L’impuissance sexuelle au cabinet du Docteur Bourguignon (1924-1953)
Résumés
Figure importante de la neurophysiologie et de l’électrodiagnostic dans la première moitié du xxe siècle, le docteur Georges Bourguignon reçoit dans sa clinique privée une centaine d’hommes entre 1924 et 1953 venus consulter pour impuissance. Il développe un système de mesure du temps de réactivité du nerf vestibulaire qu’il emploie comme outil diagnostique afin de discriminer les facteurs psychogènes de l’impuissance d’autres causalités organiques ou hormonales. À partir de l’analyse de ces dossiers, cet article propose d’appréhender la construction, tant par le praticien que par ses patients, de l’impuissance sexuelle comme un problème médical.
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Je remercie Delphine Gardey et Francesca Arena pour leurs conseils et leur relecture d’une première version de ce texte. Merci également au comité de rédaction ainsi qu’aux évaluateurs/trices pour leurs conseils.
- 1 Anne Rasmussen, « L’électrothérapie en guerre : pratiques et débats en France (1914-1920) », Annal (...)
- 2 Paul Chauchard, « À propos du cinquantenaire de la chronaxie : l’importance de l’œuvre de Louis La (...)
- 3 La rhéobase désigne l’intensité minimale de courant électrique continu nécessaire pour obtenir l’e (...)
1Au début du xxe siècle, et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le docteur Georges Bourguignon (1876-1963) est une figure importante de la neurophysiologie et de l’électrodiagnostic en France. Diplômé de médecine en 1906, il devient chef de laboratoire suppléant d’électro-radiothérapie de la clinique des maladies nerveuses à la Salpêtrière en 1914, quelques mois avant d’être mobilisé à la guerre où l’électricité devient une thérapie privilégiée pour traiter les pathologies et psychoses liées aux combats1. À la sortie du conflit, Bourguignon est nommé chef de service (1921-1941) et il oriente ses recherches sur la mesure de l’excitabilité électrique des nerfs et des muscles aboutissant à une thèse ès sciences naturelles, La Chronaxie chez l’homme, en 1923. Dans ce travail, il utilise pour la première fois sur l’être humain2 le concept de « chronaxie » développé en 1909 par le neurophysiologiste Louis Lapicque (1866-1952) comme un outil théorique puis expérimental. En utilisant un courant électrique d’intensité standardisée – la rhéobase3 – Bourguignon mesure le temps de réactivité des nerfs et muscles. La chronaxie est donc ici comprise comme la mesure du temps nécessaire pour exciter un tissu nerveux ou musculaire à l’aide de l’électricité.
- 4 Stéphane Rodriguez, Hospice de la Salpêtrière. Dossiers médicaux de patients suivis par le laborat (...)
2À l’hôpital, Bourguignon emploie la chronaxie dans ses recherches au laboratoire d’électro-radiothérapie de la Salpêtrière sur des patient·e·s venant se faire soigner pour des maladies nerveuses, mais aussi des personnes envoyées par le service de chirurgie de l’Hôpital, pour des cancers, la tuberculose, des fibromes et encore des affections articulaires4. À côté de cette activité hospitalière, il exerce de manière privée dans un cabinet situé dans le 5e arrondissement de Paris, où il reçoit des patient·e·s, généralement recommandé·e·s par des collègues, pour des affections très diverses, allant des fractures osseuses, des troubles du sommeil, des intoxications carbonées aux troubles de la sexualité. Dans ses locaux, la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine conserve un fonds inédit composé des dossiers de patients qui ont consulté Bourguignon à son cabinet privé, des années 1920 aux années 1950. Le fonds étant en cours d’inventaire, j’ai pu consulter une centaine de ces dossiers concernant des hommes venus solliciter Bourguignon pour des troubles liés à la sexualité, en très grande majorité des hommes se plaignant de faiblesse ou d’impuissance sexuelle.
- 5 Jean-Yves le Naour, Misères et tourments de la chair durant la grande guerre, Paris, Aubier, 2002, (...)
- 6 Stéphane Audoin-Rouzeau, « La grande guerre et l’histoire de la virilité », dans Alain Corbin (dir (...)
- 7 Jean-Yves le Naour, Misères et tourments de la chair…, op. cit.
- 8 Maxime de Palmas, L’impuissance génitale émotive, thèse de médecine sous la présidence du professe (...)
3La manière dont Bourguignon appréhende les troubles de la sexualité masculine s’inscrit dans un contexte historique singulier. À la fin de la Grande Guerre, l’intérêt médical pour l’impuissance prend une tournure particulière avec le retour des soldats. Le conflit mondial exacerbe une anxiété médicale et politique déjà présente dans la France « fin de siècle » portant sur ce qui est alors présenté comme une « crise » ou le déclin de la virilité. La guerre soulevait pourtant l’espoir de « régénérer » la nation et de « viriliser » la France affaiblie par la perte de l’Alsace et la Lorraine quarante ans plus tôt. La mobilisation d’un vocabulaire de la sexualité pour évoquer la bataille fait bien référence à cette virilisation des corps par les armes : on parle ainsi du « coït de la gloire » ou encore du « dépucelage » pour évoquer le baptême du feu des jeunes soldats5. Néanmoins, comme le soulignent les travaux sur l’histoire de la virilité, l’horreur de la guerre remet en cause le modèle militaro-viril et les nombreux traumatisés viennent remplir les asiles d’aliénés6. Le mal des tranchées est un thème courant dans le paysage d’après-guerre et, à ce titre, l’asthénie et l’impuissance sexuelle des soldats à la suite du conflit deviennent des objets d’inquiétude médicale. L’impossibilité de ces hommes à accomplir des rapports sexuels est présentée comme le fait des traumatismes ou des fatigues de guerre, mais aussi de leur continence sexuelle forcée durant plusieurs années de conflit7. Dans sa thèse de médecine de 1924, Maxime de Palmas affirme ainsi que « l’état d’ébranlement nerveux, de dépression psychique dont ont souffert des soldats au retour des tranchées a été ainsi la cause d’impuissances plus ou moins durables » et que « ces asthéniques n’ont pas la force de désirer, ou s’ils l’ont, ce n’est que de façon insuffisante »8.
- 9 Les échanges épistolaires sont une source privilégiée pour étudier l’histoire de l’impuissance, et (...)
- 10 Angus McLaren, Impotence. A Cultural History, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2007 ; (...)
- 11 Roy Porter, « Doing Medical History from Below », Theory and Society, 14/2, 1985, p. 175-198, en l (...)
4Au croisement entre histoire de la médecine et de la sexualité, cet article propose un apport original à l’histoire du genre, des masculinités et de l’impuissance. En effet l’impuissance sexuelle a principalement été étudiée par le biais des correspondances entre médecins et patients9 ainsi que par l’étude des savoirs et traitements médicaux10. Les dossiers de patients constituent une source relativement rare pour l’étude des troubles de la sexualité au xxe siècle. Entre le premier dossier que j’ai pu consulter, rédigé en 1924, et le dernier datant de 1953, ces documents évoquent une trentaine d’années de clinique. Ils permettent de retracer la mise en place de normes de consultation par Bourguignon, le développement de techniques d’examens et de traitement, mais aussi la relation médecin-patient et la construction des masculinités au regard de la santé. Composés essentiellement de notes manuscrites rédigées par Bourguignon, de graphiques résumant les résultats des examens chronaxiques, et de correspondances entre médecins et/ou patients, ces dossiers laissent a priori assez peu d’informations sur les patients eux-mêmes, leur subjectivité et leurs émotions. En effet, la mise en récit de la maladie est avant tout le fait du médecin qui retranscrit, corrige et interprète parfois les parcours de vie de sa patientèle. Cependant, et dans la veine des travaux entrepris par l’historien Roy Porter11, il est possible de questionner ces sources afin, sinon d’écrire une « histoire médicale par le bas », du moins de donner des éléments pour saisir les échanges entre médecin et patient, les silences, attentes et inquiétudes au moment de la consultation. Ainsi, la mise en récit de la maladie rapportée par Bourguignon, les notes apportées à la consultation, les quelques lettres adressées au spécialiste permettent de donner à voir la façon dont s’incarnent les masculinités au sein de la clinique.
