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Observations des météores et médecine aux Temps Modernes

Astrometeorology and medicine (16th-18th centuries)
Jean-Christophe Sanchez
p. 95-113

Résumés

Au siècle des Lumières, avec l’essor des observations météorologiques, sources de pratiques et de connaissances scientifiques, émerge un paradigme météo/climato-médical empreint d’hippocratisme. Des savants, par rétrodiction et empirisme, développent l’idée que les conditions météorologiques et climatologiques peuvent avoir des effets nocifs, propices au développement de maladies ou d’épidémies, ou au contraire avoir des effets salubres. Trois siècles auparavant et jusqu’au milieu du XVIIe siècle, ce n’est pas dans le ciel, mais dans les cieux, que des croyances astrométéorologiques voulaient que les astres, les météores et les désordres du macrocosme aient une influence sur les microcosmes humains ici-bas.

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Texte intégral

  • 1 Petitfils Jean-Christian, L’affaire des poisons crimes et sorcellerie au temps du Roi-Soleil, Paris (...)
  • 2 Par pseudo-science ou para-science entendons une discipline qui ne s’inscrit pas dans les normes ou (...)
  • 3 Outre les pratiques alchimiques, les prédictions astronomiques sont critiquées. La Fontaine, dans l (...)

1À partir de 1679, une série d’empoisonnements, où se mêlent scandales financiers et pratiques occultes (sorcellerie, alchimie, astrologie, astrométéorologie…), déclenche ce que l’on connaît comme l’« Affaire des Poisons »1. On peut légitimement considérer cette affaire, qui se conclut en 1682, et plus largement les décennies 1660-1680, comme un moment charnière. En effet, jusqu’à cette période, des liens pouvaient encore perdurer entre ce qui se constitue dans le paradigme moderne des sciences médicales et ce qui désormais relève de l’occultisme, voire du charlatanisme et des pseudosciences2. Les élites culturelles se détournent de ces dernières en les accablant de leurs critiques ; quant aux causes des maladies, notamment les épidémies, elles ne sont plus recherchées dans une influence ou un désordre du cosmos, ou bien dans l’apparition d’un météore3.

  • 4 BAUDRILLARD Jean et al., Les sciences de la prévision, Paris, Le Seuil, 1996 ; CROUZET Denis, Nostr (...)
  • 5 BRABANT Hyacinthe, Médecins, malades et maladies de la Renaissance, Bruxelles, La Renaissance du li (...)

2Au milieu du XVIe siècle, médecine et astrologie, ne sont pas deux pratiques étrangères l’une à l’autre ; bien au contraire4. L’évocation de Nostradamus, Jean Fernel, ou encore Rabelais, permet de rappeler qu’elles font même bon ménage – le « bon grain » des connaissances validées de nos jours, n’y est pas séparé de l’« ivraie » des savoirs anciens. Les conceptions de l’époque reposent notamment sur la croyance en une influence du macrocosme – sphères sub et supralunaires – sur le microcosme humain5.

  • 6 D’ALEMBERT, « ASTROLOGUE, adj. pris subst. », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, d (...)
  • 7 COTTE Louis, Traité de météorologie, « Résultats des observations médico-météorologiques », Liv. IV (...)
  • 8 MALOUIN Paul-Jacques, « Histoire des maladies épidémiques de 1746, observées à Paris, en même temps (...)

3Deux siècles plus tard, d’Alembert écrit : « Aujourd’hui le nom d’astrologue est devenu si ridicule, qu’à peine le plus bas peuple ajoute-t-il quelque foi aux prédictions de nos almanachs »6. Mais, en ce siècle des Lumières, des savants pratiquent toujours des observations météorologiques, à l’instar du père Louis Cotte, et estiment qu’on « ne peut douter que la source des maladies épidémiques ou populaires, ne soit originairement dans quelque vice dont l’air que nous respirons est affecté. Le besoin continuel que nous avons de l’air pour la respiration, fait qu’il y a entre la construction de notre corps et les différentes qualités de l’air une liaison si intime, qu’elles doivent nécessairement influer sur les différents états de santé et de maladie par lesquels nous passons7. » Ce n’est plus dans les cieux mais dans le ciel que des observations « des météores, du tonnerre, des vents et des pluies [...] rendront l’art de guérir plus parfait et plus sûr, que ne le peuvent faire les spéculations les plus sublimes de la Physique dénuées de ce secours »8.

  • 9 BACHELARD Gaston, La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1947. Mais Michel Biezunski, (...)

4Mener une étude historienne sur des disciplines scientifiques conduit inévitablement à s’intéresser à des domaines qui, de nos jours, sont distincts et, pour certains, hors du champ scientifique. Cependant et à la suite des travaux de David Bloor, entre autres à l’origine des Social Studies of Knownledge et du « programme fort », qui dénoncent les lectures rétrospectives, nous ne nous inscrivons pas dans une histoire jugée, qui analyserait les sciences du passé à partir des connaissances contemporaines, toujours « supérieures » aux premières9. Bref, nous n’avons pas voulu séparer le « bon grain » de l’« ivraie ». Dans une perspective culturelle, nous analyserons les conditions de la remise en cause des croyances et préjugés anciens et de l’émergence des nouveaux paradigmes.

L’astrologie et l’influx des astres

  • 10 MENURET Jean-Joseph, « INFLUENCE ou INFLUX DES ASTRES, s. m. (Med. Physique générale, partie thérap (...)

« La connoissance des effets qui sont censés résulter de cette action, ne nous regarde qu’autant qu’elle peut être de quelqu’utilité en Médecine »10

  • 11 KOYRÉ Alexandre, Paracelse 1493-1541, Paris, Allia, 2004. On retrouve aussi ces liens entre médecin (...)
  • 12 Ibidem, p. 13.

5Si la médecine au XVIe siècle est celle d’André Vésale (1514-1564) ou encore d’Ambroise Paré (v. 1509-1590), elle est aussi celle de Théophraste Paracelse (v. 1493-1541). Ardent pourfendeur de Galien et d’Avicenne, il croyait qu’il y avait des correspondances et des analogies entre le microcosme qu’est le corps humain, les météores du monde sublunaire et le macrocosme qu’est l’univers, le monde au-delà de l’orbe lunaire11. La croyance dans l’influx des astres est ainsi très largement admise par les médecins de la Renaissance. Comme l’écrit Alexandre Koyré, à propos de Paracelse, la médecine reste encore une pratique liée en partie à l’astrologie – astromédecine – et à l’alchimie : « Ne nous en étonnons pas : [il] était homme de son temps et, à son époque, tout le monde croyait aussi bien à la transmutation des métaux qu’à l’influence des astres… »12.

Le paradigme initial

  • 13 SANCHEZ Jean-Christophe, Astronomie et physique dans le royaume de France aux Temps Modernes – Hist (...)

6Selon la physique aristotélicienne, paradigme dominant de la philosophie naturelle, l’orbe lunaire délimiterait deux sphères : en deçà, le monde de la corruption, composé de quatre éléments (air, feu, terre et eau) qui sont soumis à la lutte des contraires et à la sympathie des semblables ; au-delà, le monde incorruptible, le monde de l’éther, des planètes et des étoiles13.

  • 14 Blaise Pagan (1604-1665) s’est surtout illustré en tant qu’ingénieur militaire et par ses travaux e (...)

7Cette physique est une justification de l’astromédecine défendue par le comte de Pagan14 :

  • 15 Ibidem, Liv. II, chap. VII, « De la nature et qualité des planètes », p. 259.

Or comme la souveraine chaleur du Soleil, est accompagnée d’humidité, à cause de l’humeur qui se trouve dans tous les corps qui sont engendrés ; la souveraine humidité de la Lune est accompagnée de chaleur, à cause de sa lumière empruntée. Les bonnes qualités de ces deux luminaires, sont les principes de la vie et de la santé […]. Mais séparément, ils sont la cause des corruptions et des maladies…15

  • 16 FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel, Rotterdam, 1690. Cf. aussi D’ALEMBERT, « MÉTÉORE, s. m. (...)
  • 17 « INFLUER. v. n. Communiquer insensiblement ses qualitez bonnes ou mauvaises à un autre sujet. C’es (...)
  • 18 MENURET DE CHAMBAUD Jean-Joseph, article « Influence ou Influx des astres, s. m. (Med. Physique gén (...)
  • 19 PAGAN Blaise, L’astrologie naturelle…, op. cit., p. 299-300. Les étoiles auraient aussi une influen (...)

