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Données médicales

Les données médicales dans les consultations épistolaires d’Étienne-François Geoffroy (1672-1731)

Medical data in the epistolary consultations of Étienne-François Geoffroy (1672-1731)
Marie Guais
p. 47-68

Résumés

La correspondance d’Étienne-François Geoffroy (1672-1731), célèbre médecin parisien, permet d’aborder les données médicales au xviiie siècle sous plusieurs angles. D’abord, les consultations épistolaires impliquent, de fait, une réalité matérielle de la donnée qui va « voyager », de l’expérience du corps malade à l’écrit, du patient au médecin. Ensuite, il existe une dichotomie entre les données médicales produites par les patients et leur entourage – pour qui toute information semble devenir une donnée, dans l’impossibilité de la rencontre avec le médecin –, les données médicales issues des praticiens et les informations qui vont effectivement faire sens dans l’explication de la pathologie par Étienne-François Geoffroy. Les données médicales revêtent alors des caractéristiques fortement liées à leur contexte d’élaboration, qu’il soit individuel ou collectif, profane ou savant.

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Texte intégral

  • 1 Étienne-François Geoffroy, Correspondance, Paris, 1714-1730, Bibliothèque interuniversitaire de sa (...)
  • 2 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », Dix-huitième siècle, 40, 2008 (...)

1« Plus on peut peindre au naturel les incommodités des humains, plus on donne d’éclaircissement aux médecins desquels on exige des avis salutaires, et d’autant plus on en peut espérer des convenables remèdes, voilà les raisons qui m’entraînent de faire le portrait de madame la Baronne1. » Ces quelques mots du médecin luxembourgeois Peller, dans l’introduction d’une lettre adressée à son confrère Étienne-François Geoffroy le 6 mars 1725, en disent long sur l’importance du « portrait pathologique ». La médecine, véritable « art du tableau2 » au xviiie siècle, porte à filer cette métaphore picturale des incommodités. Celles-ci sont dépeintes avec la plus grande précision afin de donner au soignant toutes les données médicales nécessaires à l’élaboration d’un diagnostic. Le médecin Peller suggère effectivement que l’ensemble des informations concernant la malade, consignées avec application dans son courrier, constituent des données médicales susceptibles de guider son confrère dans l’appréhension de l’état de santé général de sa patiente et de ses pathologies. Il invite dès lors à considérer les consultations épistolaires comme des lieux d’énonciation privilégiés des données médicales, et à en interroger les contours pour la période moderne.

2La définition actuelle d’une donnée médicale est assez large, du fait de la multiplication des données créées et conservées concernant notre état de santé, de manière de plus en plus dématérialisée. Il est cependant admis par le Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD)3 que seules les informations à partir desquelles une conclusion peut être tirée sur l’état de santé ou les pathologies du patient constituent des données médicales4. Les autres éléments portés à la connaissance des soignants ne seraient que de simples « informations ». Il existerait donc une dichotomie entre les données médicales que pensent notamment produire les malades (ou leur entourage) et les éléments qui constituent effectivement des données médicales pour le soignant. Qu’en est-il au xviiie siècle ? Quelles sont, selon le médecin ou le malade, les caractéristiques d’une donnée médicale ? Et en quoi les consultations épistolaires, celles d’Étienne-François Geoffroy notamment, sont-elles des sources importantes pour en comprendre l’ampleur et la complexité ?

  • 5 Roy Porter, « The Patient’s View. Doing Medical History from Below », Theory and Society, 14 (2), (...)
  • 6 Philip Rieder, La figure du patient au xviiie siècle, Genève, Droz, 2010, p. 13.
  • 7 Laurence Brockliss, « Consultation by Letter in Early Eighteenth-Century Paris. The Medical Practi (...)
  • 8 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épist (...)

3Dès la fin des années 1980, de nombreux historiens se sont saisis des dossiers de patients constitués par les praticiens européens de l’époque moderne afin d’appréhender les relations de soin. L’étude des relations thérapeutiques a été dynamisée par le renouvellement de la figure du patient, notamment sous l’impulsion de Roy Porter qui, en 19855, invitait à produire une histoire from below, « du point de vue du patient, un patient qui n’est plus un partenaire ou un faire-valoir du médecin ou de la médecine, mais un acteur à part entière6 ». Les consultations épistolaires ont alors été mises en lumière et se sont imposées comme des sources primordiales pour étudier la relation thérapeutique et la place du patient. Dans l’espace francophone, les correspondances de certains médecins ont été minutieusement étudiées, en particulier celles de Samuel Auguste Tissot, célèbre médecin suisse de la seconde moitié du xviiisiècle. Dans son ouvrage intitulé Les mots du corps. Expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du 18e siècle : Samuel Auguste Tissot, Séverine Pilloud cerne la relation thérapeutique, mais surtout son sens, par une étude discursive très poussée. L’historienne met de surcroît en évidence la multiplicité des acteurs et actrices autour des malades et analyse leurs rôles et fonctions, notamment en matière d’écriture. La relation de soin a aussi été analysée à partir de la correspondance d’Étienne-François Geoffroy par Laurence Brockliss7 et Isabelle Robin-Romero8. Cette dernière a souligné l’intervention des tiers dans la relation thérapeutique, mais aussi les différents rapports sociaux entretenus par Étienne-François Geoffroy avec ses patients, en interrogeant les relations d’amitié comme les rapports de force. Ces différents travaux invitent à poursuivre l’analyse à partir des documents professionnels de Geoffroy, afin de révéler des aspects négligés des consultations épistolaires, en particulier leur apport pour l’étude des données médicales à l’époque moderne.

Étienne-François Geoffroy et ses consultations épistolaires

  • 9 Selon Guillaume Calafat, « l’étymologie du mot “expert” rappelle que la compétence de ce dernier s (...)

4Qui est, pour commencer, Étienne-François Geoffroy ? La citation de son confrère luxembourgeois Peller indique qu’il est reconnu par ses pairs comme un expert9, duquel « on exige des avis salutaires ». Certaines données biographiques permettent de comprendre et d’analyser son positionnement professionnel, puis d’émettre des hypothèses sur les motivations des malades à recourir à ce médecin en particulier.

  • 10 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », (...)
  • 11 Ibid.
  • 12 Edmond Dupuy, Notices biographiques sur les médaillons de la nouvelle École supérieure de pharmaci (...)
  • 13 Notamment Jean-Dominique Cassini et Wilhelm Homberg : voir Paul Dorveaux, « Apothicaires membres d (...)
  • 14 Ibid.
  • 15 Pour une biographie plus complète d’Étienne-François Geoffroy, voir Isabelle Robin-Romero, « Étien (...)
  • 16 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », (...)
  • 17 Paul Dorveaux, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences », art. cit., p. 121.

5Étienne-François Geoffroy voit le jour le 13 février 1672 à Paris. Sa famille est une dynastie d’apothicaires remontant au début du xviie siècle10. Elle jouit d’une position sociale avantageuse grâce à son prospère commerce de pharmacie11 et au prestige conféré par la charge d’échevin de Paris occupée par son grand-père et son père, Mathieu-François Geoffroy12. Ce dernier réunissait d’ailleurs chez lui des savants qui formèrent, à la fin du xviie siècle, le premier noyau de l’Académie des sciences13. Le parcours de formation d’Étienne-François Geoffroy, le fils aîné, est long. Après la pharmacie, il suit des cours particuliers de botanique, de chimie et d’anatomie14 et devient apothicaire après l’obtention de sa maîtrise en 1694 à Montpellier. Il décide ensuite d’entamer des études de médecine, achevées en 1704 après l’obtention de son doctorat15. Geoffroy est donc un homme de sciences, au sens large du xviiie siècle, dont les connaissances sont reconnues par les plus hautes certifications, notamment celle de la Faculté de médecine de Paris. En 1699, il entre à l’Académie des sciences, lieu emblématique des représentants d’une élite du savoir16, en tant qu’élève du chimiste Wilhelm Homberg. Geoffroy travaille notamment sur les sels17, éléments thérapeutiques que l’on retrouve d’ailleurs maintes fois dans ses prescriptions médicales.