5À partir de l’analyse de ces dossiers, cet article présente tout d’abord les conditions de possibilité de construction de l’impuissance comme problème médical pouvant être pris en charge par l’électrodiagnostic et l’électrothérapie. Il s’agira donc de se concentrer sur le développement de techniques diagnostiques et thérapeutiques ainsi que d’une forme de protocole de prise en charge des troubles de la sexualité. Dans un second temps, il s’agira de questionner la manière dont l’impuissance sexuelle interroge le rapport à sa propre masculinité à travers la reconstitution des parcours et des termes employés par les patients. Plutôt que de considérer que l’impuissance sexuelle provoque de facto un trouble dans l’identité masculine, je suggère au contraire de considérer ces voix comme étant issues d’un contexte particulier, car la raison même de leur expression appartient à l’espace circonscrit du cabinet.
Les chronaxies vestibulaires comme caractéristique de l’individu
La mesure somatique de l’émotivité
- 12 Georges Bourguignon et Renée Déjean, « Double chronaxie du système optique de l’homme », Académie (...)
- 13 Georges Bourguignon et Haldane, « Évolution de la chronaxie au cours de la crise de tétanie expéri (...)
- 14 Georges Bourguignon, « La chronaxie dans la sclérose latérale amyotrophique », Réunion neurologiqu (...)
- 15 Jean-Claude Dupont, « Autour d’une controverse sur l’excitabilité : Louis Lapicque et l’école de C (...)
6C’est en tant que spécialiste de l’asthénie, des troubles nerveux et de l’émotivité que Bourguignon est amené à prendre en charge des troubles de la sexualité masculine. Dans le cadre de ses recherches sur la chronaxie chez l’être humain, il établit des standards de normalité et de pathologie basées sur le temps nécessaire à l’excitabilité des nerfs ou des muscles. Il s’attache ainsi à étudier la chronaxie du système optique12, de la crise de tétanie13 ou encore de la sclérose latérale amyotrophique14. En effet, comme le souligne l’historien Jean-Claude Dupont, la chronaxie permet de disposer « pour la première fois d’un paramètre pour mesurer les effets des divers agents sur le nerf […] et en clinique de suivre l’évolution des processus dégénératifs ou régénératifs15 ».
- 16 Georges Bourguignon et Paul Schiff, « La chronaxie chez les asthéniques », L’Encéphale, 19/1, 1924 (...)
- 17 Georges Bourguignon, « Relations de la chronaxie vestibulaire avec l’émotivité, à l’état normal et (...)
7En 1924, en collaboration avec le psychiatre et psychanalyste Paul Schiff (1891-1947), Bourguignon présente les résultats d’une étude portant sur des malades de l’Asile Sainte-Anne. Dans ce travail, ils envisagent la chronaxie comme un instrument qui détermine « dans quelle mesure l’asthénie musculaire et l’inaptitude au travail, dont beaucoup de ces malades se plaignent, ont une base physiologique objectivement décelable16 ». En 1931, il présente à l’Académie des Sciences une autre recherche concernant cette fois-ci les relations de la chronaxie avec l’émotivité. S’appuyant sur la mesure de la chronaxie du nerf vestibulaire qui traverse l’oreille interne, Bourguignon soutient que « le nerf vestibulaire est le seul nerf chez qui on puisse mettre en évidence d’une manière indiscutable des différences individuelles » et donc que « la chronaxie du nerf vestibulaire constitue […] une véritable caractéristique de l’individu »17. Selon lui, la mesure de la chronaxie vestibulaire permet ainsi de mettre à jour les différences de caractère, et plus particulièrement de déceler des troubles d’origine nerveuse ou encore l’hyperémotivité. La réactivité des nerfs et, avec elle, le physiologique sont de ce fait présentés comme influencés par l’émotion. La chronaxie vestibulaire permet de la sorte de discriminer entre les personnalités émotives et les autres :
- 18 Georges Bourguignon, « Les trois chronaxies vestibulaires et les trois canaux semi-circulaires che (...)
les sujets normaux se divisent en deux grandes catégories, ceux qui ont une petite chronaxie vestibulaire, comprise entre 12σ et 17σ, et ceux qui ont une grande chronaxie vestibulaire, comprise entre 17σ et 22σ […] les sujets à petite chronaxie vestibulaire sont tous des émotifs, alors que les sujets à grande chronaxie vestibulaire sont tous des sujets stables. En pathologie mentale, j’ai récemment démontré que des altérations de la chronaxie vestibulaire sont la caractéristique la plus précise de l’état mental actuel dans diverses aliénations mentales même chez de simples hystériques et permet une véritable courbe de l’évolution de ces affections, comme la courbe de température est une fidèle représentation de l’évolution des maladies infectieuses18.
8L’entreprise scientifique de Bourguignon consiste à diagnostiquer et quantifier les troubles nerveux. La comparaison avec les courbes de température traduit bien cette volonté d’objectivation des maladies mentales en les présentant dans une perspective somatique. L’examen des chronaxies vestibulaires constitue donc, dans sa pratique, une étape indispensable pour diagnostiquer l’émotivité d’un patient. Concrètement, l’examen se déroule ainsi :
- 19 Bibliothèque de l’Académie de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 3571, feuille d’examen, 1946
on fait l’excitation mono-auriculaire en mettant une électrode dans une oreille et l’autre sur la mastoïde [partie saillante de l’os temporal, situé au niveau des tempes] du même côté, on obtient l’inclinaison de la tête du côté excité quand le pôle positif est dans l’oreille, et l’inclinaison du côté opposé dans le sens inverse du courant. On trouve ainsi deux chronaxies, l’une pour le pôle + et l’autre pour le pôle – dans l’oreille. À l’état normal, les deux chronaxies sont comprises entre 12 et 22 […] Chez le sujet normal, les deux côtés ont rigoureusement les mêmes chronaxies19.
- 20 Il préside la Société française de neurologie, la Société d’électro-radiologie médicale, le syndic (...)
- 21 Jean-Claude Dupont, « Autour d’une controverse sur l’excitabilité… », art. cité.
- 22 Ibid., p. 9.
- 23 Ibid.
9Nommé chevalier de la légion d’honneur en 1933 et élu membre de l’Académie de médecine en 1940, Bourguignon fait partie de l’élite médicale de son temps et il préside d’ailleurs des sociétés et syndicats médicaux20. Néanmoins, les travaux sur la chronaxie sont controversés. Avec la chronaxie, Lapicque considère en effet que la nature de la transmission de l’influx nerveux est électrique, là où les neurophysiologistes de l’école de Cambridge soutiennent qu’elle est de nature chimique21. Si les « théories chronaxiques eurent un impact extraordinaire dans la biologie d’entre les deux guerres22 » en France, elles sont rapidement perçues comme insuffisantes dans les milieux physiologiques, pharmacologiques et médicaux et sont abandonnées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale23. Il ne semble pas que les savoirs et pratiques cliniques de Bourguignon soient répandues dans les cas de troubles de la sexualité, ce que semblent confirmer les explications détaillées qu’il transmet à ses confrères chargés de continuer le traitement de certains de ses patients.
