Observation et instrumentalisation de la douleur du cheval dans la littérature technique du xvie siècle
Résumés
Le cheval tient une place à part dans l’histoire des sociétés humaines qui ont inlassablement porté sur lui un regard attentif pour tenter de mieux le soigner et le dresser. Au milieu du xvie siècle, ce double objectif connaît un bouleversement dans son mode de transmission : alors qu’il était assumé jusque-là par la longue tradition des traités hippiatriques, il est désormais repris par les premiers manuels d’équitation. En parallèle, les réflexions sur la douleur de l’animal accompagnent ce basculement : si les vétérinaires se sont d’abord concentrés sur la douleur subie par le cheval et semblent même avoir réservé le terme aux maladies qui se rapportent aux désordres internes de l’animal, les cavaliers s’intéressent plutôt à la douleur qu’ils font subir au cheval dans le cadre du dressage et qui peut s’avérer totalement improductive lorsqu’elle achève de terroriser la bête. Après les tentatives d’observation et de description des symptômes physiques, l’intérêt se porte alors sur la psychologie des chevaux, jusqu’à parfois valoriser un idéal de douceur à leur égard.
Entrées d’index
Mots-clés :
cheval, médecine vétérinaire, traités hippiatriques, manuels d’équitation, hippologie, dressage, sémiologieKeywords:
horse, veterinary medicine, hippiatric treatises, manuals of horsemanship, hippology, training, semiologyPlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 C’est cette « culture équestre » commune aux hippiatres et aux cavaliers que Daniel Roche a mise e (...)
- 2 Sur le statut mouvant du cheval sur le terrain militaire, voir les pages éclairantes de Nicolas Le (...)
1En raison de la multiplicité des rôles joués par le cheval dans les sociétés anciennes, tant du point de vue économique que militaire ou symbolique, cette espèce a fait l’objet d’un nombre considérable de traités, de nature essentiellement érudite ou technique, qui tous reflètent un souci évident du soin à apporter au coûteux animal. Cet article entend mettre en rapport les différentes réflexions sur la douleur à l’intérieur de deux corpus distincts, dont les visées paraissent à première vue radicalement différentes, mais qui entretiennent une proximité certaine dans la mesure où l’un et l’autre assument un discours normatif exclusivement consacré au cheval et nouent par là, notamment dans l’histoire de leur transmission, des liens parfois étroits1. Il s’agit tout d’abord des textes issus de la tradition hippiatrique, connus depuis l’Antiquité et redécouverts à la Renaissance, qui évoquent la douleur comme un signe clinique à observer et interpréter. Il sera ensuite question d’un ensemble de textes plus original, celui des traités d’équitation, qui essaiment en Europe à partir de la seconde moitié du xvie siècle. En lien avec les nouvelles formes de civilité qui accompagnent les profonds bouleversements sociaux et politiques de l’époque, mais également en raison d’une refonte progressive des armées, imposée par la révolution technologique de l’artillerie, le cheval acquiert un statut nouveau qui participe de la redéfinition de l’identité nobiliaire2. Les attributs de représentation symbolique et sociale traditionnellement attachés à l’animal se renforcent considérablement et s’affinent dans un idéal de maîtrise technique d’une grande virtuosité, laquelle suppose l’apprentissage d’une nouvelle gestuelle tant de la part des cavaliers que de leur monture. Ces traités intègrent des remarques sur la difficulté qui consiste à faire réaliser au cheval des mouvements qui n’ont, pour lui, rien de naturel : cela suppose de recourir à une forme de violence, qui doit rester la plus discrète possible pour ne pas ternir l’idéal d’une communication évidente et naturelle entre l’homme et la bête.
2Dans les textes issus de la tradition hippiatrique, la douleur fait l’objet d’un questionnement presque systématique tant elle est essentielle pour la sémiologie médicale. En effet, comme c’est le cas pour tout animal dénué de langage articulé, cette sensation ne s’exprime pas autrement que par des signes concrets qui sont les principales – et souvent les seules – informations dont disposent les soignants et les propriétaires de chevaux pour juger de l’état de santé d’un animal, poser un diagnostic et prendre, le cas échéant, les décisions thérapeutiques qui s’imposent. En tant qu’expérience sensorielle pénible pour l’animal, qui implique des réactions ou des réflexes de défense manifestes, la douleur est ainsi déduite de comportements atypiques de l’animal (gestes, sons, attitude générale, etc.), par comparaison avec un état considéré comme normal. Aussi n’est-il pas surprenant de constater que les traités vétérinaires anciens ont placé dans une grande contiguïté – voire une certaine confusion – les manifestations corporelles et visibles de la douleur (les symptômes) et la cause de cette dernière (la maladie), qui est le plus souvent désignée du nom même de douleur.
3Dans le second corpus, constitué par des traités d’équitation, les réflexions sur la douleur apparaissent de façon plus indirecte et toujours ambiguë, car il s’agit cette fois de douleurs corporelles volontairement provoquées par le cavalier au moyen d’actes de violence, qu’ils soient anodins (par l’intermédiaire du mors, de la badine, des éperons et de l’ensemble des outils de contrainte) ou exceptionnels (dans le cas de véritables dispositifs de torture). C’est bien dans le cadre d’une réflexion sur la notion de douleur que doivent être comprises ces pratiques violentes, dans la mesure où celles-ci ne valent pas pour elles-mêmes, mais sont justifiées par la douleur que ressent le cheval et surtout par la réaction d’évitement qui est censée en résulter. En ce sens, ces brutalités sont légitimées par une théorie de la douleur qui s’appuie sur les indications apportées au fil du temps par les traités vétérinaires ou de maréchalerie. Plus précisément, elles dépendent d’une psychologie animale pensée par analogie avec celle des hommes – ou plutôt des enfants – dans le cadre de situations d’apprentissage. Autrement dit, elles partent du principe que le cheval aspire à conserver son intégrité physique et à éviter des douleurs inutiles. Ainsi, par l’expérience répétée de souffrances qu’il ressent dans une situation donnée (en particulier à la suite d’un ordre ou d’un geste de son cavalier), le cheval identifie peu à peu le comportement, les gestes, la position de son corps qui lui permettent de les éviter. C’est sur cette compréhension sommaire de l’éthologie équine que s’est bâti le prestigieux édifice de l’art équestre, y compris dans ses raffinements les plus techniques.
- 3 Ces réflexions nous sont inspirées en partie par l’article de Valérie Gitton-Ripoll qui observe, a (...)
4Dans l’un et l’autre cas, la douleur est un signe à interpréter soit par les hommes (dans le cas des traités vétérinaires), soit par les chevaux eux‑mêmes (dans le cas des traités équestres). Mais, comme tout signe, en particulier lorsqu’il relève d’un langage corporel, elle n’est pas sans ambiguïté : elle est à la fois un mal à combattre et un moyen d’observation particulièrement précieux pour le vétérinaire qui se trouve face au mystère du fonctionnement interne de l’animal ; pour le cavalier, qui entend disposer d’une monture docile et obéissante, elle est un instrument de coercition qui participe au processus d’apprentissage autant qu’un écueil périlleux si elle est employée avec excès ou de façon trop manifeste. Enfin et surtout, dans l’un et l’autre cas, elle est un instrument d’assujettissement de l’animal, toujours soumis aux intérêts des hommes3.