  • 18 En témoigne la lettre de Peller adressée à Étienne-François Geoffroy en mars 1725 (BIUS, Ms 5245, (...)
  • 19 BIUS, Ms 5241, f200 à f201v.
  • 20 Voir le cas d’un homme d’affaires qui regrette d’avoir manqué Geoffroy : BIUS, Ms 5241, f11 à f12v (...)
  • 21 Lettre de réponse de Geoffroy qui indique que les thérapeutiques n’ont pas été prescrites assez lon (...)

6Il est un expert reconnu à la fois par d’autres praticiens18 (peut-être d’anciens élèves) – à l’image du docteur Dubois de Rennes, avec qui il entretient une correspondance soutenue (demande d’avis médical de la part de Dubois, échange de savoirs19, traités et ouvrages médicaux…) – et par des profanes dont certains semblent le côtoyer dans les différents milieux des élites parisiennes du xviiisiècle20. Ses multiples compétences lui donnent certainement une autorité supplémentaire aux yeux des patients qui le consultent. La plupart sont des malades chroniques à la recherche de nouvelles thérapeutiques, spécialité d’Étienne-François Geoffroy en tant que chimiste, apothicaire et médecin. Il n’hésite d’ailleurs pas à commenter, voire à critiquer les thérapeutiques prescrites antérieurement par certains soignants21.

  • 22 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy (1672-17 (...)
  • 23 Voir Stéphane Van Damme, « La sociabilité intellectuelle. Les usages historiographiques d’une noti (...)
  • 24 Établissement d’enseignement et de recherche mis en place sous François Ier.
  • 25 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épist (...)

7Son prestige et la variété de ses activités scientifiques auraient pu justifier une implication moindre auprès de ses patients, mais il n’en est rien22. C’est au contraire un homme visiblement engagé et consciencieux qui ne délaisse que rarement ses patients au profit de sociabilités intellectuelles23 plus « prestigieuses » à l’Académie des sciences, à la Faculté de Paris (où il est doyen de 1726 à 1727 et de 1728 à 1729), au Jardin royal des plantes médicinales et au Collège royal24, où il enseigne la chimie (liée à la matière médicale) et la pharmacie de 1707 à 173025. La présence de Geoffroy à l’Académie et à la Faculté, le maintien de son activité de praticien ainsi que son fort ancrage dans la société parisienne peuvent d’ailleurs expliquer les nombreuses consultations à distance qui lui sont adressées.

  • 26 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. ci (...)
  • 27 BIUS, Ms 5241 à Ms 5245. Cette typologie est reprise des travaux de Séverine Pilloud sur la corres (...)
  • 28 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épist (...)

8La correspondance professionnelle de Geoffroy est effectivement importante : elle regroupe plus de sept cents lettres, adressées à lui seul ou au Conseil des médecins de la Faculté de Paris, dont il semble être le secrétaire26. Le corpus est constitué de cinq volumes conservés à la Bibliothèque interuniversitaire de santé à Paris (BIUS). Ils contiennent une grande diversité d’écrits : des consultations épistolaires qui exhortent le médecin à intervenir et regroupent des informations médicales diverses (tempérament du malade, hygiène de vie, symptômes, évolution, trajectoires de soin déjà empruntées, etc.), des mémoires de maladies faisant l’exposé précis d’informations médicales relatives au patient, sans que le rédacteur soit identifiable, des lettres d’introduction recommandant le malade au médecin et ne contenant que très peu de données médicales27, mais aussi les brouillons de certaines réponses de la main de Geoffroy. Ces écrits couvrent, souvent partiellement, la période d’activité du médecin allant de 1712 à 1730. Isabelle Robin-Romero suggère que ces volumes ont été réunis après la mort brutale de Geoffroy en janvier 1731, sans que l’on sache par qui et selon quelle logique28. Les lettres avaient-elles déjà été triées et organisées par Geoffroy lui-même ? Nul ne le sait. Tous les courriers sont toutefois compilés et organisés à l’intérieur de chaque volume, par symptômes et affections, et non par date de réception ou de rédaction. Ceci indique qu’une classification a été opérée, peut-être par un collègue médecin ayant réfléchi à un agencement particulier.

9Cette étude entend naviguer au sein de ce large corpus en s’intéressant à la nature des données médicales qui y sont formulées, ainsi qu’à leur mode de production. Nous partirons du patient, plus précisément de l’expérience du corps malade, pour remonter jusqu’à sa mise en récit : l’énonciation d’une variété de données. Nous replacerons ensuite cette mise en récit dans le cadre collectif de la maladie au xviiisiècle afin de souligner l’influence et le rôle des différents acteurs (parenté, sociabilité) dans l’élaboration des données médicales. Enfin, l’analyse des informations qui font sens pour Étienne-François Geoffroy permettra d’appréhender ce qui semble être une donnée médicale pour cet éminent médecin. Il s’agira ainsi de mesurer le hiatus qui peut exister entre des données médicales produites par le malade et/ou son entourage et celles qui sont consacrées comme telles par le médecin.

Les consultations ou « biographies médicales » : les données issues des malades

  • 29 Ce qui représente 14 % des 419 malades présentés dans la correspondance d’Étienne-François Geoffro (...)

10Ce premier temps de l’étude vise à déterminer ce qu’est une donnée médicale du point de vue du malade et comment celui-ci l’élabore. L’analyse des propos des patients permet en effet d’identifier les informations jugées pertinentes pour décrire un état de santé et de souligner les éléments qu’ils mettent en valeur dans leurs récits. Pour cela, nous prendrons appui sur les consultations écrites par des malades consultant pour eux-mêmes29. La consultation médicale est donc ici envisagée comme le moyen de rassembler, de communiquer, de conserver des données médicales.

  • 30 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. ci (...)
  • 31 Passant de 22 femmes qui consultent entre 40 et 49 ans à 8 femmes qui sollicitent Geoffroy entre 5 (...)

11Précisons tout d’abord la composition de la patientèle concernée par les consultations épistolaires adressées à Étienne-François Geoffroy. Sa correspondance regroupe 419 malades, dont 224 femmes et 195 hommes30 ; la majorité consulte entre l’âge de 30 ans et 50 ans. La tendance est néanmoins différente en fonction du genre, car les hommes qui consultent sont en moyenne plus âgés que les femmes. Ceci s’explique par le fait que les femmes sollicitent généralement Geoffroy pour des problèmes liés aux menstruations (trop abondantes, trop irrégulières, etc.), à la grossesse et aux problèmes de fertilité, des maux féminins caractéristiques de la période de fertilité féminine allant de l’adolescence à l’« âge climatérique », ou ménopause. Nous observons dès lors un effondrement du nombre de consultations féminines après 50 ans31.

  • 32 Martin Dinges et al. (dir.), Medical Practice, 1600-1900. Physicians and Their Patients, Leyde, Br (...)
  • 33 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Sevent (...)
  • 34 Histoire médecine et santé, 1, 2012, dossier thématique « Pudeurs », dirigé par Nahema Hanafi.
  • 35 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Sevent (...)
  • 36 Annemarie Kinzelbach et al., « Observationes et Curationes Nurimbergenses. The Medical Practice of (...)
  • 37 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Sevent (...)

