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Dossier thématique : Soins

Retrouver le patient colonisé

Les soins aux « indigènes » dans l’Algérie coloniale (fin XIXe siècle-années 1930)
Claire Fredj
p. 37-50

Résumés

Jusqu’à quel point la situation coloniale donne-t-elle sa spécificité à la relation de soin ? Le refus médical, souvent mis en avant dans l’Algérie colonisée, n’est pas la seule attitude que signalent les sources. Les démarches volontaires pour aller voir un soignant français existent, ce dès la fin du XIXe siècle et plus nettement dans l’entre-deux-guerres. Après avoir esquissé l’offre médicale dans les campagnes algériennes, il s’agira de voir en quels termes une demande médicale s’exprime, les obstacles aux soins à différents niveaux et ce que l’on peut savoir du face-à-face patient-médecin, de l’usage des médicaments et de l’observance médicale.

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Texte intégral

  • 1 Service historique de la Défense (Vincennes), 68/31, Henri Cénac, une tournée médicale dans le cerc (...)

1En 1865, le médecin militaire Henri Cénac, attaché aux bureaux arabes du cercle de Batna, note que la suite d’étapes qui conduit le patient de la consultation à l’ordonnance puis au pharmacien est « rarement comprise par l’Arabe [qui] s’en va tout droit chez le pharmacien auquel il demande du remède pour la tête […] et le plus souvent en même temps sa consultation [...] Malheureusement, des faits de ce genre sont trop fréquents chez les Européens »1. L’officier de santé informe ainsi du fait que les « Arabes » peuvent avoir recours à la médecine française, mais que le patient-colonisé correspond peu au patient idéal, pas plus d’ailleurs que le patient-colon. La similitude des attitudes vis-à-vis de la médecine officielle telle qu’elle est perçue par Cénac n’est évidemment pas totale dans la situation particulière de conquête et d’occupation qui caractérise l’Algérie. Jusqu’à quel point la situation coloniale donne-t-elle sa spécificité à la relation de soin ?

  • 2 FURST Lilian R., Between Doctors and Patients. The Changing Balance of Powers, Charlottesville, Uni (...)
  • 3 CHARON Rita, « To render the Lives of Patients », Literature and Medicine, 5, 1986, 58-74. CHARON R (...)
  • 4 LUPTON Deborah, « Power relations and the Medical Encounter », Medicine as Culture: illness, diseas (...)
  • 5 BUDD Susan et SHARMA Ursula (dir.), The Healing Bond. The Patient-Practitioner Relationship and the (...)
  • 6 PORTER Roy, « The Patient’s View: Doing Medical History from below », Theory and Society, n° 8, 199 (...)
  • 7 VAUGHAN Megan, Curing Their Ills: Colonial Power and African Illness, Palo Alto, Stanford Universit (...)
  • 8 SPIVAK Gayatri Chakravorty, « Can the Subaltern Speak ? », dans NELSON C. et GROSSBERG L. (dir.), M (...)

2Les études centrées sur la relation de soin ont insisté sur la remarquable absence du patient dans les histoires de la médecine, sur le fait que les patients étaient des présences « sans voix »2 à qui il s’agissait de « rendre leurs vies »3. La relation patient-médecin a surtout été étudiée par les sociologues et les anthropologues, les uns explorant la dimension de pouvoir à l’œuvre dans cette relation, les autres la vaste gamme des pratiques de santé ainsi que la variété des relations pouvant s’établir entre soignants et soignés, distinguant notamment les filtres susceptibles d’influer sur la relation thérapeutique dont les différences culturelles4. Longtemps considéré comme un non-expert, passif ou docile, l’identité du patient se construit désormais autour des notions de rationalité et d’agency5. En ce qui concerne l’histoire, l’intérêt pour le point de vue du patient commence véritablement autour des années 19906, mais rares sont les travaux qui prennent les patients des sociétés colonisées comme objet, quand bien même la mise en place des systèmes de soins, la formation et le travail concret des soignants en situation coloniale donnent lieu à d’importantes recherches7. Comment dès lors retrouver le patient colonisé et éventuellement le « faire parler »8 ?

  • 9 HEADRICK Daniel R., The tools of Empire: technology and European imperialism in the nineteenth cent (...)
  • 10 TURIN Yvonne, Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale, écoles, médecins, religion (1830-18 (...)
  • 11 LYONS Marynez, The colonial disease. A social history of sleeping sickness in northern Zaire (1900- (...)

3Tandis que la médecine, instrument ambivalent de la colonisation, a régulièrement été présentée par ses acteurs comme un moyen de gagner les cœurs, voire les âmes, élément d’une mission civilisatrice aux multiples facettes9, le rapport des colonisés à la médecine occidentale a d’abord été analysé sous l’angle du « refus médical »10. Peut-on parler de « patient » dans les sociétés coloniales, c’est-à-dire dans des sociétés où la médecine européenne s’impose souvent en étant autoritaire dans le cadre de grandes campagnes d’éradication de certaines maladies11 ou dans celui des systèmes d’assistance médicale indigène qui, souvent, se caractérisent par leur lourdeur administrative et des règles astreignantes de consultation ? Cette manière de faire laisse peu de place au « colloque singulier » entre le médecin et son patient, qui ferait l’essence de la relation de soin telle qu’elle se construit dans la médecine occidentale, quand bien même cela ne concerne qu’une partie de la population.

  • 12 MONNAIS Laurence, « Ordonnance coloniale, prescriptions médicales et changement social », Genèses, (...)
  • 13 ERNST Waldtraud, « Plural medicine, tradition and modernity. Historical and contemporary perspectiv (...)
  • 14 MONNAIS-ROUSSELOT Laurence, Médecine et colonisation, Paris, CNRS, 1999 ; CORNET Anne, Politiques d (...)
  • 15 RIEDER Philip, op. cit., p. 263.
  • 16 AMSTER Ellen J., Medicine and the Saints. Science, Islam and the Colonial Encounter in Morocco, 187 (...)

