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Hygiène du cadavre

Pratiques médicales, pratiques sociales autour du corps embaumé dans l’Espagne du xixe siècle

Medical practices, social practices about the embalmed body in 19th century Spain
Prácticas médicas y prácticas sociales en torno al cuerpo embalsamado en la España del siglo XIX
Isabelle Renaudet
p. 19-40

Résumés

Comme partout en Europe occidentale, l’embaumement se développe en Espagne au xixe siècle en lien avec les nouvelles techniques d’injection qui rendent possible la conservation indéfinie des corps. L’article examine les incidences de l’essor de l’embaumement : sur les pratiques d’inhumation mais aussi sur le plan économique, avec la naissance d’un nouveau marché de la mort. Les acteurs de ce marché sont identifiés : l’État, qui tente de le réguler ; les médecins, qui mettent leur savoir en matière de thanatopraxie au service de la société ; les usagers enfin. Les pratiques sociales qui naissent de la possibilité de conserver indéfiniment les corps sont mises en évidence à travers l’exemple de la fille du Dr Velasco dont le cadavre a été momifié. Dans une perspective d’histoire de la mort, l’article montre comment la technique de l’embaumement favorise la circulation des corps et comment les cadavres embaumés deviennent un objet de culte pour les familles.

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Texte intégral

  • 1 Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, Imp. Fausto Muñoz, Malaga, 1894.
  • 2 Veo con bastante indiferencia cuanto tiende a conservar [los cuerpos], ibid., p. xiv.
  • 3 una masa de substancia, ibid.
  • 4 eterna circulación de la materia y de las energías, ibid.
  • 5 el mejor procedimiento higiénico, ibid.

1Sollicité en 1894 pour rédiger le prologue d’un ouvrage intitulé El arte de embalsamar1, le titulaire de la chaire d’hygiène de la Faculté de médecine de Barcelone, Rafael Rodríguez Méndez (1845-1919) avouait considérer avec une « certaine indifférence tout ce qui tend à conserver (les corps)2 ». Bien que Rodríguez Méndez rende justice à la démarche de l’auteur dont il préfaçait le livre, son jugement n’en restait pas moins réservé face à une technique constituant à ses yeux un terrain peu sûr, analysé au prisme de logiques contradictoires : la logique hygiéniste qu’il défend, les pratiques sociales qu’il condamne. Trois arguments fondent le scepticisme de l’universitaire barcelonais face à l’embaumement. Il est en soi inutile compte tenu de la conception strictement matérialiste qui commande son approche du corps mort, perçu comme une « masse de substances3 » réduite à des éléments chimiques et dont la destinée est de se fondre « dans la circulation de la matière4 ». En outre, dans la panoplie des dispositifs de santé publique visant à protéger les populations contre les dangers potentiels de la décomposition cadavérique, l’embaumement occupe une position subalterne par rapport à l’incinération qualifiée par Rodríguez Méndez de « meilleur procédé hygiénique5 » pour vider l’objet corps de la menace qu’il recèle. Ainsi disqualifié, l’embaumement s’est pourtant imposé du fait de considérations relevant du registre de l’affectivité et/ou des convenances sociales. Seule sa capacité à apaiser la douleur face à la perte des êtres chers expliquerait son essor.

  • 6 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique. France, xixe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2 (...)

2Ce témoignage nous a semblé pertinent pour interroger les conflits d’intérêts autour des usages du cadavre embaumé, opposant hygiène publique d’un côté, deuils privés de l’autre. Les deuils qui seront analysés ici mettent en jeu la conservation indéfinie des corps qui se développe au cours du xxe siècle en lien avec les nouvelles techniques de l’injection, rompant avec la pratique mutilante des embaumements traditionnels6. La tentation que cette pratique a pu alimenter au sein des familles de soustraire la dépouille à l’inhumation sera questionnée. À travers ces dérives, il s’agira de saisir ce que le corps embaumé fait aux vivants. En quoi contribue-t-il à déplacer les frontières entre leur monde et celui des morts au point que les premiers puissent envisager de cohabiter avec les seconds ?

La place des morts

  • 7 L’expression est reprise des travaux de Régis Bertrand, Mort et mémoire. Provence, xviiie-xxe sièc (...)
  • 8 Sur ce point on renverra à la bibliographie disponible dans Isabelle Renaudet, « Du camposanto à l (...)
  • 9 Felipe Monlau, Elementos de higiene pública, s.n., 1847, notamment « De la policía pública », p. 1 (...)
  • 10 Au-delà de cet attachement à l’inhumation dans les églises, mentionnons que les efforts déployés p (...)
  • 11 No todas las ciudades han adoptado aún el uso de los carros fúnebres que son sumamente útiles para (...)

3La transition funéraire7 conduisant les sociétés occidentales à séparer les vivants des morts en assignant à ces derniers un espace qui leur est propre, est initiée en Espagne par le décret de 1787 de Charles III qui constitue l’un des premiers actes de naissance du cimetière contemporain8. Dans ce processus de régulation visant à instaurer de nouvelles normes dans le champ du funéraire, la profession médicale a joué un rôle essentiel aux côtés des pouvoirs publics, prescripteurs en la matière, pour imposer de nouvelles pratiques d’inhumation. Partie prenante de la formation des étudiants, les principes de la police mortuaire constituent un passage obligé des grands traités d’hygiène publique rédigés notamment par Felipe Monlau (1808-1871) ou Juan Giné (1836-1903)9. L’enseignement de ces maîtres a été relayé efficacement, tout au long du siècle, par la presse médicale qui accompagne nombre de médecins dans l’exercice quotidien de leur art. Ces derniers, en tant qu’hommes de terrain, sont confrontés directement aux formes de résistance qu’oppose leur clientèle aux nouveaux usages en vigueur. La logique de réification de l’objet cadavre que les médecins tentent d’imposer se heurte à des manifestations multiples d’attachement à la dépouille, sacralisée par les proches, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie sociale. Au sommet parmi les élites aristocratiques et les dignitaires de l’Église, la réticence à enterrer ses morts dans un cimetière et non dans les églises est vive, à la hauteur de ce qui est en jeu : renoncer à un privilège marqueur de distinction sociale10. À l’autre bout de l’échelle, la difficulté à adapter les anciennes pratiques aux nouvelles normes est tout aussi forte. Le transport du cadavre jusqu’à sa dernière demeure est ainsi source de conflit : le port à bras du cercueil recule lentement face à l’obligation de recourir aux services des corbillards des pompes funèbres, qui se diffusent à partir des années 1830 dans la société. En 1880 encore, dans un mémoire présenté à l’Académie royale de médecine, intitulé « Réflexions au sujet des cimetières et de leur insalubrité », son auteur souligne que « toutes les villes n’ont pas encore adopté l’usage des corbillards qui sont extrêmement utiles pour les localités de premier ordre, dont les cimetières sont éloignés »11. Dans un environnement législatif dense posant les fondements d’une nouvelle police mortuaire, quelle place occupe la technique de l’embaumement des corps ?

  • 12 Cité dans Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, op. cit., p. xvi.
  • 13 Médecin catalan dont les travaux ont marqué diverses spécialités (chirurgie, dermatologie), Giné e (...)
  • 14 On trouvera des éléments de contextualisation de ce retard espagnol dans Leoncio López-Ocón Cabrer (...)
  • 15 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », art. cité, p. 217-22 (...)
  • 16 Juan Giné y Partagás, Curso elemental de higiene privada y pública, op. cit., t. II, p. 483-485.
  • 17 Cité dans Ricardo Campos Marín, Monlau, Rubio, Giné, op. cit., p. 112.
  • 18 On notera que Rodríguez Méndez et Giné évoluent dans la même sphère professionnelle et appartienne (...)

4Dans la perspective d’étude comparée adoptée dans le texte qui tient lieu de préface à l’ouvrage El arte de embalsamar, Rodríguez Méndez souligne le caractère modeste de la contribution espagnole à l’élaboration de cette méthode. Rattachant l’œuvre de son auteur Ramón Martín Gil à la généalogie des découvreurs qui ont marqué ce champ dans l’Europe des xviiie-xixe siècles12, il ne cite parmi ces prestigieux représentants qu’un seul de ses compatriotes, Juan Giné13. La position asymétrique qu’occupe l’Espagne par rapport aux pays voisins en matière de production de savoirs se reflète dans l’énumération déséquilibrée de noms appartenant tous à des médecins non espagnols14. Il faut dire que lorsque les travaux de Giuseppe Tranchina (1797-1837) ou Jean-Nicolas Gannal (1791-1852) commencent à gagner en renommée dans les années 1830, l’Espagne sort à peine de l’isolement scientifique dans lequel le débat d’idées a été maintenu pendant la période de la réaction absolutiste correspondant au règne de Ferdinand VII (1814-1833). À partir de 1833, les sciences médicales s’engagent dans un processus de rattrapage de leur retard qui ne portera vraiment ses fruits que dans les années 1860-187015. C’est justement durant cette période (en 1864 exactement) que le mémoire rédigé par Juan Giné, intitulé De l’emploi de l’acide phénique dans les embaumements humains16, est présenté devant l’Académie de médecine de Barcelone. Cet apport espagnol au débat émane d’un acteur qui n’est pas encore devenu l’une des grandes figures de la médecine. Après l’obtention de son doctorat, Giné commence en effet sa carrière à la faculté de médecine de Barcelone où il a été nommé en 1863 assistant des travaux pratiques et expérimentaux17. Ce n’est que plus tard, en 1867, que sa carrière se consolide vraiment, lorsqu’il est nommé titulaire de la chaire d’hygiène au sein de cet établissement. Au-delà de ses travaux qui feront date dans le domaine de la psychiatrie, Giné a su utiliser sa position institutionnelle d’universitaire pour moderniser l’enseignement médical. Son ascension se poursuit jusqu’en 1892, date à laquelle il occupe la fonction de doyen de la faculté de médecine de Barcelone18. Giné est donc une autorité dans le monde de la médecine.