8Dans le monde sublunaire, les météores peuvent être à l’origine d’effets sur la santé et l’apparition de maladies. Dans le Dictionnaire d’Antoine Furetière, un météore est « un mixte inconstant, muable, imparfait, qui s’engendre des exhalaisons & vapeurs de la terre eslevée dans l’air, comme les pluyes, les vents, les neiges, gresles, feux ardents & volants, l’éclair, le tonnere, la foudre »16. Dans le monde supralunaire, les croyances reposent sur l’influence des astres qui, pour Furetière, est la « qualité qu’on dit s’escouler du corps des astres, ou l’effet de leur chaleur & de leur lumière, à qui les astrologues attribuent tous les événements qui arrivent sur la terre... »17. « Ce mot pris dans le sens le plus étendu – écrit Ménuret de Chambaud (1739-1815) – signifie une action quelconque des astres sur la terre & sur toutes ses productions ; la connoissance des effets qui sont censés résulter de cette action, ne nous regarde qu’autant qu’elle peut être de quelqu’utilité en Médecine, par le rapport de ces effets avec les planètes, les animaux, & surtout l’homme, objet noble & précieux de cette science »18. Le tableau ci-après, sans exhaustivité, identifie des influences astromédicales selon les corps célestes (astres et constellations du macrocosme), leur correspondance (organes et viscères du microcosme), leur « influence » (humeurs, fièvres) et le métal supposé être curatif19.

Les influences « médicales » des astres

Astres selon Ptolémée : un univers géocentrique

Constellations correspondantes selon Pagan*

Organes ou viscères correspondants

Influences et humeurs

Fièvres

Métal associé

Lune

Cancer, taureau

Cerveau

Pituite

Argent

Soleil

Lion, bélier

Cœur

Or

Mercure

Gémeaux, vierge

Langue, bras, jambes

Vif-argent

Vénus

Taureau, balance, poissons

Système génital, reins

Cuivre

Mars

Bélier, scorpion, capricorne

Foie

Bile

Fièvres tierces

Fer

Saturne

Balance, capricorne, verseau

Rate

Mélancolie

Fièvres quartes

Plomb

Jupiter

Sagittaire, cancer, poissons

Poumons

Sang

Fièvres continues

  • 20 Les corps célestes, les uns par rapport aux autres, peuvent être en opposition, quadrature, conjonc (...)

9En outre, l’influence des astres dépendrait de leur mouvement et de leur position céleste20. Ainsi, l’on peut lire dans l’Almanach pour l’an 1535, rédigé par Rabelais :

  • 21 Almanach pour l’an 1535, dans SCREECH Michael Andrew, Pantagrueline prognostication pour l’an 1533 (...)

Je pareillement ne considère tant l’état de cette même année présente comme des passées et de la subséquente Mil.CCCCC.xliiii, en laquelle Saturne, depuis le premier de mars jusqu’au xx. de juillet, passera sa rétrogradation, Jupiter dès le vii mars jusqu’au vi juillet sera moleste de rétrogradation ; Mars, dès le xxii mai jusqu’au xxvi juillet, rétrogradera. Vénus dès le commencement de l’année jusqu’au xiiii de janvier sera rétrograde ; Mercure, depuis le xxvi de mars jusqu’au xvii d’avril et dès le xx juillet et jusqu’au xii d’août. En outre ce, depuis le xiii novembre jusqu’au iii décembre il rétrocèdera. Et là fondant mon argument, je redoute beaucoup cette année un hourt de pestilences et contrarieuses maladies…21

  • 22 PAGAN Blaise, L’astrologie naturelle…, op. cit., Liv. III, chap. 1, « du nombre et de la qualité de (...)

10Le comte de Pagan insiste sur le fait qu’en fonction de leur position, les planètes ont plus ou moins d’influence selon qu’elles sont en conjonction, opposition, trine, carré ou sextile, justifiant ainsi le travail de l’astrologue22.

  • 23 HIPPOCRATE, Traité des Airs, des eaux et des lieux, trad. Dr Ch. V. Daremberg, Charpentier et Forin (...)
  • 24 Almanach pour l’an 1535, dans SCREECH Michael A., Pantagrueline prognostication…, op. cit.
  • 25 MALOUIN Paul-Jacques, « Histoire des maladies épidémiques… », op. cit., p. 152.

11D’un point de vue conjoncturel, la redécouverte, à la Renaissance, de textes de l’Antiquité réactive ou développe les croyances et conceptions astrométéorologiques, dont les praticiens et sectateurs se placent sous la tutelle des Anciens. Hippocrate n’a-t-il pas, dans De l’air, des eaux et des lieux, énoncé que les désordres astrométéorologiques ont une influence sur la vie animale et sur le cours du sang ?23 Rabelais écrit ainsi : « Quand Hipocrates a descrit les Epidimées et autres communes maladies advenues en son temps il a tousjours référé les causes d’icelles non à l’estat présent mais des années précédentes. Aussi a fait Thucydide, comme très bien a noté le docte Claude Galien »24. Les sources astromédicales montrent que très souvent Hippocrate et Galien sont évoqués par les tenants de l’astrométéorologie, mais comme nous le verrons, ils le seront aussi par des savants des Lumières dans leurs observations médico-météorologiques, justifiant en partie leurs travaux à l’aune des Anciens25.

L’astrologie, art médical prédictif

12Les écrits des astrologues du XVIe siècle prédisent certes les événements malheureux et heureux, mais s’aventurent aussi à annoncer altérations de la santé et survenues de maladies…

13Ainsi, Antoine Crespin Archidamus, ci-devant titré astrologue ordinaire du roi, prédit pour l’année 1576 :

  • 26 CRESPIN Antoine, Pronostication astronomique pour six années (1586-1591), par M. Anthoine Crespin A (...)

Selon qu’il nous appert par l’occulte science astronomique, la première saison participera de l’humeur sanguine et de la nature de l’air, sera le dimanche vingt-troisième jour de Mars, en l’an MDLXXXVI le Soleil entrant à trois minutes du signe d’Ariès, le temps humide et pluvieux au commencement, et environ la fin, moyenne chaleur, sécheresse, corruscations, tempêtes, éclairs et tonnerres, qui toutefois porteront léger dommage seulement en quelques endroits. Adviendront aussi diverses maladies et heures pestilentielles, pleurésies, apoplexies et crachements de sang26.

  • 27 FORSTER Thomas, Essai sur l’influence des comètes sur les phénomènes de la terre, Bruges, Imp. de V (...)
  • 28 JUGE Clément, Jacques Peletier du Mans, 1517-1582 ; essai sur sa vie, son œuvre, son influence, Par (...)
  • 29 RABELAIS François, Pantagrueline prognostication pour l’an 1533…, op. cit. ; SCREECH Michael et al.(...)

14Pour 1588, il annonce entre autres qu’à l’automne une « maladie de peste règnera bien forte [sur les] bords et rivages du Rhône et Garonne… ». Quant à l’hiver il y aura « plusieurs maladies comme vertiges de tête, coliques, passions, flux de ventre, verroles et autres infirmités corrosives… » Pour Jean de L’Espine (v. 1500-v. 1570) le passage d’une comète, en 1533, doit engendrer la survenue de maladies et de troubles de la santé et donc une augmentation de la mortalité, sur la base d’une « action » du météore sur les objets célestes dont elle modifiera l’« influence »27. Jacques Pelletier (1517-1582)28, auteur entre autres du De peste compendium (1563), attribue l’épidémie de peste à une conjonction défavorable des planètes Saturne et Jupiter. François Rabelais qui a certes écrit dans Pantagruel, « Laisse-moi l’astrologie divinatrice et l’art de Lullius, comme abus et vanités », est aussi – on l’a vu – l’auteur de pronostications29. De même, les écrits astrologiques et la tradition accordent aux lunaisons des phases plus ou moins favorables à des pratiques médicales comme la saignée, la purgation, l’incision ou le bain.

  • 30 BAZIN-TACCHELLA Sylvie, « La floraison des textes sur la peste aux XIVe et XVe siècles : les pièces (...)

15Force est de constater que les croyances et les conceptions sont encore majoritairement tributaires d’un paradigme où l’ordre et le désordre de nature météorologique ou cosmique, qu’il convient d’appréhender, auraient un effet sur l’ordre et le désordre des humains30.

