« Pour que maman ne parte pas si loin »
Résumés
Cet article se propose de revenir sur une mobilisation sociale survenue dans les hôpitaux psychiatriques du département de la Seine au début de l’année 1948. Afin de lutter contre un projet préfectoral visant la suppression des hôpitaux psychiatriques de Moisselles et de Perray-Vaucluse, les familles des malades et les infirmiers des hôpitaux psychiatriques s’engagent dans des « comités de défense » organisés par les syndicats. Bien qu’hétérogènes, ces comités dénoncent non seulement le projet de suppression des établissements, qui aurait entraîné, selon eux, le transfert des malades vers des hôpitaux situés en province, mais aussi la politique de réduction des dépenses publiques qui justifiait cette idée. L’événement met ainsi en lumière une opposition entre deux logiques : celle de fonctionnaires et d’élus du département tenus à des impératifs budgétaires, et celle des familles et des infirmiers qui affirment que les transferts seraient préjudiciables à la santé des malades.
Entrées d’index
Mots-clés :
Seine, hôpital psychiatrique, mobilisation sociale, famille, Moisselles, Perray-VauclusePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Pierre de Gaulle, frère cadet du général de Gaulle, est devenu président du conseil municipal de P (...)
- 2 Roger Verlomme, directeur du centre hospitalier Sainte-Anne durant les années de guerre, est nommé (...)
- 3 Créés en 1790, les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise englobaient les actuels départe (...)
- 4 Conformément à l’article premier de la loi du 30 juin 1838, les départements pouvaient conclure de (...)
- 5 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
1Le 12 mars 1948, le nouveau président du conseil municipal de Paris, Pierre de Gaulle1, fait parvenir au préfet de la Seine, Roger Verlomme2, des lettres de familles de malades mentaux internés dans les hôpitaux psychiatriques du département. Ces dernières l’ont en effet prié d’intervenir auprès du préfet afin d’empêcher la fermeture des hôpitaux psychiatriques de Perray-Vaucluse et de Moisselles situés en Seine-et-Oise3. La suppression de ces deux établissements, envisagée par l’administration préfectorale, aurait entraîné selon elles le transfert de leurs proches vers des établissements psychiatriques de province4. Le 5 avril, Roger Verlomme répond à Pierre de Gaulle par une courte lettre dans laquelle il annonce l’abandon définitif du projet5 :
Monsieur le Président,
Vous avez bien voulu me communiquer plusieurs lettres émanant de parents de malades en traitement dans les hôpitaux psychiâtriques de Moisselles et de Perray-Vaucluse. Ils expriment leurs craintes de voir ces malades transférés dans des hôpitaux de province.
J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il a été, en effet, question de désaffecter les deux hôpitaux psychiâtriques susvisés, cette opération ayant été un moment prévue dans le cadre des mesures envisagées pour réaliser des économies prescrites par l’Assemblée Départementale.
Mais le Conseil Général ayant donné un avis défavorable à la réalisation de ce projet, les craintes des malades intéressés sont devenues sans fondement.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
- 6 Plusieurs articles paraissent dans la presse au cours des mois de février et mars : Dr Bernard Dep (...)
- 7 Sur les attributions du préfet de la Seine et les différentes assemblées locales, voir : Maurice F (...)
2Cette décision est le résultat d’une mobilisation sociale relativement organisée et relayée par la presse parisienne au début de l’année 19486. Du mois de février au mois d’avril, des familles de malades et des infirmiers des hôpitaux psychiatriques de la Seine se sont réunis dans des « comités de défense » organisés par les syndicats du personnel hospitalier. Bien que très hétérogènes, les comités dénoncent l’inefficacité et l’iniquité du projet préfectoral et, à travers lui, la politique de réduction des dépenses publiques. Politique qui, pourtant, a été actée par le conseil général de la Seine lors du vote du budget départemental le 31 décembre 1947. Cette mesure suscite toutefois diverses réactions lors de son annonce. Une partie des élus de l’assemblée départementale et du conseil municipal – majoritairement issus du Parti communiste (PCF) et du Mouvement républicain populaire (MRP) – qui délibèrent sur les budgets des établissements d’assistance la jugent inique et contraire à l’intérêt des malades. La préfecture de la Seine, qui met en application une partie des délibérations du conseil général7 et dont une sous-direction a la charge administrative des hôpitaux psychiatriques, estime néanmoins qu’il s’agit d’une opération conforme à la politique gouvernementale et de surcroît nécessaire compte tenu des ressources limitées du département.
- 8 Voir à ce sujet : Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, (...)
- 9 Voir à ce sujet : Émilien Ruiz, Trop de fonctionnaires ? Contribution à une histoire de l’État par (...)
- 10 « Circulaire no 321 du 26 décembre 1945 sur l’emploi des lits vacants dans les hôpitaux psychiatri (...)
- 11 Sans entrer dans les détails de sa répartition, le budget départemental est divisé entre cinq comm (...)
- 12 À ce titre, la section adulte de l’hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse est confiée en mars 19 (...)
- 13 Les hospices pour vieillards, les maternités ainsi que l’assistance aux tuberculeux semblent parti (...)
- 14 Durant les années qui suivent la Libération, les psychiatres, réunis dans le nouveau syndicat des (...)
3Le projet de suppression et de réaffectation des deux établissements psychiatriques survient dans un contexte de réorganisation générale de l’assistance départementale au sortir de la guerre, sur fond de crise économique nationale8. L’escalade des dépenses que connaissent alors les administrations publiques pousse les gouvernements et les conseils généraux à mettre en œuvre au début de l’année 1946 une politique de réduction du personnel et de maîtrise des dépenses publiques9. Celle-ci se traduit notamment dès 1946 par la volonté du ministère de la Santé de rationaliser l’équipement psychiatrique en réaffectant à « d’autres emplois » les lits vacants afin de limiter les dépenses de fonctionnement des établissements10. L’assistance psychiatrique de la Seine n’échappe pas à cette politique. Considéré comme un poste de dépenses important11, le budget consacré aux « dépenses d’entretien des malades mentaux » fait l’objet de coupes budgétaires pour l’année 1948. La décision du conseil général aurait, en ce sens, conduit le préfet à résoudre le problème des déficits par une réorganisation des équipements départementaux d’assistance. Reste que l’idée d’une réaffectation des hôpitaux psychiatriques a été évoquée – et mise en œuvre12 – à plusieurs reprises avant le vote du 31 décembre. Soutenue par une partie des élus du conseil général, l’idée de réaffectation vise certes à alléger le budget départemental, mais aussi à pallier la pénurie de locaux qui touche alors les autres institutions d’assistance13. La réaffectation des hôpitaux psychiatriques considérés comme insuffisamment occupés, du fait de la diminution du nombre de malades hospitalisés, pouvait en ce sens apparaître comme une solution temporaire pour soulager les autres domaines de l’assistance. À rebours de cette conception « rationaliste », les familles des malades et le personnel soignant plaident au contraire pour la préservation des hôpitaux psychiatriques. Une revendication qu’ils justifient par le fait que, pour guérir, les malades ont besoin des visites de leurs proches, qui leur apportent un soutien moral et matériel. De surcroît, les psychiatres, alors engagés dans la redéfinition du sens thérapeutique des établissements hospitaliers14, dénoncent par le biais de leurs sociétés savantes une attaque portée à l’encontre de leur arsenal thérapeutique. Si ces derniers partagent avec les autorités départementales la volonté de supprimer la dimension carcérale des institutions psychiatriques, d’en faire de véritables hôpitaux où les malades demeureraient peu de temps – ce qui permettrait, en outre, de réaliser des économies –, la suppression d’hôpitaux psychiatriques porterait atteinte à leurs capacités et moyens d’action.
- 15 Voir à ce sujet : Ciaran Mulholland, Michael Walker « “Our Cause Is a Just One”. Trade Union Organ (...)
- 16 Jean-Christophe Coffin, « Mai 68, la révolution de la psychiatrie », The conversation, 16 mai 2018 (...)
- 17 Jean Ayme, Chroniques de la psychiatrie publique à travers l’histoire d’un syndicat, Ramonville-Sa (...)
- 18 Christian Chevandier, Les métiers de l’hôpital, Paris, La Découverte, 1997, p. 101.
- 19 Nicolas Henckes, Le nouveau monde de la psychiatrie française…, op.cit ; Isabelle von Bueltzingslo (...)
- 20 Sur ces oppositions des familles aux transferts collectifs des malades mentaux, nous renvoyons le (...)
