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Corps animaux et poisons

La mutation des savoirs toxicologiques et la sécularisation du crime de sorcellerie en France (xvie-xviiie siècle)
Animal bodies and poisons. The mutation of toxicological knowledge and the secularization of the crime of witchcraft in France (16th-18th centuries)
Cuerpos de animales y venenos. La mutación de los conocimientos toxicológicos y la secularización del crimen de brujería en Francia (siglos XVI-XVIII)
Damien Bouliau
p. 105-122

Résumés

Un lien entre poisons et corps animaux est effectué durant toute l’époque moderne. Les traités toxicologiques du xvie siècle montrent l’ambiguïté des corps animaux en matière de poison et associent animaux familiers et légendaires comme le basilic. À partir du xviie siècle, les savoirs toxicologiques et juridiques se naturalisent avec un double processus de mutation des savoirs toxicologiques et de sécularisation du crime de sorcellerie. Les savants italiens, anglais et français expérimentent les poisons sur les animaux afin d’en déterminer les effets. Le cas du parlement de Toulouse permet d’observer les différentes transformations des poisons dans les procédures pour sorcellerie et la place des corps animaux. Avec la dédiabolisation du poison, il devient possible de trouver les signes de l’empoisonnement dans le cadavre de la victime ou en testant la toxicité des substances ingérées sur des animaux. Les sources présentent la marginalité de ces pratiques en France. La médecine légale et la toxicologie n’en sont encore qu’à leur protohistoire.

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Texte intégral

  • 1 Voir British Library, Harry Potter. A Journey through a History of Magic, Londres, Bloomsbury, 201 (...)

1Dans Harry Potter et la chambre des secrets, J. K. Rowling s’inspire du folklore magique européen et oriental pour composer des personnages mettant en relation les corps animaux et les poisons1 : une araignée géante nommée Aragog vivant dans la forêt de l’école de sorcellerie Poudlard et le gardien de la salle secrète, un serpent géant connu sous le nom de Basilic. Les deux disposent d’un venin ayant des propriétés magiques, et à celui-ci le basilic ajoute un regard mortel pour quiconque le croise. L’animal de compagnie du directeur de l’école, Fumseck, est un phœnix dont les larmes disposeraient du pouvoir de guérir toute blessure ou intoxication. Poison et antidote, toute l’ambiguïté des corps animaux se retrouve dans l’œuvre de l’auteure britannique.

  • 2 Éric Baratay, L’Église et l’animal (France, xviie-xxie siècle), Paris, Éditions du Cerf, 2015, p.  (...)

2Cette ambiguïté existe dès l’époque moderne et s’étend à la définition du corps animal. À cette période, celui-ci est pluriel. Il désigne à la fois le corps animal dans son entier, ses éléments (poils, organes), les matières issues de son activité biologique (excréments, urine), voire ses sens (regard). À partir de la seconde moitié du xviie siècle, un double processus de mutation des savoirs toxicologiques et de sécularisation du crime de sorcellerie redéfinit le rapport entre corps animaux et poisons. Les savoirs tant toxicologiques que juridiques se naturalisent. À partir des années 1660, des savants italiens et anglais s’intéressent à l’origine des poisons et à leurs effets sur les animaux. Avec le scandale de l’affaire des poisons, impliquant des membres de la noblesse proches de Louis XIV, les années 1670-1680 marquent un changement législatif en matière de poisons en France, visible dans le cas du parlement de Toulouse. Jusqu’à présent associé au sortilège, le poison perd tout caractère démoniaque et prend un caractère naturel. L’usage des animaux pour expérimenter les poisons est facilité par la perception que s’en font les contemporains. À l’époque moderne, ils sont considérés comme des êtres inférieurs à l’Homme, créés par Dieu pour le servir. L’essor du cartésianisme à partir des années 1660 développe l’idée de l’automatisme chez l’animal, celui-ci étant réduit à une machine sans âme et sans émotion ne ressentant pas la douleur2.

  • 3 Christelle Rabier (dir.), Fields of Expertise. A Comparative History of Expert Procedures in Paris (...)
  • 4 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, Pa (...)
  • 5 Franck Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2003 ; i (...)
  • 6 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au xviie siècle. Une analyse de psychologie histo (...)
  • 7 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse : les enjeux d’une dénomination dans les textes de l (...)
  • 8 Michel Meurger, « Plantes à illusion : l’interprétation pharmacologique du sabbat », dans Nicole J (...)
  • 9 Georges Vigarello (dir.), Histoire du corps, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions (...)
  • 10 Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident, Paris, (...)
  • 11 Éric Baratay (dir.), Aux sources de l’histoire animale, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, p. 7 (...)
  • 12 Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 2 (...)
  • 13 Quentin Deluermoz, François Jarrige, « Introduction. Écrire l’histoire avec les animaux », Revue d (...)
  • 14 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire : expérimenter le poison sur les (...)

3La relation des corps animaux et des poisons se situe à l’intersection de quatre courants historiographiques : l’histoire des sciences et des savoirs, celle du poison, celle du corps, et les animal studies. L’histoire des sciences et des savoirs s’est profondément renouvelée depuis une trentaine d’années. Les historiens ne se limitent plus aux concepts, mais s’intéressent au « faire science », aux savants ou à d’autres figures, comme celle de l’expert3, aux moyens à leur disposition et aux lieux. En ce qui concerne les poisons, le passage du concept de la « philosophie naturelle » à celui d’« histoire naturelle » a été primordial dans le processus de sécularisation et de naturalisation de ces substances4. L’historiographie française du poison est encore assez limitée. Pour la période médiévale, Franck Collard a étudié le crime de poison sous l’angle politique et culturel, mais le corps animal n’est mentionné que par l’usage du sang considéré comme toxique5. Pour l’époque moderne, les études sur le poison sont liées à celles sur la sorcellerie. Elles se sont essentiellement intéressées à l’origine de la chasse aux sorcières et à la fin des poursuites6. L’étude des composants des poisons employés par les sorcières est finalement récente7. Mais ces recherches privilégient l’analyse des végétaux plutôt que des animaux8. Ce désintérêt pour le corps animal se retrouve dans l’histoire du corps, qui se penche avant tout sur celui du genre humain9. Rafael Mandressi montre l’invention de ce dernier à la Renaissance grâce au « regard de l’anatomiste10 ». Mais les dissections servent avant tout à comprendre le fonctionnement du vivant par analogie entre corps animal et corps humain. Les animaux ne sont devenus un objet historique à part entière que récemment. Robert Delort fut l’un des pionniers en publiant, en 1984, Les animaux ont une histoire. Mais les premiers travaux ne s’intéressent qu’à la perception de l’animal et à sa relation avec l’Homme11. Il faut attendre les publications d’Éric Baratay pour que l’animal soit considéré comme un acteur à part entière et qu’une volonté d’adopter un « point de vue animal12 » soit revendiquée. L’histoire animale connaît un essor depuis une vingtaine d’années avec le développement dans le monde anglo-saxon des animal studies. Celles-ci se sont surtout développées en France pour les périodes médiévale et contemporaine13. Les expérimentations de poisons sur les animaux n’ont pas fait l’objet d’une étude en France, contrairement à l’Italie où Alessandro Pastore a montré la relation entre ces expérimentations et la médecine judiciaire14.

4L’historien souhaitant analyser les rapports entre corps animaux et poisons se confronte au problème des sources. Transcrites par la main d’êtres humains, les traces des animaux dans les documents sont souvent minimes. Notre corpus peut être divisé en deux catégories : les sources faisant référence à des expérimentations sur les animaux menées par des savants pour vérifier la toxicité d’une substance (traités médicaux, périodiques) ; et les sources juridiques, tirées essentiellement des cas du parlement de Toulouse (procédures judiciaires, traités juridiques et de démonologie). Il faut essayer d’y déceler les informations pouvant nous renseigner sur les statuts des corps animaux et s’intéresser à la manière dont les expérimentations, dans le cadre savant ou judiciaire, ont contribué au double processus de mutation des savoirs toxicologiques et de sécularisation du crime de sorcellerie et de naturalisation du poison.

