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Enquêtes médicales (XIXe-XXIe siècle)

Enquêtes médicales (xixe-xxie siècle)

Medical inquiries (XIX th- XXIst centuries)
Investigaciones médicas (siglos XIX-XXI)
Léa Delmaire, Pierre Nobi et Paul-Arthur Tortosa
p. 9-21

Texte intégral

  • 1 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », Romantisme, 149, 2010, p.  (...)

Saisir ce qui pourrait être alors le « domaine de l’enquête » constitue évidemment une tâche impossible. Le terme est en effet utilisé dans tant de procédures différentes – judiciaire, parlementaire, administrative, religieuse, littéraire, scientifique, journalistique – que son territoire apparaît incommensurable. De ses origines judiciaires, elle a contaminé un tel nombre de registres que la notion finit par devenir « attrape-tout »1.

  • 2 Anne Mailloux et Laure Verdon (dir.), L’enquête en questions : de la réalité à la « vérité » dans (...)
  • 3 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate. Les significations cognitives et (...)
  • 4 Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Xavier Vigna, « Introduction. Observer, écouter, inspirer : deu (...)
  • 5 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 12.
  • 6 À l’instar des infirmières chargées des enquêtes de dépistage autour des cas de tuberculose en Fra (...)

1En 2010, Dominique Kalifa exprimait la difficulté à cerner la notion d’enquête, dont il n’existe pas de définition consensuelle bien qu’elle soit centrale en sciences sociales. Tantôt entreprise de transformation de la réalité en vérité par le biais d’une série d’opérations intellectuelles et sociales2, tantôt « opération de compilation de données, suivant des règles procédurales rationnellement établies, qui ouvre la voie à des interprétations3 », l’enquête se cerne plus facilement par la négative : « de l’étude, elle se distingue par le contact avec la réalité observée ; du témoignage, par la distance qu’entraînent la dissociation de l’auteur et du sujet et le caractère méthodique des réflexions déployées4 ». Par ailleurs, la notion d’enquête est polysémique : elle peut désigner le processus de collecte et de mise en sens d’informations aussi bien que le résultat de ce processus, sous la forme d’un rapport, d’un ouvrage, d’un tableau statistique, etc. Enfin, la difficulté à saisir ce concept est renforcée par l’ambiguïté qu’entretiennent les acteurs et actrices quant à son usage : certain·es recourent volontiers au label « enquête » pour légitimer un travail, quand bien même l’absence d’observation directe disqualifie a priori le terme5, quand d’autres refusent le mot et la connotation policière qui y est associée6.

  • 7 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 5. Voir nota (...)
  • 8 Philippe Masson, Faire de la sociologie. Les grandes enquêtes françaises depuis 1945, Paris, La Dé (...)
  • 9 Des travaux récents explorent cette notion, mais plutôt en sociologie ou en ethnologie qu’en histo (...)
  • 10 Yankel Fijalkow, « L’enquête sanitaire urbaine à Paris en 1900 », Mil neuf cent. Revue d’histoire (...)
  • 11 Voir notamment Michel Porret (dir.), « La médecine légale entre doctrines et pratiques », numéro s (...)

2Depuis une vingtaine d’années, l’historiographie s’est néanmoins attelée à la « tâche impossible » qu’est la saisie du « domaine de l’enquête7 ». Les chercheurs et chercheuses en sciences sociales ont ainsi étudié à la fois leurs propres enquêtes8 et celles menées par les autres professions. L’omission de l’épithète « médicale » dans l’énumération que propose Dominique Kalifa est significative de la place marginale occupée par la médecine dans les travaux sur les enquêtes9. Pourtant, médecine et enquête entretiennent des relations étroites : comme l’explique Catherine Cavalin dans ce numéro, de l’anamnèse au diagnostic, la profession médicale est une profession enquêtrice. Par ailleurs, les médecins jouent un rôle majeur dans l’essor du genre au xixe siècle, les grandes enquêtes sanitaires se multipliant à la faveur du développement de l’hygiénisme10. Ce dossier vise à interroger la spécificité des enquêtes médicales et à dégager une forme d’unité, en dépit de leur hétérogénéité. Sans se pencher sur le cas particulier et bien étudié des expertises médicales dans le domaine judiciaire11, il propose une histoire politique et sociale des enquêtes médicales, à l’échelle des individus ou des populations. Ce dossier n’appréhende pas les enquêtes médicales comme de purs efforts intellectuels. Il s’agit d’entreprises savantes relatives aux questions de santé, inscrites dans un terrain, impliquant le déplacement des enquêteurs et enquêtrices, la circulation d’inscriptions matérielles (registres, rapports, formulaires, etc.), la mise en place de dispositifs variés pour observer, enregistrer, consigner des indices. Ainsi, la collecte d’informations vise à produire une nouvelle compréhension du monde, mais aussi à pouvoir agir sur lui.

Le soupçon de l’État 

  • 12 Michel Foucault, Théories et institutions pénales. Cours au Collège de France (1971-1972), Paris, (...)
  • 13 Jean Glenisson, « Les enquêtes administratives en Europe occidentale aux xiiie et xive siècles », (...)
  • 14 Olivier Faure, « Les stratégies sanitaires », dans Mirko Grmek (dir.), Histoire de la pensée médic (...)
  • 15 Jean-Paul Desaive, Jean-Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie et. al., Médecins, climats et épid (...)
  • 16 Nous reprenons ici la traduction de l’expression par Emmanuelle Sibeud, Claire Fredj et Hélène Bla (...)
  • 17 Oz Frankel, States of Inquiry. Social Investigation and Print Culture in xixth Century Britain and (...)

