L’épistémologie clinique de Ludwig Binswanger (1881-1966) : la psychiatrie comme « science du singulier »
Résumés
Si l’on analyse les problématiques épistémologiques qui ont motivé à l’origine la psychiatrie « existentielle », on s’aperçoit que son approche méthodologique a été formulée à partir d’une nécessité théorique qui est strictement liée aux exigences de la clinique. Cet article entend présenter et analyser les intuitions méthodologiques de Ludwig Binswanger afin d’ouvrir l’espace pour une réflexion qui, sur la base d’une épistémologie clinique formulée à partir du problème de la relation entre la singularité du patient et l’exigence de généralisation de la psychiatrie en tant que science médicale, se développe également dans la direction d’un discours sur la pratique thérapeutique.
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1Traiter du modèle méthodologique élaboré par le psychiatre suisse Ludwig Binswanger (1881-1966) comme d’un « cas » représentatif de l’articulation entre pratique et théorie dans le domaine de la psychiatrie pourrait donner lieu à des objections, dans la mesure où nombre de psychiatres et philosophes ont reproché à la « Daseinsanalyse » d’être une démarche directement issue de la philosophie et donc une méthode qui ferait défaut sur le plan pratico-thérapeutique. Les psychiatres, en particulier, ont souvent assimilé la psychiatrie « existentielle » à un discours éthique sur la relation de soin voué à l’écoute et à la compréhension du sujet malade en opposition à la médicalisation de son expérience de la souffrance – une expérience que ce courant de la psychiatrie préfère qualifier de « forme d’existence » plutôt que de maladie. Il y aurait donc l’idée que cette psychiatrie « anthropologique » s’opposerait en quelque sorte à une psychiatrie médicale et thérapeutique considérée par principe comme « pathologisante ».
- 1 Cf. HIRSCHMÜLLER Albrech et WHITROW Magda, « The Development of Psychiatry and Neurology in the Nin (...)
- 2 Nous nous permettons de renvoyer, à cet égard, à notre article : « “Le rêve comme argument” : les e (...)
- 3 On se souviendra que le premier ouvrage de Roland LAING, The Divided Self (Harmondsworth, Penguin, (...)
- 4 FOUCAULT Michel, « Introduction » à Ludwig Binswanger, Le rêve et l’existence, trad. fr. par Jacque (...)
- 5 Dans un entretien de 1980, par exemple, Foucault prend ses distances avec le mouvement antipsychiat (...)
- 6 Lors de la parution de l’Histoire de la folie, certains psychiatres français taxèrent la posture in (...)
- 7 Franco Basaglia avait été l’un des élèves de Danilo Cargnello (1911-1998), l’un des premiers psychi (...)
2En effet, la psychiatrie existentielle a eu un rôle important, dès son origine, dans la problématisation et parfois aussi dans la mise en question de la psychiatrie en tant que science médicale. À l’époque de sa première élaboration, le courant phénoménologique s’est montré très critique à l’égard de l’approche positiviste du savoir psychiatrique académique du début du XXe siècle, notamment de la « Gehirnpathologie » promue par Carl Wernicke (1848-1905), selon laquelle la psychiatrie aurait dû partager le langage et les lois de la neurologie1. C’est précisément à cette époque qu’une certaine partie des milieux universitaires suisses et allemands – on mentionnera notamment, à cet égard, les noms d’Eugen Bleuler (1957-1939) à Zurich et de Karl Jaspers (1983-1969) à Heidelberg – commence à s’interroger sur le rôle que pourrait jouer l’approche psychologique dans le domaine de la psychiatrie clinique2. Et c’est également pour cette raison que la psychiatrie existentielle, dans une époque plus récente, a pu devenir le point de repère privilégié d’une partie de l’antipsychiatrie. À partir des années soixante du siècle dernier, la présence d’auteurs comme Karl Jaspers, Ludwig Binswanger et Eugène Minkowski (1885-1972) est très forte notamment dans les ouvrages des antipsychiatres anglo-saxons Roland Laing (1927-1989) et David Cooper (1931-1986)3. On pourrait également mentionner, du côté français, le cas de Michel Foucault (1926-1984), lequel fut parmi les premiers à introduire concrètement l’œuvre de Binswanger en France4 et qui en même temps – qu’il le voulût ou non5 – reste en quelque sorte lié, à partir de la publication de Folie et déraison en 1961, à ce mouvement de critique de la psychiatrie médicale6. Par ailleurs, le parcours du célèbre psychiatre italien Franco Basaglia (1924-1980) passe aussi, à la même époque, par la psychiatrie existentielle et les ouvrages de Foucault7.
- 8 Cf. MINKOWSKI Eugène, « L’homme et ce qu’il y a d’humain en lui », in Vers une cosmologie. Fragment (...)
- 9 MINKOWSKI Eugène, « Psychiatrie et métaphysique. À la recherche de l’humain et du vécu, Revue de Mé (...)
- 10 MALDINEY Henry, « Psychose et présence », Revue de Métaphysique et de Morale, 81, 4, 1976, p. 513-5 (...)
3Or, le programme de l’antipsychiatrie consistait précisément dans la volonté de démédicaliser la maladie mentale pour laisser libre cours à une folie abordée comme phénomène « préscientifique » et conçue donc comme le résultat des contraintes sociales, ou comme l’expression – comme le remarquaient Minkowski et Foucault dans les années cinquante – de « ce qu’il y de plus humain dans l’homme »8. La psychiatrie existentielle, donc, selon cette perspective, aurait précisément la fonction d’envisager la « folie » en amont de toute conceptualisation psychopathologique, en tant que phénomène extrascientifique, comme cette « vérité vitale et humaine » – écrivait Minkowski en 1947 – « dont l’histoire ne retiendra que ce qu’“historiquement” elle en saura détacher, et qui est loin d’en être le tout »9. Et le philosophe Henri Maldiney a même pu affirmer que « si l’attitude phénoménologique avait prévalu en psychiatrie, l’antipsychiatrie ne serait pas née »10.
4Dans les pages qui suivent, à travers l’exemple de Ludwig Binswanger, nous problématiserons précisément l’idée selon laquelle la psychiatrie existentielle serait née et se serait développée comme courant purement philosophique et anthropologique en opposition au cadre scientifique et médical de la psychiatrie du début du XXe siècle. Il s’agit au contraire de montrer que cette psychiatrie, qui s’est adressée à la philosophie, et notamment à la phénoménologie, l’a fait dans le but de trouver une forme de scientificité qui lui permettrait de trouver sa propre place aux côtés des autres branches de la médecine. En effet, en analysant les problématiques épistémologiques qui ont motivé à l’origine ce courant de la psychiatrie, on s’aperçoit que cette méthode a été formulée à partir d’une nécessité théorique qui est strictement liée à l’exigence de rendre compte, au niveau de la relation clinique entre médecin et patient, de la nature subjective et individuelle des expériences psychopathologiques. De ce point de vue, les intuitions épistémologiques de Ludwig Binswanger pourront ouvrir l’espace, aujourd’hui, pour des réflexions ultérieures sur la pratique thérapeutique ou la relation du soin.