5Cette étude peut être scindée en deux parties. Une première porte sur les savoirs toxicologiques en analysant l’ambivalence des corps animaux en matière de poisons, puis la mutation des savoirs toxicologiques à partir du xviie siècle. Une seconde aborde la sécularisation du crime de sorcellerie et la naturalisation du poison dans le cas du parlement de Toulouse ainsi que la place de l’expérimentation de poisons sur les animaux par les experts judiciaires.

L’ambivalence des corps animaux : poisons ou antidotes ?

  • 15 Geneviève Sodigné-Costes, « Un traité de toxicologie médiévale : le Liber de venenis de Pietro d’A (...)
  • 16 Violaine Giacomotto-Charra, « “Ô boisson magnanime ! Ô peste généreuse !” Ambiguïtés et difficulté (...)
  • 17 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, Lyon, Jean Grégoire, 1664, p. 486.
  • 18 Nathalie Dauvois, « La composition du “Livre des venins” : narration, représentation, fiction », d (...)

6Dans le livre de ses Œuvres traitant des « Venins et morsure des chiens enragez & autres morsures & piqueures des bestes veneneuses », le chirurgien Ambroise Paré (1510-1590) classe les poisons en trois catégories en fonction de leur origine : air corrompu, naturels (bêtes, plantes, minéraux) ou artificiels. Cette distinction est reprise des auteurs antiques et arabes de l’époque médiévale15. Le plan de son traité sur les venins correspond à celui du De materia medica de Dioscoride commenté par Pierre-André Matthiole16. Parmi les poisons naturels, les animaux et leur corps occupent une place importante. Il précise que « les bestes venimeuses sont aspics, crapaux, viperes, dragons, scorpions, liévres marins, pastenaques, vives, torpedes, araignées, cantharides, buprestes, chenilles de pin, sangsuës, & infinité d’autres17 ». Dans son analyse du « Livre des venins » d’Ambroise Paré, Nathalie Dauvois a bien montré la domination des animaux sur les éléments végétaux et minéraux (28 chapitres contre 2 pour l’édition de 1575)18.

  • 19 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, op. cit., p. 494.
  • 20 Ibid., p. 486.

7Le répertoire d’animaux venimeux est présenté en séries, sans logique rigoureuse de distinction entre animaux terrestres et marins. L’auteur fait plutôt des allers-retours entre animaux familiers et animaux étranges. Il s’intéresse particulièrement aux reptiles en étudiant différentes variétés de serpents. La couleuvre et la vipère côtoient des animaux légendaires, comme le basilic. Ce dernier est considéré comme le plus venimeux des serpents : « son venin est si cruel, que si on le regarde trop attentivement, tuë ceux qui le regardent19 ». Le venin en lui-même peut être toxique, mais c’est le cas aussi d’autres parties du corps de l’animal. Paré le précise, « les bestes ne tuent pas seulement par leurs picqueures & morsures, ou égratigneures, mais aussi par leur bave, haleine, escume, regard, cry, & sifflement, & par leurs autres excremens20 ». Par exemple, il accuse le chat de pouvoir empoisonner par son regard, son haleine et ses poils. Ces derniers, en particulier, s’ils sont avalés, peuvent provoquer l’asphyxie. Plus que par leur simple corps, les animaux sont présentés chez Paré comme des acteurs pouvant tuer par leurs actions.

  • 21 Jacques Grévin, Deux livres des venins, ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, (...)
  • 22 Ariane Bayle, « Thériaque et triacleurs chez Pierre-André Mathiole », dans Sarah Voinier et Guilla (...)
  • 23 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, op. cit., p. 488-489.

8S’ils peuvent tuer, les corps animaux, comme les venins en général, peuvent aussi servir d’antidote. Le médecin Jacques Grévin (1538-1570) précise que « les contrepoisons souventesfois sont faictes d’une partie des venins meslée avec autres simples en quantité bien accomodée. Et ce qui est encore plus esmerveillable, il se trouve des venins qui font contrepoisons les uns des autres21 ». Paré recommande contre la plupart des poisons le recours à la thériaque. Employé depuis l’Antiquité pour guérir les morsures des animaux venimeux sur les humains22, ce contrepoison est composé de plusieurs dizaines d’ingrédients et doit son pouvoir curatif à son apport en chairs de vipère. Par un phénomène d’inversion, l’animal dangereux devient un remède. L’antidote peut agir de deux façons : soit en détruisant le poison, comme est supposée le faire la thériaque, soit en l’attirant hors du corps. Paré recommande ainsi pour attirer le poison d’appliquer des culs de volaille avec un grain de sel sur la plaie, car leur chaleur et leur régime à base d’animaux toxiques les protègent du venin. À défaut de volailles, il suggère d’employer des chatons ou des chiots fendus en deux dont la chaleur doit permettre une semblable absorption du poison23. Ici, ce n’est pas la logique de l’analogie inversée qui est appliquée, mais la théorie galénique des humeurs, la chaleur facilitant l’évacuation du produit toxique.

  • 24 Concrétion se formant dans l’appareil digestif de certains animaux.

9Paré met cependant en doute l’efficacité de deux antidotes d’origine animale : le bézoard24 et la corne de licorne. Chaque venin possédant son propre effet, il ne peut pas exister de contrepoison universel. Il reproche ainsi à ces deux antidotes un trop grand nombre d’objets en vente, en inadéquation avec leur supposée rareté, et leur prix, qui peut entraîner le risque de falsification. Par ailleurs, les pierres d’origine animale ne sont pas toutes efficaces, et Paré assimile à une superstition la croyance populaire consistant à utiliser comme contrepoison une pierre trouvée dans la tête du crapaud nommée « crapaudine ».

10Les corps animaux en matière de poisons ne sont donc pas exempts d’ambiguïté. Le xviie siècle connaît une évolution épistémologique, une réorganisation de la science et des savoirs qui touche également ceux toxicologiques.

Les xviie-xviiie siècles : entre réorganisation et persistance des savoirs toxicologiques

  • 25 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, t. 1, op. cit., p. 24.

11Le xviie siècle marque le début du passage progressif de la « philosophie naturelle » aux sciences modernes25. Dans cette évolution, la pratique et les discours expérimentaux occupent une place centrale. Les savants ne se contentent plus des savoirs venant des références antiques et, par leurs expériences sur les animaux, ils contribuent à développer les savoirs toxicologiques. À partir des années 1660, des savants italiens et anglais s’intéressent particulièrement à deux espèces, la vipère et la tarentule, comme le relatent différents articles du Journal des sçavans entre 1665 et 1790. Ces études s’intéressent particulièrement à la localisation du venin, à ses effets et à différents moyens pour y remédier.

  • 26 « Observationi intorno alle vipere, fatte da Francesco Redi, in Firenze », Le Journal des sçavans, (...)
  • 27 « A Mechanical Account of Poisons in Several Essays, by Richard Mead, London, Ralph Smith, 1702 », (...)
  • 28 « Observationi intorno alle vipere, fatte da Francesco Redi… », art. cit., p. 11.
  • 29 « Traité des Poisons considerez en general & en particulier, par M. Linder, où l’on explique leur (...)

