Au-delà de la diététique
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Fernand Braudel, « Alimentation et catégories de l’histoire », Annales ESC, 4, 1961, p. 723.
- 2 Roland Barthes, « Pour une psycho-sociologie de l’alimentation contemporaine », Annales ESC, 5, 19 (...)
- 3 Jean-Jacques Hémardinquer, Pour une histoire de l’alimentation, Paris, Armand Colin, 1970.
- 4 Bartolomé Bennassar et Joseph Goy (dir.), Histoire de la consommation, Annales (ESC), 30/2-3, p. 4 (...)
- 5 Maurice Aymard, « Pour l’histoire de l’alimentation : quelques questions de méthode », dans Bartol (...)
1En 1961, Fernand Braudel amorçait un changement dans les études sur l’histoire de l’alimentation en qualifiant les recettes de cuisine de « biens culturels1 » (à côté des plantes domestiques et des animaux). De même le sémiologue Roland Barthes, la même année, soulignait que l’alimentation était un fait culturel riche de sens. Prenant l’exemple du sucre pour les États-Unis et du vin pour la France, il expliquait que « ces substances pléthoriques sont aussi des institutions. Et ces institutions impliquent fatalement des images, des rêves, des tabous, des goûts, des choix et des valeurs2 ». Ces premières tentatives, du moins ces propositions d’analyse de l’alimentation par le prisme culturel, devront attendre plusieurs décennies avant d’être effectives. En effet, les enquêtes publiées dans les Annales ESC entre la fin des années 1950 et les années 1960 et réunies par Jean-Jacques Hémardinquer en 19703 ainsi que le numéro de la même revue consacré en 1975 à l’Histoire de la consommation4, témoignent que, si l’histoire de l’alimentation est en pleine expansion durant ces années d’après-guerre, elle n’est encore qu’un outil pour mieux comprendre les crises alimentaires. L’objectif est de proposer une histoire économique et démographique des sociétés d’Ancien Régime majoritairement, du xixe siècle parfois, délaissant celles de l’Antiquité et du Moyen Âge. Sur les dix-sept contributeurs au numéro des Annales ESC de 1975, seul Maurice Aymard recommande, parmi les trois grandes directions à suivre pour faire de l’histoire de l’alimentation, de suivre celle de « la psycho-sociologie5 » que Roland Barthes présentait quatorze ans plus tôt. Cependant, cette direction, bien que nommée, n’est pas empruntée par Maurice Aymard qui se concentre sur les deux autres voies – économique et nutritionnelle – moins tortueuses car plus familières. L’histoire de l’alimentation dans les années 1960 et 1970 reste donc une histoire quantitative bien qu’elle marque une rupture avec les recherches précédentes : ce ne sont plus les tables des princes et de l’élite qui intéressent mais les rations alimentaires consommées quotidiennement par une catégorie de la population.
- 6 Claude Lévi-Strauss, « Le triangle culinaire », L’Arc, 26, 1965, p. 19-29. Voir également les troi (...)
- 7 Notamment son Über den Prozess der Zivilisation: soziogenetische und psychogenetische Untersuchung (...)
- 8 Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979 ; i (...)
- 9 Pensons par exemple à Jean-Louis Flandrin, « La distinction par le goût », dans Philippe Ariès et (...)
- 10 Jean-Paul Aron, Essai sur la sensibilité alimentaire à Paris au xixe siècle, Paris, Armand Colin, (...)
- 11 Massimo Montanari, La faim et l’abondance. Histoire de l’alimentation en Europe, Paris, Seuil, 1995 (...)
- 12 Bien que l’anthropologie historique se soit développée dans la deuxième moitié du xxe siècle, l’in (...)
- 13 Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », dan (...)
- 14 Pour une synthèse sur les recherches en alimentation dans la première décennie de 2000, voir l’art (...)
- 15 Roland Barthes, « Pour une psycho-sociologie de l’alimentation contemporaine », art. cité, p. 979- (...)
- 16 Claude Fischler, L’homnivore. Le goût, la cuisine et le corps, Paris, Odile Jacob, 2001. Massimo M (...)
- 17 Saadi Lahlou, « La construction de l’identité alimentaire », dans Des aliments et des Hommes : ent (...)