- 11 Cf. GAILLE Marie, textes réunis par, Textes clés de philosophie de la médecine, vol. 1 : Frontière, (...)
5Cette démarche mérite d’être approfondie, car elle nous paraît tout à fait pertinente dans le contexte du débat actuel concernant le rôle et les tâches de la « philosophie de la médecine » face au discours de plus en plus pressant de la « bioéthique »11.
Le « cas » Binswanger
- 12 Eugen Bleuler dirige le Burghölzli de 1898 à 1927.
- 13 Cf. en particulier BLEULER Eugen, Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien, Deuticke, Leipzi (...)
- 14 FREUD Sigmund et JUNG Carl Gustav, Briefwechsel, éd. par W. McGuire et W. Sauerländer, Frankfurt a. (...)
- 15 BINSWANGER Ludwig, « Psychoanalyse und klinische Psychiatrie », Internationale Zeitschrift für ärzt (...)
6Si nous avons choisi de nous concentrer sur l’exemple de Ludwig Binswanger, c’est parce que l’œuvre de ce psychiatre se présente est la plus représentative du courant « existentiel » de la psychiatrie au début du XXe siècle. Formé dans l’une des cliniques psychiatriques universitaires les plus célèbres d’Europe au passage entre le XIXe et le XXe siècle – le Burghölzli de Zurich, dirigé par Eugen Bleuler et son jeune assistant Carl Gustav Jung12 – Binswanger eut l’opportunité de se confronter aux développements les plus récents de la psychiatrie académique de son époque, celle qui envisageait la possibilité d’affronter les troubles psychiatriques selon le point de vue de la psychologie dynamique naissante13. Son appartenance à une famille de psychiatres depuis trois générations – il n’est peut-être pas superflu de rappeler que l’oncle de Ludwig, Otto Binswanger, était professeur à l’Université de Jena et que Freud n’hésita pas, dans un échange avec Jung, à le définir comme une « forteresse de l’orthodoxie »14 – ne lui empêcha pas de se mettre à l’écoute des exigences de renouvellement de la psychiatrie clinique à une époque où l’approche scientifique dominante était marquée par le système nosologique kraepelinien. Même une fois abandonné le milieu académique – Ludwig consacrera toute sa carrière, à partir de 1908, au sanatorium de Kreuzlingen, le « Bellevue », fondé par son grand-père Ludwig Binswanger senior en 1857 et dirigé jusqu’à cette date par Robert Binswanger, son père – le jeune psychiatre n’arrêtera pas son engagement scientifique face au « dilemme dans lequel se trouv[ait] la psychiatrie », entre la possibilité de « décider si elle veut simplement rester une science appliquée, un conglomérat de psychopathologie, de neurologie et de biologie, maintenu ensemble simplement par sa tâche pratique, ou si elle veut devenir une science psychiatrique unitaire »15.
- 16 Il s’agit de la thèse de Jean-Noël MISSA, selon lequel l’« empirisme thérapeutique » est la caracté (...)
- 17 Selon la perspective historico-épistémologique de Lorraine Daston et Peter Galison, la science du X (...)
7À une époque où la théorisation nosologique en psychiatrie s’accompagnait d’une « expérimentation thérapeutique » guidée par le critère d’une efficacité empirique à laquelle ne correspondait pas forcément un savoir scientifique16, Binswanger s’efforcera d’effacer les frontières entre la pratique psychiatrique et la réflexion épistémologique en essayant d’élaborer un modèle théorique s’enracinant directement dans la clinique. Entre les années 1910 et 1920, en effet, le problème qui se pose à lui est celui d’intégrer les exigences du savoir scientifique avec l’historicité, l’individualité des cas se présentant au psychiatre. Ce problème a des conséquences très importantes d’un point de vue épistémologique ; l’exigence de rendre compte « scientifiquement » du caractère singulier du subjectif à une époque où la psychiatrie visait une objectivité conçue comme le résultat final d’une bataille contre la subjectivité17 nécessite de penser différemment la scientificité du savoir psychiatrique.
8C’est précisément cette problématique surgissant de l’exigence de combler la fracture entre les données concrètes et singulières des manifestations pathologiques et les catégories explicatives censées les décrire et classer, qui mène Binswanger à s’adresser à la phénoménologie philosophique afin de trouver une méthode qui, tout en représentant une alternative au réductionnisme de l’approche anatomo-pathologique, n’était pas moins « scientifique » que celle des savoirs médicaux de son époque. L’anthropologie à la fois médicale et philosophique élaborée par Binswanger à partir du début des années 1920 se présente donc comme l’exemple même d’une réflexion philosophique qui n’interroge pas la psychiatrie de l’extérieur, ne s’impose pas à elle comme une série de préceptes ou de formules déjà prêtes, mais assume plutôt la forme d’une réflexion épistémologique qui ne peut pas être séparée des problèmes cliniques concrets et historiques qui la sollicitent et lui servent de terrain d’épreuve. Le « cas » Binswanger, en effet, illustrerait de manière privilégiée la façon dont l’interaction entre philosophie et psychiatrie a contribué à transformer de façon significative le problème de la relation entre la singularité du malade et l’universalité des lois envisagées par le savoir médical en tant que savoir scientifique.
9Dans les pages suivantes, nous nous concentrerons tout particulièrement sur le concept-clé de l’approche méthodologique binswangerienne : « structure a priori » de l’expérience afin de montrer son enracinement dans la clinique psychiatrique. Il s’agit en effet d’une notion philosophique que nous voudrions analyser à partir de la problématique à la fois épistémologique et clinique de la classification nosologique en psychiatrie, un problème qui au début du XXe siècle – à savoir au moment où Binswanger publie ses premiers ouvrages – s’était concentré sur le débat concernant le statut nosologique de la schizophrénie.
Le contexte psychiatrique germanophone du début du vingtième siècle
- 18 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », Zeitschrift (...)
10Dans un article de 1914, en discutant les questionnements les plus urgents de la psychiatrie de son époque, Binswanger prend position par rapport au débat concernant la relation entre « psychique » et « biologique » dans la formation et l’évolution des psychoses18. Dans ce texte, le psychiatre part des objections cliniques et méthodologiques adressées aux positions psychiatriques dominantes au début du siècle, et s’arrête notamment sur les principaux auteurs qui, entre 1906 et 1913, ont débattu la position organiciste de Kraepelin en s’interrogeant sur la « nature » de la maladie mentale.
- 19 HOCHE Alfred, « Kritisches zur psychiatrischen Formenlehre », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatri (...)
- 20 HOCHE Alfred, « Die Bedeutung der Symptomenkomplexe in der Psychiatrie », Zeitschrift für die gesam (...)
- 21 Ibidem, p. 547 (nous traduisons).
- 22 Ibidem, p. 550 (nous traduisons).
