La maternité entre santé et pathologie
Résumés
Les médecins cherchent depuis toujours à déchiffrer les phénomènes d’ordre corporel et mental liés à la maternité. Depuis le XVIIe siècle, fécondation, grossesse, accouchement, allaitement et suites de couches sont réinterprétés sans cesse, à la recherche constante de la frontière entre physiologie et pathologie. Lorsque l’on suit les traces de l’histoire des délires puerpéraux sur la longue durée, il apparaît évident que la notion de santé du corps maternel navigue dans une incertitude permanente : quels sont les éléments qui attestent de la maladie ? Relèvent-ils de l’organique ou bien des comportements, des émotions ?
Dans les sources médicales, la maternité n’a jamais été pensée comme un processus, mais plutôt comme une discontinuité importante dans la vie des femmes, une série d’évènements pathologiques, voire un trouble. On peut donc supposer que ce qui a construit progressivement la « vérité biologique » de la maternité, c’est en définitive la tentative des médecins de la comprendre et de l’encadrer, tandis que sont mis en avant ses anomalies et son étrangeté.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Cet article s’appuie sur mes recherches doctorales à partir d’un corpus constitué de sources médica (...)
1Aborder l’histoire de la maternité à partir de celle de la folie permet de la replacer dans l’histoire du genre et de problématiser la représentation d’un corps qui serait séparé de l’esprit. L’histoire des délires puerpéraux depuis la période moderne montre les incertitudes du discours médical sur les limites entre maladie et santé à propos du corps maternel, et invite également à souligner le difficile déchiffrement des frontières entre les éléments organiques et mentaux du corps féminin1. En outre, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il n’existe pas une discipline médicale centrée sur le délire ou la folie ; comment les médecins traitent-ils alors l’ensemble des symptômes puerpéraux ? On retracera brièvement dans cet article une histoire des délires puerpéraux entre les XVIIe et XXe siècles, privilégiant l’apport des nouvelles interprétations médicales. On analysera d’abord l’interprétation de la médecine humorale avant de s’arrêter sur les conséquences des « découvertes » anatomiques et sur le pouvoir grandissant des chirurgiens-accoucheurs, puis on soulignera le rôle des médecins aliénistes dans la formulation d’un nouveau diagnostic. Enfin, on mesurera les ruptures du savoir des psychiatres autour de la notion de « pathologie » de la maternité.
La maternité et la médecine humorale : une maladie ?
- 2 Nombreuses sont les recherches qui ont été consacrées à l’histoire de la médecine et à l’histoire d (...)
- 3 La pudeur est devenue un objet historique, cf. les dossiers coordonnés par Damien Boquet : « Histoi (...)
- 4 Sur la question, cf. BONNARD Jean-Baptiste, « La construction des genres dans la Collection hippocr (...)
2Au cours de l’époque moderne, on assiste à la progressive médicalisation de la procréation, de la grossesse et de l’accouchement, phénomènes qui deviennent ainsi de véritables objets d’étude investis par de nouvelles professions masculines2. C’est, en effet, à ce moment-là que les hommes de l’art étudient de l’extérieur et de l’intérieur le corps accouchant, le dévoilent et le rendent visible, déplaçant les frontières de la pudeur3. De ce corps féminin, on connaît cependant peu des choses : il étonne les hommes qui le regardent au travers d’une présupposée étrangeté, une fluidité de ses multiples humeurs. Dans le sillon de la médecine grecque, il est effectivement perçu comme plus liquide, plus froid que le corps masculin4. Il serait ainsi plus dépendant que celui de l’homme des organes sexuels auxquels on attribue une autonomie presque animale. L’organe qui présiderait à toutes ces transformations est l’utérus.
- 5 MAURICEAU François, Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont nouvellement accou (...)
3Les processus liés à la procréation et à l’enfantement seraient aussi provoqués par une mécanique de fluides en mouvement : circulation, mélange, expulsion. Le bon fonctionnement est assuré par une mécanique hydraulique et le corps féminin semble capable d’assumer les fonctions reproductives, même s’il n’atteint jamais un véritable état de santé. Durant ces mouvements d’humeur, essentiellement sanguins, les troubles sont tous perçus comme organiques, même ceux qui, à partir du XVIIIe siècle, seront classés parmi les symptômes mentaux, tels que le délire. Les délires puerpéraux sont donc aussi interprétés comme des extravagances normales dues au fonctionnement des humeurs. Durant la fabrication du lait, à partir du sang, ces dernières peuvent stagner à différents endroits dans le corps, provoquant une irritation ou une constipation qui amènent un nombre considérable de maladies : parmi elles, le délire. C’est ainsi que François Mauriceau (1637-1709), maître chirurgien et premier accoucheur de la Maternité de Paris, livre cette description des délires puerpéraux : « Si le sang (....) se porte & est amassé en abondance aux mammelles [sic], cela signifie fureur & frénésie à venir.5 »
- 6 Dans la médecine « pratique », en particulier dans les écrits féminins, l’approche est totalement d (...)
4Reprenant, en le transformant, un aphorisme du corpus hippocratique, les médecins se focalisent sur le processus inflammatoire de lactation et laissent de côté le contenu du délire. Il est par ailleurs intéressant de rappeler qu’à cette époque les médecins, contrairement aux sages-femmes6, s’interrogent très peu sur les suites des couches et plus généralement sur l’attitude des mères envers leurs enfants. Le corps maternel est, en effet, envisagé dans l’échange avec le corps de l’enfant d’un point de vue organique : il peut y avoir une transmission des troubles, mais par contamination matérielle. Émotions, comportements, maladies sont tous interprétés par les médecins comme le résultat d’une dynamique humorale. La frontière entre maladie et santé est donc floue et les signes caractéristiques du corps maternel sont à cette époque tout autant de symptômes. La grossesse, l’accouchement et l’allaitement sont des phénomènes si mal connus que l’on ne sait situer le seuil « pathologique » de la maternité.