4C’est l’étude de cette opposition entre plusieurs logiques antagonistes à travers une mobilisation sociale que se propose de traiter cet article. L’attention portée par les historiens de la psychiatrie aux conflits sociaux dans les établissements psychiatriques est peu développée, du moins en France15. Les rares études disponibles se concentrent sur les répercussions d’événements nationaux dans les établissements16 ou sur l’action des syndicats professionnels17. Cependant, « les luttes sociales ne sont pas rares18 » à l’hôpital, comme le rappelle l’historien Christian Chevandier. Elles touchent, durant le xxe siècle, l’ensemble des professions hospitalières qui, par ailleurs, n’hésitent pas à sortir de l’hôpital pour interpeller directement les usagers. De surcroît, l’historiographie du militantisme en psychiatrie, bien que largement renouvelée depuis les années 200019, ne donne encore que peu de place à l’implication des acteurs extra-hospitaliers, à l’image des familles, dans les mobilisations relatives à la politique d’assistance. L’agentivité des familles dans la prise en charge des malades est cependant avérée. Nombre d’entre elles n’hésitent pas à dénoncer les transferts collectifs du département20. L’étude de ce mouvement social permet non seulement d’appréhender les résistances à l’égard de la politique départementale d’assistance durant la seconde partie des années 1940, mais également de confronter l’histoire des hôpitaux psychiatriques à un double point de vue : celui des familles et des infirmiers dénonçant des décisions perçues comme arbitraires ; et celui des élus et des fonctionnaires du département devant répondre à des impératifs économiques. La lecture des journaux parisiens, des bulletins du conseil général et des dossiers de délibération de la période 1945-1948 – archives contenant les rapports des médecins et des inspecteurs, les correspondances des familles et des élus ainsi que les pétitions et tracts produits par les syndicats et les comités – laisse entrevoir un événement complexe, mais qui cristallise les conflits entre des groupes sociaux antagonistes sur la question de l’assistance psychiatrique. Ainsi, après avoir exposé la situation générale des établissements hospitaliers au sortir de la guerre et les motivations du projet de réaffectation de certains d’entre eux, nous analyserons le déroulement de la mobilisation et le rôle des différents acteurs de cette lutte.
Le département de la Seine durant l’après-guerre (1945-1948)
Une situation sanitaire et sociale fortement dégradée par le conflit
- 21 Voir à ce sujet : Éric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon, Gilles Gauvin, Les Français au quotidien, (...)
- 22 Voir à ce sujet : Fabrice Cahen, Adrien Minard, « Les mobilisations contre les “fléaux sociaux” da (...)
- 23 P. Boulenger, M. Moine, « La mortalité par tuberculose dans le département de la Seine en 1945 », (...)
- 24 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité (1945-1954), bibl (...)
- 25 Créé en 1918 dans le cadre de la loi Léon Bourgeois, l’Office public d’hygiène sociale (OPHS) du d (...)
- 26 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité…, op. cit.
5Les orientations politiques du conseil général et de la préfecture de la Seine relatives à l’assistance aux malades mentaux sont dans une large mesure conditionnées par la situation sanitaire et socio-économique du département durant l’après-guerre. À l’image du reste du pays, le département de la Seine ressort très affaibli des années de conflit. Ces dernières ont été marquées non seulement par les dégâts causés par les combats et les bombardements, mais aussi par les pénuries alimentaires et la dégradation générale des conditions de vie des populations21. Une situation sociale et sanitaire qui, par ailleurs, semble avoir favorisé la recrudescence de « maladies sociales ». Ces maladies, qui sont souvent regroupées de façon extensive dans la littérature médicale sous la formule « fléaux sociaux » – notion qui apparaît durant le dernier tiers du xixe siècle –, ont été combattues par les autorités publiques de l’entre-deux-guerres et ont suscité la mobilisation de nombreux collectifs associatifs22. Durant cette période, ces fléaux désignent un ensemble de maux allant de l’alcoolisme à la tuberculose et sont surtout mobilisés en tant que menaces pour la stabilité du corps social. À la Libération, si l’inquiétude des autorités publiques vis-à-vis des maladies sociales se fait plus grande, quelques pathologies suscitent néanmoins un intérêt plus vif, à l’image de la tuberculose, des maladies vénériennes ou de l’enfance déficiente qui constituent un risque pour le redressement économique et social du pays. L’Institut national d’hygiène constate ainsi une forte augmentation de la morbidité de la tuberculose dans le département de la Seine durant la période 1940-1943. Bien que celle-ci retombe dès 1945 à un niveau inférieur à celle de 193823, le nombre de personnes bacillifères semble avoir sensiblement crû durant cette période24. L’Office public d’hygiène sociale du département de la Seine (OPHS)25 fait un constat analogue pour les maladies vénériennes26.
- 27 Christian Chevandier, L’hôpital dans la France du xxe siècle, Paris, Perrin, 2009, p. 226.
- 28 Plusieurs établissements hospitaliers parisiens et du département de la Seine, dont les hôpitaux p (...)
- 29 Christian Chevandier, L’hôpital dans la France du xxe siècle, op. cit ; Jean-Paul Martineaud, Une (...)
- 30 « Pour l’amélioration du sort des malades et des conditions de travail du personnel, les élus comm (...)
- 31 Jean-Paul Martineaud, Une histoire de l’hôpital Lariboisière…, op. cit.
6Aussi, comme le souligne l’historien Christian Chevandier, « les mois qui suivent la fin de la guerre sont l’heure de l’inventaire27 » pour les autorités publiques. Pour faire face à l’afflux de nouveaux malades, le département de la Seine doit évaluer l’état de son équipement hospitalier et des possibilités techniques dont il dispose. Celles-ci sont cependant peu nombreuses, lourdement grevées par les problèmes de ravitaillement et par les réquisitions militaires28. Nombre d’hôpitaux et d’hospices se trouvent de même dans une situation d’encombrement chronique29. Ainsi, en novembre 1946, une délégation des élus communistes du conseil général constate l’encombrement des services médicaux de l’hôpital Tenon30. Celui-ci, comme les autres établissements parisiens, d’ailleurs, ne peut en outre assurer ses activités que grâce à l’aide américaine31.
- 32 Le plan Monnet, du nom du fonctionnaire français l’ayant proposé en 1946, est le premier plan quin (...)
- 33 « Vœu tendant à l’organisation de centres de postcure pour les tuberculeux », BMO du conseil génér (...)
- 34 Lion Murard, François Fourquet, Histoire de la psychiatrie de secteur, ou le secteur impossible ?, (...)
- 35 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité…, op. cit.
- 36 Convention du 7 juillet 1947 portant sur la création du CTRS de Ville-Evrard, Archives de Paris, c (...)
- 37 « Intervention de Jean Alessandri au nom de la 2e commission », BMO du conseil général du 11 avril (...)
7Bien que préoccupante, la situation hospitalière est en partie délaissée par l’administration centrale. Absente du premier plan de modernisation et d’équipement, dit « plan Monnet32 », la question hospitalière est laissée à la charge des départements. Malgré la faiblesse de leurs moyens financiers, la période qui suit la Libération voit la multiplication d’initiatives de la part des autorités locales pour améliorer la prise en charge des malades. Dans le cas des établissements administrés par le département de la Seine, les élus du conseil général font plusieurs propositions pour faciliter le dépistage des maladies sociales et la réadaptation sociale des malades. Un projet de création de foyers post-cure pour les tuberculeux est ainsi adopté par le conseil général dès avril 194733 et les différentes activités de l’OPHS continuent de se développer après la guerre. Les consultations d’hygiène mentale créées depuis décembre 1941 sous l’impulsion du psychiatre Georges Heuyer34 connaissent à ce titre une augmentation du nombre de patients suivis35. Les hôpitaux psychiatriques font également l’objet de quelques initiatives en vue de leur modernisation. Créé par le psychiatre Paul Sivadon avec le concours de la Sécurité sociale, un Centre de traitement et de réadaptation sociale (CTRS) est ouvert dès 1947 à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard. Ce service dit spécial vise « un meilleur rendement thérapeutique et [le] maximum de récupération sociale36 ». Tous ces projets, bien qu’hétérogènes, sont justifiés par la nécessité de réduire le temps de séjour des malades dans les institutions d’assistance et ainsi de libérer des lits. Aussi, en parallèle de cet effort de « modernisation » de leurs équipements socio-sanitaires, les élus portent une attention particulière aux pénuries de locaux hospitaliers. C’est dans cette optique qu’ils envisagent à plusieurs reprises au cours de la période 1945-1948 la réaffectation temporaire des établissements départementaux considérés comme « vides37 », dont les hôpitaux psychiatriques.
Une assistance psychiatrique archaïque et des hôpitaux dépeuplés
- 38 Voir à ce sujet : Georges Daumézon, « Essai d’historique critique de l’appareil d’assistance aux m (...)
- 39 Les comptes rendus de la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques exposent en détail (...)
- 40 Isabelle von Bueltzingloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la F (...)
- 41 Du fait des pénuries de matériaux et de la promulgation d’« ordonnances allemandes interdisant l’e (...)
- 42 Le service des admissions du centre hospitalier Sainte-Anne a la charge d’examiner et de répartir (...)
