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AccueilNuméros18Historiciser l’expertiseL’expert peut-il se tromper ?

Historiciser l’expertise

L’expert peut-il se tromper ?

La médecine scolastique face à ses limites à la fin du Moyen Âge
Can the medical expert witness be mistaken? Scholastic medicine facing its limits in the late Middle Ages
¿Puede equivocarse el experto? La medicina escolástica frente a sus límites a fines de la Edad Media
Joël Chandelier
p. 63-78

Résumés

La question de l’expertise pose un problème fondamental à la médecine scolastique, celui de la certitude de son savoir. En effet, alors que les penseurs s’efforcent de définir la médecine comme un savoir scientifique, ils ne peuvent que constater que « le médecin le plus expert peut se tromper » (Gentile da Foligno). Dès lors, comment encadrer l’expertise et lui conférer l’autorité nécessaire à son acceptation par la société ? En s’intéressant à la fois aux sources normatives, notamment celles régissant l’expertise médico-légale, et aux sources théoriques, l’article tentera de voir de quelle manière les médecins ont résolu la question dans les derniers siècles du Moyen Âge. On verra ainsi que, bien que reconnaissant que le savoir sur les cas particuliers est toujours susceptible d’erreur, ils envisageaient l’établissement de règles objectives pouvant l’approcher le plus possible de la vérité, et donc fonder une expertise digne de confiance.

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Texte intégral

  • 1 On citera en particulier Béatrice Delaurenti, « La nature à l’horizon. Virtus verborum, causalité (...)
  • 2 Nicolas Weill-Parot, Points aveugles de la nature…, op. cit., p. 414.

1Ces dernières années, plusieurs travaux se sont efforcés de caractériser la science de la période dite scolastique, c’est-à-dire, pour l’essentiel, celle allant en Occident du xiiie au xve siècle1. Ces études ont montré l’ambition extrême des penseurs de la fin du Moyen Âge, dont le but était de donner une explication rationnelle et causale à l’ensemble des phénomènes naturels, projet qu’ils considéraient comme non seulement souhaitable, mais aussi possible. Comme l’affirme Nicolas Weill-Parot, la science scolastique à son apogée a pu penser qu’elle « détenait désormais la clef de tous les phénomènes du monde créé » avec « la certitude d’avoir accès, par la raison seule déployée dans le cadre de la philosophie naturelle aristotélisante, à la compréhension de tout le monde créé »2. Aucune partie du monde ne pouvait être laissée sans explication, aucune question naturelle ne pouvait rester sans réponse.

2Une telle prétention pouvait passer pour exorbitante et elle ne manqua pas d’être critiquée par les contemporains, au sein même du champ de la science et dans celui de la théologie. Mais, même pour les scolastiques, l’ambition totalisante devenait particulièrement difficile à défendre dans le cas de la médecine, une discipline au statut épistémologique plus incertain que la science aristotélicienne classique. Si d’aucuns, au xiiie siècle, pouvaient encore affirmer à la suite d’Avicenne que la médecine était réellement et totalement une science, la plupart des auteurs de la fin du Moyen Âge concédaient qu’elle n’en avait pas toutes les caractéristiques, en raison notamment de l’impossibilité d’affirmer qu’elle atteignait toujours son but, à savoir soigner. Averroès, dans son Colliget (traduit en latin en 1285), en avait donné une définition plus réductrice qui tendit peu à peu à s’imposer à partir du xive siècle :

  • 3 Averroes, Colliget, I, 1, éd. Venise, 1574, f. 3rb. Nous traduisions ici d’après la version latine (...)

Nous disons que l’art de la médecine est un art opératoire fondé sur des principes vrais, dans lequel on recherche la conservation de la santé du corps humain et l’éloignement de la maladie, selon ce qui est possible dans chaque corps ; et ce, parce que le but de cet art n’est pas de soigner totalement mais de faire ce qu’il est possible de faire, en quantité et au moment convenables, et ensuite d’attendre le résultat, comme dans l’art de la navigation ou la conduite des armées3.

  • 4 Sur la question de l’erreur en médecine, voir Mariacarla Gadebusch Bondio et Agostino Paravicini B (...)

3Restait alors une question : ce caractère faillible de la médecine, difficilement contestable, était-il la conséquence de la nature même de la discipline ou plutôt le résultat de l’imperfection de la nature humaine, qui fait qu’aucun médecin, comme être humain faillible, ne peut être absolument parfait et exempt de toute erreur4 ? Si cette interrogation pouvait sembler totalement théorique, puisqu’elle ne changeait rien au résultat final (l’avis du médecin ne sera, dans un cas comme dans l’autre, pas infaillible), ses implications n’étaient pas sans conséquences concrètes. De la réponse que l’on donnait à une telle question découlait le statut que l’on pouvait accorder à l’expert et à ses conclusions. Si la médecine peut atteindre la vérité ou du moins s’en approcher de manière raisonnable, alors il est possible de considérer les réponses du praticien comme certaines du moment qu’il est parfaitement compétent ; si en revanche c’est la médecine elle-même qui peut se tromper, alors il faut accepter que, quelle que soit la qualité du spécialiste interrogé, son analyse n’ait qu’une portée relative – ce qui déporte alors l’interrogation sur les limites de la connaissance médicale et, plus précisément, sur les conditions à poser pour que l’affirmation d’un médecin soit la moins éloignée de la vérité que possible.

  • 5 Cité par Danielle Jacquart, « De la faillibilité de l’art médical aux erreurs du praticien au débu (...)
  • 6 Sur ce point, voir Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre droit et médecine : les origines de (...)

4L’interrogation sur l’expertise pose donc avec acuité la question de la certitude en médecine. Plus encore, son caractère à la fois ponctuel et spécifique, puisqu’elle porte toujours sur un cas précis, pousse dans ses derniers retranchements les médecins qui, dans des circonstances plus normales et ainsi que le remarque avec un certain mépris le chirurgien Henri de Mondeville (m. v. 1320), peuvent aisément cacher leurs erreurs : « Nombre de médecins sont soulagés, affirme-t-il, car s’ils se sont trompés à propos d’un patient, leur erreur ne sera pas manifeste et, s’ils le tuent, cela n’interviendra pas au grand jour5 ». Dans le cas d’une expertise, surtout si elle est faite devant un tribunal, il est en revanche impossible de se réfugier derrière une position floue ; il faut, nécessairement, prendre position6. Le cas de l’expertise vient rendre une question théorique, celle de la certitude en médecine, éminemment pratique.

Définir l’expert médical

  • 7 Sur la question de l’expertise, de l’expérience et de l’expert au Moyen Âge, de nombreux travaux r (...)
  • 8 Laurent Feller et Catherine Verna, « Expertises et cultures pratiques » art. cité, p. 28.
  • 9 Nombreux exemples pour Bologne dans Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre droit et médecine…  (...)
  • 10 Voir sur cette question les réflexions éclairantes de Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudic (...)