12Ces données divergent quelque peu des résultats de Martin Dinges, dans Médical Practice, 1600-1900. Physicians and Their Patients32, pour qui les patients masculins semblent dominer dans les premiers cabinets médicaux modernes, les femmes ne devenant majoritaires qu’à partir des années 186033. La prédominance de patientes dans la correspondance de Geoffroy pourrait s’expliquer par les avantages de la consultation épistolaire. Une consultation à distance permet en effet de dépasser plus facilement la pudeur, davantage inculquée aux femmes, d’autant plus lorsqu’elles consultent majoritairement pour des maux touchant à l’organe génital34. Les recherches, plus tardives, de Marina Hilber et Philipp Klaas sur Franz von Ottenthal (1847-1899) et Caesar Bloesch (1832-1863) concordent avec ces hypothèses en montrant une surreprésentation féminine dans la patientèle de ces médecins. Cette surreprésentation est liée, comme chez Geoffroy, à la demande croissante des femmes concernant des problèmes de menstruation, de grossesse et d’accouchement35. Ceci confirme d’ailleurs la thèse selon laquelle la médicalisation du corps féminin, et en particulier des menstruations, s’est renforcée au début du xviiie siècle36, et donc bien avant le tournant du xixe siècle37.

13Enfin, la patientèle de Geoffroy est surtout constituée d’individus aisés, issus du clergé (régulier et séculier), de la noblesse ou de la bourgeoisie, donnant alors à voir certaines pathologies spécifiques liées à leur mode de vie et des maladies chroniques. La chronicité des pathologies explique d’ailleurs que de nombreuses données relatives au parcours thérapeutique déjà suivi sont présentes dans les consultations.

  • 38 BIUS, Ms 5242, f215 à f217v, 10 septembre 1727.
  • 39 Alexandre Klein, « Au-delà du masque de l’expert. Réflexions sur les ambitions, enjeux et limite (...)

14À la lecture de la correspondance d’Étienne-François Geoffroy, le malade auteur de sa propre consultation semble être le meilleur fournisseur de données. Mlle de Valory, dans une lettre adressée à sa sœur, précise qu’« Il (le médecin) ne le [son mal] connaît pas si bien que moi38 ». Prendre la plume pour raconter ses maux constitue ici une nécessité pour exposer fidèlement la maladie et donc se faire comprendre du médecin. Les malades deviennent dès lors des producteurs de données médicales, grâce à leur vécu corporel et à leur expérience de la maladie. Cette expérience, notamment dans le cadre de la chronicité de certaines pathologies, leur permet de développer des « savoirs expérientiels39 », ou savoirs profanes, rendant leurs données médicales légitimes.

  • 40 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », art. cit.
  • 41 BIUS, Ms 5245, f158 à f158v, s. d.

15La nature des données médicales qu’ils produisent est d’une grande variété. Les malades évoquent longuement les signes perçus40, comme les symptômes ou les manifestations corporelles, la fatigue, le sommeil, les douleurs caractérisées et localisées, parfois mouvantes (dans le temps et le corps), les fièvres, les vomissements, etc. Dans la plupart des lettres figurent aussi des données plus personnelles, car les malades mettent en avant leur âge, leur sexe, leur statut social ou leur activité professionnelle. Ces informations sont appréhendées comme des données médicales, car elles vont, selon les représentations des malades, permettre d’expliquer l’origine ou l’étendue de la maladie. C’est notamment le cas d’un prêtre anonyme qui, dans son mémoire de maladie, indique que son activité professionnelle est à prendre en compte : « Cette douleur peut venir de l’application aux fonctions continuelles de mon ministère. Étant seul à desservir ma paroisse, je suis obligé de faire au peuple les instructions sur les évangiles aux messes paroissiales tous les dimanches et toutes les fêtes et les après-dîners, les catéchismes qui ne fatiguent pas moins41. »

  • 42 BIUS, Ms 5241, f62 à f63v, 21 septembre 1723.
  • 43 BIUS, Ms 5254, f5 à f6v, 30 janvier 1724.

16L’hygiène de vie et les habitudes de chacun sont également insérées dans l’exposé des maux et constituent des données médicales à part entière. Les patients estiment, là encore, que ces informations vont aider le médecin à identifier leur pathologie et n’hésitent pas à évoquer leur régime alimentaire (Mme de Lassant Foucault indique qu’elle est malade après avoir mangé des huîtres42) ou leur consommation d’alcool et de tabac (M. Aubriot pense que ses « renvois d’estomac » sont causés par le tabac en poudre qu’il consomme43). Par la formalisation de ces données médicales, les patients proposent ainsi ce qui semble être un premier diagnostic sur leur état de santé ou ses causes. Ils ne manquent pas non plus de mentionner les diagnostics antérieurs posés par les soignants ainsi que les traitements suivis et les parcours de soins déjà effectués.

  • 44 Les humeurs mélangées, présentes en différentes quantités, donnent alors des tempéraments pouvant (...)
  • 45 Voir Philip Rieder, « Soi et santé : écrire ses maux au siècle des Lumières », dans Élisabeth Arno (...)

17De manière surprenante, les malades qui écrivent pour eux-mêmes n’évoquent que rarement leurs « humeurs44 », leur « tempérament » ou leur « constitution physique », à l’opposé des pratiques des intermédiaires (proches ou médecins). Ceci pourrait indiquer qu’ils ne considèrent pas ces informations comme des données médicales, ce qui est plutôt étonnant au regard du paradigme humoral selon lequel chaque individu est caractérisé (et genré) par son tempérament et sa constitution physique. Lorsque les malades écrivent pour eux-mêmes – et surtout les femmes –, ils semblent ainsi s’affranchir quelque peu des codes narratifs relatifs au genre et à la différenciation des sexes (notamment les codes liés à la fragilité du corps féminin – mou, faible, froid, humide – par rapport au corps masculin – fort, tonique, chaud, sec). Ils semblent surtout se concentrer sur le récit personnel d’un corps souffrant, appréhendé de manière unique, et rédigent des « biographies médicales45 » peu ancrées dans les récits dominants sur le corps genré.

18Les malades se pensent donc comme des individus singuliers – toujours selon le principe de la médecine idiosyncratique – dont le corps dans sa globalité est dysfonctionnant. L’écriture qui en découle est alors une « écriture de soi », introspective et intime, dont le but est de se concentrer exclusivement sur les données qu’ils estiment les plus pertinentes pour décrire le plus fidèlement possible des situations et sensations, c’est-à-dire les manifestations corporelles, le régime alimentaire, les parcours de soins déjà engagés, etc. L’attention accaparée par le corps souffrant est bien visible dans les consultations épistolaires ; elle se traduit notamment par un état de constante vigilance par rapport aux sensations et par une mise à l’écrit de la moindre manifestation corporelle. Tout semble alors pouvoir avoir valeur de donnée médicale pour le malade, œuvrant à partir de sa propre subjectivité. Mettre des mots sur ses sensations, qui par définition ne sont pas forcément définissables, permet aussi de prendre conscience du mal, de lui donner du sens, et donc de pouvoir l’exprimer et ainsi créer des données exploitables pour le médecin. Dans le cadre d’une consultation épistolaire, la production des données est une démarche d’autant plus délicate que le praticien est dans l’incapacité de mener sa propre observation.

  • 46 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Court (...)
  • 47 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », art. cit., p. 367.

19En définitive, dans ces consultations épistolaires, l’objectif premier du malade est de collaborer avec Geoffroy en composant un récit clair et structuré à même de lui permettre de disposer à distance de données exploitables. Les exposés sont donc très détaillés et précis – faisant bien de la médecine une pratique narrative, un « art du tableau46 » –, mais aussi guidés par l’expérience des consultations de visu. Les malades semblent effectivement reproduire les gestes du médecin, qui mobilise normalement ses cinq sens : prendre le pouls (le simple toucher, pas la mesure), sentir les textures, regarder la couleur de la peau, goûter l’urine, écouter le corps pour déceler des irrégularités, etc. Ces jugements qualitatifs qui servent à évaluer l’état du patient permettent au médecin de formuler le diagnostic47, les malades les reprennent donc dans la rédaction de leur lettre. Plusieurs d’entre eux parlent de pouls ou de fièvre sans que l’on puisse savoir comment ils ont collecté ces données. Touchent-ils leur corps pour sentir la température ou les battements du cœur ? L’observent-ils ou se servent-ils d’un instrument de mesure ? S’appuient-ils sur les observations des praticiens qu’ils ont consultés en amont ? Aucune des lettres ne l’indique précisément. Pour collecter ces données médicales, les malades doivent toutefois se scruter (couleur, texture, etc.), se toucher (les zones affectées) et se décrire (sensations, manifestations corporelles, etc.) abondamment.