4Depuis une quinzaine d’années, l’histoire de la médicalisation en situation coloniale interroge les effets « de la rencontre entre une offre médicale complexe et une demande sociale éclatée »12. La participation des dominés est également davantage mise en avant dans ce processus, notamment caractérisé par des stratégies de consultations multiples révélatrices de la marginalité de la médecine occidentale (souvent qualifiée de moderne ou de « biomédecine », par opposition aux médecines autochtones, « traditionnelles ») et d’un pluralisme médical dont la réalité ne doit pas pour autant faire de la médecine un lieu en dehors des cadres du pouvoir et de la domination13. En 1999, Laurence Monnais-Rousselot posait la question fondamentale de savoir si les patients réagissaient en malades ou en colonisés, montrant combien la résistance à la vaccination antivariolique en Indochine pouvait être autant une résistance politique qu’une réaction aux dangers d’un vaccin imparfait. De même, plusieurs auteurs ont montré qu’à côté du refus de certaines pratiques douloureuses ou contraires aux codes de la pudeur en vigueur, d’autres soins émanant de soignants européens pouvaient être volontiers acceptés14. Derrière le refus médical, il est ainsi possible de déceler divers positionnements par rapport à une offre envisagée selon plusieurs critères, notamment l’efficacité et la proximité. Pour autant, et avec toutes les nuances qu’entraînent des situations coloniales très différentes selon les territoires, le rapport à la médecine ne peut se réduire au refus : les démarches volontaires pour aller voir un soignant français existent, qui augmentent en même temps que l’offre de soins se développe. L’existence de malades « clairement engagés dans une relation thérapeutique »15 ne signifie en rien la disparition d’une médecine « traditionnelle » qui perdure pour des raisons diverses, religieuses, médicales ou financières et qui peut, par ailleurs, connaître des évolutions16.

  • 17 MEYNIER Gilbert, L’Algérie révélée : la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Genè (...)

5Plusieurs sources permettent de cerner la manière dont le patient volontaire recherche le soin et celle dont il est dispensé dans l’Algérie colonisée : rapports du service de santé militaire, archives administratives de la santé publique – rapports mais aussi plaintes d’administrés envers les médecins de colonisation –, archives religieuses, celles notamment des missionnaires d’Afrique qui ont en charge des hôpitaux dits « indigènes » ainsi que de dispensaires. Dès la fin du XIXe siècle, ces écrits permettent de révéler quelques-unes des attentes en matière de santé, du côté du médecin le plus souvent, du côté du patient parfois. Ces indices sont plus nombreux au fur et à mesure que se multiplient les contacts médicaux dans l’entre-deux-guerres, une tendance que l’offre accrue de soins peut expliquer en partie, ainsi que des attentes nouvelles au sein de « l’Algérie révélée » par le conflit mondial17.

La présence médicale française dans les campagnes algériennes

  • 18 Voir CLARK Hannah-Louise, Doctoring the bled. Medical Auxiliairies and the Administration of rural (...)

6À côté des soignants algériens traditionnels (talebs, marabouts et qablas [matrones]), dont l’empirisme est, depuis le début de la conquête, régulièrement dénoncé par les autorités françaises, plusieurs catégories de soignants français exercent dans les campagnes algériennes où vit l’essentiel de la population dite « indigène » : des médecins militaires depuis 1830, des médecins de colonisation, officiellement à partir de 1853 – une centaine dans les premières décennies du XXe siècle sur une population d’environ 4 millions d’habitants – ou, de manière plus sporadique, des médecins envoyés pour des missions médicales temporaires. Avec la mise en place de l’Assistance Médicale Indigène (AMI), les médecins de colonisation disposent d’auxiliaires médicaux indigènes à partir de 1904 et d’infirmières visiteuses coloniales, pour faire fonctionner l’Assistance aux mères et aux enfants organisées en 1926. Outre ces médecins, des soignants missionnaires s’installent dans certaines régions rurales dans le dernier tiers du XIXe siècle18.

  • 19 PHILIPPE A., Missions des pères blancs en Tunisie, Algérie, Kabylie, Sahara, Paris, Dillen, 1931, p (...)
  • 20 COLIN Maurice, « L’œuvre des hôpitaux indigènes en Algérie », Revue politique et parlementaire, n°  (...)
  • 21 Archives nationales d’Algérie (Alger), désormais ANA, 312 IBA/ASP 063-2275, Procès-verbal de délibé (...)

7Le gros des examens médicaux et des distributions de médicaments s’effectue lors de tournées, organisées dans un premier temps par les bureaux arabes mais aussi par les religieux, hommes et femmes puisque l’on estime que les Sœurs, plus facilement que leurs confrères, peuvent « pénétrer dans les intérieurs indigènes »19. Dans le cadre de l’AMI, des tournées sont fixées de plus en plus précisément dans les douars rattachés aux circonscriptions médicales. Un réseau de lieux de soins permanents fonctionne également, constitué par les hôpitaux militaires et civils – dans les villes –, les « infirmeries indigènes » visitées par les médecins de colonisation et rebaptisées en 1930 « hôpitaux auxiliaires », mais aussi les maisons de missions, les « hôpitaux indigènes »20 et les dispensaires tenus par des religieux. Les lieux de consultation sont en définitive extrêmement variés. En l’absence d’espaces spécifiques, les médecins utilisent le café maure, la salle d’auberge, la maison de l’administrateur, la mairie, les mosquées, les écoles, les marchés, etc. – ce depuis la fin du XIXe siècle et encore largement dans l’entre-deux-guerres. Des abris sont également installés à partir de 1930 à certains carrefours, « des constructions rustiques »21 de deux petites pièces avec des toilettes à la turque. À côté de ce réseau hiérarchisé de lieux de consultation, qui demeure lâche, le provisoire et l’éphémère caractérisent la plupart du temps la présence médicale française dans les campagnes algériennes. Limitée par rapport à la superficie et à la population concernées, cette offre demeure avant tout centrée sur les besoins des colons.

L’offre de soins crée-t-elle la demande ?

  • 22 RAYNAUD Lucien, Affections cutanées et vénériennes des Berbères de l’Aurès, Clermont, Daix frères, (...)
  • 23 FREDJ Claire, « Soigner les populations au Sahara. L’exemple de l’hôpital mixte de Ghardaïa (1895-1 (...)
  • 24 TARAYRE Gabriel, « La tuberculose dans la région de Touggourt (Sud Constantinois). Essais de prémun (...)
  • 25 DREYFUSS André, « Étude géographique et médicale de l’annexe de Laghouat », Archives de l’Institut (...)
  • 26 ANA, 376/008-0582, Administrateur de la Commune mixte de Marnia, Rapport au préfet d’Oran, 26 novem (...)