11Parmi les premiers auteurs mentionnés par Binswanger figure Alfred Hoche (1865-1943) – professeur à Freiburg depuis 1902 – lequel, déjà à l’occasion d’un colloque de la « Deutscher Verein für Psychiatrie » en 1906 avait opposé au modèle kraepelinien une vision constructiviste selon laquelle les classifications et les catégories psychiatriques, en tant que produit de la pensée humaine, ne seraient qu’historiques et contingentes, à savoir toujours soumises à un paradigme scientifique dominant19. Or, l’ouvrage d’Hoche auquel Binswanger fait référence en 1914 est un texte de 1912, publié tout comme l’article de Binswanger, dans le Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, qui concernait plus précisément « La signification des complexes de symptômes en psychiatrie »20. Dans cet article, le psychiatre allemand explicitait la nécessité de distinguer entre les psychoses organiques et les « psychoses fonctionnelles », à savoir ces troubles psychiques n’appartenant pas au domaine de l’anatomie pathologique du fait qu’elles seraient dépourvues de corrélat organique. C’est précisément dans ce contexte que Hoche introduisait le concept de « Symptomenkomplexe », conçu comme cet ensemble d’unités comportementales individuelles, psychiques, lesquelles ne répondent pas au déterminisme organique, mais « obéissent à leurs propres lois, des lois qui sont incommensurables aux processus matériels »21. Et à Hoche de conclure selon cette perspective que « les désordres psychiques se groupent par eux-mêmes »22.
- 23 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p (...)
12Bien que Binswanger reproche au psychiatre allemand de rester attaché, pour fonder la classification des troubles psychiques, à un point de vue purement symptomatologique – ce qui ferait « revenir au premier plan la très vieille conception selon laquelle le psychique constituerait une catégorie complètement nouvelle et en soi fermée »23 – il n’hésite pas à apprécier cette idée d’un auto-groupement ou d’une auto-organisation des symptômes. Nous retrouverons, en effet, cette intuition dans le thème que Binswanger développera plus spécifiquement dans les années vingt, à savoir l’idée de l’auto-normativité du pathologique. Il s’agit d’une perspective qui comporte des conséquences méthodologiques et cliniques très importantes, dans la mesure où, s’il est vrai que les désordres psychiques s’organisent ou « se groupent par eux-mêmes », le travail du psychiatre consistera alors non pas dans la catégorisation extérieure des formes pathologiques, mais dans la description et l’analyse de ces formes « de l’intérieur », à partir des « modes » selon lesquels ces formes se structurent.
- 24 Karl Bonhoeffer avait étudié avec Carl Wernicke à Breslau et à partir de 1912 était professeur à Be (...)
- 25 BONHOEFFER Karl, « Die symptomatische Psychosen im Gefolge von akuten Infektionen und inneren Erkra (...)
- 26 Cf. BINSWANGER Ludwig, « Lebensfunktion und innere Lebensgeschichte », Monatsschrift für Psychiatri (...)
- 27 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p (...)
- 28 Ibidem, p. 578.
- 29 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 572. À ses yeux, en effe (...)
- 30 Ibidem, p. 37.
13Binswanger poursuit son article en présentant et discutant la perspective de Karl Bonhoeffer (1868-1948)24, lequel, à cette même époque, s’était occupé à son tour des psychoses fonctionnelles ou « symptomatiques » qu’il concevait comme des formes de « réaction psychique typiques » relativement indépendantes de l’atteinte organique25. Malgré son appréciation de la « concession lourde de signification clinique » faite par le psychiatre allemand à la psychologie26, Binswanger reproche à Bonhoeffer de n’avoir pas réussi à penser la spécificité de vécus psychiques, à savoir leurs modes de fonctionnement et leurs formes typiques d’organisation. C’est dans l’ouvrage de Bleuler de 1911 (Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien) que Binswanger reconnait le modèle capable de séparer enfin le concept de « processus » pathologique organique de celui de « réaction » de la psyché malade sans pourtant faire retomber la psychiatrie dans le « psychologisme »27. En distinguant les symptômes primaires ou fondamentaux – relevant directement du processus morbide – des symptômes secondaires ou psychologiques, Bleuler aurait été capable, en effet, de concilier les deux niveaux de l’organique et du psychique sans opter dogmatiquement ni pour l’un ni pour l’autre. C’est la raison pour laquelle en 1914, Binswanger situe la perspective bleulerienne de 1911 « à l’intersection entre l’approche de Kraepelin et l’approche purement psychologique » de la psychopathologie28. Bleuler, d’ailleurs, avouait ne pas connaître la nature du processus schizophrénique et observait, en outre, le fait que l’évolution des symptômes et celle du processus morbide n’étaient « nullement forcées d’aller de paire »29. Selon cette perspective, le psychiatre n’aurait d’autre possibilité que celle d’agir sur le terrain de la thérapie psychique, et c’est précisément en éclaircissant les « relations psychologiques » dans le domaine de la psychiatrie qu’il serait possible d’élaborer une « nouvelle vision de la nature des psychoses »30.
- 31 Sur le problème du statut « scientifique » de la psychiatrie existentielle, nous nous permettons de (...)
- 32 BINSWANGER Ludwig et FREUD Sigmund, Briefwechsel : 1908-1938, G. Fichtner éd., Frankfurt a. M, Fisc (...)
- 33 BINSWANGER Ludwig, « Versuch einer Hysterie-Analyse », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopat (...)
14C’est dans ce contexte que la doctrine freudienne est accueillie dans le groupe des psychiatres dirigé par Bleuler. Les intuitions de Freud trouvent donc leur place à l’intérieur d’un questionnement méthodologique adressé à la psychologie par une psychiatrie académique qui, face aux sciences médicales, domaine auquel elle appartient formellement, revendique pour ses analyses du « psychique » un même droit à la scientificité31. L’intérêt du jeune Binswanger pour la psychanalyse date d’ailleurs précisément de cette époque, et c’est bien en 1908 que débute son échange épistolaire avec Freud, poursuivi par les deux médecins pendant trente ans32. Au début de sa carrière de psychiatre, Binswanger emploie la méthode freudienne avec ses patients comme en témoigne l’essai sur un cas d’hystérie qu’il publie en 1909 dans la revue dirigée par Freud et Bleuler – le Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen –, pendant la période où il travaille dans la clinique universitaire de Jena33.
- 34 JASPERS Karl, « Kausale und “verständliche” Zusammenhänge zwischen Schicksal und Psychose bei der D (...)
15C’est précisément cette adhésion binswangerienne à la psychanalyse qui va déclencher un débat assez vif avec Karl Jaspers, lequel, en 1913, avait publié un essai discutant à nouveau le problème de l’étiologie des « psychoses réactives » (« Relations causales et “compréhensibles” entre destin et psychose dans la dementia praecox ou schizophrénie »34). La thèse de Jaspers est que la schizophrénie doit être approchée selon deux perspectives qui, tout en étant associées, sont bien distinctes entre elles : à savoir, d’une part, le point de vue causal, qui repère le moment émotionnel déclenchant par rapport auquel la psychose se présente comme une « réaction », et, d’autre part, le point de vue des « relations compréhensibles ». Selon Jaspers, ni l’un ni l’autre de ces deux points de vue ne peuvent expliquer intégralement la maladie mentale, et on se tromperait en croyant « comprendre » la cause de celle-ci, tout comme on se tromperait en voulant « expliquer » des relations psychiques. Dit autrement, pour Jaspers, l’expression « cause psychique » est illégitime, puisque les manifestations psychiques sont toujours, en dernière analyse, le résultat de relations ou connexions individuelles qui peuvent être « comprises » seulement de manière partielle, au moyen d’un savoir intuitif (« einfühlendes Verstehen »).