Le tournant épistémologique du Grand siècle

  • 31 Jean-Baptiste Morin (1583-1656), comme Nostradamus, a fait des études de médecine. Reçu docteur à A (...)
  • 32 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie judiciaire et sur les horoscopes, prononcé par J. De (...)
  • 33 L’approche externaliste explique des faits essentiellement par le contexte, alors que l’approche in (...)
  • 34 L’institutionnalisation aboutit à l’établissement de l’Académie royale de chirurgie (1731) et de la (...)
  • 35 LICOPPE Christian, La formation de la pratique scientifique – Le discours en France et en Angleterr (...)

16Dans la première moitié du XVIIe siècle, il n’y pas de séparation stricte entre la pratique de l’astrologie et celle de la médecine. C’est ce paradigme que défend et promeut Jean-Baptiste Morin31. Cependant un autre Jean-Baptiste nommé Denis, conseiller et médecin ordinaire du Roy, critique ses collègues qui « enseignent que les Étoiles et les Planètes ont la force de former ou d’altérer notre tempérament, en donnant aux uns une humeur bileuse, et aux autres une humeur mélancolique, en faisant abonder le sang dans les uns, et la pituite dans les autres »32. Mais si la rupture entre astrologie et médecine est certes amorcée de l’intérieur du monde médical (approche internaliste), elle relève aussi d’un contexte (approche externaliste)33. Ce processus est concomitant avec une rupture astrologie/astronomie et s’inscrit dans une conjoncture complexe qui mêle institutionnalisation et normalisation des sciences médicales au sein de l’Académie royale des sciences34, des bouleversements épistémologiques, une condamnation politique et intellectuelle dans les décennies 1660-1680, et enfin « la formation de la pratique scientifique et le discours de l’expérience »35.

« Le succès des remèdes dépend de la prudence du Médecin… »36

  • 36 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie judiciaire…, op. cit., p. 19.
  • 37 PEUMERY Jean-Jacques, « Jean-Baptiste Denis (1635 env.-1704) et sa liqueur hémostatique », Revue d’ (...)

17Jean-Baptiste Denis (v. 1635-1704)37, que l’on connaît pour ses pratiques de la transfusion sanguine (1667) et l’élaboration d’une fameuse et mystérieuse liqueur hémostatique, publie en 1668 un Discours sur l’astrologie judiciaire et sur les horoscopes, où il s’oppose notamment aux liens qui peuvent perdurer entre la médecine et l’astrologie :

  • 38 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie…, op. cit., p. 13-14 et cf. p. 19.

Il y a des Philosophes qui enseignent que les Étoiles et les Planètes ont la force de former ou d’altérer notre tempérament, en donnant aux uns une humeur bileuse, et aux autres une humeur mélancolique, en faisant abonder le sang dans les uns, et la pituite dans les autres. Or ces humeurs étant différentes dans les hommes, elles y produisent des passions fort différentes. Par exemple, la Bile produit l’amour, l’espérance, et la hardiesse ; la Mélancolie produit la tristesse, le désespoir, et la crainte ; le Sang produit la joie, le plaisir, et la colère, etc. Ces passions s’élevant dans la partie inférieure, elles emportent souvent la supérieure, et sont les principes ordinaires des actions humaines. Et par conséquent, disent les Astrologues, en considérant les conjonctions et les oppositions des Astres, on peut fort bien prévoir les divers tempéraments des hommes, et juger par leurs tempéraments de la diversité de leurs passions, et par la diversité de leurs passions, de la conduite de toute leur vie. Il se trouve aussi des Médecins qui semblent appuyer cette objection par la méthode qu’ils ont de pratiquer toujours la Médecine par rapport à l’Astrologie, et de choisir certains quadrats de Lune plutôt que d’autres pour purger et saigner leurs malades, s’imaginant que le succès des maladies dépend entièrement de la diverse situation des Planètes, et que comme il y a de certaines constellations qui passent pour être tout à fait contraires aux remèdes, comme par exemple La Canicule, il y en a aussi d’autres qui leur sont beaucoup plus favorables38.

« Charlatans, faiseurs d’horoscopes, quittez les cours des princes de l’Europe… »39

  • 39 LA FONTAINE Jean de, « L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits », Fables, Fable XIII, livre (...)
  • 40 DrÉvillon Hervé, Lire et écrire l’avenir…, op. cit. ; GRENET Micheline, La passion des astres…, op. (...)
  • 41 LEBRUN Pierre, Histoire critique des pratiques superstitieuses, qui ont séduit les peuples, et emba (...)

18La rupture entre l’astrologie et la médecine, et plus largement avec les sciences modernes, se profile, dans le royaume de France, à partir des années 165040. L’astrologie perd alors nettement du terrain dans les milieux politiques, à la cour et dans les couches aisées de la société. Elle est attaquée ouvertement par le monde des savants et par l’Église. Le temps du discrédit est passé, commence celui de la condamnation. L’année 1654 marque un moment fort. Cette année-là, le 12 août, a lieu une éclipse de Soleil. Très spectaculaires, les éclipses solaires font ressurgir de vieilles croyances populaires41. Or, face aux traditions astrologiques, de nombreux écrits, libelles et opuscules sont publiés en France comme en Europe. Les théologiens et les scientifiques condamnent ouvertement l’astrologie, au nom de la foi pour les premiers et au nom de la science et de la raison pour les seconds.

  • 42 L’intérêt de Colbert réside dans le fait que Graindorge a élaboré une méthode pour calculer la long (...)
  • 43 Du Rousseaud de La Combe Guy, Traité des matières criminelles, suivant l’ordonnance du mois d’août  (...)

19En 1666, est fondée l’Académie royale des sciences et aucun savant versé dans l’astrologie n’est recruté en son sein. Est-ce une volonté politique pour exclure les astrologues, qui par contre peuvent être membres de la Royal Society, ou simplement un hasard ? Une interprétation classique tend à y voir le rejet officiel et voulu de l’astrologie. Cependant, il semble exagéré d’en conclure à un veto clair et encore moins politique. Colbert appuie de son patronage le bénédictin, astronome et astrologue, Jacques de Graindorge (v. 1602-1680)42. En 1672 et 1682, par ordonnance royale, sont dénoncés les « devins, magiciens, enchanteurs », qui usent d’« horoscopes, divination et pratiques superstitieuses »43.

  • 44 FURETIÈRE, Dictionnaire…, op. cit.
  • 45 Ibidem.

20Dans la dernière décennie du XVIIe siècle, Antoine Furetière définit l’astrologie comme une « Science conjecturale qui enseigne à juger des effets et des influences des astres, et qui se vante de prédire toutes sortes d’événements. [...] L’Astrologie est une science vaine et incertaine44 ». Il considère les astrologues comme des « Devins et Charlatans, pour dire qu’ils se mêlent de prédire par le moyen des astres, et qui sont de grands ignorants et affronteux »45.

Émergence…

  • 46 Aristote, Les Météorologiques, Paris, Garnier-Flammarion, 2008.
  • 47 Ce sont tous les phénomènes qui se produisent dans l’atmosphère et selon la physique d’Aristote dan (...)

21Au début du XVIIe siècle, les observations météorologiques, au sens contemporain, sont encore les héritières de la physique d’Aristote46 et de l’astrologie naturelle ou météorologique qui observe les météores47.

  • 48 Fierro Alfred, Histoire de la météorologie, Paris, Éditions Denoël, 1991 ; BAUDRILLARD Jean et al., (...)
  • 49 Cette tradition se perpétue encore et les observatoires astronomiques sont la plupart du temps équi (...)
  • 50 Observatoire de Paris, séries A 7 1 622 ; A 7 3 63 ; A 7 4 641 ; A 7 5 642 ; B 5 2 8 ; F 1 9-15.
  • 51 Ibidem, séries A 7 2 62 ; A 7 3 63.
  • 52 Désormais ce n’est plus dans un châtiment céleste que les contemporains cherchent les raisons des c (...)

