jesuits », Food & History, no 8, 2010, p. 87-120 ; Gilles Sinicropi, « “Rendre service aux malades” : les Carmes déchaux et la pratique médicale (xviie-xviiie siècles) », Histoire, médecine et santé, no 2, 2012, p. 21-32 ; Elisa Andretta, « Medicina e comunità religiose nella Roma del secondo Cinquecento. Il caso dei Gesuiti e degli Oratoriani », dans Maria Pia Donato et al. (dir.), Médecine et religion. Compétitions, collaborations, conflits (xiie-xxe siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 121-143.
5 Biblioteca Vallicelliana, Roma [BV], O24, p. 1-145.
6 Christian Jacob (dir.), Lieux de savoir. Espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007.
7 Vittorio Frajese, « Filippo Neri, santo », dans Dizionario biografico degli Italiani [DBI], vol. 47, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1997, p. 741-750 ; Antonio Cistellini, San Filippo Neri. L’Oratorio e la Congregazione oratoriana, Brescia, Morcelliana, 1989.
8 Paolo Prodi, Profezia vs utopia, Bologna, Il Mulino, 2013, p. 189 (chap. « La spiritualità di san Filippo Neri e l’oratorio »).
9 Voir le cas des Jésuites de Rome : Elisa Andretta, « Medicina e comunità », art. cit., p. 118-125.
10 BV, O60, Vita di Pier Francesco Scarampi, fo 48 ro. Toutes les traductions à partir de cet endroit de l’article sont les nôtres.
11 Angela Montford, Health, Sickness, Medicine, op. cit., p. 65-89.
12 BV, O58, Vita di Leandro Colloredo, fo 134 ro-vo.
13 Anne Piéjus, Musique, censure et création. G. G. Ancina et le Tempio armonico (1599), Florence, Olschki, 2017.
14 Elisa Andretta, « Medicina e comunità », art. cit., p. 128-129.
15 Archivio della Congregazione dell’Oratorio di Roma [ACOR], A.I.36, ff. 45 ro-110 ro.
16 ACOR, A.I.44, fo 26 ro ; BV, O26, ff. 36 ro-38 vo; Cistellini, San Filippo, op. cit., p. 482, p. 595, p. 629.
17 BV, O59, Vita di Cesare Becilli, fo 355 ro-vo.
18 ACOR, C.I.7, Decr. 5 dicembre 1636, p. 14.
19 BV, O60, Vita di Giovanni Battista Petrucci, fo 341 ro. Sur les oratoriens pendant la peste de 1656, nous renvoyons à Stefano Tomassetti, « Surviving and Caring. The Oratorians and the Oratory during the Plague of Rome, 1656-1657 », dans Matthieu Brejon de Lavergnée et Emanuele Colombo (dir.), Religious Orders, Public Health, and Epidemics. From the Black Death to Covid-19, Münster, Aschendorff, 2024, p. 83-101.
20 ACOR, C.I.8, p. 147.
21 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge. Medicine, Science, and the Household in Early Modern England, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2018 ; Jean-François Viaud, « Recettes de remèdes recueillis par les particuliers aux xviie et xviiie siècles. Origine et usage », Histoire, médecine et santé, no 2, 2012, p. 61-73 ; Nahema Hanafi, « Formules domestiques: pratiques genrées de la compilation de recettes médicinales (fin xviie siècle-début xixe siècle) », dans Philip Rieder et François Zanetti (dir.), Materia medica. Savoirs et usages des médicaments aux époques médiévales et modernes, Genève, Droz, 2018, p. 154-156 ; Sheila Baker et Sharon Strocchia, « Household Medicine for a Renaissance Court. Caterina Sforza’s Ricettario Reconsidered », dans Sharon Strocchia et Sara Ritchey (dir.), Gender, Health, and Healing, 1250-1550, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2020, p. 139-165.
22 Matteo Valleriani (dir.), The Structures of Practical Knowledge, Cham, Springer, 2017.
23 Pamela H. Smith, « Science on the Move. Recent Trends in the History of Early Modern Science », Renaissance Quarterly, vol. 62, no 2, 2009, p. 345-375.