Déceler l’influence de l’émotivité sur l’impuissance
- 24 Bibliothèque de l’Académie de médecine, dossier biographique de Guy Laroche, article de Jean Roche (...)
- 25 Guy Laroche et Et. Bompard, « Essais de traitement de l’impuissance sexuelle masculine par l’hormo (...)
10Les cas d’impuissance ou de pathologies d’ordre sexuel ou reproductif sont peu nombreux jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, mais deviennent plus importants à compter de 1944 : pour 12 cas entre 1924 et 1944, Bourguignon en reçoit 91 entre 1944 et 1953. En effet, dès le milieu des années 1940, Bourguignon établit une collaboration scientifique durable avec le professeur Guy Laroche (1884-1984) qui lui envoie la majorité de ses patients. Laroche est un spécialiste des glandes endocrines et de la nutrition, reconnu par ses pairs : il participe à fonder la Société d’endocrinologie et son organe de publication les Annales d’endocrinologie en 1939. Plus particulièrement, Laroche s’intéresse à l’action des hormones mâles sur lesquelles il mène des recherches avec le docteur vétérinaire et endocrinologue Henri Simonnet (1891-1965)24. En 1937, il devient vice-président de la Société de sexologie où il présente la même année avec Bompard les résultats d’« [e]ssais de traitement de l’impuissance sexuelle mâle par l’hormone mâle25 ».
- 26 Dans sa thèse de médecine consacrée aux indications thérapeutiques de l’hormone mâle, Roger Nailla (...)
11Premier interlocuteur des patients, Laroche envoie plusieurs hommes faire un examen des chronaxies vestibulaires au cabinet de Bourguignon. La division du travail reflète les différentes étiologies accordées à l’impuissance sexuelle : hormonale d’une part et nerveuse de l’autre. La commercialisation d’hormones mâles de synthèse engagée à la fin des années 1930 s’avère décevante pour traiter l’impuissance sexuelle, les spécialistes s’accordant à reconnaître dans le facteur psychique une cause prépondérante26. Ainsi, les patients qui se présentent à Bourguignon ont dans la grande majorité déjà essayé les traitements hormonaux et, devant leur échec, ont été conduits auprès de Bourguignon afin de rechercher une possible origine nerveuse.
- 27 Pour des raisons d’anonymat, les informations d’identification ont été remplacées par des noms d’e (...)
12Dans ce cadre, la mesure de chronaxie vestibulaire apparaît comme un dispositif de véridiction des corps qui permet de trouver une explication rationnelle à un phénomène incompris par les praticiens que les patients ont consulté jusqu’alors. Dans une lettre adressée à Laroche en 1945, Bourguignon se félicite ainsi des données obtenues chez un patient27 :
- 28 Bibliothèque de l’Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 3225, lettre de Bourguignon (...)
J’ai vu hier M. Gérard J., atteint d’impuissance sexuelle relative. C’est un cas bien intéressant. À son interrogatoire, je pensais qu’il s’agissait d’une impuissance d’origine émotive. L’examen vestibulaire confirme d’une manière éclatante cette supposition. En effet, ses chronaxies vestibulaires sont normales, mais dans les petites valeurs de la normale, ce qui, d’après mes recherches antérieures, caractérise les tempéraments émotifs. […] Il est vraiment intéressant de voir, par la comparaison avec les autres impuissants que nous avons vus, que les impressions cliniques, qui ne sont que des impressions et peuvent être discutables, deviennent des certitudes avec les chronaxies vestibulaires28.
- 29 Idem, dossier no 3805, lettre de Bourguignon à Laroche, 1947.
- 30 Idem, dossier no 3126, lettre de Bourguignon à Laroche, 1944.
- 31 Bourguignon ne donne pas de définition personnelle de la psychasthénie mais la présente comme un t (...)
13La mesure des chronaxies permet donc à la fois d’objectiver le vécu subjectif du patient mais également celui du médecin en confirmant son impression clinique par un système de mesure censé révéler la nature sexuelle du patient. Pourtant, la multiplication des cas d’impuissance ne semble pas confirmer cette théorie sur l’émotivité. Au contraire, la majorité de ces patients présentent des chronaxies augmentées, ce qui amène Bourguignon à ajuster sa compréhension de la chronaxie pour reconnaître dans une lettre à Laroche, quelques années plus tard, que « l’hyperémotivité diminue les chronaxies alors que l’impuissance les augmente29 » mais que « cette augmentation traduit l’état nerveux30 ». Ainsi, dans les deux cas, la mesure des chronaxies permet toujours d’expliquer l’impuissance, soit avec un diagnostic d’hyperémotivité (chronaxies inférieures à la normale) soit avec celui de dépression ou de psychasthénie31 (chronaxies supérieures à la normale).
- 32 Je n’ai pas encore trouvé à ce jour d’article ou de communication témoignant des recherches que le (...)
- 33 Idem, dossier no 3991, lettre de Bourguignon à un collègue médecin, 1949.
14La collaboration avec Laroche permet à Bourguignon d’avoir suffisamment de patients pour pouvoir dépasser la sphère du soin et développer une activité de recherche. Bourguignon évoque régulièrement la publication imminente de travaux menés avec Laroche dont, à ma connaissance aucune trace ne subsiste cependant32. Les chronaxies apparaissent ainsi comme un moyen d’expliquer des cas d’impuissance qui seraient autrement relégués à la psychiatrie ou la psychanalyse en montrant l’influence de la sexualité sur les nerfs, et, pour reprendre les termes de Bourguignon, en « démontr[ant] l’origine nerveuse centrale de l’impuissance sexuelle, lorsqu’elle n’a pas de cause périphérique, soit médullaire, soit glandulaire33 ».
- 34 Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 3981, lettre de Bourguignon au médecin chargé (...)
15L’ajustement des théories de Bourguignon sur la nature de l’impuissance sexuelle traduit également l’évolution de sa pratique. Du simple traitement électrique par « bain statique » pour des hommes se plaignant d’impuissance, Bourguignon développe un véritable protocole thérapeutique, basé sur l’examen des chronaxies vestibulaires puis le suivi d’un traitement électrique ayant pour objectif de normaliser les chronaxies dans les standards qu’il a définis. À partir des années 1930 en effet, il prescrit quasiment exclusivement la « diélectrolyse transcérébro-médullaire de calcium » pour les cas d’impuissance. Il s’agit d’un traitement ayant pour but d’introduire des ions dans l’organisme par l’utilisation du courant continu. Les ions diffèrent selon le type de pathologie à traiter, le magnésium et le calcium étant les plus utilisés pour les cas d’impuissance. Si les deux sont parfois employés de manière interchangeable (notamment en cas d’échec de l’un ou de l’autre), Bourguignon prescrit plus souvent l’utilisation du magnésium pour la dépression, ainsi qu’il l’indique à l’un de ses collègues en 1949 : « [l]e calcium agit aussi très bien, mais peut-être un peu moins vite que le magnésium dans les cas de dépression34 ».
