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Dossier thématique : Soins

Surveiller, punir et soigner ?

Pratiques psychiatriques en Europe de l’Ouest du XIXe siècle aux années 1950
Benoît Majerus
p. 51-62

Résumés

À partir d’une question apparemment simple – qu’est-ce que le soin signifie dans le contexte de la psychiatrie – l’article s’interroge sur les chances qu’offre la notion du care pour l’historiographie de la psychiatrie. Celle-ci appelle à une véritable réflexion sur la dépendance qui ne nie pas les dissymétries qui existent entre soignés et soignants, mais ne limite pas le questionnement à celui de la domination. Historiciser la notion de soin, prendre au sérieux les qualités que nécessite le « souci d’autrui » comme la douceur, l’empathie…, s’interroger sur la vulnérabilité du fou… autant de points qui restent largement négligés par les historiens. Ce déplacement du regard amène dans la focale de l’histoire, les infirmières, trop souvent négligées, mais également un monde de petites (et moins petites) mains.

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Texte intégral

Je remercie les trois éditeurs de ce numéro spécial ainsi que Sophie Richelle, Karen Nolte et les deux relecteurs anonymes pour leurs commentaires. Ils m’ont permis d’affiner une argumentation parfois un peu trop hypothétique.

  • 2 Sander Adolf, Die Irrengesetze in Frankreich, Genf, den Niederlanden, England, Norwegen, Belgien un (...)

1« Titre 1er – Des établissements d’aliénés - Article 1er : Chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés. »2

  • 3 Ibid.

2La loi française du 30 juin 1838, qui est régulièrement considérée comme matricielle pour les projets législatifs dans de nombreux pays européens, utilise la notion de « soigner » dès sa première phrase. L’importance accordée au soin n’est cependant qu’apparente. En effet dans les 40 articles qui suivent ce premier paragraphe, les mots « soins » ou « soigner » n’apparaissent plus. De même, dans la loi genevoise de 1838, la loi néerlandaise de 1841 ou la loi belge de 1850 relatives aux aliénés, cette notion n’est guère explicitée3.

  • 4 Journée d’étude Le soin, histoire d’une relation Europe (XIXe-XXe s.), Paris I et Centre d’histoire (...)
  • 5 Bien que le livre de Michel Foucault Surveiller et punir porte sur le milieu carcéral et non sur l’ (...)

3Plus généralement, la notion pose de nombreuses questions quant à sa définition exacte et cette difficulté se retrouve d’ailleurs au cœur même de l’argumentaire de la journée d’étude qui a donné lieu à ce numéro spécial. Les organisateurs hésitent entre deux définitions : une « relation produite lors d’une interaction médicale » et la « guérison comme horizon d’attente » pour ceux qui procurent des soins4. En ce qui concerne l’historiographie de la psychiatrie, cette pratique reste également peu étudiée. Ballottés entre célébration du progrès médical et condamnation de l’enfermement arbitraire, les récits sur les passés de la psychiatrie accordent en effet peu de place à la question du soin. J’aimerais dès lors me poser deux questions : quelles sont les implications de cette caractérisation du soin en histoire de la psychiatrie, là où sa fonction est souvent réduite par les sciences humaines et sociales à « surveiller et punir »5 ? Comment la notion de soin psychiatrique se différencie du soin somatique dans cette discipline médicale où la notion de « guérison » pose problème, non seulement pour les critiques de la psychiatrie mais également pour les praticiens ?

  • 6 Moncrieff Joanna, The myth of the chemical cure: A critique of psychiatric drug treatment, Basingst (...)
  • 7 Henckes Nicolas, « Réformer et soigner. L’émergence de la psychothérapie institutionnelle en France (...)
  • 8 Brown Phil, The transfer of care: Psychiatric deinstitutionalization and its aftermath, Londres, Ro (...)
  • 9 Assistante sociale, psychologue, ergothérapeute… sont autant de nouveaux métiers qui rentrent à l’h (...)
  • 10 Dubet François, Le déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.

4Pour répondre partiellement à ces questions, je me focaliserai sur une question simple en apparence : qui interagit dans le quotidien avec les patients psychiatriques ? Pour ce faire, je m’inscris dans un cadre chronologique et géographique précis. Commençant au début du XIXe siècle, communément considéré comme le début de la psychiatrie moderne, je m’arrêterai au début des années 1960 où quatre phénomènes contribuent à des ruptures dans la notion du « soin ». En effet, l’introduction massive des neuroleptiques6, la sectorisation7, la désinstitutionnalisation8 et l’arrivée de nouvelles professions9 changent les pratiques psychiatriques qui deviennent dès lors beaucoup plus hétérogènes. L’intérêt porte donc sur une période où « l’espoir de l’institution » – en opposition à ce que le sociologue François Dubet a appelé le « déclin de l’institution » et qui suit ces ruptures des années 196010 – est encore présent. En ce qui concerne l’espace géographique, je tirerai mes exemples de l’Europe de l’Ouest (France, Angleterre, Benelux et Allemagne).

Une histoire de psychiatres ?

  • 11 Pinel Philippe, Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale, ou La manie, Paris, Richard, (...)