12En 1664, le médecin italien Francesco Redi (1626-1697) indique que le venin de la vipère ne se trouve pas dans leurs dents, mais dans deux vésicules qui, lors de la morsure, font sortir une « liqueur jaunastre » qui coule le long de la dent et empoisonne la plaie. Il le prouve en expérimentant le venin de la vipère sur des animaux : « il a froté les playes de plusieurs animaux de fiel de viperes & qu’il les a picqué avec leurs dents, sans que cela leur ait causé aucun mal considerable : mais toutes les fois qu’il a frotté les playes de cette liqueur jaunastre, il n’en est réchappé pas un26 ». Ce fait est vérifié à Paris par un nommé Areskine, qui blesse deux pigeons avec une tête de vipère conservée depuis vingt-quatre heures. Il récolte ensuite du venin de vipère en la faisant mordre un cylindre en verre, puis le met sur les plaies de deux autres pigeons. Les quatre pigeons ne survivent pas à l’expérience27. Avec ces expérimentations, les savants observent que la vipère est un reptile qui produit un venin toxique, létal lorsqu’il est mis directement sur une plaie et même récolté post mortem. Redi remet également en cause la toxicité de l’ingestion de la chair de vipère ou de son venin. Au contraire, « il dit que c’est un souverain remede contre la morsure des Viperes que de suçer la playe, & il rapporte l’experience d’un chien qu’il fit mordre sur le nez par une vipere, lequel à force de lécher sa playe se sauva la vie28 ». En 1708, Johannis Linder explique l’inefficacité du venin dans ce cas par l’altération qu’il subit dans le système digestif29.

  • 30 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 28-30.
  • 31 « Nouvelles expériences sur la Vipere… par Moïse Charas, seconde édition, Paris, chez Laurent d’Ho (...)
  • 32 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 516.
  • 33 « Traité des Poisons considerez en general & en particulier… », art. cit., p. 130-131.
  • 34 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 613.
  • 35 « Traité sur le venin de la Vipère, sur les Poisons Américains, […] à Paris, chez Nyon l’aîné, 178 (...)

13Un vaste débat européen sur les propriétés et la transmission du venin de la vipère suscite une opposition entre les savants français et Redi30. Pour le pharmacien français Moïse Charas (1619-1698), la liqueur jaune transmise par la morsure ne devient toxique que par l’irritation des « esprits » de l’animal31. Cette liqueur ne serait qu’un véhicule pour les « esprits » de la vipère, leur permettant de pénétrer dans le sang de la victime et de le contaminer. Cette position cartésienne ne résiste pas aux expérimentations faites par les savants italiens et anglais. Richard Mead, au xviiie siècle, en accord avec Redi, confirme la localisation du venin dans « le suc jaune qui remplit les petits sacs situez à la racine des dents32 ». Avec la mise au point du microscope au milieu du xviie siècle et l’essor de la chimie moderne dans les années 1680, les savants s’intéressent à la composition du venin. Contrairement à l’idée répandue qu’il s’agirait d’un suc acide, Linder indique que le venin de la vipère est un « suc alkalin & acre, c’est à dire un acre savoneux composé de sels & d’huiles33 ». En l’observant au microscope, Mead remarque que la liqueur jaune est « composée de quantité de particules cristalines fort agitées, & qui ne se repandent de tous côtez » et « d’une consistence si solide nonobstant leur extrême subtilité, qu’elles se conservent sur le verre pendant plusieurs mois sans aucun changement sensible34 ». Ce sont ces dards contenus dans le venin qui provoquent les dégâts internes. Pourtant, à la fin du xviiie siècle, l’anatomiste italien Félix Fontana (1730-1805) conteste sa nature acide ou alcaline et considère qu’il s’agit d’une matière assez douce, dissoluble dans l’eau, correspondant à une colle ou gelée animale35. Malgré les avancées techniques, les instruments scientifiques ne suffisent pas à régler le débat sur la composition du venin de vipère.

  • 36 « Georgii Baglivi Doctoris Medici... Accedunt dissertationes novae de Anatome, morsu, & effectibus (...)
  • 37 « Extrait du Journal d’Italie, contenant l’Histoire de la Tarentule & la raison des effets divers (...)
  • 38 Ibid., p. 404.
  • 39 Gino L. Di Mitri, « Les Lumières de la transe. Approche historique du tarentisme », Cahiers d’ethn (...)
  • 40 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 35.

14À cause de l’effet de son venin sur le comportement de ses victimes, les savants s’intéressent également à la tarentule et à son mode de vie. Elle naît dans les endroits les plus chauds des Pouilles, notamment à Tarente, ville italienne dont elle tire son nom. De ce fait, le médecin italien Georgio Baglivi (1668-1707) précise qu’elle est « si ennemie du froid, que pendant l’Hiver elle se cache sous terre, & y vit sans y prendre aucuns alimens36 ». Comme pour la vipère, les savants s’intéressent aux symptômes provoqués par son venin. Sa piqûre fait gonfler la partie touchée, qui peut devenir livide et noire. Son venin produit également des effets sur le comportement de la personne touchée : « Mais ce qu’il y a bien particulier en ce venin, c’est que comme il est gluant n’estant que l’humeur salivante de cette aragnée (sic), il fixe d’abord l’imagination que l’on a quand on est piqué37 ». Autre particularité, par sa viscosité, il peut mettre jusqu’à un an pour entrer en action et s’éveiller par la chaleur du soleil. Il agit sur les nerfs en se joignant avec les « esprits animaux », il picote les muscles, poussant le malade à gesticuler et à danser38. Ces symptômes correspondent à ce que l’on nomme à cette époque le « tarentisme ». Mais l’origine de ce phénomène demeure discutée pendant toute l’époque moderne : possession diabolique, résurgence de cultes païens ou intoxication sont autant de causes supposées des convulsions et du blocage psychique39. Baglivi remarque que le venin de la tarentule provoque une coagulation du sang en faisant l’autopsie d’un lapin. Selon Mead, le venin de la tarentule provoquerait des grumeaux qui troubleraient la circulation du sang et le pousseraient inégalement dans différentes parties du corps comme le cerveau, expliquant les troubles du comportement40.

  • 41 « Traité des remèdes qui se tirent des poisons, par Melchior Friccius, Medecin de la ville d’Ulm, (...)
  • 42 « Extrait du Journal d’Italie, contenant l’Histoire de la Tarentule… », art. cit., p. 404.
  • 43 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 616.
  • 44 Gino L. Di Mitri, « Les Lumières de la transe… », art. cit., paragraphe 26.
  • 45 « Cours de chymie contenant la manière de faire les operations […], par N. Lemery, apotiq. du Roy, (...)

15Les savants s’intéressent également aux moyens de guérir du venin de la tarentule et de la vipère. Alors que leur ingestion en poudre peut provoquer des hémorragies, des défaillances, voire la mort, le médecin allemand Melchior Friccius indique que trois ou quatre cantharides mises dans une liqueur constituent un remède contre la morsure de tarentule41. Contre le venin de cette dernière, la musique apparaît comme le meilleur remède, car elle fait danser les malades et évacuer le venin par la sueur42. Mead précise que le « poison agit sur le sang par voye de coagulation43 » ; la musique fonctionnerait donc contre ce venin non par la sueur, mais par les mouvements et les vibrations qu’elle provoque dans le corps du patient, permettant de fluidifier le sang. La thérapie musicale défendue par Baglivi et Mead est cependant contestée, au xviiie siècle, par Francesco Serao, et le tarentisme n’est plus considéré comme une intoxication à la suite d’une morsure, mais comme une forme de folie44. Les poisons provoquant la coagulation du sang peuvent également être vaincus par les sels volatils de vipère, mais aussi par ceux du scorpion. En 1682, le chimiste Nicolas Lémery (1645-1715) s’appuie sur une expérience faite sur deux souris. Il introduit tout d’abord une souris dans une bouteille de verre contenant deux scorpions. Elle meurt d’une piqûre tandis qu’une deuxième, de plus grande taille, survit et mange les deux scorpions. Il pense que ce sont les sels volatils contenus dans la chair des scorpions qui ont permis d’agiter le sang et d’empêcher ainsi sa coagulation45.

  • 46 « Nouvelles expériences sur la Vipere… », art. cit., p. 250-251.