2L’essor dans les années 1970-1980 des approches structuralistes portées par l’ethnologie et l’anthropologie vont contribuer à l’émergence de l’histoire des mentalités et de l’anthropologie historique ouvrant la voie à des approches culturelles. Plus spécifiquement, les travaux de Claude Lévi-Strauss sur le triangle culinaire6, les théories de Norbert Elias7, certes établies dans les années 1930 mais diffusées en France seulement dans les années 1970-1980, et les travaux du sociologue Pierre Bourdieu sur l’habitus8 vont considérablement participer au développement de l’histoire de l’alimentation. Jean-Louis Flandrin s’inspire des concepts bourdieusiens afin de comprendre la cuisine en France sous l’Ancien Régime dans son aspect social9. De même, avec son Essai sur la sensibilité alimentaire à Paris au xixe siècle, Jean-Paul Aron affirme une histoire de l’alimentation détachée de l’histoire économique10. C’est ainsi que l’alimentation investit le champ de l’histoire culturelle matérielle devenant progressivement un objet d’histoire à part entière et suscitant l’intérêt croissant des recherches universitaires depuis les années 198011. Il aura donc fallu le développement de l’anthropologie historique via l’ouverture aux autres disciplines des sciences humaines pour que l’alimentation soit aussi un sujet d’histoire sociale12. Depuis, l’approche pluridisciplinaire de l’histoire de l’alimentation prédomine et s’affirme dans les recherches nationales et internationales comme un « fait social total13 » jusqu’à devenir les food studies, depuis une vingtaine d’années. Derrière cette expression anglaise c’est la nécessité d’envisager l’alimentation dans tous les domaines des sciences humaines et des sciences naturelles qui est soulignée, que ce soit pour étudier un aliment, une pratique culinaire ou un contexte de consommation14. Ainsi, étudier l’alimentation ce n’est pas seulement s’intéresser à la consommation d’un aliment dans sa dimension économique, mais bien à tout ce que celle-ci implique de symbolique15. L’alimentation n’est donc plus à comprendre uniquement par des données quantitatives, mais bien à partir des pratiques et des comportements humains, envisagés aussi bien dans leur individualité que dans leur collectivité. Et parce qu’elle relève d’une nécessité biologique – s’alimenter –, elle est intimement liée à la santé. Or, si manger répond à cette nécessité, la mise en action répond, elle, à des variables sociales et culturelles16. C’est pourquoi aux données nutritionnelles et médicales se joignent des données sociologiques et psychologiques qui doivent être considérées17, car la santé ne pourrait avoir de substance et n’être définie sans la prise en compte du sujet. C’est ainsi que le terme « santé » recouvre une variété d’enjeux, particulièrement lorsqu’il est associé à l’alimentation et c’est cette articulation alimentation-santé que nous nous proposons de mettre en lumière dans ce numéro à travers cinq contributions couvrant une chronologie large allant de l’Antiquité à l’époque contemporaine, et s’intéressant à différents espaces géographiques.
Entre objectivité et subjectivité : l’expérience du manger sain
- 18 Françoise Sabban et Frédérique Audouin-Rouzeau, « Préface », dans Frédérique Audouin-Rouzeau et Fr (...)
- 19 Saadi Lahlou, Penser manger. Alimentation et représentations sociales, Paris, PUF, 1998, p. 85-108
- 20 Matty Chiva, « Comment la personne se construit en mangeant », Communications, 31, La nourriture. (...)
- 21 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, II. L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, p. 10.
- 22 Cet espace a été défini en six dimensions (l’espace du mangeable, le système alimentaire, l’espace (...)
3La relation entre alimentation et santé semble, aux premiers abords du moins, se définir par des notions positives : bien manger et plus couramment aujourd’hui manger sain, sont des expressions qui surgissent lorsque l’on cherche à qualifier le rapport entre alimentation et santé. Se pose alors la question du sens de ces expressions. Consommer des aliments bons est-ce consommer des produits agréables au goût ? Est-ce consommer des produits riches nutritionnellement ? Et est-ce qu’un aliment bon l’est universellement ? Autant de questions qui en viennent à complexifier davantage l’élaboration d’une seule définition, à laquelle il faut accepter de renoncer si on ne veut pas porter un regard réducteur sur les comportements alimentaires. Il faut donc s’interroger sur la façon dont les sociétés, que ce soit un individu ou une communauté, envisagent l’articulation alimentation-santé. Manger sain implique l’idée de ce qui est bon et aussi ce qui doit être fait18. C’est donc une affaire de savoirs et de pratiques qui impliquent des données informatives et qui introduisent une valeur qualitative c’est-à-dire des catégories de produits considérés bons soit d’un point de vue nutritionnel et, par extension, diététique, soit d’un point de vue gustatif et subjectif, dont la valeur est intrinsèquement liée à la notion de plaisir et qui prend effet en convoquant les percepteurs sensoriels, le goût bien sûr, mais aussi l’odorat et la vue19. L’intérêt porté à un aliment et, par conséquent, les choix alimentaires sont guidés par des critères organoleptiques et par des valeurs sociales et culturelles que l’individu accepte ou refuse20. En d’autres termes, c’est l’expérience – terme employé dans son acception foucaldienne qui met en avant « la corrélation dans une culture entre domaines de savoir, types de normativité et formes de subjectivité21 » – du manger sain qui doit être analysée. L’objectif étant de saisir à la fois les données objectives et subjectives permettant de comprendre l’articulation alimentation-santé dans une approche multiscalaire. Le mangeur étant le sujet de cette expérience, il se définit par l’épreuve qu’il en fait que ce soit collectivement ou individuellement, positivement ou négativement. C’est en analysant cette interaction entre le collectif et l’individuel, mais aussi l’acceptation ou le refus que la pluralité des pratiques alimentaires au sein de « l’espace social alimentaire22 » devient une grille de lecture pertinente pour l’historien qui peut en saisir les enjeux socioculturels, politiques, économiques et médicaux que ce soit dans une approche synchronique ou diachronique.
L’alimentation-santé : entre diététique et incorporation
- 23 Sur la polysémie du terme diaita, voir Jacques Jouanna, « Réflexions sur le régime des peuples dan (...)
- 24 María José García Soler, « Nourriture et santé dans la médecine grecque antique », dans Frédérique (...)
- 25 Marilyn Nicoud, Les régimes de santé au Moyen Âge. Naissance et diffusion d’une écriture médicale, (...)
- 26 Sur ce sujet, voir également Danielle Jacquart et Françoise Micheau, La médecine arabe et l’Occide (...)
- 27 Camille Adamiec, Devenir sain. Des morales alimentaires aux écologies de soi, Rennes/Tours, Presse (...)
- 28 Les recherches étant nombreuses, nous citerons seulement l’ouvrage incontournable – bien qu’aujour (...)
