Pour une autre histoire des pratiques médicales alternatives
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Permanence ou histoire cyclique ?
- 1 « L’appel de 124 professionnels de la santé contre les “médecines alternatives” », Le Figaro, en l (...)
- 2 Par exemple par la lecture du récent Olivier Faure, Et Samuel Hahnemann inventa l’homéopathie : la (...)
1En publiant, dans Le Figaro du 18 mars 2018, une pétition contre l’homéopathie et dans une moindre mesure contre l’acupuncture et la mésothérapie (les deux nommément citées) et ce qu’ils baptisent les fake-medicines, les 124 signataires et ceux qui leur ont emboîté le pas ont sans doute eu l’impression de « lever un lièvre »1. Certes, cette condamnation qui émane de la base, et non des instances académiques ou ordinales, possède son originalité puisqu’elle ne demande pas seulement le déremboursement des médicaments prescrits en homéopathie mais réclame aussi que les professionnels qui continuent à promouvoir ces pseudo-médecines ne puissent plus faire état de leur titre. Une simple curiosité facile à satisfaire2, aurait pu leur montrer qu’ils ne faisaient que reproduire sans rien y changer des arguments et un raisonnement formulés il y a bientôt deux siècles. C’est en effet en 1835 que l’Académie de médecine française condamna l’homéopathie et en 1842 qu’elle décida de ne plus discuter de la question du magnétisme. S’il n’a jamais été question en France de remettre en cause le diplôme de docteur acquis par les homéopathes et les tenants d’autres systèmes condamnés, les associations médicales américaines (1847) et britanniques (1853) dénièrent aux homéopathes le droit de se dire médecins et les exclurent de leurs rangs, sans toutefois pouvoir leur retirer leurs titres. Sur le fond, la condamnation actuelle ne présente guère de nouveautés. Certes, les médecines dénoncées ne sont pas seulement jugées inefficaces (au-delà de l’effet placebo) mais aussi dangereuses dans la mesure où elles retardent des diagnostics et des traitements nécessaires et où, argument singulier sous la plume de médecins, elles donneraient « l’illusion que toute situation peut se régler avec un “traitement” ». En fait, les arguments professionnels, déguisés sous des arguments moraux, l’emportent sur la condamnation scientifique vite expédiée tellement elle va de soi aux yeux des pétitionnaires. À les lire attentivement, on s’aperçoit que, comme pour leurs lointains devanciers, le danger de ces « fausses médecines » réside surtout dans le fait qu’elles « alimentent et s’appuient sur une défiance de fond vis-à-vis de la médecine conventionnelle comme le montrent les polémiques injustifiées sur les vaccins ». Outre l’amalgame hardi que représente cette dernière assertion, le but est bien de revendiquer et d’asseoir le monopole absolu de l’evidence-based medicine. Pour y arriver, les pétitionnaires accusent l’homéopathie d’être un « charlatanisme » et ses praticiens de recourir à la tromperie et d’avoir un comportement contraire à l’éthique. Ce glissement du jugement scientifique à l’accusation de charlatanisme est aussi une constante historique du discours hostile aux théories et aux pratiques considérées comme hétérodoxes. Même si la contre-attaque est aujourd’hui encore discrète, il faut noter qu’historiquement les campagnes de ce type n’ont jusqu’à présent jamais débouché sur des résultats concrets et ont plutôt contribué à renforcer le camp des dissidents. Dès le début du xixe siècle, ceux-ci ont revêtu avec succès le costume des honnêtes médecins victimes d’accusations calomnieuses, entonné le grand air de la liberté et fait appel au public contre l’autoritarisme des instances officielles. À l’aube des temps démocratiques, ces arguments ont porté. Nul doute qu’ils soient encore plus convaincants à l’heure de la démocratie sanitaire triomphante et de l’affirmation des droits des malades. À moins que l’argument économique (celui du déremboursement des remèdes alternatifs qui contribuerait à la réduction des dépenses de santé), désormais prépondérant, ne soit in fine le seul qui prévale aux yeux des décideurs.
- 3 L’institut Bergonié de Bordeaux intègre une formation à l’hypnothérapie dans sa démarche de dévelo (...)
- 4 Ce numéro est le fruit de la journée d’études « Pour en finir avec les médecines “parallèles”. Une (...)
2Pourtant, le conflit, dont le récit pourrait paraître lassant car sans cesse repris dans les mêmes termes, ne saurait résumer à lui seul toute l’histoire des relations entre la médecine majoritaire et ses dissidences. L’évolution de leurs rapports est certes marquée par des cycles qui tantôt les éloignent, tantôt les rapprochent. Par exemple, l’histoire du magnétisme et de l’hypnose très bien connue montre à quel point cette histoire doit être construite sur un modèle cyclique, et non sur un modèle linéaire et/ou binaire. Dans ce cas de figure, qui ne correspond pas forcément à la chronologie des relations entre les autres médecines alternatives et la médecine académique, aux périodes de marginalisation – schématiquement le début du xixe siècle et durant la première moitié du xxe siècle – succèdent des périodes d’intégration aux pratiques médicales, expérimentales et hospitalières – les années 1820-1830, la deuxième moitié du xixe siècle et le dernier demi-siècle. Dans ces dernières périodes, ces thérapies acquièrent le statut de médecine complémentaire. Il ne fait aucun doute pour l’observateur contemporain que les décennies qui viennent de s’écouler se sont traduites par une institutionnalisation hospitalière de pratiques qui furent un temps considérées comme marginales. La méditation de pleine conscience s’enseigne aujourd’hui à l’hôpital Sainte-Anne et les diplômes universitaires d’hypnothérapie se sont multipliés pour répondre à la demande de prise en charge douce, notamment dans les centres anticancéreux3. Les destins de la médecine académique et de ses marges sont en fait étroitement liés au sein de ce qui constitue finalement, nous l’affirmons haut et fort, un univers unique de soin au sein duquel les patients sont rois. Tel est l’objet de ce numéro issu d’une journée d’études tenue à l’université du Mans en 20174.