Le corps maternel entre organique et morale
5Durant le XVIIIe siècle, le processus de professionnalisation de la « médecine des femmes » se renforce. Les frontières de la physiologie et de la pathologie du corps féminin se redéfinissent, mettant en lumière de nouveaux éléments. Si l’on suit le fil des délires puerpéraux jusqu’au milieu du siècle, peu des choses changent : l’approche humorale reste dominante ; les découvertes anatomiques vont corroborer cette interprétation. C’est ainsi que, dans son Traité sur les accouchements, Nicolas Puzos, chirurgien à Paris, premier médecin à donner des cours aux sages-femmes dans les écoles de chirurgie, rassemble ces pathologies sous le nom de « dépôts laiteux ». Il écrit :
- 7 PUZOS Nicolas, Traité des accouchements, contenant des observations importantes sur la pratique de (...)
Quand le lait, dans une femme nouvellement accouchée, n’enfile point les routes naturelles qu’il a coutume de prendre pour sortir du corps, il peut être déterminé à se porter sur le cerveau, si, trouvant de la résistance partout ailleurs, il n’y a que cet organe qui cède aux efforts que le lait fait pour se fixer quelque part. L’effet le plus ordinaire du dépôt de lait sur le cerveau, est de produire la démence ou la folie7.
6Cependant, les médecins commencent aussi à s’intéresser à d’autres éléments que ceux qui relèvent de l’organique. Afin de trouver une nouvelle légitimité à leurs savoirs, les accoucheurs déplacent, en effet, la réflexion autour des incompétences féminines : rudes et ignorantes, les femmes ont besoin du savoir et du savoir-faire des hommes pour toutes les questions qui relèvent de la maternité. Accouchement et allaitement sont alors réinterprétés à la lumière des compétences masculines.
- 8 Philippe Hecquet (1661-1737). Docteur de Reims en 1684, puis Docteur-Régent de Paris en 1697. Il pu (...)
- 9 HECQUET Philippe, De l’indécence aux hommes des accoucher les femmes et l’obligation aux mères de n (...)
7Il est intéressant de constater qu’au début du XVIIIe siècle en France, ce sont deux importantes personnalités qui débattent de cette question : le médecin janséniste Philippe Hecquet8, docteur-régent de la Faculté de Médecine de Paris et Guillaume Mauquest de La Motte, chirurgien-accoucheur. Selon Hecquet, médecin pieux, défenseur de la pudeur féminine, il faudrait laisser l’accouchement aux sages-femmes et pour des raisons analogues, encourager l’allaitement maternel9. Le chirurgien-accoucheur La Motte insiste au contraire pour ne pas laisser l’enfantement entre les mains des femmes : la responsabilité de la maternité ne doit relever que du médecin, l’accouchement et l’allaitement doivent être profession-nalisés. À propos de l’allaitement, il note :
- 10 MAUQUEST DE LA MOTTE Guillaume, Dissertations sur la génération, sur la superfétation, et la répons (...)
Les mauvaises inclinations d’une mère pouvant se communiquer à son enfant avec son lait, comme on le voit d’ordinaire, on n’a pas de meilleur moyen, que le lait d’une nourrice d’un caractère tout opposé, pour remédier à ce défaut. Ainsi cette substitution, d’un lait étranger à celui de la mère devient alors un devoir de religion10.
8Au-delà des fractures disciplinaires et des enjeux de pouvoir dont cette querelle est le reflet, cette polémique est très intéressante parce qu’elle amène la dimension mentale dans la réflexion médicale sur le corps féminin, à travers la question des comportements. Par ailleurs, elle montre qu’au début du XVIIIe siècle les médecins ne se sont pas encore accordés sur ce que serait la naturalité de la maternité. Ils n’ont pas encore statué sur les compétences féminines, ni sur ce qu’il serait le plus naturel d’attendre de la part d’une mère, mais commencent à s’intéresser à la question.
9Au cours du siècle, les médecins sortent ainsi progressivement d’une représentation exclusivement organique du corps féminin : les attitudes et les émotions sont réinterprétées à partir d’une nouvelle morale des comportements. Le corps maternel est investi par une nouvelle philosophie qui légitime le discours médical et scientifique en l’opposant au discours religieux. Comme d’autres processus organiques, celui de la fabrication du lait devient une véritable fonction maternelle : l’allaitement constitue donc l’un des principaux critères pour distinguer bonnes et mauvaises mères.
- 11 DES ESSARTZ Jean-Charles, Traité de l’éducation corporelle des enfants en bas âge, ou réflexions pr (...)
10Les femmes qui refusent d’allaiter se trouvent alors exposées à un risque accru de maladie. Tandis qu’encore au début du siècle, certains médecins conseillaient d’utiliser des nourrices étrangères en bonne santé pour éviter la transmission des attitudes négatives et des maladies à l’enfant, désormais, médecins et philosophes s’accordent sur l’importance de l’allaitement maternel. Dans ce processus, les délires puerpéraux se trouvent aussi réinterprétés. Nous pouvons souligner l’importance des transformations dans l’imbrication entre maternité, allaitement et délires à travers l’exemple du texte du médecin Des Essartz : De l’éducation corporelle des enfants en bas âge ou réflexions-pratiques sur les moyens de procurer une meilleure constitution aux citoyens11. Dans cet ouvrage, il affirme que l’allaitement maternel est nécessaire à la santé de l’enfant, mais aussi à celle de la mère, car il lui permet d’éviter les maladies des couches, dont les délires :
- 12 Ibidem, p. 179-186.