8Cette présence, toute limitée soit-elle, répond jusqu’à un certain point à une demande indigène de soins. Dans l’Aurès, en 1893, les cheikhs seraient obligés de battre les visiteurs pour les empêcher d’enfoncer la porte de la consultation du médecin Lucien Raynaud22. Lors de ses missions, sa consoeur Dorothée Chellier souligne également l’afflux des malades, hommes et femmes, qui peuvent venir de loin pour consulter, parfois uniquement par curiosité. Les diaires des hôpitaux et dispensaires tenus par les Sœurs blanches, qui relatent le quotidien des missions, se désolent ainsi d’une fréquentation cyclique, souvent insuffisante à l’équilibre financier des établissements. Cependant, il s’agit souvent plus d’un refus de l’hôpital que d’un refus des soins : les dispensaires, lieux où l’on ne reste que le temps de la consultation, semblent toujours plus fréquentés, même dans des zones particulièrement réfractaires à la présence française comme le Mzab23. Au cours des années 1930, le fatalisme prêté aux musulmans est toujours mis en avant comme un obstacle à la médecine française, mais « l’empressement » avec lequel les tournées et les séances de vaccination seraient suivies apparaît comme « une preuve de la confiance de plus en plus grande qu’ont les indigènes dans nos méthodes médicales »24. Pour certains observateurs, le rôle des « médecins arabes » serait en train de décroître « à l’avantage des médecins européens qui pénètrent actuellement, de plus en plus, dans les milieux indigènes autrefois les plus fermés »25. Sans qu’elle soit aisément quantifiable, divers indices rendent comptent d’une demande « indigène » accrue en matière de soins dans l’entre-deux-guerres, qu’il s’agisse de l’adhésion des djemaas aux programmes de l’AMI ou des vœux émis par les délégués financiers arabes et kabyles concernant notamment l’envoi de personnel dans les douars. C’est ainsi qu’en 1927 par exemple, le médecin de colonisation Duru, qui refuse d’être accompagné de son infirmière dans ses tournées, doit revoir sa position lorsque « des notables indigènes réclament son concours pour vacciner leurs femmes »26.

  • 27 Voir notamment MIDGLEY Clare (ed.), Gender and Imperialism, Manchester, Manchester University Press (...)
  • 28 Voir le dossier « Pudeurs », Histoire, médecine et santé, n° 1, printemps 2012 ; FREDJ Claire, « En (...)
  • 29 ANA, 376/ 002-0103, Service des communes mixtes, août 1921.
  • 30 ANA, 17E/56, Maire de la Commune mixte de Tébessa au préfet de Constantine, 9 février 1930.
  • 31 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 166.
  • 32 PASCAL J.-M., « Essai médical sur le Mzab (Sahara algérois) », AIPA., vol. 12, 1934, p. 124.

9Les autorités coloniales sont particulièrement attentives aux soins donnés aux femmes musulmanes, quand bien même les réalisations pratiques pour y parvenir demeurent limitées27. Malgré des résistances où s’entremêlent méfiance, crainte et pudeurs, la présence féminine commence cependant à devenir effective dans l’entre-deux-guerres28. Ce mouvement semble en partie lié à l’emploi de femmes soignantes – surtout infirmières – plus nombreuses mais toujours notoirement insuffisantes. En 1921, le docteur Soulié remarque que depuis l’arrivée du docteur Suzanne Cirou dans la circonscription médicale de Boghni, les « indigènes », hommes et femmes, viennent plus nombreux aux consultations données à l’infirmerie29. Le maire de Tébessa note que l’infirmière Lucienne Muscat est suffisamment appréciée de la population pour attirer aux consultations « les jeunes mères indigènes, ce qui précédemment, ne s’était jamais produit »30. Quelques médecins militaires soulignent par ailleurs le secours précieux des Sœurs blanches qui soignent, dépistent, visitent et grâce auxquelles le nombre de femmes qui viennent consulter à l’Infirmerie augmente tandis que l’hospitalisation est de mieux en mieux acceptée31. Plusieurs exemples de la même eau mentionnent des infirmières appréciées se rendant dans les douars à l’appel des populations ; ceci tend à montrer que face à une offre accessible, les réticences se font moindres, même dans les Territoires du sud : le jour approche, se réjouit un médecin en 1934, où les hommes consentiront à laisser soigner leurs femmes comme ils se font soigner eux-mêmes32.

  • 33 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 163.
  • 34 PASCAL J.-M., art. cit., p. 123.

10Dans l’entre-deux-guerres, la médecine française semble devenir une offre en voie de banalisation. Elle n’est pas pour autant exclusive : « les malades qui ont recours au médecin français n’abandonnent pas pour cela leurs vieux remèdes ; ils misent sur les deux tableaux »33. Ce comportement ne témoigne d’ailleurs pas d’une indiscipline ou d’une arriération vues comme proprement indigènes puisqu’il serait « exactement dans l’état d’esprit des Français moyens qui s’adressent au pharmacien ou au rebouteux avant de venir frapper à la porte du médecin »34, écho en 1934 de la remarque faite soixante-dix ans auparavant par le médecin Cénac.

Traditions et administrations : les obstacles aux soins

  • 35 Ibidem, p. 124.
  • 36 Ibidem, p. 125.
  • 37 Ibidem. Sur ces questions, voir JOMIER Augustin, Un réformisme islamique dans l’Algérie coloniale. (...)

11Outre « l’ingérence des médecins arabes » dont la fréquentation est de moins en moins incompatible avec la consultation d’un médecin français, l’indigène serait arrêté sur le chemin par le scrupule religieux. Le poids de certains groupes sociaux porteurs d’un savoir médical et religieux est parfois souligné, particulièrement dans le sud : à Ghardaïa, « depuis 1925, et malgré l’opposition énergique des laveuses de morts, quelques femmes viennent en grand mystère à l’infirmerie indigène ou au dispensaire des Sœurs Blanches, tandis que les maris, chaque jour plus nombreux, nous conduisent discrètement auprès de leurs épouses malades »35 et « malgré les graves sanctions religieuses qui les menacent, des hommes emmènent leurs femmes auprès des médecins spécialistes du Nord »36. C’est aussi de l’adaptation des cadres culturels traditionnels dont témoigne le médecin Pascal qui note qu’en 1931, « les tolbas de Guerrara ont admis que les femmes pouvaient venir à Ghardaïa soigner leurs yeux et leurs syphilis »37.

  • 38 ANA, 17E1/0997, Conseil de discipline de Lidy, PV 22 décembre 1926.
  • 39 ANA, 17E1/2185, Plainte de Mohamed ben Saoud Mekkid contre Lévy, 3 février 1930.
  • 40 ANA, 17E1/2185, Administrateur CM à préfet, 24 février 1930.