4Dès l’Antiquité, les sources témoignent du rôle central accordé à l’alimentation pour assurer la santé avec, dès le ve siècle av. J.-C., le développement de l’une des trois branches composant la médecine, la diaita, qui n’est pas stricto sensu « la diététique » au sens de régime alimentaire restrictif, mais qui s’apparente plus largement à un mode de vie dont le but est aussi bien thérapeutique que préventif23. Ses grands principes, exposés dans le corpus hippocratique, particulièrement dans le traité Du régime, reposent sur une médecine qui définit quatre humeurs : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire ayant respectivement quatre caractéristiques : humide chaud, humide froid, sec chaud et sec froid. Afin de maintenir l’équilibre et l’harmonie des humeurs, lesquels assurent la bonne santé, l’individu doit suivre une diaita adaptée à son tempérament. Sont ainsi pris en compte l’humeur prédominante de l’individu et l’environnement dans lequel il évolue. Les aliments ayant chacun des propriétés particulières, leur consommation doit être adaptée et associée à des pratiques réglementées comme les exercices physiques, l’activité sexuelle, le vomissement et les bains. Ce savoir diététique, transmis tout au long de l’Antiquité par le corpus hippocratique et l’œuvre de Galien24, est diffusé au Moyen Âge par les auteurs de langue arabe25 et s’associe aux autres connaissances. Ainsi, dans l’Occident islamique médiéval, présenté ici par Marianne Brisville, les savoirs et les pratiques diététiques se construisent à la fois sur la médecine antique – hippocratique et galénique – et sur une médecine prophétique rattachée aux sciences musulmanes influençant considérablement le discours médical de l’al-Andalus et du Maghreb entre le ixe et le xive siècle26. Marianne Brisville montre bien que l’alimentation à travers la santé n’est pas seulement une question de nutrition, mais également de pratique, d’expérience ; elle n’est pas seulement rationalité mais aussi subjectivité c’est-à-dire une prise en considération de la symbolique que le mangeur attribue à un aliment qu’il ingère ou refuse par le principe d’incorporation. Par conséquent, manger sain « ne désigne pas un jugement sur le caractère sain ou non des alimentations et des pratiques de santé envisagées, mais signifie que les incorporations sont appréhendées sous l’angle de la santé » comme le souligne la sociologue Camille Adamiec dans l’enquête qu’elle a menée à Strasbourg afin de comprendre le rapport alimentation-santé27. Ici, le principe d’incorporation pousse le mangeur à rechercher les produits les plus naturels possible et les moins transformés à partir d’une représentation réelle ou symbolique qu’il se fait des aliments. Cette représentation, qu’elle soit individuelle ou collective, varie suivant les périodes et les contextes historiques. Ainsi la consommation du poisson à Rome durant l’Antiquité, présentée dans ce numéro par Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, répond à des critères diététiques qui reposent sur la valeur accordée à une espèce suivant son milieu de vie et sa nutrition. Alors que les recherches en Antiquité s’intéressent davantage aux valeurs incorporatrices de la viande notamment dans le contexte sacrificiel28, cette contribution souligne à quel point chaque aliment consommé doit être pensé dans la symbolique que le mangeur lui accorde.
Manger sain : un défi pour les pouvoirs publics
- 29 Ahmed Mahiou et Francis G. Snyder (éd.), Food Security and Food Safety/La sécurité alimentaire, Ce (...)
- 30 À la crise pétrolière, il faut ajouter plusieurs catastrophes naturelles (raz de marée au Benglade (...)
- 31 Martin Bruegel et Alessandro Stanziani, « Pour une histoire de la “sécurité alimentaire” », Revue (...)
- 32 FAO, Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation, Rome, FAO, 1996.
- 33 Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle, Paris, S (...)
- 34 Patrick Rambourg, « Les savoirs alimentaires dans le Paris de la fin du Moyen Âge : entre pratique (...)
- 35 Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires…, op. cit., p. 296-297.
5La décision finale d’intégrer ou d’exclure certains aliments dans ses repas revient à l’individu suivant sa propre appréciation et les principes incorporatifs qu’il attribue à un aliment. Se nourrir, bien évidemment, est une pratique individuelle, mais par son universalité elle est aussi une action collective, car vitale pour tous. L’absence d’alimentation ou une mauvaise alimentation à une grande échelle n’a pas seulement des répercussions sur chacun des individus, mais sur l’ensemble de la société qui est confrontée à ces difficultés auxquelles elle doit remédier. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont en charge d’assurer une nourriture suffisante. Ainsi dès l’Antiquité, les sociétés ont dû faire face aux pénuries récurrentes, en mettant en place des greniers de réserves et en pratiquant une régulation des prix. Aujourd’hui, ces dispositions sont pensées à l’échelle mondiale afin de garantir une sécurité alimentaire à tous que ce soit pour pallier les pénuries qui touchent encore les pays pauvres ou pour faire face à une demande abondante des diversités alimentaires par les pays fortement industrialisés29. En 1974, dans un contexte où les diverses crises menacent l’économie mondiale30, l’Organisation mondiale de la santé organise à Rome une conférence internationale de l’alimentation qui met en avant la nécessité de rendre des produits de base disponibles à tous et « atténuer les fluctuations de la production et des prix ». Deux ans plus tard, en 1976, l’Organisation des Nations unies intègre le droit à une alimentation suffisante dans la Charte des droits de l’Homme. La sécurité alimentaire devient dès lors l’un des enjeux mondiaux primordiaux. Elle se définit dans un premier temps par les données quantitatives qui sont basées sur les besoins physiques humains et permettent, dans le même temps, de délimiter le seuil à partir duquel les individus se retrouvent en danger. Dans cette perspective biologique, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – la FAO – a pour objectif de mettre en place les moyens pour