Les pratiques alternatives : un même ensemble ?
- 5 L’analyse la plus pertinente du rôle des « laïcs » dans ces médecines est celle de Eberhard Wolff, (...)
- 6 Maurice Garden, « L’histoire de l’homéopathie en France (1830-1940) », dans Olivier Faure (dir.), (...)
- 7 George Weisz, « A Moment of Synthesis: Medical Holism in France between the Wars », dans Christoph (...)
- 8 Olivier Faure, Et Samuel Hahnemann inventa l’homéopathie…, op. cit., p. 249-260.
3Bien sûr, des non-médecins jouèrent un rôle dans les médecines hétérodoxes – religieux, professionnels paramédicaux ou simples amateurs. Mais sauf dans le cas du monde germanique5, ces dernières furent presque exclusivement pratiquées par d’authentiques docteurs en médecine. Lorsque les historiens français ont commencé au début des années 1990 à étudier les médecines que l’on appelait alors parallèles, ils ont émis l’hypothèse que ces thérapeutiques alternatives fleurissaient dans les périodes d’hésitations et d’échec de la médecine classique et marquaient le pas lorsqu’elle triomphait6. Dans cette optique, l’impasse thérapeutique de la médecine clinique à la charnière des xviiie et xixe siècle aurait été propice à la naissance et au succès relatif du magnétisme, de la phrénologie et de l’homéopathie. De la même manière, le développement des maladies dégénératives sur lesquelles buttait la médecine technicienne aurait constitué un terreau favorable à l’explosion des médecines alternatives à partir des années 1960. Entre ces deux périodes, elles auraient connu un essoufflement lié au triomphe de la médecine pastorienne qui terrassait les maladies infectieuses. Pourtant, les études ultérieures ont démenti cette première hypothèse. Comme l’ont montré, d’abord George Weisz7, puis Olivier Faure8 et enfin Léo Bernard dans ce numéro, les années de l’entre-deux-guerres furent la période la plus favorable au rapprochement entre les deux familles de la médecine, et une période particulièrement propice à la diffusion de nouvelles médecines alternatives. Les doutes sur le bien-fondé de la biomédecine prospérèrent à son apogée et sévirent surtout parmi ceux qui y participaient. Dans les trente ou quarante dernières années, le développement de la médecine la plus moderne et la plus technique n’a pas empêché une portion non négligeable des médecins ordinaires de prescrire à la fois les traitements les plus en pointe et le recours aux thérapeutiques alternatives. Ces dernières disposent désormais de vitrines médiatiques extraordinaires au sein des institutions les plus prestigieuses.
- 9 James Whorton, Nature Cures. The History of Alternative Medicine in America, Oxford/New York, Oxfo (...)
- 10 Citons à titre d’exemple : Ronald Guilloux, « L’acupuncture et le magnétisme animal face à l’ortho (...)
- 11 Roy Porter et W. F. Bynum, Medical Fringe & Medical Orthodoxy, 1750-1850, Londres/Sydney, Croom He (...)
4Comment faut-il dès lors écrire l’histoire de ces médecines qui selon les époques et la position du locuteur change de terminologie : parallèles, alternatives, complémentaires, holistiques, hétérodoxes ? Les synthèses – encore rares – qui leur sont consacrées privilégient généralement des études monographiques égrenées dans l’ordre chronologique, comme si ces pratiques ne possédaient pas de points communs, n’émanaient pas des mêmes contextes, ne permettaient pas de croiser les mêmes acteurs9. Rares sont les travaux qui osent croiser des pratiques marquées du sceau de la marginalité si ce n’est de l’infamie avec l’histoire considérée comme plus noble de la médecine majoritaire10. Les approches d’histoire globale ont néanmoins depuis quelques années remis les médecines alternatives au cœur du récit historique, en montrant notamment les circulations dont elles faisaient l’objet11.
- 12 Hervé Guillemain, La méthode Coué. Histoire d’une pratique de guérison au xxe siècle, Paris, Seuil (...)
- 13 Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme : le mythe du retour à la nature, Rennes, Presses universit (...)
5Pourtant, si la plupart des chercheurs se sont individuellement consacrés à l’étude d’une seule de ces médecines, tous ont dû noter qu’aucune ne constituait un bloc étanche. Celles-ci ne sont pas seulement constituées d’écoles différentes et bien identifiées mais elles forment toutes ensemble une nébuleuse, une sorte de famille dans laquelle les échanges, les circulations, les appartenances multiples sont permanentes. Si les médecines hétérodoxes qui surgissent à l’époque des révolutions (1750-1830) ont chacune un fondateur (Mesmer pour le magnétisme ; Gall pour la phrénologie ; Hahnemann pour l’homéopathie) qui assoit une théorie, essaie de définir une pratique et de constituer une école qu’il dirigerait d’une main de fer, les militants adhèrent simultanément à plusieurs de ces écoles et additionnent les pratiques. Le même phénomène est encore plus net dans l’entre-deux-guerres où les premiers acupuncteurs et ostéopathes français sont aussi tous homéopathes. Les praticiens de la méthode Coué gravitent autant dans les sphères de l’hypnothérapie et du magnétisme que dans celle du naturisme et de l’homéopathie12. Il est donc temps d’analyser ensemble ces différentes doctrines qui recrutent dans un même milieu qui est plus de nature idéologique que sociale et se caractérise par la recherche de nouveautés dans tous les domaines, bref un cultic-milieu pour reprendre l’expression du sociologue américain Colin Campbell qu’Arnaud Baubérot a judicieusement appliqué au naturisme13. Cette notion de recherche de la nouveauté dans tous les domaines invite, et même oblige, à penser ces mouvements bien au-delà de la seule histoire de la médecine et à les analyser dans le cadre d’une histoire globale.