3L’enquête émerge comme outil politique, sous la forme d’une procédure judiciaire qui emprunte ses techniques à l’Inquisition12. Dès le xiiie siècle, l’enquête sort du domaine judiciaire et commence à servir de mode de gouvernement et de légitimation pour les États auxquels elle permet d’inventorier leurs ressources et leurs agents13. L’extension des domaines relevant de l’État et de sa bureaucratie à l’époque moderne entraîne une diversification des objets d’enquête propres à alimenter les savoirs d’État. La santé publique et l’exercice de la médecine en font pleinement partie14, comme l’illustrent les enquêtes médico-environnementales menées par la Société royale de médecine à la fin du xviiie siècle15. Ce n’est toutefois qu’au xixe siècle que le contrôle plus établi des États sur leur territoire donne lieu à l’avènement de ce qu’Oz Frankel a qualifié d’« États-enquêteurs16 », « collecteurs énergiques […] de faits sur les aspects sociaux, économiques et autres » et « éditeurs prolifiques de rapports politiques et de documents officiels17 ».

  • 18 Janina Kehr, Spectres de la tuberculose. Une maladie du passé au temps présent, Rennes, Presses un (...)
  • 19 Michel Callon et Vololona Rabeharisoa, « La leçon d’humanité de Gino », Réseaux, 95, 1999, p. 214.
  • 20 Samir Boumediene, La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Mon (...)

4L’usage de l’enquête comme mode de gouvernement a entraîné son assimilation à un dispositif de surveillance permettant à l’État d’asseoir son autorité sur la société ; les enquêtes médicales peuvent ainsi conduire les agent·es qui les mènent à incarner un « État de surveillance, mis en œuvre à travers les actes d’écriture et de suspicion18 ». Par ses origines inquisitoriales, par la terminologie et les méthodes qu’elle partage avec des procédures policières, parce que la collecte d’informations impose un rapport de pouvoir, l’enquête est donc toujours suspecte de violence. Cette violence « qui est au principe de toute enquête19 » ne se limite pas toujours à la dimension symbolique de l’inventaire, de la catégorisation, de l’effacement de la voix des observé·es. Aux violences politiques et épistémologiques peut en effet s’ajouter la violence physique, par le recours à des pratiques d’investigation visant à « arracher les savoirs » aux enquêté·es20.

  • 21 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate », Mil neuf cent. Revue d’histoire (...)
  • 22 Pierre Karila-Cohen, « État et enquête au xixe siècle. D’une autorité à l’autre », Romantisme, 149 (...)
  • 23 Ibid., p. 26 ; Oz Frankel, States of Inquiry…, op. cit., p. 3-4.

5Pourtant, il faut se garder de ne voir les enquêtes qu’à travers ce seul « paradigme inquisitorial21 ». Elles ne sauraient être réduites à leur fonction de contrôle social, car elles contribuent à la co-construction de l’État et de la société. L’intériorisation par les enquêté·es des catégories de l’enquête fait ainsi de cette dernière un vecteur de « l’étatisation des sociétés22 ». Inversement, si l’enquête est un « produit des besoins de l’État », ce dernier est lui-même en partie « produit de l’enquête », en ce qu’il est façonné par l’évolution de ses interactions avec ses territoires et sa population23.

  • 24 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 20-21.
  • 25 Luc Boltanski, Énigmes et complots…, op. cit., p. 15.

6L’enquête s’impose au xixe siècle comme un genre légitime et identifiable, grâce à la constitution des rapports d’enquête en un genre littéraire propre, et à l’essor d’une « culture publique de l’enquête » qui « se diffuse de plus en plus massivement dans l’ensemble du corps social24 ». Comme le montre l’article de Cyrille Jean, la popularité de cette « façon nouvelle de problématiser la réalité25» permet à une médecin comme Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé de mobiliser sciemment ce genre afin de légitimer ses propres travaux face aux enquêtes de l’Institut national d’études démographiques (INED). Dès lors, la diffusion des enquêtes jusqu’en dehors des milieux savants et philanthropes rend la frontière entre enquêteur·ices et enquêté·es de plus en plus floue.

Médecins, « profanes », intermédiaires : acteurs, actrices et usages de l’enquête

  • 26 Phil Brown, « Retour sur l’épidémiologie populaire », dans Madeleine Akrich, Yannick Barthe et Cat (...)
  • 27 Renaud Bécot, « L’invention ouvrière d’une pratique de précaution ? L’expérience du Carnet d’expos (...)
  • 28 Jason Corburn, Street Science. Community Knowledge and Environmental Health Justice, Cambridge, MI (...)
  • 29 Madeleine Akrich, Yannick Barthe et Catherine Rémy, « Les enquêtes profanes et la dynamique des co (...)
  • 30 Stéphane Baciocchi et Alain Cottereau, « Observer l’inobservable dans un budget de famille ouvrièr (...)
  • 31 Pascal Marichalar et Laure Pitti, « Réinventer la médecine ouvrière ? Retour sur des mouvements mé (...)
  • 32 Voir notamment Éric Geerkens et Judith Rainhorn, « Des médecins enquêtent sur le travail ouvrier. (...)