24 Anna Foa, « Consolini, Pietro », dans DBI, vol. 28, 1983, p. 51-52. L’identification de la graphie a été effectuée en la mettant en rapport avec d’autres écrits attribués à Consolini : BV, O24, p. 146-162 ; ACOR, PI2, ff. 27 ro-36 ro.
25 Giovanni Marciano, Memorie historiche della Congregatione dell’Oratorio, Napoli, De Bonis, vol. 1, 1693, p. 552-554. BV, O59, Vita di Pietro Consolini, fo 9 ro.
26 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica. Fabiano Giustiniani e l’origine di una biblioteca « universale », Firenze, Olschki, 2011 ; Quelli che servono gli infermi. Assistenza e medicina a Roma nei secoli XVI e XVII, Roma, TIPAR, 1987.
27 ACOR, PI2, Medicae disputationis, doc. cit., ff. 27ro-36ro.
28 Nancy G. Siraisi, « Signs and Evidence: Autopsy and Sanctity in Late Sixteenth-Century Italy », dans Nancy G. Siraisi (dir.), Medicine and the Italian Universities, 1250-1600, Leyde, Brill, 2001, p. 372-376 ; Elisa Andretta, « Anatomie du Vénérable dans la Rome de la Contre-Réforme. Les autopsies d’Ignace de Loyola et de Philippe Neri », dans Maria Pia Donato et Jill Kraye (dir.), Conflicting Duties, op. cit., p. 255-280.
29 William Eamon, Science and the Secrets of Nature. Books of Secrets in Medieval and Early Modern Culture, Princeton, Princeton University Press, 1994.
30 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge, op. cit., p. 13-14.
31 Voir Nahema Hanafi, « Formules domestiques », art. cit., p. 147-160 ; Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge, op. cit.
32 Sur l’hygiène, voir aussi les recettes conservées dans la collection de l’oratorien Virgilio Spada (1596-1662) : Giuseppe Finocchiaro, Il Museo di curiosità di Virgilio Spada. Una raccolta romana del Seicento, Rome, Palombi, 1999, p. 174-176.
33 Gilles Sinicropi, « Rendre service aux malades », art. cit. Sur Rome, voir Margherita Breccia Fratadocchi, « Le spezierie conventuali a Roma nel XVIII secolo », dans Margherita Breccia Fratadocchi et Simonetta Buttò (dir.), Erbe e speziali. I laboratori della salute, Sansepolcro, Aboca, 2007, p. 283-290.
34 ACOR, C.I.2, fo 5 ro.
35 Alessandro Alluminati (1581-1605), Egidio Calvelli (1587-1659), Carlo de Arcangelis (1642-fin xviie siècle). Voir Carlo Gasbarri, L’Oratorio romano dal Cinquecento al Novecento, Roma, D’Urso, 1962, p. 153, p. 163, p. 175.
36 BV, O58, Vita di Giovanni Matteo Ancina, fo 380 ro ; BV, O59, Vita di Francesco Zazzara, fo 172 vo.
37 ACOR, C.I.8, p. 334, p. 437.
38 Ibid., p. 343.
39 ACOR, B.VI.8, fo 87 vo.
40 BV, VI.5.B.7.
41 Valentina Pugliano, « Specimen Lists. Artisanal Writing or Natural Historical Paperwork? », Isis, vol. 103, no 4, 2012, p. 726.
42 Marina Venier, « Il catalogo dei libri in uso nella farmacia del Collegio Romano (ca. 1876) », dans Margherita Breccia Fratadocchi et Simonetta Buttò (dir.), Erbe e speziali, op. cit., p. 237-240.
43 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica, op. cit., p. 3.
44 Rosa Marisa Borraccini, « Libri di medicina nei chiostri e nei casali (dall’inchiesta della Congregazione dell’Indice dei libri proibiti, 1597-1603) », dans Roberto Sani et Fabiola Zurlini (dir.), La formazione del medico in età moderna (secc. XVI-XVIII), Macerata, EUM, 2012, p. 159-182.
45 Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta e pubblica, op. cit., p. 15.