  • 48 BIUS, Ms 5244, f78 à f79v, s. d.
  • 49 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. ci (...)
  • 50 Bien que nous n’en ayons aucune preuve dans la correspondance de Geoffroy et que la vulgarisation (...)

20Outre ces pratiques d’observation du corps, les malades s’approprient les grands principes médicaux en vigueur et les utilisent pour produire les données qu’ils transcrivent ensuite dans leur consultation. Celles-ci témoignent dès lors de la construction de connaissances variées sur les pathologies, des connaissances jugées légitimes par les malades, dont la parole est à prendre en compte. Mlle du Refuge évoque ainsi une « fluxion » de poitrine en faisant référence au modèle humoral correspondant à une humeur qui « tombe » sur la poitrine, ainsi que des « nerfs » qui « tirent » (ils sont alors contractés) renvoyant au modèle nerveux48. Elle mentionne aussi le siège précis de sa douleur, « un battement derrière l’œil gauche qui tire jusqu’à l’oreille », maîtrisant des approches localistes et organiques de la douleur49. Chaque approche permet d’expliquer un signe ou un symptôme et donc de produire des données permettant l’appréhension globale de l’affection. Ces grands modèles peuvent avoir été énoncés par les praticiens consultés antérieurement ou rencontrés dans la littérature médicale que les profanes commencent à s’approprier au xviiie siècle50. Il semble alors que, pour les patients, la moindre information susceptible d’éclairer l’état de santé doive être transcrite dans la lettre et présentée comme une donnée médicale.

  • 51 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 75.

21Les pratiques d’écriture d’une consultation épistolaire révèlent cependant que les malades sont rarement les seuls à produire les données qui les concernent. Séverine Pilloud montre, dans son étude de la correspondance de Tissot, qu’il y a « fréquemment, en arrière-plan, une espèce de polyphonie donnant à entendre plusieurs voix : celle des patients […], mais aussi celle des proches inquiets, souhaitant faire valoir leur point de vue sur la maladie et influençant tant l’expérience des individus souffrants que la narration que ceux-ci soumettront au médecin51 ». Au siècle des Lumières, le colloque singulier demeure très rare, car les malades s’entourent – ou sont entourés – de proches et d’autres individus, ce qui interroge la nature des données médicales et leurs mécanismes de production dans un contexte collectif.

Les données médicales produites dans un contexte collectif

  • 52 Il y a aussi une part importante d’individus qui interviennent sans que l’on sache sous quel statu (...)
  • 53 Individus non malades qui écrivent pour des malades. Voir Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op (...)
  • 54 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épist (...)
  • 55 BIUS, Ms 5242, f215 à f216v, 10 septembre 1724.

22À l’époque moderne, la maladie s’inscrit dans un contexte collectif au sein duquel une variété de données médicales sont produites. Les correspondances de Geoffroy témoignent de cette pluralité d’acteurs et d’actrices : les médiateurs sont des parents (11 %), des amis (7,5 %) ou plus souvent des praticiens (40 %)52. En prenant la plume, ils participent à la production des données médicales exploitées par Geoffroy et posent la question de leurs similarités avec celles qui sont énoncées par les malades eux-mêmes. Précisons d’emblée que la diversité de ces « médiateurs de l’écrit53 » rend la parole des malades parfois peu audible, mais qu’il existe des implications différenciées. Certains médiateurs ne jouent que le rôle de scripteurs, rédigeant la lettre sous la dictée du patient54, comme Mlle de Valory55 l’indique : « J’ai reçu votre lettre […], je prends la main d’une de mes amies pour vous y répondre. » Agir sous la dictée réduit certainement la part des données directement modelées par les médiateurs, mais il est toutefois difficile de mesurer précisément leur influence dans l’élaboration des données médicales, car ils peuvent faire le choix d’autres termes, d’une organisation différente du propos, en discuter aussi au moment de la rédaction… Et il faut convenir que tout ceci échappe aux historien·nes.

  • 56 Moins de 2 % des malades y ont recours.
  • 57 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 77.

23Parmi la patientèle de Geoffroy, ces simples scripteurs sont toutefois minoritaires56, à la différence des « observateurs » et des « auteurs »57, dont l’influence sur la production de données est plus importante. Les observateurs se chargent de rapporter, à l’écrit et souvent à la première personne, leurs propres observations ou celles des proches du malade. M. Nevot décrit ainsi la maladie de son neveu :

  • 58 BIUS, Ms 5243, f240 à f241v, septembre 1725.

Dimanche 16 du mois, après avoir entendu un grand mouvement pendant les vêpres, je m’informais de ce qui avait occasionné ce tumulte, et j’appris que c’était un retour d’accès semblable aux précédents qui étaient arrivés à mon neveu. […] J’aperçues d’abord dans cette 5e rechute du même jour, des mouvements des muscles qui m’effrayaient par le contraste des antagonistes et cet accès a duré 25 minutes. D’abord les yeux s’enfonçaient de telle sorte que la paupière qui les ferme était cave, au lieu d’être convexe et ce symptôme a duré près d’un quart d’heure, pendant lequel j’ai aperçu à la 3e minute, une liqueur lymphatique qui sortait du côté gauche de la bouche et sans effort, à la quantité de trois cuillerées58.

  • 59 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épist (...)
  • 60 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 11.

24En outre, M. Nevot livre ici sa propre vision des maux, comme les autres médiateurs « auteurs » qui « composent entièrement le récit et l’agrémentent de leur point de vue, d’explications sur les origines du mal et de justification de leurs actions59 ». Ils agissent pleinement comme des producteurs de données médicales et, dans ces cas, le prisme de déformation risque donc d’être accentué, au détriment de la réalité subjective de l’expérience du malade. Les notions d’intersubjectivité (produit de visions et de versions croisées émanant des façons de penser et de se représenter la maladie de chaque protagoniste) et de plurisubjectivité (construction du discours à partir de l’expérience du malade, mais aussi de celle du médiateur de l’écrit et des témoins potentiels) développées par Séverine Pilloud60 permettent de rendre compte de la dimension intrinsèquement collective de l’élaboration des données dans les consultations épistolaires.

25Quand bien même les observateurs indiquent raconter fidèlement ce qu’ils voient, ils produisent des données médicales subjectives, car ils sélectionnent ce qui leur paraît significatif pour expliquer la maladie. Ces données de natures diverses sont essentiellement fondées sur l’observation visuelle : manifestations corporelles, tempérament et constitution du malade, évolution de la maladie et réaction aux traitements, etc. Ils retracent ce qu’ils voient, entendent et interprètent de la maladie d’un individu, plus ou moins proche. Leur propos se concentre donc sur des faits visibles (teint du malade, aspect physique, amaigrissement, manifestations corporelles, évolution de la maladie…), dont l’appréhension est parfois influencée par les consultations réalisées en amont et par les traitements engagés, mais ils s’attardent bien moins sur les sensations internes des malades, dont la teneur leur échappe.

  • 61 BIUS, Ms 5244, f50 à f50v, s. d.
  • 62 Nahema Hanafi, Le frisson et le baume : expériences féminines du corps au siècle des Lumières, Ren (...)