5Le « moral treatment » de Samuel Tuke ou le « traitement moral » de Philippe Pinel mettent dès la fin du XVIIIe siècle l’accent sur l’importance de la relation entre le médecin et le patient. Au début de la psychiatrie se disant moderne, la notion du care apparaît donc comme centrale. Pinel décrit l’interaction entre psychiatre et aliéné comme suit : « L’art de consoler les aliénés, de leur parler avec bienveillance, de leur donner quelquefois des réponses évasives pour ne point les aigrir par des refus, de leur imprimer d’autres fois une crainte salutaire, et de triompher sans aucun acte de violence de leur obstination inflexible11. »

  • 12 Dans le monde germanophone, l’approche somatique est dominante au XIXe siècle.
  • 13 Digby Anne, Madness, morality and medicine: A study of the York Retreat, 1796-194, Cambridge, CUP, (...)
  • 14 La multiplicaton de psychiatres dans les hôpitaux et la création de nombreuses structures extrahosp (...)
  • 15 Guillemain Hervé, « Médecine et religion au XIXe siècle », Le Mouvement Social, n° 215, 2006/2, no  (...)

6Si les injonctions de Pinel et de Tuke sont, au moins dans le monde francophone et anglophone12, invoquées tout au long du XIXe siècle, il fait peu de doute qu’il ne s’agit que d’un vœu pieux dans la pratique. Ann Digby a montré que le moral treatment n’est qu’une image régulièrement mise en avant, mais guère pratiquée dans la deuxième moitié du XIXe siècle, même dans son lieu d’origine, le fameux York Retreat13. D’une manière générale, le soin comme interaction entre patient et médecin n’est guère une activité des psychiatres aux XIXe et XXe siècles14. Certes le médecin habite le plus souvent à l’intérieur de l’institution, mais les asiles sont grands et les médecins peu nombreux. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle en France, le ratio d’un médecin pour 400 patients est jugé acceptable15. Beaucoup d’entre eux, du fait de salaires peu élevés, travaillent dans plusieurs hôpitaux ou disposent d’une clientèle privée. Les cas de conflits entre médecins et administration asilaire autour d’une présence jugée insuffisante sont légion. Cependant la législation de différents pays européens sur les asiles essaye d’imposer la rencontre entre médecin et patient, au moins au début de l’internement du patient. La loi belge de 1850 prévoit explicitement :

  • 16 Sander Adolf, Die Irrengesetze in Frankreich, op. cit., p. 182.

Pendant chacun des cinq premiers jours de son admission, l’aliéné sera visité par le médecin de l’établissement. Celui-ci consignera sur un registre […] ses observations et le jugement qu’il en aura tiré. […] Il consignera ultérieurement sur le même registre, au moins tous les mois, les changements survenus dans l’état mental de chaque malade16.

  • 17 Andrew Scull affirme que vu son impuissance thérapeutique, le psychiatre n’avait aucun intérêt à ét (...)
  • 18 Dans les institutions psychiatriques pour patients aisés, il y a dès le XIXe siècle une relation mé (...)
  • 19 Schmiedebach Heinz-Peter, « Eine “antipsychiatrische Bewegung” um die Jahrhundertwende », dans Ding (...)

7Mais ce cadre législatif n’empêche pas la pauvreté de ces registres médiaux : l’habituel RAS (rien à signaler) mensuel est un indice parmi d’autres que la relation entre malade et psychiatre est peu fournie17. Les nombreux scandales qui sont à l’origine d’une première vague antipsychiatrique dans la deuxième moitié du XIXe siècle dans plusieurs pays européens montrent également que la relation patient-médecin dans la grande majorité des asiles18 est loin d’être quotidienne et qu’elle est caractérisée par le non-respect de la législation relative aux aliénés19.

  • 20 Goldstein Jan, Console and classify: The French psychiatric profession in the nineteenth century, C (...)
  • 21 Régis Emmanuel, Manuel pratique de médecine mentale, Paris, Octave Doin, 1885.
  • 22 « … car le gardien traitera le malade comme il sera traité lui-même, et malheureusement nous devons (...)

8Le terme de soin ne fait d’ailleurs pas nécessairement sens au XIXe siècle. Dans son étude désormais classique (et peut-être dépassée), Jan Goldstein décrit la pratique des psychiatres comme « Console and classify »20. De même, les manuels de psychiatrie n’accordent guère d’importance à la question du soin et contiennent essentiellement des discussions nosographiques. Dans le Manuel pratique de médecine mentale d’Emmanuel Régis, par exemple, qui connaît six éditions entre 1885 et 1926, la conduite médicale est résumée à travers deux pratiques : « diagnostic » et « séquestration »21. Autre exemple, dans son Lehrbuch der Psychiatrie für Ärzte und Studierende, Rudolf Arndt, professeur de psychiatrie à Greifswald, ne consacre qu’un petit et dernier chapitre à la pratique psychiatrique dans lequel il écrit : denn wie der Wärter behandelt wird, so behandelt er auch den Kranken, und leider müssen wir ja diesen Letzteren viel mehr in seinen Händen lassen, als es uns von vornherein lieb ist22. »

9L’entre-deux-guerres se caractérise dans la plupart des pays européens par deux mouvements – a priori contradictoires – mais qui remettent tous deux la notion de soin au centre de la relation entre médecin et patient.

  • 23 Schmuhl Hans-Walter et Roelcke Volker (dir.), « Heroische Therapien ». Die deutsche Psychiatrie im (...)
  • 24 Gawlich M., « Therapeutical practices in psychiatric patient files. Methodological questions betwee (...)
  • 25 Nolan Peter, A History of mental health nursing, Londres, Nelson Thornes, 2000, p. 7.
  • 26 Majerus Benoît, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au XXe siècle, Rennes, PUR, (...)