Les hippiatres et l’observation de la douleur des chevaux malades
Transmission et transformation du corpus hippiatrique
- 4 Sur la transmission de ce corpus médical, voir le travail pionnier de Yvonne Poulle-Drieux, « L’hi (...)
- 5 Voir Stavros Lazaris, « Contribution à l’étude de l’hippiatrie grecque et de sa transmission à l’O (...)
5Parmi tous les textes qui concernent le cheval, les plus anciens et les plus nombreux sont ceux destinés à préserver sa santé et à soulager les maux qui l’accablent. À partir de la Grèce antique, cette littérature spécialisée s’est constituée en une véritable tradition textuelle (les Hippiatrica), qui a été transmise vaille que vaille jusqu’à l’orée de la Renaissance4. En effet, dès les débuts de l’imprimerie, ce fonds de connaissances médicales est passé en Europe grâce à l’édition des traités savants de la fin du Moyen Âge5. En outre, les nombreuses traductions, notamment françaises, indiquent que ces textes s’adressaient, au moins en seconde main, à un lectorat plus large que le premier cercle des érudits, en particulier la noblesse d’armes, les riches propriétaires ou les maréchaux qui ne disposaient d’aucune formation universitaire.
- 6 Pietro de Crescenzi, Le Livre des ruraulx prouffitz du labour des champs, 1re éd. en français, Par (...)
- 7 Sur l’histoire de la transmission des textes d’agronomie, voir l’exposition virtuelle Le ménage de (...)
6Le premier de ces textes qui nous soit parvenu est le De medicina equorum, composé en 1250 par Giordano Ruffo, maréchal attaché à la cour de Frédéric II ; malgré plusieurs manuscrits en français, le texte n’a été imprimé qu’en italien, dans pas moins de quinze éditions. Son travail a été néanmoins largement repris par d’autres auteurs qui, eux, ont fait l’objet de très nombreuses publications en France, à l’image de Pietro de’ Crescenzi, qui consacre la plus longue partie de son traité d’agronomie à l’élevage, et essentiellement à celui des chevaux. Achevé au tout début du xive siècle, le Liber ruralium commodorum de Crescenzi est devenu un classique de la littérature agricole au début du xvie siècle, tant en raison des informations toujours profitables qu’il dispense sur les réalités rurales que du plaisir que l’on tire d’une lecture qui compile les agronomes latins comme Varron ou Columelle et des traités contemporains comme celui de Ruffo6. Cet ouvrage est repris et inséré dans la tradition agronomique de la Renaissance jusqu’à L’agriculture et maison rustique de Charles Estienne et Jean Liébault (1564), dont le succès sert de nouveau relais à la diffusion de Crescenzi et Ruffo dans toute l’Europe, notamment en Angleterre où Gervase Markham traduit en 1616 la somme des deux auteurs français7. C’est ce même polygraphe anglais qui propose par ailleurs un manuel complet d’élevage des chevaux, intégrant une réflexion sur les dernières avancées de l’art équestre, ce qui témoigne bien des liens étroits qu’entretiennent le corpus hippiatrique et les traités d’équitation, dont la répartition en deux ensembles distincts ne doit pas empêcher d’observer les nombreux effets de suture.
- 8 Lorenzo Rusio, La mareschalerie, Paris, Chrétien Wechsel, 1533.
- 9 Jean Massé, L’art veterinaire ou Grande marechalerie, Paris, Charles Périer, 1563, « Espitre », fo (...)
- 10 Barthélemy l’Anglais, Le proprietaire des choses tresutille et proffitable aux corps humains […]. (...)
7Puis, à la fin du xiiie siècle, Lorenzo Rusio écrit son Liber marescalciæ en s’inspirant, dit-il, d’Hippocrate et Claude Galien ; l’ouvrage connaît une première édition imprimée vers 1489 et une traduction française publiée en 1533, dans une élégante édition de Chrétien Wechel, sur le modèle du volume en latin que l’imprimeur venait de faire paraître l’année précédente8. Ce texte rencontre un succès manifeste, puisqu’il est réimprimé une dizaine de fois au cours du siècle, et doit être considéré comme l’ouvrage de référence pour l’époque tant il est repris et adapté. Ruffo comme Rusio s’inspirent directement d’un fonds de textes anciens, dont certains nous sont parvenus de façon autonome, telle la Mulomedicina de Végèce (fin du ive siècle), sortie des presses de Johannes Faber à Bâle en 1528. Deux ans plus tard, Jean Ruel, le médecin de François Ier, fait paraître la première édition latine des sources hippiatriques grecques, elles-mêmes publiées en version originale peu de temps après. C’est cette œuvre, attribuée à Hiéroclès et Apsyrtos, que Jean Massé entend traduire – ou plutôt adapter – en français « à fin que ce thresor soit communiqué à tous, qui n’entendent Grec ny Latin9 », mais aussi parce qu’elle doit servir à compléter les travaux de Rusio et ceux plus récents de Conrad Gessner, qui consacre au cheval le plus long des chapitres du premier volume de son Historia animalium (1551). Pour être complet, il faudrait ajouter à ces traités des textes épars, tels les réceptaires, en particulier celui attribué au maréchal de Lozenne, petit fascicule qui, sous le titre de La medecine des chevaulx et bestes chevalines, dut connaître une diffusion importante, puisque l’on en dénombre plusieurs éditions, dont l’une complète même l’encyclopédie médiévale de Barthélemy l’Anglais, l’un des ouvrages scientifiques les plus largement diffusés au début du xvie siècle10. De nombreux opuscules du même genre sont répertoriés dans les catalogues des bibliothèques et recouvrent sans doute, sous des titres divers, la même matière transmise par la tradition antique et médiévale.
Les signes de la douleur à interpréter
- 11 Voir, par exemple, les quatre chapitres successifs que Ruffo consacre à la « douleur » causée par (...)
- 12 L. Rusio, La mareschalerie, op. cit., chap. 150, fol. 59 v. : « Ainsi la douleur cessera car la ca (...)
8Malgré l’impression d’éparpillement et de foisonnement entre des textes spécialisés, consacrés exclusivement aux savoirs hippiatriques, et des ouvrages plus généraux d’économie rurale qui mentionnent le cheval au détour d’une partie seulement, le discours médical reste sensiblement le même dans la plupart de ces ouvrages : l’observation de la douleur joue un rôle central dans l’établissement des diagnostics, d’autant plus que ces derniers portent sur des patients incapables de la verbaliser. Ainsi, l’étude des différentes manifestations symptomatiques de la souffrance est souvent le principal indice à partir duquel il est possible de déduire la survenue d’une affection ou d’un dysfonctionnement des organes internes. Dans la tradition hippiatrique, ce seul nom de dolor désigne même plus spécifiquement les maladies sans manifestations externes, comme les coliques particulièrement redoutées, car difficiles à anticiper et causes d’une dégradation rapide de l’état de santé de l’animal. En ce sens, la douleur se distingue des blessures, lésions, inflammations, chancres et autres parasites plus facilement discernables11. Jean Massé adopte à son tour ce terme pour traduire les titres d’un certain nombre de chapitres des Hippiatrica : « douleur du chef », « douleurs de nerfs », « douleurs d’espaule », « douleurs du foye » désignent ainsi de façon métonymique une affection interne qu’il est, par nature, difficile de qualifier plus précisément. Au reste, de même que l’apparition de la douleur signifie le début de la maladie, de même sa disparition marque sa fin et acte le succès de la thérapeutique12.