À quels dangers ne s’expose pas une femme qui dédaignant être nourrice, est obligée de faire passer son lait ? L’abondance avec la quelle il se porte aux mamelles est quelquefois si grande qu’il cause les douleurs les plus aiguës. Il s’y épaissie, se grumèle & forme des obstructions, des kystes, des cancers que l’Art a bien de la peine à guérir. Ne trouvant aucune issue dans les mamelles, il reflue dans le sang, l’épaissit & produit une pléthore dangereuse vu l’état d’épuisement où le travail a réduit l’accouchée. Cette liqueur naturellement douce, échauffée par son mélange & sa circulation avec le sang, s’aigrit, devient irritante & allume le feu d’une fièvre toujours violente & souvent mortelle. Les yeux étincelants les douleurs vives de la tête, la fréquence & la force du pouls sont des signes non équivoques de l’abondance du sang qui se porte dans cette partie & qui est bientôt suivie du délire, & souvent même d’une apoplexie incurable12.
- 13 Cf. DUDEN Barbara, L’invention du fœtus : le corps féminin comme lieu public, Paris, Descartes, 199 (...)
11Ainsi les limites entre santé et maladie du corps féminin se trouvent-elles renégociées. En peu de temps, le discours médical et savant s’est complètement renversé : l’allaitement est devenu la caractéristique la plus importante pour déchiffrer les étrangetés de la maternité et les délires puerpéraux sont désormais mobilisés, avec d’autres symptômes, pour prouver la nécessité de l’allaitement maternel. Ce débat ne cesse d’alimenter les discussions et les querelles jusqu’à une époque récente. Il convient toutefois de rappeler que c’est à partir de ce moment que les médecins introduisent une nouvelle morale autour de la maternité. Toujours vue comme un trouble, et très peu comme un processus physiologique, la maternité est intégrée à une nouvelle approche de la société : le corps maternel devient un enjeu public13.
La maternité normale et pathologique : la folie puerpérale
- 14 Il manque, à ce jour, une histoire de la fièvre puerpérale sur une longue période. On trouve un ape (...)
- 15 À ce propos, il est intéressant de regarder les évolutions du discours sur la puerpéralité dans les (...)
12C’est au cours du XIXe siècle que le discours sur les délires puerpéraux débouche sur la formulation d’un diagnostic : celui de folie puerpérale. La réflexion sur les maladies de la puerpéralité trouve, en effet, une nouvelle impulsion au travers des épidémies nosocomiales de fièvre puerpérale14. Cette fièvre bactérienne, le plus souvent mortelle, a parmi ses symptômes le délire. Or les médecins constatent, à l’occasion des accouchements à l’hôpital, que certains délires puerpéraux causent la mort, alors que d’autres s’installent et font sombrer les femmes dans une véritable folie. La séparation entre la fièvre et la folie puerpérale permet alors l’élaboration de distinctions de plus en plus précises entre les symptômes et conduit à des nosographies articulées autour des maladies de la puerpéralité15. Soulignons par ailleurs que, durant le XIXe siècle, la réflexion autour de la maternité est pour les médecins l’occasion de faire le point sur les différents savoirs et sur l’épistémologie des disciplines.
13Cependant le discours médical ne distingue pas toujours véritablement ce qui relève du normal ou du pathologique. Il se déplace du côté de la folie, car cela permet d’intégrer le questionnement sur les pathologies de l’esprit féminin. La codification du diagnostic de folie puerpérale accompagne effectivement l’essor d’une nouvelle discipline : l’aliénisme. Ainsi des réflexions sur la folie des femmes et sur une présupposée folie des couches se trouvent-elles dans tous les textes fondateurs de l’aliénisme.
- 16 Après la réflexion de Pinel sur la folie et les couches, Esquirol réfléchit à son tour à cette foli (...)
- 17 MARCÉ Louis-Victor, « Études sur les causes de la folie puerpérale », Annales Médico-Psychologiques(...)
- 18 MARCÉ Louis-Victor, Traité de la folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées et des nourri (...)
14C’est notamment à la suite des réflexions de Pinel, Esquirol et Morel qui tentent de comprendre les liens qui se nouent entre folie, féminité et puerpéralité16, que Louis-Victor Marcé publie en 1857 un premier article consacré à la question17. Un an plus tard, il rédige la première monographie entièrement consacrée à la folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices18. Dans ce texte, qui devient par la suite une référence internationale pour l’étude de ces pathologies, nous pouvons constater que le diagnostic de folie puerpérale, intégrant la notion de faiblesse organique féminine, produit une spécificité pathologique des couches :
- 19 Ibidem, p. 1.
Les femmes enceintes, les nouvelles accouchées et les nourrices sont exposées à des troubles intellectuels qui, tout en se confondant intimement avec les formes ordinaires de folie, n’en différent pas moins d’une manière notable par les conditions organiques au milieu desquelles ils se développent. La désignation collective de folie puerpérale attribuée par quelques médecins au cas de cette nature indique très bien que l’état puerpéral concomitant forme le point saillant et le caractère spécial de la maladie ; mais cette dénomination, si elle était employée sans explication préalable, participerait nécessairement du vague et de l’incertitude qui règnent encore parmi les auteurs sur les limites de l’état puerpéral19.