- 35 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie. Ein Leitfaden für Studierende, Ärzte, und Psychologen, B (...)
- 36 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie, op. cit., p. 338.
16Il s’agit d’une thèse que Jaspers avait déjà explicitée, toujours en 1913, dans son traité de Psychopathologie générale, là où il exposait la différence entre la « compréhension » (« Verstehen ») des relations psychiques et leur « interprétation » (« Deuten »)35. Alors que la compréhension nous permettrait de reconstruire la genèse de certaines relations psychiques – soit directement, soit indirectement, en éclaircissant des connexions non immédiatement visibles ou « non-remarquées » (« Unbemerkte ») – l’interprétation, par contre, nous contraindrait à « supposer des faits extra-conscients » afin de pouvoir compléter notre compréhension pour élaborer finalement une explication. L’exemple le plus évident de cette démarche, selon Jaspers, serait la théorie freudienne des « mécanismes psychiques », une théorie impliquant la « construction d’événements extra-conscients » qu’il considère conjecturale, « imprudente » et « non convaincante »36. La psychanalyse aurait donc confondu la compréhension des faits psychiques avec leur explication causale et aurait élaboré à partir de là une théorie de la psyché et de son fonctionnement, alors que le travail « de compréhension », selon le psychiatre allemand, ne peut jamais donner lieu à des théories.
Psychanalyse et phénoménologie : le débat entre Binswanger et Jaspers (1913-1914)
- 37 BINSWANGER Ludwig, « Bemerkungen zu der Arbeit Jaspers’ “Kausale und ‘verständliche’ Zusammenhänge (...)
- 38 Ibidem, p. 386.
17Binswanger discute la thèse de Jaspers dans un compte rendu qui paraît cette même année dans la revue freudienne : Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse37. Ce qu’il ne peut pas accepter dans la position jaspersienne, c’est l’idée que dans le domaine du psychique il ne soit pas possible de « dégager » des lois capables d’organiser les faits psychiques dans une théorie38. C’est précisément la raison pour laquelle Binswanger apprécie le modèle méthodologique freudien, dont les « Remarques » de 1913 représentent une véritable défense. Ce que Binswanger apprécie particulièrement dans la démarche analytique de Freud, c’est sa capacité à approcher les faits psychiques en suivant leur propre organisation. La psychanalyse formule des « lois rationnelles a priori » à partir des vécus psychiques eux-mêmes, selon des « relations motivationnelles de sens ». Selon la lecture de Binswanger, l’adoption de la méthodologie freudienne par la psychiatrie clinique aurait donc permis à celle-ci de renoncer à postuler in abstracto des « catégories » pour se laisser guider par les relations et « principes structuraux » qui tout à la fois régissent le psychique et guident le psychiatre vers sa compréhension. La psychanalyse aurait donc donné substance à cette « compréhension » que la « verstehende Psychologie » de Jaspers avait donné pour tâche à la psychiatrie, et qui pourtant était incapable de concilier la compréhension intuitive, empathique, de la singularité d’un cas avec l’exigence d’universalité que comporte toute théorisation scientifique.
- 39 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p (...)
- 40 Ibidem.
- 41 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, Pfullingen, Neske, 1957, p. 27.
- 42 Ibidem.
18Dans son article de 1914, Binswanger se plaint de « ces critiques qui se limitent à considérer que Freud aurait enrichi tout simplement notre connaissance des liens psychologiques des névroses et de quelques psychoses »39. En réalité, poursuit-il : « Les relations mises en lumière par Freud dans la vie psychique ne nous permettent aucunement de comprendre psychologiquement le contenu d’une névrose ou d’une psychose, mais nous offrent un aperçu de leur construction globale, de leur structure et de leur genèse »40. Ce dont la psychanalyse offrirait l’exemple à la psychiatrie, plus particulièrement, c’est le modèle d’une auto-structuration du matériel psychique, à savoir l’idée que le « principe d’ordre » ou le « schéma pour ordonner les symptômes » dont le psychiatre a besoin pour classifier et diagnostiquer le pathologique, est fourni par le matériel psychique lui-même41. Dans la Préface du recueil Schizophrénie (1957) – où il rassemble quelques-uns de ses principaux cas cliniques des années quarante et cinquante – Binswanger présente, en effet, la Daseinsanalyse comme une méthode au moyen de laquelle il serait enfin possible au psychiatre d’« ordonner l’énorme quantité de données des cas cliniques singuliers » à partir de la structuration normative immanente qui les sous-tend42.
- 43 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 367.
- 44 Ibidem, p. 569.
- 45 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, op. cit., p. 12 : « […] il est possible […] de montrer quels sont (...)
19On retrouve dans cette approche l’idée de Bleuler (et notamment de la manière dont Bleuler avait reçu Freud) selon laquelle il y a des lois psychiques qui structurent l’organisation des symptômes de la maladie, et que la maladie doit être approchée non pas d’un point de vue étiologique, ni symptomatologique, mais à partir de ces lois et de leurs « modes de manifestation », des modes qui sont régis par un ordre structural43. En outre, tout comme Bleuler estimait que « les symptômes secondaires sont en partie […] les conséquences de tentatives d’adaptation aux troubles primaires »44, Binswanger constate que la maladie n’est pas qu’une désagrégation de la structure de « l’être-au-monde », mais surtout l’élaboration d’une structuration nouvelle qu’il faut entendre comme une tentative d’arranger les fissures provoquées par la maladie45 et qui se manifeste par des formes de comportement déterminées.
20Cette idée de l’auto-organisation de la maladie s’offrirait donc comme une réponse au problème de l’ontologie du pathologique qui était au centre du débat psychiatrique autour de la schizophrénie au tout début du XXe siècle. Si pour Kraepelin la démence précoce était une véritable entité naturelle – ce qui fait que la norme à la base de cette maladie était une norme prédéterminée naturellement – au moment où la psychiatrie fait place au « psychique », force lui est d’admettre une autre modalité de la normativité qui ne correspond pas à celle reconnue par la médecine organique. Et c’est exactement afin de pouvoir concevoir cette nouvelle modalité de la norme engagée par la dimension du « psychique » que Binswanger, à partir du début des années vingt, s’adresse à la phénoménologie.
21Ce qui attire Binswanger d’abord vers la démarche transcendantale de Husserl, et ensuite, dans les années trente, vers l’analytique existentiale de Heidegger, c’est l’idée qu’il soit possible de saisir le phénomène singulier – à savoir les diverses expressions du comportement d’un patient – à partir de son « essence », une essence que Binswanger identifie avec la « norme » ou la « structure » du fait psychique.
