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Dossier thématique : Santé mentale

Mobiliser l’histoire pour mieux visibiliser les enjeux actuels de la recherche sur le cerveau

Émilie Bovet
p. 71-84

Résumés

Un des grands enjeux des tenants des neurosciences psychiatriques est de promouvoir la recherche dite « translationnelle », soit l’application des recherches au bénéfice des patients. Cet enjeu est de taille, tant le quotidien des acteurs du soin – souvent contraints à un tâtonnement thérapeutique – semble éloigné des discours prometteurs mis en avant dans la recherche sur le cerveau. Si les soignants peuvent se passer de connaissances sur le cerveau pour tenter de soulager la souffrance psychique, il serait pourtant naïf de croire que leur pratique échappe aux bouleversements institutionnels véhiculés par l’essor des neurosciences psychiatriques. Cet article vise à réfléchir à la façon dont l’analyse historique des neurosciences peut permettre aux futurs professionnels en santé mentale de prendre conscience des reconfigurations actuellement à l’œuvre dans le champ psychiatrique et de l’influence des sciences du cerveau sur cette reconfiguration.

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Texte intégral

Clinique psychiatrique et recherche neuroscientifique : pour une analyse historique du présent

  • 1 SWAIN Gladys, « Chimie, cerveau, esprit et société. Paradoxes épistémologiques des psychotropes en (...)

1À la fin des années 1980, la psychiatre française Gladys Swain soulignait la nécessité d’effectuer une « analyse historique du présent », de s’efforcer de « traiter le moment que nous vivons », et « de nous prendre nous-mêmes comme nous prenons et traitons n’importe quel moment du passé ». Sa démarche visait alors à mieux saisir le contraste entre le développement massif des neuroleptiques dans la pratique psychiatrique dès les années 1960 et la maigreur des théories qui s’y réfèrent. Dans le même article, elle ajoutait : « ce programme peut paraître comme l’évidence même. Il est tout, sauf l’évidence. L’histoire, c’est toujours pour les autres. […] Le regard historique est indolore tout le temps qu’il traite une matière à peu près morte et qu’il vise ceux qui ne sont plus. Quand nous nous l’appliquons, il devient chirurgical et il fait mal »1.

  • 2 « The “long” Decade of the Brain began in 1990 with United States President George Bush proclaiming (...)

2La démarche revendiquée par Swain est particulièrement pertinente pour questionner ce « qui ne se donne pas à voir » au premier abord, lorsqu’on tente de cerner l’influence de la recherche en neurosciences psychiatriques sur la pratique quotidienne des professionnel·le·s du champ de la santé mentale. Rappelons, en effet, que depuis près de trente ans, le cerveau et la complexité de ses mécanismes focalisent l’attention des chercheurs et chercheuses à un point tel que la dernière décennie du XXe siècle s’est vue baptisée Decade of the Brain2. Les neurosciences semblent redéfinir les contours de différents territoires disciplinaires parmi lesquels figurent, entre autres, la génétique, les sciences cognitives, la biologie moléculaire, la linguistique, la philosophie, la chirurgie, la psychologie et la psychiatrie. Sur ces territoires remodelés ont émergé de multiples pôles de recherche, tous motivés, d’une manière ou d’une autre, par l’espoir de découvrir les inconnues de l’activité cérébrale et d’élargir ainsi le champ de leur discipline respective. Comme le soulignent les historiens de la médecine et des sciences Vincent Barras et Jean-Claude Dupont :

  • 3 BARRAS Vincent et DUPONT Jean-Claude, « Neurosciences et médecine », Revue d’histoire des sciences, (...)

C’est peu dire que [les] découvertes [en neurosciences] ont marqué la vie scientifique de ces trois dernières décennies. Il suffit de considérer quelques indices évidents dans la structuration institutionnelle et le fonctionnement social de la science : chaires académiques, instituts et laboratoires de recherche nouvellement créés ou rebaptisés, et arborant sur leur fronton les termes « neurosciences », brain sciences, ou encore brain and mind science(s), etc., floraison de revues consacrées aux neurosciences sous toutes leurs facettes, sans compter la prolifération de disciplines a priori étrangères au phénomène, et à qui l’on a accolé le préfixe « neuro »3.

  • 4 Pour approfondir la réflexion des répercussions sociales des neurosciences, voir CHAMAK Brigitte et (...)

3Les répercussions institutionnelles engendrées par l’essor des neurosciences sont ainsi loin de se limiter aux seules sciences naturelles4, et il est particulièrement intéressant, dans ce contexte, d’analyser comment la psychiatrie intègre le discours neurobiologique.

  • 5 DUPONT Jean-Claude, Histoire de la neurotransmission, Paris, PUF, 1999.