15C’est donc l’état puerpéral même qui est difficile à saisir, car il engendrerait chez les femmes un bouleversement organique et moral dont il est difficile de séparer les éléments de santé et de maladie. Louis-Victor Marcé précise :
- 20 Ibidem, p. 41-42.
Les troubles intellectuels peuvent s’élever chez la femme enceinte jusqu’à l’aliénation mentale confirmée ; il n’est pas toujours facile de fixer les limites qui séparent de la folie, les dispositions morales […], c’est à la sagacité du médecin de distinguer les cas qui rentrent plus volontiers dans l’une ou l’autre catégorie20.
16C’est alors au médecin de nuancer et d’établir au cas par cas si les phénomènes de l’étrangeté maternelle appartiennent au registre de la folie ou à une disposition naturelle (voir sympathique) de la femme enceinte pour le trouble mental.
17Les premières réflexions sur la folie puerpérale considèrent donc la maternité comme un état morbide. Cette contradiction accompagne par la suite l’histoire du diagnostic et de ses transformations : tandis que l’on naturalise l’assignation des femmes à la maternité, la médecine dans son ensemble en signale le trouble. Comment sortir de cette impasse ?
18La réflexion sur la folie puerpérale et sur ses caractéristiques se poursuit au long du siècle sans pouvoir jamais établir une fois pour toute la limite entre physiologie et pathologie de la maternité. Tout en séparant, grâce à des nosologies de plus en plus complexes, la maladie de la santé, on a encore des difficultés à trouver des éléments spécifiques et universels qui permettraient de distinguer une maternité normale d’une maternité pathologique. C’est donc chargé d’ambiguïtés que le premier diagnostic médical sur les délires puerpéraux est posé.
La folie des mères
19À partir de la fin du XIXe siècle, des éléments venant de nouvelles disciplines (et notamment de la psychologie et de la psychanalyse) sont intégrés à la réflexion sur la folie puerpérale. La prise en compte de la dimension psychique de la folie engendre une nouvelle articulation des discours qui se concentrent plus particulièrement sur les attitudes, les émotions et les sentiments maternels.
- 21 Henri BARUK (1897-1999). Fils de l’aliéniste Jacques Baruk (1872-1975), il est sans doute l’un des (...)
20L’expression « folie » puerpérale devient obsolète au XXe siècle et les médecins lui préfèrent celle de « psychose » puerpérale, sans pour autant en bousculer la définition. Elle reste un modèle parfait pour évoquer la difficulté de séparer dans les troubles mentaux, le normal du pathologique ainsi que l’élément organique du psychique. Il n’est pas possible d’évoquer ici toutes les étapes de cette réflexion, mais il est important de souligner qu’encore au seuil de la Seconde Guerre mondiale, le psychiatre Henri Baruk fait référence à la psychose puerpérale pour souligner les difficultés de la psychiatrie à séparer les « troubles mentaux d’origine organique soi-disant neutres et impersonnels, et les troubles mentaux dits psychogéniques ainsi dénommés, parce que l’on retrouve dans leur contenu des éléments psychologiques personnels au sujet21 ». Autrement dit, les troubles de la maternité sont-ils liés à la personne ou à une spécificité morbide de cet état ?
21Les tentatives pour résoudre les difficultés inhérentes à ces questions aboutissent en Europe, dans les années 1980, à la construction d’une nouvelle nosologie fondée notamment sur la distinction des folies de la maternité en trois diagnostics différents. On distingue alors : le baby blues (ou post-partum blues), la dépression post-natale (ou du post-partum) et la psychose puerpérale. Ces troubles sont aujourd’hui plus généralement regroupés par la pédopsychiatrie sous le nom de dépressions périnatales. Si l’on s’arrête sur l’histoire du diagnostic du baby blues, on peut facilement mettre en évidence les flottements et les contradictions du savoir psychiatrique à propos de la maternité.
- 22 PITT Brice, « Maternity blues », The British Journal of Psychiatry, 1973, 122, p. 431-433. Les psyc (...)
22En effet, pendant longtemps, le baby blues a été identifié à la dépression du post-partum22. Progressivement, il a été distingué de celle-ci pour en devenir une forme atténuée. Encore aujourd’hui, selon certaines interprétations, il est assimilé à la dépression du post-partum, alors que pour d’autres interprétations, il ne s’agirait pas même d’un trouble. À cause de sa fréquence et de sa brièveté, le baby blues est soustrait progressivement de la psychopathologie de la maternité et intégré à la physiologie. La femme deviendrait mère en accouchant, mais le devenir mère serait psychiquement plus complexe que le processus biologique/organique ; ainsi, parfois, voire souvent, les femmes éprouvent-elles le baby blues en accouchant. Le baby blues témoignerait alors en quelque sorte de cet écart entre normalité et pathologie. La maternité est désormais perçue comme un processus d’ordre biologique (il faut avoir accouché) qui provoque un basculement autant physique que psychique.
- 23 DAYAN Jacques, ANDRO Gwenaëlle et Michel DUGNAT, Psychopathologie de la périnatalité, Issy-les-Moul (...)
23Cette sorte de crise d’identité entre la femme et la mère est considérée comme nécessaire, ou du moins récurrente, et explique donc l’état psychique altéré de la nouvelle accouchée. Les symptômes de cet état physio/pathologique seraient essentiellement « la présence de pleurs, modifications de l’humeur, insomnie, et irritabilité, […] confusion, de pertes de mémoire, de trouble de la concentration, de sentiments d’étrangeté de l’ambiance et de dépersonnalisation […]. Le vacillement émotionnel, le passage du rire aux larmes, l’excitation, le sentiment de déréalisation, les difficultés de concentration23 ».