- 13 Ibid., chap. 148 et 150, fol. 59 v. : « seuffre es entrailles si fort que a peine se peult il soub (...)
- 14 J. Massé, L’art veterinaire…, op. cit., liv. III, fol. 167 r.
- 15 Ibid., liv. II, fol. 135 v.
9Puisque, pour cette littérature vétérinaire, la douleur paraît plus spécifiquement réservée aux maux internes et invisibles, celle-ci est scrupuleusement décrite et ses manifestations physiques doivent permettre à l’observateur de se repérer dans les différents diagnostics proposés par les auteurs. Si Ruffo, repris par Rusio, se contente de distinguer la souffrance physique en degrés, le plus souvent extrêmes, il se laisse parfois aller à des précisions plus imagées : il évoque ainsi des douleurs qui contraignent le cheval « à se getter en terre », puis l’empêchent de se relever13. Jean Massé, quant à lui, entreprend parfois de véritables petits morceaux de bravoure littéraire pour définir la douleur au plus près de chaque affection ; ainsi écrit-il à propos du cheval qui souffre d’une inflammation de la luette : « Il ne peut manger, boire, avaler, ny respirer, il secoue les aureilles incessamment, et ne veut qu’on les attouche, il ne fait que lecher la viande [nourriture], il est fort alteré, il tremble de coups en fois, et est en grande chaleur, il se dejette et couche sur terre, la frappant de la teste14. » Et pour celui affecté d’un rhume de cerveau : « Le cheval qui a douleur de teste, a tousjours le regard en terre, et ne la peut relever, il a le yeux esblouys, et luy larmoient, il craint et doute ce qui se r’encontre à ses piez, et pource il clignotte des yeux, et ne regarde qu’à peine15. » À chaque maladie correspond donc une douleur qui se manifeste dans une combinaison toujours unique de différents « signes » physiques. C’est la description attentive de ces symptômes, dans leur succession et ordre d’apparition, qui permet aux vétérinaires de distinguer des maladies qu’il n’est pas possible d’observer autrement, ou alors seulement par une palpation sommaire qui est, au reste, rarement mentionnée dans nos traités.
10Par conséquent, la maladie est déduite d’une sémiologie faite à partir d’un ensemble de manifestations sensibles perçues par l’observateur. Ces dernières ne deviennent lisibles qu’en raison d’une connaissance intime du cheval et de son comportement, d’abord de la part de ceux qui en ont la charge au quotidien, puis, si besoin est, par l’intermédiaire des connaissances pratiques et érudites d’un spécialiste disposant d’une expérience plus vaste et donc capable, par des observations comparées, de poser un diagnostic plus précis. À ce titre, le vétérinaire du xvie siècle est nécessairement en prise directe avec une expérience de terrain afin de connaître le naturel des équidés et de repérer les écarts par rapport à cette norme. Le diagnostic dépend d’une familiarité du regard, qui incombe en premier lieu au propriétaire du cheval, comme le rappelle Leon Battista Alberti qui, dans un traité écrit au milieu du xve siècle, s’appuie toujours sur Ruffo pour l’essentiel de la documentation hippiatrique, mais l’intègre aux nouvelles exigences de la civilité humaniste et valorise alors dans la relation entre l’homme et le cheval l’exercice des vertus morales :
- 16 Leon Battista Alberti, Le cheval vivant [De equo animante, 1441], trad. par Jean-Yves Boriaud, Par (...)
Si le cheval, en effet, ne va pas bien, quelques signes [signa] peuvent nous le faire comprendre. Il en ira ainsi quand ce cheval ne se conduira pas selon ce qu’étaient ses anciennes habitudes, quand il usait normalement de ses membres pour accomplir son devoir. Si, par exemple, il dort davantage, s’il est moins actif, s’il mange avec trop de voracité, s’il boit trop goulûment, s’il repousse avec dégoût boisson ou nourriture, s’il urine un peu plus ou un peu moins, s’il a le ventre plus relâché ou plus constipé, s’il reste inerte, la nuque inclinée vers le sol, s’il est gêné dans sa respiration, si, de son ventre, il émet des pets inquiétants et malodorants, s’il a les oreilles un peu froides, s’il transpire au repos, s’il a l’haleine mauvaise, s’il maigrit ou gonfle. Tous ces signes nous font ainsi comprendre que le cheval n’est pas en bonne santé16.
11De cette connaissance et observation des habitudes des chevaux en général et du cheval malade en particulier dépend la précision du diagnostic.
- 17 Pasquale Caracciolo, La gloria del cavallo, Venise, Gabriele Giolito de Ferrari, 1567, liv. III, p (...)
- 18 Gervase Markham, Cavelarice, or The English Horseman, Contayning all the Arte of Horse-manship, Lo (...)
- 19 Cette hiérarchie est figurée par une illustration du Livre du sage de Charles de Bovelles, qui cho (...)
12En outre, l’hippiatre peut compter sur la proximité évidente entre la médecine des chevaux et celle des hommes. En effet, au moins depuis Alberti, c’est un lieu commun des traités consacrés aux chevaux de considérer le plus noble des animaux comme un double presque parfait de l’homme, y compris dans ses émotions et ses ambitions. Mais, dans les traités vétérinaires, cette comparaison s’observe aussi d’un point de vue physiologique. Pour le compilateur napolitain Pasquale Caracciolo, par exemple, le cheval mérite bien d’être placé à un rang tout à fait à part dans le règne animal, puisqu’il est le seul – avec l’éléphant, cet autre cheval venu d’Inde – à partager « une nature chaude et une complexion humide » proche de celle de l’homme, et à pouvoir prétendre ainsi au tempérament parfait17. Au début du xviie siècle, Markham continue de se faire l’écho d’une telle théorie en décrivant la « composition des chevaux » selon la théorie galénique des humeurs18. Ce parallèle est par ailleurs largement justifié par la place d’exception que tiennent les chevaux dans la culture occidentale, qui les situe juste en dessous des hommes dans l’échelle des êtres19.
- 20 Végèce, Artis veterinariæ, sive Mulomedicinæ libri quatuor, Bâle, Johannes Faber, 1528, liv. I, ch (...)
- 21 L. Rusio, La mareschalerie, op. cit., chap. 151, fol. 60 r. : « Le cheval regarde souvent es lieux (...)
- 22 Végèce, Artis veterinariæ, sive Mulomedicinæ libri quatuor, op. cit., liv. III, chap. 59 (« De inf (...)
- 23 J. Massé, L’art veterinaire…, op. cit., « Espitre », fol. 3 v.
13Et pour Végèce déjà, il s’agit d’une proximité qui concerne même l’ensemble des animaux, humains ou non, réunis dans l’expérience d’un corps qui souffre : « Nous l’emportons sur les autres animaux en tant qu’êtres de raison, mais en ce qui concerne la nature du corps, elle est commune à tous, surtout dans les douleurs20. » Mais, à la différence des autres animaux, il ne manque aux chevaux que la parole. D’ailleurs, Rusio indique qu’ils se font aisément comprendre des hommes en désignant parfois d’un regard ou d’un geste de la tête l’endroit précis où se localise leur douleur21. Depuis Végèce, qui évoque lui aussi ces tentatives de communication de la part du cheval, l’indication par un mouvement de tête est plus particulièrement associée à l’occlusion intestinale22 (voir fig. 1). Pour toutes ces raisons, il va donc de soi que les chevaux bénéficient d’un régime de santé d’exception, comparable en bien des points à celui des hommes. C’est en tout cas ce que Jean Massé appelle de ses vœux, lui qui encourage ses lecteurs à avoir « pareil soing et cure de leurs chevaux que de soymesmes23 ».