10D’une part, les thérapies dites « héroïques »23 – cure d’insuline et de cardiazol, électrochocs, lobotomie – obligent le médecin à revenir au chevet des patients. La technicité des actes, la dangerosité de ces thérapies, les nouvelles manières d’écriture du patient24 replacent le médecin au centre du dispositif, du moins au moment de leur introduction. Cependant, deux phénomènes viennent nuancer ce récit. D’abord, ces thérapies intensifient davantage une relation de type médicale entre personnel soignant et patients parce que la présence des psychiatres n’est pas nécessaire pendant toute la durée de ces thérapies et que les infirmières s’approprient rapidement une partie des gestes techniques25. Ensuite le pourcentage de patients qui sont soumis à ces nouvelles thérapies reste relativement limité (entre 5 % et 15 %)26. La psychiatrie biologique ne deviendra une thérapie généralisée que dans les années 1960 avec la généralisation des neuroleptiques.

  • 27 Dicks Henry Victor, Fifty years of the Tavistock clinic, Londres, Routledge, 1970.
  • 28 Thomas Gregory M., « Open psychiatric services in interwar France », History of Psychiatry, no 15-2 (...)
  • 29 Henckes Nicolas, Le nouveau monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réform (...)
  • 30 Oosterhuis Harry, « Between institutional psychiatry and mental health care: Social psychiatry in t (...)

11D’autre part, plusieurs mouvements sociaux établissent dans l’entre-deux-guerres une psychiatrie en dehors de l’asile. C’est le cas de la Tavistock Clinic ouverte en 1920 à Londres27, du Service Libre de Prophylaxie Mentale d’Édouard Toulouse, fondée en 1922 à Paris28 ou encore de l’Afdeeling voor Zenuw- en Geesteszieken d’Arie Querido, dans l’Amsterdam des années 1930. Ces institutions reposent le plus souvent sur des dispositifs particuliers. D’une part le médecin y est en contact répété et individuel avec les patients, par exemple lors d’une psychothérapie. D’autre part, le soin est souvent assuré dans une approche multidisciplinaire qui comprend la psychiatrie mais également d’autres disciplines médicales, des psychologues ou des assistantes sociales. Ceci dit, ces services restent finalement trop petits pour annoncer un changement dans les pratiques psychiatriques. En 1922, le service de Toulouse compte 118 lits : presque 71 000 lits psychiatriques existent à ce moment en France29. Seuls les Pays-Bas connaissent un véritable développement d’une psychiatrie sociale. Dans les années 1930, la moitié des 39 asiles disposent de structures extra-hospitalières30.

Une histoire d’infirmières psychiatriques ?

  • 31 Ce constat n’est pas très nouveau. En 1985 déjà Anne Digby intitulait son chapitre consacré aux gar (...)

12Si dans la pratique psychiatrique, les médecins ne sont guère en contact avec les patients pendant la plus grande partie du XIXe siècle et XXe siècle, c’est le troisième personnage du triangle médecin-patient-infirmière qui devrait davantage se trouver au centre de l’attention historiographique. Or l’histoire des infirmières reste largement inexplorée par les historiens travaillant sur la psychiatrie31. Les études sont rares et restent le plus souvent enfermées dans un récit whiggish par lequel le groupe socio-professionnel tente de se créer une identité et une légitimité à travers un récit téléologique et glorificateur sur le passé.

  • 32 Brugère Fabienne, « Jusqu’où ira le care ? », La Vie des idées, 4 octobre 2010. http://www.laviedes (...)
  • 33 Sedgwick Amy, Cockburn Lynn et Trentham Barry, « Exploring the mental health roots of occupational (...)
  • 34 Dans la description des tâches des attendants en Grande-Bretagne au milieu du XIXe siècle quatre fo (...)
  • 35 Hickey Daniel, « Nuns and nurses : Debates on new Nursing programs and improving the training of “s (...)
  • 36 Richelle Sophie, Les « folles » de Bailleul. Expériences et conditions d’internement dans un asile (...)

13La « nécessité relationnelle »32 qui caractérise pour Fabienne Brugère le soin, décrit très bien le rapport entre patient et personnel soignant – le psychiatre en est absent. Réunie dans la catégorie contemporaine de profession para-médicale, cette catégorie est très hétérogène : on y trouve des gardiens, des sœurs religieuses, des infirmières, des ancien(ne)s patient(e)s et à partir des années 1970 toute une nouvelle panoplie de professions qui comprend des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes, des assistantes sociales33… Dans la définition de ces métiers, la relation directe avec le patient est souvent considérée comme essentielle, en revanche la notion de soin n’est pas toujours exprimée explicitement34. Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, la désignation de ce personnel indique que le soin n’est pas considéré comme leur première fonction. « Gardien » ou « garde-malade »35 si ce n’est « filles de services », « servantes », « hospitalières » ou « domestiques » en français36, Wärter en allemand ou keeper en anglais, leur activité principale est de surveiller les reclus. En Angleterre le terme keeper est au milieu du XIXe siècle remplacé par celui de attendant, indiquant une transition du « gardiennage » vers l’« entretien », le « soin » restant marginal.

  • 37 Pour les Pays-Bas : Boschma Geertje, The rise of mental health nursing: A history of psychiatric ca (...)
  • 38 Burr Colonel Bell, A handbook of psychology and mental disease for use in training-schools for atte (...)