16En ce qui concerne la vipère, les expériences ne sont pas sans risques pour l’expérimentateur. Moïse Charas se fait mordre deux fois par des vipères en 1692. Il en conclut qu’une simple ligature suffit pour éviter les risques mortels en stoppant la progression dans le sang des « esprits » de la vipère. Dans le cas où la zone ne peut être ligaturée, il préconise le « sel volatil tiré chimiquement des viperes dessechées, pris par la bouche au poids de 24 grains dans du vin, ou dans quelque autre liqueur cordiale, & reiterée suivant le besoin46 ». Mead aussi envisage le sel volatil ainsi que la graisse de vipère comme remèdes, car ils permettent de capturer les dards cristallins du venin et d’empêcher les dégâts internes. Charas suggère aussi, pour celui qui ne peut se faire ligaturer ni avoir de sel volatil, de manger la chair de la vipère.

  • 47 « Extrait du Journal d’Allemagne contenant plusieurs belles particularitez touchant le Bezoar », L (...)
  • 48 « Curiositez de la Nature et de l’Art, apportées de deux voyages des Indes […] à Paris, chez Jean (...)
  • 49 Moyse Charas, La thériaque d’Andromachus, dispensée et achevée publiquement par Moyse Charas, Pari (...)
  • 50 Yvan Brohard (dir.), Remèdes, onguents, poisons. Une histoire de la pharmacie, Paris, Éditions de (...)
  • 51 Ibid., p. 79.

17Les remèdes décrits par Paré sont toujours d’actualité à la fin du xviie siècle. Alors que Paré mettait en doute leurs vertus curatives dès le xvie siècle, les savants s’interrogent encore sur les espèces animales qui peuvent engendrer des bézoards47. L’on attribue à des pierres venues d’Inde nommées « pierres de serpent », se trouvant dans la tête de certains serpents de Goa, des propriétés contre leurs morsures48. Moïse Charas publie quant à lui en 1668 un ouvrage entier consacré à la thériaque intitulé La thériaque d’Andromachus. Il y analyse ses soixante-huit ingrédients, notamment la vipère, pour laquelle il donne des conseils sur sa période de capture et sur sa préparation49. En effet, la façon dont il faut préparer la vipère fait toujours débat dans la première moitié du xviiie siècle, comme en témoigne la réponse du 11 octobre 1724 des médecins de Montpellier à une lettre envoyée par ceux de Saragosse. Ils précisent qu’il faut éviter de faire bouillir sa chair, car cela entraîne la disparition des sels de vipère, « dont la vertu dans cette préparation est de première importance », et conseillent plutôt de les sécher et de les broyer50. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la polypharmacie, réunissant dans une même préparation divers ingrédients dont on pensait que les vertus s’additionnaient, est contestée par Nicolas Lémery et Antoine-François de Fourcroy : « farouches représentants de conceptions nouvelles, ils annoncent l’avènement d’une chimie moderne hostile aux médicaments composés51 ». L’utilisation de la thériaque persiste jusqu’au xixe siècle à titre de tonique et de calmant, tout en se simplifiant, jusqu’à perdre en 1884 son ingrédient le plus symbolique, la chair de vipère.

18Ainsi, loin de s’être substitués aux savoirs antérieurs, ceux résultant de la nouvelle conception de la science coexistent avec eux, faisant des xviie et xviiie siècles une période de transition. Les expérimentations de poisons sur les animaux, réalisées par des savants italiens, anglais et français, ont permis de développer les connaissances sur la localisation et les propriétés du venin de la vipère et de la tarentule. Cette évolution ne se limite pas aux savoirs toxicologiques, elle est également visible dans le domaine juridique avec la sécularisation du crime de sorcellerie.

La sécularisation du crime de sorcellerie : le cas du parlement de Toulouse

  • 52 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », Cahiers de recherches médiévales, 17, 200 (...)
  • 53 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc (1485-1791). De la répression à la dépénalisat (...)
  • 54 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », art. cit.
  • 55 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc…, op. cit., t. 1, p. 160-168.
  • 56 Émile Jolibois, « Le procès de la sorcière brûlée à Labruguière en 1485 », Revue historique, scien (...)
  • 57 Jean-François Le Nail, « Procédures contre des sorcières de Seix en 1562 », Bulletin de la Société (...)

19Un lien entre sorcellerie et poison existe dans le Midi de la France dès le xvsiècle, comme le montre Nicolas Ghersi, tant dans les accusations que dans le lexique pour désigner les sorcières (« pousonière »)52. Le poison n’est cependant pas toujours d’origine animale. En effet, les recettes des sorcières languedociennes sont composées essentiellement de végétaux53. Certains ingrédients employés à l’époque médiévale comme les tortues, la cervelle de chat ou la langue de chien enragé ne sont plus présents au xvie siècle54. Cette prédominance du végétal est d’ailleurs caractéristique de la pharmacopée avec des plantes anodines (basilic, sauge, bretonge, etc.) ou à employer avec plus de précautions (datura stramonium)55. C’est souvent un mauvais dosage, ou une nouvelle perception sur des ingrédients, qui fait passer le breuvage du rang de remède à poison. Dans la trentaine de procès pour sorcellerie dont les archives sont conservées par le parlement de Toulouse, et qui se sont tenus entre 1485 et 1688, certains animaux connus pour leur toxicité se retrouvent dans la composition des poudres ayant servi à la réalisation de sortilèges. En 1485, Péronne Galiberte est accusée d’avoir rendu dément Jean Colombier avec un breuvage dans lequel elle a glissé une « poudre faite d’un crapaud desséché et de trois araignées broyées56 ». En 1562, à Seix, Mathe de Ga avoue avoir entretenu un crapaud pendant deux ans afin de préparer des poisons à partir de son urine57.

  • 58 Archives départementales de la Haute-Garonne (ADHG), 37 J 53, 1644.
  • 59 Michel Meurger, « Plantes à illusion », art. cit., p. 376.
  • 60 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », art. cit. ; Ana-Begoña Conde, « Le poison (...)
  • 61 Jean-François Le Nail, « Procédures contre des sorcières de Seix en 1562 », art. cit., p. 217 et 2 (...)
  • 62 Éric Baratay, L’Église et l’animal, op. cit., p. 74.
  • 63 Michel Meurger, « Plantes à illusion », op. cit., p. 377.
  • 64 ADHG, 2B 7828, 1686-1688.

20L’entretien d’un crapaud domestique suffit à rendre suspecte Catherine Martine en 1644, année de la plus grande épidémie de sorcellerie en Languedoc58. Symbole de luxure, il est la bête de la sorcellerie par excellence. Les moralistes médiévaux assimilent le crapaud au péché d’orgueil, car il s’agissait de l’amphibien le plus enflé et, en enfer, les gloutons sont repus de crapauds et d’autres bêtes venimeuses59. L’usage de crapauds est attesté dans les régions méridionales de la France et en Espagne dès l’époque médiévale60. Les insectes sont aussi employés par les « sorcières » languedociennes. En 1562, un expert trouve deux cafards dans une poudre suspecte chez Arnaude de Barrau61. Ce bestiaire n’est pas anodin. Les reptiles et assimilés (serpents, dragons, crapauds), les insectes (araignées, cafards…), sont considérés comme des instruments aux mains de Satan62. Le corps animal fournit à la sorcière le moyen de réaliser ses maléfices. Il peut être utilisé en entier ou en extrayant des substances fournies par celui-ci, comme de l’urine ou des excréments. Les sorcières sont soupçonnées d’employer des excréments d’animaux, car Satan a pour réputation d’aimer les processus de défécation et de corruption63. Les êtres humains ne sont pas d’ailleurs les uniques victimes. Par exemple, à Salies-du-Salat (Haute-Garonne), Jeanne Aurné est accusée, le 20 avril 1686, d’être allée dans la maison de Jean Puisseyne, laboureur, et d’avoir « donné de poudres a son bestailh pour l’empoisoner64 ». Le corps animal peut servir au sortilège, mais aussi en devenir la cible.

