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Comptes rendus

Olivier Ryckebusch, Les hôpitaux généraux du Nord au siècle des Lumières (1737-1789)

Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017
Scarlett Beauvalet
p. 121-124
Referencia(s):

Olivier Ryckebusch, Les hôpitaux généraux du Nord au siècle des Lumières (1737-1789), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, 336 pages.

Texto completo

1Le travail d’Olivier Ryckebusch s’inscrit dans le champ de l’histoire hospitalière, un champ historiographique qui s’est structuré dans les années 1950-1960 dans un contexte de redéploiement architectural et de réorganisation technique des hôpitaux. Les auteurs des premières monographies réalisées ont montré que l’hôpital de l’époque moderne n’est pas un établissement de soins, mais bien une structure d’assistance. On y accueille en effet tous ceux qui souffrent, malades ou non. Les pauvres représentent donc une part importante, pour ne pas dire essentielle, de la population hospitalière. Jean-Pierre Gutton notamment a bien montré les limites de ce « grand renfermement », selon l’expression de Michel Foucault, aussi bien dans son extension que dans sa durée.

2Le sujet est particulièrement intéressant car les hôpitaux généraux du Nord n’ont fait l’objet d’aucune analyse d’ensemble. En effet, en juin 1662, un édit prévoit la création d’un hôpital général dans chaque ville du royaume. Dans ce contexte, les provinces du Nord présentent une situation originale car elles échappent, jusqu’au premier tiers du xviiie siècle, à ce mouvement d’implantation de l’hôpital général. Dans le but de s’attacher leur fidélité, Louis XIV permet en effet aux deux intendances de Lille et Valenciennes, qui forment les provinces du Nord tardivement réunies à la couronne, de conserver leurs privilèges. La plupart des administrations traditionnelles sont conservées lors de la conquête, notamment dans le domaine de l’assistance où, depuis le xvie siècle, des institutions charitables assurent l’aide aux démunis. L’assistance repose donc sur les Bourses ou Tables des pauvres qui sont des institutions charitables placées sous la tutelle des municipalités. Toutefois, au xviiie siècle, les autorités municipales, dépassées par l’augmentation constante du nombre des indigents à l’occasion des guerres de succession de Pologne et d’Autriche, demandent le soutien et l’aide du pouvoir central pour mettre en place un arsenal législatif important. Dans les années 1730, les administrateurs des villes des provinces du Nord souhaitent la mise en place des hôpitaux généraux. Sont successivement créés les hôpitaux de Dunkerque en 1737, Lille en 1738, Valenciennes en 1751 et Douai en 1752. On peut voir ce processus de création comme un signe de l’intégration de ces provinces au royaume.

3Les sources utilisées sont particulièrement riches. Elles sont constituées par les fonds hospitaliers des quatre établissements, des fonds locaux des archives municipales de Dunkerque, Valenciennes et Douai, de la série C de l’intendance conservée aux Archives départementales du Nord, à Lille. Les fonds comprennent aussi bien des registres de comptes, de délibérations que des registres d’entrées et de sorties dans ces établissements. L’auteur a également utilisé, aux Archives nationales, les pièces relatives au traitement du paupérisme et à la création et au fonctionnement des dépôts de mendicité. Outre ces sources manuscrites, les sources imprimées mobilisées sont extrêmement nombreuses. On compte notamment tous les débats menés sur la question hospitalière dans les années 1740. Les discours sont riches et variés avec d’un côté ceux qui prônent un hôpital consacré aux patients, dirigé et desservi par des praticiens, ouvert aux pauvres, financé par les institutions publiques et intégré dans un système rationnel et complet de secours et de l’autre, ceux qui accusent les hôpitaux de tous les maux et proposent leur suppression au profit de secours à domicile parés de toutes les vertus médicales et morales et de plus, supposés moins coûteux en termes de fonctionnement.

4Le plan du livre est organisé en quatre parties relatives à la tradition d’assistance (I), à l’administration des hôpitaux généraux (II), à la population constituée par les enfants (III) et pour terminer au positionnement des hôpitaux généraux face aux difficultés (IV).

5Plusieurs grandes interrogations rythment la première partie : comment se fait la répression de la mendicité et du vagabondage ; pourquoi la réforme du système hospitalier du Nord est-elle nécessaire ? Comment se fait la mise en place des hôpitaux généraux ? La recrudescence de la mendicité remet brutalement en cause le système de charité traditionnel, et c’est afin d’endiguer ces phénomènes que les villes et le pouvoir central cherchent à interdire la mendicité, à encadrer les secours et à lutter contre le vagabondage. En 1724, 1750 et 1764, des textes remettent à l’ordre du jour l’enfermement des mendiants et des vagabonds. Un arrêt du Conseil d’État du Roi du 21 octobre 1767 prescrit l’ouverture des dépôts de mendicité. Toutefois, malgré la multiplication d’idées très dures à l’égard des pauvres et le reproche d’être un danger social, persiste la tradition de les voir comme des personnages qui conservent une auréole religieuse parce qu’ils sont les représentants du Christ. Dans les provinces du Nord, les résistances à l’établissement des hôpitaux généraux sont multiples car on voit dans ces derniers une remise en cause des prérogatives des institutions d’assistance. Ce sont ces résistances qui expliquent le retard pris par les provinces du Nord dans la mise en place des hôpitaux généraux.