6Pour peu qu’il y réfléchisse un instant, chacun devrait admettre que le choix d’un thérapeute est loin d’être le simple résultat d’une opération intellectuelle rationnelle menée en termes d’analyse coût/bénéfice. Sans rien enlever de l’importance des démarches personnelles, ici fondamentales, force est de constater que l’option en faveur des médecines hétérodoxes recoupe des appartenances sociales, politiques, idéologiques. Dès leur apparition (on ne peut parler de médecines alternatives avant la constitution d’une orthodoxie médicale à la charnière des xviiie et xixe siècles), elles attirèrent et séduisirent toujours des groupes bien précis. Outre les médecins, qui représentent toujours – ne l’oublions pas – le plus gros contingent, phrénologie, homéopathie et magnétisme exercèrent leur attrait sur une partie des élites : artistes comme Paganini, aristocrates comme Lord Anglesey, le comte de Las Cases (noblesse d’Empire) ou Mélanie d’Hervilly, future deuxième épouse d’Hahnemann, professeurs comme Sébastien Des Guidi, hauts fonctionnaires comme Clemens von Bönninghausen, religieux comme le trappiste Alexis Espanet. Aujourd’hui aussi, même si la clientèle de ces médecines est composite, son « noyau dur » se recrute au sein des classes moyennes urbaines et éduquées et non parmi les marginaux. Loin d’être des résistances à la modernité, ces médecines s’inscrivirent d’emblée en son cœur. Plus encore que la biomédecine, les médecines hétérodoxes furent ainsi d’emblée internationales. Nés dans le monde germanique, mesmérisme, phrénologie et homéopathie s’implantèrent quasi instantanément dans l’ensemble du monde connu. Cette expansion ne fut pas seulement liée aux migrations de leurs leaders dont la plupart séjournèrent ou même moururent à Paris (Gall, Hahnemann) mais aussi au prosélytisme de leurs disciples. Sauf, l’Afrique et l’Extrême-Orient, l’homéopathie était déjà présente aux États-Unis, au Brésil et en Inde dès la fin des années 1830. Avant même d’être vraiment introduite en Europe dans l’entre-deux-guerres par le sinisant Soulié de Morant, l’acupuncture venue de Chine fit une première et courte apparition au début du xixe siècle en particulier grâce à l’obscur médecin de campagne Louis Berlioz (père du compositeur). C’est dire combien ces médecins n’étaient pas des traditionalistes frileux mais bien des curieux à l’affût de tout ce qui se faisait de nouveau dans le vaste monde.
Médecins, patients, amateurs : une histoire du pluralisme médical
- 14 Aude Fauvel et Alexandra Bacopoulos-Viau, « The Patient’s Turn. Roy Porter and Psychiatry’s Tale, (...)
- 15 Robert Jütte, Medical Pluralism: Past, Present, Future, Stuttgart, Institut für Geschichte der Med (...)
- 16 Hervé Guillemain et Nathalie Richard, « Towards a Contemporary Historiography of Amateurs in Scien (...)
- 17 Michael Stolberg, « Alternative Medicine, Irregular Healers and the Medical Market in Nineteenth C (...)
7L’attention portée aux pratiques alternatives ne peut être dissociée d’un appel plus large des historiens à produire une histoire pluraliste de la médecine. Depuis le manifeste de Roy Porter pour une histoire du point de vue des patients, qui a désormais plus de trente ans d’âge, les travaux ont été nombreux à ce sujet14. Sans doute les familles restent-elles le parent pauvre de cet élargissement du panel des acteurs de l’histoire médicale. Mais les pratiques alternatives font désormais partie du paysage15. Elles bénéficient notamment d’une reconnaissance plus large du rôle des amateurs dans le champ des sciences16. Autant que l’on puisse le savoir en l’état actuel de nos connaissances, l’exercice des médecines hétérodoxes fut majoritairement une affaire de médecins surtout dans les pays où le monopole médical était bien établi. Il n’est donc pas étonnant que ce soit en Allemagne où régnait la liberté des soins (Kurierfreiheit) et où les praticiens de santé (Heilpraktiker) non-médecins disposaient d’un statut que l’exercice médical laïc (i. e, par des non-médecins) fut le plus répandu. En homéopathie, on le remarque en particulier en Bavière où dans les années 1870, les praticiens laïcs étaient quatre fois plus nombreux que les médecins. Cependant, membres du clergé (un quart), fermiers et artisans (à égalité) pratiquaient à bas bruit17 pendant qu’un aventurier Arthur Lutze fit fortune dans sa pratique.
- 18 Richard Haehl, Samuel Hahnemann: sein Leben und Schaffen, Leipzig, Schwabe, 1922.
- 19 « Quellen und Studien zur Homöopathiegeschichte » : ouvrages publiés chez Haug (Stuttgart). 24 vol (...)
- 20 Un des meilleurs titres est : Michael Stolberg, Geschichte der Homöopathie in Bayern (1800-1914), (...)
- 21 Robert Jütte, Samuel Hahnemann, Begründer der Homöopathie, Munich, DTV Verlag, 2005 (2e éd. 2007).
- 22 Inge Christine Heinz, Schicken Sie Mittel, senden Sie Rath: Prinzession Luise von Preussen als Pat (...)
- 23 Roy Porter, « The Patient’s Point of View: Doing History of Medicine from Below », Theory and Soci (...)