14À partir du dernier quart du XIXe siècle, certains psychiatres commencent à développer des exigences professionnalisantes pour ce personnel hétérogène. Que ce soit en France, en Belgique ou en Allemagne, les revues de psychiatrie se remplissent d’articles relatifs à la nécessité de le former. Les premières écoles en soins infirmiers psychiatriques sont créées : 1877 pour la France, 1901 pour les Pays-Bas.37 Parallèlement, l’État commence à légiférer sur ces métiers qu’il n’avait pas pris en considération lors des premières lois psychiatriques au milieu du XIXe siècle. Au Luxembourg, par exemple, une loi « concernant l’organisation du personnel de la Maison de santé d’Ettelbruck [l’asile psychiatrique du Grand-Duché] » est votée en 1901. Cette « normalisation » du métier conduit également à la rédaction de manuels qui s’adressent spécifiquement au personnel soignant travaillant dans des asiles. S’ils restent dans un premier temps solidement inscrits dans le paradigme de la surveillance, ces manuels accordent une attention grandissante à la notion du soin. Contrairement aux médecins qui construisent leur légitimité de plus en plus sur un savoir scientifique autour d’un organe – pour les psychiatres ce sera le cerveau –, l’infirmière construit son identité autour de la relation avec le malade. On peut néanmoins déceler sur le long terme une évolution dans la définition de leur rôle : de la charité – s’occuper des aliénés n’est pas très différent de s’occuper des pauvres – vers une définition qui intègre de plus en plus un vocabulaire médical. Ainsi A Handbook of Psychology and Mental Disease for Use in Training-Schools for Attendants and Nurses and in Medical Classes qui va accompagner la professionnalisation des infirmières psychiatriques en Grande-Bretagne pendant cinquante ans à travers six éditions témoigne de ce changement. Dans sa quatrième édition de 1914, le chapitre intitulé Management of cases of insanity from the nursing standpoint, on lit : « The successful management of cases of insanity necessitates recognition of the physical basis of mental disease, and the direction of treatment to the brain, the organ of the mind38. »

  • 39 Nolan Peter, A History of Mental Health Nursing, op. cit. ; Boschma Geertje, The rise of mental hea (...)
  • 40 « Rapport de la Fondation Julie Renson », Acta Neurologica et Psychiatrica Belgica, n° 60-2 1960, p (...)
  • 41 L’histoire de la professionnalisation des infirmières psychiatriques est fortement marquée par la n (...)

15La discussion dans les revues médicales, la législation concernant ces métiers et la publication de manuels qui leur sont destinés spécifiquement sont toutes des indices d’une professionnalisation accrue, professionnalisation dont un des fils rouges est la volonté de remplacer la notion de gardiennage par la notion de soin. Mais cette professionnalisation ne doit pas être surestimée. Les rares monographies consacrées à l’histoire des infirmières39 montrent qu’elle se met en place tardivement et qu’elle prend du temps. Par ailleurs, l’utilisation du mot générique « infirmière » ne doit pas faire oublier qu’à côté de ces hommes et femmes ayant suivi un enseignement, il y a toute une panoplie de petites mains qui sont très présentes dans les salles avant l’imposition généralisée de personnel formé. En 1960, le soin des 25 000 malades mentaux en Belgique est assuré par 617 infirmières (hospitalières et psychiatriques) et 1 898 hommes et femmes sans ou avec une formation rudimentaire40. Complètement absentes du récit historiographique parce qu’elles laissent peu de traces, mais aussi parce que peu professionnalisées et donc peu à la recherche d’un passé légitimant, ces personnes sont souvent celles qui sont le plus en interaction quotidienne avec les patients41.

  • 42 Smith Leonard D., « Behind closed doors ; Lunatic asylum keepers, 1800-60 », Social History of Medi (...)
  • 43 Wright David, « Asylum nursing and institutional service: A case study of the south of England, 186 (...)
  • 44 Dingwall Robert, Rafferty Anne Marie et Webster Charles, An introduction to the social history of n (...)

16Pour les psychiatres cette professionnalisation est jugée d’autant plus nécessaire que les classes sociales dont sont issues les infirmières sont mal perçues. Exercer ce métier n’était certes pas réservé aux classes sociales les plus basses et à d’anciens patients comme quelques médecins-réformateurs l’ont prétendu à la fin du XIXe siècle, affirmations reprises par des historiens du social dans les années 1970 et 198042. Mais à un moment où la domesticité perd en importance, les asiles psychiatriques constituent néanmoins des opportunités inespérées pour beaucoup de femmes issues de milieux populaires43, surtout lorsqu’on se rappelle l’importance du secteur asilaire au XIXe siècle où les lits psychiatriques constituaient la majorité des lits hospitaliers existants44.

17Cette réflexion sur le soin à travers les infirmières psychiatriques ouvre des pistes sur lesquelles les historiens se sont peu ou pas du tout engagés.

  • 45 Gubin Éliane (dir.), Femmes et médecine, Bruxelles, ULB, 1995.
  • 46 Cité d’après Piette Valérie, « Des “infirmières” avant les infirmières. Le personnel soignant laïqu (...)
  • 47 Dans un tout autre contexte, cette inversion de la perspective a permis de renouveler le regard his (...)

18D’abord, l’historiographie se limite souvent à étudier les relations médecins-infirmières, résumées à travers une double soumission : celle de l’infirmière à la hiérarchie médicale et celle de la femme à l’homme45. Mais en déplaçant le regard vers la relation infirmière-patient, une tout autre histoire de ces femmes apparaît. Sans aller aussi loin que certains journalistes du XIXe siècle qui titraient « Infirmières Bourreaux »46, ce changement de regard permet non seulement de sortir l’histoire des infirmières de celle d’une subordination, mais également de s’interroger sur des formes de domination et de violence exercées par ces femmes47.