12Si la religion est présentée comme un frein à la fréquentation des soignants « roumis », bien rares sont ceux qui présentent la situation coloniale elle-même comme un obstacle qui se dresse entre le patient potentiel et le médecin. Or, c’est bien ce qui apparaît dans plusieurs affaires ayant donné lieu à un rapport administratif, souvent en lien avec des accouchements difficiles. Le traitement des dystocies est un motif récurrent des plaintes dont font l’objet un nombre non négligeable de médecins de colonisation. Le paiement est souvent cause de discorde. En effet, la médecine dispensée dans les campagnes algériennes – qu’elle soit militaire, missionnaire ou civile – est gratuite pour une population largement indigente. La médecine de colonisation offre cependant au médecin la possibilité de faire de la clientèle payante. Les questions financières interfèrent dès lors dans la relation de soin : en 1926, par exemple, le conseil de discipline des médecins de colonisation reproche au médecin Lidy d’avoir refusé de se rendre auprès d’une femme au cours d’un accouchement difficile, « prétextant l’insuffisance des honoraires offerts »38. Les plaintes dévoilent surtout une complexité administrative qui se répercute sur l’accès au soin, ainsi que le suggère le récit suivant : en février 1930, Mohamed Mekkid accuse le médecin de colonisation Lévy de la mort de son épouse. Cette dernière vient à Aumale faire ses couches qui s’annoncent difficiles. Appelée, la sage-femme Espinasse ne veut pas soigner une malade dans ce qu’elle décrit comme « un fondouk rempli de fumée ». Les douleurs persistant, Mekkid se rend chez le pharmacien Bottaro qui refuse de lui vendre un calmant sans ordonnance. C’est après qu’il appelle le médecin de colonisation qui lui aurait dit : « si tu n’as pas d’argent, je ne viens pas ». Un autre médecin finit par se rendre à son chevet, mais la parturiente, dans un état désespéré, décède39. Relatée par l’administrateur de la commune mixte, l’affaire semble un peu différente. Lévy, lorsqu’il va voir la parturiente, estime l’accouchement imminent et perce la poche des eaux. Le mari, avisé du prix, le juge trop élevé. Le médecin aurait rétorqué : « tu es domicilié dans la commune de plein exercice, va voir le maire qu’il fasse accoucher ta femme par le médecin communal ». Mekkid se rend à la mairie, où on l’éconduit : habitant la commune mixte, il lui faut s’adresser à l’administrateur. Il préfère se tourner vers la sage-femme communale qui soutient n’être pas accréditée et n’intervient pas. Le surlendemain, l’état de sa femme devenant alarmant, il va trouver l’administrateur. Son statut d’indigent étant confirmé, l’administrateur fait appeler Lévy qui ne se déplace pas : pour lui Mekkid, qu’il dit connaître depuis longtemps, a toujours été domicilié à Aumale-ville, donc en commune de plein exercice, hors de son territoire de compétence40. Ces récits signalent ainsi la difficulté à être un patient en situation coloniale, rejoignant celle d’être un administré colonial dépendant largement d’une médecine administrative.

Colloque singulier ou singulier colloque ?

  • 41 Archives des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (Rome), désormais ASMNDA, Diaire, 1908, Ig (...)

13Une fois le choix fait de confier sa santé au soignant français, comment cerner la relation de soin qui s’établit entre le médecin et le patient ? Les malades, les femmes surtout, ne se présentent pas toujours en personne à l’examen : un homme de Bel Agel vient par exemple chercher un remède pour son épouse, montrant à la sœur infirmière « un papier sur lequel des pâtés de diverses grandeurs sont, paraît-il, la représentation du visage de sa femme »41.

  • 42 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 162.
  • 43 LEVI-BRAM Abel, De l’Assistance Médicale des Indigènes d’Algérie, particulièrement assistance des f (...)
  • 44 CHELLIER Dorothée, Voyage dans l’Aurès. Notes d’un médecin envoyé en mission chez les femmes arabes(...)
  • 45 ANA, 5E/531, Alger, Gouverneur général aux préfets, 3 août 1911.

14Dans l’ensemble cependant, un contact physique s’établit. L’acceptation du médecin ne signifie pas non plus l’abandon de toute précaution. Ainsi Tarayre constate-t-il qu’au cours de ses visites aux nourrissons, le prénom inscrit sur la carte d’identité ne correspond pas à celui utilisé par les parents. En effet, « avant d’aller voir le toubib, on a changé le prénom du malade pour ‘tromper le mauvais sort’ et pour que le démon ne reconnaisse plus l’enfant menacé »42, une pratique qui n’est pas exclusive au Maghreb. Avec les adultes, la question de la communication se pose avec acuité jusqu’en 1914, moins fortement dans l’entre-deux-guerres, alors que la francisation des campagnes progresse. La nécessité de connaître les langues locales est régulièrement rappelée, sinon à s’exposer à ne faire que de la « médecine vétérinaire »43. Dans l’Aurès, en 1895, Dorothée Chellier, qui ignore le chaouïa, est aidée dans ses contacts avec la population par une jeune interprète ; plusieurs dossiers de médecins de colonisation précisent, au début du XXe siècle, leur degré de connaissance de la langue arabe, parfois en rapport avec leur pratique comme celui de Gaëtan Rouche dont on apprend qu’il « parle couramment l’arabe pour tout ce qui a rapport au service médical, un peu seulement pour les autres sujets » ou celui de Pierre Ribière, qui affirme savoir « assez d’arabe pour n’avoir pas besoin des secours d’un interprète »44, rôle que tiennent souvent, après 1904, les auxiliaires médicaux. Toutefois la maîtrise linguistique n’est pas le gage d’une consultation réussie. Ainsi, en 1911, le médecin de colonisation Marc Savin Vaillant renonce-t-il à être accompagné de son auxiliaire « au domicile des indigènes qui refusaient de l’y laisser pénétrer », surtout lorsqu’il était appelé près d’une jeune femme : « ce n’est que sur une vive insistance, quand je jugeais son rôle d’interprète indispensable, qu’il était toléré, consigné à la porte de la chambre »45. Les difficultés d’approcher les femmes, régulièrement soulignées, semblent un peu moins infranchissables si le soignant est « français » que s’il est « indigène », même formé à la française comme c’est le cas des auxiliaires. C’est pourquoi, dans l’entre-deux-guerres, les autorités coloniales recommandent régulièrement aux infirmières-visiteuses coloniales l’apprentissage de l’arabe ou du kabyle, un enseignement inscrit dans le programme de formation de l’école d’infirmières d’Alger, avec un succès relatif.