- 24 Pas moins de douze volumes des Krankenjournale de Hahnemann ont été transcrits et traduits à l’IGM (...)
- 25 Séverine Pilloud, Les mots du corps : expérience de la maladie dans les lettres de patients à un m (...)
- 26 Laurence Brockliss, « Consultation by Letter in Early Eighteenth Century Paris: The Medical Practi (...)
- 27 Olivier Faure, « Léon Vannier’s Patients in the 1930s », dans Martin Dinges (dir.), Patients in th (...)
- 28 Alfred Brauchle, Geschichte der Naturheilkunde in Bildern, Leipzig, Reclam, 1937 (réed. Stuttgart, (...)
- 29 Jürgen Helfricht, Vincenz Priessnitz und die Rezeption seiner Hydrotherapie, Husum, Mathiesen, 200 (...)
- 30 Robert Jütte, Geschichte der alternativen Medizin; von der Volksmedizin zu den unkonventionellen T (...)
- 31 Maurice Garden, « Médecine “savante” et médecine “populaire” en Allemagne (fin xixe-début xxe sièc (...)
8La reconnaissance historiographique des médecines dissidentes est cependant plus ancienne. Terre de naissance de la plupart des systèmes médicaux dont il est question dans ce numéro, le monde germanique a naturellement développé depuis longtemps une longue tradition d’études historiques de ces mouvements. Pour des raisons contingentes, l’homéopathie fut et reste le parent riche de l’historiographie d’outre-Rhin. Comme plusieurs des membres de sa génération et de son milieu, Robert Bosch (1861-1942), fondateur de la célèbre firme de Stuttgart qui porte son nom, était un adepte de l’homéopathie. Il prit sous sa protection et hébergea un médecin homéopathe Richard Haehl (1873-1952) qui tenait en sa possession les archives d’Hahnemann et en particulier ses journaux de malades et sa correspondance. Haehl écrivit une biographie d’Hahnemann bien informée mais incomplète et assez hagiographique18 publiée par le principal fabricant allemand de produits homéopathiques, Schwabe. À partir de ce riche fonds d’archives naquit en 1980, au sein de la fondation Bosch, un institut d’histoire de la médecine (Institut für Geschichte der Medizin [IGM]) dont l’un des points forts est naturellement l’histoire de l’homéopathie. Celle-ci est présente dans la revue de l’Institut, Medizin, Gesellschaft und Geschichte, et fait l’objet d’une collection d’ouvrages19 où l’on trouve à la fois des publications de sources, des études très précises sur l’homéopathie dans divers pays ou régions d’Allemagne20, des biographies d’homéopathes21 mais aussi de patients de l’homéopathie22. On ne saurait mieux dire que l’historiographie allemande, d’une érudition impeccable, a su marier l’histoire des institutions, des médecins et des patients. Elle épouse l’évolution générale de l’histoire de la médecine qui conduit de l’histoire des médecins à celle des patients et in fine à celle des relations entre soignants et soignés. En Allemagne, comme en France, le secteur des médecines hétérodoxes fut l’un des terrains privilégiés du développement de l’histoire de la médecine from below23. Les archives y amenaient naturellement. Les premiers homéopathes, comme Hahnemann ou le Français Des Guidi, tenaient des journaux de malades24 qui, non seulement décrivaient les caractéristiques sociodémographiques des patients, mais récapitulaient leur carrière de malades avec les différentes visites, les symptômes constatés, les traitements prescrits et leurs résultats. Ayant atteint une notoriété internationale, Hahnemann, comme le célèbre Samuel-Auguste Tissot (1728-1797)25 mais aussi plus tôt Guy Patin (1601-1672) ou Étienne-François Geoffroy (1672-1731)26 recourait aux consultations par correspondance dans lesquelles les patients retraçaient leur biographie médicale. Des homéopathes plus proches de nous conservèrent la tradition en établissant et en conservant des fichiers de malades27. En revanche, on peut s’étonner que cette « école » allemande si prolifique n’ait pas encore engendré une vigoureuse synthèse mettant en relation les succès de l’homéopathie avec l’évolution de la société et de la politique allemande. De même, le contraste entre l’histoire de l’homéopathie et celle des autres médecines naturelles est flagrant. Fondamentale, et toujours massivement pratiquée outre Rhin, l’hydrothérapie prônée par le paysan Vincenz Priessnitz (1799-1855) puis par le prêtre Sebastian Kneipp (1821-1897) n’est encore connue dans son histoire que par les nazis patentés qu’étaient le médecin-chef de la clinique Priessnitz à Brandenberg-Malhow (Land de Brandebourg) Alfred Brauchle (1898-1964) et le dramaturge et écrivain Eugen Ortner (1890-1947). Si leur lourd passif politique ne peut en aucun cas disqualifier leur œuvre historique largement documentée28, leurs travaux ne peuvent être jugés à l’aune des travaux scientifiques habituels. Malheureusement, il ne semble pas que les travaux plus récents du publiciste et historien de l’astronomie Jürgen Helfricht satisfasse totalement les exigences de la recherche historique29. S’il y a bien eu des synthèses plus récentes30, c’est peut-être, paradoxalement, l’historien français Maurice Garden qui a le plus pertinemment analysé les médecines alternatives dans l’Allemagne à la charnière des xixe et xxe siècles31.
- 32 Deux exemples de date différente : Roger Larnaudie, La vie surhumaine de Samuel Hahnemann, fondate (...)
- 33 Marc Renneville, Le langage des crânes : une histoire de la phrénologie, Le Plessis-Robinson, Synt (...)
- 34 C’est ainsi qu’Eberhard Wolff sollicita Olivier Faure pour fournir une contribution sur la diffusi (...)