4Face à la difficulté de donner une explication causale aux pathologies dont elle s’occupe, ainsi qu’aux moyens de les traiter, la psychiatrie se caractérise depuis ses débuts non seulement par un tâtonnement thérapeutique, mais aussi par une volonté d’identifier les bases cérébrales des maladies mentales. Cette quête d’ancrage biologique fait partie intégrante du questionnement psychiatrique : si les versions cérébralisantes de la pathologie mentale ont eu plus ou moins de succès et de partisan·ne·s selon les périodes et les courants dominants de la discipline, elles n’ont cessé d’intéresser les aliénistes puis les psychiatres à travers les décennies. La question n’a pas fondamentalement varié au cours de ces deux derniers siècles. Elle peut être résumée ainsi : quels sont les dysfonctionnements cérébraux dont l’influence sur le comportement humain est telle qu’ils puissent provoquer parfois des pathologies qu’aucune thérapie biologique et/ou psychothérapeutique n’est capable de totalement guérir ? En dépit du caractère presque invariable de cette question, certaines découvertes sur le métabolisme cérébral ont jalonné l’histoire de la psychiatrie, véhiculant à chaque fois un grand nombre d’espérances quant à la résolution imminente des mystères liés aux étiologies. L’introduction des premiers neuroleptiques ainsi que l’adhésion des chercheurs en neurophysiologie aux thèses chimiques de la neurotransmission sont un exemple représentatif de ce contexte d’ébullition5. Le renforcement des récentes théories neurobiologiques sur la maladie mentale, favorisé par la visualisation de l’activité cérébrale, illustre aussi cet espoir grandissant de lever enfin le voile sur la localisation des zones du cerveau et leurs complexes relations à la souffrance psychique. Néanmoins, malgré des technologies toujours plus précises, les processus d’interaction entre l’activité cérébrale et la pathologie mentale restent, aujourd’hui encore, en grande partie méconnus. Dans ce contexte, et plus que jamais, la discipline psychiatrique tente de trouver les moyens d’expliquer les leviers de sa pratique par des certitudes ou des preuves établies et de revendiquer un statut scientifique : ainsi, du côté de la recherche fondamentale en neurosciences psychiatriques, de grands programmes voient le jour avec l’ambitieux objectif de résoudre les énigmes lancées par le cerveau.

  • 6 JEANNEROD Marc, La Nature de l’Esprit, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 7.

5Cette situation entraîne inévitablement une série de questionnements sur la façon dont la psychiatrie doit et peut se redéfinir en fonction du renforcement des théories neurobiologiques. La discipline se confronte en effet à une « nouvelle distribution des rôles »6, laquelle laisse entrevoir un mélange d’espoirs et d’inquiétudes si l’on en croit les diverses publications des psychiatres consacrées au repositionnement de leur discipline face à l’avancée des neurosciences psychiatriques. Si les plus pessimistes envisagent une éclipse de la psychiatrie au profit de la neurobiologie, la préoccupation principalement mise en avant est celle de savoir comment intégrer la biologie du cerveau malade dans une pratique quotidienne, dans la mesure où la visualisation du cerveau en activité ne permet, pour l’instant, ni d’expliquer l’émergence d’un trouble psychique, ni de soigner ce dernier.

  • 7 La recherche translationnelle consiste à transférer les connaissances issues de la recherche fondam (...)

6Il serait pourtant naïf de croire que la pratique quotidienne des professionnel·le·s en santé mentale échappe totalement aux transformations institutionnelles véhiculées par l’essor des neurosciences psychiatriques. En effet, même si le cerveau paraît presque absent de la clinique, il est omniprésent dans les protocoles de recherche dite « translationnelle »7, ce qui se répercute inévitablement sur les manières d’envisager la clinique. Cet article insiste ainsi sur l’importance de visibiliser les enjeux de la recherche sur le cerveau, en revenant notamment sur la mise en récit des neurosciences psychiatriques en Suisse romande et ses potentielles conséquences pour l’avenir de la clinique psychiatrique. Il s’agit également de réfléchir à la manière dont le recours à des savoirs épistémologiques et historiques peut aider les futur·e·s professionnel·le·s en santé mentale à envisager leur pratique tout en gardant une distance critique face aux stratégies argumentatives des neurosciences psychiatriques.

Questionner la mise en récit des neurosciences psychiatriques

  • 8 J’emploie volontairement ce terme car il me paraît adéquat pour désigner le rôle attribué à certain (...)
  • 9 Je m’inspire ici du titre de l’ouvrage collectif dirigé par l’historienne des sciences ABIR-AM Pnin (...)

7Comme le relevait Swain, appliquer un regard historique aux problématiques actuelles de la psychiatrie est loin d’être évident et peut s’avérer douloureux. Cette démarche implique en effet d’analyser les récits élaborés de nos jours par les communautés neuroscientifiques elles-mêmes et largement repris par les médias, afin de mieux comprendre comment sont mis en avant non seulement des « personnages »8, mais aussi des théories ou des laboratoires dans le but de renforcer l’image de progrès scientifique qui caractérise l’essor des neurosciences. Une analyse historique ne vise pas forcément à nier la production de connaissances scientifiques dans le champ des neurosciences, mais à questionner la « mise en mémoire »9 de récits généralement élaborés par des scientifiques qui sont à la fois auteur·e·s et acteurs ou actrices desdits récits. L’historienne des sciences et médecin Christiane Sinding soulignait plusieurs aspects relatifs à la célébration des découvertes scientifiques :

  • 10 SINDING Christiane, « La célébration des découvertes thérapeutiques : des chasseurs de microbes aux (...)

Les héros de l’histoire de la médecine figurent sans doute parmi les plus glorifiés des « découvreurs ». Baptisés tour à tour sauveurs de l’humanité, faiseurs de miracles, génies bienfaiteurs, saints de la science, le culte dont ils ont fait l’objet dépasse largement le cercle des communautés scientifiques. Journalistes et biographes non spécialistes contribuent à la fabrication et la célébration de ces héros. […] Les commémorations scientifiques servent à construire une image du progrès scientifique qui permet de renforcer un clan et de fonder socialement une discipline. À cet effet, le scientifique construit un discours qui réunit le passé et le présent pour se projeter vers l’avenir et tracer un tableau lumineux de l’avenir de l’humanité : les maladies disparaîtront et les sociétés en seront bouleversées. […] Les miracles et le merveilleux remplissent la fonction sociale qu’assurera plus tard l’idée de « révolution thérapeutique » : affirmer l’émergence d’une médecine nouvelle, enfin efficace10.