  • 46 ASMNDA, Diaire, 1894, Sainte-Eugénie, 19 juin, p. 196 ; Idem, Diaire, 1895, Sainte-Eugénie, 19 sept (...)
  • 47 AKRICH Madeleine, « Petite anthropologie du médicament », Techniques & culture, 25-26, 1995, p. 129
  • 48 MONNAIS Laurence, « Ordonnance coloniale, prescriptions médicales et changement social », Genèses, (...)

15On ignore pour l’instant quasiment tout du récit des patients face aux médecins, et jusqu’à quel point il est audible compte tenu des différences de représentations que les deux parties peuvent avoir de la santé. Les diaires contiennent des traces de certaines attentes : recevoir un remède pour faire pousser les dents, pour blanchir, pour redevenir jeune46… Les sources consultées font également peu état des gestes effectués lors des consultations : les vaccinations sont fréquentes et quelques opérations légères réalisées dans des conditions matérielles rudimentaires sont parfois mentionnées, ainsi que des piqûres et des prises de médicaments, en sels et de plus en plus en pilules ; les examens approfondis demeurent cependant souvent exclus, notamment en matière gynécologique. Les allusions aux médicaments, comme ailleurs « au cœur de la relation thérapeutique »47, sont en revanche nombreuses, sans que l’acceptation du médicament signifie systématiquement celle du médecin comme l’a montré Laurence Monnais pour le Vietnam48.

Ordonnance et observance

  • 49 Archives générales des missions d’Afrique (Rome), F. Lav., D9/24, P. Rocher, Laghouat, 18 décembre (...)
  • 50 BENOIST Jean, Anthropologie médicale en société créole, Paris, PUF, 1993, p. 20.
  • 51 ASMNDA, Diaire, 1898, Lavigerie, 16 janvier, p. 22.
  • 52 ASMNDA, Diaire, 1895, Beni Ismaël, 28 février, p. 57.

16Quels que soient les soignants, le médicament est un élément souvent présent dans les narrations de soins, parce qu’il est efficace ou non, parce qu’il crée de la confiance (dès le milieu des années 1870, le Père Olivier affirme s’être concilié la population indigène « au moyen de nos médicaments, quinine, collyres, vaccin etc.49 »), parce qu’il grève un budget. Certains médicaments sont consommés devant le soignant qui, parfois, consigne les réactions des patients. Il n’est pas rare que, source d’obligations et d’interdits notamment alimentaires50, la religion des colonisés s’immisce dans la relation de soin. À Biskra, les Sœurs prédisent que le ramadan videra sûrement les salles : « ils commencent déjà à ne plus vouloir accepter le vin de quinquina. Ce remède, disent-ils, reste 40 jours dans l’estomac, cela nous empêchera de faire notre carême ». La Sœur infirmière les tranquillise en leur promettant, le temps venu, « de leur nettoyer l’estomac par une bonne purge »51. Certains pousseraient le scrupule si loin « qu’une femme, respirant un peu l’odeur de l’eau sédative pour soulager sa tête malade fut aussitôt réprimandée par son mari ; à peine peut-elle accepter une friction »52.

  • 53 CHELLIER Dorothée, op. cit., p. 16.
  • 54 LACROIX Annick, Une histoire sociale et spatiale de l’État dans l’Algérie colonisée. L’administrati (...)
  • 55 ANA, 17E1/33, Préfet Constantine au Gouverneur général, 28 octobre 1927.
  • 56 FAINZANG Sylvie, Médicaments et société, Paris, PUF, 2001, p. 27. DOUTTE Edmond, Magie et religion (...)
  • 57 ASMNDA, Diaire, 1908, Ghardaïa, 12 juin, p. 212.

17D’autres remèdes sont obtenus sur ordonnance. En 1895, un homme dont Dorothée Chellier a soigné le fils vient chercher une ordonnance pour le pharmacien de Batna. Elle souligne l’importance de cette démarche « sans doute nouvelle pour lui »53 mais conforme à ce qui fait le patient. Là encore, les indices sont extrêmement ténus mais l’ordonnance – et l’usage du papier en général54 – semble se diffuser dans les campagnes depuis le début du XXe siècle : en 1927, on dit de l’infirmière-visiteuse coloniale Brunel « que les indigènes appelleraient “la doctoresse”55 » qu’elle tient un véritable cabinet de consultations à Ampère (région de Sétif) où – au mépris de la législation –, elle délivre des ordonnances. La valeur de l’ordonnance est prescriptive. Est-elle également porteuse d’une valeur thérapeutique, à l’instar des incantations écrites sur un papier ingéré par le malade ainsi que le soulignait l’ethnographe Edmond Doutté56 ? Il n’en est pas question dans les sources consultées, trop rares aussi pour pouvoir évaluer la manière dont ce type de document témoigne d’un rapport au savoir et à l’autorité. Cela dit, à Laghouat, en 1908, les sœurs excursionnistes disent faire bien attention, « sachant par expérience que très souvent, leurs patients vont faire contrôler leurs ordonnances par le docteur57 », ce qui pourrait montrer une claire conscience de la part des patients des différences entre les religieux, rarement pourvus d’un diplôme, et les médecins.

  • 58 RAYNAUD Lucien, op. cit., p. 16.
  • 59 FAINZANG Sylvie, op. cit., p. 31.
  • 60 CHELLIER Dorothée, op.cit., p. 16.
  • 61 PASCAL J.-M., art. cit., p. 123.
  • 62 Ibidem, p. 124.