Fig. 1 : Épitomé de la Collection d’hippiatrie grecque, manuscrit de la fin du xive siècle
En haut, un traitement contre la diarrhée ; en bas, les symptômes d’une torsion de l’intestin.
Source : BnF, département des manuscrits, grec 2244, fol. 74 v., en ligne : http://mandragore.bnf.fr/ark:/12148/cgfbt171435j (consulté le 11 avril 2022).
- 24 G. Ruffo, Libro dell’arte de Marascalchi per conoscere la natura delli cavalli, et medicarli nelle (...)
14Pour autant, cette attention portée au corps de l’animal ne se limite pas au seul cadre médical ; force est en effet de constater que ces traités hippiques, dès l’origine, font tenir étroitement ensemble les recettes médicales, les savoirs anatomiques et les descriptions d’opérations chirurgicales, les conseils alimentaires, le calendrier et les astuces destinés à la reproduction, jusqu’à une revue de l’équipement nécessaire et un programme de bonne éducation. En somme, tout ce qui a trait de près ou de loin à la vie d’un cheval domestique, et non pas uniquement à sa santé. Et cette préoccupation hippologique prend même une proportion de plus en plus importante au cours du siècle, comme en témoigne l’évolution du traité de Ruffo qui, au fil des éditions, sans doute sous l’influence de celui de Rusio qui consacrait une quarantaine de chapitres à ces questions, intègre progressivement des remarques débordant le cadre strictement thérapeutique. Ainsi, dans la dernière édition connue, plusieurs chapitres sont ajoutés au début de l’ouvrage, dont le plus long évoque en détail les grands principes de l’art « de l’apprentissage et de la soumission du cheval24 ». Ce mouvement ira en s’accentuant dans les grandes compilations à sujet hippique de la seconde moitié du xvie siècle, comme celle de Caracciolo qui se propose de recueillir sur près de mille pages la totalité des informations littéraires à sa disposition sur l’animal. Ce genre de texte, inspiré des encyclopédies zoologiques pour lesquelles les savants et médecins de l’époque se passionnent, donne ainsi à lire un programme complet de soins, qui dépasse de très loin le strict domaine de la thérapeutique ou de l’anatomie pour inclure, sur le modèle des traités d’agronomie, des remarques plus générales sur l’élevage et l’entretien au quotidien (organisation des écuries, toilette, fourrage, reproduction, débourrage, etc.). Enfin, la plupart des auteurs de ces compilations consacrent désormais une part non négligeable de leur ouvrage aux techniques de monte et de dressage alors en plein essor.
15Ainsi, la douleur et ses signes ont d’abord ouvert un espace de communication entre le cheval et le soignant, permettant à ce dernier de mieux comprendre le fonctionnement du corps de l’animal. Ensuite, une fois acquis le principe de cet échange rudimentaire, la compréhension de la douleur du cheval semble avoir été précisée et détournée dans les traités d’équitation, qui s’en sont servis dans le cadre d’une relation beaucoup plus complexe et exigeante physiquement, afin de faire réaliser à l’animal des gestes et des mouvements étrangers à sa nature. Pour réussir à se jouer de la souffrance, de telles techniques supposent une bonne compréhension des signes par lesquels le cheval la manifeste, mais s’appuient également sur une psychologie qui, comme la médecine, est pensée par analogie avec celle des hommes. Évidemment, dans la relation thérapeutique, il n’est pas question d’œuvrer au bien-être de l’animal ou de traiter la douleur en elle‑même ; il s’agit principalement de rentabiliser un investissement économique, et donc de prévenir ou guérir toute maladie qui mettrait en péril ce dernier. De même, la douleur causée par la main du cavalier prolonge sous une forme radicalement exacerbée l’assujettissement du cheval à la volonté des hommes.
Les cavaliers et l’instrumentalisation de la douleur des chevaux de dressage
Enjeux psychologiques de la douleur corporelle
- 25 À propos de ces académies qui forment l’élite européenne aux arts de la danse et de l’équitation, (...)
16Dès le début de la Renaissance italienne, c’est un autre genre de spécialiste du cheval qui fait son apparition : le cavalier. Ce dernier prend peu à peu ses distances avec la figure du chevalier avant d’acquérir à la fin du siècle sa pleine autonomie, lorsque l’équitation devient un art à part entière dans lequel doivent exceller les jeunes hommes de la noblesse. La création d’académies consacrées à l’apprentissage du dressage est l’illustration la plus manifeste de cette transformation radicale des pratiques25. C’est dans ce cadre historique qu’émerge une nouvelle culture équestre, formalisée puis diffusée dans toute l’Europe à partir des années 1550 au moyen d’un corpus qui diverge assez nettement des textes issus de la tradition hippiatrique : celui des traités d’équitation.
17Au répertoire notablement enrichi des figures équestres répond une importante production imprimée et abondamment illustrée qui transmet autant qu’elle met en valeur ce nouvel art de monter à cheval. Dans ce corpus, la question de la douleur animale apparaît sous un jour nouveau, mais plus ambigu, car elle se pose désormais au détour de considérations sur la part de violence volontaire qu’implique le dressage et sur les enjeux psychologiques de la douleur corporelle, qui tantôt punit l’animal et tantôt l’incite à réaliser telle ou telle action, ce qui à force de répétitions lui permet de comprendre un ordre (verbal ou gestuel) et de réaliser la figure réclamée. Alors que l’observation de la douleur par les médecins avait permis de se former une image des entrailles du cheval, c’est désormais à une vue de son esprit que les cavaliers tentent d’accéder.
- 26 L’édition princeps des traités équestres date de 1516 (Florence, Filippo I. Giunta), mais, c’est s (...)
18Sur ce point, les nouveaux théoriciens de l’équitation s’inspirent directement de Xénophon (ive siècle av. J.-C.), dont l’édition et la traduction des deux traités (De l’équitation et L’Hipparque) au début du xvie siècle accompagnent la redéfinition de la performance équestre et élèvent leur auteur au rang de figure tutélaire d’une nouvelle école de dressage26. Et, en effet, plusieurs passages de l’historien grec exigent de la part du cavalier non plus seulement d’être un fin observateur de sa monture, mais aussi d’adopter le point de vue de cette dernière afin de mieux comprendre ses réactions :
- 27 Ibid., p. 727 [VI, 14].
Quand aussi le cheval s’ombrage de quelque chose et n’en veut point aprocher, il faut lui faire comprendre que sa peur est vaine, et sur tout, si c’est un cheval courageux [vif]. Cas avenant qu’on ne puisse en venir à bout, l’equyer doit lui mesme, mettant pied à terre, manier ce que le cheval redoute, et l’amener doucement auprès. Ceux qui à grands coups contraignent les chevaux de passer, redoublent leur crainte. Car les surchargeant ils [les chevaux] pensent que cela procède de la chose dont ils se sont ombragez27.
19Comme l’indique cette dernière phrase, le cavalier doit « penser » comme son cheval et ne plus seulement le considérer comme un corps qu’il soumet à sa volonté par l’exercice de la contrainte et de la force. De là découle une tentative de compréhension du comportement de l’animal qui amène Xénophon à imaginer de vrais exercices de pédagogie équine :
- 28 Ibid., p. 723 [II, 5].