22La météorologie, comme l’astrologie, cherche à « prédire les événements futurs », mais elle s’en démarque très fortement, car elle relève d’une pratique, de connaissances et de conceptions scientifiques48. Si l’on attribue au savant alexandrin Ctésibios l’invention de nombreux instruments comme le thermoscope, ancêtre du thermomètre, ce n’est qu’au XVe siècle que l’on peut situer les premiers instruments modernes. L’humaniste et architecte Leon Battista Alberti invente le premier anémomètre à pression. Mais la mise au point des instruments de mesure de la chaleur, de la pression, de l’hygrométrie ou du vent n’intervient qu’au XVIIe siècle. Ces météoroscopes sont en effet le thermomètre, le baromètre, l’hygromètre et l’anémomètre. C’est à Galilée que revient la paternité de la mesure des températures (1607), à Torricelli celle de la pression atmosphérique (1643), à Benedetto Castelli celle de la pluie (1639), et à Pierre-Daniel Huet et à Robert Hooke celle du vent. Les premières prévisions météorologiques sont l’œuvre d’Otton Von Guericke qui utilise, pour ce faire, les variations d’un baromètre à eau. C’est au cours de ce siècle que l’étude de l’atmosphère se développe, entre autres avec les travaux de Blaise Pascal, et que des instruments, des unités et des protocoles de mesure sont mis au point. Le rôle de l’état de l’atmosphère dans le succès des observations astronomiques explique la place des observations météorologiques dans les observatoires49. Dès la fondation de celui de Paris, de tels relevés sont effectués, notamment par les La Hire et les Maraldi. Des registres sont alors dressés tant en France (Paris, Lyon, Marseille, Toulon, Brest)50 que dans le reste du monde : Siktak, Gigan, Yakoutsk, Wolfenbüttel, Tobolsk, Moscou, Astrakan…51 Les séries sont suffisamment nombreuses et diverses pour que de façon empirique et rétrodictive, par concaténation des observations météorologiques et médicales, des phénomènes de concomitance et corrélation soient mis en évidence. L’observation du ciel se substitue à celles des cieux52.

Météorologie et médecine au siècle des Lumières

23En 1743, la guerre de Succession d’Autriche fait rage et les chirurgiens, réunis en académie royale depuis 1731, s’affairent de leur mieux pour soigner les blessés. Cette même année, Dortous de Marian (1678-1771) communique à l’Académie royale des sciences, un mémoire qu’il introduit en ces termes :

  • 53 M. de Mairan, « Observations météorologiques et botanico-météorologiques », Histoire de l’Académie (...)

Des Observations assidues sur la constitution de l’air, les variations et les différents poids de l’atmosphère, une histoire suivie et bien circonstanciée des vents, des pluies, des météores, du chaud, du froid dans chaque année, dans chaque saison et chaque jour ; une comparaison continuelle de toutes ces vicissitudes, avec la production des fruits de la terre, et avec le tempérament, la santé et les maladies de ses habitants ; toutes ces Observations faites avec soin pendant plusieurs années, pendant plusieurs siècles et dans chaque pays, produiront vraisemblablement quelque jour une Agriculture et une Médecine plus parfaite et plus sûre que tout ce qu’on pourrait espérer des spéculations les plus sublimes de la Physique, dénuées de ce secours53.

  • 54 M. A. C. D., Système d’un médecin anglais sur la cause de toutes les espèces de maladies, Paris, ch (...)

24L’essor d’une météorologie médicale ou d’une médecine météorologique, selon que cette discipline soit faite par un physicien-naturaliste ou par un médecin-praticien, n’est pas sans renouer avec la figure tutélaire, les écrits et les conceptions d’Hippocrate, que l’on retrouve très fréquemment dès les premières pages des publications dans ce domaine. Les études et les observations en pathologie et en épidémiologie, notamment pour ce qui est des maladies chroniques ou épidémiques (peste, fièvres, typhus, influenza…), amènent des savants à s’interroger quant à la nocuité que provoqueraient certains climats ou conditions climatiques54.

« L’effet des variations de l’air dans les différentes maladies55 »

  • 55 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit.
  • 56 Éloy Nicolas, Dictionnaire historique…, op. cit.
  • 57 D’ALEMBERT, « MÉTÉOROLOGIE, s. f. (Physiq.) », Encyclopédie, op. cit.
  • 58 D’ALEMBERT, « tem[p]s, se dit aussi de l’état ou disposition de l’athmosphere, par rapport à l’humi (...)

25Au XVIIIe siècle, la météorologie se distingue définitivement de l’astrologie56 et est, selon l’Encyclopédie, « la science des météores, qui explique leur origine, leur formation, leurs différentes espèces, leurs apparences »57. Ces météores, terme hérité de l’aristotélisme, désignent au siècle des Lumières les phénomènes atmosphériques et ne concernent que les seuls météores ignés et aqueux, de l’ancienne terminologie, à savoir le tonnerre et la foudre, les nuées, nuages, brumes et brouillards, les précipitations, grêle, pluie, bruine et neige, le vent et les tempêtes. Demeurent encore dans le champ des observations météorologiques l’arc-en-ciel et les feux follets. Pour tous ces phénomènes, des instruments existent qui permettent d’effectuer des mesures et de collecter ainsi des données. Émerge à cette époque le concept de « temps », en tant qu’« état ou disposition de l’atmosphère, par rapport à l’humidité ou à la sécheresse, au froid ou au chaud, au vent ou au calme, à la pluie, à la grêle », dont il faut connaître les « altérations »58. Les observations et séries de mesures amènent des savants à voir dans les irrégularités des phénomènes des signes susceptibles d’aider à prévoir le temps et à corréler les différentes situations météorologiques – le climat – avec le développement d’épidémies et de maladies.

  • 59 Jean-François Gaultier (1708-1756) est nommé médecin du roi en Nouvelle-France et arrive à Québec e (...)
  • 60 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., p. xxij-xxiij. Sur Dumahel du Monceau (1700-1782) : (...)

26Il est patent que des médecins – par curiosité, terme éponyme de ce siècle, par loisir, ou par inclination pour les sciences – effectuent des relevés météorologiques à l’instar de « M. Gautier, Médecin du Roi à Québec, M. Morin, Docteur en Médecine & Membre de l’Académie, M. Tully, Médecin à Dunkerque »59. Se signalent aussi M. Duhamel, qui a « pour objet la constitution de l’atmosphère et la température des saisons, continuellement appliquées à la culture et à la production des biens de la terre, ainsi qu’aux maladies régnantes parmi les hommes et les animaux », et M. Malouin, qui « annonça des Observations météorologiques d’un genre encore plus intéressant. Elles avaient pour objet de faire connaître l’effet des variations de l’air dans les différentes maladies »60.

« L’air produit en particulier divers effets sur le corps humain… »61

  • 61 VANDENESSE, « EPIDEMIE, s. f. (Medecine) », Encyclopédie, op. cit.

27Les relations les plus notables qui se tissent entre météorologie et médecine concernent fondamentalement l’épidémiologie. Selon les conceptions hippocratiques, l’air serait à l’origine du développement de maladies et plusieurs articles de l’Encyclopédie abondent en ce sens :

  • 62 D’ALEMBERT, « AIR, s. m. », ibidem. Cette conception se retrouve aussi dans l’article « EPIDEMIE, s (...)

L’air produit en particulier divers effets sur le corps humain, suivant qu’il est chargé d’exhalaisons, & qu’il est chaud, froid ou humide. En effet, comme l’usage de l’air est inévitable, il est certain qu’il agit à chaque instant sur la disposition de nos corps. C’est ce qui a été reconnu par Hippocrate, & par Sydenham l’Hippocrate moderne, qui nous a laissé des épidémies écrites sur le modèle de celle du prince de la Médecine, contenant une histoire des maladies aiguës, en tant qu’elles dépendent de la température de l’air. Quelques savans médecins d’Italie & d’Allemagne ont marché sur les traces de Sydenham ; & une société de médecins d’Édimbourg suit actuellement le même plan. Le célèbre M. Clifton nous a donné l’histoire des maladies épidémiques, avec un journal de la température de l’air par rapport à la ville d’Yorck, depuis 1715 jusqu’en 1725. À ces ouvrages il faut joindre l’Essai sur les effets de l’air, par M. Jean Arbuthnot docteur en Médecine62.

  • 63 D’ALEMBERT, « EXHALAISON, s. f. (Physiq.) », ibidem.

28D’Alembert souhaite à ce propos que les observations météorologiques se poursuivent et permettent ainsi d’avoir une approche prédictive. Pour en revenir à « l’influence de l’air », sa nocuité serait aussi causée par les « exhalaisons » ou « météores aériens » qu’il peut contenir et pas seulement par son état63. Ce sont ces conceptions que l’on retrouve dans les observations médico-météorologiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Écrits des décennies 1770-1780

  • 64 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., p. 472.

29Un siècle après l’affaire des Poisons et le discrédit des pratiques astrologiques, des savants mettent en relation le développement d’épidémies et de certaines maladies, et même leur traitement, avec un état météorologique précis – température, pression, hygrométrie, anémométrie… : « L’expérience apprend – écrit le père Cotte – que la température de l’air changé par des orages, a de mauvais effets dans les maladies qui sont accompagnées d’une corruption d’humeurs : on sait que le tonnerre et les éclairs seuls sont funestes pour certains malades de phtisie ou de petites véroles »64. Ces observations météo/climato-médicales sont dans un premier temps publiées essentiellement dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, ces articles sont repris, complétés et commentés dans des ouvrages où s’illustrent notamment le père Cotte, Retz et Toaldo.