5Les sources indiquent toutefois que bien avant Giné (au moins vingt ans plus tôt), d’autres ont contribué à la diffusion des techniques de l’embaumement en Espagne. Dès novembre 1844 en effet, les docteurs Matías Nieto Serrano (1813-1902), Elias Polín et José Simó, membres du Service de Santé de l’Armée, assurent la publicité dans la presse de la méthode qu’ils ont élaborée et dont ils conservent l’exclusivité. Améliorée par leurs soins, elle s’inspire des travaux de Jean-Nicolas Gannal. Si elle ne semble pas avoir été promise à un grand succès, cette méthode n’en a pas moins laissé des traces. Dans son ouvrage Elementos de higiene pública publié en 1847, Felipe Monlau y fait explicitement référence en précisant que les associés poursuivent leurs expériences, en ces termes :

  • 19 Por una incisión de pocas líneas, en uno de los lados del cuello, se inyecta el sistema vascular c (...)

À partir de quelques lignes d’incision sur un côté du cou, on injecte les liquides destinés à la conservation du corps, dans le système vasculaire [l’opération durant un quart d’heure] et ne nécessitant ni l’extraction de la moindre partie du corps, ni de dépouiller le cadavre du drap mortuaire qui l’enveloppe19.

  • 20 Juan Riera Palmero, « Matías Nieto y Serrano (1813-1902) y la medicina romántica », V Congreso Nac (...)
  • 21 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », art. cité, p. 218. P (...)

6Le silence de Rodríguez Méndez à l’égard des expérimentations menées par Nieto Serrano, Polín et Simó dans le champ de l’embaumement s’explique sans doute par le fait que leur nom ne reste pas attaché à cet art. Nieto Serrano est pourtant loin d’être un acteur secondaire. Sa propension à animer le débat d’idées lui a assuré une large notoriété20. La presse lui en offre l’occasion dès les années 1840. Particulièrement actif dans ce domaine, sa plume reste liée à La Gaceta médica (1845-1853) qu’il a fondée ainsi qu’à El Siglo médico (1854-1936), périodique de référence à la longévité remarquable. Il emploie également ses talents d’orateur dans les grandes polémiques qui opposent Anciens (partisans du vitalisme hippocratique dont il est un représentant avec Francisco Méndez Alvaro et Tomás Santero) et Modernes (adeptes du mécanicisme positiviste et expérimental conduits par Pedro Mata Fontanet) comme en 1859 au sein de l’Académie royale de médecine21. Ses idées en matière médicale, traditionnelles, trouvent un prolongement dans son positionnement politique, conservateur. L’Académie nationale de médecine qu’il intègre (et dont il deviendra président) lui fournit une tribune tout en consolidant sa renommée. Si prestigieux que soient les éléments de ce cursus honorum, ils n’en font pas moins de Nieto Serrano un homme du passé, une figure de la médecine de l’époque romantique, éloignée de l’image de la modernité médicale telle que l’entend Rodríguez Méndez, partisan du positivisme et républicain de sensibilité.

  • 22 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique, op. cit.
  • 23 La société, située à Madrid, Calle del Caballero de Gracia, au numéro 5-7, s’est dotée d’un représ (...)
  • 24 1 réal équivaut à l’époque à environ 25 pesetas.
  • 25 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique, op. cit., p. 140.

7Si elles ne sont pas passées à la postérité, les expériences de Nieto Serrano n’en sont pas moins intéressantes pour l’historien, éclairant la façon dont la pratique de l’embaumement s’est construite professionnellement en Espagne. Cette construction passe en premier lieu par l’adaptation au terrain espagnol de savoirs et savoir-faire venus de l’étranger. Par rapport à Giné, l’action de Nieto Serrano et de ses associés se situe en effet indéniablement moins sur le terrain de l’innovation que de l’adaptation en ayant introduit de ce côté des Pyrénées la technique de l’injection, élaborée par Gannal. La pratique de l’embaumement qu’ils incarnent participe en outre de ce climat décrit par Anne Carol pour la France, qui préside au transfert d’une pratique médicale vers le marché du funéraire22 : cultivant l’art du secret pour mieux lutter contre la concurrence, Nieto Serrano, Polín et Simó ne se situent pas dans une démarche de transparence comparable à celle de Giné, largement publicisée au contraire ; ils entretiennent également un rapport marchand à leur art en ayant fondé une société proposant leurs services aux particuliers23. Ce que la publicité laisse entrevoir de leurs tarifs situe l’opération à un niveau élevé (4 000 réaux, soit 100 000 pesetas24), témoignant que la demande sociale émane surtout des classes aisées. Aucune mention n’est faite de soins prodigués à moindre coût, voire gratuitement, en fonction des revenus de la clientèle, comme le fait Gannal en France25.

8Ces données permettent de saisir les évolutions traversant la pratique de la médecine dans les années 1840, engagée sur la voie d’un exercice libéral envisageant la demande de soins de conservation comme un marché. Le corps mort devient l’objet d’un rapport marchand impliquant l’expertise des médecins, cette offre répondant à la sollicitation de la clientèle constituée par la famille du défunt. « Faiseurs de corps embaumés » plus qu’inventeurs de nouveaux procédés, Nieto Serrano et ses associés ouvrent en tout cas la voie à une formule que d’autres après eux suivront : tirer profit des compétences acquises dans l’art de conserver les corps.

  • 26 Paru à Barcelone, Imp. de J. Ribet, 1857, 16 pages.
  • 27 Alfonso Galnares Ysern, « Bibliofila Médicolegal », Cuadernos de Medicina Forense, 39, janvier 200 (...)
  • 28 Juan Giné y Partagás, Memoria sobre la necesidad lógica de ampliar los estudios anatómicos, 1865.

9L’enquête reste à conduire sur l’essor de ce marché. Il semble toutefois s’animer plus tardivement qu’en France. On constate en effet que les travaux des professionnels de santé sur l’embaumement se multiplient à partir de la fin des années 1850 et durant la décennie 1860. L’examen du profil de ces auteurs met en évidence la relation étroite entre leur domaine d’expertise en matière de travaux anatomiques et leur intérêt pour les techniques de conservation des corps. C’est là un phénomène classique qui se vérifie en Espagne comme ailleurs. Ignacio Miguel Pusalgas y Guerris (1790-1874) relève de cette lignée. Préposé à la préparation et conservation des pièces anatomiques, directeur du Musée anatomique de la faculté de médecine de Barcelone, il publie en 1857 un ouvrage intitulé Reseña histórica del arte de embalsamar los cadáveres, conservar y preparar las piezas anatómicas naturales y artificiales para el estudio y enseñanza de la organización humana normal y patológica26, issu de son expérience de dissecteur et adossé aux travaux menés en France par Jean-Nicolas Gannal et Jean-Pierre Boissié-Sucquet. Le titre de l’ouvrage témoigne de l’usage opératoire qu’il fait de l’embaumement comme technique de conservation utile à la connaissance anatomique du corps humain, conçue comme un livre où la médecine puise ses savoirs. Le discours de Pusalgas prend toutefois en compte d’autres considérations mettant en jeu le service que la médecine peut rendre à la société en aidant à conserver l’image des défunts pour leurs proches27. Comme dans le cas de Pusalgas, Pedro González de Velasco (1815-1882) dont la trajectoire croise la pratique de l’embaumement, entretient avec le cadavre un commerce étroit que cela soit par l’expertise qu’il a acquise en matière de dissection ou dans les travaux anatomiques. Giné lui-même fait paraître un an après son ouvrage sur l’emploi de l’acide phénique dans les embaumements humains, un mémoire portant sur la nécessité d’étendre les études anatomiques28. La proximité de ces pratiques conduit ces hommes à devenir des experts en matière d’embaumement.

  • 29 Paru à Madrid, Imp. Zacarías Soler, 1862, 51 pages.
  • 30 Juan Giné y Partagás, Curso elemental de higiene privada y pública, op. cit., t. II, p. 483.
  • 31 El arte de embalsamar, o mejor de momificar y hacer incorruptible los tejidos orgánicos, ha llegad (...)
  • 32 [solo tiene por objeto satisfacer] un capricho del cariño de familia, o la ostentación de la grand (...)