7Le succès du genre de l’enquête dans l’Europe du xixe siècle a contribué à étendre les profils de celles et ceux qui s’en saisissent. L’histoire des enquêtes médicales s’inscrit donc dans une histoire sociale large, dépassant le cadre des principales institutions savantes. Le concept d’« épidémiologie populaire » renvoyant aux « pratiques de signalement, d’analyse scientifique et de mobilisation politique des populations vivant sur des sites contaminés par des déchets toxiques » a notamment attiré l’attention sur les enquêtes profanes relatives à l’exposition d’une communauté à un risque sanitaire ou environnemental26. Cependant, l’opposition entre enquêtes profanes et savantes peut être relativisée à plusieurs égards. Tout d’abord, sur le plan des méthodes, elles ne sont pas toujours si dissemblables27 : les enquêtes profanes s’appuient certes sur « l’expertise d’expérience », ou « savoir d’expérience », qui correspond aux connaissances issues de l’expérience personnelle, mais aussi sur « l’expertise profane », c’est-à-dire la capacité que peuvent avoir les non-spécialistes à s’approprier des connaissances scientifiques28. Ensuite, les enquêtes initialement profanes deviennent souvent des enquêtes collaboratives, lorsque les enquêteurs et enquêtrices profanes s’entourent de professionnel·les, voire des enquêtes déléguées si ces derniers ou dernières prennent entièrement le relais29. La frontière entre enquêteur·ice et enquêté·e n’est pas non plus toujours étanche : dès les enquêtes de Le Play (1806-1882), l’enquêtée peut se faire « co-expérimentatrice30 », les résultats d’une enquête peuvent être partagés avec les enquêté·es par les médecins et biologistes qui l’ont réalisée31. Ce dossier entend donc contribuer à montrer la diversité des acteurs et actrices des enquêtes médicales. Les médecins ne se trouvent pas nécessairement au centre des enquêtes médicales, et peuvent y jouer des rôles variés. La place importante dans les enquêtes sociales des médecins qui avaient des contacts préalables avec des familles ouvrières a été soulignée32, de même que leur inventivité pour développer de nouvelles méthodes. Dans ce numéro, le rôle du médecin comme intermédiaire dans l’enquête est pensé à nouveaux frais par Raphaël Gallien, qui replace le « médecin-résident » malgache de l’asile d’Anjanamasina au cœur d’un mécanisme complexe de « biopolitique déléguée ».

  • 33 Kathrin Levitan, A Cultural History of the British Census. Envisioning the Multitude in the Ninete (...)
  • 34 Judith Raihnorn, « Le mouvement ouvrier contre la peinture au plomb. Stratégie syndicale, expérien (...)

8À la diversité des acteurs et actrices répond celle des usages de l’enquête, instrument d’émancipation autant que d’oppression. Ainsi, des enquêtes étatiques peuvent paradoxalement être utilisées contre leur fonction première et servir de base à des revendications sociales. Par exemple, si le recensement britannique fut d’abord pensé comme un instrument de gouvernement, « il fut de plus en plus accepté et approprié par un grand nombre d’Anglais·es qui l’utilisèrent non seulement pour comprendre, contrôler et améliorer la population, mais aussi pour se reconnaître et identifier les autres comme membres de groupes et réclamer des privilèges pour ces groupes33 ». De même, des collectifs profanes, seuls ou dans des alliances avec les mondes savant ou politique, peuvent mener leurs propres enquêtes pour faire reconnaître des maladies professionnelles34.

De l’échec des entreprises savantes à l’entretien délibéré de l’ignorance

  • 35 Vincent Denis et Pierre-Yves Lacour, « La logistique des savoirs », Genèses, n° 102, 2016, p. 118.
  • 36 Ibid.
  • 37 Francis Chateauraynaud et Didier Torny, Les sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l’a (...)

9Décrire l’enquête comme instrument d’oppression ou d’émancipation suppose de lui conférer une certaine efficacité. Or, la réalisation concrète d’enquêtes se heurte à des contraintes matérielles, notamment financières, qui limitent la capacité des enquêteurs et enquêtrices à produire effectivement des connaissances. Le souci thérapeutique peut également concurrencer l’investigation des causes d’une maladie. Dans un contexte d’urgence, il est parfois nécessaire de choisir entre soigner et savoir. À l’inverse, la réalisation d’enquêtes épidémiologiques a pu détourner certains médecins de l’administration des soins. Il y a également un fossé entre la production d’information et son traitement, et « le risque est grand de voir le centre finalement enseveli sous la masse de papier qu’il a suscitée35 ». L’attention portée à la « logistique des savoirs », comme « ensemble d’instruments et de pratiques qui visent à organiser la collecte, l’archivage et l’extraction d’informations de manière à les rendre mobilisables », permet donc de relativiser le récit de l’inexorable avènement d’une bureaucratie étatique toute puissante36. De même, les enquêtes ne parviennent pas toujours à faire émerger leur objet d’étude et de revendication comme un problème public, et leurs alertes peuvent rester vaines37.

  • 38 Volker Hess et John A. Mendelsohn, « Case and Series. Medical Knowledge and Paper Technology, 1600 (...)
  • 39 Michelle Perrot, Enquêtes sur la condition ouvrière en France au xixe siècle. Étude, bibliographie (...)
  • 40 Guillaume Lachenal, Le médicament qui devait sauver l’Afrique. Un scandale pharmaceutique aux colo (...)
  • 41 Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Éditions (...)