8Les différents points soulevés par Sinding peuvent s’appliquer à l’histoire de l’appréhension des mécanismes cérébraux en psychiatrie, dans la mesure où le récit généralement produit sur cette histoire comporte à la fois des figures héroïques, des découvertes considérées comme des révolutions thérapeutiques et un discours d’espoir projeté vers l’avenir… autant d’aspects qui servent à renforcer la légitimité et l’assise de la psychiatrie en tant que discipline médicale et scientifique. L’histoire de la psychiatrie est donc jalonnée de « héros » et de « découvreurs » qui participent au renforcement d’un récit où prédominent le progrès et les avancées quant à la compréhension des mécanismes cérébraux ou neuronaux qui sous-tendent les pathologies mentales.

  • 11 Ou chlorydrate de diéthylaminopropyl-N-chlorophénothiazine (4560 RP).
  • 12 BOVET Emilie, Biographie du diencéphale. Revisiter l’histoire de la psychiatrie à travers le parcou (...)
  • 13 À cet égard, voir le passionnant ouvrage de l’historien de la médecine nord-américain Jack Pressman (...)

9À cet égard, on peut citer l’incontournable année 1952, puisqu’elle correspond aux premiers essais sur des patient·e·s psychiatriques d’une substance nouvelle : la chlorpromazine11, considérée comme le premier médicament neuroleptique. La « découverte », par les psychiatres français Jean Delay et Pierre Deniker, des effets thérapeutiques de la chlorpromazine dans le domaine des troubles psychiques est ainsi souvent qualifiée de « révolution thérapeutique », dans la mesure où elle aurait totalement « bouleversé » le visage de la psychiatrie. Des récits qui relatent cette « découverte » se dégage généralement l’idée d’un « avant » les neuroleptiques (caractérisé par des thérapies contraignantes et souvent inefficaces, des psychiatres perdus face à des pathologies dont la cause reste mystérieuse, et des patient·e·s condamné·e·s à passer leur vie en institution sans véritable espoir de rémission) opposée à l’idée d’un « après » (marqué par l’idée d’une psychiatrie devenue enfin scientifique, une possibilité d’entrer en dialogue avec les patient·e·s, une sortie massive des hôpitaux psychiatriques et la fin de l’institution asilaire). Cette façon de présenter l’évolution de la psychiatrie par une mise en récit du progrès accompli occulte le fait que cette discipline consacrait déjà, bien avant les années 1950, toute une part de sa pratique et de sa recherche à l’étude des liens entre psychisme et dysfonctionnement cérébral12. C’était donc déjà au nom du progrès scientifique qu’étaient mises en place et expérimentées des pratiques thérapeutiques aujourd’hui jugées comme non scientifiques13.

10Si la psychiatrie a longtemps mis en récit une révolution par les neuroleptiques, il est intéressant de constater qu’à l’heure actuelle, le discours qui transparaît généralement dans la promotion des neurosciences psychiatriques a plutôt tendance à affirmer une rupture face à un passé qualifié d’empirique. À titre d’exemple, on peut citer les propos de Pierre Magistretti, ancien directeur du Centre de Neurosciences Psychiatriques (CNP) vaudois, à l’occasion de l’inauguration du CNP, en 2004 :

Le CNP a pour mission de faciliter les interactions entre fondamentalistes et cliniciens avec pour objectif à terme l’amélioration de la qualité de vie des malades qui souffrent de troubles psychiatriques. Il y a seulement une vingtaine d’années, cette mission aurait pu paraître par trop ambitieuse, voire même impossible, tant le fossé entre données biologiques et approches cliniques semblait insurmontable. Le lien, certes très utile, mais quasi unique entre ces deux domaines que sont la biologie et la clinique, était constitué par la psychopharmacologie. Ainsi, un lien pouvait éventuellement être établi entre le mécanisme d’action moléculaire d’une substance et son action clinique. Le cheminement était d’ailleurs souvent inverse : une molécule pour laquelle on identifiait empiriquement un effet thérapeutique, par exemple pour la dépression, stimulait les recherches biologiques pour identifier le mode d’action de la molécule en question, amenant éventuellement à proposer des mécanismes physiopathologiques de la maladie.
La donne a aujourd’hui changé. Les avancées importantes faites par la recherche en neurosciences fondamentales au cours des dernières années permettent pour la première fois d’envisager de manière concrète l’étude des mécanismes biologiques qui contribuent au développement de maladies psychiatriques, ainsi que l’exploration de nouvelles approches thérapeutiques pour des pathologies qui touchent un pourcentage important de la population.14

11Le discours de Magistretti fonde explicitement son argumentation sur l’idée d’une rupture claire avec un passé de la discipline, lequel serait caractérisé par une absence d’interaction entre recherche et clinique, par un manque de scientificité, et par l’impossibilité d’identifier les bases biologiques des maladies mentales.

  • 15 Ces informations sont notamment disponibles sur : http://www.simplyscience.ch/PortalData/1/Resource (...)
  • 16 Pour la liste complète des articles et émissions parus dans les médias à ce sujet et un accès direc (...)
  • 17 Distribué quatre fois par année à tou·te·s les collaborateurs et collaboratrices du Centre Hospital (...)
  • 18 http://www.chuv.ch/chuv-chuvmag-1106.pdf, page consultée le 5 juillet 2013.
  • 19 Aucune femme n’est en effet mentionnée parmi ces personnalités. Exception faite d’un entretien avec (...)
  • 20 Ibidem, p. 4 et p. 7.
  • 21 Ibidem, p. 5.