22Or, pour Binswanger, cette « norme » interne au phénomène coïncide avec l’auto-normativité qui définit ce qu’il appelle le « projet de monde » du malade. Cette normativité ou « projet de monde », plus précisément, est une certaine configuration du psychique détectable à partir de « relations de sens » typiques qui régissent les comportements en rendant possibles a priori leurs différentes expressions. Il s’agit de relations de sens qui ne subsistent pas indépendamment de l’expérience singulière, et qui pourtant ne se réduisent pas à la singularité de l’expérience, puisqu’elles constituent son schéma ordonnateur ou « structure ». L’enjeu épistémologique de cette notion de structure par rapport à celle de catégorie, pour Binswanger, consisterait donc dans sa capacité à relever à la fois d’une forme ou configuration générale typique du comportement – ce pourquoi il l’appelle aussi l’« a priori » de l’existence –, et en même temps, d’une existence singulière et historique.
- 46 BINSWANGER Ludwig, « Über die daseinsanalytische Forschungsrichtung in der Psychiatrie », Schweizer (...)
23Binswanger se sert du concept phénoménologique d’essence, et ensuite du concept heideggérien de « structure a priori du Dasein », comme d’un instrument méthodologique finalisé à des buts diagnostiques et cliniques. Il y a un texte du psychiatre suisse où cet emploi opératoire du concept d’a priori est tout particulièrement évident. Il s’agit d’un article de 1946 « Sur la direction de recherche analytico-existentielle en psychiatrie », où Binswanger insiste sur le fait que le concept de Dasein qui pour Heidegger possède le caractère d’une thèse ontologique, peut également être utilisé par une « analyse existentielle pratique » en tant que « fil conducteur » méthodologique pour étudier les formes par lesquelles se structurent les « projets de monde » des malades46.
- 47 Cf. BINSWANGER Ludwig, « Über Ideenflucht », Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie, 27, 2 (...)
24Or, si pour Binswanger le Dasein est au centre de l’analyse psychiatrique, c’est parce que son être s’exprime à travers un fonctionnement qui est « ordonné selon une norme », une norme qu’« il faut caractériser positivement, c’est-à-dire à partir de la vie exclusive dans l’espace d’action »47 :
- 48 BINSWANGER Ludwig, « Sur la direction de recherche analytico-existentielle en psychiatrie », op. ci (...)
La structure de l’être-dans-le-monde n’est capable de donner un tel fil conducteur méthodologique que parce que nous avons en main, dans cette structure, une norme ; […] Lorsque nous pouvons parler, par exemple, d’une forme de vie ou, mieux, d’une forme d’être-présent maniaque, cela signifie que nous avons pu établir une norme qui comprend et régit tous les modes d’expression et de comportement par nous désignés comme maniaques. Or cette norme est ce que nous désignons comme le « monde » du maniaque. […] L’étant […] ne devenant jamais accessible à l’homme en tant que tel, mais toujours seulement dans un et par un projet-de-monde déterminé.48
25L’« a priori d’existence » ou structure, dans l’analyse existentielle, est donc un concept opératoire dérivant de la clinique, qui est dégagé de la clinique – puisqu’il ne peut pas être théorisé avant son incarnation dans un cas – et pourtant, en même temps, il est à même de la guider. D’un point de vue épistémologique, il s’agit d’un concept qui, en dernière analyse, est formulé et utilisé par Binswanger afin de rendre compte de l’immanence des catégories scientifiques en regard des faits que ces catégories sont censées expliquer.
Une épistémologie liée à la clinique
26Le « cas Binswanger » se présente donc comme l’exemple d’une réflexion psychiatrique dans laquelle le discours épistémologique ne peut pas être séparé des enjeux cliniques qui à la fois le motivent et en dérivent. De la même manière, les engagements à l’égard de la singularité ou subjectivité du malade sont immanents à la problématique de caractère théorico-méthodologique qui est à la base de l’adhésion de Binswanger à la phénoménologie philosophique. Dit autrement, dans la Daseinsanalyse, le problème éthique ne peut pas être considéré indépendamment du problème épistémologique qui le motive, un problème qui, à son tour, naît des exigences de la clinique. Nous avons vu, en effet, que le concept d’« a priori structural » ou « structure » élaboré par Binswanger à l’aide du langage et des instruments théoriques de la philosophie, est frayé et employé, à l’origine, dans le cadre d’une recherche méthodologique visant à doter la psychiatrie d’un outil scientifique qui soit capable de rendre compte à la fois du caractère individuel de la maladie et de sa configuration « typique », à savoir reconnaissable dans une multiplicité de cas.
27À partir de la thèse de l’« auto-normativité » des comportements, en outre, Binswanger élabore une conception du pathologique qui restera à la base du programme de la « psychiatrie phénoménologique », à savoir l’idée que les expériences psychopathologiques ne sont pas tout simplement des défauts dans sa santé, mais des nouvelles formes « d’être au monde ». Il s’agit d’une thèse que le psychiatre suisse approfondit avec l’appui des intuitions formulées par le neurologue et psychiatre allemand Kurt Goldstein (1878-1965) dans le domaine de la recherche neurologique :
- 49 BINSWANGER Ludwig, Sur la fuite des idées, op. cit., p. 149-150.
Ainsi, le concept de pathologique […] n’était plus maintenant l’expression pour quelque chose de purement négatif, c’est-à-dire le contraire de la norme, mais se laissait également concevoir positivement, justement à partir de la norme. Nous devons en particulier à Goldstein la perspective selon laquelle ce positif correspond à un « nouvel être dans le monde » […] (ce qui veut toujours dire un être ordonné selon une norme, un sens, une structure) qu’il faut caractériser positivement49.
- 50 À ce propos, cf. par exemple l’article de Chantal Marazia, lequel s’attache à déconstruire le mythe (...)
- 51 Voir par exemple le dossier thématique de la revue : La lettre du psychiatre, 5, 9 (2009) : Actuali (...)
- 52 BENAROYO Lazare, « Éthique et herméneutique du soin », in BENAROYO Lazare, LEFEVE Céline et al. (di (...)
28Même s’il est vrai que les ouvrages de Binswanger laissent plus d’espace à la réflexion théorique qu’à la présentation de véritables « techniques » pratico-thérapeutiques50, il faut aussi reconnaître que cette réflexion reste un point de repère très important aujourd’hui pour les psychiatres, les médecins, mais aussi les philosophes qui s’interrogent sur la relation de soin51. La Daseinsanalyse ouvre, en effet, sur une vision optimiste de la clinique qui conçoit désormais la pratique thérapeutique – pour utiliser les mots de Lazare Benaroyo – comme une activité qui « ne se contente pas de prévoir pour le patient un retour à la norme physiologique, mais se concentre également sur les capacités qu’a le malade de retrouver une nouvelle norme d’existence »52.
- 53 KUHN Roland, « L’errance comme problème psychopathologique ou déménager » (1973), in Écrits sur l’a (...)
- 54 KUHN Roland, « L’essai de Ludwig Binswanger “Le rêve et l’existence” et sa signification pour la ps (...)