10Par ailleurs, les pratiques d’écriture déterminent ce qu’il est possible de connaître et de ne pas connaître38. Ainsi, les enquêtes médicales permettent d’éclairer des pans du monde social, mais la forme même des questionnaires peut contribuer à rendre d’autres phénomènes invisibles. Comme le notait déjà Michelle Perrot, « on peut enquêter et ne rien voir. L’enquête n’aboutit alors qu’à une méconnaissance supplémentaire ; au lieu de dévoiler, elle masque la réalité39 ». L’organisation d’une enquête peut même constituer un moyen d’étouffer un « scandale » sanitaire. Appeler à « attendre les conclusions de l’enquête », en ayant défini au préalable quelles étaient les autorités légitimes à la mener, peut permettre d’éviter publicité et politisation et, ainsi, de préserver le secret et de maintenir l’ordre40. Enfin, les enquêtes médicales peuvent également participer d’entreprises d’entretien délibéré l’ignorance. Les choix de certains producteurs et productrices d’enquêtes visent en effet à restreindre volontairement les possibilités de connaissance, comme l’ont montré des recherches récentes portant sur l’histoire des produits toxiques et des pollutions industrielles41. Amélie Bonney, dans son travail sur la toxicité du vert arsenical en France et en Angleterre, met au jour les mécanismes par lesquels des intérêts économiques et politiques ont conduit à minimiser la dangerosité d’un produit.

Enquêtes ordinaires : moments, temps et espaces des enquêtes médicales

  • 42 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 5.
  • 43 Sur les « moments » pour les enquêtes ouvrières en particulier, voir la première partie de Éric Ge (...)
  • 44 Ibid., p. 7
  • 45 François Jarrige et Thomas Le Roux, « Naissance de l’enquête. Les hygiénistes, Villermé et les ouv (...)
  • 46 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate », art. cit., p. 14.

11Ce dossier souligne la pluralité des moments de l’enquête et nuance ainsi l’idée d’une « culture de l’enquête » qui culminerait au tournant du xxe siècle avant de « s’épuiser » après la Grande Guerre42. Il n’y a pas un, mais plusieurs « moments » de l’enquête, déclinés par l’historiographie surtout pour l’espace ouest-européen43 : un « “moment 1800” où savoir scientifique, observation sociale et pratique administrative s’hybrident44 » ; un autre dans les années 1830-1840, qui voient se multiplier les enquêtes sur le monde ouvrier, notamment à la suite de l’épidémie de choléra45 ; puis, à la fin du xixe siècle, un véritable « âge de l’enquête46 ». Plutôt que de chercher à identifier un énième « moment » de l’enquête, ce dossier, par son cadre spatio-temporel large, vise à souligner le fait qu’elle demeure un genre majeur pendant toute l’époque contemporaine.

  • 47 Howard Brody, Michael Russell Rip, Peter Vinten-Johansen, et al., « Map-making and myth-making in (...)

12Au-delà de ces « moments », ce dossier entend proposer une réflexion sur les temps de l’enquête médicale. La séquence « crise épidémique – enquête – solution », illustrée par le récit classique de John Snow et la pompe de Broad Street47, cache en effet une diversité bien plus grande des temporalités : l’enquête de long terme, voire de routine, l’enquête qui se prolonge sans apporter de solution, etc. L’idée même de problème, de crise ou d’énigme comme origine temporelle et causale de l’enquête médicale peut être nuancée : l’enquête peut non seulement rendre des faits intelligibles ou les montrer sous un nouveau jour, mais aussi souvent participer à la création même du problème qu’elle entend résoudre. Enfin, le temps du phénomène étudié et celui de l’enquête peuvent être disjoints, comme dans le cas des enquêtes rétrospectives étudiées par Pamela N’Guessan et Anicet Zran.

  • 48 Paul-André Rosental (dir.), Silicosis. A world history, Baltimore, Johns Hopkins University Press, (...)

13Les espaces de l’enquête médicale sont eux aussi variés. Celle-ci peut se déployer à différentes échelles, du cabinet médical au pays entier en passant par l’hôpital, le laboratoire, le domicile des malades, etc. Les lieux de travail restent des espaces importants, et particulièrement étudiés, des débuts de l’hygiénisme industriel jusqu’aux questions les plus contemporaines sur l’exposition aux poussières ou aux pesticides48. L’enquête médicale peut aussi traverser les frontières, comme les questionnaires britanniques sur la contraception repris par Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé et étudiés par Cyrille Jean, voire être menée par des institutions internationales, comme l’a montré l’exemple récent de l’enquête de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Wuhan sur les origines du covid-19. Avec des études de cas en France, en Belgique, à Madagascar et en Côte d’Ivoire, ce dossier propose une approche comparatiste des enquêtes.

  • 49 Ibid.
  • 50 Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Xavier Vigna, « Introduction… », art. cit., p. 25.
  • 51 Mélanie Perez, « Enquêter sur sa contamination… », art. cit., p. 314.

14La question de l’espace se pose aussi dans un sens plus métaphorique, celui de la distance nécessaire à l’enquête. L’enquête suppose en effet à la fois une mise à distance et une certaine proximité au terrain : c’est l’observation directe qui permet de comprendre les risques du travail réel avec des substances toxiques, que la simple analyse du travail prescrit laisse invisible49. Il faut alors trouver la juste distance entre une indispensable proximité et une nécessaire réflexivité « permettant de situer voire de discuter les résultats50 ». Si l’enquête produit un effet sur le monde et sur les enquêté·es, elle affecte aussi l’enquêteur ou l’enquêtrice. Ainsi, enquêter sur sa propre contamination participe d’« un travail de mise en cohérence » et peut amorcer « un processus de réflexivité biographique51 ». L’insistance sur les effets de l’enquête sur l’enquêtrice-enquêtée peut cependant aussi relever de la mise en scène, à l’image des chercheuses étudiées par Alexandra Hondermarck qui déclarent que leur propre enquête sur les bienfaits du végétarisme les a convaincues d’adopter ce régime.