5On ne trouve guère, dans les textes de la fin du Moyen Âge, de définition explicite de ce que doit être un expert en médecine7. Le terme expertus a, du reste, un sens légèrement différent de celui de son équivalent français. L’expertus est, fondamentalement, celui qui a expérimenté quelque chose et le terme ne correspond pas à un statut individuel permanent mais plutôt à un rapport ponctuel à des faits d’expérience. Il est souvent associé au terme de peritus, dont le sens paraît plus général et peut être traduit par « connaisseur », « expérimenté » ou encore « habile ». Ensuite, l’expertise elle-même est rarement désignée comme telle. Comme l’ont souligné Laurent Feller et Catherine Verna, c’est l’individu qui est expert avant tout, l’expertise se définissant par ses conditions de réalisation et par son auteur plus que par une description positive8. On trouve parfois les termes génériques de responsio (réponse) ou plus souvent encore de relatio (relation) pour la désigner, mais l’expertise n’est généralement pas nommée en tant que telle, elle est plutôt décrite sur un mode narratif en insistant sur la valeur de celui qui la produit9. Les réflexions les plus poussées sur le rôle de l’expert et sur le poids de sa parole sont sans doute à chercher du côté du droit. Là, les juristes s’efforcent, à la fin du Moyen Âge, de distinguer plus nettement ce qui relève du témoignage simple, où sont seulement demandés les faits bruts que le juge se chargera d’interpréter, et ce qui relève de l’expertise, où l’homme de l’art fournit une interprétation des faits que les textes n’hésitent pas à qualifier de jugement10.

  • 11 Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, p. 111.
  • 12 Corinne Leveleux-Teixeira, « Savoirs techniques et opinion commune… », art. cité, p. 124. Voir aus (...)

6Or, dans ce cadre juridique, l’exemple de l’expertise médicale est très souvent convoqué en ce qu’il représente le paradigme de l’avis éclairé par une maîtrise technique inaccessible au juge. Comme le souligne le juriste Bartole (m. 1356) cité par Yves Mausen, la déposition de ceux qui sont « vraiment expérimentés » (valde periti) fait d’eux « moins des témoins au sens propre que presque des juges » (non enim sunt proprie testes, sed magis ut judices)11. Corinne Leveleux-Teixeira évoque également son disciple Balde (m. 1400) qui affirme, à propos d’un cas de coups et blessures ayant entraîné la mort, que « la vérité elle-même […] peut être prouvée par l’expérience générale, par les règles de l’art de la médecine12 ». Ces remarques, qui placent très haut l’expertise et particulièrement l’expertise médicale, n’apportent guère de précisions sur sa nature et sur les conditions dans lesquelles elle doit se déployer – précisément parce que la méthode d’analyse mise en œuvre par le médecin est hors de portée de l’évaluation du juge, qui ne peut lui-même mettre en doute le raisonnement déployé par l’homme de l’art. On ne s’étonnera donc pas de noter l’importance accordée à la qualité de l’expert et, partant, à son mode de désignation dans les textes normatifs qui régulent la médecine dans les derniers siècles du Moyen Âge.

  • 13 Sur la question de l’expertise médico-légale à la fin du Moyen Âge, la bibliographie est extrêmeme (...)
  • 14 Luigi Frati (éd.), Statuti di Bologna dall’anno 1245 all’anno 1267, Bologne, Regia Tipografia, 187 (...)
  • 15 Gina Fasoli et Pietro Sella (éd.), Statuti di Bologna dell’anno 1288, Cité du Vatican, Biblioteca (...)
  • 16 Anna Laura Trombetti Budriesi (éd.), Lo Statuto del Comune di Bologna dell’anno 1335, Rome, Istitu (...)

7Dans ce domaine, les statuts urbains italiens sont particulièrement instructifs en ce qu’ils organisent en détail le recours aux experts dans le cadre de tribunaux13. Lorsqu’ils déterminent comment doivent être choisis les praticiens appelés à donner leur avis sur une blessure ou un crime, ils présentent un certain nombre de critères objectifs comme subjectifs. Les statuts bolonais de 1265, qui sont parmi les premiers à détailler le mode de sélection de ces experts, précisent que ceux-ci doivent être « vierges de tout soupçon et connaisseurs dans l’art de soigner » (sine suspitione et in arte medicandi periti) et qu’ils doivent prêter un serment spécifique14. En 1288, la ville ajoute qu’ils doivent avoir plus de 40 ans, habiter la cité depuis dix ans et posséder au moins cent livres bolonaises selon l’évaluation cadastrale de l’Estimo (extimum) de la commune ; quatre ans plus tard, ces provisions sont légèrement modifiées puisque les médecins convoqués doivent être « dignes et experts dans l’art de chirurgie et de médecine » (dignos et expertos in arte cirexie et medicine), âgés de plus de 30 ans et habitants dans la ville depuis vingt ans15. Enfin, lors d’une nouvelle révision des statuts communaux en 1335, l’ensemble de ces décisions est repris mais s’y ajoute le fait que les médecins doivent être « connaisseurs et exercés dans la science du soin et amis de ce présent statut pacifique » (periti et exercitati in scientia medicandi et amatores presentis status paciffici)16.

  • 17 Sur ces statuts, voir aussi Corinne Leveleux-Teixeira, « Un conflit des interprétations ?… », art. (...)
  • 18 Voir Michael R. McVaugh, Medicine Before the Plague. Practitioners and Their Patients in the Crown (...)
  • 19 Mercedes Gallent Marco, « Precedentes medievales de la medicina legal: la dessospitació en le Rein (...)
  • 20 Johan Picot, « “La Purge” : une expertise juridico-médicale de la lèpre en Auvergne au Moyen Âge » (...)

8L’exemple de Bologne est loin d’être isolé en Italie et l’on y retrouve des formulations similaires dans de nombreuses villes (notamment à Venise, Pérouse ou encore Imola), de même qu’en dehors de la Péninsule17. À Valence, se met en place dès le début du xive siècle une procédure dite de dessospitació. Celle-ci fait appel aux chirurgiens pour qu’ils donnent leur avis au tribunal sur la santé d’une personne blessée, ainsi qu’un pronostic sur la perte ou le dysfonctionnement futur d’un organe ou d’un membre18. Dans la législation de la ville (les Furs de València de 1329-1330), il est notamment demandé aux chirurgiens un serment19. En France, dans le tribunal auvergnat de la Purge dont la fonction est de repérer les lépreux, la médicalisation de l’expertise est un peu plus tardive puisqu’elle a lieu au cours du xve siècle seulement ; mais, quand elle se met en place, les médecins requis sont simplement qualifiés de « savants », « expertz » ou « connoissants »20. Quand elles existent, les législations de la fin du Moyen Âge recourent toutes aux mêmes critères pour choisir les médecins : la compétence professionnelle, manifestée par une expérience qui fait que le médecin est qualifié de peritus ou expertus ; le caractère connu et reconnu de l’expert, qui doit être un habitant de la ville, parfois y posséder des biens voire être inscrit sur un rôle ; enfin, un serment qui lui est souvent demandé.

