De « l’impuissance nerveuse » à « l’impuissance psychique »
Résumés
Cet article explore des diagnostics établis entre les années 1840 et 1910 par des médecins espagnols, attribuant une impuissance sexuelle masculine à des problèmes qualifiés de « moraux » ou « nerveux ». Il est fondé sur l’étude de trente-six causes de nullité de mariage pour impuissance sexuelle, instruites par les tribunaux diocésains de Madrid et de Saragosse ; de vingt-deux articles portant sur l’impuissance sexuelle publiés dans les deux principales revues médicales espagnoles ; ainsi que sur un corpus de dictionnaires et d’essais médicaux traitant de la santé sexuelle. L’objectif est de montrer comment ces causes non physiques étaient intégrées dans des schémas de pensée rationnels mettant en jeu les savoirs de l’époque sur le cerveau et le système nerveux. L’article montre que, malgré la prégnance de croyances qui attribuent « l’affaiblissement nerveux » à des pratiques sexuelles répréhensibles, la fin du xixe siècle voit l’émergence d’une approche psychologique des troubles de l’érection.
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- 1 « Don Eustaquio Sánchez y Gutiérrez, licenciado en Medicina y Cirugía, 2º Ayudante de Cirugía de P (...)
Je considère : que Mariano Meseguer est non seulement affecté d’une Impuissance absolue pour pratiquer le coït dans l’état actuel des choses, […] mais qu’il souffre également des maux que j’ai cités précédemment susceptibles de lui causer une fin funeste, en particulier ceux Cérébraux qui selon le Célèbre Gall entretiennent une si intime analogie avec les organes de la génération dont ils dépendent1.
- 2 Ibid. Toutes les traductions ont été faites par l’auteure.
- 3 Franz Josef Gall, Sur les fonctions du cerveau et sur celles de chacune de ses parties, Paris, J.- (...)
1Cet extrait d’un diagnostic réalisé par un médecin de Saragosse permet de comprendre comment pouvait être expliquée une impuissance sexuelle d’origine non physique selon les savoirs circulant en Espagne dans les années 1840. Selon ce médecin-chirurgien militaire, Don Eustaquio Sánchez y Gutiérrez, les troubles dont est affecté Mariano Meseguer sont d’origine cérébrale. En plus d’une impuissance sexuelle liée à un problème d’érection, il souffre de vertiges, notamment le soir, de céphalalgies (maux de tête) et d’une infection des conjonctives (membrane recouvrant la paupière), que le médecin attribue à une « violente passion d’âme » et à une pathologie des nerfs, l’hypocondrie2. Il s’appuie sur les travaux du neuroanatomiste Franz Joseph Gall pour mettre en relation directe les troubles de la sexualité avec une affection cérébrale. En 1825, Gall publiait un travail dans lequel il associait à chaque « penchant, sentiment ou faculté » une partie du cerveau3, et situait notamment la zone liée à « l’instinct génésique » au niveau du cervelet. Cette théorie permettait ainsi d’expliquer les troubles du désir par un dysfonctionnement du cerveau ou du système nerveux.
- 4 Cet article s’appuie sur une thèse de doctorat soutenue en 2021 : Marie Walin, Savoirs sur l’impui (...)
- 5 Marta Madero Eguía, « Hombre frígidos, mujeres estrechas: la impotencia como causa de nulidad matr (...)
- 6 Entre autres travaux utilisant ce type d’archives, voir : Edward J. Behrend-Martínez, Unfit for Ma (...)
- 7 Sur les soixante et une causes étudiées dans la thèse de doctorat sur la période 1777-1919, dix co (...)
- 8 Voir Marie Walin, Savoirs sur l’impuissance sexuelle en Espagne, op. cit.
2L’impuissance sexuelle constitue un objet historique passionnant pour aborder l’histoire de la sexualité au xixe siècle4, notamment parce qu’elle a laissé des traces historiques d’une valeur inestimable : outre la littérature médicale qui ne manque pas d’aborder les causes présumées de ce trouble qui met en péril la capacité reproductive, les écrits pseudo-scientifiques et les réclames proposant des remèdes, l’impuissance est aussi au cœur d’une procédure judiciaire ayant cours depuis le xiie siècle dans les pays de droit canonique. Selon le droit classique du mariage, l’impuissance – qu’elle soit féminine ou masculine – est une cause légitime de nullité de mariage5. Des demandes étaient ainsi adressées aux tribunaux ecclésiastiques, chargés de déterminer s’il y avait impuissance, et si elle était perpétuelle6. Si l’impuissance s’avérait temporaire, les époux devaient refaire vie commune. C’est pourquoi, pour instruire ces cas, les tribunaux s’entouraient d’experts et d’expertes médicaux et médicales. Cet article est fondé sur l’étude des archives de trente-six demandes de nullité de mariage pour impuissance masculine, instruites par les tribunaux diocésains de Madrid et de Saragosse entre 1840 et 19197. Que les sources étudiées soient religieuses ou médicales, l’impuissance sexuelle y est toujours définie comme « toute incapacité physique ou mentale empêchant de pratiquer le coït8 ».
- 9 Pour une liste complète des essais et dictionnaires exploités dans cet article voir note 17. Anton (...)
- 10 Marie Walin, Savoirs sur l’impuissance sexuelle en Espagne, op. cit.
- 11 Voir Antonio Ballano, « Impotecia », art. cit. ; Charles Marc, « Impuissance », art. cit. ; J. L. (...)
- 12 Voir notamment Antonio Ballano, « Impotecia », art. cit. ; J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. (...)
- 13 Ricardo Campos Marín, « La recepción de la teoría de la degeneración francesa en el discurso antia (...)
- 14 Ricardo Campos Marín, « La teoría de la degeneración… », art cit.
3Parmi les causes d’impuissance sexuelle masculine envisagées par les médecins au xixe siècle figurent en premier lieu les causes physiques, comme l’absence ou la malformation des organes génitaux9. Mais, outre une meilleure connaissance des mécanismes de l’érection et de la fécondation, les savoirs sur l’impuissance sexuelle s’enrichissent au xixe de réflexions sur le fonctionnement du système nerveux et de la psychologie humaine10. Sans se détacher de la logique anatomo-pathologique, ils cherchent aussi à associer les troubles d’origine « morale » ou « nerveuse » à des lésions organiques ou à des dysfonctionnements corporels, comme le fait Gall précédemment cité. Ainsi, les médecins et hygiénistes espagnols envisagent des causes dites « morales » comme la peur, le dégoût, la tristesse, ou encore la crainte d’être surpris, comme pouvant provoquer chez certains hommes une incapacité à pratiquer le coït11. Dans la continuité de la médecine galénique, l’impuissance est fréquemment attribuée à un tempérament lymphatique ou nerveux, auquel est associée une sensibilité exacerbée12. Le dernier tiers du xixe siècle voit aussi l’affirmation en Espagne de la psychologie et de la psychiatrie. Ces deux disciplines sont particulièrement liées, comme l’a montré Ricardo Campos13, aux recherches françaises, tout en ayant leur chronologie propre. Ainsi, les concepts issus de l’aliénisme français, forgés par exemple par Philippe Pinel puis Jean-Étienne Esquirol, comme celui de « monomanie », perdurent en Espagne jusque dans les années 1880, alors qu’ils ne sont plus utilisés en France à cette période14. Les savoirs espagnols sont aussi connectés aux savoirs anglophones et à ceux des autres pays d’Europe du Sud, ce qui n’empêche pas certains savants espagnols de faire entendre une voix originale, comme le montre l’exemple de Juan de Azúa développé plus loin.