  • 65 CARON Pierre, Le père Cotte : 1740-1815 : inventeur des eaux d’Enghien et de la météorologie modern (...)

30Louis Cotte (1740-1815)65, devenu professeur de théologie et de philosophie chez les Oratoriens de Montmorency, montre une forte inclination pour les sciences physiques et naturelles, se passionnant pour les observations météorologiques qu’il pratique avec constance pendant près de trois décennies. Praticien et correspondant de l’Académie royale des sciences (1767), il accumule lectures et observations, à partir desquelles il énonce les bases d’une météo/climato-médecine qui repose sur les effets : du ressort et de la pesanteur de l’air, de sa sécheresse et de son humidité, de sa chaleur et de sa froideur, des vents, du venin ou de l’altération de l’air (cf. ci-après).

« L’air est la cause de la vie et des maladies… » 66

  • 66 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., « Résultats des observations médico-météorologiques (...)

31Effets du ressort et de la pesanteur de l’Air

  • 67 Ibidem, p. 474-479.

L’air fait une partie essentielle des aliments, et il contribue beaucoup à la digestion […]. Les parties de l’air élastique qui sont mêlées avec celles du chyle, du sang et des humeurs, sont autant de ressorts placés dans tous les organes du corps dont ils soutiennent le mouvement et les fonctions. Le ressort de cet air intérieur est continuellement excité par la chaleur naturelle du corps, de sorte que le poids de l’air extérieur est nécessaire pour réprimer la dilatation de l’air intérieur. […] Les douleurs que l’on ressent dans les changements de temps, lorsqu’on a eu des blessures ou qu’on est sujet à des rhumatismes, prouvent bien l’effet des variations de l’air sur nos corps […] Il arrive […] que le ressort de l’air intérieur n’est pas assez réprimé par l’air extérieur ; c’est en partie ce qui cause la maladie de Siam. On y doit aussi rapporter certaines difficultés de respirer, quelques maladies de vents et beaucoup d’hémorragies. […] L’espèce de tumeur nommée emphysème, est le produit de l’air intérieur raréfié en vents dans une partie relâchée […] et de-là viennent souvent les maladies qui sont communes dans certains temps, et qu’on nomme épidémiques ou populaires67.

32Effets de la sécheresse et de l’humidité de l’Air

  • 68 Ibidem, p. 479-481.

En général l’air sec est plus sain que l’air humide ; l’air sec est plus pur, il est plus air, c’est-à-dire, moins mêlé avec des émanations des corps qui y transpirent […] L’air humide au contraire, est plus chargé de différentes matières qui se sont élevées dans l’air avec les parties aqueuses ce qui le rend plus susceptible de corruption ; c’est pourquoi l’humidité de l’air produit un plus grand nombre de maladies, mais celles qui viennent de la sécheresse sont plus vives. La sécheresse fait des maladies plus courtes, surtout dans les pituiteux et dans les femmes, et au contraire elle rend les maladies plus grandes dans les hommes maigres et bileux, parce que la sécheresse, en épaississant la bile, lui donne le caractère de la bile noire qui est la plus mauvaise. L’humidité fait des maladies plus longues en affaiblissant les fibres par relâchement, d’où résulte le ralentissement du mouvement progressif des humeurs, dont les âcres sont plus dissous par l’humidité, ce qui favorise le mouvement interne qui en fait de la pourriture. C’est pour cela que l’humidité peut produire toutes les maladies qui viennent de cacochymie ; elle fait aussi des catharres, des boufissures et des hydropisies. Les maladies que cause la sécheresse, sont la mélancolie, la consomption, la pulmonie, des érésipelles et des inflammations bileuses, surtout des ophtalmies sèches qui sont causées par la sécheresse de la cornée et l’acrimonie de l’humeur68

33Effets de la chaleur et de la froideur de l’Air

  • 69 Ibidem, p. 483-484.

[On] peut dire en général que les pays élevés sont toujours les plus sains ; car outre que l’air y est moins humide et par conséquent plus salubre, on y a moins à craindre ces excès de chaleur étouffante qu’on éprouve quelquefois dans les plaines, et il est certain que les excès de chaleur occasionnent bien plus de maladies que les excès de froid ; car on a toujours remarqué que le nombre des maladies était moindre dans les années froides que dans les années chaudes, c’est surtout le passage subit de l’une à l’autre température qui est dangereux ; ces grandes variations produisent ordinairement des rhumes, des fluxions de poitrine, des pleurésies, des péripneumonies, des fièvres putrides vermineuses et malignes69.

34Effets des Vents

  • 70 Ibidem, p. 484-486.

La qualité naturelle du vent est de rafraîchir, même de refroidir, et c’est une des causes principales des maladies qu’il occasionne. Il trouble la transpiration par la froideur, en saisissant la peau et en refermant se pores ouverts par un air plus chaud, c’est pourquoi les vents froids causent des rhumes, des fluxions et des rhumatismes […]. Le vent excite sur les corps des changements subits, […] le vent du Nord […] produit aussi des fluxions, des toux, des douleurs de côté et des frissons. À l’égard du vent du Sud et du Midi […] il était préjudiciable à la tête et aux nerfs […]. Le vent d’Est qui dessèche, est très contraire aux atrabilaires, aux mélancoliques, et aux tempéraments secs. Le vent d’Ouest amène assez ordinairement avec lui les différentes fortes fièvres qui affectent les constitutions délicates, c’est cependant celui qui est le plus sain […]. Le même vent qui nuit aux pays où il transporte des exhalaisons corrompues, est utile à ceux qu’il délivre de ces exhalaisons nuisibles qui sont une cause des maladies épidémiques […]70.

35Effets du venin ou de l’altération de l’Air

  • 71 Ibidem, p. 487-492.

Les vents étaient quelquefois le véhicule des exhalaisons, ou de cette espèce de venin qui altère et corrompt l’air dans une contrée […]. Il y a des régions de la terre d’où il sort tous les ans, en certaines saisons, des causes de maladies particulières, c’est ce qui produit certaines maladies endémiques […] comme est la peste en Turquie, et particulièrement à Constantinople. Il y a aussi des causes accidentelles de la corruption de l’air, telles que sont celles qui viennent des eaux croupissantes, ce qui est commun en Égypte et en Italie. L’air corrompu est nuisible […]. Il y a eu des personnes attaquées de coliques, de vomissements, et de langueurs pour avoir été dans des cimetières […]. L’air peut aussi se corrompre seul lorsqu’il est longtemps enfermé, les corpuscules dont il est toujours chargé plus ou moins […] se corrompent lorsqu’ils sont trop longtemps retenus ensemble ; c’est ce qui fait le rivolin des vaisseaux […]. Les météores comme le tonnerre et les éclairs, répandent des vapeurs qui corrompent l’air […] On observe que dans ces temps […] les malades deviennent plus mal71.

  • 72 « RETZ, de Rochefort, médecin ordinaire du roi, servant par quartier, ancien médecin ordinaire de l (...)
  • 73 RETZ, Météorologie appliquée…, op. cit., p. 43.

36Ces conceptions sont aussi celles de Retz, docteur en médecine, et de Giuseppe Toaldo. Le premier (v. 1758-v. 1810)72 publie en 1778 une Météorologie appliquée à la médecine et à l’agriculture, année où il est aussi lauréat de l’Académie des sciences de Bruxelles pour la question de physique : « Décrire la température la plus ordinaire des Pays-Bas, et indiquer les influences tant sur l’économie animale, que végétale ; marquer les suites fâcheuses que peuvent avoir des changements notables dans cette température, avec les moyens, s’il y en a, d’y obvier. » Retz, alors installé à Arras, s’intéresse au territoire des Pays-Bas et s’attache dans un premier temps à compiler des observations pour établir des moyennes annuelles ou saisonnières, des écarts, des caractéristiques et une géographie des conditions météorologiques. Ces données sont mises en relation avec des observations à caractère médical (survenue ou récurrence de maladies), et de leur confrontation, des phénomènes de corrélation et de déterminisme sont mis en évidence : « Le [vent du] Sud humide donne naissance aux fièvres catharales vermineuses et putrides, et aux coqueluches des enfants »73. La récurrence de phénomènes justifie pour Retz l’utilité de cette météo/climato-médecine qui permettrait de prévenir malaises, maladies ou épidémies : la chute brutale de la pression atmosphérique causerait apoplexies, morts subites, affections vertigineuses et épilepsies ; la chaleur provoquerait les maladies inflammatoires sanguines et le froid les maladies inflammatoires lymphatiques. En définitive, observer et prédire le temps permettrait d’avoir une action de prévention.