  • 48 Guillemain Hervé, « La religion de l’asile (1830-1870) », Romantisme, no 3, 2008, p. 11-21.
  • 49 Comme toujours il y a des exceptions : Kocherscheidt Benjamin, Deutsche Irrenärzte und Irrenseelsor (...)
  • 50 Majerus Benoît et Roekens Anne, « Espaces psychiatriques, espaces religieux », dans Roekens Anne (d (...)
  • 51 Guillemain Hervé, Diriger les consciences, guérir les âmes : une histoire comparée des pratiques th (...)
  • 52 Majerus Benoît, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au XXe siècle, op. cit.
  • 53 Hickey Daniel, « Nuns and nurses », op. cit.

19Deuxième problématique, celle de « la religion à l’asile », pour modifier légèrement le titre d’un article d’Hervé Guillemain48. Dans de nombreuses régions catholiques de l’Europe, le soin infirmier est majoritairement assuré par des congrégations masculines et féminines et ceci jusqu’aux années 1950-1960. La chronologie de laïcisation connaît des rythmes différents : bien engagée en France dès la fin du XIXe siècle, elle est, par exemple, beaucoup plus tardive en Belgique. Même dans les régions à dominante protestante, l’influence religieuse est très prégnante, l’exemple le plus connu étant le York Retreat, profondément marqué par la Société religieuse des Amis. L’historiographie des religions et l’historiographie de la psychiatrie ne se sont guère croisées jusqu’à aujourd’hui49. Or, non seulement les espaces sont marqués par cette inscription religieuse50, mais également le sens et la pratique des soins. Certes quelques rares travaux, d’ailleurs limités au XIXe siècle, abordent le sujet, mais la pratique des sœurs et des frères hospitaliers y est peu analysée. Les auteurs se limitent le plus souvent à la relation entre psychiatre et patient et au rôle que la religion y joue – soit comme vocabulaire utilisé par les patients, soit comme élément salvateur/pathogène51. Les configurations dans lesquelles les infirmières laïques du XXe siècle exercent leur pratique de soins psychiatriques restent d’ailleurs profondément marquées par cet héritage du XIXe siècle. Dans l’Institut de Psychiatrie à Bruxelles, fleuron d’une psychiatrie qui revendique sa laïcité dans un pays où les congrégations dominent largement les soins psychiatriques, la vie des infirmières (leur habitat, la manière de s’habiller, le règlement…) continue à s’inscrire dans une logique monacale jusqu’aux années 196052. De même, le vocabulaire pour parler de leur métier reste fortement marqué par le religieux : « vocation », « conversion », « consolation »53… L’opposition récurrente entre personnel laïc et religieux doit donc être nuancée.

  • 54 Présent dans la notion anglaise de care mais moins dans la version française de « soin » : Paperman(...)
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  • 57 Ce regard qui veut aborder le « souci de l’autre » pose donc la question des archives. Si les dossi (...)

20Finalement la littérature sur le care accorde une attention particulière aux émotions comme l’empathie, la compassion ou la sollicitude54. À part à travers une histoire des idées55, ces concepts n’ont pas encore été contextualisés par une historiographie des émotions ou des pratiques hospitalières. À cette question de l’empathie, se trouve également liée une histoire des motivations non marchandes de ces infirmières. Comment réussir à aborder – en s’intéressant aux soins – les motivations mises en avant par infirmières et médecins telles que « sacrifice », « charité », « foi »… ? Se pose bien sûr un problème de sources. Il y a d’un côté une littérature grise très importante – petites revues limitées à une congrégation, à quelques asiles régionaux56… Le bon « soin » y est en permanence défini, explicité, réinterprété… Au-delà de ces représentations normatives du soin, la question de la mise en pratique des mots comme « bonté », « tact », « affection » reste difficilement accessible pour l’historien. Si les archives produites par les psychiatres sont généralement sauvegardées, les notes rédigées par les infirmières et qui permettent de retracer leurs pratiques sont rarement conservées57.

  • 58 Ankele Monika, Alltag und Aneignung in Psychiatrien um 1900 : Selbstzeugnisse von Frauen aus der Sa (...)
  • 59 Pieters Toine et Snelders Stephen, « Standardizing psychotropic drugs and drug practices in the twe (...)

21Après avoir longtemps été marquée par un récit progressiste et linéaire essentiellement porté par les médecins, l’historiographie psychiatrique a connu une réorientation importante à partir des années 1960. Dans le contexte plus large d’une critique des institutions, le côté répressif de la psychiatrie a alors été mis en avant. Jusqu’à aujourd’hui, cette coloration antipsychiatrique est explicitement ou implicitement présente dans la plupart des réflexions produites par les chercheurs en sciences sociales et humaines qui travaillent sur la psychiatrie. Cette tendance a réussi à porter l’historiographie d’une manière féconde pendant plusieurs décennies mais elle montre depuis quinze ans des signes d’essoufflement. Différentes voies ont depuis lors été explorées pour renouveler le récit : l’histoire sociale des années 1970 s’est ouverte à l’histoire culturelle et à l’anthropologie historique58, les Science and Technology Studies se sont avérées fructueuses pour l’histoire de la psychiatrie au XXe siècle59. Intégrer la notion de care pourrait également participer au renouvellement du récit et dépasser les deux perspectives réductrices adoptées jusqu’à présent.

  • 60 Quétel Claude, « Garder les fous dans un asile de province au XIXe siècle. Le Bon-Sauveur de Caen [ (...)
  • 61 Moreau Delphine, De qui se soucie-t-on ? Le care comme perspective politique, http://cir-sp.org/lec (...)
  • 62 Barlett Peter et Wright David (dir.), Outside the walls of the asylum: on ‘care and community’ in m (...)
  • 63 Eghigian Greg, « Deinstitutionalizing the history of contemporary psychiatry », History of Psychiat (...)