- 15 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », Ayer, 7, 1992, p. 19 (...)
- 16 Ibid.
- 17 Plus précisément, cet article repose sur le dépouillement systématique des revues Boletín de medic (...)
4Dans cet article, nous proposons de traquer les traces de l’apparition d’une approche « psychologique » des troubles érectiles en Espagne, des années 1840 aux années 1910. Selon l’historien des sciences José María López Piñero, cette période correspond à une phase de « rattrapage » des sciences médicales en Espagne par rapport à la période 1808-1839, où les activités de recherche étaient fortement bouleversées par les guerres et les événements politiques15. Après 1868, les études bibliométriques montrent une augmentation notable du nombre de publications scientifiques sur la sexualité, et la réapparition de lignes de recherche proprement espagnoles16. Cet article est fondé sur l’analyse approfondie de trois diagnostics et sur l’étude de la littérature médicale (dictionnaires, essais et revues spécialisées) s’intéressant à l’impuissance et à l’hypocondrie17. Nous montrerons comment ces diagnostics témoignent à la fois d’une transformation des savoirs sur l’impuissance et d’une persistance de théories et croyances anciennes, pour révéler à quel point l’évolution des savoirs sur la sexualité n’est pas un processus linéaire. Toutefois, nous montrerons également comment un article publié en 1916 dans la revue médicale El Siglo Médico constitue une rupture dans l’approche des troubles de l’érection, puisque c’est la première fois dans notre corpus de sources qu’un médecin dissocie à ce point une impuissance d’origine non physique de pratiques sexuelles « déviantes ».
Impuissance et hypocondrie
- 18 « Pedimento a instancia de Mariano Meseguer… », art. cit., 1841.
- 19 Ibid.
- 20 Ibid.
- 21 Ibid., 1er juillet 1841.
- 22 Ibid., 4 août 1841.
- 23 Ibid.
5La demande de nullité du mariage de Mariano Meseguer et María Blanco faite auprès du tribunal diocésain de Saragosse en 1841, citée en exergue de cet article, constitue un cas assez rare de mariage annulé, puis revalidé un an plus tard18. Lorsque Mariano présente sa demande, c’est d’un commun accord avec sa femme. Son avocat rapporte en effet qu’il a contracté son mariage pour obéir à son père, alors qu’il connaissait son incapacité, « s’imaginant qu’en étant en [la] compagnie de sa femme il pourrait changer son inaction en robustesse19 ». Mais, ajoute l’avocat, « il se trompa[it] : près d’un an, il a lutté contre sa nature et pris tous les médicaments qu’on lui a prescrits, mais tout a été vain, car d’aucune manière elle [sa nature] ne peut donner ce que le Créateur lui a refusé20 ». Préférant renoncer à son mariage que de priver son épouse du bonheur d’être mère, M. Meseguer décide de demander la nullité de leurs noces. Le tribunal réunit alors, en juillet 1841, une commission de médecine légale constituée de spécialistes de l’Académie de médecine et de chirurgie de Saragosse. Le Dr María José Villar, vice-président de l’Académie, et le diplômé en médecine et en chirurgie P. Locano de Ena qui l’examinent n’observent chez lui aucun « défaut organique ni de conformation qui puisse causer son impuissance21 ». Ils estiment ainsi que cette impuissance n’est que passagère et qu’il peut y remédier à l’aide de tonifiants. Mais le médecin-chirurgien militaire qui l’examine en août 1841 établit un tout autre diagnostic. Ajoutant aux observations précédemment citées « la rougeur des bords et de la pointe de la langue et une couche blanche et sèche », des douleurs épigastriques (de la région abdominale), qu’il considère comme les symptômes d’une gastrite, ainsi que les signes d’une profonde tristesse et mélancolie, il conclut que le patient souffre « d’une sorte d’Hypocondrie, cause que l’on doit considérer avec beaucoup d’attention, suffisante à elle seule pour causer l’impuissance22 ». Preuve en est selon lui « l’absence de résultat obtenu par les moyens thérapeutiques et hygiéniques qui lui ont été prescrits, se produisant habituellement dans la majeure partie de ces cas23 ». C’est pourquoi, au contraire des autres médecins, il diagnostique une impuissance absolue et antérieure aux noces et préconise la nullité du mariage.
- 24 Concernant l’hypocondrie, nous avons comparé les définitions suivantes : Antonio Ballano, art. « H (...)
- 25 L’histoire de l’hypocondrie est plutôt connue à travers celle de l’hystérie, bien plus célèbre, ou (...)
- 26 Javier Martínez Dos Santos, « Hombres al borde de un ataque de nervios. Los diagnósticos de la hip (...)
- 27 Les définitions les plus courtes n’y font pas référence, en particulier celles d’Antonio Ballano, (...)
- 28 Voir notamment les travaux de Nicole Edelman (Les métamorphoses de l’hystérique…, op. cit.) et de (...)
- 29 L’article commence ainsi : « On peut dire de toute personne qui se préoccupe constamment de douleu (...)
- 30 Antoine-François Fabre, « Hiponcondría », art. cit., p. 99.
- 31 Violeta Ruiz Cuenca, Medicine, Modernity, and Masculinity. A History of Neurasthenia in Spain, c.1 (...)
6Pour comprendre ce diagnostic, il faut revenir à la définition de l’hypocondrie24. Celle-ci était considérée aux xviie et xviiie siècles comme l’une des deux grandes maladies des nerfs qui, au même titre que l’hystérie25, pouvait se manifester par des spasmes, des palpitations ou des mouvements incontrôlables, des symptômes gastriques importants ou encore une forte tristesse, une apathie et une tendance marquée à la mélancolie. On y reconnaît une partie des symptômes observés chez M. Meseguer. De plus, l’une des principales manifestations de l’hypocondrie serait, pour les hommes, la difficulté à avoir une érection. De ce fait, les définitions étudiées font fréquemment de l’hypocondrie le pendant masculin de l’hystérie, comme le montre Javier Martínez Dos Santos dans un chapitre d’ouvrage encore inédit, dans lequel il propose une thèse stimulante pour analyser les liens entre hypocondrie et masculinité26. Bien que l’association ne soit pas systématique27, cette hypothèse rejoint les nombreuses études historiques démontrant à l’inverse les liens entre hystérie et féminité28. En ce sens, l’hypocondrie peut donc être analysée comme le signe d’une masculinité dysfonctionnelle résultant de troubles nerveux. Cette définition se maintient encore dans les années 1840-1850 en Espagne, même si l’on observe l’effacement progressif de cette conception au bénéfice de la définition contemporaine, synonyme de « maladie imaginaire », qui s’impose comme définition principale dans le dictionnaire d’Eugène Bouchut et Armand Desprès traduit en 1890 en castillan29. Les thèses issues des théories sur les névroses sont aussi discutées, mais sans être toujours adoptées, comme dans la définition donnée dans le Diccionario de los dicionnarios de ciencias médicas de 1842, traduction de l’ouvrage coordonné par Antoine-François Fabre. L’auteur préfère s’en tenir à la définition donnée par Jean-Baptiste Louyer-Villermay en 1818, estimant que les « irritations cérébrales » provoquées, selon François Broussais et ses partisans, par une gastrite chronique qui serait responsable de l’hypocondrie ne sont pas prouvées30. Il insiste en revanche sur la mélancolie provoquée par l’hypocondrie, le manque d’énergie et le désespoir menant parfois à des idées suicidaires. Il suit également Louyer-Villermay lorsque ce dernier fait l’hypothèse selon laquelle l’hypocondrie serait une maladie liée à la civilisation, au raffinement, et affecterait plutôt des personnes issues des classes aisées, ce que Sabine Arnaud observe dans les sources de l’époque moderne. En ce sens, l’hypocondrie peut aussi être rapprochée de la neurasthénie, pathologie qui émerge dans le dernier tiers du xixe siècle et qui associe également modernité, civilisation et troubles « dépressifs » avec des problèmes liés à la virilité comme l’impuissance sexuelle, ainsi que l’a récemment montré Violeta Ruiz Cuenca dans une thèse de doctorat31.