- 35 Olivier Faure, « Esquisse d’une histoire des marges médicales en France (xixe-milieu xxe siècle) » (...)
- 36 Il existe en Allemagne et en Suisse (Lausanne, Berne) des Instituts d’histoire de la médecine inté (...)
9Le paradoxe serait d’autant plus grand que l’historiographie française doit presque tout à sa voisine d’outre-Rhin. Dès le début, les homéopathes avaient une claire conscience historique et un médecin lyonnais, Auguste-Toussaint Rapou (1781-1857), publia en 1847 une Histoire de la doctrine médicale homéopathique, son état actuel dans les principales contrées d’Europe, qui est toujours une précieuse source d’information. La tradition du travail historique fut bien vite délaissée au profit d’une histoire polémique et outrancièrement hagiographique, en particulier à l’égard d’Hahnemann32. La récente histoire sociale de la médecine ignora longtemps les médecines hétérodoxes et dans sa maîtrise un des auteurs de ce texte exécuta en quelques lignes les homéopathes lyonnais ravalés au rang de charlatans. C’est pourtant à lui qu’échut, quelques années plus tard, la « mission » de réaliser une histoire scientifique française de l’homéopathie et de se faire le vecteur de l’historiographie allemande en France. Il serait malhonnête de scientifiser ce processus dans lequel le hasard joua sous deux aspects un rôle majeur. Soucieuse de développer des liens avec les entreprises, l’université Lyon 2 fut amenée à négocier, à la fin des années 1980, avec les Laboratoires homéopathiques Boiron (les seuls à avoir répondu positivement) qui désiraient financer une histoire scientifique de l’homéopathie. Le spécialiste d’histoire de la santé fut naturellement désigné pour conduire le projet ce qui imposa vite de prendre contact avec l’Institut d’histoire de la médecine de la Fondation Bosch où peu après arriva à sa tête l’équipe Jütte/Dinges qui devait le dynamiser si fortement. Ainsi naquit en France l’histoire de l’homéopathie. Parallèlement, et dans le cadre de ses recherches sur la médecine du crime, Marc Renneville rencontra les phrénologues auxquels il consacra un livre important33. Rentrer dans le monde d’une médecine alternative revient à les aborder toutes, tant elles sont, surtout en France, profondément imbriquées. Par ailleurs, avoir travaillé sur une de ces médecines vous désigne pour en étudier d’autres34. Aussi, c’est en France que s’affirma plus fermement qu’ailleurs l’idée de faire une histoire globale de ces médecines35. Une autre caractéristique de l’historiographie française réside dans son approche résolument externaliste et par la priorité donnée aux contextes économico-socio-politiques. En effet, plus que dans d’autres pays, les médecines hétérodoxes furent intimement liées au foisonnement des mouvements politiques et idéologiques qui caractérisa l’histoire contemporaine de la France. De plus, et contrairement à d’autres pays où l’histoire de la médecine est une discipline structurée36, l’histoire sociale de la santé et de la médecine est menée en France par des historiens venus de l’histoire sociale et culturelle générale qui accordent donc une place essentielle aux liens qu’entretiennent les médecines hétérodoxes avec les sociétés dans lesquelles elles évoluent.
Une histoire politique
- 37 Robert Johnston, The Politics of Healing. Histories of Alternative Medicine in Twentieth‐Century N (...)
10La pratique d’une médecine alternative n’est pas seulement un choix individuel ou professionnel mais aussi un geste politique ce que montraient bien déjà en 2004 les contributeurs du volume The Politics of Healing37. La création récente aux États-Unis d’un bureau des médecines alternatives au sein de l’Institut national de la santé a été le fruit de l’action conjointe de deux parlementaires (il s’agit de Tom Harkin et Orrin Hatch, militant pour un Out of Network Care) dont l’un est un mormon conservateur de l’Utah et l’autre un libéral rebelle de l’Iowa : « Leftist and rightist team » furent donc à l’origine de cette reconnaissance qui tient à la fois d’une offensive contre les intérêts de l’économie médicale capitaliste mais aussi une valorisation de la responsabilité individuelle dans la santé. De manière générale, cette défense des médecines alternatives articule une critique de l’État et une idéologie du self help qui peut se retrouver dans des positions politiques radicales très éloignées les unes des autres.
- 38 Materia medica pura ou Reine Arzneimittellehre, six volumes publiés entre 1811 et 1821.
- 39 Fleury Imbert, De la nécessité d’une théorie en médecine, Lyon, Rossary, 1833, p. 13.
11Dans d’autres contextes plus anciens, cette même radicalité peut se retrouver. Le surgissement presque conjoint du mesmérisme, de l’homéopathie, de la phrénologie et de l’acupuncture à la charnière des xviiie et xixe siècle ne doit rien au hasard et a tout à voir avec le temps des révolutions. Plus que d’être la traduction d’un contexte marqué par les utopies, les systèmes médicaux en sont une des composantes. Ils s’inscrivent d’abord pleinement dans la révolution que constitue la médecine d’observation. Il n’y eut pas d’observateurs plus acharnés et systématiques que Franz Joseph Gall qui passa sa vie à mesurer les crânes ou que Hahnemann qui rédigea une gigantesque matière médicale38 en six volumes dans laquelle il décrivait les multiples symptômes (32 000) qu’il avait éprouvés en ingérant 64 (1re édition) puis 69 (2e édition) substances différentes. Pourtant, les doctrines nouvelles allaient bien au-delà de ces observations que nous avons tendance à qualifier de maniaques. Mesmer, Hahnemann et, dans une moindre mesure, Gall répondaient aux inquiétudes de tous ceux qu’effrayait cette « débauche d’observations qui ne constituaient pas plus une science qu’un amas de matériaux ne forme un édifice39 ». Par ailleurs, l’homéopathie, l’acupuncture, la phrénologie et le mesmérisme proposaient une thérapeutique ou une démarche fondée sur un principe invariant. Une partie de leur succès vint de leur capacité à sortir de l’impasse thérapeutique où se trouvait la médecine clinique qui observait que la plupart des traitements, prescrits « au petit bonheur la chance » étaient, au mieux inutiles, au pire dangereux. Néanmoins, peu de médecins se résolvaient à faire confiance à la seule Natura medicatrix.
