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Comptes rendus

FRANCHISET Marie, Le Chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle

Paris, L’Harmattan, Médecine à travers les siècles, 2011
Bérengère Lacassagne
p. 139-140
Référence(s) :

FRANCHISET Marie, Le Chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle, Paris, L’Harmattan, Médecine à travers les siècles, 2011, 108 p.

Texte intégral

1Le Chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle est un ouvrage tiré d’une thèse de doctorat en chirurgie dentaire soutenue en 2002 à l’Université de Nantes par Marie Franchiset. Le sujet est original et novateur : étudier la représentation des dentistes à l’époque contemporaine. Pour cela, elle s’appuie sur des romans et des films (films d’horreurs, comédies…) du XXe siècle.

2L’origine des recherches part d’un constat : la peur du dentiste. Marie Franchiset a souhaité anticiper les angoisses de ses futurs patients en étudiant les représentations de sa profession. En tant que praticienne, elle estime que c’est aux dentistes de lutter contre les préjugés attachés à leur métier. Son postulat est que l’image des dentistes est fausse, « grotesque et caricaturale » (p. 11). L’auteure cherche ainsi à dédramatiser l’acte de soin et à rassurer les lecteurs, potentiels patients.

3L’ouvrage se veut engagé, offensif, voire polémique car Marie Franchiset entend montrer que les œuvres littéraires et cinématographiques sont loin de la réalité du quotidien de la profession, ne correspondant « à aucun modèle réel » (p. 11). Elle remet en cause l’imagerie populaire qu’elle accuse de « lourds préjugés », véhiculant l’image d’un « bourreau sans foi ni loi » (p. 11). Or, ces représentations biaisées contribuent à véhiculer et à maintenir la peur du dentiste, ce qu’elle déplore. On sent la jeune doctorante, future chirurgienne-dentiste, agacée par cette appréhension et regrettant qu’il soit « plaisant de se moquer d’une profession mal aimée » (p. 60).

4Marie Franchiset s’intéresse dans un premier temps à l’image du cabinet dentaire et de l’exercice du métier. Elle montre que le cinéma, comme la littérature, proposent des salles d’attente impersonnelles, envahies par l’anxiété des patients. Dans le cabinet dentaire, les scènes insistent sur le fauteuil, les odeurs, la blouse du dentiste et surtout sur ses instruments. Seuls les plus impressionnants, voire terrifiants, sont mis en avant : les écarteurs de bouche, les seringues, les daviers… Elle relève le peu de réalisme de certaines scènes : il manque les gestes d’hygiène alors que l’abondance de sang est exagérée. Les actes montrés ou décrits sont en général les plus violents et saisissants comme les excavations et l’usage de la roulette, réduisant d’autant l’image du dentiste. Ce dernier est souvent, si ce n’est toujours, un homme : selon l’auteure, il s’agit d’insister, une fois de plus, sur la brutalité de sa pratique. En outre, ces scènes montrent souvent un patient angoissé, maintenu de force par le praticien. La douleur du patient – avant et pendant la consultation – est toujours décrite avec force de cris. Films et romans se rejoignent donc pour composer une image terrifiante du dentiste. Pour Marie Franchiset, ces scènes ont choqué et traumatisé des générations entières.

5Une partie de l’ouvrage revient sur l’image de l’assistante, parce qu’elle est toujours une femme dans les œuvres littéraires et cinématographique. La relation entre le dentiste et l’assistante est représentative des rapports de genre : le premier incarne l’autorité et la puissance, la seconde la séduction et la soumission. Marie Franchiset évoque « une belle blonde écervelée », alors que l’adultère du dentiste avec son assistante est un poncif repris et répété. Elle insiste notamment sur le machisme de Claude Pinoteau joué par Claude Brasseur dans La Boum (1980) et du dentiste de MASH (1970) de Robert Altman.

6L’auteure revient également sur l’image négative du dentiste : menteur, snob et opulent. Sur ce dernier point, elle plaide qu’il « n’y a plus de nouveaux riches issus du milieu médical, comme il en est parfois fait état » (p. 75). Elle insiste sur la représentation vénale des praticiens, mais n’hésite pas à nuancer en citant des exemples d’honnêtes dentistes au cinéma, tel celui de Boy culture de Matthew Rettenmund. Un chapitre est consacré à l’image angoissante de la profession, à travers les films d’horreur comme The dentist et Flowers shop. Le dentiste de Marathon man, film de Schlesinger est même affublé d’un uniforme SS ; son sarcasme incessant et ses actes de torture insupportables.

7Face à ces portraits peu reluisants, Marie Franchiset tente de redorer l’image de sa profession. Elle rappelle que les soins, même s’ils sont parfois désagréables, ne sont pas un supplice. Des efforts sont faits pour atténuer le bruit de la roulette et surtout la douleur. Elle constate et regrette que la littérature et le cinéma ne reflètent que de vieilles pratiques, laissant de côté l’évolution du métier. Redoutant les amalgames néfastes, l’auteure n’hésite pas à parler de désinformation et de manipulation.

8L’ouvrage parvient à saisir et à définir la représentation et la perception du dentiste dans l’imagerie populaire à partir d’un corpus documentaire fourni et varié. Cependant, la méthode et les œuvres choisies ne permettent pas une étude diachronique. On regrettera également le manque de références scientifiques au fil de l’analyse. En outre, l’ouvrage semble être écrit à deux mains. Xavier Riaud, docteur en chirurgie dentaire et en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, a rédigé cinq chapitres consacrés pour la plupart à des compléments d’informations proposant des aperçus historiques peu approfondis (sur l’histoire du cinéma ou la profession de chirurgien-dentiste par exemple). On déplore notamment les renvois au site wikipédia dont la pertinence est discutable. En définitive, l’ouvrage répond difficilement aux exigences des études historiques, cinématographiques et littéraires, mais apporte un regard situé sur la profession de chirurgien-dentiste loin d’être dénué d’intérêt.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bérengère Lacassagne, « FRANCHISET Marie, Le Chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle »Histoire, médecine et santé, 2 | 2012, 139-140.

Référence électronique

Bérengère Lacassagne, « FRANCHISET Marie, Le Chirurgien-dentiste dans le cinéma et la littérature du XXe siècle »Histoire, médecine et santé [En ligne], 2 | automne 2012, mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/309 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.309

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Auteur

Bérengère Lacassagne

Framespa UMR 5136 CNRS/UTM

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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