37Quant à Giuseppe Toaldo (1719-1798), comme Louis Cotte, il appartient à ces clercs qui sont des savants des Lumières. Professeur, il a enseigné les mathématiques, la littérature, la géographie physique et l’astronomie ; scientifique, il a publié l’œuvre de Galilée (1744) et fondé un observatoire à Padoue. Toaldo a montré, comme Cotte, une constance dans les observations météorologiques, desquelles, à l’instar de Retz, il tire des relations entre les conditions météorologiques, ainsi que climatiques, et les maladies ou épidémies. Dans le domaine qui nous intéresse, il est l’auteur d’un Essai de Météorologie (1770) et de la Météorologie appliquée à l’agriculture (1784). Cependant, Toaldo a une posture « prudente » et attribue encore à la Lune une influence médicale nocive.

*

  • 74 ROGER Jacques, Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel, 1995, p. 54.

38À l’aube de la médecine du XIXe siècle, bien différente de celle de la Renaissance, nous reprenons ces lignes rédigées par Jacques Roger : « ces connaissances modernes (contemporaines) doivent être mises au service de l’intelligence du passé ; elles ne doivent ni servir de principe organisateur de la reconstruction historique, ni de critères de jugement, voire de condamnation, de la science du passé »74. C’est le regard et la méthodologie que nous avons appliqués.

  • 75 M. de Mairan, « Observations météorologiques et botanico-météorologiques », Histoire de l’Académie (...)

39La situation finale est celle d’un nouveau paradigme, celui de la météo/climato-médecine qui s’est substitué au précédent dans la seconde moitié du XVIIe siècle, dans un contexte complexe d’institutionnalisation, d’instrumentalisation et de professionnalisation des sciences. À cela s’ajoute une révolution scientifique où s’effondrent les héritages conceptuels et notionnels anciens, aux premiers rangs desquels l’astrologie et l’influence des cieux, au profit de l’émergence d’une nouvelle science, la météorologie, et de nouvelles influences, celles du ciel (vent, température, hygrométrie…) qui s’inscrivent dans une tradition hippocratique. Une permanence serait la croyance dans la nocuité d’influences extérieures « avec le tempérament, la santé, et les maladies »75.

  • 76 FUSTER Dr, Des maladies de la France dans leurs rapports avec les saisons, ou histoire médicale et (...)
  • 77 FORSTER Thomas, Essai sur l’influence des comètes…, op. cit.

40La production, la normalisation et la diffusion des observations météorologiques au siècle des Lumières sont à l’origine de conceptions médico-météorologiques que l’on retrouve au siècle suivant et qui connaissent un certain intérêt auprès de médecins dont le docteur Fuster qui publie, en 1840, un ouvrage intitulé Des maladies de la France dans leurs rapports avec les saisons, ou histoire médicale et météorologique de la France76. Mais au XIXe siècle perdure encore, certes de manière minoritaire, une désormais pseudo-science astromédicale et la croyance en une influence des cieux et des comètes, paradigme que l’on retrouve dans le livre de Thomas Forster : Essai sur l’influence des comètes77.

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Notes

1 Petitfils Jean-Christian, L’affaire des poisons crimes et sorcellerie au temps du Roi-Soleil, Paris, Perrin, 2010 ; FLEURY Josselin, L’Affaire des poisons de 1679-1682 à l’origine de la réglementation relative aux substances vénéneuses, Histoire de la Pharmacie, Paris XI, janv. 2005, http://www.fichier-pdf.fr/2011/05/03/poisons-et-mort-1/.

2 Par pseudo-science ou para-science entendons une discipline qui ne s’inscrit pas dans les normes ou éthos de la science (cf. les travaux de Robert King Merton), la méthode scientifique et, notamment, le principe de réfutabilité, mais qui use d’un langage et d’une démarche prétendument scientifique. Nous renvoyons à la revue de l’Association française pour l’information scientifique, Science et pseudo-science : http://www.pseudo-sciences.org/.

3 Outre les pratiques alchimiques, les prédictions astronomiques sont critiquées. La Fontaine, dans les fables XIII et XVI, qui paraissent à partir de 1668, jette auprès d’un large public le discrédit sur les astrologues et les horoscopes. Lors du passage d’une comète en 1680, Fontenelle dénonce la crédulité populaire dans la comédie La comète. La pièce est jouée jusqu’en février 1681. Elle accuse l’astrologie qui n’a rien de « scientifique », l’imposture, le charlatanisme et la vénalité des astrologues, et démythifie les almanachs. Fontenelle poursuit ses attaques à travers Les Nouveaux dialogues des Morts (1683) et L’Histoire des Oracles (1707). C’est en 1682 que Pierre Bayle fait paraître les Pensées diverses écrites à un Docteur de Sorbonne à l’occasion de la Comète de 1680, dans lesquelles il dénonce préjugés et superstitions, démontrant avec méthode et rigueur le caractère naturel de ces bolides.

4 BAUDRILLARD Jean et al., Les sciences de la prévision, Paris, Le Seuil, 1996 ; CROUZET Denis, Nostradamus, une médecine des âmes à la Renaissance, Paris, Payot, 2011 ; LE PRADO-MADAULE Danielle, « L’astrométéorologie : influence et évolution en France 1520-1640 », Histoire, économie et société, n° 15-2, vol. 15, 1996, p. 179-201 ; MANDROU Robert, Histoire de la pensée européenne. 3. Des humanistes aux hommes de science XVIe et XVIIe siècles, Paris, Le Seuil, 1973 ; SEIDENGERT Jean, Dieu, l’univers et la sphère infinie. Penser l’infinité cosmique à l’aube de la science classique, Bibliothèque Idées, Paris, Albin Michel, 2006 ; SIMON Gérard, Sciences et savoirs aux XVIe et XVIIe siècles, Presses Universitaires du Septentrion, Université Charles de Gaulle-Lille III, 1996 ; TATON René (dir.), Histoire générale des sciences, La science moderne (de 1450 à 1800), vol. 2, Paris, PUF, 1958 ; ÉLOY Nicolas François Joseph, Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, ou mémoires disposés en ordre alphabétique pour servir à l’histoire de cette science et à celle des médecins, anatomistes, botannistes, chirurgiens et chymistes de toutes nations, 4 tomes, Mons, H. Hoyois, 1778 ; DEZEIMERS Jean-Eugène et al., Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, t. 4, Bruxelles, chez Béchet jeune, Libraire, 1828.

5 BRABANT Hyacinthe, Médecins, malades et maladies de la Renaissance, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1966 ; DRÉVILLON Hervé, Lire et écrire l’avenir. L’astrologie dans la France du Grand siècle (1610-1715), Epoques Champ Vallon, Seyssel, 1996 ; GRENET Micheline, La passion des astres au XVIIe siècle. De l’astrologie à l’astronomie, Paris, Hachette, 1994 ; LE PRADO-MADAULE Danielle, « Les météores dans la théologie naturelle de Pierre de La Primaudaye : une contribution originale à l’évolution de la météorologie dans la seconde moitié du XVIe siècle », Nouvelle Revue du XVIe Siècle, Société française d’étude du seizième siècle, Paris, 1995-2, no 13, p. 239-265.

6 D’ALEMBERT, « ASTROLOGUE, adj. pris subst. », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751-1765.

7 COTTE Louis, Traité de météorologie, « Résultats des observations médico-météorologiques », Liv. IV, Sect° III, Imp. royale, 1774, p. 471.

8 MALOUIN Paul-Jacques, « Histoire des maladies épidémiques de 1746, observées à Paris, en même temps que les différentes températures de l’air », Histoire de l’Académie royale des sciences avec les mémoires de mathématique & de physique tirez des registres de cette Académie, année 1746, 1751, p. 151.