- 40 Robert Darnton, La fin des Lumières : le mesmérisme et la Révolution, Paris, Perrin, 1984 (éd. ori (...)
- 41 Hervé Guillemain, « Principes pour une réappropriation globale de la santé au xixe siècle. Les com (...)
- 42 Arnaud Baubérot, « Aux sources de l’écologisme anarchiste : Louis Rimbault et les communautés végé (...)
- 43 Voir le texte de Célestin Freinet à propos de Suggestion et autosuggestion, École Émancipée, 10, 2 (...)
12L’intérêt que suscitèrent ces systèmes ne vint pas principalement de leur force de conviction purement médicale. La dimension politique du mesmérisme a été tellement soulignée40 qu’elle a relégué dans l’ombre ses aspects médicaux assimilés à une pure dimension mondaine. Au contraire, Marc Renneville a su traiter simultanément les deux faces politiques et médicales de la phrénologie. Dans l’ouvrage de synthèse sur l’histoire de l’homéopathie, l’auteur a tenté de montrer que l’édification d’une doctrine, apparemment purement médicale, faisait partie intégrante d’un plan général pour établir un nouvel ordre social, d’où ces liens avec les courants socialistes, et en particulier le saint-simonisme. Par ailleurs, elle s’intégrait parfaitement au courant démocratique qui contestait les autorités en place et faisait du public l’arbitre ultime de toutes les causes, fussent-elles médicales. Dans l’ébullition démocratique des années 1840, la méthode Raspail a représenté un étendard politique autant qu’une méthode de guérison populaire. Les revendications du candidat socialiste à la première élection présidentielle de l’histoire de France incluaient l’ouverture des amphithéâtres de dissection aux citoyens, la répartition égale des médecins sur le territoire, le contrôle social des innovations médicales comme l’anesthésie41. Au Royaume-Uni aussi, l’homéopathie fut très liée au libéralisme radical. En Allemagne où, par la force des choses, les passions politiques étaient contraintes, la contestation du monde existant fut plus intellectuelle et sociale, passant par un Romantisme dépassant largement le monde littéraire et les milieux intellectuels. Il se traduisit dans la population par un attachement à la nature dont l’hydrothérapie et les médecines naturelles furent une des traductions. Si cette liaison avec le mouvement social et politique est assez bien connue pour la période initiale, elle mériterait d’être plus approfondie pour les phases suivantes. On sait néanmoins que le naturisme fut porté à son apogée dans les milieux libertaires de l’entre-deux-guerres à travers l’expérience des colonies végétaliennes anarchistes42. Certains disciples d’Émile Coué se tournaient volontiers vers les milieux de l’éducation nouvelle, considérant la santé comme le fruit d’une éducation et d’une hygiène que les citoyens pouvaient acquérir la plupart du temps sans le recours à la médecine académique. Puisque la guérison était pensée plutôt comme une auto éducation et une auto gestion, il n’était pas incongru de voir au sein des travaux de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle voisiner Célestin Freinet et Émile Coué43.
- 44 Jean-Louis Loubet Del Bayle, Les non conformistes des années 1930 : une tentative de renouvellemen (...)
- 45 Hervé Guillemain, La méthode Coué, op. cit.
13Les relations qu’entretiennent les médecines hétérodoxes avec les mouvements non conformistes des années 1930 mériteraient de plus amples réflexions. Après l’ouvrage pionnier de Jean-Louis Loubet Del Bayle44, il serait temps d’étendre l’étude de ce thème au-delà de la seule pensée politique et de la seule France. Si la remise en cause de la biomédecine a bien été étudiée, il manque encore une synthèse sur la remise en cause du rationalisme, du scientisme et de la société industrielle dans l’entre-deux-guerres. Une fois Émile Coué disparu, la société qui devait en diffuser les préceptes fut reprise par Alphonse de Châteaubriant qui en défendit l’efficacité jusque dans le Paris collaborationniste des années 194045. Plus largement, les appels à une action réformatrice vigoureuse et dépourvue du verbiage parlementaire d’une frange ligueuse des anciens combattants prirent la figure de Coué comme emblème. Il en allait de même de l’homéopathie qui reçut le soutien ostensible de ministres et hommes politiques de droite (Oberkirch et Blaisot en France ; Harding et Coolidge aux États-Unis) et de médecins eux aussi réactionnaires en politique (Ludwig Aschoff, August Bier). Plus largement, les têtes pensantes du mouvement holistique comme Alexis Carrel et René Leriche eurent des sympathies pour Vichy, voire pour les régimes fascistes. Cependant, les dérives politiques ultérieures de ces leaders ne sauraient totalement discréditer leurs discours antérieurs ni dispenser d’une étude de fond encore à venir. Il va sans dire que, paradoxalement, nous connaissons encore moins les relations entretenues entre le succès des médecines hétérodoxes et le développement des mouvements écologistes et contestataires contemporains. L’évidence de ces liens ne saurait dispenser de leur étude concrète.