8Considérée avant la guerre comme l’assistance départementale la mieux pourvue et la plus diversifiée de France en matière d’équipements38, l’assistance psychiatrique de la Seine a été particulièrement touchée par les effets secondaires du conflit. Dès 1946, les autorités départementales constatent la vétusté avancée de leurs établissements psychiatriques39. Un état qui n’est certes pas nouveau40, mais qui semble avoir été amplifié par les pénuries et la quasi-absence de travaux de réfection durant les années du conflit41. Le département fait surtout le constat de la considérable chute démographique de la population hospitalisée, phénomène que les élus attribuent pour partie à la forte diminution de l’alcoolisme dans le pays ainsi qu’à l’effondrement des admissions durant les hostilités. L’évolution du nombre des admissions au centre hospitalier Sainte-Anne, qui sert d’indicateur de l’évolution du mouvement de la population hospitalisée42, atteste en ce sens d’une très forte diminution des entrées entre 1940 et 1942 (voir figure 1). Bien que le nombre des entrées reparte à la hausse dès 1943, ce dernier reste en 1947 largement inférieur à ce qu’il était durant la période de l’entre-deux-guerres. L’évolution des admissions a pu ainsi laisser penser aux élus et fonctionnaires de la préfecture qu’une diminution générale de l’incidence des troubles mentaux était enregistrée : les maladies mentales seraient, en quelque sorte, en régression.
Fig. 1 : Courbes des entrées enregistrées au service de l’admission du centre psychiatrique Sainte-Anne (1918-1947).
Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, registre des délibérations, 70W8.
- 43 « Problème des malades mentaux », débat radiophonique animé par Paul Guimard dans le cadre de l’ém (...)
- 44 Isabelle von Bueltzingsloewen, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques fr (...)
- 45 En 1938, l’assistance psychiatrique du département de la Seine administre neuf établissements aux (...)
9Des psychiatres expliquent pour leur part cette diminution par la hausse exceptionnelle de la mortalité durant les années de guerre. Lors d’une émission radiophonique, le psychiatre et président du syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques Georges Daumézon déclare que deux raisons expliquent ce phénomène : « L’une, c’est que de très nombreux malades sont morts de faim […]. Mais il y a un autre fait très intéressant et très important ! C’est que pas mal de sujets qui, en temps ordinaire, semble-t-il, seraient devenus des malades mentaux et auraient été internés n’ont pas été internés pendant la guerre43. » À l’échelle nationale, alors qu’on dénombrait près de 120 000 malades internés dans des hôpitaux psychiatriques en 1939, ils ne sont plus, au sortir du conflit, qu’autour de 70 00044. Bien qu’il soit difficile d’évaluer le nombre de victimes de la famine dans les seuls établissements de la Seine, l’évolution du nombre de malades mentaux présents dans ces établissements psychiatriques illustre cette forte diminution causée par le conflit (voir figure 2). Le département, qui avait à sa charge 22 000 malades mentaux en 1938, n’en compte plus que 13 707 en 1947, dont 8 835 dans les seuls hôpitaux psychiatriques administrés par le département45.
Fig. 2 : Évolution de la population aliénée à la charge du département de la Seine (1937-1948).
Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, registre des délibérations, 70W8.
Les raisons du projet de réaffectation des hôpitaux psychiatriques de Perray-Vaucluse et de Moisselles
Maîtriser les dépenses et rentabiliser les équipements d’assistance
- 46 Philippe Nivet, Le conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, Paris, Publications de la Sorbonne, (...)
10Comment expliquer les raisons qui ont encouragé la mise en œuvre du projet de réaffectation de deux hôpitaux psychiatriques du département de la Seine au début de l’année 1948 ? L’étude des bulletins officiels du conseil général durant les années 1946 et 1947 donne plusieurs indications. Notons au préalable que l’assemblée départementale – qui avait été depuis la Libération dominée par les partis de gauche – devient durant cette période assez divisée quant aux questions budgétaires et liées à l’assistance46. Les conseillers généraux favorables au projet de la préfecture sont pour la plupart membres du groupe de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et s’opposent fin 1946, pour des raisons liées à l’actualité internationale, au Parti communiste français (PCF). Plusieurs de ces élus occupent par ailleurs après les élections municipales de 1947 des postes clés dans les commissions chargées du budget et des établissements d’assistance, comme le socialiste Henri Vergnolle, qui est désigné rapporteur général du budget le 19 octobre, ou le médecin Jean Alessandri, qui siège à la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques et devient président du conseil général. De surcroît, à partir de l’année 1947, les élus socialistes tiennent une position nouvelle et en apparence contradictoire au sujet des divers établissements d’assistance. S’ils défendent une politique de bonne maîtrise des dépenses publiques, ils estiment également indispensable dans une optique de redressement national de répondre dans la mesure du possible aux besoins sociaux et sanitaires des populations parisiennes les plus atteintes par les maladies sociales. Ils donnent à cet effet la priorité aux malades atteints par la tuberculose et aux vieillards dont l’état physique rend nécessaire une prise en charge.
- 47 Nous n’avons pas eu accès à ce rapport. Il est néanmoins évoqué à plusieurs reprises dans le rappo (...)
- 48 Ancien chef de service à l’Office national d’Hygiène sociale, le médecin Xavier Leclainche est rat (...)
- 49 Dr Xavier Leclainche, Rapport à Madame le ministre de la Santé publique et de la Population au suj (...)
11Le projet de réaffectation des hôpitaux prend en partie sa source dans la volonté de nombre de ces élus de rationaliser les dépenses d’assistance tout en répondant aux besoins de ces populations. En effet, dans le contexte de l’après-guerre, la diminution du nombre de malades présents dans les établissements psychiatriques peut apparaître, aux yeux des autorités et des conseillers généraux, comme le produit de circonstances exceptionnelles. Elle signifie aussi la libération temporaire de lits dont peuvent avoir besoin les vieillards et les tuberculeux. Leur considération semble de surcroît étayée par les constatations d’un rapport produit en 1946 par les services de la préfecture47 : au regard de la capacité réglementaire des établissements psychiatriques calculée selon la place effective qu’occupent les lits dans les pavillons, 1 800 lits seraient vacants. Le mode de calcul selon le nombre de lits pouvant être disposés dans les pavillons est alors le principal indicateur des autorités départementales pour déterminer les capacités réglementaires d’accueil des hôpitaux. Cependant, cette perception des hôpitaux psychiatriques comme étant en partie inoccupés ne signifie nullement que ceux-ci sont dans les faits désencombrés. En effet, lors des mobilisations du début de l’année 1948, un rapport sur les établissements de Perray-Vaucluse et de Moisselles présenté le 30 mars 1948 par l’inspecteur et médecin Xavier Leclainche48 au ministre de la Santé confirme que les capacités réglementaires de l’établissement de Vaucluse, calculées cette fois en fonction du « cubage d’air », sont « actuellement largement dépassées49 ». Le rapporteur estime que le calcul de la capacité réglementaire des établissements par les services de la préfecture a laissé penser à l’assemblée départementale que les établissements étaient insuffisamment occupés, alors que Perray-Vaucluse et Moisselles sont, selon ses termes, dans un « état d’encombrement manifeste ».
12Outre la nécessité de loger les malades tuberculeux ou les vieillards, les élus et partisans de l’idée de la réaffectation des hôpitaux psychiatriques mettent en avant le coût excessif de ces établissements. Alors qu’il leur faut faire face à la pénurie de locaux, nombre d’élus estiment que les hôpitaux psychiatriques doivent être utilisés au maximum de leur capacité, la vacance de lits apparaissant comme une dépense que ne peut pas se permettre le département en temps de crise. Ainsi, lors de la séance du 11 avril 1947, le conseiller général Henri Billebaut (SFIO) souligne qu’afin de faire face aux besoins des services de maternité, et du fait de l’inoccupation d’une grande partie de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, il est pertinent de réaffecter certaines parties de l’établissement qui viennent d’être rendues par l’armée américaine.
- 50 Une proposition qui est discutée entre le Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques et le (...)
- 51 Michel Huteau, Psychologie, psychiatrie et société sous la Troisième République. La biocratie d’Éd (...)
- 52 Circulaire du 13 octobre 1937 relative à la réorganisation de l’Assistance psychiatrique départeme (...)