12Cette mise en récit se retrouve de façon encore plus probante dans la promotion du Pôle de recherche national (PRN) « SYNAPSY – Mécanismes synaptiques des maladies mentales », financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNRS). Initié en 2010, avec un budget d’environ quarante-trois millions de francs suisses, dont dix-sept alloués par le FNRS15, SYNAPSY a été annoncé dans tous les grands médias nationaux, au moyen de titres qui affichaient clairement l’ambition de ce programme de recherche, tels que « Les mystères du cerveau humain vont enfin s’éclaircir », « Cerner les maladies mentales », « Quand neurosciences et psychiatrie se rencontrent », « Interdisciplinary research for a healthy mind » ou encore « Recherche interdisciplinaire pour un mental parfaitement équilibré »16. Dans l’édition de l’été 2011 du CHUV Magazine17 consacrée à ce PRN et intitulée « Neurones et esprit : la révolution »18, l’accent a par ailleurs été mis sur l’« accélération historique » des progrès réalisés dans le domaine des neurosciences psychiatriques à Lausanne. Sur plusieurs pages du magazine figurent ainsi les photographies des personnalités masculines19 qui contribuent à faire de Lausanne un pôle d’intérêt grandissant pour la recherche en neurosciences. Sur ces images, on peut voir les directeurs du département de neurosciences cliniques et du centre de neurosciences psychiatriques effectuer un bras de fer, ou encore ces mêmes directeurs ainsi que celui du département de psychiatrie regardant dans la même direction, laissant suggérer qu’ils sont tournés vers l’avenir20. À côté de ces portraits, on peut lire, sous le titre « Des cerveaux au service du cerveau », que sont réunis les « plus brillants spécialistes en neurosciences […] afin de découvrir les racines biologiques (ou ‘marqueurs’) des maladies mentales ». Il est également mentionné que, derrière le projet Synapsy, « se cachent des dizaines d’équipes de psychiatres, de biologistes, de médecins, de chirurgiens, mais également d’ingénieurs, d’informaticiens, de mathématiciens et de statisticiens issus des différentes institutions »21. Si l’histoire de la psychiatrie est mobilisée au fil des articles, c’est plutôt pour mieux marquer, sous la plume des journalistes, le contraste entre les anciennes méthodes d’exploration cérébrale et les nouvelles techniques de neuroimagerie. Ce contraste est d’autant plus fort que des images en noir et blanc d’une gravure de cerveau et d’une patiente de Charcot diagnostiquée comme hystérique côtoient des reproductions colorées d’imagerie cérébrale.

  • 22 ABIR-AM Pnina G., La mise en mémoire de la science… op. cit., p. 30.

13Des sources comme le CHUV Magazine sont loin d’être des sources de second plan pour les chercheurs et chercheuses en histoire et en études sociales des sciences, bien au contraire : dans la mesure où elles sont très largement diffusées, leur impact sur la façon dont se construit actuellement la perception des neurosciences psychiatriques au sein du large public n’est absolument pas négligeable. Comme le dit Abir-Am, « en dépit des lacunes évidentes qui les caractérisent, ces récits finissent par structurer non seulement mémoire et identité collectives, mais aussi l’historiographie qui prendra le relais »22. On assiste ici à une histoire en train de se faire, dans laquelle la mise en avant de personnalités et de « découvertes » préfigure les récits de demain. Dans cette histoire en construction, tout laisse à penser que la psychiatrie vient de découvrir le cerveau et que la clinique en santé mentale bénéficiera dans un avenir proche des progrès réalisés par la recherche en neurosciences.

Le cerveau en clinique psychiatrique : entre absence et omniprésence

  • 23 Pour plus de détails, voir http://www.snf.ch/nfp/nccr/F/prnendetail/prnencours/Pages/synapsy.aspx e (...)
  • 24 Ancien directeur du Centre de Neurosciences Psychiatriques, et directeur du Brain and Mind Institut (...)
  • 25 Je me réfère notamment aux séminaires « Clinique, neurosciences, sciences humaines et sociales », o (...)
  • 26 Conférence du 12 mars 2012 par Jacques Gasser, « Qu’apportent les neurosciences à la psychiatrie ?  (...)
  • 27 Citation tirée de la présentation générale du Centre de Neurosciences Psychiatriques (CNP) de Cery (...)
  • 28 Ces recherches sont qualifiées de « recherches cliniques » dans la mesure où elles incluent des pat (...)

14Cette mise en récit ne doit pas attendre d’appartenir au passé pour faire l’objet d’une analyse critique de la part des historien·ne·s de la médecine et des chercheurs/euses en études sociales des sciences, démarche nécessaire pour interroger la manière dont sont intégrées les neurosciences psychiatriques dans le quotidien des professionnel·le·s en santé mentale. En effet, la psychiatrie est contrainte, aujourd’hui encore, de tâtonner, sans pouvoir véritablement établir un lien de causalité entre les médicaments administrés, les effets provoqués par ces médicaments dans le cerveau des patient·e·s et leur influence sur le comportement de ces dernier·e·s. Dans ce contexte, les enjeux cliniques sont pratiquement absents des discours visant à vanter les bienfaits des nouvelles technologies sur le futur de la thérapeutique psychiatrique. Dès lors, il est fondamental de repérer les enjeux institutionnels véhiculés par des projets tel que SYNAPSY. Ce pôle national de recherche met en avant la nécessité de « former une nouvelle génération de psychiatres bénéficiant de solides compétences cliniques alliées à une connaissance approfondie des bases neurobiologiques des fonctions et dysfonctions mentales »23. Si cette ambition est clairement explicitée dans le descriptif du projet, et régulièrement prononcée par le directeur du PNR, Pierre Magistretti24, on la retrouve également dans les propos des psychiatres clinicien·ne·s du département de psychiatrie vaudoise qui participent au projet. On assiste ainsi à une situation plutôt paradoxale, où d’importants fonds sont attribués à la recherche sur les « mécanismes neurobiologiques des troubles psychiques et cognitifs », alors qu’une grande partie des clinicien·ne·s en psychiatrie dit ne pas forcément se sentir concernée par ce genre de recherches et se passe de connaissances sur le cerveau dans sa pratique quotidienne. Que ce soit dans des publications parues dans des revues de psychiatrie, au cours de réunions avec des professionnel·le·s en santé mentale ou encore lors d’interventions dans des conférences à ce sujet25, il ressort généralement que concrètement, au niveau clinique, les neurosciences n’ont rien apporté à la psychiatrie26. Il est vrai que, sur le plan clinique, les neurosciences n’orientent pour l’instant pratiquement aucun diagnostic et qu’il est difficile d’intégrer les techniques d’exploration du fonctionnement cérébral dans une perspective clinique. Ainsi, si la recherche en neurosciences psychiatriques promeut la mise en place d’interfaces et de programmes stimulant « l’orientation de la recherche fondamentale vers des applications cliniques en mettant en relation étroite fondamentalistes et clinicien·ne·s dans le domaine des neurosciences »27, force est de constater que cette collaboration entre le pôle de la clinique et celui de la recherche est encore loin d’être effective. Bien qu’une grande majorité des professionnel·le·s de la santé mentale ne se sente pas concernée par les recherches effectuées dans le cadre de SYNAPSY, il n’en demeure pas moins que la plupart des clinicien·ne·s bénéficiant d’une position hiérarchique élevée dans le département collaborent activement à ce pôle de recherche, notamment par le biais de différentes recherches cliniques28, telles que celles portant sur les endophénotypes des troubles de l’humeur, la délétion 22Q11 chez les schizophrènes, les biomarqueurs des premiers épisodes psychotiques, ou encore les liens entre stress et psychopathologie… autant de projets directement en lien avec les neurosciences psychiatriques.