14Ce qui semble faire au fond substrat dans l’engagement dans les médecines alternatives, c’est de considérer la médecine et la science non comme une technique neutre mais comme un objet socio politique susceptible de choix qui orientent l’évolution de la société. Parce que les médecines alternatives posent la question de la nature politique des pratiques de santé, elles nécessitent donc d’être étudiées dans leur dimension politique.
Médecines dissidentes et spiritualités hétérodoxes
15Si les médecines hétérodoxes furent liées dès le départ au mouvement « socialiste » naissant, on ne saurait oublier que celui-ci était aussi profondément spiritualiste. Le saint-simonisme ne se contentait pas d’exalter les producteurs, mais il rêvait aussi de fonder un nouveau christianisme. Aussi n’est-il pas étonnant de voir qu’une médecine comme l’homéopathie eut aussi un assez vif succès auprès des médecins catholiques et des ordres religieux qui y voyaient un contrepoison au matérialisme médical qui prenait de plus en plus d’importance. Certains, comme Imbert-Gourbeyre, médecin catholique investi dans la défense des nouveaux mystiques de la fin du xixe siècle contre les médecins laïques, allaient même jusqu’à faire du sacrifice du Christ « le plus grand fait homéopathique qui ait jamais eu lieu ».
- 46 Voir aussi Isabelle Von Bueltzingsloewen, « Corps et âme : le courant holiste dans la médecine fra (...)
- 47 François Zanetti, « Comment faire autorité ? L’abbé Sans et ses guérisons électriques », dans Jan (...)
16En décrivant les personnalités qui participent aux travaux des congrès de 1937-1938, l’article de Léo Bernard montre que le néo-hippocratisme des années 1930 n’est pas étranger aux préoccupations des médecins catholiques qui sont par ailleurs dans des positions clés de l’académisme46. Les clercs étant il est vrai curieux de tout, il serait intéressant de produire une histoire des thérapies du point de vue de ces amateurs, depuis les abbés adeptes de l’électrothérapie au temps des lumières aux prêtres promoteurs de l’homéopathie populaire et défenseurs de la radiesthésie médicale47.
- 48 Hervé Guillemain, « Du religieux dans la thérapeutique laïque d’Émile Coué (1910-1926) », dans Her (...)
- 49 Sylvie Fainzang, « Les patients face à l’autorité médicale et à l’autorité religieuse », dans Raym (...)
17L’entre-deux-guerres est un bon point d’observation sur les relations entretenues par les médecines dissidentes avec les spiritualités plus hétérodoxes. Les questions thérapeutiques – et particulièrement les ressources médicales de la psychologie positive – sont par exemple très débattues dans les cercles de la théosophie qui attirent des hommes aussi divers que René Allendy et Émile Coué48. Les ancêtres du développement personnel prennent leur origine dans « la bonne nouvelle » évangélique ou dans l’éclectisme spiritualiste inspiré de la nouvelle pensée américaine. Sans doute ne faut-il pas exagérer cette dimension. Si elle peut jouer à l’origine pour mobiliser certains réseaux influents, elle ne paraît pas toujours déterminante dans l’esprit de ces praticiens. Ce constat rejoint celui des sociologues observateurs des distinctions confessionnelles face au respect de l’ordonnance médicale : la massification d’une pratique réduit toujours l’empreinte spirituelle originelle49.
Une histoire globale
- 50 Samuel Hahnemann, Organon der rationellen Heilkunde, 1810, devenu dans les éditions suivantes Orga (...)
- 51 Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française, Paris, PUF, 1959.
- 52 Ronald Guilloux, « Transmissions de la moxibustion et de l’acupuncture en Europe. Entre pratiques (...)
- 53 Holly Folk, The Religion of Chiropractic: Populist Healing from the American Heartland, Chapel Hil (...)
18Ce que montre particulièrement l’article de Sylvain Villaret c’est la nécessaire inscription de l’histoire des pratiques médicales alternatives dans une histoire globale. La diffusion internationale des premières médecines hétérodoxes est le fruit de processus qui leur sont étrangers. C’est un Parisien, Charles Poyen qui introduit le magnétisme aux États-Unis dans les années 1830. Vingt ans plus tard, l’influence de Priessnitz sur les développements de l’hydrothérapie américaine est remarquable. L’homéopathie bénéficia elle aussi du fort mouvement migratoire qui allait de l’Allemagne aux États-Unis et ce sont des germanophones, comme Constantin Hering, qui introduisirent la doctrine outre-Atlantique. Émigré allemand aux États-Unis, Benedikt Lust y introduisit la naturopathie (S. Villaret). Cette expansion profita aussi des courants liés à la colonisation. Si l’Inde n’était pas devenue une colonie britannique, il est peu probable que le médecin transylvain Martin Honigberger, des missionnaires allemands et des médecins militaires britanniques s’y seraient installés comme homéopathes. La diffusion hors d’Europe fut aussi plus rarement liée à la création outre-Atlantique de petites cités modèles inspirées par l’idéal socialiste naissant. Ainsi la colonie fouriériste de Sahi (état de Santa-Catarina, Brésil) fut-elle le point d’appui du développement de l’homéopathie dans ce pays. Si ces trois types d’extension géographique ne purent se réaliser que grâce à des aventuriers d’exception, il n’en va pas de même de la diffusion intra-européenne. Ici, l’extension se fait à travers un processus double qui associe intimement le modèle de la conversion et celui du grand tour scientifique. L’Allemagne fut un véritable château d’eau (c’est le cas de le dire) des médecines naturelles. De là, elles ruisselèrent dans toute l’Europe par un double mouvement qu’illustre bien le cas des relations franco-allemandes. Pour