9 BACHELARD Gaston, La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1947. Mais Michel Biezunski, dans La Recherche en Histoire des Sciences, écrit : « L’histoire des sciences est d’abord une mémoire. À ce titre, elle est souvent négligée par les scientifiques, qui considèrent la science comme une activité d’abord tournée vers l’avenir. La science est moderne, disent-ils, et chaque avancée fait reculer les conceptions précédemment admises, qui sombrent nécessairement dans l’oubli » ; BIEZUNSKI Michel, La Recherche en Histoire des Sciences, Paris, Le Seuil, Points Sciences, 1983, p. 7-10. Et Michel Serres de souligner : « Ce qui passe aujourd’hui pour de grandes nouveautés date parfois de deux millénaires, et ce qui paraît irrationnel prépara souvent le triomphe de la raison : dès que cette perspective se redresse, le monde contemporain prend de la profondeur ; il en devient familier. » ; SERRES Michel (dir.), Éléments d’histoire des sciences, Paris, Bordas, 1989, préface.

10 MENURET Jean-Joseph, « INFLUENCE ou INFLUX DES ASTRES, s. m. (Med. Physique générale, partie thérapeut.) », dans Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit.

11 KOYRÉ Alexandre, Paracelse 1493-1541, Paris, Allia, 2004. On retrouve aussi ces liens entre médecine et astrologie chez Rodolphe II de Habsbourg et dans l’aréopage savant qu’il fédère.

12 Ibidem, p. 13.

13 SANCHEZ Jean-Christophe, Astronomie et physique dans le royaume de France aux Temps Modernes – Histoire sociale, culturelle et politique des sciences physiques, thèse de doctorat d’histoire, Université Toulouse II Le Mirail, déc. 2005.

14 Blaise Pagan (1604-1665) s’est surtout illustré en tant qu’ingénieur militaire et par ses travaux en matière de fortifications. Il finit ses jours à la Bastille, condamné pour « s’être vanté qu’il ferait mourir le roi par magie » ; PAGAN Blaise, L’astrologie naturelle du comte de Pagan, Première partie. Contenant les principes ou les fondements de la science, Paris, chez Antoine de Sommaville, 1659, p. 3-5.

15 Ibidem, Liv. II, chap. VII, « De la nature et qualité des planètes », p. 259.

16 FURETIÈRE Antoine, Dictionnaire universel, Rotterdam, 1690. Cf. aussi D’ALEMBERT, « MÉTÉORE, s. m. (Physiq.) [...] Il y en a de trois sortes : 1°. les météores ignés, composés d’une matiere sulphureuse qui prend feu ; tels sont les éclairs, le tonnerre, les feux follets, les étoiles tombantes, & d’autres qui paroissent dans l’air. 2°. Les météores aériens, qui sont formés d’exhalaisons. 3°. Les météores aqueux qui sont composés de vapeurs, ou de particules aqueuses ; tels sont les nuages, les arcs-en-ciel, la grêle, la neige, la pluie, la rosée, & d’autres semblables », Encyclopédie, op. cit.

17 « INFLUER. v. n. Communiquer insensiblement ses qualitez bonnes ou mauvaises à un autre sujet. C’est ainsi qu’on dit que les astres influent sur les corps sublunaires, en leur communiquant leur chaleur, leur froideur, ou autres vertus favorables ou malignes » ; FURETIÈRE Antoine, op. cit.

18 MENURET DE CHAMBAUD Jean-Joseph, article « Influence ou Influx des astres, s. m. (Med. Physique générale, partie thérapeut.) », Encyclopédie, op. cit.

19 PAGAN Blaise, L’astrologie naturelle…, op. cit., p. 299-300. Les étoiles auraient aussi une influence, certes moindre, et des correspondances avec les influences des planètes ; ibidem, « De la nature des étoiles fixes », Liv. II, chap. X, p. 308 et suiv.

20 Les corps célestes, les uns par rapport aux autres, peuvent être en opposition, quadrature, conjonction.

21 Almanach pour l’an 1535, dans SCREECH Michael Andrew, Pantagrueline prognostication pour l’an 1533 avec les Almanachs pour les ans 1533, 1535 et 1541…, Paris-Genève, Droz, 1974, p. 43 et suiv. Les rétrogradations des planètes, les astres errants des Grecs, sont un mouvement au cours duquel elles semblent revenir en arrière pour reprendre leur course. Il s’agit d’un mouvement apparent lorsque la Terre dépasse une planète supérieure plus lente (Mars, Saturne et Jupiter) ou lorsqu’elle est dépassée par une planète inférieure (Vénus, Mercure).

22 PAGAN Blaise, L’astrologie naturelle…, op. cit., Liv. III, chap. 1, « du nombre et de la qualité des aspects », p. 328 et suiv.

23 HIPPOCRATE, Traité des Airs, des eaux et des lieux, trad. Dr Ch. V. Daremberg, Charpentier et Forin, Masson et Cie, Paris, 1844.

24 Almanach pour l’an 1535, dans SCREECH Michael A., Pantagrueline prognostication…, op. cit.

25 MALOUIN Paul-Jacques, « Histoire des maladies épidémiques… », op. cit., p. 152.

26 CRESPIN Antoine, Pronostication astronomique pour six années (1586-1591), par M. Anthoine Crespin Archidamus Astrologue ordinaire du Roy, [s.n.], 1585. En 1572, le même Crespin associe son patronyme à Nostradamus : Pronostication et prédiction des quatre temps pour l’an bixestil 1572... par M. Anthoine Crespin Nostradamus, Arnouillet, Lyon, 1572.

27 FORSTER Thomas, Essai sur l’influence des comètes sur les phénomènes de la terre, Bruges, Imp. de Vandecasteele-Werbrouck, 1843, cf. p. 56-71, où l’auteur met en relation l’apparition de comètes avec la survenue d’épidémies de peste, de rougeole, de choléra, de fièvres, de typhus,… et cela sur l’ensemble de la planète !

28 JUGE Clément, Jacques Peletier du Mans, 1517-1582 ; essai sur sa vie, son œuvre, son influence, Paris, A. Lemerre Éditeur, et Le Mans Bienaimé-Leguicheux, 1907.

29 RABELAIS François, Pantagrueline prognostication pour l’an 1533…, op. cit. ; SCREECH Michael et al., Textes littéraires français, Paris-Genève, Droz, 1974 ; SCREECH Michael, Rabelais, Gallimard, Paris, 1992 ; DUPÈBE Jean, « Rabelais, médecin astrologue de Pantagruel au Tiers Livre », dans GIACONE Franco, Le Tiers Livre - Actes du colloque international de Rome, 5 mars 1996, Études Rabelaisiennes, Genève, Droz, 1999, t. XXXVIII, p. 71-97 ; LE CADET Nicolas, « Les rééditions de la Pantagrueline Prognostication et le tissage énonciatif chez Rabelais », Études Rabelaisiennes, Genève, Droz, 2008, T. XLVI, p. 115-136.

30 BAZIN-TACCHELLA Sylvie, « La floraison des textes sur la peste aux XIVe et XVe siècles : les pièces en vers », dans BERTEAUD Madeleine, Les grandes peurs : Diable, fléaux, etc., Travaux de Littérature, Genève, Droz, 2003, vol. XVI, p. 167 et suiv.

31 Jean-Baptiste Morin (1583-1656), comme Nostradamus, a fait des études de médecine. Reçu docteur à Avignon en 1613, l’année suivante il entre au service de Claude Dormi, évêque de Boulogne, qui l’envoie aussitôt en mission pour « faire des recherches sur la nature des métaux dans les mines de Hongrie ». C’est de retour à Paris qu’il s’intéresse à l’astrologie auprès de l’astrologue écossais W. Davisson et « chercha, écrit P. Bayle, par les règles de cette Science les événements de l’année 1617. Il trouva que l’Evêque de Boulogne étoit menacé, ou de la mort, ou de la prison, & il ne manqua pas de l’en avertir ». Hélas pour Dormi la prédiction s’avère exacte ; MORIN Jean-Basptiste, Response de Jean-Baptiste Morin à une longue lettre de M. Gassend touchant plusieurs choses de physique, astronomie et astrologie. Avec autres pièces suivantes, Paris, 1650 ; BAYLE Pierre, Dictionnaire historique et critique, 5e édition, Amsterdam, Leyde, La Haye, Utrecht, 4 vol., 1740, p. 424-431 ; ÉLOY Nicolas, Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, Mons, chez H. Hoyois, 1778, tome 3, p. 345-346 ; DELAMBRE Jean-Baptiste, Histoire de l’astronomie moderne, Paris, Veuve Courcier, Librairie pour les sciences, 1821, T. II, Liv. XI, p. 236-274.

32 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie judiciaire et sur les horoscopes, prononcé par J. Denis, dans une des conférences publiques qui se font chez luy, Paris, chez J. Cusson, 1668.

33 L’approche externaliste explique des faits essentiellement par le contexte, alors que l’approche internaliste explique des faits par des contenus et des idées.