assurer l’autosuffisance des pays. Toutefois, la quantité ne saurait suffire sans un accès à des produits salubres et de bonnes qualités nutritives, indispensables à la bonne santé31. Ainsi, en 1996 lors du Sommet mondial de l’alimentation, la dimension qualitative est ajoutée à la définition de la sécurité alimentaire, définition encore en vigueur aujourd’hui : un « accès physique et économique pour tous les êtres humains, à tout moment, à une nourriture suffisante, salubre et nutritive, leur permettant de satisfaire leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active32 ». Par conséquent, la sécurité alimentaire est intimement liée à la sécurité sanitaire et bien que ces termes soient contemporains, lorsque l’accès, la disponibilité, la qualité et la régularité alimentaire sont compromis, les instances publiques, à chaque période historique, doivent répondre aux inquiétudes collectives et gérer la situation aussi bien dans sa dimension technique que psychologique en prévenant les risques et en rassurant la population33. Cela peut passer par une taxation afin de garantir la qualité des produits comme ce fut le cas à Paris durant le Moyen Âge34 ou bien par la prévention. Dans tous les cas, les décisions prises dépendent des niveaux de connaissances et des moyens dont dispose une société. Madeleine Ferrières rappelle que lors de l’épizootie qui frappe les bœufs hongrois au xviie siècle, les états italiens prennent des décisions différentes sur la consommation de viande. La faculté de médecine de Padoue, consultée comme experte, n’émet aucun avis défavorable à la consommation de bœuf tandis que les médecins de Venise la proscrivent. À Udine, le médecin Fabius Paulinus adopte une position médiane en indiquant qu’il est possible de consommer du bœuf, mais en évitant les entrailles et en trempant les autres morceaux dans de la saumure de sel et de vinaigre. Face à des experts scientifiques en désaccord, le sénat de Venise prend la décision finale en interdisant les importations de bovins et en fermant les frontières35. En situation critique, les pouvoirs publics se font les arbitres pour assurer la santé publique.
Les savoirs nutritionnels au service de la santé publique
- 36 Voir Paolo Sorcinelli, « L’alimentation et la santé », d ans Jean-Louis Flandrin et Massimo Montan (...)
- 37 John Burnett et Derek J. Oddy (éd.), The Origins and Developments of Food Policies in Europe, Lond (...)
- 38 Sur ces politiques nutritionnelles, voir l’article d’Adel P. Den Hartog, « L’éducation nutritionne (...)
- 39 Cité par Ulrike Thoms, « Des perceptions de la minceur et de l’obésité de 1850 à nos jours », dans (...)
- 40 Jean Trémolières et Jean Claudian, « La consommation de viande du point de vue de la nutrition hum (...)
- 41 Olivier Lepiller, « Chasser le naturel : l’évolution de la notion de naturalité dans l’alimentatio (...)
6Les connaissances à la fois sur la production des aliments, leur utilisation, mais aussi leur valeur nutritive ont permis aux sociétés d’améliorer leur alimentation et par conséquent leur santé36. Dès la fin du xixe siècle, les différents pays européens et les États-Unis mènent des politiques de prophylaxie en même temps qu’apparaissent les discours hygiénistes qui accordent une place significative aux aliments37. Les médecins et les chimistes mettent en avant le rôle de l’alimentation dans la santé, notamment avec les organiques présents dans les aliments, appelés « vitamines » en 1912, et qui sont indispensables à la santé. Le rôle des scientifiques devient essentiel : ils se font les conseillers pour imposer une doxa du « bien manger » relayée par les pouvoirs publics qui cherchent à faire adopter à la population des habitudes alimentaires pour assurer la santé publique. Toutefois, derrière le discours scientifique, peut se cacher un discours moraliste à portée politique et économique. C’est le cas de la Roumanie étudiée ici par Ligia Livada. Elle souligne bien les enjeux politiques que recouvrent les politiques sanitaires mises en place à la fin du xixe siècle dans ce pays auprès des paysans, en réponse aux préoccupations sociales conjoncturelles. En effet, les politiques nutritionnelles prennent naissance dans des contextes économiques où une grande part de la population rencontre des problèmes pour se nourrir de façon équilibrée et peu coûteuse. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale, il a fallu recourir à des stratagèmes pour assurer un équilibre alimentaire en dépit de la pénurie de certains aliments et les rationnements (la viande est par exemple remplacée par les légumineuses). Après la guerre, avec la surabondance alimentaire et l’augmentation de la consommation en matières grasses se profilent de nouvelles menaces pour la santé publique telles que l’obésité38. Les instances publiques deviennent un garde-fou face aux excès en menant des campagnes de prévention, en même temps que celles-ci révèlent implicitement l’abondance existante (la restriction ne serait possible s’il y avait pénurie). Les pouvoirs publics deviennent là encore le relais du discours médical ou bien plutôt d’un discours médical, car les précautions nutritionnelles varient selon les savoirs médicaux et en fonction de la représentation qu’une société se fait des valeurs diététiques. La viande, par exemple, a longtemps été recommandée comme un aliment bénéfique à la santé. Dans ses Letters on Corpulence, William Banting en 1864 témoigne de sa réussite à maigrir en suivant un régime pauvre en hydrate de carbone mais riche en viande39. Alors que dans les années 1950, la médecine traditionnelle continue à mettre en avant les bienfaits (force, robustesse, énergie) d’une consommation quotidienne de viande, les diététiciens alternatifs en prônent une limitation voire une abstinence. Issus le plus souvent de courants réactionnaires critiquant l’alimentation industrielle et défendant la « naturalité », ces diététiciens voient leurs recommandations gagner en légitimité lorsque le Pr Jean Trémolières, fondateur en 1964 de la première unité de recherche en nutrition de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale à l’hôpital Bichat à Paris, avertit sur les risques qu’entraîne