- 24 DAYAN Jacques, Les dépressions périnatales, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2008, p. 189.
24L’idée de la maternité comme phénomène complexe de transformation psychique/physique est également présente dans les autres diagnostics conçus par la médecine comme des troubles graves : la dépression post-natale et la psychose puerpérale. Aux notions de basculement personnel et de vacillement émotionnel est associée une incapacité à endosser la nouvelle identité : une difficulté pratique à « faire » la mère et une tendance à la violence « domestique ». Cette violence est au cœur de la définition de la psychose puerpérale considérée comme la forme la plus grave et la plus rare des troubles de la maternité. Les symptômes seraient des idées de toute puissance, des bizarreries du comportement, un désintérêt ou un dégoût du contact corporel avec l’enfant, des sentiments d’incapacité et de culpabilité. La psychose puerpérale est considérée par les médecins comme « une urgence médicolégale du fait du risque élevé de suicide et d’infanticide24 ».
- 25 OMS [Organisation Mondiale de la Santé], Classification internationale des maladies, dixième révisi (...)
- 26 American Psychiatric Association, DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles menta (...)
25Il est intéressant de souligner la complexité des trois diagnostics, le débat qu’il suscite encore aujourd’hui et l’ambivalence du discours médical sur la maternité. Ainsi, les psychiatres, comme les aliénistes avant eux, n’ont-ils pas encore trouvé de consensus international. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, qui publie l’International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems, la maladie n’est pas reconnue comme une entité nosographique distincte : elle est classée parmi les troubles mentaux et du comportement associés à la puerpéralité, non classés ailleurs25. Dans le Diagnostic and Statistical Manual (DSM), publié par l’Association américaine de psychiatrie, aucun diagnostic n’existe non plus. Dans la dernière édition, on trouve une référence floue aux troubles de l’humeur qui apparaissent, pour la première fois, lors du post-partum26.
26Le fondement des interprétations médicales réside encore aujourd’hui dans la faiblesse psycho-physique intrinsèque au fait de devenir mère biologiquement. C’est-à-dire qu’il existerait un événement dans la vie des femmes capable de les perturber a priori. Elles seraient alors menacées, plus que les hommes, par le trouble mental. En réalité, les courants qui postulent l’existence d’une folie spécifique à la maternité encouragent aussi une réflexion sur la folie paternelle, mais celle-ci n’a pas encore abouti. La maternité est considérée comme un processus biologique alors que la paternité relèverait d’une fonction culturelle :
- 27 DAYAN Jacques, ANDRO Gwenaëlle et Michel DUGNAT, Psychopathologie de la périnatalité…, op. cit., p. (...)
Le rôle du père dans le processus de développement de l’enfant est un sujet complexe. En effet sous le terme de père se dissimulent des objets d’études hétérogènes […]. L’objet père ne peut pas être appréhendé globalement. Le corps du géniteur n’est pas un point d’ancrage suffisant pour permettre une référence peu discutable : la représentation de ce qu’est un père connaît un certain flou27.
27Or, le postulat – non explicité – selon lequel la folie des mères repose sur une base physiologique/organique/biologique montre un paradoxe important : les dépressions et les psychoses qui peuvent éclater lors d’une adoption d’enfant ne sont toujours pas considérées comme des folies de la maternité ou de la parentalité. Selon l’interprétation médicale, la maternité serait à la fois et de manière assez schizophrénique un « naître mère » et un « devenir mère » : à la fois un processus naturel, une véritable révolution psychique, un événement à risques et un rite de passage social. Dans une récente publication française sur les dépressions périnatales, l’avant-propos stipule :
- 28 DAYAN Jacques, Les dépressions périnatales…, op. cit., p. IX.
La maternité est une tâche complexe et épuisante qui exige une grande résistance émotionnelle. Dans la plupart des familles, la mère est la source principale de réconfort, du soin et du conseil. Tous les membres de la famille bénéficient de son dévouement, de son enthousiasme et de ses compétences, tous – surtout les enfants – souffrent de son abattement. Tous les efforts que nous faisons pour améliorer le bien-être d’une mère déprimée et l’aider à recouvrir une humeur normale contribuent à la vitalité de la famille et à la santé de la prochaine génération28.
28La maternité est encore présentée comme une fonction naturelle dans une perspective darwiniste, ce qui peut paraître étonnant à une époque où le féminisme a interrogé, mis en cause et réécrit l’histoire de la maternité et des femmes. Pourtant, cette nécessité de souligner toujours la fonction morale et sociale de la maternité (et les liens avec la folie) montre l’ambiguïté du discours médical, car même dans les interprétations où il n’y a pas de diagnostic spécifique – la puissante association de psychiatrie américaine et l’OMS –, le « devenir mère » représente un moment à risque. La maternité – biologique – est alors conçue, dans tous les cas, comme un bouleversement psychique et physique.
*
29Les ambivalences et les contradictions dans les différentes interprétations des délires puerpéraux sont évidentes sur la longue durée, mais les logiques qui les sous-tendent apparaissent plus complexes. Les théorisations médico-scientifiques ne sont pas neutres ; elles sont au contraire liées à l’ensemble des représentations et des pratiques sociales et ne sont pas forcément en rapport avec les vécus subjectifs des femmes (et des hommes) ou avec les difficultés d’être ou de devenir parent.