  • 65 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc…, op. cit., t. 1, p. 158-173.
  • 66 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse… », art. cit., paragraphe 9.
  • 67 Idem.
  • 68 Jean Bodin, De la démonomanie des sorciers, Rouen, Raphaël du Petit Val, 1604, p. 297.
  • 69 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse… », art. cit., paragraphes 15-49.
  • 70 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 1, p. 130-158.
  • 71 ADHG, 2B 23603, 1644.

21L’analyse des procédures languedociennes pour sorcellerie montre un changement dans la composition des poisons au début du xviie siècle. Les éléments naturels (plantes, animaux) sont évacués pour l’utilisation de poudres ou d’onguents constitués d’os, de graisse ou de chair d’êtres humains65. On assiste ainsi à une transformation de ce qui est considéré comme diabolique. Dans les années 1560, le médecin Jean Wier (1515-1588) remet en doute les accusations de sorcellerie en limitant le pouvoir du diable. Le maléfice est efficace seulement parce qu’il contient un venin tiré de plantes, de métaux ou « d’animaux et de leurs excréments66 ». Marianne Closson a montré comment les démonologues s’opposent à cette « offensive naturaliste » en mettant en avant le pouvoir de Satan67. Pour Jean Bodin, « ce ne sont pas la poison, ny les os, ny les poudres enterrées qui font mourir : mais Satan à la prière des sorcières par la juste permission de Dieu68 ». Tous les démonologues ne sont pourtant pas aussi catégoriques, et pour Henry Boguet, Martin Del Rio et Pierre de Lancre, il n’est pas impossible que ces poudres contiennent un poison69. Le triomphe de la démonologie au début du xviie siècle entraîne une disparition des éléments naturels, en supprimant tout élément pouvant affaiblir le rôle du diable dans les sortilèges. Les juges, lors des interrogatoires, se concentrent sur les éléments les plus démonologiques, le sabbat et l’obtention des poudres, et non sur leurs propriétés toxiques70. Ainsi, le 10 mai 1644, Jean Soubiran est questionné sur sa rencontre avec le diable, ses rencontres au sabbat, les activités qui s’y passaient71.

  • 72 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au xviie siècle…, op.cit., p. 554-564.
  • 73 Michel de Certeau, « Une mutation culturelle et religieuse : les magistrats devant les sorciers du (...)
  • 74 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, op. cit., t. 1, p. 25.
  • 75 Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers. Police, magie et escroquerie à Paris au xviiie siècl (...)
  • 76 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 2, p. 13-18 ; Ulrike Krampl, Les (...)
  • 77 ADHG, 1B 1974, « Déclaration royale sur les magiciens, sorciers et empoisonneurs de juillet 1682 » (...)

22Un autre changement a lieu à partir des années 1670-1680. Robert Mandrou a montré qu’à partir de la seconde moitié du xviie siècle, une « révolution mentale72 » s’opère chez les magistrats. Ce concept a été critiqué dès sa parution73. Aujourd’hui, l’histoire des sciences et des savoirs y voit une redéfinition du discours, à l’image de celle de la philosophie naturelle, plus qu’une évolution des mentalités74. La démonologie est évacuée pour un droit fondé sur des faits et des preuves. Après les abus et les scandales des procès suscités par des cas de possession diabolique, le parlement de Paris met en place un appel automatique des sentences de première instance pour les cas de sorcellerie à partir des années 1620. Si les procès pour sorcellerie perdurent jusqu’en 1688 pour le cas du parlement de Toulouse, ils tendent à diminuer dès les années 1660. La baisse des poursuites judiciaires permet d’amorcer la sécularisation du crime de sorcellerie. Le poison se naturalise. Le point d’orgue de cette évolution est l’édit royal de 1682 sur les poisons et les sortilèges75. Désormais, le poison n’est plus d’origine diabolique mais naturelle, ce n’est plus la sorcellerie mais les crimes d’empoisonnement et de sacrilège qui doivent être châtiés76. Une réglementation stricte des détenteurs de poisons et de leur vente est incluse dans ses articles. Seuls les médecins et les apothicaires sont autorisés, par l’article 10, à se servir « d’insectes vénéneux comme les serpens, crapaux, vipères et autres semblables77 ». Les corps animaux sont donc censés n’être employés que dans leur statut d’antidote, en guise de médicaments, par le corps médical.

Le corps animal détecteur de poison

  • 78 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., Tome II, p. 23.
  • 79 Christelle Rabier, Fields of Expertise…, op. cit., p. 85-109.
  • 80 ADHG, 2B 21 067, « Relation de l’ouverture des cadavres de trois enfants du plaignant du 14 octobr (...)

23Si les procès pour sorcellerie disparaissent progressivement, leur succèdent ceux pour empoisonnement. Les sacs à procès du parlement de Toulouse, conservés aux Archives départementales de la Haute-Garonne, contiennent quarante-trois procédures judiciaires pour crime d’empoisonnement entre 1665 et 178578. Un personnage dispose d’une place centrale : l’expert judiciaire. Les experts judiciaires employés dans ces affaires sont des médecins, des chirurgiens et des apothicaires comme à Paris79. L’usage de l’autopsie est avéré pour ce type d’accusation en Languedoc dès le début des années 167080. En prouvant les dommages provoqués sur les organes, généralement par de l’arsenic, il tend à contribuer à la sécularisation du poison, à la démonstration de son origine naturelle.

  • 81 ADHG, 2B 2899, « Relation des médecins du 22 ou 25 mai 1685 ».
  • 82 Idem.

24Les médecins peuvent parfois tester la substance pour affirmer que la victime est bien morte à cause d’un poison et pour en déterminer la sorte. L’une des premières méthodes utilisées consiste à goûter une infime quantité du dernier aliment ou de la poudre suspectée d’avoir donné la mort. En 1685, les médecins, en inspectant le bouillon soupçonné d’avoir été empoisonné par un domestique et d’avoir rendu malade toute la maisonnée, ont trouvé une poudre, « laquelle ayant esté goustée par nous du bout de la langue elle nous y escista de la cuison et de l’amertume81 ». Pour ces experts, cette poudre blanche et les symptômes identifiés ne peuvent « estre causés que par un poison chaud et corrosif qu’est l’arsenic82 ».

  • 83 Jean Devaux, L’art de faire les rapports en chirurgie…, Paris, Chez Théophile Barrois, 1703, p. 37 (...)
  • 84 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 21.

25Par un procédé plus sûr pour leur santé, les médecins et les chirurgiens peuvent prouver la toxicité des aliments sur des animaux. Les médecins languedociens ont recours principalement à des chiens et à des poules, probablement grâce à leur facilité d’obtention et au caractère docile de ces animaux domestiques. L’usage de volatiles comme des poules pour tester le poison peut surprendre. En 1703, le chirurgien Jean Devaux (1649-1729) conseille de choisir un chien plutôt que des volailles pour faire cette expérience à cause de la similarité de son régime alimentaire avec celui de l’être humain et « [parce] qu’il est réciproquement incommodé de la plupart des choses qui sont nuisibles à l’homme83 ». À l’inverse, la poule, par son habitude de manger des animaux toxiques, risque de fausser les résultats. Alessandro Pastore indique que les médecins italiens, bien qu’ils utilisent aussi des poules, préfèrent employer des chiens pour leur sensibilité à n’importe quel poison84. Il y a donc des similarités entre les usages français et italiens.

  • 85 Idem.
  • 86 ADHG, 2B 11166, « Rapport de médecins, chirurgiens et apothicaires du 2 mai 1767 », fo 1 verso-fo  (...)
  • 87 Idem.
  • 88 ADHG, 51 B 24, 1767.