une consommation carnée importante40. Aujourd’hui, il est davantage recommandé de ne pas consommer de la viande tous les jours et de privilégier les viandes blanches réputées plus maigres, et les poissons. Réduire sa consommation de viande est non seulement présenté comme essentiel à la bonne santé, mais témoigne d’un comportement responsable face aux enjeux écologiques et éthiques qu’implique une telle consommation. L’exemple de la viande montre bien que les choix alimentaires dépendent des domaines de savoirs que les contextes économique, social et culturel modifient. Par conséquent, un bon produit se définit par les normativités et, aujourd’hui, consommer bien ce n’est plus consommer beaucoup mais c’est consommer mieux, c’est-à-dire un produit bon au goût, ayant des bienfaits nutritionnels et dont la production répond aux critères du développement durable. La bonne qualité est étroitement liée à la notion de « naturalité », autrefois méprisée par le milieu scientifique, aujourd’hui largement défendue par les pouvoirs publics41. L’évolution des discours nutritionnels est suivie de près par l’industrie alimentaire qui les utilise comme argument de vente. Dans une approche innovante à la croisée des gender studies et des food studies, Amandine Dandel montre comment un seul aliment renferme une variété de symboles variables au fil des décennies et révélateurs des pratiques et pensées sociales. En étudiant le sucre, elle retrace l’évolution de sa consommation, en même temps que la vision de la femme (passant de la ménagère dévouée à son foyer à la femme active) et analyse la façon dont la publicité s’empare des discours nutritionnels. Car, si les pouvoirs publics gèrent la santé publique, l’industrie alimentaire utilise et transforme le discours préventif en slogan marketing afin d’interpeller le mangeur pour qu’il devienne consommateur.
La négation du manger sain : entre expérience de soi et expérience de l’altérité
- 42 Sur ce point, voir Georges Vigarello, Les métamorphoses du gras. Histoire de l’obésité du Moyen Âg (...)
- 43 « Critiquer la gourmandise c’est en stigmatiser les excès, tout ce qui s’écarte du juste milieu, d (...)
- 44 Florent Quellier, Gourmandise : histoire d’un péché capital, Paris, Armand Colin, 2013 [2010].
- 45 Ulrike Thoms, « Des perceptions de la minceur et de l’obésité de 1850 à nos jours », art. cité, p. (...)
- 46 « PNNS | Manger Bouger » : https://www.mangerbouger.fr/PNNS (consulté le 12 février 2020).
- 47 Jean-Michel Lecerf, « Les dessous des régimes amaigrissants : raisons et déraison », dans Claude F (...)
- 48 Philippe Jeammet, « Un paradoxe humain : se priver jusqu’à se détruire pour exister. Le modèle des (...)
- 49 Christine Durif-Bruckert, La nourriture et nous. Corps imaginaire et normes sociales, Paris, Arman (...)
7Si l’expérience du manger sain peut se faire en positif, comme nous l’avons montré jusqu’à maintenant, elle peut aussi se faire en négatif. Individuellement d’abord puisque l’absence de nourriture ou la mauvaise alimentation relevant d’un choix personnel signifie un mal-être psychique que le corps laisse paraître. Collectivement ensuite, car l’analyse du discours qu’une société tient sur ces pratiques alimentaires permet de saisir les critères physiques associés à la bonne/mauvaise santé et d’en décrypter les valeurs/contre-valeurs qui y sont associées. L’histoire de l’obésité le montre bien42. Dans l’Antiquité, la grosseur est associée à l’intempérance tandis que la minceur, parce qu’elle est synonyme de frugalité, témoigne d’un caractère tempérant, vertu prônée notamment par les philosophes43. Alors que dans la pensée chrétienne, la gourmandise est associée au péché44, l’embonpoint peut être un marqueur social positif. Signe de prospérité et de bonne santé, il est associé à la richesse tandis que la maigreur et la minceur sont les caractéristiques physiques des plus pauvres. Cependant, dès le xixe siècle, les traités médicaux commencent à avertir des risques de l’obésité à l’instar de L’obésité comme maladie, ses causes et son traitement rédigé par William Wadd et publié en 183945. Ce paradoxe témoigne de la complexité des discours sur l’alimentation la plus adaptée à la bonne santé et montre qu’en la matière les normes sont variables. On constate aujourd’hui que si, dans les pays fortement industrialisés, les pouvoirs publics cherchent à combattre l’obésité en menant des campagnes de prévention (pensons à la mise en place en France en 2001 du Programme national nutrition santé (PNNS) incitant les Français à éliminer des aliments ou des catégories d’aliments à l’aide de slogans marquants comme « cinq fruits et légumes par jour », ou « Ni sucré ni salé »46), ces mêmes pays voient se développer un véritable culte de la minceur entraînant de nombreux troubles alimentaires telles que la boulimie et l’anorexie47. En devenant rejet, l’alimentation affirme l’individu en négatif : la distorsion entre apports nutritionnels et plaisir alimentaire signale la fin de l’alimentation comme fait biologique et social, devenant dégoût et répulsion48. L’alimentation est donc un marqueur identitaire qui, lorsque la consommation est absente ou abondante, signifie un mal-être. Celui-ci peut être soigné par la médecine, plus précisément la psychiatrie, mais le malade peut aussi préférer recourir à des thérapies alternatives comme celles proposées par les Outremangeurs anonymes, étudiées ici par Juliette Froger-Lefebvre. Fondés aux États-Unis dans les années 1960, ces groupes de parole accueillent toute personne souhaitant partager son expérience de l’addiction alimentaire, pronostic non pas établi sur avis médical mais sur la représentation que le mangeur se fait de lui-même. Par conséquent, cette thérapie, qui met en exergue l’importance de la dimension psychologique dans le rapport qu’entretient une personne à la fonction biologique de se nourrir, fait de l’introspection l’élément clé de la guérison et de l’individu l’acteur principal de sa bonne santé49. Dès lors, la représentation que le mangeur se fait d’un aliment et de lui-même devient les paramètres principaux dans les choix alimentaires, prenant le dessus sur les données objectives et médicales.