9Ce qui frappe dans ces législations et, plus largement, dans les critères de choix des experts médicaux convoqués dans les tribunaux est l’absence d’un authentique examen de compétence. L’essentiel, au-delà du respect de la procédure, est l’expérience et la réputation du praticien – ce qui revient au même puisque la réputation est elle-même fondée sur la longue expérience de l’expert telle qu’attestée par les témoins et le juge. La définition de l’expert qui en découle n’est donc pas d’ordre technique, ni même académique puisqu’aucun titre universitaire n’est généralement requis. On pourrait peut-être la qualifier d’« externe » : ce qui fait l’expert dans le tribunal, c’est qu’il est considéré comme tel non par lui-même, non par son groupe professionnel, mais par la communauté représentée par la cour. L’important n’est pas tant que l’expert ait un certain nombre de caractéristiques objectives que le fait qu’il soit à même, par ce qu’il est autant que par ce qu’il dit, d’apporter une conviction au juge et, plus largement, à la société. Il n’y a dès lors pas lieu de s’étonner de ce que le terme d’expert n’existe pas en tant que tel, si ce n’est avec le sens que nous avons vu d’« expérimenté ». Le médecin en justice à la fin du Moyen Âge n’est pas un expert absolument, mais relativement à une interrogation dans un cadre donné.

Faillibilité de la médecine, faillibilité de l’expert

  • 21 Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, d’après Joseph Shatzmiller, Médecin (...)

10Du point de vue juridique, donc, la question semble réglée à la fin du Moyen Âge. Du moment que l’expert remplit les conditions requises par le cadre légal et qu’il accomplit son office selon les règles de l’art, son témoignage doit être considéré comme valide. Reste qu’une interrogation fondamentale demeure : dans quelle mesure peut-on avoir confiance dans ses capacités à rendre un avis certain ? Son expertise est-elle un jugement, au sens juridique, ou une simple opinion ? Et, enfin, l’expertise médicale a-t-elle un statut particulier par rapport aux autres formes d’expertise ? Cette question, aux enjeux clairement épistémologiques, prend un sens très concret quand il s’agit de savoir ce que l’on peut attendre de l’expert, ce qu’il doit savoir et ce qu’il ne peut qu’ignorer. De plus, elle présente un problème éthique évident pour le praticien : peut-il rendre un avis, en sachant que sa déposition aura un effet majeur, alors même qu’il sait que son savoir est incertain ? Yves Mausen donne plusieurs exemples, tirés des dépositions effectuées par des médecins à Manosque dans les documents édités par Joseph Shatzmiller, de cette gêne du spécialiste réticent à affirmer une opinion tranchée : il arrive que des médecins mentionnent les risques d’accidents imprévisibles, soulignent que leur avis n’est valable que si le malade respecte des conditions strictes, voire dans certains cas refusent de rendre leur sentence21.

  • 22 Avicenne, Canon, éd. latine d’après Venise 1490, prohemium : Non est autem bonum ut hujus libri pl (...)

11Si cette saine prudence est liée au risque de discrédit de l’expert qui s’est trompé, les remarques des médecins dans les tribunaux sont aussi appuyées sur une conscience théorique du statut délicat de la connaissance médicale. Sur ce point, les réflexions de Gentile da Foligno (m. 1348), professeur à Sienne et Pérouse dans la première moitié du xive siècle, se révèlent très intéressantes. Il aborde de front la question à plusieurs reprises dans son vaste commentaire au Canon d’Avicenne, ce qui lui permet de préciser sa pensée tout en commentant les positions de ses contemporains. La première occurrence se trouve dans son exposition du prologue général de l’œuvre, dans un passage qui ne portait pas a priori sur ce sujet, mais qui provoqua de très longues discussions. Avicenne y affirme que son ouvrage contient ce qui est nécessaire à la connaissance et à la pratique de la médecine. Or la version latine est, en cet endroit, peu claire. Elle peut être traduite de la façon suivante : « Il n’est pas bon que l’essentiel de ce livre ne soit pas connu et entré dans la mémoire de quiconque veut se revendiquer de cette doctrine et en tirer profit, car il contient (comprehendit) le minimum nécessaire au médecin. Ce qu’il y a en plus n’est pas appréhendable (incomprehensibile est)22 ». L’ambiguïté de ce passage en latin, et notamment la difficulté à comprendre le terme incomprehensibile, a amené les commentateurs à s’interroger longuement et, bien que ce ne soit qu’à partir d’un problème lié au sens littéral d’une autorité, à proposer de véritables développements épistémologiques sur ce que peut et ne peut pas la médecine. Le problème est, en effet, double : que veut dire Avicenne par incomprehensibile et de quoi parle-t-il lorsqu’il évoque « ce qu’il y a en plus » de ce que l’on trouve dans son livre ?

  • 23 Marsile de Sainte Sophie, comm. Avicenne, Canon, prohemium, Paris, BNF lat. 6933, f. 3va : Nota qu (...)
  • 24 Gentile da Foligno, comm. Canon, prohemium, éd. Venise 1520, f. 2ra. Le Plusquamcommentum mentionn (...)
  • 25 Jacques Despars, comm. Canon, prohemium, Lyon, 1498, sig. aiivb.

12Lorsque Gentile da Foligno aborde ces points, il a conscience qu’il n’est pas le premier à le faire. Il rappelle ainsi que, pour certains, « ce qu’il y a en plus », ce n’est, en fait, rien : logiquement, le Canon comprendrait l’intégralité de la médecine – Marsilio Santasofia (m. 1405), à la fin du siècle, considérera qu’une telle interprétation n’est tout simplement « pas vraie, car il est bien connu qu’il est possible d’ajouter [à ce que l’on trouve dans le Canon] de nombreuses conclusions qui peuvent être utiles23 ». Pour Bartolomeo da Varignana (m. apr. 1327), un auteur qui précède Gentile da Foligno d’une génération, « ce qu’il y a en plus », ce sont « les opérations sur les cas singuliers ou particuliers qui sont infinis – or, dit-il, des choses infinies il ne peut y avoir de science ». Quant à notre commentateur pérugin, il estime que « ce qu’il y a en plus » c’est « la disposition à estimer acquise par l’exercice (habitus estimative acquisitus per exercitium), qui n’est pas enseignable » ; et il ajoute que « c’est ce que dit bien le Plusquamcommentator dans son premier traité sur ce passage La médecine est une science, à savoir que l’art, qui est une disposition provenant des opérations de l’art, ne peut pas être réellement transmis par enseignement mais doit être acquis par habitude24 ». Vers le milieu du xve siècle, le médecin français Jacques Despars a une position similaire lorsqu’il commente le passage. Pour lui, ce qui n’est pas contenu dans le Canon, c’est « ce qui n’est pas appréhendable dans cet art, à savoir les conditions et les circonstances individuelles ». Comme il le dit un peu plus haut, « les propriétés des corps individuels, bien qu’il ne sert à rien de les écrire, il est nécessaire au médecin praticien de ne pas les ignorer »25.

  • 26 Gentile da Foligno, comm. Canon, prohemium, op. cit., f. 3ra : Quedam sunt scita estimatione sive (...)
  • 27 Ibid.