6La deuxième partie est très réussie. On voit très bien le fonctionnement des hôpitaux et notamment le fort investissement des élites dans les structures caritatives. Les hôpitaux sont très largement administrés par des laïcs et, sans parler d’éviction des religieux et religieuses, on peut déceler une « municipalisation » de l’assistance. Afin d’administrer et de gérer les hôpitaux, le Magistrat fait appel aux élites locales, qui sont pour l’essentiel des hommes de loi, des négociants et des nobles, respectivement 31 %, 29 % et 26 %. Ces charges sont souvent un tremplin vers les charges échevinales. De plus, la charge d’administrateur de l’hôpital, qui est essentiellement honorifique, témoigne d’une place éminente dans la société urbaine. Si la fonction ne donne en effet pas lieu à rétribution, certains administrateurs contribuant même par leur fortune personnelle à assurer l’équilibre des finances hospitalières, on mesure l’intérêt qui s’attache à l’exercice de ces charges, ces dernières permettant une réaffirmation de la position et du capital social. La partie sur l’architecture hospitalière est très intéressante. On peut noter le rôle important de l’intendant qui travaille en collaboration avec les architectes et les ingénieurs. La question du financement est cruciale. Les capacités des villes étant limitées, il est nécessaire de recourir à l’emprunt, aux droits d’octroi voire à la levée d’impôts spéciaux.

7Au sein du personnel, les soignants (médecins, chirurgiens, pharmaciens) jouent un rôle non négligeable. Les hôpitaux militaires ont été précurseurs dans l’administration des soins. C’est au xviiie siècle, avec la pratique de l’enseignement et de la thérapeutique, que naît l’idée de l’hôpital comme établissement de soins. On voit très bien que les pratiques dans les hôpitaux généraux du Nord sont éloignées d’un système ultra-répressif. Bien des administrateurs, proches des traditions catholiques, acceptent mal que l’hôpital soit transformé en maison de correction et qu’on remplace la charité par le redressement. Il apparaît nettement que la fonction répressive de l’hôpital est tout à fait mineure par rapport à celle d’assistance des pauvres de la ville.

8L’auteur propose un chapitre démographique qui repose sur l’exploitation des registres d’entrée et de sortie des enfants. La plupart des enfants abandonnés sont placés le plus vite possible en nourrice. Les chances de survie sont très limitées, la mortalité s’élevant à 82 % dans la seconde moitié du xviiie siècle. La vie à l’intérieur de l’hôpital est bien décrite. Les hôpitaux fondent leur fonctionnement sur les manufactures, le travail étant perçu comme un moyen de répression mais aussi d’assistance. Les administrateurs placent les enfants en apprentissage chez des maîtres et maîtresses, en ville, ou à la campagne, chez des cultivateurs. Parallèlement, des ateliers sont installés au sein des établissements avec le concours d’artisans pour diriger les boutiques. En plus de l’apprentissage du travail manuel, les enfants sont initiés à la lecture et à l’écriture. Les orphelins, qui représentent environ le tiers des enfants secourus, bénéficient d’un traitement particulier.

9À la fin du xviiie siècle, un vent de tempête souffle sur les hôpitaux généraux. Les critiques se multiplient ; on remet en cause leur grande taille qui en fait des foyers de contagion, on leur reproche de coûter cher et enfin leur relatif échec dans l’endiguement de la pauvreté et de la mendicité. Une nouvelle politique d’assistance est envisagée avec la mise en place de nouvelles structures : les dépôts de mendicité qui sont destinés à prendre le relais des hôpitaux généraux. En fait, toutes les critiques adressées aux hôpitaux généraux s’appliquent mal à ceux du Nord où, contrairement aux autres établissements, les finances apparaissent plutôt saines. Il semble que l’on ait généralisé un peu vite parce que l’on était obsédé par les difficultés des grands établissements parisiens. Au contraire, la situation des hôpitaux généraux du Nord est originale : ils sont au centre d’un réseau de relations économiques et ils apparaissent comme de véritables « cités » dans la cité, des lieux où l’on apprend à travailler, à lire et écrire. Ce sont de véritables institutions d’assistance sociale dont le but est de soulager la pauvreté et non d’éradiquer la misère par les voies de la répression.

10Ce travail, bien présenté, riche et très intéressant, apporte beaucoup à la connaissance de l’histoire hospitalière de la France.

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Para citar este artículo

Referencia en papel

Scarlett Beauvalet, «Olivier Ryckebusch, Les hôpitaux généraux du Nord au siècle des Lumières (1737-1789)»Histoire, médecine et santé, 14 | 2019, 121-124.

Referencia electrónica

Scarlett Beauvalet, «Olivier Ryckebusch, Les hôpitaux généraux du Nord au siècle des Lumières (1737-1789)»Histoire, médecine et santé [En línea], 14 | hiver 2018, Publicado el 15 marzo 2019, consultado el 11 diciembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/1831; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.1831

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Scarlett Beauvalet

Université de Picardie Jules Verne

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