26Par ailleurs, les médiateurs mobilisent davantage les représentations dominantes sur les corporéités féminines et masculines. Le corps féminin est plutôt présenté comme faible, mou, au tempérament froid et humide, victime des « incommodités de son sexe61 », là où les patientes s’affranchissent plus volontiers de ces stéréotypes pour composer des descriptions physiologiques et physiques singulières62. Ces descriptions servent à expliquer l’origine de la maladie, tandis que les malades pourraient avancer des causalités plus personnelles (individuelles), moins subordonnées aux grands schémas de la différenciation des sexes.

  • 63 BIUS, Ms 5244 f70 à f71v, s. d.

27Les médiateurs témoignent également de leurs inquiétudes, non seulement à propos de l’état de santé des malades, mais aussi sur le fait que leur lettre ne contienne pas assez de données exploitables pour le médecin. Ils multiplient alors les post-scriptum pour ajouter des informations, donner leur avis, préciser des détails afin de ne négliger aucun élément susceptible d’éclairer le médecin sur la nature de la pathologie. Là encore, toute information pouvant pallier l’absence d’observation par le médecin est portée au regard et considérée comme une donnée médicale. Une religieuse, prise en charge par son médecin ordinaire63, compose avec un médiateur un post-scriptum complétant le mémoire de maladie rédigé par le soignant :

Le médecin a oublié de marquer dans son mémoire que la malade a rendu des pierres par les urines il y a quelques années et qu’elle est sujette à la gravelle. Il me paraît néanmoins que cela mérite attention et qu’une pierre dans le rein pourrait bien être la cause de tous les accidents.

  • 64 Sur la typologie des soignants (officiels ou non) dans le contexte d’une pratique de la médecine n (...)
  • 65 C’est notamment le cas pour M. Dubois, « Médecin du Roi à Rennes », selon les dires d’Étienne-Fran (...)
  • 66 Même s’il est difficile de saisir le moment où les médiateurs de l’écrit entrent en contact avec l (...)
  • 67 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 89.

28Dans les consultations épistolaires envoyées à Geoffroy, la plupart des médiateurs sont cependant des praticiens : des médecins, des chirurgiens ou des apothicaires64. Ils écrivent parfois de leur propre initiative pour demander l’avis d’un confrère plus réputé face à une impasse thérapeutique65. Dans ces mémoires de maladie ou lettres de consultation, la place des malades est très différente et interroge de ce fait la nature des données produites par ces soignants. Les informations personnelles sont réduites à la portion congrue et ont surtout trait à l’âge et au sexe du malade. Les données de santé énoncées sont davantage relatives au tempérament et à la constitution physique, aux manifestations corporelles, à l’observation réalisée (prise de pouls, manipulation du corps, observation des tissus, des sécrétions, etc.). Ils précisent aussi leur diagnostic, la mise en place des traitements (surtout des saignées, des bains, des purges, des régimes alimentaires, etc.) et l’évolution de la maladie. Leur discours revêt une dimension professionnelle et scientifique peu présente dans les autres écrits. Peut-être est-ce d’ailleurs l’une des raisons qui poussent nombre de malades à consulter Geoffroy par l’intermédiaire d’un praticien66. Ils délèguent alors une grande part de la production des données médicales, confiants dans la capacité de leur médiateur à rédiger une lettre suffisamment explicite et précise pour permettre l’élaboration d’un diagnostic et d’un traitement efficace67. Les malades disposent donc, en fonction de leur état de santé, d’une palette de médiations possibles, plus ou moins professionnelles, qui témoignent cependant de la reconnaissance de compétences multiples à rendre compte de la maladie.

29Les données médicales issues des lettres écrites par des intermédiaires, notamment praticiens, diffèrent donc parfois des données produites par les malades eux-mêmes. Est-ce la preuve que malades et médecins ne considèrent pas les mêmes informations, ne les élèvent pas toutes au statut de données médicales éclairantes et utiles ? Il reste à poursuivre l’investigation en se penchant sur la réception de ces écrits par Étienne-François Geoffroy.

La consultation épistolaire : recueil d’informations ou de données médicales pour Étienne-François Geoffroy ?

30Cette dernière partie examine le moment de la lecture de la consultation épistolaire par Étienne-François Geoffroy afin d’interroger la manière dont il interprète les informations médicales qui lui sont données à lire. Il s’agit notamment d’examiner les processus de tri opérés par le médecin, matérialisés par des inscriptions manuscrites effectuées directement sur les lettres reçues. Ces interventions laissent entrevoir les informations qui font sens aux yeux du médecin, celles qui constitueraient dès lors des données médicales de premier choix pour comprendre la maladie et y répondre. Il est également possible de suivre le processus par lequel le soignant élabore à son tour des données à travers ses propres prescriptions de thérapeutiques, ses brouillons de réponse et autres documents professionnels.

31Les pratiques d’annotation d’Étienne-François Geoffroy sur les consultations épistolaires reçues permettent effectivement de faire le lien entre la production des données par les malades ou leurs intermédiaires et la réception qui en est faite par le soignant. Sa correspondance médicale contient environ soixante-dix consultations qui portent des traces manuscrites prenant la forme de traits placés sous certains mots. Le fait que l’encre utilisée ne soit pas toujours identique à celle du scripteur va dans le sens d’un soulignement postérieur, aisément attribuable à Geoffroy. Ces traits permettent d’identifier les données médicales produites par les malades ou leur entourage qui retiennent plus particulièrement l’attention de Geoffroy, même s’ils laissent dans l’ombre nombre d’informations certainement jugées importantes pour appréhender l’état de santé du malade et poser un diagnostic ou un pronostic quant à l’évolution de la maladie.

  • 68 Dans cinq lettres seulement.
  • 69 BIUS, Ms 5241, f5 à f5v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.

32Les informations génériques, mais néanmoins cruciales, concernant l’âge du patient, son tempérament et sa constitution physique (très détaillées dans certaines lettres, notamment dans les mémoires de maladie et les lettres de consultation rédigées par des intermédiaires) ne sont que rarement soulignées par Geoffroy68. Il s’attache en revanche aux manifestations corporelles et aux symptômes – et notamment à la douleur –, mais aussi à l’évolution de la pathologie dans le temps (date de début de la pathologie, durée des symptômes, etc.). C’est notamment le cas dans une lettre écrite par un intermédiaire sur le cas d’un malade : « La personne qui demande la consultation est fort maigre et délicate, de l’âge de trente et un à trente-deux ans, et qui depuis six à sept semaines s’est trouvée attaqué d’un mal qui l’incommode beaucoup. » Geoffroy souligne la date d’apparition des premiers symptômes, sans s’attarder sur l’âge du patient et sa constitution physique. Plus loin dans la lettre, il s’arrête sur la temporalité de symptômes et sur les manifestations antérieures qui pourraient être liées à la maladie récemment apparue : « La personne, depuis plus de douze à quinze ans, a toujours été fort incommodé du mal de tête […]69. » Il retrace ainsi les différentes étapes de l’état de santé du patient.

  • 70 BIUS, Ms 5243, f153 à f154v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.