13Pour tous ces auteurs, il y a donc une partie de la médecine concernant l’expérience des cas particuliers qui, bien qu’elle soit nécessaire au praticien, ne peut être ni formalisée à l’écrit ni enseignée. La maîtrise d’une telle partie, puisqu’elle ne peut être transmise de manière systématique et ordonnée dans un enseignement écrit ou oral, ne dépend pas de la discipline médicale en tant que telle mais plutôt du médecin lui-même et de son expérience. Étant donné qu’elle consiste en un jugement estimatif sur des cas particuliers, c’est logiquement celle-là que l’expert mobilise dans ses avis. Or, comme tous s’accordent à le dire, un tel jugement pose un redoutable problème : il ne permet pas d’atteindre une quelconque certitude. Gentile da Foligno affirme que « certaines choses [en médecine] sont connues par une estimation, un jugement ou une conjecture, et donc pas par une science certaine26 ». Le prouve un simple syllogisme, dont on notera qu’il reprend les termes exacts que l’on a vu utilisés dans les statuts urbains : « Il peut arriver que le médecin le plus expert (medicum peritissimum) dans cet art se trompe, donc tout n’est pas connu avec certitude ; la conséquence est claire, car le plus expert a la connaissance de tout ce qu’il est possible de connaître ; donc si la connaissance de toutes les choses était certaine, il ne se tromperait pas27 ».

  • 28 Jacques de Forlì, comm. Canon, prohemium, éd. Venise 1479, sig. a3ra : certa mensura que sola conj (...)
  • 29 Ugo Benzi, comm. Hippocrate, Aphorismes, I, 1, Venise 1498, f. 2vb.
  • 30 Niccolò Falcucci, Sermones medicinales, I, 1.5, éd. Venise 1491, f. 3v. Voir, sur toutes ces quest (...)

14Cette position est, à quelques nuances près, celle de l’ensemble des médecins de la fin du Moyen Âge. Pour ceux-ci, s’il est possible d’identifier une partie certaine de la médecine, comme les règles générales ou la connaissance anatomique, il existe une partie irréductiblement incertaine, celle qui porte sur les cas particuliers. Celle-ci est, comme le dit Jacques de Forlì (m. 1404), « connue par une certaine mesure qui ne peut être considérée que par une conjecture et non par une science certaine28 ». Que cette incertitude soit directement liée à l’application des principes généraux aux cas particuliers est explicitement affirmé par Ugo Benzi (m. 1439) dans son commentaire au célèbre aphorisme d’Hippocrate « l’expérience est trompeuse, le jugement difficile » : « L’expérience n’est pas ambiguë en elle-même mais en relation à l’opération que nous faisons quand nous ne nous contentons pas de reproduire l’expérience. […] Bien que l’expérience soit certaine, il arrive alors pourtant au bon médecin de se tromper »29. Le raisonnement médical sur les cas particuliers est une « conjecture », dont les limites sont liées, comme le rappelle Niccolò Falcucci (m. 1412) dans ses Sermones medicinales, à la multitude et à l’imprévisibilité des cas individuels : « Sache que parmi les choses qui empêchent la science médicale d’atteindre la perfection scientifique, il y a les conditions individuelles cachées, survenant plus rarement, à la connaissance desquelles le médecin ne peut parvenir par un quelconque signe certain30 ».

  • 31 Ibid., c. 10, f. 5vb.
  • 32 Sur la fama au Moyen Âge, les travaux sont très nombreux. Voir, parmi les synthèses, Thelma Fenste (...)

15Ce petit détour par les réflexions épistémologiques des médecins scolastiques sur la possibilité d’une certitude en médecine est, à notre sens, éclairant en ce sens qu’il montre le paradoxe de l’expertise médicale. En effet, s’il existe bien une partie certaine en médecine, ce n’est pas sur celle-là que porte l’expertise puisque la caractéristique de cette dernière est qu’elle doit donner une réponse à un cas précis soumis à l’interrogation, donc concerner un cas particulier. Or, non seulement cette partie incertaine ne peut pas être transmise par écrit et enseignée, comme tous le disent, mais sa maîtrise ne peut guère non plus être évaluée avec certitude chez un expert qui, de toute façon, ne pourra jamais être parfait. Niccolò Falcucci dit clairement que ce que l’on peut attendre d’un bon médecin, c’est non pas une vérité systématique mais un moindre risque d’erreur : « Parmi les médecins, le meilleur est celui qui se trompe le moins ; et il est tel parce qu’il est le plus entraîné (exercitatus) sur les cas particuliers31 ». Un tel entraînement ne peut être évalué que par la connaissance du parcours et du passé du médecin – soit par sa réputation. L’évocation de cette dernière n’est donc pas seulement une caractéristique de l’anthropologie et de la société médiévales dont le but serait l’établissement d’un consensus social32 : du point de vue des médecins, elle joue un rôle nécessaire et efficace dans l’évaluation concrète de la capacité d’expertise.

  • 33 Statuti dell’arte dei medici e speziali (éd. Raffaele Ciasca, Florence, Attilio Vallecchi, 1922), (...)

16Dès lors, les règles que l’on trouve dans les statuts pour les interventions dans les tribunaux, notamment celles qui prévoient que le médecin soit résident de la cité, y soit présent et y pratique depuis de longues années, sont tout à fait cohérentes avec ce que les médecins eux-mêmes estiment qu’il est nécessaire de posséder pour être un bon médecin. Puisque l’évaluation objective de la qualité d’un expert est impossible sur la seule base de la science qu’il est possible de transmettre, y compris par la parole et l’interrogation, le recours à la réputation est un moyen logique et raisonnable. On retrouve du reste cette façon de voir les choses dans certains statuts de la profession médicale elle-même. Dans les règlements de l’art des médecins et apothicaires de Florence réformés en 1351, les rédacteurs remarquent qu’en raison de l’épidémie de peste il y a dans la ville de Florence « un grand manque et une petite quantité de médecins suffisants et particulièrement de chirurgiens ». Pour cette raison le pouvoir fait appel, dans les tribunaux, à « des médecins étrangers insuffisants […] et, en raison de leur manque d’expérience (per la loro imperitia), dans les jugements sont très souvent commises des erreurs et des fautes très évidentes et énormes »33. Pour résoudre cette situation, les statuts instaurent un système proche de celui de Bologne, avec l’établissement d’une liste des médecins résidents dont les noms peuvent être tirés au sort en cas de besoin par les juges. On le voit, le but n’est pas ici de vérifier la qualité de chaque médecin, au cours d’un examen par exemple, mais bien de s’appuyer sur la réputation pour, autant qu’il est possible, s’assurer des expertises exemptes d’erreur. La défense corporatiste n’est pas seule en cause et il s’agit aussi, comme souvent du reste dans les statuts de métier, de protéger la qualité du travail par le contrôle social.

Cadrer et améliorer l’expertise médicale

  • 34 Sur ce point, nous nous appuyons largement sur les réflexions de Danielle Jacquart dans « De la fa (...)
  • 35 Guy de Chauliac, Inventarium sive Chirurgia magna (éd. Michael R. McVaugh, Leyde/New York/Cologne, (...)