- 55 KUHN Roland, « L’œuvre de Ludwig Binswanger, son origine et sa signification pour l’avenir », Écrit (...)
29Le psychiatre-phénoménologue, grâce à sa capacité de saisir directement les « directions de sens » structurant la formation du « projet de monde » du malade, aurait la possibilité d’intervenir dans cette formation par son action thérapeutique, laquelle aurait précisément le but d’aider les malades à intervenir eux-mêmes dans leurs propres mondes, à savoir – comme le montre très bien Roland Kuhn – à s’« interroger sur le style selon lequel ils existent » et qui consiste « en une certaine manière de s’expliquer avec un monde, les autres, soi-même »53. Loin de s’imposer de l’extérieur avec ses propres règles et son propre système interprétatif, la thérapie est conçue désormais comme « un nouvel acte créateur »54. D’où l’importance que la Daseinsanalyse attribue aux dimensions temporelles du « présent » et de l’« avenir » plutôt qu’à l’idée d’un passé intervenant de manière déterministe sur les contenus des vécus des patients. Ce qui compte pour le psychiatre-phénoménologue est la « situation réelle et actuelle, dans la rencontre unique de deux personnes existantes »55.
30Cette enquête sur la psychiatrie phénoménologique selon le modèle élaboré par Ludwig Binswanger présente donc une manière de formuler une théorie psychiatrique pour laquelle les catégories scientifiques et philosophiques ne sont pas pures, mais sont toujours sollicitées et intimement liées à des expériences incarnées et situées dans un contexte qui résiste à la catégorisation tout en la mettant à l’épreuve. La manière dont le courant existentiel en psychiatrie fait usage des principes de la phénoménologie tout en les intégrant au niveau méthodologique sur le terrain de l’expérience historique permet ainsi une réflexion plus large sur le rôle que la philosophie peut jouer, aujourd’hui, non seulement dans le contexte de l’histoire des sciences et des savoirs médicaux, mais aussi en ce qui concerne la manière dont ces sciences et ces savoirs se constituent et conçoivent la spécificité de la valeur scientifique de leurs propres concepts sur la base des tâches cliniques qui les motivent.
Notes
1 Cf. HIRSCHMÜLLER Albrech et WHITROW Magda, « The Development of Psychiatry and Neurology in the Nineteenth Century », History of Psychiatry, 19, 1999, p. 395-423.
2 Nous nous permettons de renvoyer, à cet égard, à notre article : « “Le rêve comme argument” : les enjeux épistémologiques à l’origine du projet existentiel de Ludwig Binswanger », Archives de Philosophie, 73-4, p. 655-686, où on pourra trouver une vaste bibliographie concernant en particulier le contexte de la clinique de Bleuler à Zurich, le célèbre Burghölzli.
3 On se souviendra que le premier ouvrage de Roland LAING, The Divided Self (Harmondsworth, Penguin, 1960) dans l’édition originale portait en sous-titre : An Existential Study in Sanity and Madness et il s’ouvrait sur une citation d’Eugène Minkowski. Dans la préface, en outre, l’auteur se réclamait ouvertement de la philosophie et de la psychiatrie « existentielles » de Jaspers et Binswanger et présentait le volume comme le premier d’une série d’études consacrées à la psychologie et la psychiatrie « existentielles ». L’ouvrage de Roland LAING et David COOPER, Reason and Violence (New York, Humanities Press, 1964), parut également dans une collection dont l’intitulé était : Studies in Existential Analysis and Phenomenology.
4 FOUCAULT Michel, « Introduction » à Ludwig Binswanger, Le rêve et l’existence, trad. fr. par Jacqueline Verdeaux et Michel Foucault, Bruges, Desclée de Brouwer, 1954 ; BINSWANGER Ludwig, Le cas Suzanne Urban. Étude sur la schizophrénie (1952), trad. fr. par J. Verdeaux, R. Kuhn et M. Foucault, Bruges, Desclée de Brouwer, 1957.
5 Dans un entretien de 1980, par exemple, Foucault prend ses distances avec le mouvement antipsychiatrique, auquel son Histoire de la folie avait été comparée à plusieurs reprises (cf. « Entretien avec Michel Foucault », Dits et écrits, 1954-1988, éd. par Daniel Defert et François Ewald, Paris, Gallimard, 1994, vol. IV, n. 281, p. 41-96).
6 Lors de la parution de l’Histoire de la folie, certains psychiatres français taxèrent la posture intellectuelle de Foucault d’« idéologique » et lui reprochèrent une position « psychiatricide » en contradiction avec les ouvrages du philosophe parus au cours de années cinquante, notamment son Introduction à Le rêve et l’existence. Henri Ey, par exemple, dans son allocution d’ouverture des « Journées annuelles de l’Évolution psychiatrique » de 1969, tout en louant « la somptueuse Préface de la traduction de Traum und Existenz, regrettait que la conception idéologique qui était à la base de l’archéologie foucaldienne de la folie remette en cause « l’intérêt que Foucault a toujours pris aux problèmes fondamentaux de la psychopathologie et de la psychanalyse » (cf. La conception idéologique de l’« Histoire de la folie » de Michel Foucault, « L’Évolution Psychiatrique », 36, 2, 1971, p. 225). Pour une présentation du contexte intellectuel international dans lequel se positionne la critique foucaldienne de la psychiatrie, nous renvoyons à ARTIERES Philippe et BERT Jean-François, Un succès philosophique : L’« Histoire de la folie à l’âge classique » de Michel Foucault, Caen, Presses universitaires de Caen, 2011, p. 225-238.
7 Franco Basaglia avait été l’un des élèves de Danilo Cargnello (1911-1998), l’un des premiers psychiatres en Italie à s’intéresser à l’œuvre de Binswanger déjà depuis la fin des années quarante (cf. en particulier les travaux de Cargnello parus dans la Rivista di Psicologia et dans l’Archivio di psicologia, neurologia e psichiatria). En effet, la psychiatrie existentielle occupe une place tout à fait cruciale dans les écrits de Basaglia entre les années cinquante et soixante : cf. Scritti, vol. I : 1953-1968 : Dalla psichiatria fenomenologica all’esperienza di Gorizia, éd. par Franca Ongaro Basaglia, Torino, Einaudi, 1981.
8 Cf. MINKOWSKI Eugène, « L’homme et ce qu’il y a d’humain en lui », in Vers une cosmologie. Fragments philosophiques, Paris, Montaigne, 1936, p. 142-153, et FOUCAULT Michel, « La psychologie de 1850 à 1950 », in Dits et écrits, op. cit., vol. I, p. 137 : « Il n’y aura dès lors de psychologie possible que par l’analyse des conditions d’existence de l’homme et par la reprise de ce qu’il y a de plus humain en l’homme, c’est-à-dire son histoire ».
9 MINKOWSKI Eugène, « Psychiatrie et métaphysique. À la recherche de l’humain et du vécu, Revue de Métaphysique et de Morale, 52, 1947, p. 339.
10 MALDINEY Henry, « Psychose et présence », Revue de Métaphysique et de Morale, 81, 4, 1976, p. 513-565, (maintenant dans Penser l’homme et la folie. À la lumière de l’analyse existentielle et de l’analyse du destin, Grenoble, Jérôme Millon, 1997, p. 9).