22Le care appelle à une véritable réflexion de la dépendance qui ne nie pas les dissymétries qui existent entre soignés et soignants, mais qui ne limite pas le questionnement à la question de la domination. Historiciser la notion de soin, prendre au sérieux les qualités – souvent qualifiées de « féminines » – que nécessite le « souci d’autrui » comme la douceur, l’empathie…, s’interroger sur la question de la vulnérabilité du fou… autant de points qui restent largement négligés par les historiens. Ce déplacement du regard amène dans la focale de l’histoire, les infirmières, trop souvent négligées, mais également un monde de petites (et moins petites) mains. Rendre visibles ces personnages permet également par moment de « dégenrer » la notion du care – une revendication récente des care-studies –, car ces « serviteurs » ne sont pas que des femmes60. La définition du soin donné par et pour des hommes/femmes connaît des articulations spécifiques. Ainsi, en Angleterre, il y a des manuels différents pour attendants masculins et nurses féminines. Finalement, en s’intéressant à la répartition de ces pratiques61, le care permet également de renouveler l’histoire de la folie dont le soin ne se déroule justement pas seulement à l’intérieur des asiles62. L’historien, par facilité archivistique, se focalise trop sur l’institution hospitalière et néglige et sous-estime la prise en charge par la famille, les communautés villageoises… L’intérêt porté au soin oblige l’historien à quitter l’hôpital psychiatrique et permet donc une désinstitutionnalisation de l’historiographie psychiatrique63.

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Notes

2 Sander Adolf, Die Irrengesetze in Frankreich, Genf, den Niederlanden, England, Norwegen, Belgien und Schweden, Berlin, August Hirschwald, 1863, p. 1.

3 Ibid.

4 Journée d’étude Le soin, histoire d’une relation Europe (XIXe-XXe s.), Paris I et Centre d’histoire de Sciences Po, 4 juin 2014.

5 Bien que le livre de Michel Foucault Surveiller et punir porte sur le milieu carcéral et non sur l’institution psychiatrique, une lecture simpliste de l’œuvre foucaldienne a souvent réduit les pratiques psychiatriques à une fonction disciplinaire, occultant la question des soins.

6 Moncrieff Joanna, The myth of the chemical cure: A critique of psychiatric drug treatment, Basingstoke, New York, Palgrave Macmillan, 2008.

7 Henckes Nicolas, « Réformer et soigner. L’émergence de la psychothérapie institutionnelle en France, 1944-1955 », dans Arveiller Jacques (dir.), Psychiatries dans l’histoire, Caen, PUC, 2008, p. 277-288.

8 Brown Phil, The transfer of care: Psychiatric deinstitutionalization and its aftermath, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1985.

9 Assistante sociale, psychologue, ergothérapeute… sont autant de nouveaux métiers qui rentrent à l’hôpital psychiatrique et dont l’histoire reste encore largement à écrire. Des débuts d’historicisation se trouvent dans des monographies comme Guillemain Hervé, Chronique de la psychiatrie ordinaire : patients, soignants et institutions en Sarthe du XIXe au XXIe siècle, Le Mans, Éditions de la Reinette, 2010 ; Roekens Anne (dir.), Des murs et des femmes : cent ans de psychiatrie et d’espoir au Beau-Vallon, Namur, Presses universitaires de Namur, 2014, p. 127-156.

10 Dubet François, Le déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.

11 Pinel Philippe, Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale, ou La manie, Paris, Richard, 1800, p. 46-47.

12 Dans le monde germanophone, l’approche somatique est dominante au XIXe siècle.

13 Digby Anne, Madness, morality and medicine: A study of the York Retreat, 1796-194, Cambridge, CUP, 1985.

14 La multiplicaton de psychiatres dans les hôpitaux et la création de nombreuses structures extrahospitalières à partir des années 1960 interrogent certainement ce constant généralisant.

15 Guillemain Hervé, « Médecine et religion au XIXe siècle », Le Mouvement Social, n° 215, 2006/2, no 2, p. 41.

16 Sander Adolf, Die Irrengesetze in Frankreich, op. cit., p. 182.

17 Andrew Scull affirme que vu son impuissance thérapeutique, le psychiatre n’avait aucun intérêt à établir une relation avec les patients qui étaient des puissants arguments de délégitimation : Scull Andrew, Museums of madness: The social organization of insanity in nineteenth-century England, New York, St. Martin’s Press, 1979, p. 181.

18 Dans les institutions psychiatriques pour patients aisés, il y a dès le XIXe siècle une relation médecin-client où le contact quotidien avec le médecin fait partie des « services » offerts par l’institution : McKenzie Charlotte, Psychiatry for the rich: A history of Ticehurst Private Asylum, 1792-1917, Londres, New York, Routledge, 1992 ; Marazia Chantal, Die unendliche Heilung Aby Warburgs Krankengeschichte, Zurich, Berlin, Diaphanes, 2007.

19 Schmiedebach Heinz-Peter, « Eine “antipsychiatrische Bewegung” um die Jahrhundertwende », dans Dinges Martin (dir.), Medizinkritische Bewegungen im Deutschen Reich (ca. 1870-1933), Stuttgart, Franz Steiner, 1996, p. 127-159 ; Fauvel Aude, « Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 1/49, 2002, p. 195-216 ; Godart Gauthier, Un drame dans une maison de fous. L’affaire d’Evere, mémoire de maîtrise, Université catholique de Louvain, 2012.

20 Goldstein Jan, Console and classify: The French psychiatric profession in the nineteenth century, Cambridge, CUP, 1987.