18Si les remèdes sont volontiers consommés, l’observance – la coïncidence entre le comportement du patient et l’avis médical – apparaît plus difficile. En 1893, Lucien Raynaud fait remarquer la gravité des lésions syphilitiques parmi les populations de l’Aurès, attribuée au fait que les malades « se soignent mal ou trop peu de temps », arrêtant le traitement dès qu’une amélioration se profile58. Le non respect n’est pas propre aux patients ruraux de l’Algérie colonisée. D’après certaines enquêtes plus contemporaines, il existe des degrés d’observance « en fonction des classes pharmacologiques ou thérapeutiques des médicaments utilisés »59, du nombre de médicaments que comprend la cure, de la durée du traitement ou encore du fonctionnement de l’interaction médecin-patient. Souvent mise au passif des malades, la négligence peut aussi être expliquée par le contexte matériel : Dorothée Chellier note ainsi qu’on ne peut guère songer à délivrer des ordonnances à des malades « trop misérables et trop éloignés d’un centre où ils pourraient s’approvisionner en médicaments »60. Certains médecins attribuent à des groupes spécifiques un rapport différent à l’observance. Ainsi, les Juifs du Mzab, qui viendraient trouver le médecin « pour le plus léger mal » se soigneraient-ils « rarement avec sérieux et constance »61. Les Mozabites en revanche, observeraient « scrupuleusement les prescriptions médicales. Ils vont facilement dans le Nord subir les interventions chirurgicales que nous leur conseillons ; souvent, ils partent de leur propre chef pour Alger ou Constantine, afin de se faire soigner par un médecin qui les a guéris lors de leurs séjours antérieurs dans ces villes »62. Ces remarques, dont on pourrait souligner à quel point elles négligent l’explication sociale au profit de la mise en avant d’une idiosyncrasie religieuse ou « ethnique », signalent aussi une certaine variété d’attitudes chez les sujets observés.

Contester le traitement, refuser les soins ?

  • 63 ANA, 17E1/2186, Jean-Baptiste Maurin au sous-préfet de Batna, 13 août 1922.

19Ne pas suivre les prescriptions peut aussi être un acte revendiqué. Rarement mis en avant, ces refus existent, qu’à défaut de pouvoir interpréter, on peut déjà relever : en 1922, l’auxiliaire médical Mehennaoui affirme que les malades de Khenchela désirent se soigner à leur manière. Ils auraient déclaré ne pas vouloir acheter de médicaments français, « état d’esprit habituel parmi les populations arriérées de l’ancien territoire militaire »63, sans que l’on sache si c’est l’auxiliaire qui s’exprime ou le médecin de colonisation lorsqu’il fait son rapport au sous-préfet, ni ce qu’il y a de politique derrière l’expression « médicaments français ». Ces contes-tations, encore trop mal connues, n’amènent pas aux mêmes analyses en termes de rapport à l’autorité, médicale et coloniale.

  • 64 ASMNDA, Diaire, 1898, Lavigerie, 20 janvier, p. 22.
  • 65 ASMNDA, Diaire, 1916, Sainte Eugénie, 20 août, p. 213.
  • 66 ANA, 17E1/2185, Conseil de discipline du 17 mai 1930.
  • 67 ANA, 17E1/2198, Dr. Massonet, chef des services de l’hygiène au préfet d’Alger, 2 mai 1938.

20Lorsque le rapport au soin est mentionné, c’est souvent pour signaler l’indocilité du patient. Certaines affections entraînent la mise à la diète des malades, pas toujours bien acceptée, certains trouvant bien barbare qu’on les laisse mourir de faim64. Les réactions sont parfois plus violentes : une famille refuse la diète avec insultes et lettre de protestation. Elles indiquent que c’est sans passivité que les malades reçoivent leur traitement : un paludéen refuse ainsi une piqûre de quinine : « ma sœur, tu ne me comprends pas ; j’ai mal à la tête et tu veux me piquer sur le côté ; donne-moi du remède pour ma tête, mais pas de cette aiguille »65. Les protestations cependant évoluent et il semble possible de déceler un changement dans les formes de l’exigence. Certains cas – datant de l’entre-deux-guerres – témoignent d’un rapport à l’autorité et à la médecine qui évolue. En 1930, une plainte accuse un médecin de ne pas désinfecter les vaccinostyles quand il vaccine les indigènes66. En 1936, un groupe de conseillers municipaux et notables indigènes envoie au maire d’Abbo une plainte concernant le médecin de colonisation Eugène Triquera qui, écrivent-ils : « ne soigne et ne touche les indigènes malades qu’à l’aide d’un bâton, il fait des piqûres à des indigènes malheureux en se servant de la même seringue et de la même aiguille, sans passer cette dernière une fois au feu ; ce cas vous a déjà été signalé il y a quelques mois et malgré vos observations, le praticien n’a rien changé »67. Ces protestations, si elles contestent la manière dont le soin est donné, ne remettent pas en question son bien-fondé. Elles montrent au contraire l’acceptation d’une médecine dont on exige qu’elle soit de qualité et qu’elle envisage les patients avec considération, indice de revendications plus vastes d’ordre économiques et politiques.

*

21Ce rapide parcours a présenté une série d’indices, traces ténues plus que preuves, qui mériteraient d’être considérés avec davantage d’attention et de précision quant à leur contexte d’énonciation, en prenant notamment en compte le fait que les campagnes algériennes ne sont pas des mondes homogènes, clos et immuables. Outre l’enquête sociale, c’est à la compréhension anthropologique de la nouvelle offre de soin et de sa capacité d’insertion ou non dans les représentations de la santé et de la maladie qu’appellent ces interrogations sur la relation de soin dans l’Algérie colonisée.

22À bien des égards, le patient des campagnes algériennes apparaît comparable à un autre patient rural (sous l’emprise des rebouteux, mal-observant, préférant l’auto-médication à la consultation etc.). La situation de domination, l’organisation administrative coloniale et les distinctions qu’elles opèrent sur le terrain en termes d’offre empêchent cependant de souscrire totalement à cette assimilation. Ces bribes d’information, avant tout issues de sources administratives, signalent ainsi des attitudes variées, un rapport au soin spécifique des femmes, des obstacles – matériels, politiques –, mais aussi des choix quant à la relation avec la médecine « française ». Elles contribuent à esquisser les contours d’un objet flou, la relation de soin, variée, changeante, permettant néanmoins d’envisager d’un point de vue touchant à l’intime les rapports de l’individu au pouvoir médical et au pouvoir colonial.

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Notes

1 Service historique de la Défense (Vincennes), 68/31, Henri Cénac, une tournée médicale dans le cercle de Batna, 23 novembre 1865.

2 FURST Lilian R., Between Doctors and Patients. The Changing Balance of Powers, Charlottesville, University Press of Virginia, 1998, p. 6 ; JEWSON Nicholas D., « The Disappearance of the Sick-Man from Medical Cosmology, 1770-1870 », Sociology, 10, 1976, p. 225-244.