7Du fait des liens établis entre hypocondrie et impuissance sexuelle, le médecin Don Eustaquio Gutiérrez qui examine Mariano le déclare atteint d’une impuissance perpétuelle. Son mariage est annulé le 28 février 1842. Ce cas montre concrètement comment les théories concernant les maladies des nerfs, puis les névroses, à l’origine des liens entre hypocondrie, masculinité et impuissance sexuelle, ont pu être mobilisées dans des cas pratiques, y compris dans des espaces ruraux potentiellement moins connectés aux réseaux de savoirs européens.
Masturbation et épuisement nerveux
- 32 « Pedimento a instancia de Mariano Meseguer… », art. cit.
8Cependant, un mois après la sentence, Mariano Meseguer se présente de nouveau devant le tribunal diocésain de Saragosse pour demander la revalidation de son mariage. En effet, il se trouve finalement de nouveau « apte à s’unir avec une personne de l’autre sexe, ressentant les sensations irrésistibles propres à la jeunesse dans laquelle il se trouve32 ». Don Agustin Garroena, chirurgien, et Don Roque Bello, diplômé en médecine et en chirurgie, chargés d’établir un nouveau diagnostic sur son état physique, font le constat suivant :
- 33 Déclaration de Don Roque Bello et Don Agustin Garroena, ibid., 4 avril 1843, f 34.
Ledit Meseguer présente un état physique normal depuis qu’il dit s’être abstenu du détestable vice de l’onanisme auquel il s’était adonné depuis longtemps ; celui-là même qui l’empêchait, en raison du grand affaiblissement qu’il lui provoquait, de cohabiter avec sa femme, et le prédisposait au tabes dorsalis et à la phtisie [tisis]33.
- 34 Antonio Ballano, art. « Caquexias; Orden primero; Consunciones », dans Diccionario de medicina y c (...)
- 35 Ibid.
- 36 Eugène Bouchut et Armand Després, art. « Tabes », dans Diccionario de medicina y de terapéutica mé (...)
- 37 Ibid.
- 38 Roselyne Rey, « Glossaire », dans Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 2011, p. 405‑407.
9Le tabes dorsalis « consiste », explique Antonio Ballano, auteur du principal dictionnaire médical publié en castillan en 1805, « en un amaigrissement ou une exténuation universelle, accompagné d’une fièvre continue, sans toux ni expectoration34 ». La phtisie lui est, selon lui, semblable, mais elle produit également « une toux et une expectoration purulente35 » ; elle est en réalité le nom donné à la tuberculose. Phtisie et tabès dorsal étaient souvent associés, apparaissant dans les nosologies comme des sous-types de tabès. Il n’était pas rare que ces trois pathologies soient confondues, comme c’est le cas encore dans le Diccionario de medicina de 1880 qui considère les termes « tabès » et « phtisie » comme des synonymes, équivalents au concept de « marasme » et au fait de se consumer physiquement36. Depuis Hippocrate et Galien, phtisie et tabès dorsal sont aussi fréquemment associés à des « excès » dans la sexualité. Ballano qualifie ainsi le tabes dorsalis de maladie des « jeunes mariés ou des personnes qui s’adonnent avec trop d’ardeur aux plaisirs de l’amour37 ». De fait, parmi les symptômes, les patients ressentaient parfois un fourmillement le long de la colonne vertébrale – d’où son nom –, qui pouvait être une conséquence de l’affection de la moelle épinière par l’agent de la syphilis. Cette infection provoque des lésions nerveuses dégénératives irrémédiables, accompagnées de douleurs très fortes et invalidantes, ainsi que dans certains cas une méningo-encéphalite dégénérative menant à la démence38.
- 39 Sylvie Chaperon, Les origines de la sexologie : 1850-1900, Paris, Éditions Louis Audibert, 2007.
- 40 Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit., p. 224 et 327 ; Amancio Peratoner et August (...)
- 41 Marie Walin, « Masculinidades y diferencia de género en Higiene del matrimonio de Pedro Felipe Mon (...)
10On retrouve l’association entre affaiblissement généralisé, maladies dites « dégénératives » et pratiques sexuelles jugées anormales dans la très grande majorité des écrits hygiénistes du xixe siècle, comme l’a par exemple montré Sylvie Chaperon pour la France39. Dans les écrits espagnols, on l’observe dans les dictionnaires médicaux précédemment cités, les essais de Pedro Felipe Monlau ou Pedro Mata, les traductions d’ouvrages comme ceux de J. L. Curtis ou Auguste Debay, ou encore les travaux de divulgation hygiénistes, comme ceux de Vicente Suárez Casañ ou Amancio Peratoner40. En dehors de l’explication rationnelle liée à l’affection de la moelle épinière par l’agent de la syphilis, cette association reste essentiellement liée à des croyances concernant les pratiques sexuelles. Pour les hygiénistes, la « bonne » pratique de la sexualité est équilibrée : elle n’est ni trop intense ni inexistante. Si des débats existent sur le caractère sain d’une absence de pratique sexuelle41, en revanche tous se rejoignent dans la dénonciation des méfaits liés à une sexualité trop intense.
- 42 Antonio Ballano, art. « Onanismo », dans Diccionario de medicina y cirugía o Biblioteca manual méd (...)
- 43 Samuel Auguste Tissot, L’onanisme, ou Dissertation physique sur les maladies produites par la mast (...)
- 44 Ibid., p. 158.
- 45 Anne Carol, « Les médecins et la stigmatisation du vice solitaire (fin xviiie-début xixe siècle) » (...)
- 46 Alain Corbin, « Les affres du manque et de l’excès », chap. 4 de L’harmonie des plaisirs. Les mani (...)
- 47 François Lallemand, Des pertes séminales involontaires, Paris, Béchet Jeune, 1836, 3 vol.