15En outre, partager un temps de travail entre une pratique clinique et une activité de recherche en neurosciences psychiatriques permet de mieux se profiler pour une carrière académique et avoir l’opportunité de publier dans des revues internationales. On peut dès lors se demander dans quelle mesure l’intérêt manifesté aujourd’hui par les psychiatres pour le cerveau est conditionné par les exigences imposées par la recherche en neurosciences psychiatriques. On peut même supposer que la plupart des clinicien·ne·s qui occuperont dans le futur les postes les plus élevés du département de psychiatrie appartiendront à cette « nouvelle génération » de psychiatres-neurologues. Si tel est le cas, il est indispensable de réfléchir à la place que laissera alors la recherche sur le cerveau aux différentes manières d’envisager la clinique. En effet, si la discipline psychiatrique se caractérise aujourd’hui encore par sa multiplicité d’approches thérapeutiques, il est difficile de prévoir la façon dont ces approches se verront reconfigurées par l’avancée des neurosciences psychiatriques et la légitimité qui leur sera encore accordée dans les projets de recherche. Il est à cet égard frappant de constater à quel point les médias adoptent le point de vue des sciences du cerveau en recourant à un vocabulaire teinté d’espoirs, voire de promesses, alors que la réalité des acteurs et actrices du soin est souvent bien éloignée des discours révolutionnaires visant à promouvoir la recherche en neurosciences psychiatriques.

Encourager l’étude historique des neurosciences psychiatriques dans la formation des futur·e·s professionnel·le·s de la santé mentale

16Ces enjeux sont loin d’être visibilisés dans la formation des futur·e·s professionnel·le·s en santé mentale, qu’il s’agisse des soins infirmiers, de la psychiatrie, de la psychologie, ou encore de l’ergothérapie. Mes propres recherches de terrain auprès d’étudiant·e·s en formation dans ces différentes catégories professionnelles laissent effectivement entrevoir une considération très minime pour les neurosciences psychiatriques et l’aveu d’une méconnaissance quasi totale quant au contenu des recherches cliniques menées dans le cadre des grands projets nationaux. En outre, au cours de plusieurs expériences d’enseignement avec de futur·e·s infirmier·e·s, ergothérapeutes ou psychologues, il est apparu que ce manque d’intérêt pour les sciences du cerveau était principalement lié au fait que les étudiant·e·s estimaient que les recherches en neurosciences ne leur étaient d’aucune utilité lorsqu’il s’agissait de donner un sens aux signes et symptômes manifestés par une personne en souffrance. Dans les propos des étudiant·e·s, les neurosciences psychiatriques représentaient à la fois un domaine étranger et déconnecté de la pratique, mais aussi un nouveau champ des possibles quant à la compréhension des maladies psychiques et à l’optique de les soigner un jour par des moyens appropriés. Pourtant, lors de ces mêmes enseignements, la mise en évidence des principales collaborations entre clinicien·ne·s renommé·e·s et neuroscientifiques suscitait systématiquement une réflexion collective sur les compétences professionnelles qui seraient probablement exigées dans le futur, compétences envisagées comme une adaptation aux transformations provoquées par l’avancée des neurosciences psychiatriques.

17Ce type de réflexion est primordial, dans la mesure où une partie de ces futur·e·s professionnel·le·s sera tôt ou tard impliquée dans des structures hospitalières dirigées par des clinicien·ne·s actuellement engagé·e·s dans des programmes de recherche translationnelle, et qu’il est par conséquent nécessaire qu’elle soit préparée aux éventuels renouvellements institutionnels qui en découleront. Toutefois, il est encore très rare que les neurosciences psychiatriques fassent l’objet d’une mise en perspective critique dans les formations en psychiatrie. Cette lacune est regrettable, car elle ne fait que renforcer l’idée selon laquelle la clinique quotidienne en psychiatrie serait totalement étrangère aux enjeux liés à l’essor des neurosciences psychiatriques. Dans ce contexte, mobiliser l’histoire peut s’avérer constructif à plusieurs égards : cette démarche permettrait premièrement de souligner auprès des étudiant·e·s qu’il n’existe pas de période dans l’histoire de la psychiatrie qui ne soit caractérisée par un intérêt particulier d’une partie de la discipline pour les anomalies constatées dans le cerveau des personnes atteintes de troubles psychiques. La volonté de faire le lien entre ces anomalies et l’émergence des troubles se reflète notamment dans le nombre considérable d’hypothèses émises depuis plus d’un siècle sur les liens entre cerveau et pathologies mentales. Qu’elles concernent un dysfonctionnement lésionnel d’une partie du cerveau, une anomalie neurochimique ou un déficit moléculaire, ces hypothèses sont le reflet, tout au long de l’histoire de la psychiatrie, du caractère récurrent des questionnements et des espoirs suscités par une potentielle compréhension de la relation « pathologie mentale – dysfonctionnement cérébral ».