  • 52 David Rosner et Gerald Markowitz, « L’histoire au prétoire. Deux historiens dans les procès des ma (...)
  • 53 Paul-André Rosental, Catherine Cavalin et Michel Vincent, « History and social sciences as medical (...)

15La juste distance et de la réflexivité sont aussi des enjeux aussi pour les chercheurs et chercheuses dont l’enquête historique sur des questions de santé en vient à croiser d’autres formes d’enquêtes, lorsque celle-ci joue un rôle central dans les procès des maladies professionnelles et environnementales52, ou lorsqu’elle contribue à repenser les pratiques de diagnostic et de soin voire la séparation même entre maladies « professionnelles » et « environnementales53 ». Ces effets de retour sur les domaines judiciaire et médical ont eux-mêmes un effet sur la recherche historique, posant de nouvelles questions épistémologiques, pratiques et politiques à l’histoire de la santé.

  • 54 Ce dossier fait suite au colloque « Enquêtes médicales : savoirs, pratiques, enjeux (xviiie-xxie s (...)

16Ces problématiques sont étudiées à travers un ensemble de cinq articles et un entretien54. La contribution d’Amélie Bonney, « Les enquêtes sur les dangers du vert de Schweinfurt et la santé au travail en France (1835-1860) », analyse le rôle central des enquêtes dans la révélation puis l’évaluation des risques sanitaires liés à l’arsenic employé pour produire la couleur du vert de Schweinfurt. C’est d’abord dans le cadre d’une enquête policière sur des empoisonnements à Nancy que ces risques sont mis au jour, lorsque le pharmacien-chimiste Henri Braconnot incrimine la manufacture de papiers peints voisine. Les enquêtes sanitaires sur l’emploi de l’arsenic se multiplient dans les années 1840, alors que les nouvelles réglementations en encadrent la vente sans instaurer de réelle surveillance concernant son usage industriel. L’article examine les débats méthodologiques qui opposent deux de ces enquêteurs, le médecin Edmé Blandet et l’hygiéniste Alphonse Chevallier, en parallèle des discussions autour d’autres toxiques comme le blanc de plomb ou le cuivre. Il montre ainsi comment la redéfinition des méthodes de l’enquête a permis aux hygiénistes de discréditer l’assimilation des empoisonnements professionnels aux empoisonnements criminels, et de requalifier les maladies ouvrières en accidents, ce qui leur permet de monopoliser le discours sur la toxicité du vert de Schweinfurt tout en minimisant ses risques.

17L’article d’Alexandra Hondermarck, « La preuve par l’enquête : médecins et promotion du végétarisme en France et en Belgique autour de 1900 », compare trois enquêtes médicales menées au tournant du xixe siècle et dont les résultats sont exploités par les sociétés végétariennes française et belge. Ces dernières se distinguent de leurs équivalentes étrangères par leur composition sociale, notamment par le grand nombre de médecins en leur sein. Cela explique que ces sociétés mènent principalement leur lutte dans l’arène scientifique, et fassent de l’enquête leur outil privilégié pour s’opposer aux doctrines prônant la consommation de viande. L’autrice montre la plasticité de ce genre de formalisation des savoirs, qui permet de mêler les méthodes des enquêtes sociales et expérimentales, et rappelle que la réception de ces enquêtes dépend à la fois des méthodes employées et du positionnement des enquêteurs et enquêtrices par rapport au mouvement végétarien. Cette contribution invite ainsi à considérer la réception et l’instrumentalisation des enquêtes médicales, car c’est en s’appropriant ces travaux que le mouvement végétarien tente de convaincre les réformateurs sociaux et qu’il envisage de parvenir à changer les habitudes de consommation.

18L’utilisation stratégique du prestige du genre de l’enquête pour soutenir un projet de transformation des mœurs se retrouve dans l’article de Cyrille Jean, « Enquêter sur l’efficacité contraceptive pour normaliser le contrôle des naissances ». Il est consacré aux trois enquêtes menées entre 1957 et 1967 par Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, figure de proue du Mouvement français pour le planning familial, afin de légitimer l’emploi de moyens de contraception. Il souligne d’abord le choix réfléchi de l’enquête comme mode d’administration de la preuve : Lagroua Weill-Hallé peut ainsi s’inscrire dans le sillage des études du mouvement britannique de contrôle des naissances, dont elle va jusqu’à reprendre les questionnaires. Cette stratégie vise également à sortir le débat du domaine moral et politique, en combattant les statisticiens natalistes de l’INED sur leur propre terrain. En disséquant les méthodes, questions et catégories employées dans ces enquêtes, Cyrille Jean dévoile les mécanismes qui permettent le renversement des angoisses morales et démographiques sur la contraception, en présentant plutôt le contrôle de la sexualité au sein de couples mariés comme la garantie d’une cellule familiale épanouie. Soulignant les écueils statistiques de ces enquêtes, liés au taux de perte élevé de l’effectif initial et à la survalorisation du diaphragme, l’article montre que leur succès ne tient pas tant dans leur résultat que dans l’opération de légitimation de la contraception comme facteur d’optimisation plutôt que de dissolution des cadres sociaux.