11Il est ainsi fréquent qu’un affaiblissement se manifestant par une impuissance sexuelle soit associé à une pratique de l’onanisme ou masturbation, comme dans le cas de Mariano Meseguer. Dans la définition que donne Ballano de l’onanisme, tabès dorsal, phtisie et impuissance sexuelle sont tous cités comme des conséquences de ce qu’il appelle « l’usage forcé, solitaire et désordonné des facultés reproductrices42 ». Sa définition comme celles des dictionnaires médicaux ultérieurs sont marquées par les théories développées par Samuel Auguste Tissot dans son ouvrage L’onanisme, qui a largement circulé en Espagne avant même sa traduction en castillan43. Selon Tissot, l’onanisme provoque une « irritation des nerfs » en raison de la répétition abusive des spasmes qui secouent le corps dans le plaisir. Il compare les effets de l’éjaculation sur l’organisme à ceux provoqués par une convulsion ou une crise d’épilepsie44. Mais l’affaiblissement progressif du masturbateur est aussi lié au fait que ce mal attaque la fonction de nutrition : l’onaniste perd de l’énergie, mais ne peut pas en récupérer par les aliments, car il est victime de diarrhées et de vomissements45. C’est la raison pour laquelle on trouve parmi les conséquences de la masturbation l’épuisement, la léthargie, l’exténuation ou le marasme, que Tissot appelle les « maladies de langueur ». Les troubles du système nerveux, associés à un épuisement du cerveau qui se trouve constamment mis en tension excessive par les effets de l’imagination, peuvent aussi provoquer la démence ou la stupidité. La sursollicitation de la fonction générative contribue à détraquer la fonction génitale46, entraînant des pertes séminales involontaires et continues qui renforcent l’affaiblissement des masturbateurs. En 1836, le médecin français François Lallemand publie trois tomes sur les Pertes séminales involontaires, dans lesquels il forge le terme « spermatorrhée », qui désigne une perte excessive de sperme en raison de pollutions multiples et incontrôlables47. Masturbation et spermatorrhée sont ainsi considérées comme des causes d’impuissance sexuelle, non seulement physique par l’épanchement de « liquide vital », mais aussi nerveuse du fait de l’irritation provoquée par une stimulation excessive de l’imagination.
- 48 Dr Don Juan Bautista Ullersperger, « Sobre los fundamentos de un programa de patología general; me (...)
- 49 J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Amancio Peratoner et Auguste Debay, Higiene y fisiología (...)
- 50 François Lallemand, Des pertes séminales involontaires, op. cit.
- 51 Dictamen de José Rodrigo Gónzalez, director facultativo de los Manicomios establecidos en Ciempozu (...)
- 52 Sur ce cas, voir Marie Walin, « “Mi natural vergüenza”. La construction de l’impuissance sexuelle (...)
12Ces savoirs rencontrent un succès important jusqu’à la fin du xixe siècle, comme le montre un article de 1865 publié dans El Siglo Médico qui affirme que « les pollutions, la spermatorrhée involontaire, diurne ou nocturne, sont un symptôme constant de tabès dorsal48 ». Cependant, de pathologie mortelle tel qu’il est décrit chez Tissot, l’onanisme devient un trouble que l’on peut soigner. Des médecins comme Curtis ou des divulgateurs comme Amancio Peratoner proposent des remèdes qui vont de la rééducation morale aux instruments entravant la liberté de mouvement ou la possibilité de se toucher49. Lallemand expérimente une technique de cautérisation de l’urètre qu’il présente comme un véritable traitement miracle contre les pertes séminales involontaires50. Ainsi, en 1896, Luis Díaz Sánchez est considéré comme « impuissant en raison d’une faiblesse nerveuse, dont la cause principale pourrait bien être l’onanisme51 ». Mais, contrairement à ce qui se passe dans des procès de la première moitié du xixe siècle, où des onanistes supposés, comme un certain Don Ventura María de Ripa en 1825, sont accusés d’être perpétuellement impuissants à cause de leur vice52, l’avocat de Luis Díaz utilise précisément l’argument opposé :
- 53 « Nulidad de matrimonio a instancia de Dª Elisa Villanueva », art. cit.
Comme il est possible de remédier à cela [les effets de l’onanisme] compte tenu des avancées de la science, aucun médecin ne peut se risquer à affirmer formellement qu’un homme est impuissant absolument, perpétuellement et de manière incurable53.
13Les ecclésiastiques eux-mêmes utilisent l’argument des progrès de la médecine pour refuser d’accorder une nullité de mariage, comme le chanoine pénitentiaire de la cathédrale de Madrid, Don Isidro Estecha Hernández, qui intervient en 1897 dans le même procès :
- 54 Déclaration du défenseur du mariage, ibid., 2 mars 1897.
Toutes les œuvres de médecine, tous les traités de physiologie et d’hygiène, tous les médecins, et jusqu’aux journaux de rue et aux affiches collées au coin des murs, qui, avec l’outrecuidance caractéristique de ces temps de libéralisme, annoncent des remèdes et des spécifiques contre une telle maladie, enseignent et exposent clairement que les impuissances dues à de grands excès vénériens, et surtout onaniques, peuvent être soignées et de fait le sont. Pour l’attester, on pourra se référer à ce que dit le célèbre P. Debreyne dans le chapitre 1 de la Partie II de sa Moechialogia54.
- 55 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », El Siglo Médico, 27 mai 1916.
14Par une association entre perte excessive de sperme et épuisement nerveux qui date des travaux de Tissot, l’impuissance masculine est souvent rattachée à des pratiques sexuelles jugées malsaines comme l’onanisme. L’évolution des pratiques et des savoirs médicaux incite cependant, à la fin du xixe siècle, à considérer qu’il est possible de remédier à l’impuissance sexuelle consécutive à un « usage désordonné » de l’instinct génésique. En lien avec ces problèmes conçus comme étant d’origine nerveuse se développe une approche psychologique des troubles de l’érection, que l’on trouve notamment dans un article de Juan de Azúa publié en 1916 dans la revue El Siglo Médico55.
L’impuissance psychique selon Juan de Azúa
- 56 Manuel Díaz-Rubio García, « Juan de Azuá y Suárez », Diccionario Biográfico Español, DB-e, en lign (...)
15Juan de Azúa (1858-1922) est un médecin madrilène, dermatologue et spécialiste des maladies vénériennes, président de l’Académie médico-chirurgicale de Madrid en 1898 et nommé en 1911 à la première chaire de dermatologie créée à la faculté de médecine de Madrid56. Son article de 1916 est le premier publié dans une revue médicale espagnole de large diffusion faisant usage des savoirs psychanalytiques pour expliquer les causes de l’impuissance sexuelle. Il fait preuve dans cette publication d’empathie envers les patients souffrant de troubles de l’érection, se distinguant des traditionnels diagnostics accusant des pratiques sexuelles « perverses ». Cet article est fondamental pour l’histoire de la médecine espagnole, car il ouvre la voie à une compréhension et à un traitement psychologique de l’impuissance sexuelle masculine. Croisant les observations anciennement faites sur les « causes morales » de l’impuissance et les savoirs récents concernant l’activité cérébrale et sa transmission nerveuse, comme ceux développés par Santiago Ramón y Cajal en Espagne, Juan de Azuá met en évidence l’influence de l’activité du cerveau sur l’usage des fonctions génésiques par le biais de l’imagination. Reprenant le discours traditionnel sur les méfaits de l’imagination que l’on trouve par exemple chez Curtis, Juan de Azúa distingue les « stimuli érotiques sains » des stimuli qu’il considère comme malsains :
- 57 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit., p. 338.