⁂
- 50 + 15 % par an depuis 2005 selon le rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, Com (...)
8L’expérience du manger sain, qu’elle soit individuelle ou collective, positive ou négative, est une façon de se représenter le monde et de définir sa place dans ce monde. Alors que dans l’Antiquité, les recommandations hippocratiques prenaient en compte les conditions dans lesquelles évoluent un individu et son tempérament à partir de la théorie des humeurs, aujourd’hui les recommandations médicales ne sont plus individualisées lorsqu’elles s’adressent à la collectivité. Et c’est sans doute face à cette absence d’individualité que l’individu ressent le besoin de s’affirmer par ses pratiques alimentaires en se rattachant à un groupe spécifique : frugivore, carnivore, flexitarien, végétarien, végétalien, vegan, sans gluten, crudivore, etc. Autant d’identités exprimant des choix alimentaires guidés par une représentation que le mangeur se fait d’un type d’aliments. Cette représentation est déterminée par des rapports psychologiques, culturels et sociaux avec lesquels l’individu est en adéquation ou en opposition. Ainsi depuis les années 2000, les sondages révèlent que la sensibilité à la sécurité alimentaire et sanitaire ainsi qu’aux questions environnementales a entraîné une modification des pratiques de consommations avec, entre autres, l’augmentation des achats de produits biologiques50. Le succès de ces produits est tel que « les supermarchés du bio » sont présents sur tout le territoire et qu’aujourd’hui toutes les marques proposent une gamme labellisée bio, signe de qualité. Néanmoins, on assiste à une véritable industrialisation du bio qui, si elle a rendu plus accessibles des produits longtemps réservés à des budgets élevés – bien que les écarts de prix entre des produits bio et non bio soient encore conséquents –, interpelle sur la réelle préoccupation des enjeux éthiques et environnementaux. C’est ainsi que de plus en plus de consommateurs se tournent vers les productions locales et en circuit court. Cependant, le prix de cette qualité n’est pas à la portée de tous et nécessite pour certains un véritable sacrifice financier. Finalement, si l’alimentation est un marqueur identitaire, se nourrir opère également des distinctions culturelles, sociales, économiques, financières aussi bien à l’échelle individuelle que collective.
Notes
1 Fernand Braudel, « Alimentation et catégories de l’histoire », Annales ESC, 4, 1961, p. 723.
2 Roland Barthes, « Pour une psycho-sociologie de l’alimentation contemporaine », Annales ESC, 5, 1961, p. 978.
3 Jean-Jacques Hémardinquer, Pour une histoire de l’alimentation, Paris, Armand Colin, 1970.
4 Bartolomé Bennassar et Joseph Goy (dir.), Histoire de la consommation, Annales (ESC), 30/2-3, p. 402-632.
5 Maurice Aymard, « Pour l’histoire de l’alimentation : quelques questions de méthode », dans Bartolomé Bennassar et Joseph Goy (dir.), Histoire de la consommation, Annales (ESC), 30/2-3, p. 431.
6 Claude Lévi-Strauss, « Le triangle culinaire », L’Arc, 26, 1965, p. 19-29. Voir également les trois tomes de Mythologies intitulés : Le cru et le cuit (1964), Du miel aux cendres (1966) et L’origine des manières de table (1968).
7 Notamment son Über den Prozess der Zivilisation: soziogenetische und psychogenetische Untersuchungen édité en deux volumes lors de la traduction française : Norbert Élias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973 et id., La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1975.
8 Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979 ; id., Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980.
9 Pensons par exemple à Jean-Louis Flandrin, « La distinction par le goût », dans Philippe Ariès et Georges Duby (dir.), Histoire de la vie privée, III. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 1999 [1985], p. 261-302.
10 Jean-Paul Aron, Essai sur la sensibilité alimentaire à Paris au xixe siècle, Paris, Armand Colin, 1967.
11 Massimo Montanari, La faim et l’abondance. Histoire de l’alimentation en Europe, Paris, Seuil, 1995 et Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari (dir.), Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, en sont deux illustrations, parmi d’autres.
12 Bien que l’anthropologie historique se soit développée dans la deuxième moitié du xxe siècle, l’intérêt pour une histoire structurale apparaît déjà au xviiie siècle dans Histoire de la vie privée des Français de Pierre Jean-Baptiste Legrand d’Aussy. Dans la partie consacrée à l’histoire de l’alimentation, la seule qu’il a pu mener, l’auteur se concentre sur l’histoire des produits et des techniques, mais aussi sur les comportements alimentaires afin de comprendre les permanences et les adaptations.
13 Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », dans id., Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 2009 [1950], p. 274.
14 Pour une synthèse sur les recherches en alimentation dans la première décennie de 2000, voir l’article de Karine Becker, « Introduction. Un bilan thématique et méthodologique de la recherche actuelle sur l’histoire de l’alimentation », dans ead. (éd.), Studia alimentorum 2003-2013. Une décennie de recherche, Food & History, 10/2, 2012, p. 9-25.