11 Cf. GAILLE Marie, textes réunis par, Textes clés de philosophie de la médecine, vol. 1 : Frontière, savoir, clinique, Paris, Vrin, 2011.
12 Eugen Bleuler dirige le Burghölzli de 1898 à 1927.
13 Cf. en particulier BLEULER Eugen, Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien, Deuticke, Leipzig, 1911 ; trad. fr. par A. Viallard, Dementia praecox ou Groupe des schizophrénies, Paris, EPEL GREC, 1993, « Avant-propos », p. 37 : « Si je tente […] d’éclairer un peu les rapports psychologiques, ce n’est pas uniquement parce que toute nouvelle connaissance a de la valeur en soi, mais aussi, notamment, parce que, selon moi, c’est par cette voie que l’on peut le mieux espérer de nouveaux aperçus de la nature des psychoses, en l’état actuel de nos connaissances ». Jung avait choisi la même voie en 1907 et 1908 dans, respectivement, Le contenu de la psychose et La psychologie de la dementia praecox, où il s’engageait notamment à utiliser la méthode employée par Freud dans le champ des névroses pour affronter les symptômes psychiatriques : cf. en particulier JUNG Carl Gustav, Der Inhalt der Psychose, Deuticke, Leipzig-Wien, 1908 ; Die Gesammelte Werke von Carl Gustav Jung, vol. 3, Rascher, Zürich, 1968 ; Walter, Olten, 1973 ; trad. fr. J. Rigal, Le contenu de la psychose, in Psychogenèse des maladies mentales, Paris, Albin Michel, 2001, p. 200-201 : « La conception purement anatomique de la psychiatrie moderne aboutit seulement à des voies dont on peut dire sans exagérer qu’elles ne mènent qu’indirectement au but, qui est la compréhension des troubles mentaux. […] La voie d’une psychiatrie future qui doit mieux saisir le cœur du problème est donc toute tracée : ce ne peut être que la voie psychologique. C’est pourquoi ici à Zurich, dans notre clinique universitaire, nous avons complètement abandonné la voie anatomique et nous nous sommes tournés entièrement vers l’exploration psychologique de la maladie mentale. […] Dans ce travail, les études fondamentales de Freud sur la psychologie de l’hystérie et du rêve ont été pour nous le plus grand stimulant et l’aide la plus précieuse ».
14 FREUD Sigmund et JUNG Carl Gustav, Briefwechsel, éd. par W. McGuire et W. Sauerländer, Frankfurt a. M., Fischer, 1974 ; trad. fr. par R. Fivaz-Silbermann, Correspondance, Paris, Gallimard, 1975, lettre du 15 novembre 1907, 52 F, t. 1, p. 153.
15 BINSWANGER Ludwig, « Psychoanalyse und klinische Psychiatrie », Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, 7, 1920, p. 137-165 ; Ausgewählte Vorträge und Aufsätze, vol. 2 : Zur Problematik der psychiatrischen Forschung und zum Problem der Psychiatrie, Bern, Francke, 1955, p. 40-66 ; trad. fr. par R. Lewinter, Psychanalyse et psychiatrie clinique, in BINSWANGER Ludwig, Analyse existentielle, psychiatrie clinique et psychanalyse. Discours, parcours, et Freud, Paris, Gallimard, 1970, p. 152-153. Pour l’histoire de l’Institut psychiatrique créé par la famille Binswanger à Kreuzlingen, nous renvoyons notamment au texte rédigé par l’auteur en 1957 : Zur Geschichte der Heilanstalt Bellevue in Kreuzlingen 1857-1932, Zürich, O. Füssli. Cf. aussi HERZOG Max, Ludwig Binswanger und die Chronik des Klinik „Bellevue“ in Kreuzlingen. Eine Psychiatrie in Lebensbildern, Berlin, Quintessenz, 1995 ; HIRSCHMÜLLER Albrech et MOSES Annette, Binswangers psychiatrische Klinik Bellevue in Kreuzlingen: das Asyl unter Ludwig Binswanger sen., 1857-1880, Frankfurt a. M., Lang, 2004.
16 Il s’agit de la thèse de Jean-Noël MISSA, selon lequel l’« empirisme thérapeutique » est la caractéristique principale de la psychiatrie du XXe siècle (Naissance de la psychiatrie biologique : Histoire des traitements des maladies mentales au XXe siècle, Paris, PUF, 2006).
17 Selon la perspective historico-épistémologique de Lorraine Daston et Peter Galison, la science du XIXe siècle visait à une « objectivité » se qualifiant à partir de son opposition avec le « subjectif ». Selon ce modèle, seule la recherche d’épreuves empiriques était considérée comme « scientifique », à savoir la tentative d’avoir accès aux lois de la nature au moyen d’une « expérience » entendue comme observation empirique (cf. Objectivity, New York, Zone Books, 2007 ; trad. fr. par S. Renaut et H. Quiniou, Objectivité, Paris, Presses du Réel, 2012).
18 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 26, 1914, p. 574-599.
19 HOCHE Alfred, « Kritisches zur psychiatrischen Formenlehre », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 63, 1906, p. 559-563.
20 HOCHE Alfred, « Die Bedeutung der Symptomenkomplexe in der Psychiatrie », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 12, 1912, p. 540-551.
21 Ibidem, p. 547 (nous traduisons).
22 Ibidem, p. 550 (nous traduisons).
23 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p. 576 (nous traduisons).
24 Karl Bonhoeffer avait étudié avec Carl Wernicke à Breslau et à partir de 1912 était professeur à Berlin.
25 BONHOEFFER Karl, « Die symptomatische Psychosen im Gefolge von akuten Infektionen und inneren Erkrankungen », in G. Aschaffenburg, éd., Handbuch der Psychiatrie, 3. Abteilung, 1. Hälfte, Leipzig-Wien, Deuticke, 1910, p. 1-118. Cf. aussi BONHOEFFER Karl, « Wieweit kommen psychogene Krankheitszustände und Krankheitsprozesse vor, die nicht der Hysterie zu rechnen sind ? », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 68, 1911.
26 Cf. BINSWANGER Ludwig, « Lebensfunktion und innere Lebensgeschichte », Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, 68, 1928, p. 52-79 ; Ausgewählte Werke, vol. 3 : Vorträge und Aufsätze, éd. par Max Herzog, Heidelberg, Asanger, 1992, p. 71-94 ; trad. fr. par Jacqueline Verdeaux et Roland Kuhn, « Fonction vitale et histoire intérieure de la vie », in Introduction à l’analyse existentielle, Paris, Éditions de Minuit, 1971, p. 49.
27 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p. 584.
28 Ibidem, p. 578.
29 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 572. À ses yeux, en effet, il se peut très bien qu’« à trouble cérébral égal, tel patient peut guérir et tel autre peut devenir stupide, en cas de constitution psychique un peu différente, ou de manque de stimulation, ou de trauma psychique d’effet plus important » (p. 575).