10Parmi les spécialistes qui s’y distinguent, les pharmaciens occupent également une place à part. Les méthodes modernes qui impliquent la maîtrise des substances chimiques injectées dans le corps (propriétés antiputrides des sels d’alumine mises en évidence par les travaux de Gannal, du sulfate de zinc, du chlorure de zinc et des sulfates alcalins à partir des années 1840 avec les travaux de Sucquet) expliquent cet intérêt. Certains de ces travaux relèvent toutefois du simple exercice académique et n’ouvrent pas sur une véritable spécialisation dans le métier. C’est le cas de Pedro Gil Municio, licencié en pharmacie et apothicaire à la cour, qui prononce en 1862 un discours devant le conseil de l’Université de Madrid à l’occasion de l’acte d’investiture l’élevant au rang de docteur de la faculté de pharmacie, intitulé Reseña histórico-cronológica de los embalsamientos29. Bien que de circonstance, ce travail n’en témoigne pas moins que l’embaumement est dans l’air du temps. La découverte durant les années 1860 des propriétés antiseptiques de certains produits, notamment de l’acide phénique, stimule les expérimentations. Globalement, la technique de l’embaumement des corps devient d’autant plus efficace qu’elle répond de mieux en mieux à toute une série d’exigences : emploi de substances non vénéneuses ; possibilité de conserver le cadavre, de façon temporaire ou permanente, quelles que soient la température et les conditions hygrométriques ; altération réduite du volume, de la forme et de la couleur de la superficie de la dépouille ; économie dans les matériaux utilisés. Giné divulgue la technique qu’il utilise à partir de 1864 : il introduit dans la carotide artérielle deux tubes, l’un dirigé vers le cœur, l’autre vers la périphérie afin d’y injecter une solution d’acide phénique dans la proportion de 8 % d’alcool. Une fois le système vasculaire rempli, ce qui se vérifie à partir du volume de l’abdomen qui grossit et parce que la dissolution employée suinte au niveau des muqueuses nasales, il enveloppe le cadavre avec des compresses imbibées d’une solution très concentrée d’acétate d’alumine, solution destinée à endurcir l’épiderme et à empêcher que l’acide phénique, très volatile, ne s’échappe par exosmose à travers les tissus superficiels de la peau30. Juan Giné juge sa méthode, adoptée par certains de ses confrères en Espagne, supérieure à celle de Sucquet et au moins égale à celle employée par Bonifacio et Capron. Les techniques mises en œuvre qui ne cessent de s’améliorer font donc « que l’art d’embaumer, ou mieux de momifier et de rendre incorruptible les tissus organiques, est devenu une réalité positive31 » au cours du siècle. Ainsi s’exprime en 1875 Enrique Graells Alcalde, membre d’une société savante, l’Académie médico-chirurgicale de Madrid, dans un discours portant sur la conservation temporelle ou définitive des cadavres, thématique qu’il aborde dans une double perspective : pour l’utilité qu’elle revêt en médecine afin de perfectionner les préparations anatomiques destinées aux amphithéâtres de dissection, mais aussi au nom des exigences sociales afin de satisfaire « le caprice de l’affection familiale, l’ostentation de la grandeur, la puissance des magnats32 ».

11L’ombre portée de cette clientèle, plutôt fortunée, plane dans la littérature médicale consacrée à l’embaumement. Dans quelle mesure les médecins sont-ils disposés à sacrifier à sa demande ? La réponse semble dépendre du degré de professionnalisation dans lequel ils se sont engagés, l’écart étant grand entre ceux qui ont créé des sociétés commerciales et ceux qui pratiquent l’embaumement de façon plus occasionnelle. Le témoignage du Dr Martín Gil qui date de 1894 apporte quelques indications précieuses à ce sujet. L’opération qu’il pratique dure environ deux heures. Martín Gil estime à six heures au total la pénétration totale dans les tissus de la solution injectée, composée de chlorure de zinc (3 l.), d’alcool et d’hydrochlorique d’arsenic (75 gr). La description de sa technique l’inscrit pleinement dans le champ opératoire de la chirurgie, ménageant assez peu la sacralité du cadavre. Ce dernier doit être en effet complètement dénudé, recouvert d’un drap. Martín Gil s’insurge en outre contre l’emploi par ses collègues de carmin pour colorer les lèvres ou les joues du cadavre. Il juge ces pratiques indignes de la médecine, les assimilant à une faute de goût et à un manque de respect vis-à-vis du défunt. Elles sont apparues, précise-t-il, uniquement pour répondre à l’attente des familles. Tout au plus conseille-t-il dans le cas où le cadavre embaumé est celui d’une femme d’arranger sa chevelure. Sa réticence à déroger à son art est rendue patente par le fait qu’il délègue à ses assistants ce genre de tâche, tout comme l’habillement du corps une fois l’opération terminée. Les derniers gestes qui sont dépeints contribuent à la réification des restes : avant de déposer le cadavre dans le cercueil, on disposera à l’intérieur une couche de sciure de bois et de sulfate de zinc recouverts d’une couverture de laine ou d’un morceau de feutre ; on prendra en outre soin de pulvériser sur ses vêtements 60 gr de chloroforme ainsi que de l’essence de lavande et de cannelle.

12Avec ces ultimes gestes commandés par l’hygiène prend fin l’intervention du médecin sur le cadavre. Une fois déposé dans son cercueil, le corps échappe en effet à leur autorité. Les possibles conflits que peut susciter ce mort qui a l’apparence d’un vivant mettent alors en jeu d’autres acteurs, à la croisée de la sphère privée et publique.

La régulation de la pratique : normes sanitaires et police mortuaire

13L’essor de l’embaumement appelle une réglementation qui prend place dans le corpus de textes législatifs relevant de la police mortuaire. À partir des mesures médico-légales que l’embaumement génère, on tentera de dégager la perception qu’en a le législateur et de saisir les pratiques sociales qu’il fait naître.

  • 33 « Real Orden de 19 de Marzo de 1848, Reglas sobre exhumaciones y translaciones de cadáveres, recon (...)
  • 34 Le règne d’Isabelle II prend place entre 1843 et 1868, date à laquelle la souveraine est renversée (...)
  • 35 « Más detalles acerca del último desarrollo de fiebre amarilla a bordo del vapor Isabel II », La E (...)

14Les occurrences réglementaires relatives au statut du corps embaumé concernent en premier lieu le chapitre sensible des exhumations. La pression démographique urbaine, l’édification de nouveaux cimetières, la désaffection des plus anciens, favorisent la circulation des morts. Plusieurs ordonnances sont ainsi prises, le 27 mars 1845, 21 février 1846 et 19 mars 184833, sous le règne d’Isabelle II34, relatives aux règles présidant aux exhumations et au transfert de cadavres. L’ordonnance de 1848 rappelle les modalités législatives devant régir cette opération : délai de deux ans faisant suite à l’inhumation à respecter pour procéder à une exhumation ; autorisation administrative du gouverneur civil à obtenir, ainsi que de l’autorité ecclésiastique, attestation à fournir par deux médecins ou hommes de l’art que l’acte ne contrevient pas à la santé publique (articles 4, 5 et 6). Dans cette perspective, il est intéressant de noter que les seuls restes à échapper à ce dispositif très strict sont les corps embaumés affranchis du délai des deux ans, fixé par la loi, et de l’expertise médicale (article 9). L’embaumement est donc perçu comme une pratique hygiénique permettant de se soustraire aux contraintes pesant sur les corps ordinaires, en cas d’exhumation. Rempart contre la suspicion de contamination miasmatique attachée au cadavre, l’embaumement offre des garanties en termes de santé publique. Cette perception positive du corps embaumé justifie les pratiques anciennes, répondant à certaines situations, notamment lorsqu’il s’agissait de transporter des cadavres sur de longues distances. Le recours à l’embaumement est ainsi attesté en cas de rapatriement des corps des militaires morts dans les colonies, aux Philippines ou aux Antilles. À titre d’exemple, la revue La España médica fait allusion dans un de ses numéros de septembre 1858 au corps « mal embaumé » du général Enna, transporté en 1852 en Espagne depuis Cuba où il avait trouvé la mort35. Géré par la marine, ce ballet des morts se maintient au cours du xixe siècle.

  • 36 « Real Orden disponiendo la forma en que han de verificarse los embalsamamientos, momificaciones y (...)
  • 37 En cire notamment.
  • 38 L’article 6 prévoit aussi le paiement des dissecteurs, embaumeurs et préposés aux moulages, en fon (...)

15Le vide juridique relatif, qui préside à la demande privée relative aux soins de conservation, incite en revanche les pouvoirs publics à intervenir. Cette demande oblige à une vigilance particulière inscrite dans une perspective médico-légale, sur le modèle de l’ordonnance royale du 20 juillet 1861. Ce texte vient combler une lacune en régulant « la façon selon laquelle devront s’effectuer les embaumements, momifications et pétrifications, les formalités que doivent remplir et les droits que doivent percevoir les sous-délégués à la santé au titre de leur présence à ces opérations ainsi que la façon dont les certificats devront être établis36 ». Répondant à la nécessité d’encadrer une activité qui se développe alors, ce dispositif médico-légal est mis en place par les pouvoirs publics, afin de limiter deux types de risque : celui de la mort apparente, celui de l’occultation d’un décès par empoisonnement. Le nouveau cadre légal imposé interdit ainsi d’exécuter toute autopsie et autre opération visant à ouvrir un cadavre en dehors des hôpitaux et écoles de médecine et chirurgie avant que ne se soient écoulées 24 heures après la mort ; ce délai s’applique semblablement aux embaumements et à toute opération portant atteinte aux tissus organiques ; il doit être également respecté dans le cas des masques mortuaires, et pour tout moulage du visage, du cou et du torse, réalisé en plâtre ou dans une autre matière37 (article 1). L’article 2 du texte fixe également les formalités à remplir pour procéder à ces opérations : demande écrite émanant de la famille ; certificat établi par le médecin traitant au moment de la mort éclairant l’identité du défunt et les causes du décès ; présence obligatoire du médecin sous-délégué à la santé, exerçant dans le district, dont la fonction est de vérifier le décès, d’autoriser l’autopsie ou l’embaumement. L’article 3 attribue le monopole des autopsies et autres manœuvres visant à conserver le corps aux médecins ou chirurgiens, à l’exclusion des pharmaciens relégués au rang d’auxiliaires et chargés en particulier de préparer les liquides à injecter. Les articles suivants concernent le procès-verbal de l’acte à rédiger par les médecins, visé par le sous-délégué à la santé du district, consignant le détail des opérations et la composition des substances employées (article 4) ; l’autorité habilitée à recevoir l’acte de décès et le procès-verbal, qui renvoie au maire (article 5) ; les tarifs correspondant aux honoraires du sous-délégué à la santé38, soit 120 réaux au moins (article 6). La perception de l’embaumement comme un risque (d’occultation d’un crime, de négligence concernant la certitude de la mort) dicte donc au législateur cette nouvelle norme destinée à mieux encadrer la pratique.