En ce qui concerne les activités cérébrales, les fonctions génésiques chez l’homme pour qu’elles soient normales ne doivent recevoir que des stimuli érotiques sains, c’est-à-dire ceux consécutifs aux impressions sensorielles agréables que la femme produit ou celles que l’imagination, grande productrice de morbidités et de plaisirs, procure par anticipation57.
- 58 Approche majoritaire depuis la publication de Richard von Krafft-Ebing, « Psychopathia sexualis », (...)
- 59 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit.
- 60 J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit.
- 61 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 3, Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984.
16Le désir « sain » est celui provoqué par la vue ou l’imagination d’une femme, dans une conception de la sexualité exclusivement hétérosexuelle. Délaissant l’approche, majoritaire en Europe depuis la décennie 1880, de la psychopathologie sexuelle58, il se focalise sur les moments où, même dirigée par un désir « sain », la fonction génitale fait défaut. Il décrit ainsi la situation où « l’intervention cérébrale […] se fait critique, c’est-à-dire, se met à enquêter sur l’état des fonctions génitales » ; « presque toujours, ajoute-t-il, elle trouve un prétexte pour mésestimer à l’avance la vigueur génitale, engendrant un état de préoccupation et de manque de confiance dans la force virile qui s’accentuera au moment de la mettre à l’épreuve, inhibant la totalité des phénomènes préparatoires et faisant partie du coït, et elle pourra en certaines occasions détruire la puissance d’un homme qui jusque-là en avait fait preuve, et qui la récupérera lorsqu’il se libérera de l’influence déprimante de son autodisqualification génitale59 ». Juan de Azúa souligne ainsi combien la peur de ne pas être à la hauteur de la performance que l’on exige d’un homme « viril » peut être facteur d’impuissance. Comme dans la définition des « causes morales » que l’on trouve par exemple chez Curtis ou Monlau dans les années 1850, les émotions et l’imagination peuvent détourner les forces physiques de l’homme au moment le plus crucial60. Mais ce passage chez Azúa des causes « morales » ou « nerveuses » aux causes « psychiques » traduit également l’émergence d’une conception moderne de la sexualité, où l’exercice de la fonction sexuelle contribue à la construction de l’individualité et de la subjectivité61. L’impuissance est liée ici à l’image que l’homme a de lui-même, à son autoperception et à son estime de soi. Un manque de confiance en soi peut entraîner un écroulement des facultés corporelles et une remise en question de son identité en tant qu’homme.
- 62 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit., p. 338.
- 63 Ibid.
- 64 Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit., p. 224‑225.
- 65 Miguel Maseras Ribera, Afrodisia e impotencia, Barcelone, R. Tobella, 1919.
- 66 Ibid. ; Antoine-François Fabre, Diccionario de los diccionarios de Medicina, op. cit. ; Eugène Bou (...)
- 67 George M. Beard, A Practical Treatise on Nervous Exhaustion (Neurasthenia). Its Symptoms, Nature, (...)
- 68 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit.
17Juan de Azúa développe dans son article l’exemple d’un jeune homme qu’il a soigné de son impuissance, causée selon lui par des désordres psychiques. Prêt à se marier, le jeune homme, étudiant de 26 ans, vient le consulter car, à la suite d’une période d’intenses révisions en vue de passer un concours, il se voit dans l’incapacité d’avoir une érection pendant douze jours. Or, de son aveu, il pratiquait jusque-là un coït tous les quatre ou six jours. Il est inquiet de ne pas être capable de remplir son devoir lors de la nuit de noces, et effrayé d’observer selon lui un rétrécissement de son pénis. Le médecin le rassure. Selon lui, ces symptômes sont seulement « un effet nerveux de l’inquiétude engendrée par l’examen qu’il devait passer62 ». « Son meilleur tonifiant, ajoute-t-il, [serait] la tranquillité et le repos mental. » Il lui ordonne également de ne pas tenter d’avoir des relations sexuelles pendant cette période d’examen, car sa « grande préoccupation » provoquerait sûrement une impuissance : « C’est ainsi que cela se passerait non seulement pour lui, mais également pour le plus viril des sujets63. » L’activité intellectuelle intense était en effet habituellement considérée comme un facteur d’impuissance, du fait, à nouveau, d’une sollicitation trop importante du système nerveux. Felipe Monlau, qui écrit en 1853 en s’appuyant sur le naturaliste français Julien-Joseph Virey, explique que « la colonne vertébrale de l’homme est comme une pile électrique d’os superposés » qui présentent à son extrémité « deux pôles opposés : le cerveau et les organes génitaux ». « Plus domine le pôle supérieur (le cerveau) par son activité, et plus l’on perd en énergie au niveau du pôle génital ou inférieur. Chez les individus les plus incultes et les plus abrutis se produit le contraire64. » Loin de s’atténuer, cette croyance en l’exclusion respective de l’activité intellectuelle et génésique s’accroît au fur et à mesure du xixe siècle. Les « études ou l’application prolongée » (Diccionario de los Diccionarios, 1869), « la stimulation exagérée de l’intelligence » (Diccionario de medicina y terapeutica, 1890) ou encore les « excès dans le travail mental65 » sont cités comme causes d’impuissance dans tous les ouvrages traitant de la question66. On retrouve également l’association entre impuissance, travail intellectuel excessif et mélancolie hypocondriaque dans la définition de la neurasthénie qui est, selon George Beard qui l’établit en 1869, la maladie des « gens civilisés, raffinés et éduqués67 ». En 1916, Juan de Azúa considère cependant que l’impuissance liée à une intense activité intellectuelle ne peut être que passagère. Cinq jours après la première consultation, le jeune homme de 26 ans lui rend visite à nouveau. Il est cette fois-ci alarmé par une « grande pollution voluptueuse », qui lui fait craindre que « son état ne dégénère en spermatorrhée68 ». Contrairement à ses confrères des décennies antérieures, Juan de Azúa ne voit rien d’inquiétant dans ce symptôme : c’est plutôt le signe selon lui que le patient va se rétablir dès qu’il sera moins préoccupé. Il explique que « dans la vie génitale normale, tous les différents facteurs nerveux qui participent à cet acte fonctionnent sans se demander s’ils pourront fonctionner ». Si bien que « si [l’activité cérébrale] est vigoureuse, elle considère habituellement cet acte à sa juste valeur ; mais si elle est fatiguée, ou influencée par des suggestions, elle inclinera à être pessimiste et prendra des décisions qui iront à l’encontre du pouvoir génital ».
- 69 Elsa Dorlin et Grégoire Chamayou, « L’objet = X. Nymphomanes et masturbateurs, xviiie-xixe siècles (...)
18Activité psychique et nerveuse sont ici liées dans une conception psychologique moderne de l’impuissance sexuelle qui inaugure une approche compréhensive des troubles de la sexualité. Elle ne rabat pas le problème de la nervosité sur des pathologies qui seraient provoquées par des pratiques sexuelles dites « malsaines ». Juan de Azúa rassure même le patient, paniqué à l’idée de souffrir des maux terrifiants décrits par la plupart des ouvrages médicaux dans les cas de spermatorrhée. Les postures du patient et du praticien sont révélatrices de grands changements dans les mentalités. D’une part, le patient est informé des troubles dont il peut souffrir, ce qui signifie qu’il a un minimum de connaissances sur les savoirs proto-sexologiques développés à son époque. D’autre part, il fait lui-même l’association entre son état physique, son état mental, sa capacité à avoir une sexualité et son identité d’homme : c’est bien le signe d’une émergence de la sexualité comme part importante de l’autodéfinition subjective. De son côté, le praticien reconnaît à demi-mot l’exagération des médecins dans la description des méfaits de la masturbation, qui finit par avoir l’effet contraire de celui escompté au départ : provoquer l’impuissance au lieu de stimuler la virilité. En 1891, le docteur Bouveret, en France, fait le même genre d’analyse, proposant également une thérapie qui commence par faire comprendre au patient que son impuissance est d’ordre strictement psychique69.