17Le passage par les réflexions théoriques des médecins scolastiques montre que les conditions sociales de l’expertise ne doivent pas être détachées des considérations proprement scientifiques, les unes et les autres étant en réalité totalement cohérentes. On reconnaîtra cependant que la définition de la bonne expertise médicale qui en découle est, essentiellement, négative et subjective. Le lien qui se construit entre réputation et expertise est, par ailleurs, à double tranchant pour des médecins qui saisissent très bien que si une bonne réputation peut entraîner une présomption d’expertise, une mauvaise expertise peut tout aussi aisément ruiner une réputation – sans oublier les problèmes déontologiques que peut poser le besoin de donner une réponse tranchée lorsque le doute reste permis. De telles considérations transparaissent parfois dans les ouvrages médicaux, notamment lorsqu’est abordée la question de l’erreur. Le médecin montpelliérain Bernard de Gordon (m. v. 1318) évoque dans son Lilium medicine ses doutes lors du jugement des cas de lèpre, ne voulant pas risquer de condamner par erreur un patient à la mort sociale tout en s’efforçant de répondre le mieux possible à la demande d’expertise34. Le chirurgien Guy de Chauliac (m. 1368) traite le même genre de problème pour les jugements de blessures dans le cadre des cours de justice, donnant à son lecteur un conseil de prudence à propos de celles que l’on peut juger non mortelles et soignables : « Il est bon que dans tes dépositions tu le dises [à savoir qu’elles ne sont pas mortelles], mais aussi “du moment que ne survienne rien d’autre qui n’apparait pas pour le moment ou n’a pas coutume de se produire de façon régulière” […] Dans les dépositions à propos de telles blessures, il convient que prudemment tu fasses mention de cela »35.

  • 36 Exemple relevé et traduit par Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, d’apr (...)
  • 37 Niccolò Falcucci, Sermones medicinales, op. cit., I, 1.12, f. 6va.
  • 38 Gabriele Zerbi, De cautelis medicorum, Mariacarla Gadebusch Bondio, Manuel Förg et Christian Kaise (...)
  • 39 Ibid., p. 116.

18Cette remarque de Guy de Chauliac correspond aux formules que l’on lit parfois dans les avis d’expertises rendus dans les tribunaux lorsque ceux-ci sont un peu développés. À propos d’un blessé jugé « sans danger de mort » en 1290, on trouve dans les expertises de deux chirurgiens conservées à Manosque la formule « pourvu qu’il s’abstienne de ce qui lui est contraire et qu’un autre accident ne lui arrive pas, comme un spasme ou d’autres accidents qui peuvent arriver et d’habitude arrivent à une blessure ou aux blessés36 ». Cette légitime prudence dans le pronostic trouve, chez les médecins savants, une justification d’autorité dans divers passages de Galien qu’ils ne manquent jamais de citer et de commenter. Niccolò Falcucci, lorsqu’il évoque la façon dont le médecin doit proférer ses jugements, rappelle que le médecin grec « a toujours pronostiqué avec des conditions et avec des mots ambigus (cum conditionibus et verbis duplicis), comme il le dit lui-même dans le 4e livre du De interioribus37 ». Gabriele Zerbi (1445-1505), dans son traité de déontologie médicale De cautelis medicorum, affirme quant à lui que Galien utilisait « des paroles conditionnelles et pour ainsi dire ambiguës (vocibus conditionatis et quasi duplicibus), comme il apparaît dans le livre De interioribus38 » ; un peu plus loin dans son traité, il est encore plus explicite : « Mieux vaut se taire que mal parler ou se tromper39 ». Pour cette raison on voit parfois dans les sources des experts refuser de se prononcer, expliquant souvent par l’état des signes présents l’impossibilité pour le médecin de rendre un jugement, même incertain.

  • 40 Sur ce point voir Danielle Jacquart, « De la faillibilité de l’art médical… », art. cité, p. 143-1 (...)
  • 41 Gabriele Zerbi, De cautelis medicorum, op. cit., c. 5 p. 146-150.

19Au-delà de ces recommandations de prudence et de l’affirmation du risque de tout jugement médical, pouvait-il exister des moyens plus positifs d’encadrer l’expertise et de lui conférer une vérité sinon absolue, du moins la meilleure possible ? Loin de se réfugier uniquement derrière les affirmations sur le caractère incertain de la discipline quand elle traite des cas particuliers, les auteurs scolastiques ont parfois tenté de donner des méthodes pour encadrer le jugement médical et toute tentative d’expertise. Une solution consistait à recommander le jugement collectif, moyen à la fois de confronter les raisonnements et de partager la responsabilité de l’avis, même si le risque de confusion était pointé par les auteurs40. Gabriele Zerbi, qui dit que la pratique est habituelle et fut utilisée par Galien, donne quelques règles à suivre pour le faire dans de bonnes conditions : discuter du cas en privé après avoir éloigné les non-médecins, ne pas hésiter à mentir pour éviter d’afficher des dissensions et s’efforcer de corriger les erreurs des collègues de manière discrète41. Encore une fois, on voit dans ces recommandations un mélange de considérations sur l’efficacité du jugement et sur la réputation des médecins, les deux étant indissociablement liés.

  • 42 Nous renvoyons sur ce point à notre ouvrage Avicenne et la médecine en Italie. Le Canon dans les u (...)
  • 43 Ugo Benzi, comm. Hippocrate, Aphorismes, op. cit., I, 1, f. 2va.
  • 44 Le terme d’ingenium vient de la traduction arabo-latine du traité de la Méthode thérapeutique de G (...)
  • 45 Danielle Jacquart, La médecine médiévale dans le cadre parisien (xive-xve siècle), Paris, Fayard, (...)

20Au sein des universités, où le lien entre médecine et philosophie rendait sans doute les praticiens plus sensibles encore aux problématiques théoriques et épistémologiques, plusieurs médecins pensèrent qu’il était possible d’aller plus loin et de donner un certain nombre de règles objectives afin d’encadrer le jugement et l’expertise médicale, et ainsi les rapprocher au plus près de la vérité. La tendance à proposer de telles règles est sans doute à rapprocher de l’introduction du Canon d’Avicenne en Occident. Dans le livre II, celui-ci expliquait, à propos des effets des médicaments, que l’expérience pouvait apporter une connaissance certaine à la condition que le médecin respecte, dans son analyse, une série de sept règles et conditions qui étaient alors énumérées. Sans établir, on s’en doutera, une véritable médecine expérimentale, ces sept règles eurent une influence fondamentale sur la conception de l’expérience non seulement dans le cadre de la pharmacologie et de la médecine mais aussi dans l’ensemble de la science médiévale, en ce qu’elles laissaient entrevoir la possibilité de construire un savoir certain à propos des faits sensibles42. Elles sont très souvent mentionnées dans les réflexions épistémologiques sur l’expérience que l’on a lues plus haut – ainsi Ugo Benzi, lorsqu’il s’interroge sur le premier aphorisme d’Hippocrate selon lequel « l’expérience est trompeuse », affirme immédiatement que « pour juger correctement par l’expérience, sept conditions sont requises »43. On ne s’étonnera donc pas de voir que plusieurs auteurs ont tenté de proposer ce même type de règles non plus seulement pour déterminer l’efficacité de l’action d’un médicament donné, mais également pour encadrer tout type de jugement médical. Dès 1299, Bernard de Gordon rédigeait un traité De decem ingeniis curandorum morborum (Sur les dix méthodes pour le soin des maladies), proposant dix ingenia, c’est-à-dire dix éléments de méthode à prendre en considération dans l’application aux cas particuliers des règles générales de la médecine44 ; de même, Henri de Mondeville dans sa Chirurgie énumérait 52 contigentia devant être pris en compte par le praticien45.