  • 39 « Real Orden de 28 de Abril de 1875, disponiendo que por acuerdo del Consejo de Sanidad, no puede (...)
  • 40 Consulté par le Gouverneur civil de Madrid au sujet d’un certain nombre de manquements aux règles (...)

16Ce besoin de réguler l’embaumement trouve un autre terrain d’application à l’occasion des conflits nés autour du corps embaumé. Ces conflits portant sur la place des morts opposent la logique publique, gouvernée par la nécessité de se débarrasser de la dépouille, et la sphère privée qui tend au contraire à vouloir la conserver dans l’espace domestique. L’ordonnance datée du 28 avril 187539 est significative à ce titre. Tout en nous éclairant sur le circuit de la prise de décision40 qui aboutit à limiter à trois jours le délai entre l’opération d’embaumement et l’obligation d’inhumer le cadavre, ce texte retient l’attention par ce qu’il révèle des pratiques sociales en usage. Le texte fait en effet mention de cas où :

  • 41 Las inhumaciones de los cadáveres embalsamados se verifican muchos días después de practicado el e (...)

Les inhumations de cadavres embaumés sont effectuées plusieurs jours après que l’embaumement eut été pratiqué, soit que les familles désirent conserver auprès d’elles les restes de personnes aimées, soit du fait de la confiance qu’elles ont acquise de s’être mis à l’abri de toute crainte d’insalubrité grâce à ce procédé, sachant qu’il y a eu un exemple de cadavres embaumés de deux jeunes enfants conservés à domicile durant quelques années dont l’inhumation causait une peine profonde à l’affection que leur portait leur mère41.

  • 42 tan natural y digno de respecto, ibid.
  • 43 aun en el caso de que la ciencia alcanzase la perfección en los embalsamientos, ibid.
  • 44 [por todo eso] no sería circunspecto acceder al sentimiento de unos pocos contra la conveniencia g (...)

17L’arbitrage rendu par le Conseil royal de santé donne la prééminence à la défense de l’intérêt public au détriment de principes relevant du registre de l’affectif. Si la difficulté, qualifiée de « naturelle et digne de respect42 », que l’on peut avoir à se séparer des restes d’une mère, d’un père ou d’un enfant est bien admise, cet argument ne saurait toutefois affranchir les corps embaumés de l’obligation d’être inhumés, comme les autres. Cette position s’inspire de considérations diverses, avant tout hygiéniques. L’étroitesse des habitations est ainsi mise en avant. L’innocuité des embaumements est également questionnée ; elle n’est pas jugée indubitable, dépendant de contingences telles que l’état du cadavre, les compétences de l’embaumeur, le procédé utilisé, l’état du local où le cadavre est entreposé et sa situation. Au cas toutefois où dans l’avenir « la science atteigne la perfection en matière d’embaumement43 », cette perspective ne justifie pas que l’on fasse exception à la loi car les considérations de type moral et social l’emportent in fine dans le débat. Admettre en effet que les cadavres embaumés puissent ne pas être escamotés à la vue des vivants déboucherait sur une situation perçue comme dangereuse et répugnante et reviendrait à « accéder au sentiment de quelques-uns au détriment des convenances générales44 ». Et le rapport du Conseil de santé de conclure :

  • 45 Por más que sea digno de consideración el amor hacia los restos inanimados, la higiene, sobre todo (...)

Si digne de considération que soit l’amour à l’égard de restes inanimés, l’hygiène, surtout s’agissant de sujets relevant de la salubrité publique, doit s’opposer à tout désir qui la contrarie, et une bonne hygiène ne saurait jamais conseiller, étant donné nos habitations et notre manière de vivre, que l’on autorise le dépôt dans les maisons au-delà de trois jours de cadavres qu’ils soient embaumés ou non, lesquels doivent être remis à notre mère l’Église et être conduits vers le lieu ou nécropole par elle sanctifié sous le nom de cimetières ou panthéons situés en dehors des villes et dûment autorisés à cet effet45.

18La règle fixe donc un délai de trois jours maximum après l’embaumement comme limite pour inhumer le corps, ce délai ne s’appliquant pas aux situations d’anomie mortuaire, épidémiques notamment, et pouvant être réduit si le sous-délégué à la santé, partie prenante de l’embaumement, l’estime nécessaire. Ce dernier est en effet amené à jouer un rôle de surveillance sur le cadavre, au-delà de l’opération de l’embaumement proprement dite. Son expertise en la matière étant sans doute difficile à exercer dans l’espace domestique, l’ordonnance prévoit que durant cette séquence de trois jours le cadavre embaumé sera entreposé soit dans l’église, soit dans un dépôt mortuaire.

19La volonté de soustraire la dépouille au contrôle de la famille et de la soumettre au sort commun de l’inhumation est donc rappelée avec force dans ce texte. Ce dernier met-il pour autant un terme aux pratiques de deuils privés fondées sur le refus de se séparer du corps ? C’est là une question que l’on peut se poser quand on envisage les dérives de la demande sociale que les pouvoirs publics disent vouloir combattre.

Dérives de la demande sociale autour des corps embaumés ou heurs et malheurs du corps de Concha

20Même si elle reste un phénomène exceptionnel, pour autant du moins qu’on puisse en juger d’après la documentation, la conservation au domicile familial de cadavres embaumés n’en constitue pas moins un fait insolite. Permettant de saisir des pratiques nées de la technique de l’embaumement, cette situation relève d’une transgression majeure par rapport aux normes en vigueur, quelles que soient les transformations qu’ait pu subir la dépouille. La difficulté qu’il y a à explorer ce type de coexistence entre les vivants et les morts est double : rares, les sources sont également souvent biaisées car émanant d’acteurs extérieurs, pouvoirs publics et médias notamment. Qu’ils soient contemporains ou non des faits en débat, ces acteurs portent en général un regard largement dépréciatif sur ce refus de se séparer des disparus. Leur condamnation repose sur un argumentaire qui, tout en prenant en compte l’abîme de souffrance que peut créer la perte d’un être cher, rappelle le strict respect de la loi. Relevant de l’irrationnel, le refus d’enterrer ses morts est analysé au prisme de schémas narratifs qui reflètent en particulier le poids des représentations collectives.

  • 46 Carolina Coronado se distingue comme l’une des rares femmes de lettres du xixe siècle espagnol. Oc (...)

21La situation évoquée dans l’ordonnance datée du 28 avril 1875 en offre un exemple. Les cadavres embaumés des deux jeunes enfants conservés à leur domicile, auxquels fait référence ce texte, ont échappé à la contrainte de l’inhumation du fait de la décision maternelle incapable de surmonter sa souffrance. La résistance opposée par les mères à la séparation d’avec le corps de l’enfant aimé est un topos du répertoire anecdotique dans lequel s’inscrivent ces récits. Sans vouloir forcer le trait, ils invitent à une lecture par les rapports de genre au sens où on y perçoit, à l’œuvre, une psyché féminine qui serait gouvernée par les émotions et par l’affect. Dans ce rapport malsain au corps mort embaumé dont on n’arrive pas à se détacher, la figure féminine occupe donc une place de choix, de la mère anonyme, dont la déraison résulte de son trop-plein d’amour, à l’artiste romantique incarnée par la poétesse espagnole Carolina Coronado (1820-1911), qui du décès de son mari en 1891 jusqu’à sa propre disparition en 1911, conserve le corps de son époux à son domicile, dans la chapelle de sa demeure située près de Lisbonne au Portugal46.

  • 47 De ses deux patronymes, le second est utilisé pour l’identifier, usage que l’on suivra dans ce tex (...)

22Mères ou épouses éplorées sont donc regardées comme de puissantes instigatrices de ces détournements des usages de l’embaumement. Soluble dans les faiblesses qu’on prête à l’identité de genre de ces égarées, a fortiori si elles sont poétesses comme Coronado, comment ce déni de la mort est-il perçu quand il émane d’hommes ? Pour répondre à cette question, on se reportera à l’exemple de Pedro González de Velasco47.

  • 48 Ce terme de momie est utilisé par les contemporains des faits.
  • 49 María de la Concepción, dite Concha, fille unique de Velasco, née en 1848, morte en 1864 alors qu’ (...)
  • 50 Juan Antonio Cabezas, « Cómo nació una leyenda popular de Madrid », ABC, Madrid, 10 juin 1970, p.  (...)
  • 51 Pedro Massa, « La romántica y escalofriante historia del Doctor Pedro González Velasco, que vivió (...)
  • 52 Luis Ángel Sánchez Gómez, « Una momia en el salón. Los museos anatómicos domésticos del Doctor Vel (...)
  • 53 Notamment par Alba del Pozo, « Divinos cadáveres: género, discurso médico y colecciones anatómicas (...)
  • 54 Enrique Dorado Fernández et al., « La momia de la hija del doctor Velasco. Disección de una leyend (...)