Conclusion
- 70 Cette question de la subjectivation est particulièrement présente dans le travail de Michel Foucau (...)
- 71 Anne Carol, « La virilité face à la médecine », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et George (...)
19Ces diagnostics d’impuissance d’origine « nerveuse » ainsi que les savoirs permettant de les contextualiser montrent l’émergence, tout d’abord, d’une « science du désir » en Espagne au xixe siècle. On observe en effet, par rapport aux savoirs de l’époque moderne, un intérêt médical pour le fonctionnement du désir sexuel, envisagé indépendamment de la fonction reproductrice. Les historiens et historiennes ont bien montré qu’il s’agit là des signes de l’apparition de la conception contemporaine de la sexualité, qui en fait l’une des composantes de la construction subjective d’un individu, et plus seulement l’acte de perpétuation de l’espèce70. Historiquement, cependant, ces sciences du désir se sont d’abord développées autour de la définition des « perversions » et des pathologies sexuelles. Se concentrer sur l’impuissance sexuelle permet d’approcher la sexualité considérée comme « normale », autrement dit hétérosexuelle, et de montrer qu’elle est aussi le produit d’une construction socio-historique. Il faut attendre les années 1910, l’affirmation de la psychologie en tant que discipline et l’apparition de la psychanalyse pour qu’un médecin espagnol envisage les causes dites « nerveuses » de l’impuissance sexuelle comme le résultat d’un fonctionnement non pathologique du désir. En cela, l’article de Juan de Azúa en 1916 marque un tournant dans l’approche médicale de l’impuissance sexuelle en Espagne. Néanmoins, le développement d’une compréhension psychologique des troubles érectiles n’a pas suivi un processus linéaire. Savoirs innovants et schémas d’explication très anciens coexistent ainsi perpétuellement dans la compréhension de l’impuissance, au xixe siècle aussi bien que dans la médecine du xxe siècle, comme le montre pour la période suivante le chapitre d’Anne Carol dans le tome trois de L’histoire de la virilité71.
Notes
1 « Don Eustaquio Sánchez y Gutiérrez, licenciado en Medicina y Cirugía, 2º Ayudante de Cirugía de Plena Mayor del 3er Cuerpo de Egercito etc. », dans « Pedimento a instancia de Mariano Meseguer, y María Blanco, conyugues vecinos de la Puebla de Alfinden sobre impotencia del Meseguer », Archivo Diocesano de Zarahoza (ADZ), Nulidades, 1804-1889, caja núm. 1, exp. 8, 4 août 1841.
2 Ibid. Toutes les traductions ont été faites par l’auteure.
3 Franz Josef Gall, Sur les fonctions du cerveau et sur celles de chacune de ses parties, Paris, J.-B. Baillière, 1825.
4 Cet article s’appuie sur une thèse de doctorat soutenue en 2021 : Marie Walin, Savoirs sur l’impuissance sexuelle en Espagne (années 1780-années 1910). Contribution à une histoire de l’hétérosexualité, réalisée sous la codirection de Sylvie Chaperon et Jean-Philippe Luis, université Toulouse II Jean Jaurès, 2021. Sur l’histoire de l’impuissance sexuelle, voir Angus McLaren, Impotence. A Cultural History, Chicago, University of Chicago Press, 2007.
5 Marta Madero Eguía, « Hombre frígidos, mujeres estrechas: la impotencia como causa de nulidad matrimonial en el derecho canónico », dans Isabel Morant Deusa (dir.), Historia de las mujeres en España y América Latina, vol. 1, De la Prehistoria a la Edad Media, Madrid, Cátedra, 2005, p. 659‑674.
6 Entre autres travaux utilisant ce type d’archives, voir : Edward J. Behrend-Martínez, Unfit for Marriage. Impotent Spouses on Trial in the Basque Region of Spain, 1650-1750, Reno, Nevada, University of Nevada Press, 2007 ; Pierre Darmon, Le tribunal de l’impuissance. Virilité et défaillances conjugales dans l’ancienne France, Paris, Éditions du Seuil, 1979 ; Paloma Moral de Calatrava, « Frígidos y maleficiados. Las mujeres y los remedios contra la impotencia en la Edad Media », Asclepio. Revista de historia de la medicina y de la ciencia, 64 (2), 2012, p. 353‑372 ; Aïcha Salmon, « La nuit de noces comme cause de la séparation conjugale (second xixe siècle, France) », Annales de démographie historique, 140, p. 195‑226.
7 Sur les soixante et une causes étudiées dans la thèse de doctorat sur la période 1777-1919, dix concernaient des cas d’impuissance féminine.
8 Voir Marie Walin, Savoirs sur l’impuissance sexuelle en Espagne, op. cit.
9 Pour une liste complète des essais et dictionnaires exploités dans cet article voir note 17. Antonio Ballano, art. « Impotencia », dans Diccionario de medicina y cirugía o Biblioteca manual médico-quirúrgica, Madrid, impr. Real., 1815 [1805], vol. 5, p. 180 ; Charles Marc, art. « Impuissance », dans Dictionnaire des sciences médicales par une société de médecins et de chirurgiens, Paris, Panckoucke, 1818, vol. 24, p. 176-214 ; Pedro Mata, Tratado de Medicina y Cirugia legal, Madrid, impr. de Suárez, 2e éd., 1846 ; J. L. Curtis, De la virilidad. De las causas de su decadencia prematura é instrucciones para obtener su completo restablecimiento, Madrid, C. Bailly-Bailliere, 1853 ; Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, ó, El libro de los casados, Madrid, impr. y Esterotipía de M. Rivadeneyra, 1853 ; Amancio Peratoner et Auguste Debay, Higiene y fisiología del amor en los sexos, Barcelone, La Moderna Maravilla, 1880 ; Amancio Peratoner et William Acton, Los órganos de la generación. Sus funciones y desórdenes, Barcelone, La Enciclopédica, 1892 ; Vicente Suárez Casañ, Enciclopedia médica popular, vol. 1, El embarazo, el parto, el aborto, la esterilidad, la impotencia, Barcelone, M. Maucci, 1894.
10 Marie Walin, Savoirs sur l’impuissance sexuelle en Espagne, op. cit.
11 Voir Antonio Ballano, « Impotecia », art. cit. ; Charles Marc, « Impuissance », art. cit. ; J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit. ; Amancio Peratoner et Auguste Debay, Higiene y fisiología del amor en los sexos, op. cit. ; Amancio Peratoner et William Acton, Los órganos de la generación, op. cit. ; Vicente Suárez Casañ, Enciclopedia médica popular, vol. 1, op. cit.