16Quelques instructions laissées par Bourguignon à des collègues chargés de continuer le traitement prescrit laissent deviner la forme que prend le traitement par diélectrolyse :
- 35 Idem, dossier no 4233, lettre de Bourguignon au médecin chargé du traitement, 1951.
on met un pôle positif bifurqué sur les 2 yeux fermés et le pôle négatif sur l’interstice occipito-vertébral juste sous la bosse occipitale. Le pôle positif, constitué par 2 boules de coton hydrophile placées sur les 2 yeux, s’encastrant dans les orbites est imbibé d’une solution de Chlorure de Magnésium à 1 % dans l’eau distillée. Le pôle négatif, formé d’une compresse de coton hydrophile d’environ 2 cm x 3 cm, est imbibé d’eau ordinaire.
Les électrodes métalliques, de quelques millimètres carrés de surface pour les yeux et de 1 cm x 2 cm pour l’électrode occipitale, sont placées à la surface des cotons et je maintiens le tout par des tours de bande de caoutchouc (feuille anglaise). L’intensité est de 1,5 à 2,5 milliampères et la séance dure 30 minutes35.
17La diélectrolyse prescrite par Bourguignon s’effectue toujours sous la forme de séries de plusieurs sessions entrecoupées par des moments de repos. Ces sessions peuvent avoir lieu dans des centres divers : à l’Hôpital de la Salpêtrière avec un bon d’ordonnance ; chez un autre spécialiste de l’électricité en Province à qui Bourguignon explique sa procédure ; au cabinet de Bourguignon, ou encore, par le malade lui-même qui peut acheter l’équipement nécessaire et mener les sessions à domicile avec l’aide d’un tiers.
- 36 Tous les patients venant faire une chronaxie vestibulaire ne décident pas forcément de suivre un t (...)
- 37 Idem, dossier no 3780, lettre du patient à Bourguignon, 1947.
18En l’absence de résultats significatifs – ce qui est fréquemment le cas –, les séries peuvent se prolonger pendant plusieurs années. Les abandons sont par ailleurs fréquents36 : nombreux sont les patients qui ne se rendent plus au traitement et certains n’hésitent pas à déplorer qu’il soit « malheureusement absolument inefficace37 ». Il est difficile néanmoins d’apprécier l’expérience des patients par rapport au diagnostic et au traitement. Il est possible de supposer qu’ils sont impressionnants et requièrent l’entière coopération et bonne volonté de la personne, ce qui peut en gêner certains, comme le déplore Bourguignon à Laroche à propos d’un patient :
- 38 Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 4004, lettre de Bourguignon à Laroche, 1949.
J’ai vu aujourd’hui Monsieur Nicolas F. que vous m’avez adressé pour son impuissance. C’est avant tout un grand nerveux, impressionnable et hyperémotif.
J’ai dû interrompre l’examen électrique à la 1re mesure parce qu’il a été pris de sueurs, de pâleur et qu’il s’est affaissé sur la table d’examen en disant qu’il avait envie de vomir, mais il n’a pas vomi. Je l’ai fait s’étendre et, après quelques minutes le malaise s’est dissipé et j’ai pu continuer l’examen38.
- 39 Idem, dossier no 3630, lettre du patient à l’une des filles de Bourguignon, 1948.
- 40 Idem, dossier no 3265, examen médical, 1945.
19Il est possible de supposer que le traitement peut être même pénible. Bernard F. se réjouit par exemple d’avoir « suivi le premier traitement de trois semaines, très simplement, et sans brûlure des paupières39 » tandis que Fernand G. ne parvient pas à prendre les gouttes de chloro-calcion accompagnant le traitement sans les vomir « à cause du goût40 ».
Consulter pour impuissance sexuelle
Une diversité de patients marquée par les guerres
20Ces dossiers de patients ouvrent une fenêtre privilégiée sur la construction des masculinités au sein de la clinique. Les patients de Bourguignon constituent une population hétérogène, tant en termes de classe sociale, d’âge, que de nationalité. Au côté des aristocrates et diplomates se trouvent des agriculteurs, électriciens et boulangers. L’absence totale d’ouvrier laisse néanmoins à deviner que la plupart des patients sont soit de classe moyenne inférieure soit de classes plutôt aisées. Majoritairement française, la patientèle de Bourguignon comprend également des hommes venant d’autres pays européens, et plus rarement de pays extra-européens. Il est plus difficile d’analyser la dimension raciale. Au regard des prénoms présentés dans les dossiers de patients, je suppose que l’extrême majorité des patients est blanche, la plupart des hommes installés en Tunisie ou en Algérie portant notamment des noms chrétiens. Une écrasante majorité est mariée ou a une amie ou fiancée. La majorité des hommes qui consultent le font entre 30 à 50 ans ; au moment de la consultation, le plus jeune homme a 19 ans et le plus âgé 74 ans.
- 41 Lesley A. Hall, Hidden Anxieties…, op. cit.
- 42 Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, édition établie par Meoïn Hagège et A (...)
21Il est évident que cet échantillon est par nature limité. Il est probable que la démarche même de consulter ne concerne qu’une minorité des hommes pouvant se plaindre de troubles sexuels. Comme l’évoque l’historienne Lesley A. Hall, il est vraisemblable que les hommes expriment de profondes réserves à dévoiler leurs difficultés sexuelles à d’autres hommes, particulièrement des médecins qui détiennent un capital économique et symbolique élevé41. Il est ainsi probable que les patients de Bourguignon ne constituent qu’une frange spécifique de la population masculine et ce d’autant plus que Bourguignon ne constitue que le dernier maillon d’un long itinéraire clinique. Les patients consultant Bourguignon étant peu nombreux avant 1944, il est difficile d’établir de claires transformations de leurs définitions de l’impuissance dans le temps, à l’exception néanmoins de l’effacement progressif de la mention de la masturbation comme cause de l’impuissance. Ces dossiers offrent néanmoins des sources intéressantes pour comprendre leur désir de consulter, mais aussi parfois leurs émotions, leurs craintes, espoirs et incarnations de différentes masculinités42.
- 43 Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 638, examen médica (...)
22Les récits des patients sont profondément ancrés dans un contexte historique et politique et à ce titre, ils rappellent la dimension incarnée et située des sexualités. Dans les dossiers que Bourguignon tient sur ses patients, les guerres sont omniprésentes, à la fois en tant qu’expérience dont la portée traumatisante déclenche dépressions et nervosité mais aussi en raison des traces qu’elle laisse sur la santé physique. Beaucoup de dossiers évoquent ainsi les pénuries, les fatigues, les angoisses liées aux conflits, suggérant qu’il s’agit là de questions que Bourguignon pose de manière quasiment systématique. À l’exception de quelques cas faisant référence à la Grande Guerre, tels que celui de Sarkis H. qui, « Arménien, a assisté à deux massacres d’Arméniens en Turquie » et qui se plaint, lors de son retour de « troubles dans l’acte conjugal »43, la majorité des récits de patients qui consultent Bourguignon font allusion à la Seconde Guerre mondiale, de manière directe ou indirecte.
- 44 Idem, dossier no 3416, examen médical, 1945.
- 45 Idem, dossier no 4458, examen médical, 1953.
- 46 Idem.