26Trois procédures languedociennes mentionnent des expérimentations sur des animaux, toutes au xviiie siècle (en 1710, 1724 et 1767), alors qu’elles semblent attestées dès le xviie siècle en Italie85. L’essai sur un animal est simple. Le médecin ou le chirurgien fait un prélèvement de la nourriture suspecte et la donne au chien. Si l’état de santé de l’animal se trouve altéré ou s’il a des vomissements, cela prouve la présence du poison. Parfois, les experts doivent user de subterfuges pour faire goûter les aliments, par exemple, quand ils ont du poison sous forme de poudres, en faisant des boulettes de viande : « avons meslé ce qu’il contenoit avec du pye de chevrau, et en avoint fait cinq petite boules que nous avons donné à deux heures et vingt minutes à un chien qui a vomi tres mediocrement à quatre heures et trois quart, a vomi encore aprés cinq heures avec des matieres à moitié digerées […] pendant tout le temps là il aparu triste. Le lendemain apres midy le trouvant gay et sans accidents nous l’avons laissé aller86 ». Les experts consignent les aliments employés pour faire ingérer le poison. Le temps entre la consommation et les premiers symptômes, voire la mort, sont rigoureusement notés. Ils s’intéressent à la réaction de l’animal et relèvent les symptômes attendus pour un empoisonnement, comme les vomissements. Afin de confirmer leurs thèses, les chirurgiens peuvent pratiquer une dissection de l’animal. Par analogie, ils cherchent alors les mêmes symptômes que ceux observés dans le corps humain, comme une inflammation de l’estomac : « voulant veriffier s’il y avoit quelque impression dans le ventricule de ce second chien quoi qu’en vie. Il a été ouvert, et nous avons aperceu vers le pylore ou orifice inferieur de l’estomac quelques taches rouges livides presque gangreneuses, et l’intestin ideum dans un Etat de phlogose ou d’inflammation commencée87 ». À la suite de ces expérimentations, les experts considèrent qu’Estienne Cournier a fait usage d’arsenic pour tuer son père ; il est par conséquent condamné par l’arrêt du 30 septembre 1767 à être rompu vif et son corps, jeté dans un bûcher88. Si l’autopsie est courante pour déterminer un empoisonnement et condamner aux peines maximales l’accusé, l’originalité, ici, est l’expérimentation sur des animaux pour prouver la toxicité des aliments.

Une pratique marginale ? Entre protohistoire de la médecine légale et savoirs importés

  • 89 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 21.
  • 90 André Salmon, « Essai de poison sur un chien, fait par l’ordre de Louis XI », Bibliothèque de l’Éc (...)
  • 91 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 2, p. 30-36.
  • 92 Michel Porret, « La preuve du corps », Revue d’histoire des sciences humaines, 22, 2010, p. 39.
  • 93 Michael Clark et Catherine Crawford (dir.), Legal Medicine in History, Cambridge, Cambridge Univer (...)
  • 94 Christelle Rabier, Fields of Expertise…, op. cit., p. 102-103 et 110-111.
  • 95 Jean Devaux, L’art de faire les rapports en chirurgie…, op. cit., p. 361-391.
  • 96 Ibid., p. 366.
  • 97 Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Paris, Chez Debure Pere, 1771, t. 2, p.  (...)

27Pour le parlement de Toulouse, l’expérimentation du poison sur des animaux dans les cas d’expertise judiciaire demeure marginale, même au xviiie siècle. Cela est étonnant si l’on pense qu’en Italie, le pionnier de la médecine légale, Paolo Zacchia (1584-1659), s’est intéressé à ces expérimentations dès le début du xviie siècle89. L’ancienneté de l’usage des animaux pour tester le poison est pourtant attestée en 1480 par une expérience réalisée sur un chien en présence de Louis XI à Tours, dans un contexte inconnu90. Pour le cas toulousain, jusqu’au milieu du xviisiècle, le crime d’empoisonnement est assimilé au crime de sorcellerie. La mort étant d’origine diabolique, il n’est pas jugé nécessaire de faire l’autopsie du cadavre ou de tester la toxicité des substances sur des animaux91. Michel Porret a d’ailleurs montré que, jusqu’au milieu du xviie siècle, les experts judiciaires s’occupent principalement de contusions, meurtrissures et fractures92. Jusqu’au xviiie siècle, les traités portant sur les rapports en chirurgie ou la médecine légale demeurent rares en France comme en Angleterre93. Christelle Rabier l’indique pour la France en relevant treize traités, édités entre 1684 et 178394. Cependant, une majorité porte sur les signes de la mort, le suicide et les enfants mort-nés. Le seul traité abordant l’expérimentation de poisons sur les animaux est l’Art de faire les rapports en chirurgie de Jean Devaux, publié en 1703. Mais dans le chapitre réservé aux poisons, il ne s’intéresse qu’aux signes de l’empoisonnement sur le cadavre95. L’expérimentation sur les animaux du potentiel poison n’est mentionnée qu’une seule fois dans le corps du chapitre : « […] on peut tirer une conséquence très sûre du poison avalé, si ce que le malade a rendu par le vomissement étant donné à un animal domestique avec d’autres aliments, le jette aussi-tôt en des accidents à peu-près semblables à ceux qui attaquent le malade96 ». De même, le juriste Daniel Jousse se contente d’exprimer la nécessité du rapport des médecins et des chirurgiens pour prouver le crime de poison97. Jusqu’au xviiie, les allusions dans les traités juridiques concernant l’usage des animaux semblent assez limitées, ce qui explique la marginalité de cette pratique.

  • 98 Denis Diderot et Jean d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et (...)
  • 99 Étonnamment, alors qu’il est très souvent cité dans les sources du xviiie et même encore au xixe s (...)
  • 100 Browne Langrish, médecin anglais décédé en 1759.
  • 101 Pascal Dubourg Glatigny et Hélène Vérin (dir.), Réduire en art. La technologie de la Renaissance a (...)
  • 102 Sacha Tomic, « Le rôle des manuels dans la disciplinarisation de la toxicologie en France au xixe  (...)

28Cette marginalité pose aussi la question de la circulation et de la production des savoirs toxicologiques. Un laps de temps de près d’un siècle entre la France et l’Italie semble avoir été nécessaire pour que l’expérimentation du poison sur des animaux dans le cadre judiciaire se mette en place. Tous les grands noms dans ce domaine à l’époque moderne sont italiens ou anglais. Le Journal des sçavans a donné entre 1665 et 1790 les comptes rendus des principaux ouvrages étrangers consacrés à ces expériences. L’article « Poison » de l’Encyclopédie mentionne un ouvrage de Sebastiano Rotario traitant des indices d’empoisonnement qu’un médecin doit trouver lors de l’autopsie98. Il mentionne également les poisons tirés du règne animal vus précédemment (vipère, tarentule, cantharides…) et des expériences faites sur les animaux en citant de grands savants comme Mead, Baglivi, Sprægel99 ou Langrish100. Les savoirs concernant les poisons en France sont essentiellement importés d’Angleterre et d’Italie. Ils n’ont pas encore connu leur « réduction en art101 », dans le sens où la médecine légale et la toxicologie, en France comme dans le reste de l’Europe, ne deviennent des disciplines scientifiques à part entière qu’au xixe siècle102. Elles n’en sont encore qu’à leur protohistoire.

  • 103 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 18.
  • 104 Jérôme Michalon, « Les animal studies peuvent-elles nous aider à penser l’émergence des épistémès (...)