15 Roland Barthes, « Pour une psycho-sociologie de l’alimentation contemporaine », art. cité, p. 979-980, montrait bien à quel point la nourriture a une valeur sémantique : « en achetant un aliment, en le consommant et en le donnant à consommer, l’homme moderne ne manie pas un simple objet, d’une façon purement transitive ; cet aliment résume et transmet une situation, il constitue une information, il est significatif ; cela veut dire qu’il n’est pas simplement l’indice d’un ensemble de motivations plus ou moins conscientes, mais qu’il est un véritable signe, c’est-à-dire peut-être l’unité fonctionnelle d’une structure de communication ; je ne parle pas seulement ici des éléments du paraître alimentaire, de la nourriture engagée dans des rites d’hospitalité, c’est toute la nourriture qui sert de signe entre les participants d’une population donnée ».
16 Claude Fischler, L’homnivore. Le goût, la cuisine et le corps, Paris, Odile Jacob, 2001. Massimo Montanari, Le manger comme culture, Bruxelles, Université de Bruxelles éditions, 2010 [2004].
17 Saadi Lahlou, « La construction de l’identité alimentaire », dans Des aliments et des Hommes : entre science et idéologie, définir ses propres repères. Actes du colloque du 8 au 9 décembre 2004, Paris, Institut français pour la Nutrition, 2004, p. 127-134. Selon Jean-Pierre Poulain, « Les rationalités des mangeurs », dans Des aliments et des Hommes, op. cit., p. 135-146 : « les mangeurs ne sont pas seulement des êtres de besoins, mais aussi des êtres de désirs » (p. 135) et c’est pour cela que leur choix alimentaire relève de paramètres aussi bien biologiques que psychologiques. Voir également Jean-Pierre Corbeau et Jean-Pierre Poulain, Penser l’alimentation. Entre imaginaire et rationalité, Toulouse, Privat, 2002, p. 148-151, qui offrent un tableau clair des divers rapports aux aliments.
18 Françoise Sabban et Frédérique Audouin-Rouzeau, « Préface », dans Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.), Un aliment sain dans un corps sain. Perspectives historiques, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2007, p. 11.
19 Saadi Lahlou, Penser manger. Alimentation et représentations sociales, Paris, PUF, 1998, p. 85-108.
20 Matty Chiva, « Comment la personne se construit en mangeant », Communications, 31, La nourriture. Pour une anthropologie bioculturelle de l’alimentation, 1979, p. 107-118.
21 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, II. L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, p. 10.
22 Cet espace a été défini en six dimensions (l’espace du mangeable, le système alimentaire, l’espace du culinaire, l’espace des habitudes de consommation, la temporalité alimentaire et l’espace de différenciation sociale) par Jean-Pierre Poulain, Sociologies de l’alimentation. Les mangeurs et l’espace social alimentaire, Paris, PUF, 2013 [2002], p. 228-235.
23 Sur la polysémie du terme diaita, voir Jacques Jouanna, « Réflexions sur le régime des peuples dans la Grèce classique (Hérodote I, 133 ; Hippocrate, Ancienne médecine, C. 5 ; Thucydide I, 6) et sur le sens des mots de la famille de diaita », REG, tome 121, p. 17-42.
24 María José García Soler, « Nourriture et santé dans la médecine grecque antique », dans Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.), Un aliment sain dans un corps sain, op. cit., p. 25-37.
25 Marilyn Nicoud, Les régimes de santé au Moyen Âge. Naissance et diffusion d’une écriture médicale, 2 vol., Rome, École Française de Rome, 2007. Pour une synthèse, voir aussi ead., « Médecine et alimentation au Moyen Âge », dans Thomas Depecker, Anne Lhuissier et Aurélie Maurice (dir.), La juste mesure. Une sociologie historique des normes alimentaires, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François-Rabelais, 2013, p. 41-62.
26 Sur ce sujet, voir également Danielle Jacquart et Françoise Micheau, La médecine arabe et l’Occident médiéval, Paris, Maisonneuve et Larose, 1990.
27 Camille Adamiec, Devenir sain. Des morales alimentaires aux écologies de soi, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François-Rabelais, 2016, p. 16.
28 Les recherches étant nombreuses, nous citerons seulement l’ouvrage incontournable – bien qu’aujourd’hui discuté – sur cette question : Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant (dir.), La cuisine du sacrifice en pays grec, Paris, Gallimard, 1979.
29 Ahmed Mahiou et Francis G. Snyder (éd.), Food Security and Food Safety/La sécurité alimentaire, Centre for Studies and Research in International Law and International Relations Series, 7, Leyde/Boston, Brill, 2006 ; D. John Shaw, World Food Security: A History since 1945, Basingstoke/New York, Palgrave Macmillan, 2007.
30 À la crise pétrolière, il faut ajouter plusieurs catastrophes naturelles (raz de marée au Bengladesh, sécheresses en Inde et au Sahel) qui ont gravement nuit à la production alimentaire.
31 Martin Bruegel et Alessandro Stanziani, « Pour une histoire de la “sécurité alimentaire” », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 51-3, 2004, p. 7. Voir également Nicolas Bricas, « Sécurité alimentaire », dans Jean-Pierre Poulain (dir.), Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris, PUF, 2018 [2012], p. 1313-1317 ; Geneviève Parent, « Sécurité alimentaire. Approche juridique », dans Jean-Pierre Poulain (dir.), Dictionnaire des cultures alimentaires, op. cit., p. 1317-1320.
32 FAO, Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation, Rome, FAO, 1996.
33 Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle, Paris, Seuil, 2015 [2002].
