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Comptes rendus

JORLAND Gérard, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle

Paris, Gallimard, 2010
Grégory Quin
p. 143-144
Référence(s) :

JORLAND Gérard, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard, 2010, 368 p.

Texte intégral

1Erwin Ackerknecht, Georges Vigarello, Jean-Pierre Goubert, Ann Laberge ou Olivier Faure, la liste des historiens – francophones et anglo-saxons – qui se sont intéressés aux développements d’un hygiénisme « à la française » au XIXe siècle est longue, et c’est aussi à l’aune de ces différents travaux qu’il faut considérer l’entreprise de Gérard Jorland, qui, s’il ne renouvelle pas le genre et ne se base pas sur un corpus inédit, s’appuie sur un point de vue singulier. À partir d’un large corpus composé de traités de médecins, de rapports d’expertise et jusqu’aux documents d’enseignement, il se propose d’analyser la constitution d’une « clinique sociale » (p. 13), sous l’égide de l’État, considérant particulièrement les changements de préoccupations des promoteurs de l’hygiène depuis la misère des premiers « ouvriers » autour de 1840, aux questions de natalité/dénatalité sous le Second Empire et à la construction d’une véritable étiologie microbienne des pathologies après 1880.

2Depuis l’avènement d’une modernité scientifique sous la plume et les yeux de Lavoisier (ici l’historien, reprenant le concept à Michel Foucault, parle d’« épistémè » lavoisienne) jusqu’à la « révolution » pasteurienne, Gérard Jorland déroule une histoire des processus de la constitution d’une hygiène publique, résultant de l’engagement étatique pour l’assainissement de l’espace public plus que de l’avènement d’une spécialité médicale ou d’un domaine spécifique au sein des savoirs de la médecine. Ce faisant, l’État ne peut pas être considéré comme une donnée fixe au cours de la période ciblée par les analyses, et l’historien réussit bien à souligner comment, en quête de légitimité, il s’appuie sur l’hygiène pour exister et construire son autorité. L’histoire de l’hygiène est ainsi aussi une histoire de l’étatisation de la France au XIXe siècle.

3À la suite de certains historiens, Gérard Jorland parvient à faire une véritable place aux acteurs de l’histoire de l’hygiène depuis Lavoisier jusqu’à Pasteur, en passant par Jean-Noël Hallé ou Paul Broca – outre l’État que l’on peut progressivement considérer comme un acteur à part entière –, néanmoins cette incarnation aurait pu être poussée davantage jusqu’à certains acteurs moins connus des processus de l’hygiénisme. Les progrès de l’hygiène doivent aussi être considérés comme le résultat de l’appropriation par l’ensemble des individus de nouveaux comportements, de nouvelles normes sociales, et c’est autour de ces dynamiques d’appropriation individuelles que les historiens devraient se tourner à l’avenir. Or, bien qu’ils aient pour certains exercé la médecine dans un cabinet ou un service hospitalier, les écrits de Broca ou d’Hallé n’ont sans doute pas été largement diffusés à leur époque, et ce sont les médecins généralistes au contact de la population qui ont relayé les nouveautés. À ce sujet, il existe un très vaste corpus de traités d’hygiène (publique et privée), adressés aux mères, aux pères ou aux autres éducateurs, encore très peu étudié et dont les contenus pourraient éclairer singulièrement l’histoire de l’hygiène depuis près de trois siècles.

4Au final, il n’en demeure pas moins que les analyses de Gérard Jorland sont fondamentales pour apprécier en détail la volonté étatique sous-jacente de l’avènement de l’hygiène au XIXe siècle en France ; enfin, la lecture est servie par une écriture légère et la présence d’un appareil critique au fil du texte.

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Pour citer cet article

Référence papier

Grégory Quin, « JORLAND Gérard, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle »Histoire, médecine et santé, 2 | 2012, 143-144.

Référence électronique

Grégory Quin, « JORLAND Gérard, Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle »Histoire, médecine et santé [En ligne], 2 | automne 2012, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/314 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.314

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Auteur

Grégory Quin

Université de Lausanne/Université Paris Descartes

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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