13Si l’idée est partagée par une partie de l’assemblée, elle rencontre néanmoins une certaine appréhension du côté de l’administration. Le directeur des Affaires départementales, dont les services ont la charge des hôpitaux psychiatriques, précise ainsi que cette vacance de lits, bien qu’importante, n’est pas suffisante pour envisager une réaffectation. Il ajoute que les établissements psychiatriques fonctionnent déjà au maximum de leur capacité et que la meilleure solution sur un plan économique réside dans la diminution de la durée de séjour des malades. Cette position rejoint par ailleurs celle des psychiatres réformateurs qui estiment que la modernisation de l’appareil d’assistance et la diffusion des nouvelles techniques thérapeutiques laissent présager un meilleur rendement. Dans cette optique, la diminution du nombre de malades dans les hôpitaux psychiatriques français semble être considérée par les psychiatres comme une occasion de développer de nouveaux services, dont les services dits « libres ou ouverts50 ». En effet, ces derniers, qui permettent aux malades de se faire hospitaliser sans passer par les modes de placement de la loi du 30 juin 1838 et qui ont été expérimentés à Paris durant les années 192051, sont considérés par les psychiatres de l’après-guerre comme l’un des éléments clés de la réforme de l’assistance. Leur diffusion dans les hôpitaux psychiatriques, de surcroît encouragée avant la guerre par la publication de la circulaire d’octobre 193752, permettrait en effet de redéfinir ces anciennes structures asilaires comme de véritables hôpitaux de traitement et pourrait faciliter, par extension, la diminution du temps de séjour et les coûts de fonctionnement. Cohabitent ainsi plusieurs stratégies visant à diminuer la charge économique des établissements d’assistance.
- 53 Le prix de journée est le principal mode de financement des établissements hospitaliers. Il corres (...)
- 54 Claude Chauvel, Psychiatrie et sécurité sociale, thèse de médecine soutenue à la faculté de médeci (...)
- 55 Pierre Laroque, « Application du régime de la longue maladie aux malades mentaux », L’information (...)
- 56 Jean Lauzier, « Quelques remèdes aux difficultés financières des établissements hospitaliers », L’ (...)
- 57 Sur les causes, les effets et la réception de l’augmentation générale de l’indice des prix durant (...)
14Cependant, comment expliquer cette cristallisation des débats autour du coût et de la rentabilité des hôpitaux psychiatriques ? La dimension économique des établissements hospitaliers a souvent été abordée dans l’historiographie à travers l’étude de leurs sources de financement et de l’évolution du prix de journée et de revient53. Le financement des hôpitaux psychiatriques repose pour une grande partie sur les contributions départementales et sur la part dite contributive des communes. L’État n’est que peu investi dans le financement de ces établissements et les familles sont souvent dans l’impossibilité de prendre en charge des frais médicaux importants. De surcroît, si les malades atteints de troubles psychiques relèvent bien des assurances de la sécurité sociale (assurance maladie, longue maladie et invalidité)54, les conditions pour bénéficier des prestations demeurent l’objet de tractations entre les psychiatres et le ministère de la Santé et de la Population durant l’après-guerre55. Il est de fait difficile de mesurer la part prise en charge par les assurances dans les dépenses en psychiatrie à cette période. En outre, il semble que les caisses d’assurance sociale et les collectivités tardent souvent à payer les établissements psychiatriques, phénomène qui grève les finances des établissements56. Il revient ainsi aux départements de couvrir la grande majorité des dépenses de fonctionnement des établissements psychiatriques et des traitements des malades mentaux. Durant les années qui suivent la guerre, la crise économique et sociale – qui se caractérise par une « inflation exceptionnelle57 » – pèse sur les finances des administrations nationales et départementales. Dans le cas de l’assistance psychiatrique, l’augmentation constante du prix de revient des établissements (voir figure 3), constitue un indicateur pour les élus de l’évolution générale des dépenses. Entre 1945 et 1947, le prix de revient double, voire triple, dans la majorité des établissements psychiatriques, ce qui alourdit de fait considérablement la charge financière supportée par le département.
Fig. 3 : Évolution du prix de revient des établissements de l’Assistance psychiatrique de la Seine.
Source : Archives de Paris, comptes rendus de la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques de la Seine, 100W1-4.
La réaffectation des anciens asiles : une mesure de la politique d’abattement budgétaire
- 58 BMO du conseil général du 16 janvier 1948, séances des 30 et 31 décembre 1947, p. 819.
15Les hôpitaux psychiatriques ne sont pas le seul secteur de l’assistance concerné par cette augmentation ; toutefois, celle-ci pousse une partie des membres de l’assemblée départementale à opérer des coupes dans les principaux postes de dépenses. Durant les débats du 31 décembre 1947 consacrés au vote du budget, les rapporteurs affichent ainsi leur « volonté de voir appliquer une politique de stricte économie », dans laquelle les dépenses inutiles doivent être supprimées58. Le budget consacré aux malades mentaux pour 1948 est à ce titre amputé de 100 millions de francs sur les 2 milliards prévus initialement. Une diminution importante, mais jugée nécessaire du fait de l’inflation et de l’augmentation générale du prix de revient.
16Dès le début du mois de février 1948, l’administration préfectorale cherche les moyens de mettre en œuvre l’abattement budgétaire voté le 31 décembre 1947. Présenté au début du mois de février devant la seconde commission, un premier mémoire de la préfecture expose une série de mesures permettant de réaliser une économie de 75 millions de francs. Ce mémoire prévoit la suppression de l’établissement psychiatrique de Moisselles et des quartiers adultes de l’hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse ainsi que la reconversion de ces derniers en sanatoriums. Les malades mentaux y étant placés doivent être répartis dans les autres établissements du département ou dans les colonies familiales. Cette proposition, quoique retenue dans un premier temps par la seconde commission du conseil général, est finalement rejetée par l’assemblée départementale lors de la séance du 24 mars 1948. Les membres de la seconde commission et les conseillers généraux invitent ainsi l’administration, lors de la séance du 24 mars 1948, à produire un nouveau mémoire n’impliquant ni la suppression ni la conversion des deux établissements. Le conseiller général Marcel Bidegaray (SFIO) est chargé, avec le concours de la commission du budget, de la production de ce nouveau mémoire. Il propose un abattement étalé sur l’ensemble des budgets des établissements psychiatriques. Cette nouvelle proposition est cette fois dénoncée par le groupe communiste du conseil général, qui redoute que ces réductions ne concernent également le personnel infirmier. Lors de la séance du 24 mars, le groupe communiste réussit à faire adopter un vœu pour que soit produit un troisième mémoire visant le rétablissement des crédits supprimés concernant le personnel des hôpitaux psychiatriques. Une démarche que le groupe communiste réitère lors de la séance du 14 avril 1948, au cours de laquelle les crédits supprimés le 31 décembre 1947 sont définitivement rétablis. Le projet de réaffectation dénoncé par le groupe communiste, certains élus du MRP, les psychiatres, les familles, les membres du personnel infirmier et le ministre de la Santé est définitivement abandonné au milieu de l’année 1948. C’est dans cet intervalle, entre le début du mois de février et le début du mois d’avril que se mobilisent les opposants au projet.
Perceptions et motivations des acteurs dans la lutte pour la préservation des deux établissements
Syndicats, élus et psychiatres : des acteurs institutionnels au cœur des négociations
17Comment les oppositions se manifestent-elles sur le terrain ? Les syndicats des personnels hospitaliers semblent se mobiliser dès le début du mois de février, alors qu’est élaboré le premier mémoire. Un tract de la Confédération générale du travail (CGT), placardé sur le tableau d’affichage de l’hôpital de Perray-Vaucluse, indique que la lutte syndicale a débuté à l’hôpital le 12 février. Une délégation des membres du personnel est reçue par la préfecture le 17 février, rencontre au cours de laquelle le projet de réaffectation de l’hôpital psychiatrique est confirmé aux manifestants. Le tract en appelle dès lors à la mobilisation de l’ensemble du personnel syndiqué de l’établissement, appel qui semble être suivi par les autres hôpitaux psychiatriques du département. Entre les 17 et 22 février, les syndicats CGT et Force ouvrière (FO) constituent des « comités de défense » et organisent plusieurs assemblées générales. La mobilisation ne se limite néanmoins pas aux seuls travailleurs et syndiqués des établissements psychiatriques. Alertés par la possibilité de la transformation de l’hôpital de Perray-Vaucluse en sanatorium, les six maires des communes concernées adressent de leur côté une pétition demandant l’abandon du projet au directeur de l’établissement, dans laquelle on peut lire :
- 59 Pétition des maires datée du 18 février 1948 et adressée au directeur de l’hôpital de Perray-Vaucl (...)
Tenant compte des bruits qui circulent à nouveau et qui émeuvent la population de leurs communes, se font leurs interprètes auprès des Pouvoirs publics pour que ne soit pas donné suite au projet de transformer l’hôpital psychiatrique de Vaucluse en sanatorium où il serait question d’amener des tuberculeux. Cela, en raison de la situation topographique de cet établissement, serait un danger pour la nombreuse population de la vallée inférieure de l’Orge où l’aménagement ne répond pas à la sécurité de la santé des populations59.