23Les fatigues et inquiétudes liées à l’occupation, les sévices et violences vécues durant la déportation façonnent les sexualités des patients de Bourguignon ainsi que leur identification (ou non) à un modèle dominant de masculinité. L’expérience de la détention ou de la mobilisation est ainsi souvent présentée comme un élément déclencheur de l’impuissance, à l’instar du cas de Fabrice J., électricien, qui « mobilisé […], est parti très frappé et très inquiet parce qu’il laissait sa femme et son fils […] presque sans ressources44 » et qui découvre à sa première permission une diminution de sa puissance sexuelle. Lorsque l’impuissance était présente avant le début du conflit, elle se trouve aggravée par la détention et par les problèmes conjugaux qu’elle soulève. C’est le cas notamment de Thibault T., ingénieur chimiste, qui présente des érections insuffisantes par intermittence quelques années avant la guerre. Prisonnier au début du conflit, il est envoyé en Allemagne où il souffre de la faim. Rapatrié en tant que père de famille quelques années plus tard, il comprend à son retour que « l’impuissance avait augmenté, sans être totale45 ». Ses désirs disparaissent complètement en raison de la séparation d’avec sa femme « l’ayant trompé pendant sa captivité et continuant à le faire depuis son retour46 ». Les guerres jouent un rôle majeur dans le bouleversement des relations de genre, tant dans la déstabilisation des rôles sociaux masculins valorisant le courage et le rôle de breadwinner que dans les rapports intimes au sein de la famille. La découverte de l’impuissance se fait donc le reflet, sinon l’expression du bouleversement de ces représentations de la virilité.
- 47 Idem, dossier no 3477, examen médical, 1945.
- 48 Idem, lettre de Bourguignon à Laroche, 1945.
24Quelques cas font explicitement allusion à la déportation nazie et aux sévices sexuels exercés par les forces allemandes. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, François M. consulte Guy Laroche à l’occasion de la visite médicale du travail. Torturé par la Gestapo puis déporté dans un camp de concentration, il présente un état d’asthénie à son retour au travail et souffre d’atrophie testiculaire et d’impuissance sexuelle à la suite des manœuvres de torsion qu’il a subies pendant la torture47. Le dossier contient peu d’informations, les descriptions de Bourguignon sont sommaires et froides. Les chronaxies, qu’il juge un peu grandes s’expliquent selon lui par « deux facteurs, d’une part l’asthénie et d’autre part, l’atrophie testiculaire, cause de l’impuissance48 ». Au début des années 1950, Joseph S. se présente dans le cabinet de Bourguignon avec un parcours un peu similaire. Après avoir vu différents spécialistes pour impuissance et dépression, il est adressé à Laroche, puis à Bourguignon pour la mesure de ses chronaxies vestibulaires. Lors de la consultation, il amène avec lui une note résumant sa vie sexuelle dans un modèle inspiré par le langage médical. Les biffures, le soin qu’il a passé à souligner ou au contraire à euphémiser certains termes mais aussi les corrections apportées par la main de Bourguignon (en italiques dans le texte ci-dessous) font deviner sa gêne, son sentiment dépréciatif et d’anormalité :
- 49 Idem, dossier no 4445, note de Joseph S., 1953.
Puberté à l’âge normal 13 ans, mais premier contact sexuel à l’âge de 24 ans, de 13 à 24 ans masturbation… !
Remarque : dépucelage tardif motivé par une absence totale d’éducation (famille très arriérée sur ce sujet) et une timidité excessive à l’approche du corps d’une femme.
Désir naturel faussé par la hantise d’un refus automatique d’une jolie femme d’où déformation d’une image normale de l’esthétique féminin et du beau en général.
Actuellement absence totale de réaction naturelle même avec un fort désir
Relâchement dans l’action du rapport sexuel n’arrivant pas à terme.
[…]
Durant un mois évacuation de sp….e ralentie même en gardant le contact sexuel
Existence anormale : aucune vie conjugale régulière ou non
Habitude de la m….ton depuis 13 (14 ans)
Période normale (2 mois retour des camps à la campagne) au retour du séjour [aux camps de concentration] pendant 17 mois à la suite duquel les fonctions ont été normales pendant 2 mois
[…]
Habitudes de mas….tion, état nerveux »49
25L’expérience de la déportation apparaît très peu dans les notes de Joseph S. : la brève allusion du retour des camps est complétée par Bourguignon d’informations complémentaires sur la longue détention dans deux camps de concentration. Il insiste au contraire sur son historique sexuel allant de la puberté, l’absence d’éducation sexuelle et son habitude de la masturbation, en réutilisant un récit médical clinique basé sur l’historique sexuel, se moulant dans le cadre narratif attendu de l’interaction avec le médecin, ou reprenant à son compte un discours employé par un praticien consulté avant Bourguignon. Le soin pris à souligner les termes associés à l’échec mais aussi les formes de censure sur les termes évoquant la sexualité de façon directe, tels que « sperme » ou de « masturbation », font deviner une certaine pudeur à évoquer ce qui a trait à la sexualité. D’autre part, le jugement formulé sur ses expériences sexuelles – une existence « anormale » car ne comprenant pas de relations sexuelles, un « désir naturel faussé » en raison de l’absence de désir pour les femmes – laisse deviner son malaise face à un usage du corps non conforme aux modèles dominants de masculinité.
L’impuissance sexuelle dans le couple
- 50 Idem, dossier no 3294, examen médical, 1945.
- 51 Idem, dossier no 3725, examen médical, 1947.
- 52 Idem, dossier no 3771, examen médical, 1947.
26La question du mariage et du rapport avec les amantes, épouses ou fiancées est également au cœur de ces récits d’impuissance. Dans ces dossiers, l’accomplissement de la sexualité est centré sur la pénétration et l’éjaculation. Retranscrivant les propos des patients sur leur vie intime, Bourguignon appose également sa propre conception d’une sexualité masculine normale. Figure du double standard, l’adultère fait l’objet d’un traitement compréhensif de la part du médecin, et ce notamment lorsque l’épouse ne peut satisfaire les besoins sexuels de son mari, à l’instar de ce patient qui « [a]yant une femme très malade [...] a dû avoir une amie qu’il ne peut voir que dans la journée50 » avec laquelle il ne parvient plus à avoir des érections, ou encore de Gilbert R., artisan de 56 ans, qui s’étonne de n’être plus capable d’érections avec une amie « beaucoup plus jeune que lui [...] alors qu’il a des rapports normaux avec sa femme51 ». De même, Étienne V., industriel de 49 ans, ne se « plaint d’impuissance sexuelle […] qu’avec les personnes qu’il voit en dehors de sa femme, alors qu’il n’a aucun trouble avec sa femme52 ». La volonté de conserver la puissance sexuelle pour une maîtresse s’exprime particulièrement chez des hommes plus âgés, ayant dépassé la quarantaine d’années.
- 53 Idem, dossier no 3831, examen médical, 1948.
- 54 Idem, dossier no 3628, examen médical, 1946.
- 55 Idem, dossier no 3567, examen médical, 1946.
- 56 Idem.
- 57 Idem.