23Évoquer cette figure constitue un passage obligé quand on s’intéresse à l’embaumement dans l’Espagne du xixe siècle. Le fait que Velasco soit un médecin célèbre de l’époque a largement contribué à la notoriété des faits auxquels son nom est associé, mettant en jeu la « momie48 » de sa fille, Concha49, qu’il conserve dans le musée qu’il a créé. Le sens à donner à son geste a donné lieu à une abondante littérature qui s’accorde dans son ensemble à souligner l’étrangeté de cet acte. La posture depuis laquelle le sort de sa fille est envisagé détermine le jugement porté sur le père : la mise en récit des faits par la presse puise dans la littérature fantastique du xixe siècle (Alan Poe), les comportements déviants (relevant de la nécrophilie), cultivant un ton volontiers sensationnaliste50. Les médias écrits ont d’ailleurs forgé de toutes pièces dans les années 1930 une véritable légende sur les rapports que le Dr Velasco aurait entretenus avec le cadavre embaumé de sa fille : promenades en calèche dans Madrid, près du parc du Retiro, dîners en sa compagnie51. Face à cette version largement romancée de la réalité, la momie du Dr Velasco a été interrogée par les chercheurs à partir de multiples approches relevant notamment de l’histoire des sciences52, de l’histoire du corps et du genre53, du point de vue également de l’expertise médico-légale à travers l’identification définitive de la momie conservée à la Faculté de médecine de l’Université Complutense de Madrid que certains pensaient être celle de la fille du Dr Velasco54. Dans la perspective d’une réflexion sur les pratiques sociales nées de la conservation indéfinie des corps, notre propos ne sera pas ici d’ajouter une nouvelle interprétation aux hypothèses déjà formulées sur les motifs qui ont pu pousser le père à cette coexistence morbide avec sa fille. Dit autrement, c’est moins le pourquoi qui retiendra notre attention dans cette histoire que le comment. Cette posture revient à décentrer le regard du père à la fille, du sujet biographié au corps de Concha, appréhendé comme exemple du devenir d’un cadavre embaumé. Ainsi, à partir du moment où l’on n’analyse pas isolément le rapport que Velasco entretient avec le corps de sa fille et qu’on le rapporte à d’autres situations où la dépouille est semblablement conservée par les proches, cette situation s’éclaire différemment. Sans perdre de son étrangeté, elle en devient moins exceptionnelle, étant partagée par d’autres. L’interrogation sur les motivations de Velasco perd même de sa force, de sa pertinence. Comme d’autres de ses contemporains, Velasco s’est révélé incapable de se séparer du corps de Concha, quand bien même il était un homme. Un père devrait-il en effet être moins affecté par la perte de son enfant qu’une mère ? Son amour serait-il d’une espèce différente que ce genre de « dérive » lui serait interdit ?

  • 55 Santiago Giménez Roldán consacre ainsi un chapitre de son ouvrage El doctor Velasco, op. cit. à «  (...)

24Même s’ils ne sont sans doute pas nombreux, Concha appartient à cette catégorie d’enfants tellement aimés par leurs parents qu’ils n’ont pu se séparer d’eux, la technique de la conservation indéfinie permettant de les garder avec soi, figés dans une sorte de sommeil éternel. L’exceptionnalité de son sort apparaît du coup moindre. Toutefois, si de la fille, l’attention se déplace vers le père, une autre lecture de l’épisode s’impose alors, dominée par un double prisme déformant. Le premier met en jeu l’appartenance de Velasco au sexe dit fort. L’intolérance de la société face au refus d’inhumer apparaît alors plus forte dans ce cas. Comparé au geste auquel la poétesse Carolina Coronado soumet le cadavre de son mari, le décalage dans le jugement des contemporains est net : d’un côté indulgence mêlée de condescendance pour l’excentricité de cet agir féminin, aggravé par les excès du romantisme dont elle se revendique, et légitimé par l’angoisse de l’inhumation prématurée qui l’habite ; de l’autre, consternation face aux errements dans lesquels s’abîme cet homme, esprit éclairé de surcroît. Comment en effet accepter un tel manquement aux règles de la part d’un médecin ? La rationalité qu’on prête au scientifique se marie mal avec ce comportement déviant, pathologisé par certains d’ailleurs, Velasco passant pour fou auprès de ses contemporains et de quelques-uns de ses biographes55. Ce constat amène de nouveau à questionner les représentations liées ici à la figure du savant. Que l’être rationnel ait abdiqué ses prérogatives face à la souffrance paternelle dépasse l’entendement pour certains. L’incompréhension que fait naître le geste de Velasco découle donc de ce double regard biaisé que l’on porte sur lui, qui postule que les scientifiques en particulier, et les hommes en général devraient arriver à maîtriser leur douleur quand il s’agit de faire le deuil de leur enfant.

  • 56 Nommée Sociedad Económica de Embalsamiento, fondée vraisemblablement en 1855 par les docteurs Vela (...)
  • 57 Alba del Pozo, « Divinos cadáveres… », art. cité, p. 75-80.
  • 58 Noël Valis, « Autopsias de lo real: resucitando a los muertos », Asclepio, 2, juillet-décembre 201 (...)

25Le corps embaumé de Concha n’est pourtant pas un cadavre ordinaire, comparable à ceux qui ont échappé comme lui à la tombe. Sa singularité procède dans son cas du statut de l’embaumeur et de l’ambition qu’il poursuit. Cet aspect nous conduira à explorer l’autre question qui commande cette analyse, à savoir comment s’est opérée sa momification. Si dans l’histoire de l’embaumement en Espagne au xixe siècle, le corps de Concha occupe une place particulière, c’est parce que le geste de Velasco concilie le projet du père de conserver le corps de l’enfant mort avec la possibilité de l’embaumer soi-même. L’opération ne met donc pas un médecin, « prestateur de service », face à un client, comme dans les autres cas de figure que l’on a évoqués précédemment, mais un seul homme qui intervient sur le corps de l’enfant qui est le sien. Alors que Velasco, passé maître dans l’art de la dissection, a fondé (comme Nieto Serrano avant lui) une société commerciale spécialisée dans l’art de l’embaumement56, il se retrouve ainsi dans la position d’appliquer le savoir-faire acquis au corps de sa propre fille. Ces faits mettent en lumière les liens étroits, déjà soulignés, unissant la pratique de la dissection à l’exercice de l’embaumement. La trajectoire du médecin madrilène est donc classique : avant d’exceller dans les soins de conservation des corps, Velasco s’est illustré dans les travaux anatomiques et l’art de la dissection57. Il se targue lui-même d’avoir autopsié 8 000 cadavres58.

  • 59 Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco, op. cit., p. 177-178.
  • 60 Parmi les très nombreuses publications qui lui ont été consacrées, on citera Pilar Romero de Tejad (...)

26Une fois embaumé, le corps de Concha aurait pu toutefois sombrer dans l’oubli comme bien d’autres dont on a du mal à reconstituer le sort, faute de sources. Tout au plus aurait-il alimenté quelques lignes dans les biographies consacrées à Velasco en tant qu’embaumeur de la dépouille de sa fille. Il en a été autrement cependant, du fait de la décision de Velasco de procéder dans un premier temps à l’inhumation du cadavre. Décédée le 12 mai 1864, Concha est en effet enterrée dans le cimetière de San Isidro à Madrid le 14 mai59. Son destin diffère donc de celui de l’époux de Carolina Coronado ou de ceux de ces deux enfants dont on a parlé plus haut, en cela qu’il a été d’abord inhumé et a connu le sort réservé au commun des mortels. Une seconde vie débute toutefois pour Concha, onze ans plus tard, lorsque son père obtient que son cadavre soit exhumé en 1875 et exposé dans le Musée d’anthropologie qu’il a créé à Madrid. Ce musée constitue le grand œuvre du médecin, dans lequel il a englouti son énergie et sa fortune60. Considéré comme l’un des fondateurs de l’anthropologie en Espagne, Velasco a associé son nom à ce palais inauguré en avril 1875, qui sert d’écrin aux collections qu’il expose, qui abrite un centre d’enseignement (La Escuela libre de Medicina y Cirugía, fondée en 1870 et transférée dans les locaux du musée en 1875) et où il demeure. Cette collusion dans l’espace, opérée entre vie publique et vie privée, reflète le caractère transgressif du projet de Velasco de ramener Concha du royaume des morts et de la conserver dans son musée.

  • 61 Ángel Pulido, « Un descubrimiento del siglo xix », De la medicina y de los médicos, Madrid, Librer (...)
  • 62 un largo y doliente poema de lágrimas y amarguras, jamás interrumpido, ibid., p. 564.
  • 63 La ciencia había desafiado y vencido a las leyes de la descomposición, ibid., p. 565.
  • 64 [En aquellos ojos] apergaminados, hundidos en el fondo de las huesosas órbitas » ; [en aquellas] m (...)
  • 65 Qué quiere de aquello que no se atreve a llamar su hija y lo llama el cadáver de su hija, ibid., p (...)
  • 66 Todavía están flexibles! Podría sentarse!, ibid., p. 567.
  • 67 Jacinto Benavente, Recuerdos y olvidos (Memorias), op. cit., p. 90-103.