19Cette potentielle discordance entre les résultats des enquêtes et la fonction qu’elles jouent est au cœur de l’article de Raphaël Gallien, « Désigner la folie, manquer le « fou ». Quand l’enquête psychiatrique ne parvient pas à identifier et à comprendre la maladie mentale (Madagascar, années 1930) ». À travers les écrits de Victor Huot, médecin-inspecteur à l’asile d’Anjanamasina, l’article interroge le décalage entre les enquêtes cliniques menées à l’arrivée des patient·es et la réalité de leurs troubles. Plutôt que d’y voir un simple aveu d’échec de la part d’une médecine coloniale manquant cruellement de moyens, Raphaël Gallien lie cette production d’ignorance aux conditions de la prise en charge asilaire, qui repose essentiellement sur le personnel médical local. L’incapacité des enquêtes cliniques à rendre compte des pathologies traduit alors la superficialité de l’emploi de ces catégories nosographiques génériques, masquant notamment les négociations avec les familles à l’entrée ou à la sortie de l’asile. L’étude de l’enquête du Dr Huot sur l’inintelligibilité de la folie à Madagascar par l’administration coloniale permet de remettre au centre du système de « biopolitique déléguée » la figure du médecin-résident malgache François Andrianarisoa, dont les diagnostics visent moins à orienter la thérapie qu’à « rendre compte pour ne pas avoir à rendre des comptes » à l’administration coloniale.

20Enfin, l’article d’Anicet Zran et Pamela N’Guessan, « Les malades du VIH/sida après la mort. Enquêtes rétrospectives sur les décès liés au sida dans les CHU de Côte d’Ivoire (1984-1989) », étudie l’utilisation des enquêtes médicales comme outils de surveillance épidémiologique pour le VIH/sida dans un contexte de déni officiel. Il montre que le gouvernement ivoirien, à l’instar de nombreux gouvernements africains, a minimisé la gravité de l’épidémie au début des années 1980, afin de protéger le régime tant de la stigmatisation à l’échelle internationale que des contestations populaires à l’échelle nationale. Cet entretien délibéré de l’incertitude, renforcé par le coût des tests, a conduit l’OMS à définir en 1985 les critères d’un diagnostic clinique du VIH/sida, afin de mieux saisir la propagation du virus sur le continent africain. À partir d’archives et d’entretiens avec des témoins clés de la gestion de l’épidémie, cet article révèle que les enquêtes médicales rétrospectives ont favorisé une gestion plus volontariste de l’épidémie en Côte d’Ivoire en démontrant que, dès cette époque, le VIH/sida était la première cause de mortalité des hommes à Abidjan.

21Le dossier clôt par un entretien avec Catherine Cavalin, portant sur les défis d’une approche interdisciplinaire et réflexive des enquêtes médicales. Cette discussion est l’occasion pour la sociologue de rappeler que le genre de l’enquête est central dans sa discipline, mais que des désaccords profonds subsistent sur la définition même de ce terme. L’interviewée expose ensuite les enjeux particuliers de l’interdisciplinarité, en présentant les modalités concrètes de sa collaboration avec des professionnel·les de santé autour des maladies de cause inconnue. Elle montre notamment qu’une enquête en cache souvent une autre, en expliquant comment la collaboration des médecins et des sociologues sur les déterminants sociaux du développement de la sarcoïdose conduit à interroger la manière dont leurs disciplines respectives construisent et définissent la notion de race. Enfin, Catherine Cavalin évoque la difficulté de traduire ces travaux collaboratifs en publications communes, en raison des divergences en matière de normes d’administration de la preuve dans les différentes disciplines.

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Notes

1 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », Romantisme, 149, 2010, p. 5.

2 Anne Mailloux et Laure Verdon (dir.), L’enquête en questions : de la réalité à la « vérité » dans les modes de gouvernement, Moyen Âge-Temps modernes, Paris, CNRS Éditions, 2014.

3 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate. Les significations cognitives et politiques de l’enquête », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 22 (1), 2004, p. 7.

4 Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Xavier Vigna, « Introduction. Observer, écouter, inspirer : deux siècles d’enquêtes ouvrières en Europe », dans Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna. (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine. Entre pratiques scientifiques et passions politiques, Paris, La Découverte, 2019, p. 6.

5 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 12.

6 À l’instar des infirmières chargées des enquêtes de dépistage autour des cas de tuberculose en France : Janina Kehr, « It’s also the System. Republican Dilemmas in French Tuberculosis Prevention », dans Helen Macdonald et Ian Harper (dir.), Understanding Tuberculosis and its Control. Anthropological and Ethnographic Approaches, Londres, Routledge, 2019, p. 88-105 (voir notamment p. 100).

7 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 5. Voir notamment : dossier « Enquête sur l’enquête », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 22, 2004 ; dossier « L’enquête », Romantisme, 149, 2010; dossier « Enquêter sur la guerre », Le Mouvement Social, 222, 2008 ; Luc Boltanski, Énigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Paris, Gallimard, 2012 ; dossier « Sociétés coloniales. Enquêtes et expertises », Monde(s), 4, 2013 ; Christian Topalov, Histoires d’enquêtes. Londres, Paris, Chicago (1830-1930), Paris, Classiques Garnier, 2015 ; Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna. (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine…, op. cit.

8 Philippe Masson, Faire de la sociologie. Les grandes enquêtes françaises depuis 1945, Paris, La Découverte, 2008 ; Gilles Laferté, Paul Pasquali et Nicolas Renahy (dir.), Le laboratoire des sciences sociales. Histoires d’enquêtes et revisites, Paris, Raisons d’agir, 2018.

9 Des travaux récents explorent cette notion, mais plutôt en sociologie ou en ethnologie qu’en histoire. Voir par exemple : François Dedieu et Jean-Noël Jouzel, « Des difficultés de l’enquête médicale en milieu de travail contaminé », Ethnologie française, 45 (1), 2015, p. 67‑75 ; Mélanie Perez, « Enquêter sur sa contamination. Des hommes homosexuels récemment diagnostiqués séropositifs au VIH », Ethnologie française, 178 (2), 2020, p. 313‑326.