Que le palefrenier ait charge de mener le jeune cheval es places publiques, où il y a force gens, diverses choses exposées en veuë, bruits et sons de toutes sortes, pour l’en faire aprocher, l’acoustumant à voir et ouir. S’il en redoute aucuns [certains], que le palefrenier se garde de le rudoyer, mais le flatte et lui aprene doucement à connoistre qu’en tout cela n’y a rien d’espouvantable28.
- 29 Ruffo reprend l’exercice de mise en situation proposé par Xénophon et requiert à son tour que « l’ (...)
20De ces deux passages ressort donc une même exigence de « douceur » à laquelle un compilateur du Moyen Âge comme Ruffo avait été également sensible29.
21Au sein de ce corpus, les auteurs sont nombreux à considérer que cette forme d’affection doit s’appliquer au poulain, d’abord parce que la mollesse de ses chairs et de ses os exige d’éviter tout contact, même pour des caresses, de peur de provoquer par une maladresse une tare inguérissable ; plus tard, cette scrupuleuse attention permet d’habituer le jeune animal à l’homme et de dissiper ses craintes. À terme, cette précaution à l’égard des chevaux devient un principe structurant du dressage. L’idéal de la « main légère », qui s’impose dans les académies, correspond en effet à un ensemble de techniques qui visent à exercer sur l’animal le moins de contraintes possible, en évitant en particulier les douleurs que le mors provoque au niveau de la bouche de l’animal. Paradoxalement, une pression quasi imperceptible sur les rênes doit suffire à faire réaliser au cheval des figures de plus en plus complexes et exigeantes.
- 30 Salomon de La Broue, Le Cavalerice françois, 3e éd. revue et augmentée, Paris, Abel L’Angelier, 16 (...)
22Pour cela, le cavalier doit faire preuve d’un savant dosage du geste douloureux et même, dans l’idéal, réussir à s’en passer entièrement. Comme le dit Salomon de La Broue, formé à Naples auprès des maîtres italiens et auteur du premier traité français d’équitation, « on dict, pour loüer un homme de cheval, qu’il a la main fort douce : et pour le blasmer, qu’il l’a extremement rude ». Comme il le précise, cette main douce est en fait la plus forte, car elle est celle qui n’oppose pas de résistance au cheval qui tire sur les rênes, mais l’accompagne : « la rudesse et la foiblesse de la main, procede seulement de faute d’art, d’experience et de jugement : et la douceur et la force, vient du temperament subtil et solide, qui se doit entendre pour la vraye fermesse30 » – fermeté qui, comme le précise La Broue, implique non seulement la main, mais la totalité du corps, « l’assiette generale » du cavalier.
- 31 Éric Baratay a retracé en détail l’origine et l’évolution du discours de domination des hommes sur (...)
- 32 Ce rapprochement entre pédagogie humaine et dressage animal est étudié par Juliana Schiesari, « Pe (...)
23En effet, la subtile communication que réclament les mouvements précis et souvent retors que le cavalier exige de sa monture suppose de la part de l’un et de l’autre une attention particulièrement aiguë au langage du corps. De cette communication réussie entre le cavalier et son double animal dépend la réalisation d’acrobaties proprement stupéfiantes, qui sont comme autant de moyens de cultiver, parmi les grands du monde, le lieu commun éculé par les traditions philosophiques et théologiques d’une maîtrise évidente de l’homme sur la nature, y compris la plus farouche31. Cette sujétion est rendue d’autant plus éblouissante qu’elle répugne apparemment à la violence et s’attache à dissimuler l’habileté technique qui la rend possible. Parallèlement, elle est conforme aux exigences d’un milieu de cour particulièrement contraint, qui porte haut les principes d’un raffinement dénué de tout artifice. Ce public correspond en outre à celui que des humanistes comme Érasme, François Rabelais, Thomas More ou Michel de Montaigne ont rendu sensible à la pédagogie, par les critiques explicites qu’ils ont formulées à l’encontre des violences dans l’enseignement scolaire32. De là découle donc une méthode de dressage qui suppose que la force, la violence ou la contrainte s’effacent devant une apparente forme de symbiose entre l’homme et l’animal.
Opposer la douceur du discours à la violence des gestes
- 33 Pour un tableau plus général de la condition des chevaux à la fin du Moyen Âge, on peut se reporte (...)
- 34 L. B. Alberti, Le cheval vivant, op. cit., p. 46‑47 : « quasi amicitiæ ineundæ fœdus » (voir aussi (...)
24En vérité, si les traités d’équitation du xvie siècle insistent tant sur cet idéal de douceur, c’est probablement parce que les violences à l’encontre des chevaux de dressage devaient être quotidiennes33. Plus que le témoignage d’une transformation en profondeur des pratiques, il s’agit d’un artifice théorique et rhétorique qui vise à masquer un usage répété de gestes brutaux et flatte plutôt l’idéal humaniste des cavaliers que la bête elle‑même. Ce discours trouve en fait ses racines dans l’Italie du milieu du xve siècle, lorsqu’Alberti adresse au prince de Ferrare ses réflexions au sujet de la nature profonde du cheval. Inspiré par des sources grecques tout juste redécouvertes, le De equo animante porte sur le noble animal un regard empreint des hautes valeurs morales dans lesquelles la société de cour se plaît à se reconnaître : beauté, générosité, loyauté et noblesse des sentiments. Face à ce cheval qui, à dire vrai, paraît tenir plus du courtisan idéal que de l’animal, les méthodes de dressage et de monte s’adaptent nécessairement : c’est désormais un « pacte d’amitié » qui doit lier l’homme et la bête34.
25À l’inverse, pour un praticien comme Federico Grisone, moins soucieux des effets de mode, les choses paraissent bien différentes. Le célèbre écuyer italien ne s’émeut guère de la brutalité exercée contre les chevaux, en particulier les plus rétifs ; il recourt même abondamment à la force, voire à la violence. Le livre III de son traité est d’ailleurs entièrement consacré aux problèmes de comportement de l’animal lors du dressage ; il propose tout un arsenal de mesures répressives, qui vont des cris et menaces aux coups d’éperon ou de bâton sur toutes les parties du corps, aux torsions des oreilles ou de la queue, et jusqu’aux mors cloutés et actes de torture :
- 35 Nous citons le texte dans la première traduction en français : Federico Grisone, L’ecuirie du S. F (...)
En une grande necessité, et lors seulement que le chevaucheur n’entend et ne tient ny doctrine, ne temps ne mesure à dompter le cheval, n’a luy faire reconnoitre sa faute, vous prendrez un chat le plus mauvais que vous pourrez recouvrer, et le lirez à la renverse le ventre dessus au bout d’une longue perche en guise d’une pique et longue environ de seize paulmes, mais le faudra lier de sorte que la teste et les pieds luy demeurent francs : et quand le cheval fera semblant de faire le restif et de ne vouloir pas cheminer avant, un homme à pié prendra ceste perche et soudain mettra le chat, ore entre les jambes, ore aux jarrets, ores entre les cuisses, et souvent entre les couillons et sur la crouppe, et luy et autres qui seront à l’entour, lors menaceront et crieront apres le cheval, qui sera par ce moyen contraint de se rendre et aller avant35.
26Par rapport à la solution préconisée par Xénophon pour résoudre un même genre de problème, on mesure la radicalité de celle proposée par le maître italien : c’est à une pédagogie fort différente qu’il souscrit, puisqu’il s’agit de tirer profit de la douleur et de la peur en tant qu’instruments qui permettent le conditionnement de l’animal.