33Geoffroy souligne aussi très souvent les informations médicales qui font sens entre elles, dans une tentative de saisir et d’appréhender la pathologie dans la globalité de son expression et dans son épaisseur temporelle. Il semble s’attacher à identifier des liens de causalité, comme dans la lettre de consultation de M. de Bourgogne concernant une patiente : « La malade pour laquelle on a l’honneur de vous consulter, Monsieur, est âgée d’environ trente ans, elle a eu six enfants, en six ans, toutes les couches ont été fortes heureuses. Elle est d’un tempérament fort bilieux, pituiteux, prompte dans les actions. Elle fut attaquée, il y a cinq mois d’une fièvre continue avec une oppression et un crachement de sang […]. » Cette première citation confirme, là encore, que certaines informations ne semblent pas faire sens pour Geoffroy, car il ne les souligne pas : l’âge de la malade, son tempérament et sa constitution. Néanmoins, il commence ici par souligner les premières manifestations de la maladie pour mettre en évidence les liens qui peuvent exister entre elles : celles d’une fièvre avec une oppression et des expectorations de sang. Il termine sa lecture en continuant de souligner les manifestations corporelles et les symptômes décrits un peu plus loin dans la lettre : « […] le huitième jour, il parut des petites ébullitions blanches que le chirurgien appela “pourpre”, mais en petite quantité […]. » Ou encore : « […] elle ressent actuellement un mal à la poitrine, et ce depuis la maladie, il lui est testé aussi une latitude continuelle dans les jambes, et tous les soirs après le souper une petite émotion dans le pouls. » Et plus loin : « […] le battement de cœur augmente le soir après souper comme le pouls […]70. »

  • 71 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », art. cit.
  • 72 BIUS, Ms 5245, f199 à f200v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.
  • 73 Ibid. Texte souligné par Geoffroy.

34De manière assez conforme aux usages de la médecine des Lumières, Geoffroy met également en évidence le régime alimentaire de ses patients ainsi que les liens entre pathologie et environnement71. Il essaie non seulement de saisir des éléments de diagnostic, mais aussi d’inscrire l’individu dans un ensemble pathologique cohérent. Le mémoire du malade Titius est en cela éclairant : « Titius fait remarquer qu’il n’a de santé, de peu de durée, dans l’été et une partie de l’automne. Il habite la campagne et y fait plus d’exercice qu’à l’ordinaire72. » Geoffroy souligne la dernière partie de cette citation, exprimant un lien entre la pathologie, la saison et l’environnement. Un peu plus loin, le mémoire stipule que « la boisson de l’eau conviendrait à Titius en se privant totalement de l’usage de vin, mais [qu’]il n’a pu se déterminer à prendre ce parti dans la crainte d’achever de se détruire l’estomac73 ». Geoffroy met ainsi en évidence l’incapacité du malade à observer les thérapeutiques prescrites. Il souligne également les différentes informations médicales en rapport avec son parcours de soins antérieur – les saignées réalisées, le régime alimentaire prescrit, les bains, etc. – et semble mettre ces informations en lien avec l’évolution de la maladie et des symptômes.

  • 74 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », art. cit., p. 335.

35Enfin, si Geoffroy s’intéresse au comportement de ses malades, il ne semble pas s’attarder sur les inquiétudes, les angoisses et les obsessions des patients ou de leur entourage. La dimension subjective et personnelle des maux demeure dès lors moins considérée, suivant les conclusions de Roy Porter et Georges Vigarello sur l’appréhension différente des maux par les patients et les soignants : « Ceux qui souffrent font l’expérience de l’aspect personnel de la maladie ; il est plus probable que les docteurs, et particulièrement ceux qui ont des prétentions scientifiques ou un pouvoir institutionnel, soulignent ses aspects objectifs, puisque ce sont des faits objectifs qui étayent les diagnostics et les pronostics74. » L’ensemble des éléments soulignés donnent donc à voir la variété des données médicales que le médecin juge utile de confronter et de garder en mémoire pour assurer un meilleur suivi thérapeutique, mais aussi pour faciliter la rédaction de sa réponse.

  • 75 Sa production écrite varie en fonction du degré d’aboutissement des réponses formulées aux patient (...)

36Une fois la consultation reçue, lue et possiblement annotée, Étienne-François Geoffroy a pris l’habitude de préparer au brouillon une lettre de réponse, dont – chose rare – nous conservons la trace dans sa correspondance. Ceci permet de saisir les deux « versants » de l’échange épistolaire et ainsi de comprendre les tenants de la production et de l’appropriation des données médicales. Comme pour les lettres envoyées par les malades, il existe une typologie des documents produits par Geoffroy75. Dans la plupart des cas, la lettre de réponse est assez stéréotypée et ne contient pas que des données médicales ; elle comporte aussi des formules de politesse, des remerciements, la mention des intermédiaires, etc. Le médecin présente dès les premières lignes le diagnostic et l’explication des causes de la maladie, puis énumère les indications thérapeutiques à suivre par le malade ou à faire observer par l’intermédiaire (régime alimentaire, bouillons, purges, etc.). Il n’y a pas ou peu de formules de politesse finales, certainement parce qu’il s’agit de brouillons. Enfin, le médecin date sa lettre.

  • 76 BIUS, Ms 5241, f21, s. d.

37Le corpus contient aussi de nombreuses feuilles individuelles – souvent classées à la suite des consultations épistolaires –, qui peuvent comporter des notes prises par le médecin et les premiers éléments d’une réflexion sur la pathologie (figure 1). Elles indiquent très succinctement, sous la forme d’une liste, les indications thérapeutiques à suivre76.

Fig. 1 : Reproduction photographique d’une prise de notes d’Étienne-François Geoffroy à la suite de la lettre de consultation d’une patiente

Fig. 1 : Reproduction photographique d’une prise de notes d’Étienne-François Geoffroy à la suite de la lettre de consultation d’une patiente

Source : BIUS, Ms 5241, f21, s. d.

  • 77 BIUS, Ms 5243, f130 à f130v, s. d.
  • 78 BIUS, Ms 5241, f66 à f68v, s. d.

38Ces feuilles sont parfois suivies d’ordonnances (figure 2), regroupant des informations médicales sur les remèdes, les posologies ou les prix77, et parfois sur le lieu où le patient peut les retirer. Enfin, il arrive qu’il n’existe pas de trace de lettre de réponse. Pour autant, Geoffroy peut écrire son diagnostic en haut ou dans les marges de la consultation épistolaire avec d’autres annotations (figure 3)78.

Fig. 2, a et b : Reproduction photographique d’indications thérapeutiques et d’une ordonnance rédigées par Étienne-François Geoffroy

Fig. 2, a et b : Reproduction photographique d’indications thérapeutiques et d’une ordonnance rédigées par Étienne-François Geoffroy

Source : BIUS, Ms 5243, f130 à f130v, s. d.

Fig. 3 : Reproduction photographique d’annotations d’Étienne-François Geoffroy sur une lettre de Mme de la Courbonnet, adressée à Mme Geoffroy, concernant l’état de santé de son fils

Fig. 3 : Reproduction photographique d’annotations d’Étienne-François Geoffroy sur une lettre de Mme de la Courbonnet, adressée à Mme Geoffroy, concernant l’état de santé de son fils

Source : BIUS, Ms 5241, f66 à f68v, s. d.

  • 79 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », (...)
  • 80 Paul Dorveaux, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences », art. cit., p. 122.

39Lors de la rédaction de ces réponses, ordonnances ou autres documents professionnels, Étienne-François Geoffroy se sert donc de certaines informations médicales tirées des consultations épistolaires pour produire, à son tour, de nouvelles données. C’est notamment le cas du diagnostic et des indications thérapeutiques. Ces dernières constituent des données intrinsèquement liées à la pratique des médecins, à leurs préférences thérapeutiques, et celles de Geoffroy sont clairement liées à son parcours atypique. La dimension prescriptive de ses écrits est d’autant plus importante qu’il n’est pas qu’un simple médecin, il est aussi un académicien et un apothicaire intéressé par la chimie et la botanique79. Geoffroy est en effet convaincu de l’existence de liens entre médecine et chimie, ayant prouvé dans sa première thèse – soutenue en 1702 – que le médecin-philosophe doit aussi être un médecin-chimiste80.

  • 81 Olivier Faure, Histoire sociale de la médecine (xviiie-xxe siècles), Paris, Anthropos-Economica, 1 (...)
  • 82 Edmond Dupuy, Notices biographiques sur les médaillons de la nouvelle École supérieure de pharmaci (...)
  • 83 BIUS, Ms 5245, f125 à f125v.
  • 84 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », (...)
  • 85 Ibid.