10 Yankel Fijalkow, « L’enquête sanitaire urbaine à Paris en 1900 », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 22, 2004, p. 95‑106 ; François Jarrige et Thomas Le Roux, « Naissance de l’enquête : les hygiénistes, Villermé et les ouvriers autour de 1840 », dans Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine…, op. cit., p. 39‑52.

11 Voir notamment Michel Porret (dir.), « La médecine légale entre doctrines et pratiques », numéro spécial de la Revue d’histoire des sciences humaines, 22, 2010 ; Ian Burney et Neil Pemberton, Murder and the Making of English CSI, Baltimore, Johns Hopkins Press, 2016 ; Janine Barbot et Vololona Rabeharisoa (dir.), « Médecine et justice », numéro spécial de Sciences sociales et santé, 36, 2018 ; Alessandro Pastore, Il medico in tribunale. La perizia medica nella procedura penale d’antico regime (secoli xvi-xviii), Bellinzona, Casagrande, 1998.

12 Michel Foucault, Théories et institutions pénales. Cours au Collège de France (1971-1972), Paris, Éditions du Seuil/Gallimard, 2021, p. 280-282 ; Jean-Claude Farcy, Dominique Kalifa et Jean-Noël Luc (dir.), L’enquête judiciaire en Europe au xixe siècle. Acteurs, imaginaires, pratiques, Paris, Creaphis, 2007.

13 Jean Glenisson, « Les enquêtes administratives en Europe occidentale aux xiiie et xive siècles », dans Werner Paravicini et Karl F. Werner (dir.), Histoire comparée de l’administration (ive-xviiie siècles), Munich, Artemis-Verlag, 1980, p. 17-24 ; Caroline Carlon, La construction des liens de sujétion à travers les enquêtes en Provence entre le xiiie et le xive siècle, thèse de doctorat, Aix-Marseille Université, 2020.

14 Olivier Faure, « Les stratégies sanitaires », dans Mirko Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident, t. 2, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions du Seuil, 1997, p. 279-296.

15 Jean-Paul Desaive, Jean-Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie et. al., Médecins, climats et épidémies à la fin du xviiie siècle, Paris, Mouton, 1972.

16 Nous reprenons ici la traduction de l’expression par Emmanuelle Sibeud, Claire Fredj et Hélène Blais, dans « Introduction. Sociétés coloniales : enquêtes et expertises », Monde(s), 2, 2013, notamment p. 15-16.

17 Oz Frankel, States of Inquiry. Social Investigation and Print Culture in xixth Century Britain and the United States, Baltimore, John Hopkins University Press, 2006, p. 1.

18 Janina Kehr, Spectres de la tuberculose. Une maladie du passé au temps présent, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 100‑112.

19 Michel Callon et Vololona Rabeharisoa, « La leçon d’humanité de Gino », Réseaux, 95, 1999, p. 214.

20 Samir Boumediene, La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750), Vaulx-en-Velin, Éditions des Mondes à faire, 2019, p. 106.

21 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 22, 2004, p. 14.

22 Pierre Karila-Cohen, « État et enquête au xixe siècle. D’une autorité à l’autre », Romantisme, 149, 2010, p. 27.

23 Ibid., p. 26 ; Oz Frankel, States of Inquiry…, op. cit., p. 3-4.

24 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 20-21.

25 Luc Boltanski, Énigmes et complots…, op. cit., p. 15.

26 Phil Brown, « Retour sur l’épidémiologie populaire », dans Madeleine Akrich, Yannick Barthe et Catherine Rémy (dir.), Sur la piste environnementale. Menaces sanitaires et mobilisations profanes, Paris, Presses des Mines, p. 53 ; Phil Brown et Edwin J. Mikkelsen, No Safe Place. Toxic Waste, Leukemia, and Community Action, Berkeley, University of California Press, 1990 ; Phil Brown, « Popular Epidemiology Revisited », Current Sociology, 45, 1997, p. 137-156.

27 Renaud Bécot, « L’invention ouvrière d’une pratique de précaution ? L’expérience du Carnet d’exposition aux risques professionnels, 1975-1987 », Histoire@Politique, 36, 2018, p. 8.

28 Jason Corburn, Street Science. Community Knowledge and Environmental Health Justice, Cambridge, MIT Press, 2005 ; Madeleine Akrich et Vololona Rabeharisoa, « L’expertise profane dans les associations de patients, un outil de démocratie sanitaire », Santé Publique, 24, 2012, p. 69-74.

29 Madeleine Akrich, Yannick Barthe et Catherine Rémy, « Les enquêtes profanes et la dynamique des controverses en santé environnementale », dans Sur la piste environnementale…, op. cit., p. 32-33.

30 Stéphane Baciocchi et Alain Cottereau, « Observer l’inobservable dans un budget de famille ouvrière. L’expérimentation de Frédéric Le Play auprès de Francisca à Vienne (Autriche), mai-juin 1853 », dans Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine …, op. cit., p. 368‑386.

31 Pascal Marichalar et Laure Pitti, « Réinventer la médecine ouvrière ? Retour sur des mouvements médicaux alternatifs dans la France post-1968 », Actes de la recherche en sciences sociales, 196-197 (1), 2013, p. 122.

32 Voir notamment Éric Geerkens et Judith Rainhorn, « Des médecins enquêtent sur le travail ouvrier. Terrains et pratiques en Belgique et en France, c. 1840-c. 1914 », dans Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine, op. cit., p. 221‑237.