27On doit au célèbre médecin Ángel Pulido (1852-1932), ami de Velasco et auteur d’un ouvrage sur la médecine et les médecins de son temps, la description du retour de Concha dans le monde des vivants61. Maintes fois commenté, ce texte insiste sur le temps écoulé depuis l’inhumation, soit onze années et trois jours correspondant pour Velasco à un « long et douloureux poème de larmes et d’amertumes, jamais interrompu62 ». Revenue « de la prison de la tombe », à quoi ressemble Concha ? Si son corps constitue la preuve que « la science avait défié et vaincu les lois de la décomposition63 », du fait de « l’embaumement parfait » qu’il a subi, l’altération de la physionomie de la jeune fille est cependant avérée. Pulido qui a connu Concha en témoigne. Ses yeux sont « desséchés » comme du parchemin, « enfoncés au fond d’orbites osseuses », ses « joues noircies et endurcies », ses « lèvres sèches et froides »64. L’auteur s’interroge sur ce qu’attend Velasco de ces restes que l’on n’ose appeler « sa fille mais le cadavre de sa fille65 », de cette apparence « répulsive » et doute de sa raison quand ce dernier s’approche d’elle, vérifie l’élasticité de ses membres, constatant qu’ils sont toujours « flexibles » et s’exclame qu’« elle pourrait s’asseoir ! »66. On comprend que cette scène, à la tonalité mi-fantastique, mi-macabre, ait pu nourrir les imaginaires et forger la légende de la momie du célèbre docteur. D’autant que Velasco se comporte vis-à-vis de Concha comme si elle était encore en vie. L’écrivain Jacinto Benavente, dont le père, Mariano, a été un intime de la famille Velasco, le rapporte à son tour67. Velasco fait confectionner par une modiste une robe à sa taille, couvre ses mains de gants, la coiffe d’une perruque et d’un chapeau, la maquille en appliquant du fard sur ses joues et ses lèvres. Placée dans un cercueil en verre, telle une belle endormie, Concha repose dans la chapelle du musée, sous l’autel. Velasco fréquente assidûment le lieu, passant de longs moments à parler à sa fille. La sacralisation du corps de l’enfant mort atteint ici son paroxysme. On comprend que cette histoire troublante, qui revisite l’univers du conte de fées, ait donné matière aux rumeurs les plus extravagantes.

  • 68 « Real Orden concediendo autorización para la traslación del cadáver de la hija del Doctor D. Pedr (...)

28Deux éléments s’avèrent particulièrement saillants dans le destin réservé au corps de Concha. D’une part que les pouvoirs publics aient consenti à son exhumation. L’autorisation accordée par le ministère de l’Intérieur, datée du 1er avril 187568, prend acte que l’opération effectuée ne sera pas temporaire, comme c’est souvent le cas lors des transferts liés à des changements de sépulture, mais définitive. Il y a rupture en ce sens avec la législation en vigueur qui impose aux cadavres exhumés d’être réinhumés. L’entorse à la règle est légitimée par le fait que le lieu où sera entreposée la dépouille, le Musée anthropologique, réunit les conditions d’hygiène et de salubrité indispensables. Reste que cette décision est contradictoire avec l’ordonnance du 28 avril 1875, prise quelques semaines plus tard, qui fixe à trois jours le délai légal de conservation des corps embaumés avant l’enterrement. L’écart est flagrant entre les intentions de la puissance publique, définies à travers cette norme et les pratiques qu’elle instaure, qui y dérogent. Cette situation paradoxale est justifiée par la notoriété de Velasco, ce dernier obtenant une sorte de dédommagement en reconnaissance des services rendus à la nation, dont il s’est attaché à servir la gloire. On ne peut manquer néanmoins de trouver déroutante cette logique qui récompense les vivants en leur donnant le privilège de se réapproprier leur mort au mépris des règles s’appliquant à tous. Le déficit démocratique dont souffre l’État espagnol tout au long du siècle est rendu visible à travers ce qui pourrait passer pour une anecdote.

  • 69 Los embalsamientos, si llegaran a ser perfectos y se generalizaran en demasía, pudieran hacer que (...)

29Anecdotique, cet épisode ne l’est pourtant pas dans la mesure où il constitue la négation du principe de la séparation entre les vivants et les morts, inhérent à la création du cimetière contemporain. En exhumant le corps de sa fille et en l’entreposant dans son musée, Velasco avait-il conscience de rompre avec cette norme, de transgresser un invariant anthropologique des plus forts, d’introduire du désordre dans la cité ? Sans doute non. C’est ce qui le sépare indiscutablement de Rafael Rodríguez Méndez. Le médecin barcelonais concevait en effet l’embaumement comme un processus doublement perturbateur, dommageable au cycle de la vie (l’objectif de l’embaumement étant d’enrayer la putréfaction, cette technique entraîne selon lui une perte de matière du point de vue organique) et à l’ordre social (ouvrant la porte à une forme d’inversion des rôles, l’embaumement favorise l’irruption des morts aux côtés des vivants, dont ils pourraient prendre en quelque sorte la place). Il écrivait à ce sujet : « Si les embaumements se perfectionnaient encore et se généralisaient, ils pourraient faire en sorte que les morts occupent un espace qui correspond aux vivants comme usufruitiers à titre transitoire de la planète69 ». À l’échelle de la courte vie de Concha et à la lumière du sort réservé à son corps, cette vision pessimiste de l’avenir aura trouvé une réalité.

  • 70 Stéphanie Sauget, « Le cercueil de verre ou l’imaginaire de la dernière demeure », volume inédit d (...)
  • 71 L’histoire de Concha a inspiré la littérature du xxe siècle. Elle est à l’origine d’un récit de Ra (...)

30Les progrès que l’embaumement enregistre en Espagne au xixe siècle du fait de la technique de l’injection doivent beaucoup aux circulations de savoirs et de savoir-faire venus notamment de France et d’Italie, perfectionnées sur place selon un processus d’hybridation classique. La conservation des corps ouvre la voie à l’instauration d’un marché de la mort soumis à des rapports marchands que les médecins embaumeurs (Nieto Serrano, mais aussi Velasco) intègrent à leur art, en fondant des sociétés à finalité commerciale. Amenés à légiférer sur une activité qui s’étend dans les hautes sphères de la société, les pouvoirs publics (à travers le ministère de l’Intérieur et les instances sanitaires de la monarchie) sont conduits à réguler les pratiques sociales qui tendent à détourner les usages de la conservation indéfinie des corps. En ne se résignant pas à inhumer le cadavre de l’être cher, certaines familles transgressent en effet non seulement la finalité première, hygiénique et esthétique, de cette technique, mais aussi la législation funéraire qui impose d’inhumer les défunts. Autour du corps embaumé, des conflits d’usages se jouent donc opposant enjeux sanitaires et deuils privés. En rupture avec la légalité, ces pratiques transgressives le sont aussi du point de vue anthropologique, aboutissant à brouiller les frontières entre le monde des morts et des vivants. La plus célèbre de ces « momies » espagnoles reste sans nul doute Concha, la fille unique du Dr Velasco, arrachée à l’affection des siens prématurément. La notoriété de l’embaumeur, père de la défunte, en fait un cas atypique, moins par la tentation de garder le corps une fois embaumé, dont on a vu qu’elle était partagée par d’autres parents, que par les tribulations que subit sa dépouille, inhumée, puis exhumée, et par sa mise en visibilité dans l’espace du musée. Autorisée par les pouvoirs publics, l’exhumation du cadavre de Concha déroge aux règles qui président à cet acte, légal pourvu qu’il soit suivi d’une réinhumation. Significativement, cet épisode a suscité l’incompréhension autant chez les proches de Velasco que parmi ses contemporains. On comprend que les interprétations auxquelles ce geste a donné lieu, entre sacralisation du corps de l’enfant, traité sur le mode de la belle endormie, et nécrophilie, aient pu prospérer, nourrir les imaginaires donnant naissance à une véritable légende dont les travaux récents de Stéphanie Sauget70 témoignent qu’elle n’est pas isolée dans l’espace européen. Si de tels faits contribuent à la contamination du réel par la fiction71, on retiendra surtout qu’ils participent du désordre social en assignant une place inédite aux défunts, l’espace domestique. Détournée de ses usages premiers, la technique de conservation définitive des corps a donc pu aboutir à des pratiques insolites incitant à s’affranchir des lois, poussant les vivants à s’accommoder, à s’arranger avec les morts. Elle fait en effet entrer ceux-ci dans une ère nouvelle de leur histoire, dans une sorte de vie propre, autonome, détachée des lieux auxquels ils sont en général promis, de la matière à laquelle ils retournent : ni terre pour les accueillir, ni cendres pour les résumer.

  • 72 Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco, op. cit., p 150-151.