12 Voir notamment Antonio Ballano, « Impotecia », art. cit. ; J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit.
13 Ricardo Campos Marín, « La recepción de la teoría de la degeneración francesa en el discurso antialcohólico español (1890-1915) », dans Elvira Arquiola et José Martínez Pérez (dir.), Ciencia en expansión. Estudios sobre la difusión de las ideas científicas y médicas en España (siglos xviii-xx), Madrid, Editorial Complutense, 1995, p. 446‑ 467 ; Ricardo Campos Marín, « La teoría de la degeneración y la profesionalización de la psiquiatría en España (1876-1920) », Asclepio. Revista de historia de la medicina y de la ciencia, 51 (1), 1999, p. 185‑204 ; Ricardo Campos Marín, José Martínez Pérez et Rafael Huertas García-Alejo, Los ilegales de la naturaleza. Medicina y degeneracionismo en la España de la Restauración, 1876-1923, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2000.
14 Ricardo Campos Marín, « La teoría de la degeneración… », art cit.
15 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », Ayer, 7, 1992, p. 192‑240.
16 Ibid.
17 Plus précisément, cet article repose sur le dépouillement systématique des revues Boletín de medicina, cirugía y farmacia (1834-1853) et El Siglo Médico (1854-1936) entre 1850 et 1919, avec le mot-clé « impotencia », qui a donné lieu à l’analyse de neuf articles pour la première revue et de treize articles pour la seconde. Les essais médicaux utilisés sont ceux cités en note 9 et tout au long du texte. Enfin, nous avons mobilisé pour les définitions de l’impuissance et de l’hypocondrie, en plus des ouvrages cités note 9, les dictionnaires médicaux suivants : Antoine-François Fabre, Diccionario de los diccionarios de Medicina... ó tratado completo de Medicina y Cirugia prácticas, Madrid, impr. de Nieto y Compañia, 1842 ; Pierre-Hubert Nysten, Diccionario de Medicina, Cirugia, Farmacia, Medicina legal, Fisica, Química, Botánica, Mineralogia, Zoologia y Veterinaria, 9e éd. révisée par D. José Castells, Barcelone, J. Roger, 1848 ; Amédée Dechambre, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paris, G. Masson, 1864 ; Eugène Bouchut et Armand Desprès, Diccionario de medicina y de terapéutica médica y quirurgica. Comprendiendo el resumen de toda la Medicina y de toda la Cirugia, Pedro Espina y Martínez et Antonio Espina y Capo (trad.), Madrid, Carlos Bailly-Baillière, 1890.
18 « Pedimento a instancia de Mariano Meseguer… », art. cit., 1841.
19 Ibid.
20 Ibid.
21 Ibid., 1er juillet 1841.
22 Ibid., 4 août 1841.
23 Ibid.
24 Concernant l’hypocondrie, nous avons comparé les définitions suivantes : Antonio Ballano, art. « Hipocondría » et « Hipocondríacos », dans Diccionario de medicina y cirugía o Biblioteca manual médico-quirúrgica, op. cit., vol. 5, p. 147 ; Eugène Bouchut et Armand Desprès, art. « Hipocondría », dans Diccionario de medicina y de terapéutica médica y quirúrgica…, op. cit., p. 847 ; Antoine-François Fabre, art. « Hiponcondría », dans Diccionario de los diccionarios de Medicina…, op. cit., vol. 5, p. 96-102 ; Jean-Baptiste Louyer-Villermay, « Hypocondrie » dans Dictionnaire des sciences médicales par une société de médecins et de chirurgiens, op. cit., vol. 23, p. 107‑ 191 ; Pierre-Hubert Nysten, art. « Hipocondría », dans Diccionario de Medicina, Cirugía, Farmacia, Medicina legal…, op. cit., t. 2, p. 199.
25 L’histoire de l’hypocondrie est plutôt connue à travers celle de l’hystérie, bien plus célèbre, ou celle des névroses. Voir Sander Lawrence Gilman et al., Hysteria Beyond Freud, Berkeley, University of California Press, 1993 ; Pierre-Henri Castel, La querelle de l’hystérie. La formation du discours psychopathologique en France (1881-1913), Paris, Presses universitaires de France, 1998 ; Nicole Edelman, Les métamorphoses de l’hystérique. Du début du xixe siècle à la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2003 ; Andrew Scull, Hysteria. The Disturbing History, Oxford, Oxford University Press, 2011 ; Sabine Arnaud, L’invention de l’hystérie au temps des Lumières : 1670-1820, Paris, Éditions de l’EHESS, 2014. Sur le concept de névrose, voir notamment José María López Piñero, Historical Origins of the Concept of Neurosis, traduit par D. Berrios, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 ; Santosh Kumar Chaturvedi et Dinesh Bhugra, « The Concept of Neurosis in a Cross-Cultural Perspective », Current Opinion in Psychiatry, 20 (1), 2007, p. 47-51.
26 Javier Martínez Dos Santos, « Hombres al borde de un ataque de nervios. Los diagnósticos de la hipocondría y la histeria en la evolución de la corporalidad masculina del sentimiento c.1800-c.1850 », dans Darina Martykánová et Marie Walin (dir.), Ser hombre. Masculinidades en el siglo xix, Prensas de la Universidad de Sevilla, Sevilla [à paraître].
27 Les définitions les plus courtes n’y font pas référence, en particulier celles d’Antonio Ballano, « Hipocondría » et « Hipocondríacos », art. cit., p. 147 ; Pierre-Hubert Nysten, « Hipocondría », art. cit., p. 199. Dans la définition tirée du dictionnaire de Fabre, il est même précisé que l’hypocondrie peut affecter les deux sexes (Antoine-François Fabre, « Hiponcondría », art. cit., p. 97).
28 Voir notamment les travaux de Nicole Edelman (Les métamorphoses de l’hystérique…, op. cit.) et de Sabine Arnaud (L’invention de l’hystérie au temps des Lumières…, op. cit.).
29 L’article commence ainsi : « On peut dire de toute personne qui se préoccupe constamment de douleurs réelles ou imaginaires qu’elle est victime d’une attaque d’hypocondrie. » (Eugène Bouchut et Armand Desprès, « Hipocondría », art. cit., p. 847).
30 Antoine-François Fabre, « Hiponcondría », art. cit., p. 99.
31 Violeta Ruiz Cuenca, Medicine, Modernity, and Masculinity. A History of Neurasthenia in Spain, c.1890-1920, Barcelone, Universidad Autónoma de Barcelona, 2020. Voir également Marijke Gijswijt-Hofstra et Roy Porter, Cultures of Neurasthenia. From Beard to the First World War, Amsterdam/New York, Rodopi, 2001.
32 « Pedimento a instancia de Mariano Meseguer… », art. cit.
33 Déclaration de Don Roque Bello et Don Agustin Garroena, ibid., 4 avril 1843, f 34.
34 Antonio Ballano, art. « Caquexias; Orden primero; Consunciones », dans Diccionario de medicina y cirugía o Biblioteca manual médico-quirúrgica, Madrid, impr. Real., 1815 [1805], vol. 5, t. 2, p. 1-20.
35 Ibid.
36 Eugène Bouchut et Armand Després, art. « Tabes », dans Diccionario de medicina y de terapéutica médica y quirurgica, op. cit., p. 1449.