21 Régis Emmanuel, Manuel pratique de médecine mentale, Paris, Octave Doin, 1885.

22 « … car le gardien traitera le malade comme il sera traité lui-même, et malheureusement nous devons trop souvent laisser le malade aux mains du gardien. », traduction par l’auteur (Arndt Rudolf, Lehrbuch der Psychiatrie für Ärzte und Studierende, Vienne, Urban & Schwarzenberg, 1883, p. 579).

23 Schmuhl Hans-Walter et Roelcke Volker (dir.), « Heroische Therapien ». Die deutsche Psychiatrie im internationalen Vergleich 1918-1945, Göttingen, Wallstein, 2013.

24 Gawlich M., « Therapeutical practices in psychiatric patient files. Methodological questions between absence and positivism », Walferdange, 23 avril 2014.

25 Nolan Peter, A History of mental health nursing, Londres, Nelson Thornes, 2000, p. 7.

26 Majerus Benoît, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au XXe siècle, Rennes, PUR, 2013, p. 213-232 ; Beyer C., « Die Einführung der “heroischen” Therapien in den Heil- und Pflegeanstalten der Provinz Hannover 1936-1939 », dans Schmuhl Hans-Walter et Roelcke Volker (dir.), « Heroische Therapien », op. cit., p. 235.

27 Dicks Henry Victor, Fifty years of the Tavistock clinic, Londres, Routledge, 1970.

28 Thomas Gregory M., « Open psychiatric services in interwar France », History of Psychiatry, no 15-2, 2004, p. 131-153.

29 Henckes Nicolas, Le nouveau monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réforme des hôpitaux psychiatriques de l’après-guerre aux années 1970, Thèse, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2007, p. 145 ; Vallin Jacques et Meslé France, « La population des établissements psychiatriques : évolution de la morbidité ou changement de stratégie médicale ? », Population, n° 36-6, 1981, p. 1039.

30 Oosterhuis Harry, « Between institutional psychiatry and mental health care: Social psychiatry in the Netherlands, 1916-2000 », Medical history, n° 48-4, 2004, p. 413-428.

31 Ce constat n’est pas très nouveau. En 1985 déjà Anne Digby intitulait son chapitre consacré aux gardiennes psychiatriques « A hidden dimension: the asylum attendant » (Digby Anne, Madness, morality and medicine, op. cit., p. 140).

32 Brugère Fabienne, « Jusqu’où ira le care ? », La Vie des idées, 4 octobre 2010. http://www.laviedesidees.fr/Jusqu-ou-ira-le-care.html.

33 Sedgwick Amy, Cockburn Lynn et Trentham Barry, « Exploring the mental health roots of occupational therapy in Canada: A historical review of primary texts from 1925-1950 », Canadian Journal of Occupational Therapy, n° 74-5, 2007, p. 407-417.

34 Dans la description des tâches des attendants en Grande-Bretagne au milieu du XIXe siècle quatre fonctions sont énumérées : « gardiennage », « lien entre psychiatre et patient », « guide spirituel », « domestique » : Nolan Peter, A History of Mental Health Nursing, op. cit., p. 53-55.

35 Hickey Daniel, « Nuns and nurses : Debates on new Nursing programs and improving the training of “secondary hospital personnel” in France, 1890-1910 », Nursing History Review, n° 17-1, 2009, p. 98. En Espagne, les hommes sont appelés « padres » : Desmaisons Dupallans Joseph Guillaume, Des asiles d’aliénés en Espagne, recherches historiques et médicales, Paris, Baillière, 1859, p. 83.

36 Richelle Sophie, Les « folles » de Bailleul. Expériences et conditions d’internement dans un asile français (1880-1914), Bruxelles, Université des femmes, 2014, p. 105 ; De Brouwer M., Des « bonnes soeurs » aux infirmières. La sécularisation et la professionnalisation des soins aux femmes aliénées de l’Institut du Beau Vallon entre 1914 et 1982, mémoire de master, Université catholique de Louvain, 2013.

37 Pour les Pays-Bas : Boschma Geertje, The rise of mental health nursing: A history of psychiatric care in Dutch asylums, 1890-1920, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2003, p. 106. Pour la France : Jaeger Marcel, « L’infirmier en santé mentale : un professionnel », dans Aïach Pierre et Fassin Didier (dir.), Les métiers de la santé mentale : enjeux de pouvoir et quête de légitimité, Paris, Anthropos, 1994, p. 268. En Suisse ce n’est qu’en 1957 qu’une telle école est créée : Braunschweig Sabine, Zwischen Aufsicht und Betreuung. Berufsbildung und Arbeitsalltag der Psychiatriepflege am Beispiel der Basler Heil- und Pflegeanstalt Friedmatt, 1886-1960, Zurich, Chronos Verlag, 2013, p. 130.

38 Burr Colonel Bell, A handbook of psychology and mental disease for use in training-schools for attendants and nurses and in medical classes, and as a ready reference for the practitioner, Philadelphie, Davis, 1914.

39 Nolan Peter, A History of Mental Health Nursing, op. cit. ; Boschma Geertje, The rise of mental health nursing…, op. cit.

40 « Rapport de la Fondation Julie Renson », Acta Neurologica et Psychiatrica Belgica, n° 60-2 1960, p. 154-243.

41 L’histoire de la professionnalisation des infirmières psychiatriques est fortement marquée par la notion de « retard », notamment en comparaison avec les infirmières somatiques. Pourtant, une autre vision apparaît lorsqu’elle est mise, par exemple, en relation avec celle des soins aux personnes âgées : Majerus Benoît, « History of professional elder care », dans Boll T., Ferring Dieter et Valsiner J. (dir.), Cultures of Care - Handbook of Gerontopsychology, Charlotte, Information Age Publishers, à paraître.