  • 29 À cet égard, on recommandera la lecture de l’ouvrage du psychiatre irlandais HEALY David, Le temps (...)

18Au fond, se pencher sur l’histoire de l’appréhension cérébrale des troubles psychiques par la psychiatrie permet de mieux décortiquer les manières dont ont émergé certaines théories cérébrales de la souffrance psychique, leur acceptation par différentes communautés médicales et scientifiques, leur notoriété, mais aussi les éventuelles raisons de leur insuccès ou de leur transformation. Cette démarche est indispensable pour garder une distance critique face à la multiplication, dans des revues à fort facteur d’impact, d’articles faisant état de découvertes révolutionnaires sur les bases neurobiologiques des pathologies mentales. En effet, si le discours actuel promu par la recherche en neurosciences psychiatriques laisse suggérer que les techniques de visualisation de l’activité cérébrale permettront de définir avec toujours plus de précisions les fonctions du cerveau, une analyse historique et épistémologique se doit d’éclairer les conditions d’émergence et l’évolution des théories cérébrales qui ont jalonné l’histoire de la psychiatrie. Cette analyse viserait notamment à mieux saisir les enjeux sous-jacents à l’essor de la recherche sur le cerveau en psychiatrie, enjeux qui concernent par exemple les types de collaborations privilégiées entre les structures hospitalières et les équipes de recherche, les positions professionnelles et académiques influentes, le rôle de l’industrie pharmaceutique, les conflits d’intérêts ou encore les reconfigurations institutionnelles29.

19Deuxièmement, une réinscription des avancées des neurosciences psychiatriques dans une histoire qui leur est antérieure permet d’encourager les futur·e·s clinicien·ne·s – comme les futur·e·s chercheuses et chercheurs – à ne pas négliger un passé qui pourrait servir de base à de nombreuses pistes de recherche et de questionnements. Parmi ces pistes, on peut citer à titre d’exemple la permanence de certaines problématiques autour de l’effet des thérapies biologiques sur le comportement des patient·e·s psychiatriques : en effet, des méthodes comme l’électrochoc ou la stimulation intracrânienne, déjà utilisées dans les années 1930, font encore partie des traitements privilégiés pour soulager les cas les plus sévères de maniaco-dépression ou de dépression, alors qu’on ne connaît pas leurs véritables effets sur le cerveau. L’analyse d’études réalisées durant la période des thérapies de choc offre par conséquent l’opportunité de questionner le paradoxe d’une recherche clinique et expérimentale qui s’active aujourd’hui à comprendre les bases neuronales des maladies mentales à l’aide de technologies toujours plus pointues alors que certaines méthodes thérapeutiques n’ont que très peu évolué depuis la première moitié du XXe siècle et que, bien qu’elles soient encore utilisées, leurs mécanismes d’action restent en partie inexpliqués. Un deuxième exemple de réflexion pourrait concerner la mise en évidence des multiples similarités entre les travaux effectués dans les années 1940-1950 relatifs à l’influence du système endocrinien sur le psychisme, ou aux liens entre stress et troubles émotionnels, et ceux promus actuellement par la recherche en neurosciences psychiatriques sur les mêmes sujets. Une troisième piste d’analyse serait de reconsidérer les recherches effectuées avant les années 1960 par les psychiatres partisans des psychoses expérimentales, afin de voir dans quelle mesure les observations consignées peuvent servir à compléter des résultats obtenus de nos jours par la recherche expérimentale en laboratoire.

  • 30 Relevons qu’à l’heure actuelle, nombreuses sont les critiques qualifiant de « déshumanisantes » les (...)

20Ces quelques exemples sont loin de constituer une liste exhaustive des propositions. Ils aident cependant à comprendre que revisiter l’histoire de la psychiatrie et de ses liens avec la recherche sur le cerveau permet de relativiser l’argumentation visant à faire des neurosciences un phénomène révolutionnaire et de réfléchir plutôt à la façon dont certains travaux antérieurs à l’essor des neurosciences peuvent être mobilisés pour repenser la place de la clinique à l’heure où les sciences du cerveau investissent toujours plus le champ psychiatrique. En plus de souligner la permanence de certains questionnements, rompre avec les récits « progressistes » est indispensable pour comprendre que l’histoire de la psychiatrie ne peut se résumer à des « découvertes » et des « révolutions » qui auraient bouleversé une pratique jusqu’alors caractérisée par des traitements « inefficaces », voire « inhumains »30.