27Certains patients n’adhèrent pas forcément à ce modèle de masculinité hégémonique défini par la capacité à avoir de telles relations sexuelles régulières. Ainsi, Bourguignon s’étonne des cas où l’impuissance ne pose pas de réel problème au malade, ni à son épouse. L’impuissance ne concerne d’ailleurs pas toujours la capacité à avoir une érection. L’absence de désirs est en elle-même problématique, même si elle ne cause pas nécessairement de souffrance en tant que telle, à l’instar de Thierry A., typographe de 31 ans, qui n’a pas de désir et qui « resterait bien sans jamais accomplir l’acte sexuel, s’il ne pensait pas à chercher à sortir de cette frigidité qui lui paraît anormale53 ». Tout comme Thierry A., certains hommes consultent car leur absence de désir les étonne, et ce d’autant plus que c’est leur partenaire qui prend l’initiative des relations sexuelles. Ainsi, à propos d’un patient encore capable d’avoir des érections et des éjaculations, Bourguignon note que « [l]’état est stationnaire depuis le début et il n’a de rapport avec sa femme que provoqués par elle54 ». C’est également le cas de Jean D., vendeur d’appareils photographiques de 37 ans, qui est devenu impuissant à la suite d’un accident sans gravité et qui, « [m]arié […] n’a aucun désir, ni aucune sensation dans les rapports55 ». L’impuissance dont il souffre est « relative » puisqu’il parvient à obtenir des « rapports complets » mais le problème repose dans leur rareté ainsi que dans le rôle actif joué par son épouse dans leur initiation : « [a]ctuellement il n’a de rapports qu’environ toutes les dix semaines, provoqués par sa femme, mais sans qu’il ait de désir ni de plaisir56 ». Il attribue cette absence de désir et plaisir aux fatigues endurées durant sa captivité pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi qu’à la continence imposée par son épouse qui « très étroite, a toujours souffert dans les rapports57 » particulièrement depuis la naissance de leur fille :
- 58 Idem.
À la suite de cette opération [césarienne] […], elle s’est aperçue que les rapports étaient plus douloureux qu’avant l’opération. Le mari a alors espacé les rapports et […] il est devenu impuissant58.
- 59 Nahema Hanafi, « “Je décharge quelquefois”… », art. cité, p. 122.
28L’absence de désir masculin n’est pas tellement attribuée au facteur relationnel (ici la souffrance de la partenaire et son absence de plaisir) mais plutôt à la continence sexuelle imposée par celle-ci. Lorsque l’impuissance n’est pas attribuée à un choc ou un traumatisme, la partenaire fait fréquemment l’objet du blâme en raison de son désintérêt supposé pour la sexualité, d’une crainte des grossesses, de son caractère difficile ou encore de sa beauté. Il n’est d’ailleurs pas question d’autres sexualités qu’hétérosexuelles, soit parce que les patients n’osent pas en parler, qu’ils ne consultent pas, ou encore que Bourguignon ne les juge pas pertinentes à retranscrire. Il est probable, comme le souligne l’historienne Nahema Hanafi, que « les hommes f[assent] la balance entre ce qu’il est vraiment nécessaire de dire pour être soigné et ce qui mérite d’être tu59 ». On notera néanmoins l’exception d’Hugues F., contrôleur des impôts âgé de 27 ans, qui, au sortir de la Grande Guerre, explique l’origine de son impuissance en ces termes :
- 60 Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 469, lettre de Hug (...)
J’attribue la cause de mon état actuel d’abord à des fatigues supportées pendant la guerre 1917-1918, et ensuite à des relations […] à la même époque avec un camarade de régiment que j’ai aimé. J’ai su ce qu’est l’amour, mais maintenant le contact d’un épiderme féminin ne provoque plus en moi qu’un tressaillement lointain, et mes sentiments sont abolis à cet égard. Je ne puis plus me laisser toucher par l’amour, et reste insensible aux charmes de la femme60.
- 61 Idem, examen médical, 1924.
- 62 Idem, dossier no 3199, examen médical, 1944.
- 63 Elizabeth Stephens, « Pathologizing Leaky Male Bodies: Spermatorrhea in Nineteenth-Century British (...)
- 64 Idem, dossier no 3771, examen médical, 1947.
29Dans le discours de Bourguignon, les relations sexuelles avec ce camarade sont partiellement normalisées par le contexte de guerre, et par la nature non pénétrative de celles-ci, Bourguignon affirmant qu’« il a fait avec lui [son camarade] de la masturbation réciproque mais pas autre chose61 ». Le silence qui entoure cette mention ne permet pas d’apprécier le contexte de réception de cette information dans le cabinet. Tout comme pour les cas d’hommes impuissants avec leur maîtresse mais tout à fait aptes avec leur femme, ce cas suggère que l’impuissance est considérée comme une pathologie non pas lorsqu’elle concerne l’absence d’érection et/ou d’éjaculation, mais dès lors qu’elle interfère avec le contrôle masculin de son propre corps et de ses émotions. Ainsi, l’émotivité « exagérée » dont souffre Pascal L. qui « pleurerait facilement à la moindre contrariété » et qui cause son impuissance fait qu’il n’est « plus maître de lui »62. Comme le soulignent les travaux de l’historienne Elizabeth Stephens, la nécessité de contrôler son corps – contrairement aux femmes qui ne sauraient maîtriser ni leurs menstruations, ni leurs grossesses – est constituée comme un élément central d’un modèle dominant de masculinité63. C’est ainsi que se justifie le traitement d’hommes capables d’avoir des relations avec leurs femmes mais incapables d’en avoir avec leur maîtresse, à l’instar d’Étienne V. qui se plaint de n’avoir plus « de désirs, sauf vis-à-vis de sa femme64 ».
- 65 Idem, dossier no 1223, examen médical, 1929.
- 66 Idem, dossier no 3606, examen médical, 1946.
- 67 Idem.
30Pour beaucoup de patients, notamment les jeunes hommes, l’impuissance est la source d’une honte profonde qui peut parfois virer, selon le vocabulaire de Bourguignon à l’« obsession » ou au désespoir. Fabrizio L., agriculteur de 28 ans, ne parvenant pas à avoir un rapport sans que « [l]a femme [ne] s’aperçoive de la faiblesse de l’érection » confie ainsi que « s’il en avait le courage, il se tuerait »65. Jacques T., fabricant de chaussures de 27 ans est, lui, tiraillé par la crainte de l’échec car il n’a jamais « pu avoir de rapports normaux parce que dès que l’érection est produite par les excitations manuelles ou buccales, l’éjaculation se produit66 ». Sa timidité est liée à ses craintes vis-à-vis de sa masculinité par rapport aux autres hommes : « ainsi il ne peut uriner que lorsqu’il est parfaitement isolé » et de ce qu’il perçoit comme son incompétence sexuelle : « il a peur et se dit “qu’il ne sait pas faire cela” »67. Il consulte précisément car il aime une jeune femme mais n’ose pas déclarer ses sentiments en raison de son impuissance.
- 68 Idem, dossier no 4004, examen médical, 1949.
- 69 Idem, dossier no 3953, lettre de Jules W. à Bourguignon, 1948.
- 70 Idem, examen médical.
31La perspective du mariage ou le souhait de ne pas décevoir la personne aimée est un motif fréquemment évoqué au cabinet, comme le décrit Nicolas F., industriel de 22 ans « qui fait un mariage d’amour68 » et s’inquiète de n’avoir jamais pu réaliser un rapport jusqu’ici. De même, c’est son récent mariage qui pousse Jules W., coursier à la SNCF de 26 ans, à demander un rendez-vous à Bourguignon en s’alarmant du fait que « [m]arié depuis peu, [il est] impuissant à remplir [s]es devoirs69 ». Au-delà des craintes sur sa propre virilité, son dossier révèle également une réelle inquiétude pour son épouse. Venant d’apprendre qu’il est porteur de syphilis héréditaire, il s’inquiète de ne « pas être comme les autres, et qu’il ne sera jamais un homme et qu’il va contaminer sa femme70 ».
32Le contexte dans lequel ces hommes s’expriment permet ponctuellement, probablement de manière restreinte, l’expression de leurs sentiments. On peut imaginer néanmoins que cette parole est limitée tant par les normes d’un modèle dominant de masculinité qui stigmatise l’émotivité que par le rapport entre médecin et patient au cabinet. Néanmoins, ces dossiers offrent des pistes heuristiques pour mettre à jour la pluralité des motivations et des émotions qui amènent les hommes à consulter pour impuissance sexuelle au cabinet de Bourguignon. Ce faisant, et malgré leurs limites, ils démontrent la pluralité des expériences où les hommes ne sont pas les simples dépositaires des normes de virilité.