18Le courrier des maires souligne par ailleurs qu’une telle opération avait déjà été réalisée durant l’année 1945 : l’OPHS s’était ainsi vu confier la gestion des quartiers adultes de l’hôpital. Les maires rappellent à ce titre que de nombreuses plaintes avaient été formulées à cette époque par le personnel de l’hôpital et les habitants des communes voisines et que la reprise des services hospitaliers par l’OPHS avait été douloureusement vécue par la population. Du fait du nombre de maires signataires et des informations contenues dans la pétition du 18 février, il semble que l’annonce du projet se soit rapidement diffusée dans les communes ceinturant l’hôpital.
- 60 Société médico-psychologique, « Vœu relatif aux projets de suppression d’hôpitaux psychiatriques » (...)
- 61 Voir à ce sujet le « Compte rendu des Journées psychiatriques nationales 1947 », L’information psy (...)
- 62 Louis Le Guillant, Jean Lhermitte, Rapport sur la suppression éventuelle d’hôpitaux psychiatriques(...)
- 63 Lettre du préfet de la Seine au ministre de la Santé publique et de la Population (2 avril 1948), (...)
19Les médecins psychiatres, quant à eux, manifestent frontalement leur opposition au projet préfectoral par l’intermédiaire de leurs sociétés savantes. Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, ils affirment que celui-ci rendrait « particulièrement malaisées non seulement l’organisation des soins […], mais aussi une réadaptation sociale dont la nécessité s’avère chaque jour plus impérieuse60 ». Ils ajoutent que la fermeture des hôpitaux entraînerait un déplacement des malades et une aggravation de l’encombrement d’autres services hospitaliers. Une mesure qui contrevient au projet thérapeutique des psychiatres, faisant de l’hôpital un « dispositif de cure » centré sur la réadaptation des malades à leur milieu professionnel et familial61. Aussi, la suppression des hôpitaux de Perray-Vaucluse et de Moisselles envisagée dans le département de la Seine apparaît aux yeux des psychiatres comme une mesure contraire à leur projet de refondation de la psychiatrie hospitalière. Averti par ces médecins, le ministre de la Santé confie dès le mois de février aux psychiatres Jean Lhermitte et Louis Le Guillant la charge de réaliser un rapport sur le projet envisagé par le département de la Seine62. Les conclusions des auteurs sont défavorables au projet départemental et mettent en évidence son inefficacité sur le plan thérapeutique. Suivant leurs recommandations, le ministre de la Santé transmet le rapport au préfet de la Seine dans un courrier daté du 16 mars 1948, l’informant en outre que les autorités de tutelle ne peuvent agréer le projet envisagé par le département. Le préfet répond à cette lettre le 2 avril, indiquant au ministre que le rapport a été transmis aux membres de l’assemblée départementale et qu’à la suite de cela, cette dernière avait abandonné le projet de réaffectation. Le préfet précise toutefois que sa position initiale quant à ce projet consistait à « tenir le compte le plus équitable des besoins divers de l’assistance sociale ». À ce titre, il lui était « apparu que le seul moyen de développer des services insuffisamment dotés (les sanatoriums) pouvait consister à prélever quelques ressources sur un domaine plus favorisé63 ». À la lecture des courriers échangés entre les administrations, il apparaît que la pénurie des moyens hospitaliers et financiers ainsi que les besoins de l’assistance ont encouragé les services préfectoraux à proposer une réaffectation des établissements psychiatriques.
20La décision du ministre de la Santé et les documents produits par les psychiatres ont sans doute influencé le conseil général, le conduisant à réviser sa position initiale. Celui-ci a également été interpellé au cours des mois de février et mars par les familles et le personnel infirmier, qui se sont mobilisés afin de préserver les activités des deux établissements.
Le rôle des familles : entre appuis de la lutte syndicale et acteurs défendant les intérêts de leurs malades
- 64 Pétition du comité de défense des établissements de Ville-Evrard et de Maison Blanche protestant c (...)
- 65 Ibid.
- 66 Tract de la CGT daté du 19 février 1948, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossier d (...)
21Les familles semblent avoir été informées du projet de réaffectation au cours du mois de février par l’intermédiaire des syndicats des établissements. Des tracts leur étant explicitement adressés sont en effet produits par les syndicats pour les inviter à participer à des assemblées générales qui doivent donner naissance à des « comités de défense ». Ceux-ci apparaissent dans les sources comme des organisations relativement informelles. Ils ne sont pas organisés selon une hiérarchie bien fixée et aucune direction n’apparaît dans les documents étudiés. Ils assurent néanmoins une certaine coordination de la lutte entre les familles et les syndiqués, qui se concrétise par la production de pétitions et de revendications communes. Ainsi, à l’appel des membres du personnel des hôpitaux psychiatriques de Maison Blanche et de Ville-Evrard, qui se réunissent le 22 février 1948 à la salle des fêtes de Neuilly-sur-Marne, les familles des malades rédigent une pétition signée par le comité de défense à l’adresse du conseil général64. Dans ce texte qui dénonce les licenciements et la suppression des deux établissements, les familles déclarent s’engager à « aider en collaboration avec les agents des établissements dans le comité de défense et faire échec à toutes les mesures qui tendraient à nuire à l’intérêt des malades et du personnel ». Un personnel dont les infirmiers et infirmières sont « comme les familles le constatent […] déjà en nombre insuffisant65 ». Les familles impliquées prévoient et organisent, en collaboration avec les organisations syndicales, de nouvelles réunions pour informer les autres familles de patients du projet départemental. Il est également frappant de constater la volonté des syndicats d’interpeller directement celles-ci sur les conséquences des restrictions budgétaires envisagées. À Sainte-Geneviève-des-Bois, le tract d’appel du comité de défense de l’hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse insiste sur le fait que la diminution des crédits entraînera « une réduction de la ration alimentaire », une raréfaction des médicaments, le licenciement de membres du personnel, mais surtout le transfert des malades dans « des établissements privés (marchands de soupe) » – des établissements situés dans des départements éloignés, où les familles seraient dans l’impossibilité de les visiter66.
- 67 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossier des délibérations, 70W8.
22Il est difficile de mesurer l’implication des familles dans la mobilisation syndicale, d’autant que celles-ci semblent avoir repris dans leurs lettres les arguments avancés par les syndicats. De surcroît, il est plus difficile encore de préciser le nombre exact de familles impliquées ainsi que la durée de leur mobilisation : en effet, les archives des comités de défense et les déclarations des élus n’indiquent pas de chiffres précis et les pétitions des familles comportent tout au plus quelques dizaines de signatures. Peut-être que seules les familles visitant le plus leurs proches ou celles étant en relation directe avec les syndicats du personnel soignant se sont mobilisées. Dans tous les cas, les rassemblements sur les différents sites hospitaliers laissent entrevoir un phénomène relativement étendu. Une note du directeur de Perray-Vaucluse adressée à la préfecture évoque cependant la mobilisation de plusieurs centaines d’agents hospitaliers sur le site ainsi que la présence d’éléments extérieurs67. Doit-on dans ce contexte en déduire que les familles ont été de simples faire-valoir de la propagande syndicale ? En partie sans doute, mais elles sont de fait impliquées dans la prise en charge de « leurs » malades et semblent mobilisées sur la majeure partie des établissements qu’administre le département. Loin d’être bornées à un rôle passif, ces familles font montre d’une agentivité notable en s’engageant dans des négociations avec les autorités administratives et médicales.
23Lorsqu’est annoncé le projet de suppression des hôpitaux psychiatriques de Perray-Vaucluse et de Moisselles, de nombreuses familles protestent auprès des autorités. Leur mobilisation s’effectue de deux manières : elle se traduit d’abord par un engagement dans les comités de défense et par l’envoi de pétitions communes avec le personnel, mais aussi par des actions plus individuelles, avec l’envoi massif de lettres interpellant directement les élus du conseil général. Une correspondance qui n’est pas ignorée par ces derniers. Ainsi, lors de la séance du 17 mars 1948, le conseiller MRP et médecin Étienne Royer de Véricourt insiste sur l’ampleur du phénomène :
- 68 BMO du conseil général de la Seine, séance du 17 mars 1948, p. 82.
[…] nous sommes saisis d’un abondant courrier nous suppliant d’intervenir pour que le mari, l’enfant, le parent ne soit pas envoyé en province, éloigné de la famille. Ce déplacement aurait comme conséquence une diminution des chances de guérison et une plus grande difficulté de réadaptation, d’autant plus que les frais de voyage rendraient les visites des familles particulièrement compliquées68.
- 69 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
24L’exposé de Véricourt reprend l’argumentaire déployé par les familles, argumentaire que l’on retrouve dans les tracts syndicaux et qui s’articule autour de deux principaux axes : le coût financier des visites et la dégradation des soins que le déplacement des malades entraînerait. L’étude de ces correspondances met en évidence la situation économique des familles, mais montre également que celles-ci ont pleinement conscience de la dimension économique du projet. C’est ce qui ressort d’une lettre datée du 4 mars 1948 dans laquelle madame W.69 s’insurge contre la suppression de l’hôpital psychiatrique de Moisselles (figure 4).