34 L’institutionnalisation aboutit à l’établissement de l’Académie royale de chirurgie (1731) et de la Société royale de médecine (1778).

35 LICOPPE Christian, La formation de la pratique scientifique – Le discours en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte, 1996.

36 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie judiciaire…, op. cit., p. 19.

37 PEUMERY Jean-Jacques, « Jean-Baptiste Denis (1635 env.-1704) et sa liqueur hémostatique », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 62, n° 222, 1974, p. 195-200.

38 Denis Jean-Baptiste, Discours sur l’astrologie…, op. cit., p. 13-14 et cf. p. 19.

39 LA FONTAINE Jean de, « L’astrologue qui se laisse tomber dans un puits », Fables, Fable XIII, livre 2e, Hachette, Paris, 1978.

40 DrÉvillon Hervé, Lire et écrire l’avenir…, op. cit. ; GRENET Micheline, La passion des astres…, op. cit.

41 LEBRUN Pierre, Histoire critique des pratiques superstitieuses, qui ont séduit les peuples, et embarrassé les savants, avec la méthode et les principes pour discerner les effets naturels d’avec ceux qui ne le sont pas, Rouen, 1702 ; LEBRUN Pierre, Superstitions anciennes et modernes : préjugés vulgaires qui ont induit les Peuples à des usages et à des pratiques contraires à la Religion, Amsterdam, chez Jean Frédéric Bernard, 1733.

42 L’intérêt de Colbert réside dans le fait que Graindorge a élaboré une méthode pour calculer la longitude en mer, mais l’Académie rejette son mémoire.

43 Du Rousseaud de La Combe Guy, Traité des matières criminelles, suivant l’ordonnance du mois d’août 1670 & les édits, déclarations du roi, arrêts & réglemens intervenus jusqu’à présent, divisé en quatre partie, Paris, chez Théodore Le Gras, 1762.

44 FURETIÈRE, Dictionnaire…, op. cit.

45 Ibidem.

46 Aristote, Les Météorologiques, Paris, Garnier-Flammarion, 2008.

47 Ce sont tous les phénomènes qui se produisent dans l’atmosphère et selon la physique d’Aristote dans le monde sublunaire. Ils sont une manifestation de la corruptibilité. Les météores sont encore au XVIIIe siècle les « corps ou apparences d’un corps qui paraît pendant quelques temps dans l’atmosphère, et qui est formé des matières qui y nagent », cf. Encyclopédie « météore », note n° 12. Voir également : Parrochia Daniel, Météores. Essai sur le ciel et la cité, Seyssel, Champ Vallon, 1997.

48 Fierro Alfred, Histoire de la météorologie, Paris, Éditions Denoël, 1991 ; BAUDRILLARD Jean et al., Les sciences de la prévision…, op. cit.

49 Cette tradition se perpétue encore et les observatoires astronomiques sont la plupart du temps équipés d’une station météorologique ; cf. Encyclopédie, op. cit., article « tem[p]s ».

50 Observatoire de Paris, séries A 7 1 622 ; A 7 3 63 ; A 7 4 641 ; A 7 5 642 ; B 5 2 8 ; F 1 9-15.

51 Ibidem, séries A 7 2 62 ; A 7 3 63.

52 Désormais ce n’est plus dans un châtiment céleste que les contemporains cherchent les raisons des catastrophes et autres fléaux dont les épidémies et les maladies. MERCIER-FAIVRE Anne-Marie et THOMAS Chantal, L’invention de la catastrophe au XVIIIe siècle : du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Droz, 2008.

53 M. de Mairan, « Observations météorologiques et botanico-météorologiques », Histoire de l’Académie royale des sciences, année 1743, Imp. royale, 1746, p. 15.

54 M. A. C. D., Système d’un médecin anglais sur la cause de toutes les espèces de maladies, Paris, chez Alexis Xavier et René Mesnier, 1726.

55 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit.

56 Éloy Nicolas, Dictionnaire historique…, op. cit.

57 D’ALEMBERT, « MÉTÉOROLOGIE, s. f. (Physiq.) », Encyclopédie, op. cit.

58 D’ALEMBERT, « tem[p]s, se dit aussi de l’état ou disposition de l’athmosphere, par rapport à l’humidité ou à la sécheresse, au froid ou au chaud, au vent ou au calme, à la pluie, à la grêle », ibidem.

59 Jean-François Gaultier (1708-1756) est nommé médecin du roi en Nouvelle-France et arrive à Québec en 1742. Cf. http://www.cfqlmc.org/bulletin-memoires-vives/bulletins-anterieurs/bulletin-nd-25-mai-2008/128. Sur Louis Morin (1625-1725), cf. Encyclopédie méthodique – Histoire – Supplément, t. 6e, Paris, chez H. Agasse, 1804, p. 243-244. Florent Guillaume Tully, médecin extraordinaire de S.A.R. le prince Charles Edouard Stuart et correspondant de l’Académie royale des sciences, est l’auteur d’un Essai sur les maladies de Dunkerque, chez J. L. Boubers, 1760.

60 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., p. xxij-xxiij. Sur Dumahel du Monceau (1700-1782) : DESARTHE Jérémy, « Duhamel du Monceau, météorologue », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, Belin, n° 57-3, 2010, p. 70-91 ; MALOUIN Paul-Jacques, « Pensionnaire-Chimiste de l’Académie Royale des Sciences, Professeur de Médecine au Collège Royal, Médecin ordinaire de la feue Reine… », cf. « Éloge de M. Malouin », CONDORCET O’CONNOR Arthur et ARAGO François, Œuvres de Condorcet-Éloges, Paris, Firmin Didot, 1847, t. 2e, p. 320-332. Cf. MALOUIN Paul-Jacques, « Histoire des maladies épidémiques… », op. cit., p. 151.

61 VANDENESSE, « EPIDEMIE, s. f. (Medecine) », Encyclopédie, op. cit.

62 D’ALEMBERT, « AIR, s. m. », ibidem. Cette conception se retrouve aussi dans l’article « EPIDEMIE, s. f. (Medecine) » rédigé par M. de Vandenesse.

63 D’ALEMBERT, « EXHALAISON, s. f. (Physiq.) », ibidem.

64 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., p. 472.

65 CARON Pierre, Le père Cotte : 1740-1815 : inventeur des eaux d’Enghien et de la météorologie moderne, Valhermeil, Corlet éditions, 2002.

66 COTTE Louis, Traité de météorologie…, op. cit., « Résultats des observations médico-météorologiques », Livre IV, Section III.

67 Ibidem, p. 474-479.

68 Ibidem, p. 479-481.

69 Ibidem, p. 483-484.

70 Ibidem, p. 484-486.

71 Ibidem, p. 487-492.

72 « RETZ, de Rochefort, médecin ordinaire du roi, servant par quartier, ancien médecin ordinaire de la marine royale, et ci-devant médecin à Arras, correspondant de la Société royale de médecine et de l’Académie de Dijon », QUERARD Joseph, La France littéraire ou dictionnaire bibliographique, Paris, chez Firmin Didot, 1835, vol. 7, p. 549-550 ; SIMMONEAU Bertrand, Noël Retz : médecin de la marine, Rochefort, 1780, Thèse de médecine, Université de Nantes, 1980.

73 RETZ, Météorologie appliquée…, op. cit., p. 43.

74 ROGER Jacques, Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel, 1995, p. 54.

75 M. de Mairan, « Observations météorologiques et botanico-météorologiques », Histoire de l’Académie royale des sciences, année 1743, Imp. royale, 1746, p. 15.

76 FUSTER Dr, Des maladies de la France dans leurs rapports avec les saisons, ou histoire médicale et météorologique de la France, Paris, Duprat librairie-éditeur, 1840.

77 FORSTER Thomas, Essai sur l’influence des comètes…, op. cit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Christophe Sanchez, « Observations des météores et médecine aux Temps Modernes »Histoire, médecine et santé, 1 | 2012, 95-113.

Référence électronique

Jean-Christophe Sanchez, « Observations des météores et médecine aux Temps Modernes »Histoire, médecine et santé [En ligne], 1 | printemps 2012, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/224 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.224

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Auteur

Jean-Christophe Sanchez

Jean-Christophe Sanchez est chercheur associé à Framespa. Après avoir travaillé sur les élites culturelles et l’observatoire du Pic du Midi du Midi de Bigorre, il a soutenu en 2005 une thèse intitulée L’astronomie et la physique dans le Royaume de France aux Temps Modernes. Histoire culturelle, sociale et politique des sciences physiques.

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