⁂
- 71 Pascale Trompette et Dominique Vinck, « Retour sur la notion d’objet-frontière », Revue d’anthropo (...)
- 72 André Béjin, « L’éjaculation prématurée… », art. cité.
33Particuliers car propres aux pratiques cliniques développées par Bourguignon, ces dossiers de patients apportent néanmoins un éclairage intéressant sur la prise en charge de l’impuissance de l’entre-deux-guerres aux années 1950. Dans un premier temps, ils soulignent la particularité de la clinique de Bourguignon, qui développe des formes de protocole de prise en charge de l’impuissance à partir de l’examen somatique de l’émotivité. En prenant comme objet l’émotivité et les troubles nerveux, Bourguignon semble s’inscrire dans une époque particulière, où l’impuissance sexuelle est constituée comme un « objet frontière71 » entre différentes spécialités médicales (psychiatrie, endocrinologie, urologie) qui définissent diverses compréhensions de l’impuissance72 et modalités de traitement. D’autre part, en retranscrivant avec minutie les parcours de ses patients, Bourguignon laisse des traces sur les rapports de masculinités au sein de la clinique, lieu où certains expriment leur désarroi et d’autres le font deviner, lieu où l’hétéronormativité se consolide et est (re)produite.
- 73 Anne-Marie Sohn, Du premier baiser à l’alcôve. La sexualité des français au quotidien (1850-1950), (...)
- 74 Taline Garibian, « Les patient·e·s du docteur Forel », art. cité, p. 72.
34Il faut souligner que le traitement de l’impuissance sexuelle n’est pas un savoir activement construit par Bourguignon mais plutôt la conséquence de la demande des patients qui le consultent. Cette demande, et les modalités par lesquelles elle s’exprime, s’inscrit le contexte d’une érotisation du couple et de la valorisation du plaisir sexuel des deux partenaires au sein du mariage, entamée dès la fin du xixe siècle, et marquée par l’avènement d’une nouvelle science sexologique dans l’entre-deux-guerres73. Ainsi, les dossiers de Bourguignon permettent d’étudier les préoccupations « ordinaires » autour de la sexualité, qui, comme le souligne Taline Garibian sont « loin[s] de la psychopathologie sexuelle et de la figure repoussoir du pervers qui ont beaucoup capté l’attention des historien·ne·s de la sexualité74 ». Ils soulignent le caractère collectif de la construction de l’impuissance sexuelle comme problème médical qui engage tant le praticien que ses patients, qui en définissent la nécessité ainsi que le succès ou l’échec des traitements. Si Bourguignon emploie parfois la chronaxie vestibulaire pour témoigner de l’efficacité du soin donné, ce sont ainsi les patients qui détiennent l’autorité finale de la guérison en certifiant le retour à la sexualité désirée ou en abandonnant le traitement.
Notes
1 Anne Rasmussen, « L’électrothérapie en guerre : pratiques et débats en France (1914-1920) », Annales historiques de l’électricité, 8, 2010, p. 73-91, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/ahe.008.0073.
2 Paul Chauchard, « À propos du cinquantenaire de la chronaxie : l’importance de l’œuvre de Louis Lapicque en neurophysiologie », Revue d’histoire des sciences, 13/3, 1960, p. 247-258. En ligne : https://www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1960_num_13_3_3855 (consulté le 5 février 2020).
3 La rhéobase désigne l’intensité minimale de courant électrique continu nécessaire pour obtenir l’excitation d’un élément organique.
4 Stéphane Rodriguez, Hospice de la Salpêtrière. Dossiers médicaux de patients suivis par le laboratoire d’électro-radiothérapie 1910-1959, Tome 1, Services des Archives APHP, 107R.
5 Jean-Yves le Naour, Misères et tourments de la chair durant la grande guerre, Paris, Aubier, 2002, p. 12 et 13.
6 Stéphane Audoin-Rouzeau, « La grande guerre et l’histoire de la virilité », dans Alain Corbin (dir.), Histoire de la virilité, t. 2, Le triomphe de la virilité. Le xixe siècle, Paris, Seuil, 2011, p. 409-416.
7 Jean-Yves le Naour, Misères et tourments de la chair…, op. cit.
8 Maxime de Palmas, L’impuissance génitale émotive, thèse de médecine sous la présidence du professeur Abadie, Faculté de médecine et de pharmacie de l’Université de Bordeaux, 1924, p. 24.
9 Les échanges épistolaires sont une source privilégiée pour étudier l’histoire de l’impuissance, et ce particulièrement dans la période moderne. À ce sujet, consulter les travaux de Nahema Hanafi, « “Je décharge quelquefois sans bander parfaitement…” : évocations masculines de la sexualité avec le médecin Samuel-Auguste Tissot », Dix-huitième siècle, 47, 2015, p. 103-118, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/dhs.047.0103. Pour le xxe siècle, Lesley A. Hall a étudié les correspondances entre Marie Stopes et ses lecteurs dans son livre Hidden Anxieties. Male Sexuality, 1900-1950, Cambridge, Polity Press, 1991. Voir également les travaux de Taline Garibian, « Les patient·e·s du docteur Forel », Histoire, médecine et santé, 12, 2018, p. 57-72, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.1161.
10 Angus McLaren, Impotence. A Cultural History, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2007 ; Emmanuelle Bonetti, « L’impuissance et son traitement », Annales. Histoire, Sciences sociales, 62/2, 2007, p. 327-351, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/anna.622.0327 ; André Béjin, « L’éjaculation prématurée selon les médecins et les sexologues français de 1830 à 1960 », Sexologies. European Journal of Sexual Health, 16/3, 2007, p. 195-202, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1016/j.sexol.2007.05.002.
11 Roy Porter, « Doing Medical History from Below », Theory and Society, 14/2, 1985, p. 175-198, en ligne: https://0-www-jstor-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/stable/657089 (consulté le 5 février 2020).
12 Georges Bourguignon et Renée Déjean, « Double chronaxie du système optique de l’homme », Académie des Sciences, t. 180, 1925, p. 169.
13 Georges Bourguignon et Haldane, « Évolution de la chronaxie au cours de la crise de tétanie expérimentale par hyperpnée volontaire chez l’homme », Académie des Sciences, t. 180, 1925, p. 321.
14 Georges Bourguignon, « La chronaxie dans la sclérose latérale amyotrophique », Réunion neurologique annuelle, juin 1925.
15 Jean-Claude Dupont, « Autour d’une controverse sur l’excitabilité : Louis Lapicque et l’école de Cambridge », dans Jean-François Picard, Claude Debru et Jean Guyon (dir.), Les sciences biologiques et médicales en France, 1920-1950, Paris, CNRS éditions, 1994, p. 7.
16 Georges Bourguignon et Paul Schiff, « La chronaxie chez les asthéniques », L’Encéphale, 19/1, 1924, p. 247.
17 Georges Bourguignon, « Relations de la chronaxie vestibulaire avec l’émotivité, à l’état normal et dans le pseudo-mongolisme et la démence précoce », Compte-rendu de l’Académie des Sciences, 1931, p. 250.
18 Georges Bourguignon, « Les trois chronaxies vestibulaires et les trois canaux semi-circulaires chez l’homme normal », Archives d’électricité médicale, 41, 591, 1933, p. 422.