Fig. 4 : Lettre de madame W. du 4 mars 1948 au président du conseil municipal de Paris (deux pages).
Source : Archives de Paris, conseil général du département de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
25En tant qu’usagère ayant un proche hospitalisé, l’auteure de cette lettre dénonce un projet qui serait non seulement injuste, mais également contre-productif sur le plan financier. Pour elle, l’envoi des malades en province « entraînerait le déplacement onéreux et plus rare des familles ainsi que le manque de soins dans des hôpitaux surpeuplés ». Habitant à Vanves, au sud de Paris, madame W. doit ainsi effectuer un déplacement de 30 kilomètres pour se rendre à l’hôpital psychiatrique de Moisselles (voir figure 5). Si elle ne précise pas ce que ce déplacement lui coûte, elle souligne la relation entre ce coût et la fréquence des visites. Le poids économique des visites est également mis en avant dans les autres correspondances. Madame H. écrit ainsi :
[Sic] je me permets de vous écrire pour vous expliquer mon cas. J’ai 50 ans, ouvrière couturière vivant seule depuis de nombreuses années j’ai ma mère malade atteinte d’aliénation mentale. Après plusieurs hôpitaux elle est depuis plusieurs années à l’hôpital de Moisselles (Seine-et-Oise) malgré les frais que coûtait ce voyage et aussi pour lui apporter quelques douceurs je le faisais chaque fois que ma santé et le temps le permettent. Dimanche dernier j’ai appris que l’hôpital de Moisselles allait être évacué pour aller en (Bretagne) ou Hérault. J’ai beaucoup de peine maman a bien ses idées depuis 72 ans [et] la séparation [serait] terrible pour nous deux. Je ne pourrais pas aller si loin pour la voir. Mes moyens ne pouvant me le permettre aussi monsieur le président c’est avec beaucoup de peine que je veux vous expliquer mon cas pour que maman ne parte pas si loin.
- 70 En 1948, les visites des familles aux malades sont encadrées par les articles 190, 191, 192 et 193 (...)
- 71 Ces « douceurs » mentionnées dans les différents courriers des familles sont des denrées telles qu (...)
26Situés en majorité dans le département de Seine-et-Oise, les hôpitaux psychiatriques sont relativement éloignés de l’agglomération parisienne (voir figure 5), une séparation géographique qui contraint très souvent les familles habitant Paris ou sa proche banlieue à prendre le train pour visiter les malades et leur apporter du réconfort. Aussi, si le second aspect qui apparaît le plus souvent dans la dizaine de courriers étudiée est la question du coût des déplacements, c’est bien celle du rôle thérapeutique et affectif que se donnent les familles des malades qui est le centre de gravité de leur argumentaire. Dans leurs missives, les hôpitaux de province sont en effet décrits comme « surpeuplés » et moins bien équipés que ceux de la Seine. Moins bien soignés et trop éloignés de Paris de surcroît, les malades ne pourraient plus recevoir la moindre visite, ce qui pourrait aggraver leur état mental. Les lettres des familles soulignent ainsi l’importance des moments intimes que sont les visites à leurs proches auxquels elles apportent un soutien moral, mais parfois aussi une aide alimentaire70. Dans une lettre adressée au président du conseil municipal, madame A. affirme qu’elle a « eu jusqu’ici la satisfaction de pouvoir apporter (au malade) “quelques douceurs71” tous les jeudis et dimanches ainsi que notre présence qui est salutaire ». Les familles estiment donc qu’elles ont un rôle majeur à jouer dans les soins apportés aux malades hospitalisés, rôle qu’elles tiennent difficilement du fait de la répartition géographique des hôpitaux psychiatriques, mais qu’elles ne pourraient plus assurer si les malades étaient envoyés dans des établissements situés en province.
Fig. 5 : Carte des hôpitaux psychiatriques du département de la Seine en 1950 au 1/250000e.
Source : Institut géographique national.
Conclusion
- 72 Voir à ce sujet : Isabelle von Bueltzingslowen, « Un fol espoir thérapeutique ? L’introduction de (...)
27S’il ne semble pas possible de déterminer une date précise de fin des mobilisations, celles-ci paraissent toutefois s’estomper durant le mois d’avril, alors que le projet de réaffectation des deux hôpitaux psychiatriques est définitivement abandonné. Ainsi, les mobilisations des familles et des soignants, de même que l’implication des psychiatres, ont vraisemblablement provoqué cet abandon. Cet événement, quoique local, met surtout en évidence les tensions qui parcourent le champ psychiatrique français de la seconde partie des années 1940. Les hôpitaux psychiatriques, bien que faisant l’objet d’un projet de réforme porté par les médecins psychiatres au moment de la Libération, semblent n’être que peu considérés par les pouvoirs publics qui les perçoivent comme des institutions coûteuses et archaïques. S’il est bien fait mention de la modernisation de ces structures dans les bulletins du conseil général de la Seine, et si de nouvelles techniques thérapeutiques, dont la sismothérapie72, se diffusent dans les services médicaux, la priorité en matière d’assistance semble toutefois accordée aux tuberculeux et aux vieillards, du fait de moyens financiers limités. Pour les pouvoirs publics, les hôpitaux psychiatriques sont loin d’être une priorité et il n’est pas invraisemblable d’envisager que d’autres départements tentent de fermer des services durant cette période. De même, pour les psychiatres, cet événement semble témoigner de la précarité matérielle des hôpitaux psychiatriques français de l’après-guerre. Un état qui conditionne leurs ambitions réformatrices.
- 73 Hervé Guillemain, « Des institutions privées d’histoire… », art. cit.
- 74 Anatole Le Bras, « L’asile d’aliénés et le “désordre des familles” », Revue d’histoire du xixe siè (...)
- 75 Nicolas Henckes, « Entre thérapie et oblation. Le discours de l’UNAFAM sur les familles de malades (...)
28Les mobilisations autour de ce projet mettent également en lumière le nouveau rôle que semblent s’attribuer les familles des malades. Si en effet les protestations des familles face aux transferts collectifs ont déjà été évoquées par les historiens et historiennes de la psychiatrie73, leur participation à des collectifs organisés par les syndicats est, semble-t-il, un fait nouveau. Les travaux de l’historien Anatole Le Bras74 ont bien mis en évidence l’engagement individuel des familles durant la seconde partie du xixe siècle. Celles-ci entreprennent souvent des négociations avec les autorités médicales et administratives pour obtenir diverses faveurs pour leurs malades, comme la possibilité de demander leur sortie ou de les visiter. Les lettres des familles adressées aux médecins et que l’on trouve dans les dossiers médicaux des malades au xxe siècle attestent de la longévité de cette modalité d’action. Cependant, l’historiographie des mobilisations collectives des familles de patients internés dans les établissements psychiatriques avant la Seconde Guerre mondiale reste encore peu étudiée. À notre connaissance, il n’existe que très peu d’études sur ce type de phénomène. Aussi, peut-être assiste-t-on, avec cet événement de l’après-guerre, à la mise en lumière de nouvelles formes de mobilisation des familles, qui préexistent aux mouvements associatifs menés par les parents et les proches des malades durant les années 1960 et 197075.
Notes
1 Pierre de Gaulle, frère cadet du général de Gaulle, est devenu président du conseil municipal de Paris dans la foulée des élections municipales des 19 et 26 octobre 1947, qui consacrent la victoire du Rassemblement du peuple français (RPF) à Paris.
2 Roger Verlomme, directeur du centre hospitalier Sainte-Anne durant les années de guerre, est nommé préfet de la Seine le 31 août 1946, fonction qu’il occupe jusqu’à son décès le 9 juillet 1950.
3 Créés en 1790, les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise englobaient les actuels départements qui composent la « grande couronne » de Paris. Ils ont été officiellement supprimés par la loi portant sur la réorganisation administrative de la région parisienne du 10 juillet 1964.
4 Conformément à l’article premier de la loi du 30 juin 1838, les départements pouvaient conclure des traités relatifs au placement de leurs malades dans un « établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre département ». La Seine avait à ce titre conclu des traités durant l’entre-deux-guerres avec des hôpitaux psychiatriques de province et procédé à des transferts collectifs. Voir à ce sujet : Hervé Guillemain, « Des institutions privées d’histoire. Enquête sur les archives d’entreprises capitalistes dédiées à la gestion de la folie (France, 1930-1950) », Santé mentale au Québec, 41 (2), 2016, p. 101-108 ; Joris Guillemot, « Entreprises privées et psychiatrie dans la France des années 1930. L’exemple de l’asile psychiatrique de Plouguernével », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 127 (2), 2020, p. 105-124.