21Enfin, l’étude historique des neurosciences pourrait encourager les futur·e·s professionnel·le·s en santé mentale à prendre conscience des reconfigurations actuellement à l’œuvre dans le champ psychiatrique et de l’influence des sciences du cerveau sur cette reconfiguration. Il ne s’agit pas de prétendre qu’aujourd’hui, la pratique des soignant·e·s est pleinement menacée par les restructurations institutionnelles qui s’opèrent avec l’essor des neurosciences psychiatriques, mais plutôt d’inviter à réfléchir aux changements progressifs des pratiques qui pourraient découler de ces restructurations. En effet, la diffusion « culturelle » des neurosciences psychiatriques est subtile, et dans la mesure où la plupart des soignant·e·s ne les intègrent pas dans leur pratique quotidienne, il est particulièrement difficile d’évaluer la façon dont elles influencent de nouvelles organisations au sein des institutions. Mes discussions avec des psychiatres et des infirmier·e·s en psychiatrie m’ont pourtant fait réaliser à quel point l’on privilégie, en médecine comme en soins infirmiers, les projets de recherche appliquée qui sont directement en lien avec des théories cérébrales de la souffrance psychique. Ainsi, par exemple, dans les écoles de soins infirmiers, les projets de recherche dans le domaine de la psychiatrie intègrent-ils de plus en plus souvent des théories neuroscientifiques. Si ces théories sont encore loin de prévaloir dans l’enseignement, on peut tout de même supposer qu’elles orienteront progressivement la manière de transmettre aux étudiant·e·s un savoir sur la psychiatrie. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la plupart des chercheurs/euses impliqué·e·s dans ces projets de recherche soient aussi des enseignant·e·s–clinicien·ne·s collaborant et publiant régulièrement avec des neuroscientifiques. Cette perméabilité entre les différentes fonctions rend encore plus difficile l’identification des changements structurels qui s’opèrent dans le domaine de la santé mentale. Dans ce contexte, prendre les neurosciences psychiatriques comme l’objet d’une histoire en train de se construire pourrait éclairer, dans la formation des futur·e·s professionnel·le·s de la santé mentale, les façons dont convergent aujourd’hui les intérêts autour de l’ancrage cérébral de la souffrance psychique, comment s’y articulent des savoirs, des théories, des pratiques, mais aussi les personnalités impliquées dans ces reconfigurations et leur influence au niveau institutionnel. Traiter le présent des neurosciences psychiatriques comme nous traiterions n’importe quel moment du passé permet de poursuivre le programme proposé par Swain et de favoriser une réflexion critique et constructive, loin des écueils de la fascination ou de la répulsion face aux sciences du cerveau.

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Notes

1 SWAIN Gladys, « Chimie, cerveau, esprit et société. Paradoxes épistémologiques des psychotropes en médecine mentale », Le Débat, 47, 1987, p. 172-183. Article publié dans SWAIN Gladys, Dialogue avec l’insensé, Paris, Gallimard, 1994, p. 265.

2 « The “long” Decade of the Brain began in 1990 with United States President George Bush proclaiming the 1990s as a decade to promote neuroscientific research and ended in 2000 with the awarding of the Nobel Prize in Physiology or Medicine to Arvid Carlsson (Sweden), Paul Greengard (USA), and Eric Kandel (USA) for their discoveries concerning signal transduction in the nervous system », JOSEPH D. George, « The decade of the brain – A decade of scholarship. A bibliography of the history of the neurosciences, 1990-2000 », Journal of the History of the Neurosciences, 10/1, 2001, p. 113. Ces quelques lignes introduisent une longue bibliographie des livres publiés entre les années 1990 et 2000 sur l’histoire des neurosciences, compilée par George Joseph pour les dix ans du Journal of the History of Neurosciences.

3 BARRAS Vincent et DUPONT Jean-Claude, « Neurosciences et médecine », Revue d’histoire des sciences, 63/2, 2010, p. 327.

4 Pour approfondir la réflexion des répercussions sociales des neurosciences, voir CHAMAK Brigitte et MOUTAUD Baptiste (dir.), Neurosciences et société. Enjeux des savoirs et pratiques sur le cerveau, Paris, Armand Colin, 2014.

5 DUPONT Jean-Claude, Histoire de la neurotransmission, Paris, PUF, 1999.

6 JEANNEROD Marc, La Nature de l’Esprit, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 7.

7 La recherche translationnelle consiste à transférer les connaissances issues de la recherche fondamentale vers une application concrète dans la clinique.

8 J’emploie volontairement ce terme car il me paraît adéquat pour désigner le rôle attribué à certains acteurs dans le récit des découvertes scientifiques.

9 Je m’inspire ici du titre de l’ouvrage collectif dirigé par l’historienne des sciences ABIR-AM Pnina G., La mise en mémoire de la science. Pour une ethnographie historique des rites commémoratifs, Amsterdam, Éditions des archives contemporaines, 1998.

10 SINDING Christiane, « La célébration des découvertes thérapeutiques : des chasseurs de microbes aux manipulateurs de gènes », in ABIR-AM Pnina G., La mise en mémoire de la science… op. cit., p. 125-142.

11 Ou chlorydrate de diéthylaminopropyl-N-chlorophénothiazine (4560 RP).

12 BOVET Emilie, Biographie du diencéphale. Revisiter l’histoire de la psychiatrie à travers le parcours d’une zone cérébrale, Thèse de doctorat, Université de Lausanne, Faculté de biologie et médecine, 2012.

13 À cet égard, voir le passionnant ouvrage de l’historien de la médecine nord-américain Jack Pressman : PRESSMAN Jack, Last Resort. Psychosurgery and the limits of medicine, Cambridge, Masson, 1998. Il montre à quel point l’émergence de la psychochirurgie s’inscrit dans un contexte où la discipline psychiatrique, en quête de légitimité scientifique, était animée par l’espoir de trouver enfin « la » méthode active, capable de prouver l’ancrage cérébral des pathologies mentales. Loin de diaboliser la psychochirurgie, l’historien analyse les raisons qui ont poussé les professionnel·le·s à constater son efficacité à un moment précis de l’histoire de la psychiatrie.

14 http://files.chuv.ch/internet-docs/dpc/services/dpc_cnp_mission.pdf, dernière consultation le 5 juillet 2013.

15 Ces informations sont notamment disponibles sur : http://www.simplyscience.ch/PortalData/1/Resources/images_2011/2_aha/2.3_dossiers/brain_bus_2011/franzoesisch/Poster_PRN_SYNAPSY.pdf, page consultée le 5 juillet 2013.

16 Pour la liste complète des articles et émissions parus dans les médias à ce sujet et un accès direct à la plupart d’entre eux, voir : http://www.nccr-synapsy.ch/media, page consultée le 5 juillet 2013.