31L’embaumement, quand il vise la conservation de longue durée, favorise la circulation des corps, dans le temps et dans l’espace. Les destins des corps de Concha et de son père en fournissent un bel exemple. Alors que Velasco a exprimé le souhait qu’après sa mort (survenue en 1882), son corps embaumé repose auprès de celui de sa fille, dans son musée, leurs dépouilles sont pourtant séparées en 1886, peu avant la vente du bâtiment à l’État en 1887. Cette décision incombe à sa veuve, Engracia, restée hors champ jusqu’à présent dans ce récit, et dont l’action s’avère pourtant décisive. Selon les biographes de Velasco, Engracia aurait toujours été en désaccord avec les agissements de son époux. Cette inversion des rôles est à souligner. Elle rompt avec un schéma narratif récurrent prompt à faire endosser aux femmes des comportements irrationnels dès qu’il s’agit du sort à réserver à l’enfant mort. À l’inverse, la mère de Concha fait preuve d’agentivité en mettant un terme de son plein gré à cette situation d’anomie mortuaire. En mars 1886, elle fait procéder à l’inhumation du cadavre de Concha dans le cimetière madrilène de San Isidro, dans la niche du columbarium où il avait été déjà entreposé en 1864. Lorsqu’Engracia meurt en 1893, sa dépouille y est déposée à son tour, auprès de celle de sa fille. Le 12 novembre 1943 enfin, ce sont les restes de Velasco qui sont transférés du Musée anthropologique au cimetière de San Isidro. Ils sont dans un premier temps séparés du corps de sa femme et de sa fille, faute de place, et ne sont réunis qu’en mai 1965 lorsqu’à l’initiative du fils d’Ángel Pulido, médecin lui aussi, son corps est déposé aux côtés des membres de sa famille72. En reposant ainsi, entre son père et sa mère, le corps de Concha est alors définitivement rendu à une forme de normalité funéraire, soit plus d’un siècle après son décès.

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Notes

1 Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, Imp. Fausto Muñoz, Malaga, 1894.

2 Veo con bastante indiferencia cuanto tiende a conservar [los cuerpos], ibid., p. xiv.

3 una masa de substancia, ibid.

4 eterna circulación de la materia y de las energías, ibid.

5 el mejor procedimiento higiénico, ibid.

6 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique. France, xixe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015.

7 L’expression est reprise des travaux de Régis Bertrand, Mort et mémoire. Provence, xviiie-xxe siècles, Marseille, La Thune, 2011.

8 Sur ce point on renverra à la bibliographie disponible dans Isabelle Renaudet, « Du camposanto à la nécropole. Législation et pratiques funéraires en Espagne au xixe siècle », dans Régis Bertrand et Anne Carol (dir.), Aux origines des cimetières contemporains. Les réformes funéraires de l’Europe occidentale, xviiie-xixe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2016, p. 275-297.

9 Felipe Monlau, Elementos de higiene pública, s.n., 1847, notamment « De la policía pública », p. 122-149 ; Juan Giné y Partagás, Curso elemental de higiene privada y pública, Barcelone, Imp. de Narciso Ramírez y Cía, 1871, 4 volumes, notamment t. II, « De los cementerios », p. 466-485.

10 Au-delà de cet attachement à l’inhumation dans les églises, mentionnons que les efforts déployés par les pouvoirs publics à partir du début du xixe siècle pour implanter en milieu urbain des cimetières dits généraux, à gestion municipale, se heurte à la tradition des cimetières privésn entretenus par des confréries religieuses (cimetières dits sacramentales). Sur les plus célèbres de ces sacramentales dans la capitale (San Isidro, San Nicolás, San Salvador), on pourra se reporter à María Isabel Gea, Diccionario enciclopédico de Madrid, Madrid, La Librería, 2002.

11 No todas las ciudades han adoptado aún el uso de los carros fúnebres que son sumamente útiles para las poblaciones de primer orden, cuyos cementerios están situados a larga distancia, Anonyme, Reflexiones acerca de los cementerios y su insalubridad, Memoria presentada a la Real Academia de Medicina de Madrid, 1880, Sección Higiene social-Cementerios, Manuscrit, 24 pages, 1-4° AP/7-12°, RANM.

12 Cité dans Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, op. cit., p. xvi.

13 Médecin catalan dont les travaux ont marqué diverses spécialités (chirurgie, dermatologie), Giné est surtout considéré comme l’un des fondateurs de la psychiatrie en Espagne. Sur son apport, on pourra consulter entre autres Ricardo Campos Marín, Monlau, Rubio, Giné. Curar y gobernar. Medicina y liberalismo en la España del siglo xix, Madrid, Nivola (Novatores, 16), 2003, p. 109-150.

14 On trouvera des éléments de contextualisation de ce retard espagnol dans Leoncio López-Ocón Cabrera, Breve historia de la ciencia española, Madrid, Alianza Editorial, 2003 ; José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », dans José María López Piñero (dir.), La ciencia en la España del siglo xix, AYER, n° 7, 1992, p. 193-240.

15 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », art. cité, p. 217-227.

16 Juan Giné y Partagás, Curso elemental de higiene privada y pública, op. cit., t. II, p. 483-485.

17 Cité dans Ricardo Campos Marín, Monlau, Rubio, Giné, op. cit., p. 112.

18 On notera que Rodríguez Méndez et Giné évoluent dans la même sphère professionnelle et appartiennent en outre à la même génération.

19 Por una incisión de pocas líneas, en uno de los lados del cuello, se inyecta el sistema vascular con los líquidos conservadores [operación para la cual] no es necesario, ni extraer la más mínima parte del cuerpo, ni despojarse de su paño mortuario, cité dans Felipe Monlau, Elementos de higiene pública, Barcelone, Imp. de Pablo Riera, 1847, « Adiciones », t. II, p. 875.

20 Juan Riera Palmero, « Matías Nieto y Serrano (1813-1902) y la medicina romántica », V Congreso Nacional de la Sociedad Española de Historia de la Medicina, Madrid, 1977, vol. III, p. 367-381.

21 José María López Piñero, « Las ciencias médicas en la España del siglo xix », art. cité, p. 218. Précisons que Nieto Serrano quitte l’armée où il servait en 1860.

22 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique, op. cit.

23 La société, située à Madrid, Calle del Caballero de Gracia, au numéro 5-7, s’est dotée d’un représentant, Juan Borrell. Cité dans Felipe Monlau, Elementos de higiene pública, « Adiciones », t. II, op. cit., p. 875.

24 1 réal équivaut à l’époque à environ 25 pesetas.

25 Anne Carol, L’embaumement, une passion romantique, op. cit., p. 140.

26 Paru à Barcelone, Imp. de J. Ribet, 1857, 16 pages.

27 Alfonso Galnares Ysern, « Bibliofila Médicolegal », Cuadernos de Medicina Forense, 39, janvier 2005, p. 69-70, en ligne : http://ref.scielo.org/z2v7hg (consulté le 30 juin 2019).

28 Juan Giné y Partagás, Memoria sobre la necesidad lógica de ampliar los estudios anatómicos, 1865.

29 Paru à Madrid, Imp. Zacarías Soler, 1862, 51 pages.

30 Juan Giné y Partagás, Curso elemental de higiene privada y pública, op. cit., t. II, p. 483.

31 El arte de embalsamar, o mejor de momificar y hacer incorruptible los tejidos orgánicos, ha llegado a ser ya una cosa positiva, cité dans Enrique Graells y Alcalde, Conservación temporal o definitiva de los cadáveres, Madrid, Imp. Berenguillo, 1875, p. 76.

32 [solo tiene por objeto satisfacer] un capricho del cariño de familia, o la ostentación de la grandeza y poderío de los magnates, ibid., p. 23.

33 « Real Orden de 19 de Marzo de 1848, Reglas sobre exhumaciones y translaciones de cadáveres, reconocimientos y honorarios facultativos », cité dans José Vila Serra, Manual con la legislación de cementerios, Valence, Imp. del autor, 1912, p. 22-25.

34 Le règne d’Isabelle II prend place entre 1843 et 1868, date à laquelle la souveraine est renversée à la suite d’une révolution, La Gloriosa.

35 « Más detalles acerca del último desarrollo de fiebre amarilla a bordo del vapor Isabel II », La España médica, 138, 5 septembre 1858, p. 392.

36 « Real Orden disponiendo la forma en que han de verificarse los embalsamamientos, momificaciones y petrificaciones, requísitos que deben cumplirse y derechos que deben percibir les Subdelegados de Medicina por presenciar dichas operaciones y forma de expedir los certificados », 20 juillet 1861, cité dans Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, op. cit., p. 114-119.

37 En cire notamment.

38 L’article 6 prévoit aussi le paiement des dissecteurs, embaumeurs et préposés aux moulages, en fonction des tarifs en vigueur.

39 « Real Orden de 28 de Abril de 1875, disponiendo que por acuerdo del Consejo de Sanidad, no puede tenerse más de tres días el depósito los cadáveres embalsamados », cité dans José Vila Serra, Manual con la legislación de cementerios, op. cit., p. 87-89. Ce texte est adopté au début de la Restauration en 1875, régime correspondant au retour sur le trône d’Espagne du fils d’Isabelle II, Alphonse XII. La révolution de septembre 1868 a ouvert la voie à une période dite du Sexennat démocratique qui dure jusqu’en 1874. Les expériences de monarchie constitutionnelle, puis la Ire République, initiées durant cette période conduisent à une profonde refonte des institutions et des pratiques politiques (proclamation du suffrage universel, séparation de l’Église et de l’État), qui s’accompagnent cependant d’une instabilité croissante. Dans ce contexte, la Restauration marque le retour à l’ordre du pays faisant de nouveau de l’armée, de l’Eglise et de la noblesse des piliers de la monarchie.

40 Consulté par le Gouverneur civil de Madrid au sujet d’un certain nombre de manquements aux règles en matière d’inhumation de cadavres embaumés, le ministère de l’Intérieur en a référé à l’instance régulatrice en matière de santé publique, le Real Consejo de Sanidad, qui inspire les mesures contenues dans cette ordonnance.