30La controverse sur le corps maternel traverse la société depuis sa progressive médicalisation et renvoie à une problématique qui touche à la question même de la définition de la maternité : d’un côté, le rapport entre corps et psychisme de la femme qui enfante, de l’autre les frontières entre physiologie et pathologie du corps féminin. Ces seuils sont particulièrement visibles dans les discours autour des délires puerpéraux.
- 29 Cf. à ce propos, EDELMAN Nicole, Les métamorphoses de l’hystérique. Du début du XIXe siècle à la Gr (...)
- 30 GARDEY Delphine et LÖWY Ilana (dir.), L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du fém (...)
31Cette réflexion renvoie à un débat ancien sur une hypothétique spécificité féminine. En essayant de débusquer une nature propre aux femmes, la médecine révèle les flottements et les incertitudes des théories qui tentent d’identifier des éléments qui prouveraient la différence entre les sexes. Les échos de cette pensée sont forts et persistants ; ils rappellent d’autres questionnements autour des « pathologies féminines », comme l’hystérie29. L’enjeu reste, encore aujourd’hui, celui de l’opposition nature/culture bien que désormais la recherche ait mis au jour « l’invention du naturel30 ».
32Regarder en amont, avant même la formulation des premiers diagnostics autour des délires puerpéraux, permet de replacer la folie dans une nouvelle perspective, de voir celle-ci au prisme de l’histoire du corps et de l’articuler dans un cadre qui va bien au-delà de la dichotomie entre soma et anima. Cette complexité révèle que le lien entre maternité et folie se fait de manière différente selon les interprétations : l’accent est parfois mis sur le corps (biologique), sur l’esprit ou encore sur l’émotion. Parfois l’élément essentiel de la maternité est la grossesse, d’autres fois l’accouchement, l’allaitement ou le post-partum.
- 31 COVA Anne, « Où en est l’histoire de la maternité ? », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 21, 2005 (...)
- 32 Voir, par exemple, parmi les recherches menées par les nouvelles générations d’historiennes : BERTH (...)
33Grâce à ce questionnement autour du pathologique/physiologique du corps maternel, nous pouvons appréhender différemment l’histoire de la maternité. En 2005, la revue Clio. Histoire, femmes et sociétés consacrait un numéro à la maternité et l’historienne Anne Cova traçait un bilan : le corps de la mère y était presque absent31. Ces dernières années, de plus en plus de recherches sont consacrées à l’histoire du corps des mères, aux vécus de la maternité ou aux pratiques de la parentalité32. Finalement, il semble que vis-à-vis de la problématique femmes et maternité, un passage générationnel a permis d’articuler l’histoire de la maternité à l’histoire du genre et du corps.
Notes
1 Cet article s’appuie sur mes recherches doctorales à partir d’un corpus constitué de sources médicales, littéraires et d’archives couvrant la période moderne et contemporaine. Parmi les archives exploitées se trouvent les dossiers individuels médicaux des asiles de Marseille et Florence (XIXe-XXe siècles).
La folie puerpérale en vue de ses multiples, mais apparentes, métamorphoses, échappe à la plupart des analyses des historiens. En 1983, elle fait une fugace apparition dans un article paru dans Pénélope, cf. VALLAUD Dominique, « Infanticide et folie au XIXe siècle », 8, 1983, p. 51-53. En 1995, l’historienne italienne Giovanna Fiume lui consacre pour la première fois un article, cf. FIUME Giovanna, « ‘Madri snaturate’. La mania puerperale nella letteratura medica e nella pratica clinica dell’Ottocento», dans FIUME Giovanna (dir.), Madri, Storia di un ruolo sociale, Venezia, Marsilio 1995, p. 83-117. Il faut par la suite attendre les années 2000 ; un article de Jean-Christophe Coffin problématise la question : « Sexe, hérédité et pathologies : hypothèses, certitudes et interrogations de la médecine mentale, 1850-1890 », dans GARDEY Delphine et LÖWY Ilana (dir.), L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Paris, EAC 2000, p. 159-186. L’historienne anglaise Hilary Marland retrace ensuite, dans des publications successives, l’histoire de la folie puerpérale. Elle revient cependant à une histoire « classique » de la médecine et bien que ses recherches soient axées dans une perspective de genre, elle ne remet pas en cause l’histoire positiviste du diagnostic, histoire par ailleurs déjà tracée à plusieurs reprises par les médecins. Cf. MARLAND Hilary, « Disappointment and Desolation. Women, Doctors and Interpretations of Puerperal Insanity in the Nineteenth Century », History of Psychiatry, 14, 2003, p. 303-320; Dangerous Motherhood. Insanity and childbirth in Victorian Britain, Basingstoke, Palgrave-Macmillan 2004; « Under the shadow of maternity: birth, death and puerperal insanity in Victorian Britain », History of Psychiatry, 23, 2012, p. 78-90.
2 Nombreuses sont les recherches qui ont été consacrées à l’histoire de la médecine et à l’histoire de la naissance ; voir les travaux pionniers de : GELIS Jacques, LAGET Mireille et Marie-France MOREL, Entrer dans la vie. Naissances et enfances dans la France traditionnelle, Paris, Gallimard, 1978 ; DARMON Pierre, Le mythe de la procréation à l’âge baroque, Paris, Seuil, 1981 ; GELIS Jacques, L’Arbre et le fruit. La naissance dans l’Occident moderne. XVIe-XIXe siècle, Paris, Fayard, 1984. Mais c’est seulement récemment que l’on a commencé à envisager la question par d’autres points de vue, dont notamment celui de l’histoire du corps, du genre et de la médicalisation. Il serait long de faire ici l’état de la question. Cf. à ce propos : BERLIVET Luc (dir.), Médicalisation. Genèses, 2011/1, n° 82.