17 Distribué quatre fois par année à tou·te·s les collaborateurs et collaboratrices du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, soit à plus de 8 000 personnes, ce magazine se définit comme « une maquette moderne, inspirée des publications scientifiques anglo-saxonnes » qui « présente les enjeux organisationnels, politiques et scientifiques du milieu de la santé concernant très directement le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois ». http://largenetwork.com/fr/magazines/chuv-magazine/description, page consultée le 5 juillet 2013.

18 http://www.chuv.ch/chuv-chuvmag-1106.pdf, page consultée le 5 juillet 2013.

19 Aucune femme n’est en effet mentionnée parmi ces personnalités. Exception faite d’un entretien avec la doctoresse Karin Diserens (dont la photo n’apparaît pas) (p. 22), la seule femme qui fait l’objet d’un article est une patiente (p. 36) ; les autres photos de femmes dans l’entier du numéro sont : la célèbre image d’Augustine, patiente de Charcot diagnostiquée comme hystérique (p. 10-11), une photo représentant une infirmière et une patiente (p. 22-23), et, enfin, une photo imagée mettant en scène une femme dont on étudie les phases de sommeil (p. 27).

20 Ibidem, p. 4 et p. 7.

21 Ibidem, p. 5.

22 ABIR-AM Pnina G., La mise en mémoire de la science… op. cit., p. 30.

23 Pour plus de détails, voir http://www.snf.ch/nfp/nccr/F/prnendetail/prnencours/Pages/synapsy.aspx et http://www.nccr-synapsy.ch/, page consultée le 5 juillet 2013.

24 Ancien directeur du Centre de Neurosciences Psychiatriques, et directeur du Brain and Mind Institute, à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne.

25 Je me réfère notamment aux séminaires « Clinique, neurosciences, sciences humaines et sociales », organisés depuis 2007 par l’Institut Universitaire d’Histoire de la Médecine et de la Santé Publique à Lausanne, au cours desquels des professionnel·le·s sont invité·e·s à réfléchir à la façon dont ils et elles prennent en compte la recherche sur le cerveau dans leur pratique (http://www.chuv.ch/iuhmsp/ihm_home/ihm_activites/ihm_seminaires/ihm_clinique_neurosciences_sciences_humaines.htm, page consultée le 10 juin 2014. Je me réfère également aux interventions et discussions des colloques « Mind the Brain ! », organisés annuellement depuis 2008 par le même institut et par le Collège des Humanités de l’EPFL et visant à « croiser les regards » de clinicien·ne·s, neuroscientifiques et représentant·e·s des sciences humaines et sociales sur des sujets touchant au cerveau et au psychisme.

26 Conférence du 12 mars 2012 par Jacques Gasser, « Qu’apportent les neurosciences à la psychiatrie ? », Connaissance 3. L’Université des seniors, http://www.unil.ch/connaissance3/page90935.html, page consultée le 19 janvier 2014.

27 Citation tirée de la présentation générale du Centre de Neurosciences Psychiatriques (CNP) de Cery par son directeur Pierre Magistretti (files.chuv.ch/internet-docs/dpc/services/dpc_cnp_mission.pdf, page consultée le 2 juin 2011).

28 Ces recherches sont qualifiées de « recherches cliniques » dans la mesure où elles incluent des patient·e·s, contrairement aux recherches fondamentales principalement effectuées sur des animaux. C’est suite aux résultats obtenus par la recherche fondamentale que se développent la plupart des recherches cliniques.

29 À cet égard, on recommandera la lecture de l’ouvrage du psychiatre irlandais HEALY David, Le temps des antidépresseurs, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, (1997), 2002. Consacré aux enjeux liés à l’introduction des antidépresseurs et à l’avènement de la psychopharmacologie, cet ouvrage est particulièrement utile pour saisir la façon dont se sont développées les hypothèses neurochimiques des maladies mentales et les bouleversements provoqués par les essais cliniques randomisés.

30 Relevons qu’à l’heure actuelle, nombreuses sont les critiques qualifiant de « déshumanisantes » les neurosciences psychiatriques et les thérapies auxquelles on les associe généralement (principalement les thérapies cognitivo-comportementales). Les querelles entre psychanalystes et partisan·ne·s des neurosciences et des thérapies cognitivo-comportementales ont trouvé récemment en France une démonstration particulièrement virulente suite à la diffusion, sur internet, du documentaire de Sophie Robert « Le Mur. La psychanalyse à l’épreuve de l’autisme ». Rappelons aussi les affrontements, en 2005 et 2006, entre les deux « camps » avec la publication du Livre noir de la psychanalyse et les ouvrages qui y ont répondu. Appuyé·e·s par une médiatisation sans précédent, les représentant·e·s des TCC et les psychanalystes se sont affronté·e·s publiquement en discréditant systématiquement tout ce qui touchait à l’orientation opposée.

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Pour citer cet article

Référence papier

Émilie Bovet, « Mobiliser l’histoire pour mieux visibiliser les enjeux actuels de la recherche sur le cerveau »Histoire, médecine et santé, 6 | 2015, 71-84.

Référence électronique

Émilie Bovet, « Mobiliser l’histoire pour mieux visibiliser les enjeux actuels de la recherche sur le cerveau »Histoire, médecine et santé [En ligne], 6 | automne 2014, mis en ligne le 24 mai 2017, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/717 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.717

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Auteur

Émilie Bovet

Émilie Bovet est socio-anthropologue, docteure en sciences de la vie. Ses domaines de recherche et d’enseignement portent principalement sur la psychiatrie, l’histoire des sciences du cerveau et le transfert des connaissances en médecine. Elle collabore régulièrement avec des infirmiers et infirmières en psychiatrie du Canton de Vaud afin de réfléchir à l’amélioration des soins dans le champ de la santé mentale.

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