- 36 Il s’agit bien d’une psychologie, celle du conditionnement par la peur, et Grisone la théorise ent (...)
27Au demeurant, il faut se souvenir que l’art équestre, avant de se conformer aux raffinements les plus chorégraphiques, doit satisfaire aux impératifs militaires : il s’agit de dresser l’animal afin qu’il reste réceptif aux ordres sur le champ de bataille, ce qui revient pour l’essentiel à lui apprendre à dominer ses peurs. Pour cela, il faut mettre l’animal face à des situations effrayantes, qu’il est forcé de dépasser par l’apparition, puis le souvenir d’une peur ou d’une douleur plus grande encore36. C’est ce qu’illustre encore le théoricien et chef de guerre allemand Johann Jacobi von Wallhausen dans son Art de chevalerie publié en 1616, en réunissant sur une seule planche les principales craintes que doit affronter un cheval de guerre : l’eau, le feu, le bruit et le vide (voir fig. 2).
Fig. 2. : Gravure de Eberhard Kieser dans Johann Jacobi von Wallhausen, Art de chevalerie [Ritterkunst], Francfort-sur-le-Main, Paul Jacobi pour Lukas Jennis, 1616, fig. 4
Source : BnF, département Réserve des livres rares, Z Fontanieu-103 (5), Gallica : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k317527n/f95.item (consulté le 11 avril 2022).
- 37 J. J. von Wallhausen, Art de chevalerie, op. cit., chap. 4, p. 81-82.
28À propos de la scène centrale (no 5), l’auteur précise même en légende : « Si tu as un cheval retif, qui ne se veult bouger de sa place, ou se couche quand tu veulx monter dessus, tu attacheras une fusée à la selle, et quand il commence à se retenir, tu la feras allumer par un autre, je t’asseure qu’il oubliera bien tost sa malice37. » Comme l’indique ce témoignage tardif, ce dressage à la dure semble bien être toujours la norme. Simplement, le contexte militaire et roturier dans lequel est produit cet ouvrage paraît avoir permis à la violence d’être décrite de façon moins équivoque que dans des traités destinés aux princes et aux nobles.
- 38 William Cavendish, Methode nouvelle, et invention extraordinaire de dresser les chevaux, Londres, (...)
- 39 G. Markham, Cavelarice…, op. cit., liv. V, chap. 8, p. 46 : « The keepers greatest labour is but t (...)
29Dans le cadre de l’équitation de cour, en effet, cet aspect violent de la doctrine de Grisone et de l’école napolitaine en général est systématiquement passé sous silence. Rapidement même, des critiques se font entendre, notamment de la part de William Cavendish, duc de Newcastle, auteur d’une méthode en tout point opposée à celle de son prédécesseur, dans la mesure où elle refuse l’affrontement avec l’animal au profit d’une mutuelle compréhension38. Gervase Markham de son côté, sans oser critiquer aussi ouvertement le maître italien, témoigne néanmoins de l’orientation résolument nouvelle qu’il entend donner au dressage moderne : les leçons d’Alberti, qui parlait d’amitié entre l’homme et le cheval, semblent avoir été bien retenues, puisque le cavalier anglais désormais parle même d’« amour39 ».
- 40 Sensibilités nouvelles dont Keith Thomas a étudié l’apparition et les contradictions dans Dans le (...)
- 41 Voir Lilas Bordes, « Les mutilations des animaux domestiques en France du xve au xixe siècle », Bu (...)
30Certes, il est possible que ces remarques s’appuient, en Angleterre, sur des réalités plus tangibles, dans la mesure où l’archipel semble avoir été plus prompt que le reste de l’Europe à condamner les violences dont étaient victimes les animaux40. Néanmoins, il faut bien souligner que, dans les faits, seules certaines de ces brutalités sont condamnées et que, dans ce débat, la douleur ressentie par l’animal ne vaut pas comme un argument allant de soi. Aussi certaines douleurs évidentes aux yeux des contemporains ne leur posent-elles aucun problème ; c’est le cas notamment des mutilations volontaires, faites dans un but esthétique ou de performance. Ainsi, le même Markham n’hésite pas par exemple à proposer une intervention qui consiste à placer entre la peau et l’os du plomb censé décolorer les poils du front du cheval41.
- 42 Peter Sahlins voit dans la ménagerie royale de Versailles une mise en scène de la civilité qui jet (...)
31Au reste, dans les traités d’équitation, ce sont uniquement les actes de violence visibles ou contre-productifs qui sont condamnés, parce qu’ils mettent à mal la symbolique de la maîtrise42. De fait, une part non négligeable des violences infligées sont invisibles non seulement aux yeux des autres, mais également à ceux des cavaliers eux-mêmes : l’art équestre s’est bâti sur la contrainte systémique des corps, notamment au moyen de tout un équipement de conduite et de dressage – et les corps des cavaliers se trouvent eux aussi soumis à des douleurs que les traités d’équitation taisent soit par ignorance soit parce qu’elles ne correspondent pas à l’idéal de virilité qu’ils s’attachent à mettre en valeur.
32Ce rapide parcours à l’intérieur de deux ensembles de textes à première vue fort différents permet d’observer deux usages divergents mais complémentaires de la douleur animale. Dans l’art des hippiatres, l’observation de la douleur subie et de ses signes oblige à porter sur le cheval un regard attentif, seul moyen d’approcher la réalité de maladies qui agissent sourdement à l’intérieur de l’animal. Pour l’art équestre, c’est la douleur provoquée par l’homme qui fait l’objet de toutes les attentions, dans la mesure où cette dernière est la conséquence inévitable des actes de violence qui accompagnent des pratiques équestres de plus en plus coûteuses pour l’animal. Or, cette communication entre l’homme et la bête, qui s’opère essentiellement par le langage du corps, se raffine à mesure que les techniques d’équitation se complexifient. Elle s’appuie sur une connaissance fine de l’anatomie et du comportement du cheval, sur laquelle la sémiologie médicale s’était au préalable longuement attardée ; mais elle s’enrichit désormais d’une compréhension sommaire de la psychologie équine, qu’il semble d’autant plus nécessaire de solliciter dans ces situations d’apprentissage que celles-ci sont pensées par analogie avec la pédagogie des enfants et que le cheval est placé à proximité immédiate de l’homme dans la zoologie ancienne. Le discours qui prône un idéal de douceur à l’égard du cheval, s’il n’est sans doute pas suivi d’effet, témoigne bien de l’intérêt porté par les cavaliers aux réactions de leur monture, seules indications qui leur permettent de juger de la clarté de leurs ordres et de l’efficacité de leur dressage.
33Enfin, ces deux prises en considération de la douleur s’inscrivent bien l’une et l’autre dans un même projet, à savoir asservir l’animal aux intérêts économiques ou symboliques de l’homme. Qu’il s’agisse de traiter la douleur ou de la susciter, l’intervention humaine s’exerce en permanence dans une perspective utilitaire : préserver un investissement économique et satisfaire les exigences d’un propriétaire dans un cas ; favoriser un comportement conforme à la volonté du cavalier afin de servir des enjeux symboliques dans l’autre. Pour le cheval, c’est en quelque sorte le prix à payer de son étroite proximité avec l’homme : ce dernier le soigne lorsqu’il souffre, puis l’oblige par de nouvelles douleurs.