3 CHARON Rita, « To render the Lives of Patients », Literature and Medicine, 5, 1986, 58-74. CHARON Rita, Narrative medicine: honoring the stories of illness, 2008, Oxford, Oxford University Press, p. 111. GILLIS Jonathan, « The History of the Patient History since 1850 », Bulletin of the History of Medicine, vol. 80, 2006/3, p. 490-512.

4 LUPTON Deborah, « Power relations and the Medical Encounter », Medicine as Culture: illness, disease and the body in Western societies, Londres, Sage, 2003, p. 113-141 (1re éd. 1994).

5 BUDD Susan et SHARMA Ursula (dir.), The Healing Bond. The Patient-Practitioner Relationship and therapeutic Responsibility, Londres, Routledge, 1994, p. 6. ARMSTRONG David, « Actors, patients and agency: a recent history », Sociology of Health & Illness, vol. 36, n° 2, 2014, p. 163-174 ; ARMSTRONG David, « The Doctor-Patient Relationship: 1930-1980 », P. WRIGHT et A. TREACHER (dir.), The Problem of Medical Knowledge. Examining the Social Construction of Medicine, Edinburgh University Press, 1982, p. 109-122.

6 PORTER Roy, « The Patient’s View: Doing Medical History from below », Theory and Society, n° 8, 1995, p. 345-360. Pour un premier bilan, voir RIEDER Philip, « L’histoire du patient : aléa, moyen ou finalité de l’histoire médicale ? », Gesnerus, t. 60, n° 3/4, 2003, p. 260-271. Pour une réflexion autour de la catégorie « patient », voir CONDRAU Flurin, « The Patient’s View Meets the Clinical Gaze », Social History of Medicine, vol. 20, 2007/3, p. 525–540.

7 VAUGHAN Megan, Curing Their Ills: Colonial Power and African Illness, Palo Alto, Stanford University press, 1991.

8 SPIVAK Gayatri Chakravorty, « Can the Subaltern Speak ? », dans NELSON C. et GROSSBERG L. (dir.), Marxism and the Interpretation of Culture, Londres, MacMillan Education, 1988, p. 271-313.

9 HEADRICK Daniel R., The tools of Empire: technology and European imperialism in the nineteenth century, New York-Oxford, Oxford University Press, 1981.

10 TURIN Yvonne, Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale, écoles, médecins, religion (1830-1880), Paris, F. Maspero, 1971.

11 LYONS Marynez, The colonial disease. A social history of sleeping sickness in northern Zaire (1900-1940), Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

12 MONNAIS Laurence, « Ordonnance coloniale, prescriptions médicales et changement social », Genèses, n° 69, 2007, p. 28.

13 ERNST Waldtraud, « Plural medicine, tradition and modernity. Historical and contemporary perspectives: views from below and from above », dans ERNST Waltraud (dir.), Plural Medicine, Tradition and Modernity 1800-2000, Londres, New York, Routledge, 2002, p. 1-18. Pour un aperçu historiographique des relations entre médecines en situation coloniale, voir l’introduction de HOKKANEN Markku, Medicine and Scottish Missionaries in the Northern Malawi Region (1875-1930). Quests for Health in a Colonial Society, Lewiston-Queenston-Lampeter, The Edwin Mellen Press, 2007.

14 MONNAIS-ROUSSELOT Laurence, Médecine et colonisation, Paris, CNRS, 1999 ; CORNET Anne, Politiques de santé et contrôle social au Rwanda 1920-1940, Karthala, 2011 ; AU Sokhieng, Mixed Medicines. Health and Culture in French Colonial Cambodia, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 2011.

15 RIEDER Philip, op. cit., p. 263.

16 AMSTER Ellen J., Medicine and the Saints. Science, Islam and the Colonial Encounter in Morocco, 1877-1956, Austin, University of Texas, 2013 ; BIERLICH Bernhard, The Problem of Money. African Agency and Western Medicine in Northern Ghana, New York-Oxford, Berghahn Books, 2007. Sur les adaptations des médecines « traditionnelles », voir par exemple LIEBESKIND Claudia, « Arguing science. Unabi tibb, hakims and biomedicine in India, 1900-1950 », dans ERNST Waltraud (dir.), Plural Medicine, op. cit., p. 58-75 ; SIVARAMAKRISHNAN Kativa, Old Potions, New Bottles: Recasting Indigenous Medicine in Colonial Punjab (1850-1945), New Dehli, Orient Longman, 2006 ; FLINT Karen E., Healing traditions: African medicine, cultural exchange, and competition in South Africa, 1820-1948, Athens, Ohio University Press, 2008.

17 MEYNIER Gilbert, L’Algérie révélée : la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Genève, Droz, 1981.

18 Voir CLARK Hannah-Louise, Doctoring the bled. Medical Auxiliairies and the Administration of rural life in Colonial Algeria, 1905-1954, PhD, Princeton, 2014 ; FREDJ Claire, « L’administration française et les soins aux “indigènes” : la mise en place de la “triade médicale” dans l’Algérie des années 1920 », dans ELBOUDRARI Hassan et NORDMAN Daniel (dir.), Les savoirs de l’administration. Histoire et société au Maghreb du XVIe au XXe siècle, Casablanca, Fondation du roi Abul Aziz, 2015, p. 119-136 ; FREDJ Claire, « Une mission impossible ? L’Église d’Afrique, l’apostolat médical et la conversion des “indigènes” (1830-années 1920) », dans VERDEIL Chantal (dir.), Missions en terre d’islam, Turnhout, Brépols, 2013, p. 163-229.

19 PHILIPPE A., Missions des pères blancs en Tunisie, Algérie, Kabylie, Sahara, Paris, Dillen, 1931, p. 68.

20 COLIN Maurice, « L’œuvre des hôpitaux indigènes en Algérie », Revue politique et parlementaire, n° 43, janvier 1898, p. 1-19.

21 Archives nationales d’Algérie (Alger), désormais ANA, 312 IBA/ASP 063-2275, Procès-verbal de délibération de la commission municipale de la commune mixte d’Aflou, 13 avril 1931.

22 RAYNAUD Lucien, Affections cutanées et vénériennes des Berbères de l’Aurès, Clermont, Daix frères, 1893, p. 3.

23 FREDJ Claire, « Soigner les populations au Sahara. L’exemple de l’hôpital mixte de Ghardaïa (1895-1910) », Histoire et missions chrétiennes, n° 22, juin 2012, p. 55-89.