40S’il mobilise abondamment la pharmacopée et les pratiques thérapeutique de son temps (régimes alimentaires, purges, lavements, bouillons, tisanes ou décoctions, à lier avec des bains et des saignées81), Geoffroy se singularise par son emploi des eaux. À la différence de certains de ses confrères, il cherche l’eau dont la composition chimique est la plus adaptée au soulagement du patient, en s’appuyant sur ses connaissances et recherches en chimie82. Pour une malade, il prescrit ainsi de l’eau de Forges à la place de l’eau impériale de Bellegarde, sûrement indiquée par un autre praticien : « L’eau impériale de Bellegarde ne convient point du tout à la dame malade. Elle lui provoquera la perte encore plus considérable sans soulager son mal de reins. Le remède naturellement indiqué dans cette occasion seront les eaux de Forges. […] C’est presque le seul et unique remède qu’il y a à faire dans les circonstances où elle se trouve83. » Isabelle Robin-Romero a toutefois souligné que « ce qui donne le plus souvent la petite note de chimie à ses consultations, c’est l’adjonction de sels aux remèdes84 ». Le sel est ainsi ajouté aux bouillons, tisanes et lavements, tandis qu’il constitue l’un de ses sujets d’étude privilégié au sein de l’Académie des sciences, où il entre dès 169985. Les données médicales produites par le médecin au sujet de ses patients sont dès lors marquées par sa propre pratique, sa formation et ses centres d’intérêt et de recherche, et en ce sens aussi liées à la subjectivité du praticien.

*

41La correspondance d’Étienne-François Geoffroy, par la multiplicité de ses acteurs et actrices ainsi que par ses modalités pratiques, permet de suivre l’élaboration successive de données médicales au cours de la relation thérapeutique, en même temps qu’elle fait saillir différents points de vue sur les informations jugées utiles au soin. Au cours des xviie et xviiie siècles, ces données médicales revêtent tout d’abord une dimension matérielle, elles sont inscrites sur le papier de la consultation, de la réponse, de l’ordonnance, qui passe de main en main. Elles renvoient également à des temporalités spécifiques, relatives au temps de réflexion et d’écriture, puis de cheminement jusqu’aux destinataires, un temps d’attente, comme suspendu. Les données médicales sont surtout humaines, intrinsèquement subjectives, parce qu’elles sont transformées par le processus de mise en récit des maux des malades, mais aussi par les observations, les choix et tris opérés à leur tour par les intermédiaires et les soignants. La dimension collective de la gestion de la maladie mène ainsi à une forme de polyphonie qui renvoie à des légitimités concurrentes ou complémentaires à dire le corps, ses symptômes et ses traitements. Elle donne à voir une écriture complexe des données médicales, c’est-à-dire de ce qui fait sens, de ce qui compte, dans le parcours de soins et son vécu. Les données médicales sont dès lors produites dans un contexte d’intersubjectivité et de plurisubjectivité par une variété d’acteurs, montrant des confrontations de points de vue, de sens aussi, des registres d’énonciation distincts du corps et de ses manifestations, en fonction des postures assumées au cœur de la relation de soin.

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Notes

1 Étienne-François Geoffroy, Correspondance, Paris, 1714-1730, Bibliothèque interuniversitaire de santé (BIUS), Ms 5245, f 233 à f 234v, 6 mars 1725.

2 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », Dix-huitième siècle, 40, 2008, p. 605-618, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/dhs.040.0605.

3 Entré en application le 25 mai 2018.

4 CNIL, « Qu’est-ce qu’une donnée de santé », en ligne : https://www.cnil.fr/fr/quest-ce-ce-quune-donnee-de-sante (consulté le10 juin 2022).

5 Roy Porter, « The Patient’s View. Doing Medical History from Below », Theory and Society, 14 (2), 1985, p. 175-198.

6 Philip Rieder, La figure du patient au xviiie siècle, Genève, Droz, 2010, p. 13.

7 Laurence Brockliss, « Consultation by Letter in Early Eighteenth-Century Paris. The Medical Practice of Étienne-François Geoffroy », dans Ann La Berge, Mordechai Feingold (dir.), French Medical Culture in the Nineteenth Century, Leyde, Brill, 1994, p. 79-117.

8 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires : la correspondance de Geoffroy au début du xviiie siècle », dans Élisabeth Belmas, Serenella Nonnis-Vigilante (dir.), Les relations médecin-malade des temps modernes à l’époque contemporaine, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 49-64.

9 Selon Guillaume Calafat, « l’étymologie du mot “expert” rappelle que la compétence de ce dernier se fonde avant tout sur un savoir-faire, acquis à force d’expérience : l’expertus latin, tiré du verbe experiri, est celui “qui a fait ses preuves, qui a de l’expérience, qui est habile” ». Guillaume Calafat, « Expertise et compétences. Procédures, contextes et situations de légitimation », Hypothèses, 14 (1), 2011, p. 95-107.

10 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », dans Élisabeth Belmas, Serenella Nonnis-Vigilante (dir.), La santé des populations civiles et militaires : nouvelles approches et nouvelles sources hospitalières, xviie-xviiie siècles, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 191‑207.

11 Ibid.

12 Edmond Dupuy, Notices biographiques sur les médaillons de la nouvelle École supérieure de pharmacie de Paris, Paris, A. Delahaye et E. Lecrosnier éditeurs, 1881. p. 39.

13 Notamment Jean-Dominique Cassini et Wilhelm Homberg : voir Paul Dorveaux, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences : IV. Gilles-François Boulduc ; V. Étienne-François Geoffroy », Revue d’histoire de la pharmacie, 74, 1931. p. 119.

14 Ibid.

15 Pour une biographie plus complète d’Étienne-François Geoffroy, voir Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit., ainsi que le dossier qui lui est consacré dans la base biographique en histoire de la santé disponible sur le site de l’université Paris Cité : https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/biographies/?cle=16925 (consulté le 10 juin 2022).

16 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit.

17 Paul Dorveaux, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences », art. cit., p. 121.

18 En témoigne la lettre de Peller adressée à Étienne-François Geoffroy en mars 1725 (BIUS, Ms 5245, f233 à f234v, 6 mars 1725).

19 BIUS, Ms 5241, f200 à f201v.

20 Voir le cas d’un homme d’affaires qui regrette d’avoir manqué Geoffroy : BIUS, Ms 5241, f11 à f12v., 18 avril 1727.

21 Lettre de réponse de Geoffroy qui indique que les thérapeutiques n’ont pas été prescrites assez longtemps ni de manière assez efficace pour un malade qui souffre d’un abcès (BIUS, Ms 5242, f3 à f3v).

22 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy (1672-1731) : étude de la relation médecin-patiente, mémoire de master de recherche en histoire dirigé par Nahema Hanafi, université d’Angers, 2018, p. 4.

23 Voir Stéphane Van Damme, « La sociabilité intellectuelle. Les usages historiographiques d’une notion », Hypothèses, 1998, p. 121-132.

24 Établissement d’enseignement et de recherche mis en place sous François Ier.

25 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires : la correspondance de Geoffroy au début du xviiie siècle », art. cit., p. 50.

26 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. cit., p. 155.

27 BIUS, Ms 5241 à Ms 5245. Cette typologie est reprise des travaux de Séverine Pilloud sur la correspondance de Samuel Auguste Tissot, Les mots du corps : expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du 18e siècle, Samuel Auguste Tissot, Genève, Éditions BHMS, 2013. p. 38.

28 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires… », art. cit., p. 50.

29 Ce qui représente 14 % des 419 malades présentés dans la correspondance d’Étienne-François Geoffroy. Pour les autres, la rédaction de la lettre est prise en charge par des individus extérieurs, des intermédiaires.