19 Bibliothèque de l’Académie de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 3571, feuille d’examen, 1946.
20 Il préside la Société française de neurologie, la Société d’électro-radiologie médicale, le syndicat général des médecins français électrologues et radiologistes, l’Union des syndicats du corps médical des hôpitaux de Paris et la Fédération corporative des médecins de la région parisienne. Bibliothèque de l’Académie de médecine, dossier biographique de Georges Bourguignon, Notice biographique de Témerson, 1963.
21 Jean-Claude Dupont, « Autour d’une controverse sur l’excitabilité… », art. cité.
22 Ibid., p. 9.
23 Ibid.
24 Bibliothèque de l’Académie de médecine, dossier biographique de Guy Laroche, article de Jean Roche, « Éloge de Guy Laroche (1884-1984) », 1985.
25 Guy Laroche et Et. Bompard, « Essais de traitement de l’impuissance sexuelle masculine par l’hormone mâle », Le Progrès médical, 15, 1938, p. 530.
26 Dans sa thèse de médecine consacrée aux indications thérapeutiques de l’hormone mâle, Roger Naillat déplore ainsi que « bien des espérances [aient] été déçues » par le traitement hormonal de l’impuissance. Roger Naillat, L’hormone mâle. Mise au point des indications thérapeutiques actuelles, thèse pour le doctorat en médecine, Faculté de médecine de Paris, 1938, p. 50. Pour des travaux sur la fréquence du facteur psychique dans l’impuissance, consulter également Mariot-Max Palazzoli, Déficiences sexuelles masculines d’origine émotive, Paris, Masson et Cie, 1946.
27 Pour des raisons d’anonymat, les informations d’identification ont été remplacées par des noms d’emprunt afin de faciliter la lecture. Les dates exactes de consultation des patients ont également été effacées de sorte à ne garder que l’année.
28 Bibliothèque de l’Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 3225, lettre de Bourguignon à Laroche, 1945.
29 Idem, dossier no 3805, lettre de Bourguignon à Laroche, 1947.
30 Idem, dossier no 3126, lettre de Bourguignon à Laroche, 1944.
31 Bourguignon ne donne pas de définition personnelle de la psychasthénie mais la présente comme un trouble nerveux lié à des angoisses et inhibitions.
32 Je n’ai pas encore trouvé à ce jour d’article ou de communication témoignant des recherches que les deux médecins auraient effectuées ensemble. Bourguignon affirme ainsi à l’un de ses confrères en 1946 avoir montré « dans un travail avec Guy Laroche encore inédit […] que tous les impuissants ont une augmentation des chronaxies Vestibulaires », dossier no 3630, lettre adressée à un collègue médecin, 1946.
33 Idem, dossier no 3991, lettre de Bourguignon à un collègue médecin, 1949.
34 Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 3981, lettre de Bourguignon au médecin chargé du traitement, 1949.
35 Idem, dossier no 4233, lettre de Bourguignon au médecin chargé du traitement, 1951.
36 Tous les patients venant faire une chronaxie vestibulaire ne décident pas forcément de suivre un traitement. D’autre part, certains effectuent le traitement à domicile, à la Salpêtrière ou auprès d’un médecin de province, ce qui ne permet pas d’évaluer la part totale d’abandon. Néanmoins, pour 95 dossiers consultés, j’ai pu noter 21 cas où l’arrêt du traitement est clairement signalé dans les dossiers.
37 Idem, dossier no 3780, lettre du patient à Bourguignon, 1947.
38 Académie de médecine, fonds Bourguignon, dossier no 4004, lettre de Bourguignon à Laroche, 1949.
39 Idem, dossier no 3630, lettre du patient à l’une des filles de Bourguignon, 1948.
40 Idem, dossier no 3265, examen médical, 1945.
41 Lesley A. Hall, Hidden Anxieties…, op. cit.
42 Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, édition établie par Meoïn Hagège et Arthur Vuattoux, Paris, Éditions Amsterdam, 2014.
43 Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 638, examen médical, 1925.
44 Idem, dossier no 3416, examen médical, 1945.
45 Idem, dossier no 4458, examen médical, 1953.
46 Idem.
47 Idem, dossier no 3477, examen médical, 1945.
48 Idem, lettre de Bourguignon à Laroche, 1945.
49 Idem, dossier no 4445, note de Joseph S., 1953.
50 Idem, dossier no 3294, examen médical, 1945.
51 Idem, dossier no 3725, examen médical, 1947.
52 Idem, dossier no 3771, examen médical, 1947.
53 Idem, dossier no 3831, examen médical, 1948.
54 Idem, dossier no 3628, examen médical, 1946.
55 Idem, dossier no 3567, examen médical, 1946.
56 Idem.
57 Idem.
58 Idem.
59 Nahema Hanafi, « “Je décharge quelquefois”… », art. cité, p. 122.
60 Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Fonds Bourguignon, dossier no 469, lettre de Hugues F. à Bourguignon, 1924.
61 Idem, examen médical, 1924.
62 Idem, dossier no 3199, examen médical, 1944.
63 Elizabeth Stephens, « Pathologizing Leaky Male Bodies: Spermatorrhea in Nineteenth-Century British Medicine and Popular Anatomical Museums », Journal of the History of Sexuality, 17/3, 2008, p. 421-438, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/rac.006.0005. Consulter également les travaux d’Annie Potts, « ‘The Essence of the Hard On’. Hegemonic Masculinity and the Cultural Construction of ‘Erectile Dysfunction’ », Men and Masculinities, 3/1, 2000, p. 85-103, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1177/1097184X00003001004.
64 Idem, dossier no 3771, examen médical, 1947.
65 Idem, dossier no 1223, examen médical, 1929.
66 Idem, dossier no 3606, examen médical, 1946.
67 Idem.
68 Idem, dossier no 4004, examen médical, 1949.
69 Idem, dossier no 3953, lettre de Jules W. à Bourguignon, 1948.
70 Idem, examen médical.
71 Pascale Trompette et Dominique Vinck, « Retour sur la notion d’objet-frontière », Revue d’anthropologie des connaissances, 3/1, 2009, p. 5-27, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/rac.006.0005.
72 André Béjin, « L’éjaculation prématurée… », art. cité.
73 Anne-Marie Sohn, Du premier baiser à l’alcôve. La sexualité des français au quotidien (1850-1950), Paris, Aubier, 1996. Voir également Alain Corbin, « La relation intime ou les plaisirs de l’échange », dans Philippe Ariès et George Duby (dir.), Histoire de la vie privée, t. 4, Paris, Seuil, p. 503-562 ; Annick Ohayon, « L’émergence d’un mouvement sexologique français (1929-1939), entre hygiénisme, eugénisme et psychanalyse », PSN - psychiatrie, sciences humaines, neurosciences, 1/4, 2003, p. 50-61, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1007/BF03027615 ; André Béjin, « L’éjaculation prématurée… », art. cité.
74 Taline Garibian, « Les patient·e·s du docteur Forel », art. cité, p. 72.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Camille Bajeux, « L’impuissance sexuelle au cabinet du Docteur Bourguignon (1924-1953) », Histoire, médecine et santé, 16 | 2021, 121-139.
Référence électronique
Camille Bajeux, « L’impuissance sexuelle au cabinet du Docteur Bourguignon (1924-1953) », Histoire, médecine et santé [En ligne], 16 | hiver 2019, mis en ligne le 24 décembre 2020, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/2791 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.2791
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