46 Ibid., p. 37-41.
47 Elaine Leong, Recipes and Everyday Knowledge, op. cit., p. 147-162.
48 BV, O24, p. 97.
49 Sur l’indexation des notes manuscrites à la Renaissance : Ann Blair, Too Much to Know. Managing Scholarly Information Before the Modern Age, New Haven/Londres, Yale University Press, 2010, p. 91-93.
50 BV, O24, p. 101-103.
51 Le volume a été attribué à Leonardo Fioravanti (1517-1588 ca.). Voir William Eamon, Science and the Secrets of Nature, op. cit., p. 166-167).
52 BV, S. Borr. H.V.46.
53 Sur les segreti artisanaux : Pamela H. Smith, « What is a Secret? Secrets and Craft Knowledge in Early Modern Europe », dans Elaine Leong et Alisha Rankin (dir.), Secrets and Knowledge in Medicine and Science, 1500-1800, Londres, Routledge, 2011, p. 47-66.
54 Iolanda Ventura, « Classification Systems and Pharmacological Theory in Medieval Collections of Materia Medica: A Short History from the Antiquity to the End of the 12th Century », dans Tanja Pommerening et Walter Bisang (dir.), Classification from Antiquity to Modern Times. Sources, Methods, and Theories from an Interdisciplinary Perspective, Berlin/New York, De Gruyter, 2017, p. 113-116.
55 Incipit herbarium Apulei Platonici ad Marcum Agrippam, Rome, de Lignamine, 1481.
56 BV, O24, p. 106-109.
57 Ibid., p. 66-69, 140-141.
58 Ibid., p. 70-79.
59 Ibid., p. 110-113.
60 Ibid., p. 97. Voir Lionello Puppi, « Colombina, Gasparo », dans DBI, vol. 27, 1982, p. 144-146.
61 Gasparo Colombina, Il bomprovifaccia per Sani, & Amalati, Padova, Paolo Tozzi, 1621, appareil introductif.
62 BV, O24, p. 110.
63 Ibid., p. 121-24.
64 BV, S. Borr. Q.IV.78.
65 Meredith K. Ray, Daughters of Alchemy. Women and Scientific Culture in Early Modern Italy, Cambridge, Harvard University Press, 2015, p. 46-72.
66 BV, O24, p. 114-17.
67 BV, S.Borr. H.V.52 ; BV, S.Borr. G.I.135.2.
68 Ann Blair, Too Much to Know, op. cit., p. 62-116.
69 Ibid., p. 137-144.
70 Giuseppe Antonio Guazzelli, Raimondo Michetti et Francesco Scorza Barcellona (dir.), Cesare Baronio tra santità e scrittura storica, Roma, Viella, 2012.
71 Cistellini, San Filippo cit., p. 574-579.
72 BV, O24, p. 1-8.
73 Ibid., p. 118-20, p. 134-136.
74 Ibid., p. 38. Voir « L’Hortus sanitatis » [dossier thématique], Kentron, no 29, 2013.
75 Michaela Valente, « Della Porta, Giovanni Battista », dans Adriano Prosperi, Vincenzo Lavenia et John Tedeschi (dir.), Dizionario Storico dell’Inquisizione, Pisa, Edizioni della Normale, 2010, vol. 1, p. 460-461 ; la Biblioteca Vallicelliana garde trois exemplaires de l’œuvre : Antuerpiae, Plantinus, 1585 (BV, VI.4.H.34) ; Francofurti, apud Andreae Wecheli, Claudium Mannium et Ioannem Aubrium, 1597 (BV, S. Borr. P.I.77) ; en édition vulgarisée : Venezia, Bonfadino, 1618 (BV, VI.5.A.33).
76 Leen Spruit, « Arnau de Vilanova (Arnaldo di Villanova) », dans Dizionario Storico dell’Inquisizione, op. cit., p. 99-100.
77 BV, O24, p. 131. Il est significatif que les Secreta medicinalia présentent seulement la cote des livres interdits : comme l’entrée dans la section segreta de la bibliothèque n’était pas libre, il était utile de repérer les textes très rapidement sans consulter le catalogue (Giuseppe Finocchiaro, Vallicelliana segreta, op. cit., p. 18).