Notes
1 C’est cette « culture équestre » commune aux hippiatres et aux cavaliers que Daniel Roche a mise en évidence au début de l’époque moderne, moment de syncrétisme entre les différentes traditions littéraires qui permet l’émergence d’une « science hippique générale », dans La culture équestre de l’Occident (xvie-xixe siècle). L’ombre du cheval, t. 3, Connaissance et passion, Paris, Fayard, 2015, chap. 1, p. 21‑54. À l’origine, cette synthèse est déjà en partie perceptible dans les arts équestres antiques, comme chez Xénophon, où le bon traitement de l’animal à l’écurie est toujours valorisé et participe activement à prévenir l’apparition de maladies.
2 Sur le statut mouvant du cheval sur le terrain militaire, voir les pages éclairantes de Nicolas Le Roux, Le crépuscule de la chevalerie. Noblesse et guerre au siècle de la Renaissance, Seyssel, Champ Vallon, 2015, chap. 4 : « Du chevalier au cavalier », p. 77‑92 ; sur l’artillerie, voir Benjamin Deruelle, « Une révolution militaire des Temps modernes ? », dans Hervé Drévillon et Olivier Wieviorka (dir.), Histoire militaire de la France, t. 1, Des Mérovingiens au Second Empire, Paris, Perrin/ministère des Armées, 2018, p. 157‑194.
3 Ces réflexions nous sont inspirées en partie par l’article de Valérie Gitton-Ripoll qui observe, au sein du corpus des hippiatres latins, que la douleur n’est jamais traitée pour elle‑même, mais dans le but de satisfaire le dominus diligens, c’est-à-dire l’éleveur soucieux du bien et du beau dans la gestion de son domaine (« La représentation de la douleur animale chez les hippiatres latins », Pallas. Revue d’études antiques, 88, 2012, La souffrance physique dans l’Antiquité, p. 45-58).
4 Sur la transmission de ce corpus médical, voir le travail pionnier de Yvonne Poulle-Drieux, « L’hippiatrie dans l’Occident latin du xiiie au xve siècle », dans Guy Beaujouan et al., Médecine humaine et vétérinaire à la fin du Moyen Âge, Genève, Droz, 1966, p. 5‑167 ; et plus récemment celui de Mickaël Wilmart, « Saignées et autres manipulations vétérinaires, d’après les traités d’hippiatrie et d’économie rurale de l’Occident médiéval », dans Élisabeth Lorans (dir.), Le cheval au Moyen Âge, Xe Congrès international de la Société d’archéologie médiévale, Arles, 3-5 mai 2012, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2017, p. 65-75.
5 Voir Stavros Lazaris, « Contribution à l’étude de l’hippiatrie grecque et de sa transmission à l’Occident (xiiie-xve siècles) », dans Marie-Claire Amouretti et François Sigaut (dir.), Traditions agronomiques européennes. Élaboration et transmission depuis l’Antiquité, 120e Congrès national des Sociétés historiques et scientifiques, Section Histoire des sciences, Aix-en-Provence, 23-25 octobre 1995, Paris, Éditions du CTHS, 1998, p. 143‑169.
6 Pietro de Crescenzi, Le Livre des ruraulx prouffitz du labour des champs, 1re éd. en français, Paris, Jean Bonhomme, 1486, liv. 9, chap. 1 à 58, [f. x5 r.-A2 v.].
7 Sur l’histoire de la transmission des textes d’agronomie, voir l’exposition virtuelle Le ménage des champs. Du savoir agricole antique aux livres d’agriculture de la Renaissance, sous la dir. de Michel Jourde, Bibliothèque municipale de Lyon, 2020, en ligne : https://www.bm-lyon.fr/expositions-en-ligne/agriculture_antique_renaissance (consulté le 11 avril 2022), en particulier le chap. « Un classique moderne : Pietro de’ Crescenzi », par Jean-Louis Gaulin.
8 Lorenzo Rusio, La mareschalerie, Paris, Chrétien Wechsel, 1533.
9 Jean Massé, L’art veterinaire ou Grande marechalerie, Paris, Charles Périer, 1563, « Espitre », fol. 3 r.
10 Barthélemy l’Anglais, Le proprietaire des choses tresutille et proffitable aux corps humains […]. Item est adjousté […] une medicine tresutille appellee la Medicine des cheuaulx et aultres bestes, trad. par Jehan Corbichon, [Rouen, 1530], connu seulement dans un exemplaire de la British Library (7002.gg.12).
11 Voir, par exemple, les quatre chapitres successifs que Ruffo consacre à la « douleur » causée par la surabondance de sang (« dolore per el superfluo sangue »), la constipation (« per la ventosita ») ou l’indigestion (« per el superfluo manzare ») et la rétention urinaire (« per retenir lorina »), dans Tractatus de morbo et sanitate equorum. Arte di conoscere la natura dei cavalli, trad. par Gabbriello Bruno, Venise, Piero Quarengi, [1493], chap. 5‑8, [f. c2 r.‑c3 r.].
12 L. Rusio, La mareschalerie, op. cit., chap. 150, fol. 59 v. : « Ainsi la douleur cessera car la cause cessant cesse aussi leffaict. »
13 Ibid., chap. 148 et 150, fol. 59 v. : « seuffre es entrailles si fort que a peine se peult il soubstenir sans tomber ».
14 J. Massé, L’art veterinaire…, op. cit., liv. III, fol. 167 r.
15 Ibid., liv. II, fol. 135 v.
16 Leon Battista Alberti, Le cheval vivant [De equo animante, 1441], trad. par Jean-Yves Boriaud, Paris, Les Belles Lettres, 1999, p. 92‑95.
17 Pasquale Caracciolo, La gloria del cavallo, Venise, Gabriele Giolito de Ferrari, 1567, liv. III, p. 145‑46 : « Si vede fra tutti gli animali […] l’huomo, il Cavallo, e l’Elefante soli esser stati dalla natura di calda e humida complessione dotati, la quale per accostarsi più di tutte le altre à quel perfetto temperamento, che si può bene imaginare, ma non trovare in effetto, è cagione, che questi tre soli siano di gran lunga più di tutti gli altri perfetti e temperati. »
18 Gervase Markham, Cavelarice, or The English Horseman, Contayning all the Arte of Horse-manship, Londres, [Edward Allde and William Jaggard] pour Edward White, 1607, liv. VII, chap. 1, p. 4 : « Now for humors they also are deriued from the elements, and are in number foure, that is to say, choller, which is of the nature of fire, blood; which is of the Nature of ayre, Flegme which is of the nature of water, and melancholy which is of the Nature of Earth. »
19 Cette hiérarchie est figurée par une illustration du Livre du sage de Charles de Bovelles, qui choisit pour incarner le règne « sensible » le cheval, unique prétendant sérieux au titre de roi des animaux, placé un degré en dessous de l’homme (Charles de Bovelles, Liber de sapiente, Paris, Henri Estienne et Jean Petit, 1510, fol. 117 v.).