33 Kathrin Levitan, A Cultural History of the British Census. Envisioning the Multitude in the Nineteenth Century, New York, Palgrave Macmillan, 2011, p. 1. Cette analyse est valable pour d’autres pays. Sur le recensement autrichien, voir Emil Brix, Die Umgangssprachen in Altösterreich zwischen Agitation und Assimilation. Die Sprachenstatistik in den zisleithanischen Volkszählungen 1880 bis 1910, Vienne, Böhlau, 1982 ; Zbyněk Zeman, « Les quatre recensements en Autriche entre 1880 et 1910 et leurs conséquences politiques », dans Miklós Molnàr et André Reszler (dir.), Le génie de l’Autriche-Hongrie. État, société, culture, Paris, Presses universitaires de France, 1989, p. 43-51. Sur les recensements aux États-Unis, voir Margo Anderson, The American Census. A Social History, New Haven, Yale University Press, 1988 ; Paul Shor, Compter et classer. Histoire des recensements américains, Paris, Éditions de l’EHESS, 2009. Sur l’Europe centrale, voir Morgane Labbé, La nationalité, une histoire de chiffres. Politique et statistiques en Europe centrale (1848-1919), Paris, Presses de Sciences Po, 2019.

34 Judith Raihnorn, « Le mouvement ouvrier contre la peinture au plomb. Stratégie syndicale, expérience locale et transgression du discours dominant au début du xxe siècle : santé et travail », Politix, 91, 2010 ; Pascal Marichalar, Qui a tué les verriers de Givors ? Une enquête de sciences sociales, Paris, La Découverte, 2017.

35 Vincent Denis et Pierre-Yves Lacour, « La logistique des savoirs », Genèses, n° 102, 2016, p. 118.

36 Ibid.

37 Francis Chateauraynaud et Didier Torny, Les sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999.

38 Volker Hess et John A. Mendelsohn, « Case and Series. Medical Knowledge and Paper Technology, 1600-1900 », History of Science, 48, 2010, p. 287-314.

39 Michelle Perrot, Enquêtes sur la condition ouvrière en France au xixe siècle. Étude, bibliographie, index, Paris, Hachette, 1972, p. 35, cité par Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Xavier Vigna, « Introduction… », art. cit., p. 10.

40 Guillaume Lachenal, Le médicament qui devait sauver l’Afrique. Un scandale pharmaceutique aux colonies, Paris, La Découverte, 2014, p. 168.

41 Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Éditions du Seuil, 2012 ; Thomas Le Roux, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011 ; Judith Rainhorn, Blanc de plomb. Histoire d’un poison légal, Paris, Presses de Sciences Po, 2019 ; Alexis Zimmer, Brouillards toxiques. Vallée de la Meuse, 1930, contre-enquête, Bruxelles, Zones sensibles, 2016.

42 Dominique Kalifa, « Enquête et “culture de l’enquête” au xixe siècle », art. cit., p. 5.

43 Sur les « moments » pour les enquêtes ouvrières en particulier, voir la première partie de Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine, op. cit., p. 39-162

44 Ibid., p. 7

45 François Jarrige et Thomas Le Roux, « Naissance de l’enquête. Les hygiénistes, Villermé et les ouvriers autour de 1840 », dans Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.). Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine, op. cit., p. 39-52, notamment p. 42 ; Judith Lyon-Caen, « Enquêtes, littérature et savoir sur le monde social en France dans les années 1840 », Revue d’histoire des sciences humaines, 17, 2007, p. 99‑118.

46 Christophe Prochasson, « L’enquêteur, le savant et le démocrate », art. cit., p. 14.

47 Howard Brody, Michael Russell Rip, Peter Vinten-Johansen, et al., « Map-making and myth-making in Broad Street. The London cholera epidemic, 1854 », The Lancet, 9223, 2000, p. 64‑68.

48 Paul-André Rosental (dir.), Silicosis. A world history, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2017, François Dedieu, Jean-Noël Jouzel, « Des difficultés de l’enquête médicale …. », art. cit.

49 Ibid.

50 Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld et Xavier Vigna, « Introduction… », art. cit., p. 25.

51 Mélanie Perez, « Enquêter sur sa contamination… », art. cit., p. 314.

52 David Rosner et Gerald Markowitz, « L’histoire au prétoire. Deux historiens dans les procès des maladies professionnelles et environnementales », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56, 2009, p. 227-253.

53 Paul-André Rosental, Catherine Cavalin et Michel Vincent, « History and social sciences as medical research tools. The “SILICOSIS” project and the investigation of the pathogenic effects of dust », Quaderni storici, 50, 2015, p. 785‑812, notamment p. 799 et 803.

54 Ce dossier fait suite au colloque « Enquêtes médicales : savoirs, pratiques, enjeux (xviiie-xxie siècle) », organisé les 24 et 25 octobre 2019 au Centre d’histoire de Sciences Po et au Centre Alexandre-Koyré. Nous remercions les partipant·es, dont les contributions ont permis de faire avancer la réflexion présentée ici.

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Pour citer cet article

Référence papier

Léa Delmaire, Pierre Nobi et Paul-Arthur Tortosa, « Enquêtes médicales (xixe-xxie siècle) »Histoire, médecine et santé, 19 | 2022, 9-21.

Référence électronique

Léa Delmaire, Pierre Nobi et Paul-Arthur Tortosa, « Enquêtes médicales (xixe-xxie siècle) »Histoire, médecine et santé [En ligne], 19 | été 2021, mis en ligne le 12 janvier 2022, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/4357 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.4357

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Léa Delmaire

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