78 Arnaud de Villeneuve, Opera medica omnia, Basileae, Waldkirch, 1585, p. 1266 (BV, S. Borr. P.II.104).
79 BV, O24, p. 46, p. 86, p. 125, p. 142-143.
80 « Ebeno Dur. p. 164 » (BV, O24, p. 46) ; « l’eau suintée de la racine sauvage bue avec du vin blanc et de la térébenthine fait sortir les calculs. Durante 393 » (Ibid., p. 87).
81 Castore Durante, Herbario nuovo, Roma, Bonfadino e Diani, 1585, p. 124.
82 BV, O24, p. 7. Durante écrit que l’« eau suintée » du « ciano maggiore » « est utile appliquée aux inflammations des yeux, et des autres parties » (Castore Durante, Herbario, op. cit., p. 124).
83 BV, S. Borr. G.IV.114.
84 BV, O24, p. 92. Au mot « citrons » du traité de Pisanelli, on lit que « leur jus, vert, au poids d’une once et demie, avec du malvoisie chasse les calculs des reins » (BV, S. Borr. G.IV.114, p. 9). Également, Durante écrit que « une once et demie de jus de citrons verts, bu avec du malvoisie, chasse énergiquement les calculs des reins » (Castore Durante, Herbario, op. cit., p. 259).
85 Ibid., p. 96.
86 Libri de re rustica, Venetiis, in aedibus haeredum Aldi, et Andreae soceri, 1533 (BV, S. Borr. R.I.17).
87 Silvano Boscherini, « La medicina in Catone e Varrone », dans Wolfgang Haase et Hildegard Temporini (dir.), Rise and Decline of the Roman World, Berlin, De Gruyter, 1993, p. 729-755.
88 Giovanna Granata, « Books without Borders: The Presence of the European Printing Press in the Italian Religious Libraries at the End of the Sixteenth Century », dans Matthew McLean et Sara K. Barker (dir.), International Exchange in the Early Modern Book World, Leyde, Brill, 2016, p. 214-238.
89 Hiro Hirai, « The Word of God and the Universal Medicine in the Chemical Philosophy of Oswald Croll », dans Ivo Purs et Vladimir Karpenko (dir.), Alchemy and Rudolf II. Exploring the Secrets of Nature in Central Europe in the 16th and 17th centuries, Prague, Artefactum, 2016, p. 381-385.
90 Bruce T. Moran, Chemical Pharmacy Enters the University. Johannes Hartmann and the Didactic Care of Chymiatria in the Early Seventeenth Century, Madison, American Institute of the History of Pharmacy, 1991.
91 Johannes Hartmann, Praxis chimiatrica, Francofurti, apud Casparum Rötelium, 1634 (BV, S. Borr. Q IV 62).
92 Sur la médecine chimique à Rome : Antonio Clericuzio, « Chemical Medicines in Rome : Pietro Castelli and the Vitriol Debate », dans Maria Pia Donato et Jill Kraye (dir.), Conflicting Duties, op. cit., p. 281-302.
93 Justin Rivest, « The Chymical Capuchins of the Louvre. Seminal Principles and Charitable Vocations in France under Louis XIV », Ambix, vol. 65, no 3, 2018, p. 275-295.
94 BV, O24, p. 43-44.
95 Biblioteca Nazionale Centrale di Roma, S. Francesca Romana, 13, fo 13 ro.
96 BV, O53.2, p. 280. Ce texte et celui de la note précédente font référence à deux copies d’un même document, gardé à la Vallicelliana dans une forme mutilée.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Stefano Tomassetti, « Lire, écrire, soigner. La circulation des remèdes dans une communauté religieuse urbaine (Rome, xvie-xviie siècles) », Histoire, médecine et santé, 25 | 2024, 165-182.
Référence électronique
Stefano Tomassetti, « Lire, écrire, soigner. La circulation des remèdes dans une communauté religieuse urbaine (Rome, xvie-xviie siècles) », Histoire, médecine et santé [En ligne], 25 | été 2024, mis en ligne le 01 juillet 2024, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/8470 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1217k
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page