20 Végèce, Artis veterinariæ, sive Mulomedicinæ libri quatuor, Bâle, Johannes Faber, 1528, liv. I, chap. 39, fol. 13 r. : « Nam animalibus quia rationales sumus, solamente præstamus : corporis vero natura communis est, maxime in doloribus. »
21 L. Rusio, La mareschalerie, op. cit., chap. 151, fol. 60 r. : « Le cheval regarde souvent es lieux ou il seuffre se croyant douloir par dehors [pensant que le mal lui vient de l’extérieur]. »
22 Végèce, Artis veterinariæ, sive Mulomedicinæ libri quatuor, op. cit., liv. III, chap. 59 (« De inflatione ventris »), fol. 57 r. : « Caput ad ilia sua ponunt tanquam qui locum doloris ostendant, gemitus interdum et tremor totius corporis insequitur. »
23 J. Massé, L’art veterinaire…, op. cit., « Espitre », fol. 3 v.
24 G. Ruffo, Libro dell’arte de Marascalchi per conoscere la natura delli cavalli, et medicarli nelle loro infirmità, et l’arte di domarli, Venise, Francesco di Leno, 1563, chap. 1‑4, fol. 2 v.‑8 r.
25 À propos de ces académies qui forment l’élite européenne aux arts de la danse et de l’équitation, l’un et l’autre réunis dans une même exigence de dissimulation de tout effort, voir Kate van Orden, « From Gens d’armes to Gentilshommes. Dressage, Civility, and the Ballet à Cheval », dans Karen Raber et Treva J. Tucker (dir.), The Culture of the Horse. Status, Discipline, and Identity in the Early Modern World, New York, Palgrave Macmillan, 2005, p. 197‑223.
26 L’édition princeps des traités équestres date de 1516 (Florence, Filippo I. Giunta), mais, c’est seulement en 1613 qu’ils sont traduits en français : Xénophon, « L’équrie », dans Les Œuvres, éd. par Pyrame de Candolle et trad. par Simon Goulart, Cologny, Pierre Aubert pour la Société caldorienne, 1613, p. 720‑735.
27 Ibid., p. 727 [VI, 14].
28 Ibid., p. 723 [II, 5].
29 Ruffo reprend l’exercice de mise en situation proposé par Xénophon et requiert à son tour que « l’an ait .i. fraig [frein] foible et le plus leger que l’an puet avoir » (La science du cheval au Moyen Âge. Le Traité d’hippiatrie de Jordanus Rufus, éd. par Brigitte Prévot, Paris, Klinksieck, 1991, liv. III, p. 37 et 39).
30 Salomon de La Broue, Le Cavalerice françois, 3e éd. revue et augmentée, Paris, Abel L’Angelier, 1610 [1602 pour la 1re éd.], liv. II, chap. 11, p. 27.
31 Éric Baratay a retracé en détail l’origine et l’évolution du discours de domination des hommes sur les animaux dans la pensée chrétienne, dans L’Église et l’animal (France, xviie-xxe siècle), 2e éd., Paris, Éditions du Cerf, 2015 [1996].
32 Ce rapprochement entre pédagogie humaine et dressage animal est étudié par Juliana Schiesari, « Pedagogy and the Art of Dressage in the Italian Renaissance », dans Pia Francesca Cuneo (dir.), Animals and Early Modern Identity, Farnham, Ashgate, 2014, p. 375‑389.
33 Pour un tableau plus général de la condition des chevaux à la fin du Moyen Âge, on peut se reporter aux travaux de Brigitte Prévot et Bernard Ribémont, notamment la première partie de leur conséquente introduction à un traité anonyme du xive siècle (Le cheval en France au Moyen Âge. Sa place dans le monde médiéval, sa médecine. L’exemple d’un traité vétérinaire du xive siècle, la Cirurgie des chevaux, Orléans/Caen, Paradigme, 1994, p. 7‑167).
34 L. B. Alberti, Le cheval vivant, op. cit., p. 46‑47 : « quasi amicitiæ ineundæ fœdus » (voir aussi p. 58‑61 et 86‑89).
35 Nous citons le texte dans la première traduction en français : Federico Grisone, L’ecuirie du S. Federic Grison gentilhomme napolitain, Paris, Charles Périer, 1559, liv. III, fol. 96 r.
36 Il s’agit bien d’une psychologie, celle du conditionnement par la peur, et Grisone la théorise entre les lignes : « Notez que quand le cheval reconnoist les grands coups qu’il a receuz sur la teste et entre les aureilles, il suffira puis après de le chattier seulement de voix et de cris hautz et horribles, et avec temperament les croittre et diminuer ainsi que croittra et diminura son obstination et sa malice. » (Ibid., fol. 95 v.)
37 J. J. von Wallhausen, Art de chevalerie, op. cit., chap. 4, p. 81-82.
38 William Cavendish, Methode nouvelle, et invention extraordinaire de dresser les chevaux, Londres, Thomas Milbourn, 1671 [1667], liv. I, p. 22 : « Pour ce qui est d’un Cheval retif, ils soulevent tout une ville, tant ils font de briuct avec des bastons pour le battre, et ont d’autres curieuses inventions, comme des seringues, du feu, de petits chiens, des herissons, des clous, à je ne scay quoy davantage. »
39 G. Markham, Cavelarice…, op. cit., liv. V, chap. 8, p. 46 : « The keepers greatest labour is but to procure love from the Horse, so the onelie thing that is pleasant to the Horse, is love from the keeper. » Cité par Elisabeth LeGuin, « Man and Horse in Harmony », dans K. Raber et T. J. Tucker (dir.), The Culture of the Horse…, op. cit., p. 182.
40 Sensibilités nouvelles dont Keith Thomas a étudié l’apparition et les contradictions dans Dans le jardin de la nature. La mutation des sensibilités en Angleterre à l’époque moderne (1500-1800), trad. par Catherine Malamoud, Paris, Gallimard, 1985 [1983].
41 Voir Lilas Bordes, « Les mutilations des animaux domestiques en France du xve au xixe siècle », Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine et des sciences vétérinaires, 16, 2016, p. 169-197, ici p. 173‑174.
42 Peter Sahlins voit dans la ménagerie royale de Versailles une mise en scène de la civilité qui jette sur la violence inhérente à la vie d’animaux en captivité un voile plus ou moins opaque (1668. The Year of the Animal in France, New York, Zone Books, 2017, chap. 2, p. 91‑121).
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Fig. 1 : Épitomé de la Collection d’hippiatrie grecque, manuscrit de la fin du xive siècle |
---|---|
Légende | En haut, un traitement contre la diarrhée ; en bas, les symptômes d’une torsion de l’intestin. |
Crédits | Source : BnF, département des manuscrits, grec 2244, fol. 74 v., en ligne : http://mandragore.bnf.fr/ark:/12148/cgfbt171435j (consulté le 11 avril 2022). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5767/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 4,4M |
Titre | Fig. 2. : Gravure de Eberhard Kieser dans Johann Jacobi von Wallhausen, Art de chevalerie [Ritterkunst], Francfort-sur-le-Main, Paul Jacobi pour Lukas Jennis, 1616, fig. 4 |
Crédits | Source : BnF, département Réserve des livres rares, Z Fontanieu-103 (5), Gallica : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k317527n/f95.item (consulté le 11 avril 2022). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5767/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 7,6M |
Pour citer cet article
Référence papier
Augustin Lesage, « Observation et instrumentalisation de la douleur du cheval dans la littérature technique du xvie siècle », Histoire, médecine et santé, 21 | 2022, 113-131.
Référence électronique
Augustin Lesage, « Observation et instrumentalisation de la douleur du cheval dans la littérature technique du xvie siècle », Histoire, médecine et santé [En ligne], 21 | printemps 2022, mis en ligne le 17 août 2022, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/5767 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.5767
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page