3 La pudeur est devenue un objet historique, cf. les dossiers coordonnés par Damien Boquet : « Histoire de la vergogne » dans Rives méditerranéennes (n° 31, 2008) et Nahema Hanafi : « Pudeurs » dans Histoire, médecine et santé (n° 1, printemps 2012). Cf. également ARNAUD-LESOT Sylvie, « Pratique médicale et pudeur féminine au XIXe siècle », Histoire des Sciences Médicales, 2004, vol. 38 (2), p. 207-218 et CAROL Anne, « L’examen gynécologique en France, XVIIIe-XXe siècles : techniques et usages », dans FAURE Olivier et BOURDELAIS Patrice (dir.), Les nouvelles pratiques de santé (XVIIIe-XXe siècles), Paris, Belin, 2005, p. 51-66.
4 Sur la question, cf. BONNARD Jean-Baptiste, « La construction des genres dans la Collection hippocratique », dans ERNOULT Nathalie et CUCHE SÉBILLOTTE Violaine (dir.), Problèmes du genre en Grèce ancienne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 159-170 ; PIETROBELLI Antoine, « La scientia sexualis des médecins grecs : histoire et enjeux du corpus Peri aphrodisiôn », Métis, 9, 2011, p. 309-338 et aussi DORLIN Elsa, La matrice de la race : Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, 2006.
5 MAURICEAU François, Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont nouvellement accouchées : enseignant la bonne & véritable méthode pour bien aider les femmes en leurs accouchemens naturels... : le tout accompagné de plusieurs belles figures en taille douce, nouvellement & fort correctement gravées..., chez l’auteur, 1675, seconde édition, p. 421. L’orthographe originale des citations a été conservée.
6 Dans la médecine « pratique », en particulier dans les écrits féminins, l’approche est totalement différente : on y trouve des solutions pratiques et un véritable accompagnement de la femme qui accouche. Voir à ce propos le travail de Louise Bourgeois (1563-1636), sage-femme de la reine de France Marie de Médicis : Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, foecondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz, Paris, chez A. Saugrain, 1609. Alison Klairmont-Lingo a présenté une contribution à ce sujet dans le cadre d’une journée d’étude tenue en 2008 à la MMSH d’Aix-en-Provence et intitulée « La naissance, une affaire de femmes ? » : Alison Klairmont-Lingo (Université de Berkeley, USA) : Une femme parmi les obstétriciens du XVIIe siècle : Louise Bourgeois.
7 PUZOS Nicolas, Traité des accouchements, contenant des observations importantes sur la pratique de cet art ; Deux petits traités, l’un sur quelques maladies de matrice & l’autre, sur les maladies des enfans du premier âge. Quatre mémoires, dont le premier a pour objet les pertes de sang dans les femmes grosses, & les trois autres sur les dépôts laiteux, Paris, Desaint & Saillant, 1759, p. 387.
8 Philippe Hecquet (1661-1737). Docteur de Reims en 1684, puis Docteur-Régent de Paris en 1697. Il publie entre autres La médecine et la chirurgie des pauvres (1749).
9 HECQUET Philippe, De l’indécence aux hommes des accoucher les femmes et l’obligation aux mères de nourrir leur enfant. Ouvrage dans laquelle on fait voir par des raisons de physique, de morale et médecine que les mères n’exposeraient ni leur vie ni celles de leur enfans en se passant ordinairement d’accoucheurs et des nourrices, Paris, Étienne, 1708.
10 MAUQUEST DE LA MOTTE Guillaume, Dissertations sur la génération, sur la superfétation, et la réponse au livre intitulé De l’indécence aux hommes d’accoucher les femmes, & sur l’obligation aux mères de nourrir leurs enfans de leur propre lait, Paris, Laurent d’Houry, 1718, p. 131-132.
11 DES ESSARTZ Jean-Charles, Traité de l’éducation corporelle des enfants en bas âge, ou réflexions pratiques sur les moyens de procurer une meilleure constitution aux citoyens, Paris, Herissant, 1760. C’est à la suite de la lecture de ce texte que Rousseau rédige son Émile.
12 Ibidem, p. 179-186.
13 Cf. DUDEN Barbara, L’invention du fœtus : le corps féminin comme lieu public, Paris, Descartes, 1996 et les travaux d’Yvonne Knibiehler, en particulier KNIBIEHLER Yvonne (dir.), Maternité, affaire privée, affaire publique, Paris, Bayard, 2001.
14 Il manque, à ce jour, une histoire de la fièvre puerpérale sur une longue période. On trouve un aperçu de l’histoire du diagnostic dans BEAUVALET-BOUTOUYRIE Scarlett, Naître à l’hôpital au XIXe siècle, Paris, Belin 1999.
15 À ce propos, il est intéressant de regarder les évolutions du discours sur la puerpéralité dans les différentes éditions de la nosographie de Philippe Pinel : PINEL Philippe, Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine, Paris, Maradan, an VI, (1797), t. II, p. 10 ; PINEL Philippe, Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine, 2e éd., Paris, A. Brosson, an XI (1802-1803), t. I, p. 410, et t. II, p. 214 ; PINEL Philippe, Nosographie philosophique ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine, Paris, A. Brosson, 1807, t. III, p. 341-342.