34 Patrick Rambourg, « Les savoirs alimentaires dans le Paris de la fin du Moyen Âge : entre pratique culinaire et hygiène alimentaire », dans Martin Bruegel, Marilyn Nicoud et Eva Barlösius (dir.), Le choix des aliments. Informations et pratiques alimentaires de la fin du Moyen Âge à nos jours, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François-Rabelais, 2010, p. 182, rappelle que durant le Moyen Âge à Paris les métiers de bouche ont requis auprès des pouvoirs publics une taxation des prix afin de garantir la qualité des produits.
35 Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires…, op. cit., p. 296-297.
36 Voir Paolo Sorcinelli, « L’alimentation et la santé », d ans Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari (dir.), Histoire de l’alimentation, op. cit., p. 809-822, qui dresse un tableau général.
37 John Burnett et Derek J. Oddy (éd.), The Origins and Developments of Food Policies in Europe, Londres, Leicester University Press, 1994 ; Harmke Kaminga et Andrew Cunningham (éd.), The Science and Culture of Nutrition 1840-1940, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1995 ; Alexander Fenton (éd.), Order and Disorder: The Health Implications of Eating and Drinking in the Nineteenth and Twentieth Century, East Lothian, Tuckwell Press, 2000 ; Patrice Bourdelais (dir.), Les hygiénistes. Enjeux, modèles et pratiques, xixe-xxe siècles, Paris, Belin, 2001 ; Gérard Jorland, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publique en France au xixe siècle, Paris, Gallimard, 2010.
38 Sur ces politiques nutritionnelles, voir l’article d’Adel P. Den Hartog, « L’éducation nutritionnelle au xxe siècle : lutter contre la pénurie, la surabondance et les milieux marchands », dans Martin Bruegel, Marilyn Nicoud et Eva Barlösius (dir.), Le choix des aliments, op. cit., p. 219-241, qui en retrace très clairement l’histoire et en expose synthétiquement les enjeux pour les Pays-Bas.
39 Cité par Ulrike Thoms, « Des perceptions de la minceur et de l’obésité de 1850 à nos jours », dans Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.), Un aliment sain dans un corps sain, op. cit., p. 326.
40 Jean Trémolières et Jean Claudian, « La consommation de viande du point de vue de la nutrition humaine », Cahiers de nutrition et de diététique, III/3, 1968, p. 19-26. Sur le développement de la nutrition comme discipline scientifique reconnue et la portée d’un discours longtemps défendu par les diététiciens alternatifs, voir Olivier Lepiller, « La bouffe industrielle à la casserole. Les effets de l’alimentation industrielle par la nutrition et les diététiques alternatives (1965-1985) », dans Thomas Depecker, Anne Lhuissier et Aurélie Maurice (dir.), La juste mesure, op. cit., p. 115-144.
41 Olivier Lepiller, « Chasser le naturel : l’évolution de la notion de naturalité dans l’alimentation à travers les livres français de diététique “naturelle” depuis 1945 », dans Martin Bruegel, Marilyn Nicoud et Eva Barlösius (dir.), Le choix des aliments, op. cit., p. 97-119.
42 Sur ce point, voir Georges Vigarello, Les métamorphoses du gras. Histoire de l’obésité du Moyen Âge au xxe siècle, Paris, Seuil, 2010. Également Jean-Pierre Poulain, Sociologie de l’obésité, Paris, PUF, 2009.
43 « Critiquer la gourmandise c’est en stigmatiser les excès, tout ce qui s’écarte du juste milieu, de la juste mesure, et c’est donc dénoncer l’avidité, l’insatiabilité, la démesure », comme le souligne très justement Jérôme Wilgaux, « Gourmands et gloutons dans les sources physiognomoniques antiques », dans Karine Karila-Cohen et Florent Quellier (dir.), Le corps du gourmand. D’Héraclès à Alexandre le Bienheureux, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François-Rabelais, 2012, p. 28. Voir également Danielle Gourevitch, « L’obésité et son traitement dans le monde romain », History and Philosophy of the Life Sciences, 7/2, 1985, p. 195-215 et Karine Karila-Cohen, « Les gourmands grecs sont-ils bien en chair », dans Karine Karila-Cohen et Florent Quellier (dir.), Le corps du gourmand, op. cit., p. 109-132.
44 Florent Quellier, Gourmandise : histoire d’un péché capital, Paris, Armand Colin, 2013 [2010].
45 Ulrike Thoms, « Des perceptions de la minceur et de l’obésité de 1850 à nos jours », art. cité, p. 319-336.
46 « PNNS | Manger Bouger » : https://www.mangerbouger.fr/PNNS (consulté le 12 février 2020).
47 Jean-Michel Lecerf, « Les dessous des régimes amaigrissants : raisons et déraison », dans Claude Fischler, Les alimentations particulières. Mangerons-nous ensemble demain ?, Paris, Odile Jacob, 2013, p. 133-148.
48 Philippe Jeammet, « Un paradoxe humain : se priver jusqu’à se détruire pour exister. Le modèle des troubles du comportement alimentaire à l’adolescence », dans Claude Fischler, Les alimentations particulières, op. cit., p. 117-130.
49 Christine Durif-Bruckert, La nourriture et nous. Corps imaginaire et normes sociales, Paris, Armand Colin, 2007.
50 + 15 % par an depuis 2005 selon le rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, Comportements alimentaires, choix des consommateurs et politiques nutritionnelles, Versailles, Éditions Quæ, 2012, p. 25.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Alexandra Kovacs, « Au-delà de la diététique », Histoire, médecine et santé, 17 | 2021, 9-21.
Référence électronique
Alexandra Kovacs, « Au-delà de la diététique », Histoire, médecine et santé [En ligne], 17 | été 2020, mis en ligne le 28 juillet 2021, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/3598 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.3598
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page