42 Smith Leonard D., « Behind closed doors ; Lunatic asylum keepers, 1800-60 », Social History of Medicine, n° 1-3, 1988, p. 301-327.

43 Wright David, « Asylum nursing and institutional service: A case study of the south of England, 1861-1881 », Nursing History Review, n° 7-1, 1999, p. 153-169.

44 Dingwall Robert, Rafferty Anne Marie et Webster Charles, An introduction to the social history of nursing, Londres, 1988, p. 125.

45 Gubin Éliane (dir.), Femmes et médecine, Bruxelles, ULB, 1995.

46 Cité d’après Piette Valérie, « Des “infirmières” avant les infirmières. Le personnel soignant laïque dans les hôpitaux bruxellois au 19e siècle », Sextant, n° 3, 1994, p. 49.

47 Dans un tout autre contexte, cette inversion de la perspective a permis de renouveler le regard historiographique : Mailander Koslov Elissa, Gewalt im Dienstalltag: die SS-Aufseherinnen des Konzentrations- und Vernichtungslagers Majdanek, Hambourg, Hamburger Edition, 2009.

48 Guillemain Hervé, « La religion de l’asile (1830-1870) », Romantisme, no 3, 2008, p. 11-21.

49 Comme toujours il y a des exceptions : Kocherscheidt Benjamin, Deutsche Irrenärzte und Irrenseelsorger. Ein Beitrag zur Geschichte von Psychiatrie und Anstaltsseelsorge im 19. Jahrhundert, PhD, Universität Hamburg, Hambourg, 2010.

50 Majerus Benoît et Roekens Anne, « Espaces psychiatriques, espaces religieux », dans Roekens Anne (dir.), Des murs et des femmes…, op. cit., p. 35-52.

51 Guillemain Hervé, Diriger les consciences, guérir les âmes : une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses, 1830-1939, Paris, La Découverte, 2006.

52 Majerus Benoît, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au XXe siècle, op. cit.

53 Hickey Daniel, « Nuns and nurses », op. cit.

54 Présent dans la notion anglaise de care mais moins dans la version française de « soin » : Paperman Patricia et Laugier Sandra, Le souci des autres : éthique et politique du care, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en sciences sociales, 2006.

55 Hochmann Jacques, Une histoire de l’empathie : connaissance d’autrui, souci du prochain, Paris, O. Jacob, 2012.

56 Pour la Belgique on peut penser à Caritas créé en 1908 ou à Ziekenverpleging /Psychiatrie en Verpleging créée en 1924.

57 Ce regard qui veut aborder le « souci de l’autre » pose donc la question des archives. Si les dossiers des patients alimentent l’historiographie de la psychiatrie depuis une trentaine d’années, ils n’ont guère été utilisés pour écrire une histoire des infirmières psychiatriques. Or, il est rare de trouver des séries complètes de notices d’infirmières. Il n’est donc pas étonnant que l’histoire des infirmières repose davantage que d’autres récits historiographiques issues du monde médical et soignant sur l’histoire orale qui ne constitue pas une solution pour l’histoire du XIXe et premier XXe siècle.

58 Ankele Monika, Alltag und Aneignung in Psychiatrien um 1900 : Selbstzeugnisse von Frauen aus der Sammlung Prinzhorn, Vienne, Böhlau, 2009.

59 Pieters Toine et Snelders Stephen, « Standardizing psychotropic drugs and drug practices in the twentieth century : Paradox of order and disorder », Studies in History and Philosophy of Science Part C : Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences, n° 42-4, 2011, p. 412-414.

60 Quétel Claude, « Garder les fous dans un asile de province au XIXe siècle. Le Bon-Sauveur de Caen [Deuxième partie] », Annales de Normandie, n° 29-2, 1979, p. 194. Pour l’Angleterre des années 1920, Peter Nolan donne les chiffres suivants : 7 418 hommes et 9 531 femmes travaillent comme « non-médecins » dans les 97 asiles de l’époque : Nolan Peter, A History of Mental Health Nursing, op. cit., p. 85. J’ai utilisé la forme féminine à travers tout l’article parce qu’on assiste à une montée graduelle de la part des femmes tout au long du XXe siècle, montée considérée comme un signe d’amélioration des soins : Boschma Geertje, The rise of mental health nursing, op. cit., p. 175-196.

61 Moreau Delphine, De qui se soucie-t-on ? Le care comme perspective politique, http://cir-sp.org/lecare/index.php?post/2010/De-qui-se-soucie-t-on-Le-care-comme-perspective-politique, consulté le 2 juin 2014.

62 Barlett Peter et Wright David (dir.), Outside the walls of the asylum: on ‘care and community’ in modern Britain and Ireland, Londres, Athlone Press, 1999.

63 Eghigian Greg, « Deinstitutionalizing the history of contemporary psychiatry », History of Psychiatry, n° 22-2, 2011, p. 201-214.

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Pour citer cet article

Référence papier

Benoît Majerus, « Surveiller, punir et soigner ? »Histoire, médecine et santé, 7 | 2015, 51-62.

Référence électronique

Benoît Majerus, « Surveiller, punir et soigner ? »Histoire, médecine et santé [En ligne], 7 | printemps 2015, mis en ligne le 29 mai 2017, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/789 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.789

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Auteur

Benoît Majerus

Benoît Majerus est enseignant-chercheur à l’Université du Luxembourg. Il a récemment publié Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au XXe siècle, Rennes, PUR, 2013.

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