30 Ibidem, p. 37.
31 Sur le problème du statut « scientifique » de la psychiatrie existentielle, nous nous permettons de renvoyer à notre article : « From the Nature of Psychosis to the Phenomenological Reform of Psychopathology. A Historical and Epistemological Account of Ludwig Binswanger’s Psychiatric Project », Medicine Studies, vol. 3, n° 4, p. 215-232.
32 BINSWANGER Ludwig et FREUD Sigmund, Briefwechsel : 1908-1938, G. Fichtner éd., Frankfurt a. M, Fischer, 1992 ; trad. fr. par R. Menahem et M. Strauss, Correspondance 1908-1938, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
33 BINSWANGER Ludwig, « Versuch einer Hysterie-Analyse », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen, 1, 1909, p. 174-318.
34 JASPERS Karl, « Kausale und “verständliche” Zusammenhänge zwischen Schicksal und Psychose bei der Dementia praecox (Schizophrenie) » Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 14, 1913, p. 158-263 ; Gesammelte Schriften über Psychopathologie, Berlin, Springer, 1963, p. 329-413.
35 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie. Ein Leitfaden für Studierende, Ärzte, und Psychologen, Berlin, Springer, 1913, chap. 3 : « Die Zusammenhänge des Seelenlebens : I. Die Verständlichen Zusammenhänge », p. 147 : « Nous parlons de compréhension dans la mesure où le contenu est entièrement confirmé par les gestes, les manifestations verbales et les autres actes. Nous parlons d’interprétation lorsque nous n’avons que quelques rares points d’appui qui nous servent à transposer sur le cas particulier qui nous occupe, avec une certain probabilité, des relations déjà constatées dans d’autres cas » (trad. fr. d'après la troisième édition allemande par A. Kastler et J. Mendousse, Psychopathologie générale, Paris, Félix Alcan, 1928, p. 252).
36 JASPERS Karl, Allgemeine Psychopathologie, op. cit., p. 338.
37 BINSWANGER Ludwig, « Bemerkungen zu der Arbeit Jaspers’ “Kausale und ‘verständliche’ Zusammenhänge zwischen Schicksal und Psychose bei der Dementia praecox (Schizophrenie)” », Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, 1, 1913, p. 383-390.
38 Ibidem, p. 386.
39 BINSWANGER Ludwig, « Psychologische Tagesfragen innerhalb der klinischen Psychiatrie », op. cit., p. 581.
40 Ibidem.
41 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, Pfullingen, Neske, 1957, p. 27.
42 Ibidem.
43 BLEULER Eugen, Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, op. cit., p. 367.
44 Ibidem, p. 569.
45 BINSWANGER Ludwig, Schizophrenie, op. cit., p. 12 : « […] il est possible […] de montrer quels sont les éléments responsables du fait que cet ordre structural, pour ainsi dire, “vient à manquer”, présente des fissures, mais aussi la manière dont ces fissures sont comblées par l’être-au-monde [Dasein] » (nous traduisons).
46 BINSWANGER Ludwig, « Über die daseinsanalytische Forschungsrichtung in der Psychiatrie », Schweizer Archiv für Psychiatrie und Neurologie, 57, 1946, p. 209-235 ; Ausgewählte Werke, vol. 3 : Vorträge und Aufsätze, op. cit., p. 231-257 ; trad. fr. par Roger Lewinter, « Sur la direction de recherche analytico-existentielle en psychiatrie », in Analyse existentielle, psychiatrie clinique et psychanalyse, op. cit., p. 66.
47 Cf. BINSWANGER Ludwig, « Über Ideenflucht », Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie, 27, 2, 1932, p. 203-217 ; 28, 1-2, 1932, p. 18-26, 183-202 ; 29, 1, 1932, p. 193 ss. ; 30, 1, 1933, p. 68-85 ; en volume : Zürich, Orel Füssli, 1933 ; Ausgewählte Werke, vol. 1 : Formen miβglückten Daseins, éd. par Max Herzog, Heidelberg, Asanger 1992, p. 2-231 ; trad. fr. par M. Dupuis ; avec la collab. de C. van Neuss et M. Richir, Sur la fuite des idées, Grenoble, Jérôme Millon, 2000, p. 150.
48 BINSWANGER Ludwig, « Sur la direction de recherche analytico-existentielle en psychiatrie », op. cit., p. 66.
49 BINSWANGER Ludwig, Sur la fuite des idées, op. cit., p. 149-150.
50 À ce propos, cf. par exemple l’article de Chantal Marazia, lequel s’attache à déconstruire le mythe du psychothérapeute-philosophe pour démontrer que finalement les soins dispensés à la clinique de Binswanger à Kreuzlingen ne différaient pas tellement de ceux qui étaient caractéristiques de la psychiatrie de l’époque, à savoir électrothérapies, électrochocs, psychochirurgie, etc. (« Vere utopie o castelli in aria ? La leggenda della clinica Bellevue di Kreuzlingen (1857-1910) », in PANATTONI Riccardo (dir.), Lo sguardo psichiatrico, Milano, Bruno Mondadori, 2009, p. 269-278.
51 Voir par exemple le dossier thématique de la revue : La lettre du psychiatre, 5, 9 (2009) : Actualité de la philosophie en psychiatrie. Cf. aussi le recueil dirigé par Brigitte LEROY-VIEMON, Ludwig Binswanger. Philosophie, Anthropologie clinique, Daseinsanalyse, Paris, Le Cercle Herméneutique, 2011.
52 BENAROYO Lazare, « Éthique et herméneutique du soin », in BENAROYO Lazare, LEFEVE Céline et al. (dir.), Philosophie du soin : éthique, médecine et société, Paris, PUF, 2010, p. 27.
53 KUHN Roland, « L’errance comme problème psychopathologique ou déménager » (1973), in Écrits sur l’analyse existentielle, textes réunis et présentés par Jean-Claude Marceau, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 96. Cf. aussi son « Approche de la pensée daseinsanalytique en psychiatrie et psychothérapie » (1999), ibidem, p. 290 : « Le malade apprend peu à peu à remplacer ses propres associations libres […] par des variation eidétiques. Cela signifie un gain du point de vue des connexions significatives de la pensée ».
54 KUHN Roland, « L’essai de Ludwig Binswanger “Le rêve et l’existence” et sa signification pour la psychothérapie », Écrits sur l’analyse existentielle, op. cit., p. 318.
55 KUHN Roland, « L’œuvre de Ludwig Binswanger, son origine et sa signification pour l’avenir », Écrits sur l’analyse existentielle, op. cit., p. 143.
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Référence papier
Elisabetta Basso, « L’épistémologie clinique de Ludwig Binswanger (1881-1966) : la psychiatrie comme « science du singulier » », Histoire, médecine et santé, 6 | 2015, 33-48.
Référence électronique
Elisabetta Basso, « L’épistémologie clinique de Ludwig Binswanger (1881-1966) : la psychiatrie comme « science du singulier » », Histoire, médecine et santé [En ligne], 6 | automne 2014, mis en ligne le 24 mai 2017, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/698 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.698
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