5 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
6 Plusieurs articles paraissent dans la presse au cours des mois de février et mars : Dr Bernard Deplas, « Il faut maintenir l’hôpital psychiatrique de Vaucluse », Combat, 23 mars 1948, p. 4 ; « La santé publique en péril par la mise en chômage du personnel hospitalier indispensable », L’Humanité, 20 février 1948, p. 3 ; Marie-Laurence, « Devant les menaces gouvernementales, personnel, corps médical, parents de malades forment leur Comité de défense », La vie nouvelle. Hebdomadaire communiste du canton de Villejuif, 25 février 1948, p. 1.
7 Sur les attributions du préfet de la Seine et les différentes assemblées locales, voir : Maurice Félix, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine, t. 3, Le conseil municipal de la ville de Paris, le conseil général du département de la Seine, les communes suburbaines, Paris, La documentation française, 1902.
8 Voir à ce sujet : Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991 ; Michel-Pierre Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998.
9 Voir à ce sujet : Émilien Ruiz, Trop de fonctionnaires ? Contribution à une histoire de l’État par ses effectifs (France, 1850-1950), thèse de doctorat en histoire sous la direction de Marc-Olivier Baruch, École des hautes études en sciences sociales, 2013.
10 « Circulaire no 321 du 26 décembre 1945 sur l’emploi des lits vacants dans les hôpitaux psychiatriques », L’information psychiatrique, 5, 1946, p. 83-84.
11 Sans entrer dans les détails de sa répartition, le budget départemental est divisé entre cinq commissions chargées de la gestion des différentes missions publiques dévolues au département. Le budget de la seconde commission du conseil général de la Seine, relative aux établissements d’assistance, dont font partie les hôpitaux psychiatriques, équivaut à plus du tiers du budget départemental, soit 5 238 778 700 francs pour l’année 1948. Dans ce tiers, les « dépenses d’entretien des malades mentaux » sont estimées à 1 900 000 000 francs, soit 36 % des dépenses de la seconde commission. La part des dépenses d’entretien des malades mentaux est donc comprise entre 12 % et 15 % du budget départemental. Source : Bulletin municipal officiel (BMO) du conseil général, séance du 31 décembre 1947.
12 À ce titre, la section adulte de l’hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse est confiée en mars 1944 à l’Office public d’hygiène sociale du département de la Seine, qui dispose de 800 lits pour les tuberculeux. Source : Archives du Comité d’histoire de la Sécurité sociale, circulaire no 823, 150-004.
13 Les hospices pour vieillards, les maternités ainsi que l’assistance aux tuberculeux semblent particulièrement touchés par ces pénuries. Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W9.
14 Durant les années qui suivent la Libération, les psychiatres, réunis dans le nouveau syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques, définissent une nouvelle conception de l’assistance psychiatrique. Cette dernière reposerait sur des hôpitaux psychiatriques organisés autour des services libres et faisant des anciens asiles des centres de cure et de réadaptation. Voir à ce sujet : Nicolas Henckes, Le nouveau monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réforme des hôpitaux psychiatriques de l’après-guerre aux années 1970, thèse de doctorat en sociologie sous la direction d’Isabelle Baszanger, École des hautes études en sciences sociales, 2007
15 Voir à ce sujet : Ciaran Mulholland, Michael Walker « “Our Cause Is a Just One”. Trade Union Organisation in Irish Mental Asylums, 1896-1917 », Saothar, 38, 2013, p. 19-30.
16 Jean-Christophe Coffin, « Mai 68, la révolution de la psychiatrie », The conversation, 16 mai 2018, en ligne : https://theconversation.com/mai-68-la-revolution-de-la-psychiatrie-96734 (consulté le 7 janvier 2022).
17 Jean Ayme, Chroniques de la psychiatrie publique à travers l’histoire d’un syndicat, Ramonville-Saint-Agne, Erès, 1995 ; François Alfandari, « Le syndicalisme à l’heure de la transformation de la psychiatrie. Des militants CGT à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (Lyon, années 1960-1970) », Genèses, 107 (2), 2017, p. 82-105.
18 Christian Chevandier, Les métiers de l’hôpital, Paris, La Découverte, 1997, p. 101.
19 Nicolas Henckes, Le nouveau monde de la psychiatrie française…, op.cit ; Isabelle von Bueltzingsloewen, « Le militantisme en psychiatrie, de la Libération à nos jours. Quelle histoire ?! » Sud/Nord, 25 (1), 2010, p. 13-26.
20 Sur ces oppositions des familles aux transferts collectifs des malades mentaux, nous renvoyons le lecteur au travail d’Hervé Guillemain, « Des institutions privées d’histoire… », art. cit.
21 Voir à ce sujet : Éric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon, Gilles Gauvin, Les Français au quotidien, 1939-1949, Paris, Perrin, 2006 ; Dominique Veillon, Vivre et survivre en France, 1939-1947. Paris, Payot & Rivages, 1995.
22 Voir à ce sujet : Fabrice Cahen, Adrien Minard, « Les mobilisations contre les “fléaux sociaux” dans l’entre-deux-guerres. Essai de cartographie sociale », Histoire & mesure, 31 (2), 2016, p. 141-170 ; Patrice Bourdelais (dir.), Les hygiénistes. Enjeux, modèles et pratiques (xviiie-xxe siècles), Paris, Belin, 2001.
23 P. Boulenger, M. Moine, « La mortalité par tuberculose dans le département de la Seine en 1945 », Bulletin de l’Institut national d’hygiène, 1 (2), 1946, p. 61-69.
24 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité (1945-1954), bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris.
25 Créé en 1918 dans le cadre de la loi Léon Bourgeois, l’Office public d’hygiène sociale (OPHS) du département de la Seine a pour tâche de coordonner les activités des dispensaires pour les tuberculeux. Ses activités sont progressivement étendues au dépistage, à la vaccination et à la post-cure de l’ensemble des « maladies sociales ». Dernière en date, la section relative à la prophylaxie mentale est créée en 1941. Sur l’histoire des OPHS, nous renvoyons le lecteur à l’article de Cécile Lestienne, « Lutter contre la tuberculose et la mortalité infantile. L’établissement des dispensaires en France (1880-1950) », In Situ, 31, 2017, en ligne : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.14026 (consulté le 7 janvier 2022).
26 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité…, op. cit.
27 Christian Chevandier, L’hôpital dans la France du xxe siècle, Paris, Perrin, 2009, p. 226.
28 Plusieurs établissements hospitaliers parisiens et du département de la Seine, dont les hôpitaux psychiatriques de Perray-Vaucluse et de Villejuif, ont été réquisitionnés par l’armée américaine. Voir à ce sujet : Jean-Paul Martineaud, Une histoire de l’hôpital Lariboisière. Le Versailles de la misère, Paris, L’Harmattan, 1998 ; Patrick Hottot, De la Gilquinière à Perray-Vaucluse, Aurillac, imprimerie Champagnac, 2009.
29 Christian Chevandier, L’hôpital dans la France du xxe siècle, op. cit ; Jean-Paul Martineaud, Une histoire de l’hôpital Lariboisière…, op. cit.
30 « Pour l’amélioration du sort des malades et des conditions de travail du personnel, les élus communistes visitent l’hôpital Tenon », L’Humanité, 25 septembre 1946, p. 4.
31 Jean-Paul Martineaud, Une histoire de l’hôpital Lariboisière…, op. cit.
32 Le plan Monnet, du nom du fonctionnaire français l’ayant proposé en 1946, est le premier plan quinquennal de modernisation et d’équipement de l’économie française d’après-guerre. Il vise à reconstruire l’économie française et se concentre sur la production industrielle.
33 « Vœu tendant à l’organisation de centres de postcure pour les tuberculeux », BMO du conseil général de la Seine, séance du 18 avril 1947, p. 211.
34 Lion Murard, François Fourquet, Histoire de la psychiatrie de secteur, ou le secteur impossible ?, Paris, Recherches, 1975.
35 Préfecture de la Seine, Office public d’hygiène sociale. Statistiques d’activité…, op. cit.
36 Convention du 7 juillet 1947 portant sur la création du CTRS de Ville-Evrard, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers de délibérations, 70W8.
37 « Intervention de Jean Alessandri au nom de la 2e commission », BMO du conseil général du 11 avril 1947, p. 174.
38 Voir à ce sujet : Georges Daumézon, « Essai d’historique critique de l’appareil d’assistance aux malades mentaux dans le département de la Seine depuis le début du xixe siècle », L’information psychiatrique, 1, 1960, p. 5-29.
39 Les comptes rendus de la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques exposent en détail ces problèmes des pénuries et la vétusté des locaux hospitaliers. Source : Archives de Paris, comptes rendus de la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques du département de la Seine (1945-1948), 100W1-4.
40 Isabelle von Bueltzingloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, 82 (1), 2011, p. 52-74.
41 Du fait des pénuries de matériaux et de la promulgation d’« ordonnances allemandes interdisant l’exécution des travaux d’un montant supérieur à 100 000 francs », le département ne peut réaliser les travaux de réfection votés en 1938. Source : Mémoire au conseil général du 4 décembre 1946, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W5.