29Ainsi, il apparaît que les animaux disposent d’au moins quatre statuts en matière de poisons. Ils servent à la fois de poisons, d’antidotes, de détecteurs et de victimes. Des changements s’amorcent au xviie siècle avec un double phénomène de mutation des savoirs toxicologiques et de sécularisation du crime de sorcellerie. Le poison se naturalise. À partir des années 1670, les savants italiens et anglais expérimentent le poison sur des animaux, ce qui permet d’enrichir les savoirs toxicologiques, notamment sur la vipère et la tarentule. Cela ne signifie pas pour autant la disparition des savoirs précédents. Les bézoards ou la thériaque font encore l’objet de traités. Dans le cas du parlement de Toulouse, le crime de poison et la sorcellerie sont étroitement liés jusque dans les années 1680. Deux changements ont lieu dans les procédures judiciaires. Le premier, à la fin du xvie siècle, marque le triomphe de la démonologie avec la disparition des éléments naturels, notamment les corps animaux et les végétaux, employés par les sorcières. Le second, dans les années 1670-1680, avec la fin des poursuites pour crime de sorcellerie, voit une « dédiabolisation » des poisons. Il ne s’agit plus de sortilèges, mais de poisons naturels, essentiellement de l’arsenic. L’expert judiciaire a pu contribuer à ce phénomène avec l’usage de l’autopsie dès les années 1670 et l’expérimentation de la toxicité des aliments ingérés par les victimes sur des animaux. Il faut néanmoins nuancer son rôle. La pratique de l’expérimentation de poisons sur les animaux est marginale en France. L’expérimentation en elle-même ne permet pas de déterminer avec certitude le poison employé et la similitude des symptômes pousse souvent les experts à juger qu’il s’agit d’arsenic. La détermination de la présence de poison dans les restes alimentaires retrouvés dans un cadavre ne devient possible qu’au xixe siècle. Une méthode est mise au point en 1836 par James Marsh qui permet de déceler le poison et de le déterminer sous forme de sels composés mêlant des acides arsenicaux ou arsénieux avec des substances alcalines103. Les animaux ne sont ainsi plus nécessaires pour déterminer l’utilisation de poison dans un cadre criminel. Mais le recours aux animaux dans le cadre d’expérimentations se déplace de la médecine légale à l’industrie pharmaceutique et cosmétique, au xxe siècle, pour s’assurer de la non-toxicité des produits et de leurs potentiels effets secondaires. Les mouvements animalistes, qui se sont développés à la suite de la parution du livre de Peter Singer Animal Liberation en 1975, ainsi que les mouvements végans de ces dernières décennies, dénoncent l’exploitation et la mort industrielles des animaux. Les images de poussins mâles jetés dans une broyeuse, de souris rendues difformes par le cancer après des tests de médicaments, d’animaux maltraités avant leur abattage, suscitent l’émotion de la population. Le succès actuel des animal studies et leur part dans le développement des mobilisations pro-animaux montrent que les questions qu’ils soulèvent sont toujours d’actualité104.

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Notes

1 Voir British Library, Harry Potter. A Journey through a History of Magic, Londres, Bloomsbury, 2017.

2 Éric Baratay, L’Église et l’animal (France, xviie-xxie siècle), Paris, Éditions du Cerf, 2015, p. 87 et 106.

3 Christelle Rabier (dir.), Fields of Expertise. A Comparative History of Expert Procedures in Paris and London, 1660 to Present, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2007.

4 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions du Seuil, 2015, p. 19-26.

5 Franck Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2003 ; id., « Veneficiis vel maleficiis. Réflexions sur les relations entre le crime de poison et la sorcellerie dans l’Occident médiéval », Le Moyen Âge. Revue d’histoire et de philologie, 109 (1), 2003, p. 9-57 ; « Le poison et le sang dans la culture médiévale », Médiévales, 60, 2011, p. 129-155.

6 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au xviie siècle. Une analyse de psychologie historique, Paris, Éditions du Seuil, 1980 ; Robert Muchembled, La sorcière au village (xve-xviiie siècle), Paris, Gallimard, 1991.

7 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse : les enjeux d’une dénomination dans les textes de la fin du xvie siècle », dans Sarah Voinier et Guillaume Winter (dir.), Poison et antidote dans l’Europe des xvie et xviie siècles, Arras, Artois Presses Université, 2011, p. 144-157 ; Ana-Begoña Conde, « Le poison-maléfice dans les procès de sorcellerie. L’exemple du tribunal inquisitorial de Cuenca (fin xve-xviie siècle), dans Sarah Voinier et Guillaume Winter (dir.), Poison et antidote…, op. cit., p. 158-171.

8 Michel Meurger, « Plantes à illusion : l’interprétation pharmacologique du sabbat », dans Nicole Jacques-Chaquin et Maxime Préaud (dir.), Le sabbat des sorciers en Europe (xve-xviiie siècles), Grenoble, Jérôme Millon, 1993, p. 369-382.

9 Georges Vigarello (dir.), Histoire du corps, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions du Seuil, 2011.

10 Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident, Paris, Éditions du Seuil, 2003.

11 Éric Baratay (dir.), Aux sources de l’histoire animale, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, p. 7.

12 Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 2012, p. 44-56.

13 Quentin Deluermoz, François Jarrige, « Introduction. Écrire l’histoire avec les animaux », Revue d’histoire du xixe siècle, 54, 2017, p. 15-29 ; Éric Baratay (dir.), Aux sources de l’histoire animale, op. cit.

14 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire : expérimenter le poison sur les animaux en Italie à l’époque moderne », Revue d’histoire des sciences humaines, 22, 2010, p. 17-35.

15 Geneviève Sodigné-Costes, « Un traité de toxicologie médiévale : le Liber de venenis de Pietro d’Abano (traduction française du début du xve siècle) », Revue d’histoire de la pharmacie, 305, 1995, p. 130.

16 Violaine Giacomotto-Charra, « “Ô boisson magnanime ! Ô peste généreuse !” Ambiguïtés et difficultés du discours sur les poisons naturels dans la seconde moitié du xvie siècle en France », dans Sarah Voinier et Guillaume Winter (dir.), Poison et antidote…, op. cit., p. 16-33, paragraphe 28 de la version en ligne sur OpenEdition Books : https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/apu/8968 (consulté le 28 mars 2023).

17 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, Lyon, Jean Grégoire, 1664, p. 486.

18 Nathalie Dauvois, « La composition du “Livre des venins” : narration, représentation, fiction », dans Évelyne Berriot-Salvadore et Paul Mironneau (dir.), Ambroise Paré (1510-1590). Pratique et écriture de la science à la Renaissance, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 278-279.

19 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, op. cit., p. 494.

20 Ibid., p. 486.

21 Jacques Grévin, Deux livres des venins, ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, theriaques, poisons et contrepoisons, Anvers, Christofle Pantin, 1568, p. 23.

22 Ariane Bayle, « Thériaque et triacleurs chez Pierre-André Mathiole », dans Sarah Voinier et Guillaume Winter (dir.), Poison et antidote…, op. cit., p. 34-48, paragraphe 10 de la version en ligne sur OpenEdition Books : https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/apu/8978 (consulté le 28 mars 2023).

23 Ambroise Paré, Les Œuvres d’Ambroise Paré, op. cit., p. 488-489.

24 Concrétion se formant dans l’appareil digestif de certains animaux.

25 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, t. 1, op. cit., p. 24.

26 « Observationi intorno alle vipere, fatte da Francesco Redi, in Firenze », Le Journal des sçavans, 1666, p. 10.

27 « A Mechanical Account of Poisons in Several Essays, by Richard Mead, London, Ralph Smith, 1702 », Le Journal des sçavans, supplément, 1709, p. 518-519.

28 « Observationi intorno alle vipere, fatte da Francesco Redi… », art. cit., p. 11.

29 « Traité des Poisons considerez en general & en particulier, par M. Linder, où l’on explique leur nature, & la manière dont ils agissent dans le corps, à Leyde, chez André Dycknvissen, 1708 », Le Journal des sçavans, supplément, 1708, p. 130.

30 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 28-30.

31 « Nouvelles expériences sur la Vipere… par Moïse Charas, seconde édition, Paris, chez Laurent d’Houry, 1694 », Le Journal des sçavans, 1694, p. 249 ; Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 28.

32 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 516.

33 « Traité des Poisons considerez en general & en particulier… », art. cit., p. 130-131.

34 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 613.

35 « Traité sur le venin de la Vipère, sur les Poisons Américains, […] à Paris, chez Nyon l’aîné, 1781 », Le Journal des sçavans, 1783, p. 490.