41 Las inhumaciones de los cadáveres embalsamados se verifican muchos días después de practicado el embalsamiento, ora porque las familias deseen retener los restos de personas queridas, ora por la confianza de haberse puesto al abrigo de todo temor de insalubridad, merced a dicho procedimiento ; habiendo ejemplo de haber permanecido en una casa y por algunos años los cadáveres embalsamados de dos párvulos, cuya inhumación causaba honda pena al cariño maternal, « Real Orden de 28 de Abril de 1875 », op. cit., p. 88.

42 tan natural y digno de respecto, ibid.

43 aun en el caso de que la ciencia alcanzase la perfección en los embalsamientos, ibid.

44 [por todo eso] no sería circunspecto acceder al sentimiento de unos pocos contra la conveniencia general, ibid.

45 Por más que sea digno de consideración el amor hacia los restos inanimados, la higiene, sobre todo en asuntos de salubridad pública, debe anteponerse a todo deseo que la contrarie, y una buena higiene no podría aconsejar nunca, dadas nuestras construcciones y nuestra manera de vivir, que se autorizase el depósito en las casas por más de tres días de cadáveres embalsamados o no embalsamados, los cuales deben entregarse a nuestra madre la Iglesia, y ser conducidos al lugar o necrópolis por ella sanctificado con el nombre de cementerios o panteones fuera de poblado y autorizados ad hoc, ibid., p. 89.

46 Carolina Coronado se distingue comme l’une des rares femmes de lettres du xixe siècle espagnol. Occupant une place mineure dans la poésie romantique, son œuvre n’en est pas moins passée à la postérité. La célébration du centenaire de sa disparition en 2011 a donné lieu à une série de manifestations organisées par le Musée romantique et la Bibliothèque nationale d’Espagne et d’émissions télévisées. L’annonce de l’une d’entre elles revient sur le parcours de cette femme « à la personnalité singulière et passionnée, non exempte d’un certain degré d’excentricité » : « El universo romántico de Carolina Coronado », RTVE.es, http://www.rtve.es/noticias/20110604/universo-romantico-escritora-carolina-coronado/436700.shtml (consulté le 30 juin 2019). Ce trait de son caractère se mesure à ce qui est présenté comme son côté obscur qui la conduit à conserver le corps embaumé de son époux, diplomate d’origine américaine, Horace Perry, après la mort en 1891 de ce dernier, et ce jusqu’au décès de Carolina en 1911, date à laquelle sa fille transfère le corps de ses deux parents à Badajoz, région de naissance de la poétesse. Cet attachement morbide au corps de son mari, analysé comme le signe d’une personnalité dérangée, trouve une explication autre dans la crainte récurrente exprimée par Carolina Coronado d’être enterrée vivante, soulignée par ses biographes. Cette angoisse suggère une piste interprétative à creuser : le recours à la conservation indéfinie des corps comme garantie d’échapper au risque de l’inhumation prématurée.

47 De ses deux patronymes, le second est utilisé pour l’identifier, usage que l’on suivra dans ce texte.

48 Ce terme de momie est utilisé par les contemporains des faits.

49 María de la Concepción, dite Concha, fille unique de Velasco, née en 1848, morte en 1864 alors qu’elle n’a pas 16 ans, vraisemblablement de la fièvre typhoïde. Les circonstances de sa mort ont été rapportées dans Recuerdos y olvidos (Memorias), Madrid, Aguilar, 1962, ouvrage de Jacinto Benavente, fils du célèbre pédiatre Mariano Benavente, ami de Velasco, qui soignait Concha. Alors que Mariano Benavente envisageait la guérison de Concha comme possible, Velasco serait intervenu contre son avis en lui faisant absorber un vomitif qui l’aurait emportée. Ce drame expliquerait que Velasco, se sentant coupable, ne se soit jamais remis de la mort de sa fille.

50 Juan Antonio Cabezas, « Cómo nació una leyenda popular de Madrid », ABC, Madrid, 10 juin 1970, p. 57 ; Juan Antonio Cabezas, « El Dr Velasco, personaje de un cuento de Poe », ABC, Madrid, 28 août 1971, p. 32-37 ; J. Pérez de Barradas, « La real historia del doctor Velasco y de su hija », ABC, Madrid, 24 juin 1970, p. 26.

51 Pedro Massa, « La romántica y escalofriante historia del Doctor Pedro González Velasco, que vivió durante años acompañado por el cadáver de su hija, al que paseaba por las calles de Madrid », article paru en août 1935 dans la revue Crónica, cité dans Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco. Leyenda y realidad en al Madrid decimonónico, Madrid, Ed. Creación, 2012, p. 191.

52 Luis Ángel Sánchez Gómez, « Una momia en el salón. Los museos anatómicos domésticos del Doctor Velasco, 1854-1874 », Asclepio, 67/2, juillet-décembre 2015, p. 111-127.

53 Notamment par Alba del Pozo, « Divinos cadáveres: género, discurso médico y colecciones anatómicas en la leyenda de Pedro González de Velasco », dans Alfons Zarzoso (dir.), Modelos anatómicos. Cuerpos y objetos de la ciencia contemporánea, Dynamis, 36/1, 2016, p. 73-92.

54 Enrique Dorado Fernández et al., « La momia de la hija del doctor Velasco. Disección de una leyenda », Revista de la Escuela de Medicina Legal, 13, 2010, p. 10-30.

55 Santiago Giménez Roldán consacre ainsi un chapitre de son ouvrage El doctor Velasco, op. cit. à « l’évaluation neuropsychiatrique de Pedro González Velasco », p. 294-310.

56 Nommée Sociedad Económica de Embalsamiento, fondée vraisemblablement en 1855 par les docteurs Velasco, Benavente et Jiménez de Pedro, cité dans Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco, op. cit., p. 295-296.

57 Alba del Pozo, « Divinos cadáveres… », art. cité, p. 75-80.

58 Noël Valis, « Autopsias de lo real: resucitando a los muertos », Asclepio, 2, juillet-décembre 2011, vol. LXIII, p. 349-378, ici p. 362.

59 Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco, op. cit., p. 177-178.

60 Parmi les très nombreuses publications qui lui ont été consacrées, on citera Pilar Romero de Tejada, Un templo a la ciencia. Historia del Museo Nacional de Etnología, Madrid, Publications du ministère de la Culture, 1992.

61 Ángel Pulido, « Un descubrimiento del siglo xix », De la medicina y de los médicos, Madrid, Librería de P. Aguilar, 1883, p. 563-567.

62 un largo y doliente poema de lágrimas y amarguras, jamás interrumpido, ibid., p. 564.

63 La ciencia había desafiado y vencido a las leyes de la descomposición, ibid., p. 565.

64 [En aquellos ojos] apergaminados, hundidos en el fondo de las huesosas órbitas » ; [en aquellas] mejillas negruzcas y endurecidas ; [en aquellos labios] secos y fríos, ibid., p. 564.

65 Qué quiere de aquello que no se atreve a llamar su hija y lo llama el cadáver de su hija, ibid., p. 566.

66 Todavía están flexibles! Podría sentarse!, ibid., p. 567.

67 Jacinto Benavente, Recuerdos y olvidos (Memorias), op. cit., p. 90-103.

68 « Real Orden concediendo autorización para la traslación del cadáver de la hija del Doctor D. Pedro González Velasco desde el cementerio de San Isidro de Madrid al Museo Antropológico de su propiedad », cité dans Manuel Trullas y Soler, Recopilación legislativa sobre cementerios públicos y privados, Madrid, Imp. Hijos de J. A. García, 1906, p. 251.

69 Los embalsamientos, si llegaran a ser perfectos y se generalizaran en demasía, pudieran hacer que los muertos ocuparan un espacio que a los vivos corresponde como usufructuarios transitorios del planeta, Ramón Martín Gil, El arte de embalsamar, op. cit., p. xiv.

70 Stéphanie Sauget, « Le cercueil de verre ou l’imaginaire de la dernière demeure », volume inédit de l’habilitation à diriger des recherches, Aix-Marseille Université, 2018. On notera toutefois que si la légende de la princesse russe du Père Lachaise explorée dans ce travail repose sur des éléments fictifs, la momie du Dr Velasco a en revanche bel et bien existé.

71 L’histoire de Concha a inspiré la littérature du xxe siècle. Elle est à l’origine d’un récit de Ramón J. Sender, intitulé La Llave publié en 1960. Elle est au cœur du roman de Juan Antonio Cabezas, El secreto, paru en 1966. Gabriel García Márquez y a consacré une des nouvelles (La santa) d’un recueil, Doce cuentos peregrinos, publié en 1992. Précisons enfin qu’au-delà de la vie de Concha, la thématique de la femme aimée conservée sous la forme d’un corps embaumé se retrouve dans le roman d’Antonio Muñoz Molina, El jinete polaco, paru en 1991, traduit en français sous le titre de Le royaume des voix (Arles, Actes sud, 1993).

72 Santiago Giménez Roldán, El doctor Velasco, op. cit., p 150-151.

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Pour citer cet article

Référence papier

Isabelle Renaudet, « Pratiques médicales, pratiques sociales autour du corps embaumé dans l’Espagne du xixe siècle »Histoire, médecine et santé, 16 | 2021, 19-40.

Référence électronique

Isabelle Renaudet, « Pratiques médicales, pratiques sociales autour du corps embaumé dans l’Espagne du xixe siècle »Histoire, médecine et santé [En ligne], 16 | hiver 2019, mis en ligne le 24 décembre 2020, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/2456 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.2456

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