37 Ibid.
38 Roselyne Rey, « Glossaire », dans Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 2011, p. 405‑407.
39 Sylvie Chaperon, Les origines de la sexologie : 1850-1900, Paris, Éditions Louis Audibert, 2007.
40 Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit., p. 224 et 327 ; Amancio Peratoner et Auguste Debay, Higiene y fisiología del amor en los sexos, op. cit. ; Amancio Peratoner et William Acton, Los órganos de la generación, op. cit. ; Amancio Peratoner, Los peligros del amor, de la lujuria y del libertinaje, Barcelone, Estab. editorial de José Miret, 1874 ; Vicente Suárez Casañ, Enciclopedia médica popular, op. cit. ; Eugène Bouchut et Armand Després, art. « Sífilis », dans Diccionario de medicina y de terapéutica médica y quirurgica, op. cit., p. 1419.
41 Marie Walin, « Masculinidades y diferencia de género en Higiene del matrimonio de Pedro Felipe Monlau (1853). Una construcción entre los nuevos saberes científicos y la moral católica », Espacio, Tiempo y Forma, serie V, Historia Contemporánea, 33, 2021, p. 97-128.
42 Antonio Ballano, art. « Onanismo », dans Diccionario de medicina y cirugía o Biblioteca manual médico-quirúrgica, op. cit., p. 96‑97.
43 Samuel Auguste Tissot, L’onanisme, ou Dissertation physique sur les maladies produites par la masturbation, Lausanne, impr. de A. Chapuis, 1760 ; Samuel Auguste Tissot, Enfermedades de nervios producidas por el abuso de los placeres del amor y excesos del onanismo. Obra escrita en frances, trad. par José Ramón Senra y Parada, Madrid, impr. de la calle de la Greda, 1807 ; Ángel González de Pablo et Enrique Perdiguero Gil, « Los valores morales de la higiene. El concepto de onanismo como enfermedad según Tissot y su tardía penetración en España », Dynamis, 1990, 10, p. 131‑162.
44 Ibid., p. 158.
45 Anne Carol, « Les médecins et la stigmatisation du vice solitaire (fin xviiie-début xixe siècle) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 49 (1), 2002, p. 156-172.
46 Alain Corbin, « Les affres du manque et de l’excès », chap. 4 de L’harmonie des plaisirs. Les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement de la sexologie, Paris, Perrin, 2008, p. 117-150.
47 François Lallemand, Des pertes séminales involontaires, Paris, Béchet Jeune, 1836, 3 vol.
48 Dr Don Juan Bautista Ullersperger, « Sobre los fundamentos de un programa de patología general; memoria premiada por la Real Academia de medicina de Madrid », El Siglo Médico, 579, 25 juin 1865.
49 J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Amancio Peratoner et Auguste Debay, Higiene y fisiología del amor en los sexos, op. cit. Sur le contrôle des masturbateurs, voir Francisco Vázquez García et Andrés Moreno Mengíbar, Sexo y Razón. Una genealogía de la moral sexual en España (siglos xvi-xx), Madrid, Ediciones Akal, 1997 ; José Benito Seoane Cegarra, El placer y la norma. Genealogía de la educación sexual en la España Contemporánea : orígenes (1800-1920), Barcelone, Octaedro, 2006.
50 François Lallemand, Des pertes séminales involontaires, op. cit.
51 Dictamen de José Rodrigo Gónzalez, director facultativo de los Manicomios establecidos en Ciempozuelos, « Nulidad de matrimonio a instancia de Dª Elisa Villanueva y García con su esposo D. Luis Diaz y Sánchez », Archivo Diocesano de Madrid (AHDM), Judicial, caja núm. 15982, exp. 1 (1-7), 06 janvier 1896.
52 Sur ce cas, voir Marie Walin, « “Mi natural vergüenza”. La construction de l’impuissance sexuelle masculine comme une défaillance honteuse (diocèse de Madrid, 1780-1840) », dans Les corps défaillants. Du corps malade, usé, déformé au corps honteux, Paris, Éditions Imago, 2018, p. 75‑85.
53 « Nulidad de matrimonio a instancia de Dª Elisa Villanueva », art. cit.
54 Déclaration du défenseur du mariage, ibid., 2 mars 1897.
55 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », El Siglo Médico, 27 mai 1916.
56 Manuel Díaz-Rubio García, « Juan de Azuá y Suárez », Diccionario Biográfico Español, DB-e, en ligne : https://dbe.rah.es/biografias/18121/juan-de-azua-y-suarez (consulté le 26 février 2022).
57 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit., p. 338.
58 Approche majoritaire depuis la publication de Richard von Krafft-Ebing, « Psychopathia sexualis », eine klinisch-forensische Studie, Stuttgart, Ferdinand Enke, 1886. Voir entre autres Chiara Beccalossi et Ivan Crozier (dir.), A Cultural History of Sexuality in the Age of Empire, Londres, Bloomsbury Academic, 2011.
59 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit.
60 J. L. Curtis, De la virilidad, op. cit. ; Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit.
61 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 3, Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984.
62 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit., p. 338.
63 Ibid.
64 Pedro Felipe Monlau, Higiene del matrimonio, op. cit., p. 224‑225.
65 Miguel Maseras Ribera, Afrodisia e impotencia, Barcelone, R. Tobella, 1919.
66 Ibid. ; Antoine-François Fabre, Diccionario de los diccionarios de Medicina, op. cit. ; Eugène Bouchut et Armand Desprès, Diccionario de medicina y de terapéutica médica y quirurgica, op. cit.
67 George M. Beard, A Practical Treatise on Nervous Exhaustion (Neurasthenia). Its Symptoms, Nature, Sequences, Treatment, New York, Treat, 1880, p. 26.
68 Juan de Azúa, « Impotencia psíquica », art. cit.
69 Elsa Dorlin et Grégoire Chamayou, « L’objet = X. Nymphomanes et masturbateurs, xviiie-xixe siècles », Nouvelles Questions Féministes, 24 (1), 2005, p. 62‑63.
70 Cette question de la subjectivation est particulièrement présente dans le travail de Michel Foucault, mais traverse depuis toute l’histoire de la sexualité à l’époque contemporaine. Voir Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976 ; Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 3, Le souci de soi, op. cit. ; Jeffrey Weeks, Coming Out. Homosexual Politics in Britain, from the Nineteenth Century to the Present, Londres, Quartet Books, 1977 ; Thomas W. Laqueur, Solitary Sex. A Cultural History of Masturbation, New York, Zone Books, 2004 ; Richard Cleminson et Francisco Vázquez García, « Los Invisibles ». A History of Male Homosexuality in Spain, 1850-1939, Cardiff, University of Wales Press, 2007.
71 Anne Carol, « La virilité face à la médecine », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire de la virilité, t.3, La virilité en crise ? xxe-xxie siècles, Paris, Éditions du Seuil, 2011, p. 31‑69.
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Référence papier
Marie Walin, « De « l’impuissance nerveuse » à « l’impuissance psychique » », Histoire, médecine et santé, 23 | 2023, 19-34.
Référence électronique
Marie Walin, « De « l’impuissance nerveuse » à « l’impuissance psychique » », Histoire, médecine et santé [En ligne], 23 | printemps 2023, mis en ligne le 03 juin 2023, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/6446 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.6446
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