  • 46 Nous avons édité et traduit cette question pour l’édition critique des problemata dirigée par Béat (...)

21La volonté de trouver les règles du raisonnement médical sur les cas précis est particulièrement visible au cours du xive siècle et sort même du strict cadre des débats médicaux. Une question disputée vers la fin de sa vie par le philosophe et théologien Nicole Oresme (m. 1382) l’illustre parfaitement. Conservée dans une série de problemata, elle se pose une question simple : pourquoi les médecins se trompent-ils dans leurs jugements et dans leurs soins si leurs règles sont vraies46 ? Pour y répondre, Oresme procède en deux temps. Il donne d’abord sept raisons expliquant pourquoi les médecins ne peuvent atteindre une connaissance certaine, puis énumère quinze choses et règles que le médecin doit observer pour limiter, autant que possible, le risque d’erreur. C’est, bien sûr, cette seconde partie qui nous intéresse ici. En soi, elle n’est pas particulièrement originale puisqu’elle reprend largement, dans un ordre toutefois différent, les éléments déjà mis en avant par ses prédécesseurs : influence de la variabilité des corps humains et de la difficulté de les mesurer, rôle des conditions extérieures dites choses non naturelles (comme le climat, le régime, les émotions…), évaluation des affections elles-mêmes. Ce qui en ressort n’est pas tant une conception nouvelle de l’encadrement du jugement médical que l’idée que celui-ci est, dans une certaine mesure, possible.

  • 47 Nicola Bertuccio, Collectorium totius practice medicine, éd. Lyon 1509, f. 1ra.

22Bien que la partie de la discipline qui porte sur les cas particuliers reste impossible à enseigner et à mettre par écrit, à la fin du Moyen Âge émerge donc l’idée qu’il est possible de l’accompagner de protocoles visant à la rendre la plus certaine possible. De telles règles doivent cependant être appliquées avec une grande prudence : les auteurs insistent systématiquement sur le double sens du mot expertus, qui comme « expérimenté » désigne aussi bien l’individu habile que la chose éprouvée. Nicola Bertuccio (m. 1347), rédigeant vers 1330-1340 son Collectorium totius practice medicine, affirme dans son prologue avoir voulu suivre les pas des meilleurs auteurs et « ne rien mettre de mon cru, mais uniquement ce qui est a été expérimenté et a été transmis par des [médecins] expérimentés (nihilque proprii ponens, sed quod expertum est et ab expertis traditum)47 ». Cette dernière citation montre toute l’ambiguïté en médecine du mot expertus et, partant, de la notion d’expertise à la fin du Moyen Âge.

  • 48 Sur ce texte, on se reportera à nos remarques dans « Entre droit et médecine… », art. cité, p. 282 (...)
  • 49 Hermann U. Kantorowicz, « Cino da Pistoia ed il primo trattato di medicina legale », Archivio stor (...)
  • 50 Ibid., p. 128.

23Entre 1326 et 1337, Gentile da Foligno rédige un petit traité intitulé dans les manuscrits De temporibus partus ou Super lege VII° mense. Il y répond au juriste Cino da Pistoia, qui l’interrogeait sur la valeur d’une disposition contenue dans le droit romain affirmant qu’une naissance pouvait être légitime à partir du septième mois de gestation48. Éditant le texte en 1906, Hermann U. Kantorowicz croyait y voir le premier traité médico-légal49 ; il s’agit plutôt d’un simple consilium adressé par le médecin au juriste à propos d’un cas précis. Gentile da Foligno y développe d’abord longuement les fondements scientifiques de la loi, expliquant à son destinataire pourquoi, du point de vue du médecin, la norme est légitime. Toutefois, quand il s’agit de juger du cas précis qui lui est soumis (un mari contestant que l’enfant dont a accouché sa femme soit le sien puisque né après sept mois de mariage seulement), et bien que celui-ci semblât rentrer dans le cadre de la loi, il se montre beaucoup moins affirmatif et renvoie, justement, au besoin d’une expertise pour les cas particuliers : « Voilà donc, maître Cino : quand sur ces points surgit une question entre les juristes, qu’ils reçoivent des médecins honnêtes (medicos probos) qui, en considérant la complexion de l’enfant né et de sa mère, pourront dire s’il est né du mari50 ». Après le long développement théorique qui a précédé, une telle remarque, faisant de la probité le seul critère déterminant pour choisir l’expert, pourrait surprendre ; on aura compris que la recommandation est tout à fait cohérente avec ce que les médecins scolastiques considéraient comme une expertise valable. La règle est utile pour encadrer le jugement mais, pour les cas particuliers, l’expert est toujours indispensable.

24Nous espérons avoir montré que les réflexions théoriques des médecins scolastiques sur la possibilité, pour le médecin, d’arriver à une certitude sur les cas particuliers ne sont pas déconnectées de la réalité concrète des expertises effectivement réalisées à l’époque, dans les cours de justice ou ailleurs. Lorsque l’on compare les unes aux autres, les conditions de réputation, de résidence et les serments requis par les statuts urbains n’apparaissent plus du tout illogiques du point de vue théorique. Les penseurs scolastiques ont une nette conscience des limites de leur art et savent l’importance du choix des experts ainsi que des conditions sociales et matérielles dans lesquelles il est mis en œuvre pour s’assurer que l’avis est correctement donné. En invitant leurs lecteurs à une grande circonspection dans les réponses aux questions qui leur sont posées, mais en s’efforçant aussi de donner des règles permettant sinon d’éliminer l’erreur, du moins de la limiter, ils démontrent combien furent fécondes, à la fin du Moyen Âge, les interactions entre le versant concret de la discipline médicale et sa partie la plus théorique.

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Notes

1 On citera en particulier Béatrice Delaurenti, « La nature à l’horizon. Virtus verborum, causalité et naturalisme », dans Nicole Bériou, Jean-Patrice Boudet et Irène Rosier-Catach (dir.), Le pouvoir des mots au Moyen Âge. Actes du colloque Lyon, 22-24 juin 2009, Turnhout, Brepols, 2014, p. 435-457 (notamment pour sa proposition de parenthèse naturaliste), ou encore Nicolas Weill-Parot, Points aveugles de la nature : la rationalité scientifique médiévale face à l’occulte, l’attraction magnétique et l’horreur du vide (xiiie-milieu du xve siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2013.

2 Nicolas Weill-Parot, Points aveugles de la nature…, op. cit., p. 414.

3 Averroes, Colliget, I, 1, éd. Venise, 1574, f. 3rb. Nous traduisions ici d’après la version latine, qui est celle à laquelle avaient accès les auteurs de la fin du Moyen Âge. Le texte arabe n’est guère différent sur ce passage. Pour une analyse de cette définition et son intégration dans l’ensemble de la pensée du philosophe andalou, voir Joël Chandelier, « Médecine et philosophie selon Averroès », dans Claire Crignon et David Lefebvre (éd.), Philosophie de la médecine, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 169-193.