24 TARAYRE Gabriel, « La tuberculose dans la région de Touggourt (Sud Constantinois). Essais de prémunition », Archives de l’Institut Pasteur d’Algérie, t. XIV, 1936, p. 152-205, p. 166.

25 DREYFUSS André, « Étude géographique et médicale de l’annexe de Laghouat », Archives de l’Institut Pasteur d’Algérie, tome XII, n° 2, 1934, p. 513.

26 ANA, 376/008-0582, Administrateur de la Commune mixte de Marnia, Rapport au préfet d’Oran, 26 novembre 1927.

27 Voir notamment MIDGLEY Clare (ed.), Gender and Imperialism, Manchester, Manchester University Press, 1998. Sur l’Algérie, voir FREDJ Claire, Femme médecin en Algérie, op. cit.

28 Voir le dossier « Pudeurs », Histoire, médecine et santé, n° 1, printemps 2012 ; FREDJ Claire, « Encadrer la naissance dans l’Algérie coloniale : les personnels de santé et l’assistance à la mère et à l’enfant indigènes (XIXe-début du XXe siècle) », Annales de démographie historique, 2011/2, p. 169-203.

29 ANA, 376/ 002-0103, Service des communes mixtes, août 1921.

30 ANA, 17E/56, Maire de la Commune mixte de Tébessa au préfet de Constantine, 9 février 1930.

31 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 166.

32 PASCAL J.-M., « Essai médical sur le Mzab (Sahara algérois) », AIPA., vol. 12, 1934, p. 124.

33 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 163.

34 PASCAL J.-M., art. cit., p. 123.

35 Ibidem, p. 124.

36 Ibidem, p. 125.

37 Ibidem. Sur ces questions, voir JOMIER Augustin, Un réformisme islamique dans l’Algérie coloniale. Oulémas ibadites et société du Mzab (c. 1880-c. 1970), thèse de doctorat en histoire, Université du Maine, 2015, p. 422-441.

38 ANA, 17E1/0997, Conseil de discipline de Lidy, PV 22 décembre 1926.

39 ANA, 17E1/2185, Plainte de Mohamed ben Saoud Mekkid contre Lévy, 3 février 1930.

40 ANA, 17E1/2185, Administrateur CM à préfet, 24 février 1930.

41 Archives des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (Rome), désormais ASMNDA, Diaire, 1908, Ighil Ali, 8 juillet, p. 345.

42 TARAYRE Gabriel, art. cit., p. 162.

43 LEVI-BRAM Abel, De l’Assistance Médicale des Indigènes d’Algérie, particulièrement assistance des femmes et des enfants, Thèse de médecine, Paris, 1907, p. 111.

44 CHELLIER Dorothée, Voyage dans l’Aurès. Notes d’un médecin envoyé en mission chez les femmes arabes, Tizi Ouzou, J. Chellier, 1895, p. 10 ; ANA, 308 IBA/ASP 047 n° 2023 et IBA/ASP 015-998, 1900.

45 ANA, 5E/531, Alger, Gouverneur général aux préfets, 3 août 1911.

46 ASMNDA, Diaire, 1894, Sainte-Eugénie, 19 juin, p. 196 ; Idem, Diaire, 1895, Sainte-Eugénie, 19 septembre, p. 348. Idem, Diaire, 1903, Taguemount Azouz, 17 janvier, p. 35.

47 AKRICH Madeleine, « Petite anthropologie du médicament », Techniques & culture, 25-26, 1995, p. 129.

48 MONNAIS Laurence, « Ordonnance coloniale, prescriptions médicales et changement social », Genèses, n° 69, 2007, p. 28.

49 Archives générales des missions d’Afrique (Rome), F. Lav., D9/24, P. Rocher, Laghouat, 18 décembre 1871.

50 BENOIST Jean, Anthropologie médicale en société créole, Paris, PUF, 1993, p. 20.

51 ASMNDA, Diaire, 1898, Lavigerie, 16 janvier, p. 22.

52 ASMNDA, Diaire, 1895, Beni Ismaël, 28 février, p. 57.

53 CHELLIER Dorothée, op. cit., p. 16.

54 LACROIX Annick, Une histoire sociale et spatiale de l’État dans l’Algérie colonisée. L’administration des postes, télégraphes et téléphones du milieu du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, thèse de doctorat en histoire, ENS-Cachan, 2014, p. 620 et suiv. Sur la diffusion de l’écrit plus importante qu’elle n’est souvent présentée, voir COLONNA Fanny, « Les détenus “arabes” de Calvi, 1871-1903 », dans NETTON Ian Richard (dir.), Golden Roads: migrations, pilgrimage and travel in Medieval and modern Islam, Londres, Curzon Press, 1993, p. 95-109.

55 ANA, 17E1/33, Préfet Constantine au Gouverneur général, 28 octobre 1927.

56 FAINZANG Sylvie, Médicaments et société, Paris, PUF, 2001, p. 27. DOUTTE Edmond, Magie et religion dans l’Afrique du Nord, Alger, A. Jourdan, 1909.

57 ASMNDA, Diaire, 1908, Ghardaïa, 12 juin, p. 212.

58 RAYNAUD Lucien, op. cit., p. 16.

59 FAINZANG Sylvie, op. cit., p. 31.

60 CHELLIER Dorothée, op.cit., p. 16.

61 PASCAL J.-M., art. cit., p. 123.

62 Ibidem, p. 124.

63 ANA, 17E1/2186, Jean-Baptiste Maurin au sous-préfet de Batna, 13 août 1922.

64 ASMNDA, Diaire, 1898, Lavigerie, 20 janvier, p. 22.

65 ASMNDA, Diaire, 1916, Sainte Eugénie, 20 août, p. 213.

66 ANA, 17E1/2185, Conseil de discipline du 17 mai 1930.

67 ANA, 17E1/2198, Dr. Massonet, chef des services de l’hygiène au préfet d’Alger, 2 mai 1938.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claire Fredj, « Retrouver le patient colonisé »Histoire, médecine et santé, 7 | 2015, 37-50.

Référence électronique

Claire Fredj, « Retrouver le patient colonisé »Histoire, médecine et santé [En ligne], 7 | printemps 2015, mis en ligne le 29 mai 2017, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/778 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.778

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Auteur

Claire Fredj

Claire Fredj est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense. Travaillant sur la santé en Algérie aux XIXe et XXe siècles, elle a notamment publié Femme médecin en Algérie. Journal de Dorothée Chellier (1895-1899), Paris/Belin, 2015.

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