36 « Georgii Baglivi Doctoris Medici... Accedunt dissertationes novae de Anatome, morsu, & effectibus Tarentulae,… Paris, chez Jean Anisson, ruë de la Haye, 1699 », Le Journal des sçavans, 1699, p. 223.

37 « Extrait du Journal d’Italie, contenant l’Histoire de la Tarentule & la raison des effets divers & prodigieux que produit son venin », Le Journal des sçavants, 1678, p. 403.

38 Ibid., p. 404.

39 Gino L. Di Mitri, « Les Lumières de la transe. Approche historique du tarentisme », Cahiers d’ethnomusicologie, 19, 2006, en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethnomusicologie/102 (consulté le 28 mars 2023).

40 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 35.

41 « Traité des remèdes qui se tirent des poisons, par Melchior Friccius, Medecin de la ville d’Ulm, à Ulm, 1701 », Le Journal des sçavans, 1703, p. 313.

42 « Extrait du Journal d’Italie, contenant l’Histoire de la Tarentule… », art. cit., p. 404.

43 « A Mechanical Account of Poisons… », art. cit., p. 616.

44 Gino L. Di Mitri, « Les Lumières de la transe… », art. cit., paragraphe 26.

45 « Cours de chymie contenant la manière de faire les operations […], par N. Lemery, apotiq. du Roy, à Paris, chez l’auteur ruë Galande, 1682 », Le Journal des sçavans, 1682, p. 12.

46 « Nouvelles expériences sur la Vipere… », art. cit., p. 250-251.

47 « Extrait du Journal d’Allemagne contenant plusieurs belles particularitez touchant le Bezoar », Le Journal des sçavans, 1677, p. 83.

48 « Curiositez de la Nature et de l’Art, apportées de deux voyages des Indes […] à Paris, chez Jean Moreau, 1703 », Le Journal des sçavans, 1703, p. 232.

49 Moyse Charas, La thériaque d’Andromachus, dispensée et achevée publiquement par Moyse Charas, Paris, Olivier de Varennes, 1668, p. 29-57.

50 Yvan Brohard (dir.), Remèdes, onguents, poisons. Une histoire de la pharmacie, Paris, Éditions de La Martinière, 2012, p. 76.

51 Ibid., p. 79.

52 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », Cahiers de recherches médiévales, 17, 2009, en ligne : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/11507 (consulté le 28 mars 2023).

53 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc (1485-1791). De la répression à la dépénalisation, mémoire de master 2 sous la direction de Valérie Sottocasa, université Toulouse II Jean Jaurès, 2016, t. 1, p. 160-161.

54 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », art. cit.

55 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc…, op. cit., t. 1, p. 160-168.

56 Émile Jolibois, « Le procès de la sorcière brûlée à Labruguière en 1485 », Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn, 1, 1877, p. 41.

57 Jean-François Le Nail, « Procédures contre des sorcières de Seix en 1562 », Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 31, 1976, p. 200.

58 Archives départementales de la Haute-Garonne (ADHG), 37 J 53, 1644.

59 Michel Meurger, « Plantes à illusion », art. cit., p. 376.

60 Nicolas Ghersi, « Poisons, sorcières et lande de bouc », art. cit. ; Ana-Begoña Conde, « Le poison-maléfice dans les procès de sorcellerie… », art. cit., paragraphe 28.

61 Jean-François Le Nail, « Procédures contre des sorcières de Seix en 1562 », art. cit., p. 217 et 224.

62 Éric Baratay, L’Église et l’animal, op. cit., p. 74.

63 Michel Meurger, « Plantes à illusion », op. cit., p. 377.

64 ADHG, 2B 7828, 1686-1688.

65 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc…, op. cit., t. 1, p. 158-173.

66 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse… », art. cit., paragraphe 9.

67 Idem.

68 Jean Bodin, De la démonomanie des sorciers, Rouen, Raphaël du Petit Val, 1604, p. 297.

69 Marianne Closson, « Sorcière ou empoisonneuse… », art. cit., paragraphes 15-49.

70 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 1, p. 130-158.

71 ADHG, 2B 23603, 1644.

72 Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au xviie siècle…, op.cit., p. 554-564.

73 Michel de Certeau, « Une mutation culturelle et religieuse : les magistrats devant les sorciers du xviie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 155, 1969, p. 300-319.

74 Stéphane Van Damme, Histoire des sciences et des savoirs, op. cit., t. 1, p. 25.

75 Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers. Police, magie et escroquerie à Paris au xviiie siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, p. 16.

76 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 2, p. 13-18 ; Ulrike Krampl, Les secrets des faux sorciers…, op. cit., p. 16-17.

77 ADHG, 1B 1974, « Déclaration royale sur les magiciens, sorciers et empoisonneurs de juillet 1682 », fo 169.

78 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., Tome II, p. 23.

79 Christelle Rabier, Fields of Expertise…, op. cit., p. 85-109.

80 ADHG, 2B 21 067, « Relation de l’ouverture des cadavres de trois enfants du plaignant du 14 octobre 1671 ».

81 ADHG, 2B 2899, « Relation des médecins du 22 ou 25 mai 1685 ».

82 Idem.

83 Jean Devaux, L’art de faire les rapports en chirurgie…, Paris, Chez Théophile Barrois, 1703, p. 379-380.

84 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 21.

85 Idem.

86 ADHG, 2B 11166, « Rapport de médecins, chirurgiens et apothicaires du 2 mai 1767 », fo 1 verso-fo 2 recto.

87 Idem.

88 ADHG, 51 B 24, 1767.

89 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 21.

90 André Salmon, « Essai de poison sur un chien, fait par l’ordre de Louis XI », Bibliothèque de l’École des Chartes. Revue d’érudition consacrée spécialement à l’étude du Moyen Âge, 16, 1855, p. 167-169.

91 Damien Bouliau, Sorcellerie et sodomie en Languedoc, op. cit., t. 2, p. 30-36.

92 Michel Porret, « La preuve du corps », Revue d’histoire des sciences humaines, 22, 2010, p. 39.

93 Michael Clark et Catherine Crawford (dir.), Legal Medicine in History, Cambridge, Cambridge University Press, 1994.

94 Christelle Rabier, Fields of Expertise…, op. cit., p. 102-103 et 110-111.

95 Jean Devaux, L’art de faire les rapports en chirurgie…, op. cit., p. 361-391.

96 Ibid., p. 366.

97 Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Paris, Chez Debure Pere, 1771, t. 2, p. 23 et 34.

98 Denis Diderot et Jean d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. 26, Berne et Lausanne, Chez les Sociétés typographiques, 1780, p. 471.

99 Étonnamment, alors qu’il est très souvent cité dans les sources du xviiie et même encore au xixe siècle, je n’ai pas réussi à trouver d’informations sur ce savant.

100 Browne Langrish, médecin anglais décédé en 1759.

101 Pascal Dubourg Glatigny et Hélène Vérin (dir.), Réduire en art. La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2008.

102 Sacha Tomic, « Le rôle des manuels dans la disciplinarisation de la toxicologie en France au xixe siècle », Philosophia Scientiæ, 22 (1), 2018, p. 164-174.

103 Alessandro Pastore, « Médecine légale et investigation judiciaire », art. cit., p. 18.

104 Jérôme Michalon, « Les animal studies peuvent-elles nous aider à penser l’émergence des épistémès réparatrices ? », Revue d’anthropologie des connaissances, 11 (3), 2017, p. 321-346.

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Pour citer cet article

Référence papier

Damien Bouliau, « Corps animaux et poisons »Histoire, médecine et santé, 23 | 2023, 105-122.

Référence électronique

Damien Bouliau, « Corps animaux et poisons »Histoire, médecine et santé [En ligne], 23 | printemps 2023, mis en ligne le 03 juin 2023, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/6710 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.6710

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Auteur

Damien Bouliau

Service commun de documentation de l’université de Montpellier

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