4 Sur la question de l’erreur en médecine, voir Mariacarla Gadebusch Bondio et Agostino Paravicini Bagliani (éd.), Errors and Mistakes: A Cultural History of Fallibility, Florence, Sismel, 2012. Voir également Roberto Poma (dir.), La faillibilité et la culture de l’erreur dans la médecine. Aspects historiques, épistémologiques et éthiques, actes du colloque organisé à Paris les 21 et 22 mars 2013, à paraître.

5 Cité par Danielle Jacquart, « De la faillibilité de l’art médical aux erreurs du praticien au début du xive siècle : une imperceptible marge », dans Mariacarla Gadebusch Bondio et Agostino Paravicini Bagliani (éd.), Errors and Mistakes…, op. cit., p. 129-146, p. 132. Mondeville fait de cet aspect l’une des raisons de la supériorité de la chirurgie, qui ne peut cacher ses erreurs.

6 Sur ce point, voir Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre droit et médecine : les origines de la médecine légale en Italie (xiiie-xive siècles) », dans Joël Chandelier et Aurélien Robert (dir.), Frontières des savoirs en Italie à l’époque des premières universités (xiiie-xve siècles), Rome, École française de Rome, 2015, p. 233-293, notamment p. 268-274.

7 Sur la question de l’expertise, de l’expérience et de l’expert au Moyen Âge, de nombreux travaux récents ont largement balisé le champ. On citera principalement, en français, Thomas Bénatouïl et Isabelle Draelants (éd.), Expertus sum. L’expérience par les sens dans la philosophie naturelle médiévale, Florence, Sismel, 2011 ; Experts et expertises au Moyen Âge. Consilium quaeritur a perito : XLIIe Congrès de la SHMESP (Oxford, 31 mars-3 avril 2011), Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 (avec en particulier, pour une vision d’ensemble, le rapport introductif de Laurent Feller et Catherine Verna, « Expertises et cultures pratiques », p. 27-43) ; on se reportera également récemment aux deux volumes Expertise et valeur des choses aux Moyen Âge, vol. I, Claude Denjean et Laurent Feller (éd.), Le besoin d’expertise, Madrid, Casa de Velázquez, 2013 et vol. II, Laurent Feller et Ana Rodríguez (éd.), Savoirs, écritures, pratiques, Madrid, Casa de Velázquez, 2016.

8 Laurent Feller et Catherine Verna, « Expertises et cultures pratiques » art. cité, p. 28.

9 Nombreux exemples pour Bologne dans Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre droit et médecine… », art. cité, p. 249-267.

10 Voir sur cette question les réflexions éclairantes de Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”. Pratique et signification de l’expertise judiciaire au Moyen Âge », dans Martine Charageat (dir.), Conseiller les juges au Moyen Âge, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2014, p. 111-124, ainsi que celles de Corinne Leveleux-Teixeira, « Savoirs techniques et opinion commune : l’expertise dans la doctrine juridique médiévale (xiiie-xve siècle) » dans Experts et expertises au Moyen Âge…, op. cit., p. 117-131.

11 Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, p. 111.

12 Corinne Leveleux-Teixeira, « Savoirs techniques et opinion commune… », art. cité, p. 124. Voir aussi récemment, de la même autrice, « Un conflit des interprétations ? Vérité judiciaire et expertise médicale (xiiie-xive siècles) », Clio@Themis, 19, 2020, DOI : 10.35562/cliothemis.166. Dans cet article, elle montre de manière extrêmement convaincante comment l’importance toujours plus grande de la question de la vérité judiciaire, à partir du xiie siècle, a conduit les juristes à valoriser mais aussi à encadrer le recours à l’expertise médicale.

13 Sur la question de l’expertise médico-légale à la fin du Moyen Âge, la bibliographie est extrêmement abondante. Par souci de concision, nous nous permettons de renvoyer à celle que nous mentionnons dans Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre droit et médecine… », art. cité, auquel nous ajouterons seulement quelques travaux récents : Wendy J. Turner et Sara M. Butler (éd.), Medicine and the Law in the Middle Ages, Leyde/Boston, Brill, 2014 ; Sara M. Butler, Forensic Medicine and Death Investigation in Medieval England, New York, Routledge, 2015 ; Francesco Paolo de Ceglia (éd.), The Body of Evidence. Corpses and Proofs in Early Modern European Medicine, Leyde/Boston, Brill, 2020. Pour d’autres exemples de ces législations, de leurs origines et de leur application, se reporter à Corinne Leveleux-Teixeira, « Un conflit des interprétations ?… », art. cité.

14 Luigi Frati (éd.), Statuti di Bologna dall’anno 1245 all’anno 1267, Bologne, Regia Tipografia, 1877, vol. III, p. 596.

15 Gina Fasoli et Pietro Sella (éd.), Statuti di Bologna dell’anno 1288, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1937, t. 1, p. 172-173.

16 Anna Laura Trombetti Budriesi (éd.), Lo Statuto del Comune di Bologna dell’anno 1335, Rome, Istituto Storico per il Medioevo, 2008, p. 603-604.

17 Sur ces statuts, voir aussi Corinne Leveleux-Teixeira, « Un conflit des interprétations ?… », art. cité.

18 Voir Michael R. McVaugh, Medicine Before the Plague. Practitioners and Their Patients in the Crown of Aragon, 1285-1345, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 207-217 et Carmel Ferragud, « Expert Examinations of Wounds in the Criminal Court of Justice in Cocentaina (Kingdom of Valencia) during the Late Middle Ages », dans Wendy J. Turner et Sara M. Butler (éd.), Medicine and the Law in the Middle Ages, op. cit., p. 108-132.

19 Mercedes Gallent Marco, « Precedentes medievales de la medicina legal: la dessospitació en le Reino de Valencia », Saitabi, 50, 2000, p. 11-28, p. 17. Voir également, sur cette législation. Luis García Ballester, La medicina a la València medieval. Medicina i societat en un país medieval mediterrani, Valence, Alfons el Magnànim, 1989, p. 53-57.

20 Johan Picot, « “La Purge” : une expertise juridico-médicale de la lèpre en Auvergne au Moyen Âge », Revue historique, 662 (2012), p. 292-321, p. 309-310. Sur la progressive médicalisation des jugements de lèpre, dont la vitesse n’est pas identique dans toute l’Europe et paraît plus tardive dans le Nord de la France, voir Luke Demaitre, Leprosy in Premodern Medicine: A Malady of the Whole Body, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2007, notamment p. 37-41.

21 Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, d’après Joseph Shatzmiller, Médecine et justice en Provence médiévale. Documents de Manosque, 1262-1348, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 1989.

22 Avicenne, Canon, éd. latine d’après Venise 1490, prohemium : Non est autem bonum ut hujus libri plurimum non sit apud unumquemque, et in ejus memoria qui hujus doctrine nomine vocari et per eam lucrari desiderat, minus namque quod medico necessarium est comprehendit. Quod vero super ipsum additum est, incomprehensibile est. Le texte arabe est un peu plus clair, puisque la fin du texte dit : « il contient le minimum de ce qui est indispensable au médecin, le reste étant quelque chose qui n’est pas déterminé » (d’après l’édition du Caire, Bulaq, 1877).