16 Après la réflexion de Pinel sur la folie et les couches, Esquirol réfléchit à son tour à cette folie : « Observations sur l’aliénation mentale à la suite de couches » dans Journal général de médecine, de chirurgie et de pharmacie françaises et étrangères, ou Recueil périodique de la Société de médecine de Paris, 1818, Vol. 63, p. 145 ; « Extrait d’un Mémoire ayant pour titre : De l’aliénation mentale à la suite des couches pendant et après l’allaitement » dans ibidem, p. 337-340. Ces réflexions sont introduites en 1838 dans son traité sur l’aliénation mentale : Des maladies mentales : considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, Paris, 1838, t. I, p. 230-273. Morel se penche aussi sur le sujet : MOREL Bénédict Augustin, Traité théorique et pratique des maladies mentales considérées dans leur nature, leur traitement et dans leur rapport avec la médecine légale des aliénés, Paris, Victor Masson, 1852, t. I, p. 236.
17 MARCÉ Louis-Victor, « Études sur les causes de la folie puerpérale », Annales Médico-Psychologiques, 1857, n. 3, p. 583.
18 MARCÉ Louis-Victor, Traité de la folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices, et des considérations médico-légales qui se rattachent à ce sujet, Paris, J-B Baillière et fils, 1858. Le texte a été réédité en 2002 par L’Harmattan à l’initiative de la société la Société Marcé Francophone dont elle porte, en hommage, le nom.
19 Ibidem, p. 1.
20 Ibidem, p. 41-42.
21 Henri BARUK (1897-1999). Fils de l’aliéniste Jacques Baruk (1872-1975), il est sans doute l’un des psychiatres français les plus importants du XXe siècle. BARUK Henri, Psychiatrie médicale, physiologique et expérimentale. Séméiologie, thérapeutique, Paris, Masson, 1938, p. 689.
22 PITT Brice, « Maternity blues », The British Journal of Psychiatry, 1973, 122, p. 431-433. Les psychiatres considèrent que cet article a fondé le diagnostic du baby blues.
23 DAYAN Jacques, ANDRO Gwenaëlle et Michel DUGNAT, Psychopathologie de la périnatalité, Issy-les-Moulineaux, Masson, 1999, p. 52. Le texte a été réédité en 2003.
24 DAYAN Jacques, Les dépressions périnatales, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2008, p. 189.
25 OMS [Organisation Mondiale de la Santé], Classification internationale des maladies, dixième révision. Chapitre V (F) : Troubles mentaux et troubles du comportement : Critères diagnostiques pour la recherche, Masson, Issy-les-Moulineaux 1994, p. 112 [Traduction de The ICD-10 Classification of Mental and Behavioral Disorders: Diagnostic criteria for research, traduit par Charles B. PULL]. Sur le diagnostic des maladies mentales du post-partum dans la classification internationale cf. COX John, « Postnatal mental disorder: towards ICD-11 », World Psychiatry, 3/2, June 2004, p. 96-97.
26 American Psychiatric Association, DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, coordination générale de la traduction française par Julien Daniel GUELFI et Marc-Antoine CROCQ, 4e éd., texte révisé, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2004, p. 485. Au regard des différentes éditions du DSM depuis 1952, on s’aperçoit que le discours sur cette folie s’est transformé au fil du temps. La réintroduction, dans la dernière édition du DSM, d’un trouble lié au post-partum, bien qu’elle soit floue, signale une évolution non linéaire de l’histoire du diagnostic. Il sera intéressant d’explorer en ce sens la 5e éd., attendue pour 2013.
27 DAYAN Jacques, ANDRO Gwenaëlle et Michel DUGNAT, Psychopathologie de la périnatalité…, op. cit., p. 173.
28 DAYAN Jacques, Les dépressions périnatales…, op. cit., p. IX.
29 Cf. à ce propos, EDELMAN Nicole, Les métamorphoses de l’hystérique. Du début du XIXe siècle à la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2003.
30 GARDEY Delphine et LÖWY Ilana (dir.), L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, op. cit. Sur ces questions, voir aussi la traduction française du travail de la biologiste féministe FAUSTO-STERLING Anne, Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science, Paris, La Découverte, 2012.
31 COVA Anne, « Où en est l’histoire de la maternité ? », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 21, 2005, Maternités, p. 189-211.
32 Voir, par exemple, parmi les recherches menées par les nouvelles générations d’historiennes : BERTHIAUD Emmanuelle, Les femmes enceintes : vécu et représentations en France (XVIIIe-XIXe siècle). Thèse soutenue en décembre 2011, dirigée par Scarlett Beauvalet, Université de Picardie (en lien avec le Centre Roland Mousnier, Paris IV) ; « Grossesse désirée, grossesse imposée : le vécu de la grossesse aux XVIIIe-XIXe siècles en France dans les écrits féminins privés », Histoire, économie & société, 2009/4, p. 35-49. HANAFI Nahema, Le frisson et le baume. Souffrantes et soignantes au siècle des Lumières (France, Suisse). Thèse en cotutelle internationale dirigée par Sylvie Mouysset et Vincent Barras, soutenue en novembre 2012 ; « Le fruit de nos entrailles : la maternité dans les écrits des nobles toulousaines du siècle des Lumières », Annales du Midi, janv-mars 2010, tome 122, n° 269, p. 47-74. Voir aussi les contributions parues dans : McCLIVE Cathy et PELLEGRIN Nicole (dir.), Femmes en fleurs, femmes en corps : sang, santé, sexualités, du Moyen Âge aux Lumières, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2010.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Francesca Arena, « La maternité entre santé et pathologie », Histoire, médecine et santé, 3 | 2013, 101-113.
Référence électronique
Francesca Arena, « La maternité entre santé et pathologie », Histoire, médecine et santé [En ligne], 3 | printemps 2013, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/513 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.513
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page