42 Le service des admissions du centre hospitalier Sainte-Anne a la charge d’examiner et de répartir les malades arrivant de l’infirmerie spéciale de la préfecture de police ou se présentant avec leur famille dans les établissements dits périphériques, situés majoritairement en Seine-et-Oise. La quasi-intégralité des malades admis dans les établissements de la Seine passe par ce service. Le nombre des admissions que celui-ci enregistre constitue de ce fait un indicateur du mouvement général des admissions dans le département.
43 « Problème des malades mentaux », débat radiophonique animé par Paul Guimard dans le cadre de l’émission « Tribune de Paris. Les hommes, les événements, les idées à l’ordre du jour », programme national, 22 novembre 1946, 13 minutes.
44 Isabelle von Bueltzingsloewen, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Paris, Aubier, 2007 ; Isabelle von Bueltzingsloewen (dir.), « Morts d’inanition ». Famine et exclusions en France sous l’Occupation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
45 En 1938, l’assistance psychiatrique du département de la Seine administre neuf établissements aux statuts juridiques variés. Ces neuf établissements accueillent près des deux tiers des malades mentaux à la charge du département. Le reste des malades est inégalement réparti dans différents établissements psychiatriques de France.
46 Philippe Nivet, Le conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994.
47 Nous n’avons pas eu accès à ce rapport. Il est néanmoins évoqué à plusieurs reprises dans le rapport du Dr Xavier Leclainche, inspecteur général mandaté par le ministère de la Santé pour évaluer l’état d’encombrement des hôpitaux psychiatriques de Perray-Vaucluse et de Moisselles. Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
48 Ancien chef de service à l’Office national d’Hygiène sociale, le médecin Xavier Leclainche est rattaché au ministère de la Santé en 1935. Il participe durant cette décennie à la création des services d’hygiène, puis est nommé inspecteur général de la Santé publique en 1938. Durant les années de guerre, il devient directeur d’un hôpital psychiatrique de province avant d’être rappelé à Paris pour prendre le poste de Directeur régional de la santé. En 1949, il est finalement nommé à la direction de l’Administration générale de l’assistance publique. Voir à ce sujet : « Éloge par Jean Debeyre le 23 octobre 1984 », Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 168 (7), 1985, p.717-725.
49 Dr Xavier Leclainche, Rapport à Madame le ministre de la Santé publique et de la Population au sujet des hôpitaux psychiatriques de la Seine, 30 mars 1948, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
50 Une proposition qui est discutée entre le Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques et le cabinet du directeur de l’Assistance. Voir à ce sujet l’article « Nécessités urgentes », L’information psychiatrique, 4, 1946, p. 54-57.
51 Michel Huteau, Psychologie, psychiatrie et société sous la Troisième République. La biocratie d’Édouard Toulouse (1865-1947), Paris, L’Harmattan, 2002.
52 Circulaire du 13 octobre 1937 relative à la réorganisation de l’Assistance psychiatrique départementale.
53 Le prix de journée est le principal mode de financement des établissements hospitaliers. Il correspond au prix théorique que coûte une journée d’hospitalisation d’un malade. Il est calculé à partir du prix de revient d’une journée et correspond à l’ensemble des dépenses d’un établissement divisé par le nombre de journées d’hospitalisation. Voir à ce sujet : Claire Bouinot, « Les origines du prix de journée dans les hôpitaux en France (1850-1940) », Centre de recherche européen en finance et gestion, Université Paris-Dauphine, 2003, en ligne : http://www.crefige.dauphine.fr/recherche/histo_compta/bouinot2.pdf (consulté le 7 janvier2022).
54 Claude Chauvel, Psychiatrie et sécurité sociale, thèse de médecine soutenue à la faculté de médecine de Paris, 1952.
55 Pierre Laroque, « Application du régime de la longue maladie aux malades mentaux », L’information psychiatrique, 9, 1946, p. 194-195.
56 Jean Lauzier, « Quelques remèdes aux difficultés financières des établissements hospitaliers », L’information psychiatrique, 4, 1947, p. 93-96.
57 Sur les causes, les effets et la réception de l’augmentation générale de l’indice des prix durant les années de l’après-guerre, nous nous référons à Michel-Pierre Chélini, Inflation, État et opinion en France de 1944 à 1952, op. cit.
58 BMO du conseil général du 16 janvier 1948, séances des 30 et 31 décembre 1947, p. 819.
59 Pétition des maires datée du 18 février 1948 et adressée au directeur de l’hôpital de Perray-Vaucluse, Archives de Paris, dossiers des délibérations, 70W8.
60 Société médico-psychologique, « Vœu relatif aux projets de suppression d’hôpitaux psychiatriques », 24 février 1948, Archives de Paris, dossiers des délibérations, 70W8.
61 Voir à ce sujet le « Compte rendu des Journées psychiatriques nationales 1947 », L’information psychiatrique, 6, 1947, p. 147-151.
62 Louis Le Guillant, Jean Lhermitte, Rapport sur la suppression éventuelle d’hôpitaux psychiatriques, non daté, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
63 Lettre du préfet de la Seine au ministre de la Santé publique et de la Population (2 avril 1948), Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
64 Pétition du comité de défense des établissements de Ville-Evrard et de Maison Blanche protestant contre les licenciements de personnel, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W9.
65 Ibid.
66 Tract de la CGT daté du 19 février 1948, Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossier des délibérations, 70W8
67 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossier des délibérations, 70W8.
68 BMO du conseil général de la Seine, séance du 17 mars 1948, p. 82.
69 Archives de Paris, conseil général de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8.
70 En 1948, les visites des familles aux malades sont encadrées par les articles 190, 191, 192 et 193 du règlement modèle du service intérieur des hôpitaux psychiatriques mis en place par la circulaire ministérielle du 5 février 1938. Très réglementées, elles sont soumises à l’autorisation du médecin-chef de service et s’effectuent sous la surveillance d’un infirmier ou d’une infirmière. Les familles ne peuvent, selon le règlement, apporter des denrées prohibées.
71 Ces « douceurs » mentionnées dans les différents courriers des familles sont des denrées telles que le chocolat, le beurre ou le sucre. Depuis un vœu adopté par le conseil général de la Seine en 1946, ces dernières ne sont plus prélevées sur les cartes de rationnement des malades et peuvent être apportées par les familles. Source : « Vœu relatif aux cartes d’alimentation des malades hospitalisés », BMO du conseil général, séance du 5 avril 1947, p. 219.
72 Voir à ce sujet : Isabelle von Bueltzingslowen, « Un fol espoir thérapeutique ? L’introduction de l’électrochoc dans les hôpitaux psychiatriques français (1941-1945), Annales historiques de l’électricité, 8 (1), 2010, p. 93-104.
73 Hervé Guillemain, « Des institutions privées d’histoire… », art. cit.
74 Anatole Le Bras, « L’asile d’aliénés et le “désordre des familles” », Revue d’histoire du xixe siècle, 53, 2016, p. 171-187.
75 Nicolas Henckes, « Entre thérapie et oblation. Le discours de l’UNAFAM sur les familles de malades mentaux (1963-1980) », dans Laurence Guignard, Hervé Guillemain, Stéphane Tison (dir.), Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (xixe-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 313-322.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Fig. 1 : Courbes des entrées enregistrées au service de l’admission du centre psychiatrique Sainte-Anne (1918-1947). |
---|---|
Légende | Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, registre des délibérations, 70W8. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 376k |
Titre | Fig. 2 : Évolution de la population aliénée à la charge du département de la Seine (1937-1948). |
Légende | Source : Archives de Paris, conseil général de la Seine, registre des délibérations, 70W8. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 390k |
Titre | Fig. 3 : Évolution du prix de revient des établissements de l’Assistance psychiatrique de la Seine. |
Légende | Source : Archives de Paris, comptes rendus de la commission de surveillance des hôpitaux psychiatriques de la Seine, 100W1-4. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 161k |
Titre | Fig. 4 : Lettre de madame W. du 4 mars 1948 au président du conseil municipal de Paris (deux pages). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,3M |
Légende | Source : Archives de Paris, conseil général du département de la Seine, dossiers des délibérations, 70W8. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,0M |
Titre | Fig. 5 : Carte des hôpitaux psychiatriques du département de la Seine en 1950 au 1/250000e. |
Légende | Source : Institut géographique national. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/docannexe/image/5354/img-6.png |
Fichier | image/png, 3,5M |
Pour citer cet article
Référence papier
Gaspard Bouhallier, « « Pour que maman ne parte pas si loin » », Histoire, médecine et santé, 20 | 2022, 155-178.
Référence électronique
Gaspard Bouhallier, « « Pour que maman ne parte pas si loin » », Histoire, médecine et santé [En ligne], 20 | hiver 2021, mis en ligne le 12 avril 2022, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/5354 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.5354
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page