23 Marsile de Sainte Sophie, comm. Avicenne, Canon, prohemium, Paris, BNF lat. 6933, f. 3va : Nota quod hec littera quod vero superadditum est incomprehensibile multipliciter potest exponi. Uno quod tale nichil est, et ita expositio non est vera, notum est enim quod multe conclusiones possunt addi que possunt esse utiles.

24 Gentile da Foligno, comm. Canon, prohemium, éd. Venise 1520, f. 2ra. Le Plusquamcommentum mentionné ici est le commentaire à l’Art médical de Galien par Pietro Torrigiano, un contemporain de Bartolomeo da Varignana actif dans le premier quart du xive siècle.

25 Jacques Despars, comm. Canon, prohemium, Lyon, 1498, sig. aiivb.

26 Gentile da Foligno, comm. Canon, prohemium, op. cit., f. 3ra : Quedam sunt scita estimatione sive arbitrio sive conjectura, ergo non certa scientia.

27 Ibid.

28 Jacques de Forlì, comm. Canon, prohemium, éd. Venise 1479, sig. a3ra : certa mensura que sola conjectura et non per certam scientiam comprehendi potest.

29 Ugo Benzi, comm. Hippocrate, Aphorismes, I, 1, Venise 1498, f. 2vb.

30 Niccolò Falcucci, Sermones medicinales, I, 1.5, éd. Venise 1491, f. 3v. Voir, sur toutes ces questions épistémologiques et avec d’autres exemples similaires, Jole Agrimi et Chiara Crisciani, Edocere medicos. Medicina scolastica nei secoli XIII-XV, Naples, Guerini e Associati, 1988, notamment p. 149-151.

31 Ibid., c. 10, f. 5vb.

32 Sur la fama au Moyen Âge, les travaux sont très nombreux. Voir, parmi les synthèses, Thelma Fenster, Daniel Lord Smail (dir.), Fama. The Politics of Talk and Reputation in Medieval Europe, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2003 ou encore le numéro de la revue Médiévales, 24, 1993, La Renommée, dirigé par Claude Gauvard. Sur le rôle de celle-ci en justice à la fin du Moyen Âge, voir Julien Théry, « Fama : l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçu sur la révolution médiévale de l’inquisitoire (xiie-xive siècle) », dans Bruno Lemesle (dir.), La preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 119-147.

33 Statuti dell’arte dei medici e speziali (éd. Raffaele Ciasca, Florence, Attilio Vallecchi, 1922), réforme de 1351 des statuts de 1349, c. 9 de’ medici che si debbono imborsare pe’ giudicii enormi delle ferite, p. 231 : […] e con ciò sia cosa che, dal tempo della mortalità in qua, nella detta città di Firenze sia stato e ancora oggi sia gran difecto e piccola quantità di sofficienti medici, maximamente cirusichi, e spesse volte e medici forestieri insufficienti instantemente co’ detti rectori e ufficiali procurano a llora fare tale commissione di tali iudicii, e per la loro imperitia ne’ detti loro iudicii evidentissimi e enormi errori e difecti spesse volte si commetta.

34 Sur ce point, nous nous appuyons largement sur les réflexions de Danielle Jacquart dans « De la faillibilité de l’art médical… », art. cité, p. 140-143.

35 Guy de Chauliac, Inventarium sive Chirurgia magna (éd. Michael R. McVaugh, Leyde/New York/Cologne, Brill, 1997, p. 138-139). Passage cité et commenté dans Joël Chandelier et Marilyn Nicoud, « Entre médecine et droit… », art. cité, p. 279-281.

36 Exemple relevé et traduit par Yves Mausen, « “Quare dicit et re uera iudicat”… », art. cité, d’après Joseph Shatzmiller, Médecine et justice en Provence médiévale…, op. cit., p. 71.

37 Niccolò Falcucci, Sermones medicinales, op. cit., I, 1.12, f. 6va.

38 Gabriele Zerbi, De cautelis medicorum, Mariacarla Gadebusch Bondio, Manuel Förg et Christian Kaiser (éd.), Suttgart, Franz Steiner Verlag, 2019, c. 4 p. 114. Comme l’indiquent en note les éditeurs, les termes vocibus conditionatis et duplicibus ne sont pas les mots employés par Galien lui-même, comme semble le suggérer Niccolò Falcucci, mais un jugement porté par Pietro d’Abano dans son Conciliator (diff. 2).

39 Ibid., p. 116.

40 Sur ce point voir Danielle Jacquart, « De la faillibilité de l’art médical… », art. cité, p. 143-145 et Chiara Crisciani, « Éthique des consilia et de la consultation : à propos de la cohésion morale de la profession médicale (xiiie-xive siècles) », Médiévales, 46, 2004, p. 23-44.

41 Gabriele Zerbi, De cautelis medicorum, op. cit., c. 5 p. 146-150.

42 Nous renvoyons sur ce point à notre ouvrage Avicenne et la médecine en Italie. Le Canon dans les universités (1200-1350), Paris, Honoré Champion, 2017, p. 403-410.

43 Ugo Benzi, comm. Hippocrate, Aphorismes, op. cit., I, 1, f. 2va.

44 Le terme d’ingenium vient de la traduction arabo-latine du traité de la Méthode thérapeutique de Galien (rendu par De ingenio sanitatis). Voir Danielle Jacquart, « De la faillibilité de l’art médical… », art. cité, p. 130-132.

45 Danielle Jacquart, La médecine médiévale dans le cadre parisien (xive-xve siècle), Paris, Fayard, 1998, p. 62-69.

46 Nous avons édité et traduit cette question pour l’édition critique des problemata dirigée par Béatrice Delaurenti et Alain Boureau (Problemata, dans Nicole Oresme, Écrits métaphysiques, politiques et théologiques, section 2, Anthropologie des erreurs humaines, t. VIII, Paris, Belles Lettres, sous presse). Nous renvoyons à cette édition à paraître ainsi qu’à la notice jointe pour plus de détails sur ce texte.

47 Nicola Bertuccio, Collectorium totius practice medicine, éd. Lyon 1509, f. 1ra.

48 Sur ce texte, on se reportera à nos remarques dans « Entre droit et médecine… », art. cité, p. 282-291.

49 Hermann U. Kantorowicz, « Cino da Pistoia ed il primo trattato di medicina legale », Archivio storico italiano, 5/37, 1906, p. 115-128.

50 Ibid., p. 128.

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Pour citer cet article

Référence papier

Joël Chandelier, « L’expert peut-il se tromper ? »Histoire, médecine et santé, 18 | 2021, 63-78.

Référence électronique

Joël Chandelier, « L’expert peut-il se tromper ? »Histoire, médecine et santé [En ligne], 18 | hiver 2020, mis en ligne le 11 novembre 2021, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/3198 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.3198

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Auteur

Joël Chandelier

Université Paris 8, MéMo

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