30 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. cit., p. 49.

31 Passant de 22 femmes qui consultent entre 40 et 49 ans à 8 femmes qui sollicitent Geoffroy entre 50 et 59 ans (Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. cit., p. 54).

32 Martin Dinges et al. (dir.), Medical Practice, 1600-1900. Physicians and Their Patients, Leyde, Brill, 2016.

33 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Seventeenth to Nineteenth Centuries », dans Martin Dingues et al., Medical Practice, 1600-1900…, op. cit., p. 47.

34 Histoire médecine et santé, 1, 2012, dossier thématique « Pudeurs », dirigé par Nahema Hanafi.

35 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Seventeenth to Nineteenth Centuries », art. cit., p. 49.

36 Annemarie Kinzelbach et al., « Observationes et Curationes Nurimbergenses. The Medical Practice of Johann Christoph Götz (1688–1733) », dans Martin Dingues et al., Medical Practice, 1600-1900…, op. cit., p. 178.

37 Marion Baschin, Elisabeth Dietrich-Daum, Iris Ritzmann, « Doctors and Their Patients in the Seventeenth to Nineteenth Centuries », art. cit., p. 49.

38 BIUS, Ms 5242, f215 à f217v, 10 septembre 1727.

39 Alexandre Klein, « Au-delà du masque de l’expert. Réflexions sur les ambitions, enjeux et limites de l’Éducation Thérapeutique du Patient », Rééducation orthophonique, 259, 2014, p. 37-57.

40 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », art. cit.

41 BIUS, Ms 5245, f158 à f158v, s. d.

42 BIUS, Ms 5241, f62 à f63v, 21 septembre 1723.

43 BIUS, Ms 5254, f5 à f6v, 30 janvier 1724.

44 Les humeurs mélangées, présentes en différentes quantités, donnent alors des tempéraments pouvant notamment expliquer les qualités physiques ou morales, mais aussi les défauts de chaque individu. Chacun ayant un équilibre humoral propre, il apparaît nécessaire d’en faire part au médecin lors d’une consultation : on parle alors d’idiosyncrasie.

45 Voir Philip Rieder, « Soi et santé : écrire ses maux au siècle des Lumières », dans Élisabeth Arnoul, Jean-Pierre Bardet, François-Joseph Ruggiu (dir.), Les écrits du for privé en Europe, du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Enquêtes, analyses, publications, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2010, p. 315-330.

46 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (dir.), Histoire du corps, t. 1, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions du Seuil, 2005. p. 366.

47 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », art. cit., p. 367.

48 BIUS, Ms 5244, f78 à f79v, s. d.

49 Marie Guais, Les consultations épistolaires du médecin parisien Étienne-François Geoffroy…, op. cit., p. 84.

50 Bien que nous n’en ayons aucune preuve dans la correspondance de Geoffroy et que la vulgarisation médicale se développe surtout dans la seconde moitié du xviiie siècle. Voir Roseline Rey, « La vulgarisation médicale au xviiie siècle : le cas des dictionnaires portatifs de santé », Revue d’histoire des sciences, 44 (3-4), 1991, p. 414.

51 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 75.

52 Il y a aussi une part importante d’individus qui interviennent sans que l’on sache sous quel statut. C’est le cas de plus de 41 % des médiateurs.

53 Individus non malades qui écrivent pour des malades. Voir Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 76-77.

54 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires… », art. cit., p. 56.

55 BIUS, Ms 5242, f215 à f216v, 10 septembre 1724.

56 Moins de 2 % des malades y ont recours.

57 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 77.

58 BIUS, Ms 5243, f240 à f241v, septembre 1725.

59 Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires… », art. cit., p. 56.

60 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 11.

61 BIUS, Ms 5244, f50 à f50v, s. d.

62 Nahema Hanafi, Le frisson et le baume : expériences féminines du corps au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 86.

63 BIUS, Ms 5244 f70 à f71v, s. d.

64 Sur la typologie des soignants (officiels ou non) dans le contexte d’une pratique de la médecine non unifiée, voir Philip Rieder, « Médecins et patients à Genève : offre et consommations thérapeutiques à l’époque moderne », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 52 (1), 2005, p. 39-63.

65 C’est notamment le cas pour M. Dubois, « Médecin du Roi à Rennes », selon les dires d’Étienne-François Geoffroy (BIUS, Ms 5242, fv27). Dubois et Geoffroy nourrissent une relation épistolaire fournie, portant à la fois sur les patients rennais, sur la santé de Dubois et sur sa pratique professionnelle. Voir Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit.

66 Même s’il est difficile de saisir le moment où les médiateurs de l’écrit entrent en contact avec le malade, il est impensable de croire que tous les médiateurs de l’écrit s’imposent aux malades.

67 Séverine Pilloud, Les mots du corps…, op. cit., p. 89.

68 Dans cinq lettres seulement.

69 BIUS, Ms 5241, f5 à f5v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.

70 BIUS, Ms 5243, f153 à f154v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.

71 Vincent-Pierre Comiti, « Les langues de la médecine au 18e siècle », art. cit.

72 BIUS, Ms 5245, f199 à f200v, s. d. Texte souligné par Geoffroy.

73 Ibid. Texte souligné par Geoffroy.

74 Roy Porter, Georges Vigarello, « Corps, santé et maladies », art. cit., p. 335.

75 Sa production écrite varie en fonction du degré d’aboutissement des réponses formulées aux patients : lettre de réponse entièrement rédigée au brouillon, ordonnance, feuille individuelle avec notes et éléments de réflexion, annotations directes sur la lettre du patient.

76 BIUS, Ms 5241, f21, s. d.

77 BIUS, Ms 5243, f130 à f130v, s. d.

78 BIUS, Ms 5241, f66 à f68v, s. d.

79 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit.

80 Paul Dorveaux, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences », art. cit., p. 122.

81 Olivier Faure, Histoire sociale de la médecine (xviiie-xxe siècles), Paris, Anthropos-Economica, 1994, p. 24-25 et 31.

82 Edmond Dupuy, Notices biographiques sur les médaillons de la nouvelle École supérieure de pharmacie de Paris, op. cit., p. 40 ; Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit.

83 BIUS, Ms 5245, f125 à f125v.

84 Isabelle Robin-Romero, « Étienne-François Geoffroy (1672-1731) entre l’Académie et ses patients », art. cit.

85 Ibid.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Reproduction photographique d’une prise de notes d’Étienne-François Geoffroy à la suite de la lettre de consultation d’une patiente
Crédits Source : BIUS, Ms 5241, f21, s. d.
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Titre Fig. 2, a et b : Reproduction photographique d’indications thérapeutiques et d’une ordonnance rédigées par Étienne-François Geoffroy
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/6067/img-2.jpg
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Crédits Source : BIUS, Ms 5243, f130 à f130v, s. d.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/6067/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 645k
Titre Fig. 3 : Reproduction photographique d’annotations d’Étienne-François Geoffroy sur une lettre de Mme de la Courbonnet, adressée à Mme Geoffroy, concernant l’état de santé de son fils
Crédits Source : BIUS, Ms 5241, f66 à f68v, s. d.
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Pour citer cet article

Référence papier

Marie Guais, « Les données médicales dans les consultations épistolaires d’Étienne-François Geoffroy (1672-1731) »Histoire, médecine et santé, 22 | 2022, 47-68.

Référence électronique

Marie Guais, « Les données médicales dans les consultations épistolaires d’Étienne-François Geoffroy (1672-1731) »Histoire, médecine et santé [En ligne], 22 | hiver 2022, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/6067 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.6067

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Auteur

Marie Guais

Laboratoire Temps, Mondes, Sociétés (TEMOS, UMR 9016), Le Mans Université

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