des raisons souvent politiques (on songe à Heinrich Heine) les « intellectuels » allemands étaient attirés par la France et on a déjà noté que Gall et Hahnemann moururent dans la « ville lumière ». Plus modeste, mais d’une grande efficacité, Georg Heinrich Gottlieb Jahr (1801-1875) fut l’un des plus efficaces propagandistes de l’homéopathie en France et en Belgique. Plus discrets encore et moins célèbres, les médecins naturistes Engel et Wertheim voulurent ouvrir un dispensaire hydrothérapique à Paris dès 1839 (S. Villaret). En sens inverse, le temple du Romantisme qu’était l’Allemagne était « à la mode » depuis le célèbre ouvrage de Madame de Staël. Les échanges étaient placés sous un double signe. Les voyages à Köthen – résidence d’Hahnemann entre 1821 et 1835 – des Français qui deviendront ses disciples font irrésistiblement penser à des pèlerinages religieux effectués auprès du Messie qui les convertit par la puissance de son charisme. Cela n’empêche pas que ces pèlerins avaient aussi lu la bible de l’homéopathie, l’Organon50, qui les avait convaincus scientifiquement. Après le traumatisme de la défaite de 1870, l’Allemagne devint pour les élites françaises à la fois un repoussoir et un modèle51. Le voyage d’études en Allemagne devint une sorte d’obligation, en particulier dans le domaine médical. Les médecins hétérodoxes, qui en cela n’étaient pas différents des autres, sacrifièrent au même rituel et l’on vit par exemple le docteur Malgat se rendre en Allemagne pour étudier les centres de cures naturelles ouvertes par Bilz (S. Villaret). Au xxe siècle les flux s’inversent, le vieux continent s’ouvrant plus avant aux influences venues d’Asie52 et d’Amérique, ce dont témoignent par exemple l’histoire de la chiropraxie53 ou celle déjà citée de la méthode Coué, dont les fondements sont en partie liés à l’influence des courants de la nouvelle pensée américaine.
Des pratiques massivement investies par les femmes
- 54 Jacques Léonard, « Femmes, religion et médecine. Les religieuses qui soignent, en France au xixe s (...)
- 55 Jean Christophe Coffin, « La doctoresse Madeleine Pelletier et les psychiatres », dans Christine B (...)
- 56 Jacqueline Carroy, Nicole Edelman, Annick Ohayon et Nathalie Richard (dir.), Les femmes dans les s (...)
- 57 Olivier Faure, « Les religieuses hospitalières en France, entre médecine et religion », dans Isabe (...)
- 58 Coline Loison, « L’action philanthropique des Dames-visiteuses de la Ligue contre le cancer, une é (...)
- 59 Nicole Edelman, Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France (1785-1914), Paris, Albin Michel, (...)
- 60 Anne Martin-Fugier, La vie élégante ou la formation du tout Paris (1815-1848), Paris, Fayard, 1990 (...)
- 61 C’était l’objet de l’intervention d’Izel Demirbas et Aude Fauvel lors de l’après-midi d'étude « Un (...)
- 62 Rémy Amouroux, Marie Bonaparte. Entre biologie et freudisme, Rennes, Presses universitaires de Ren (...)
- 63 Marie Houdré-Boursin, Ma doctoresse, guide pratique d’hygiène et de médecine pour la femme moderne(...)
- 64 Hervé Guillemain, « Autoguérison et minimalisme thérapeutique dans la France des années 1920. Les (...)
19L’article d’Ida Bost consacré aux herboristes montre que cette histoire des pratiques alternatives – le qualificatif pourrait certes être discuté à propos de la médecine des plantes qui est sans doute une des plus utilisée dans l’espace domestique et fait l’objet d’une reconnaissance officielle au début du xixe siècle – doit être envisagée dans une perspective de genre. La pratique officielle de l’herboristerie encadrée par le certificat entre 1803 et 1941 a toujours été ouverte aux femmes. Alors que la profession pharmaceutique a longtemps été masculine, celle d’herboriste a attiré une population féminine représentant jusqu’à près de 90 % des candidats en 1935. Au sein des guides d’orientation professionnelle à l’usage des jeunes filles, le métier est logiquement recommandé. Il n’est donc pas question de parler des femmes dans les médecines hétérodoxes pour satisfaire à une quelconque injonction à la mode mais bien parce que la médecine et les soins du corps ont été longtemps une prérogative féminine comme l’a montré d’ailleurs Jacques Léonard il y a plusieurs décennies54. Si l’histoire de la médecine stricto sensu reste fortement marquée par l’empreinte masculine, à l’exception des figures exceptionnelles des premières femmes médecins régulièrement mises en exergue, comme celles de Madeleine Pelletier ou Constanza Pascal55, l’histoire du care et des professions paramédicales révèle l’existence d’un ensemble de praticiennes dont le statut apparaît variable sur l’échelle de la professionnalisation. L’histoire de la médecine n’est en cela guère différente de l’histoire des sciences en général qui révèle à qui veut bien les voir des figures remarquables56. Outre le monde des infirmières et des religieuses hospitalières désormais bien connu57, citons le rôle spécifique des « dames » dans les activités de la Ligue contre le cancer58. On connaît, depuis les travaux de Nicole Edelman59, la place majeure des femmes dans la voyance et le somnambulisme. On sait aussi grâce à Anne Martin-Fugier, quel rôle jouèrent les salons, souvent tenus par des femmes, dans la diffusion et surtout la légitimation sociale de nouvelles connaissances et pratiques. Delphine de Girardin qui s’y connaissait notait que dans les années 1830 et 1840 chaque société a son magnétiseur et sa petite somnambule60. L’homéopathie ne négligeait pas les salons dans lesquels Jules Tallien de Cabarrus était le porte-parole le plus en vue de la doctrine de Hahnemann. Celle-ci fut pourtant surtout incarnée au féminin par Mélanie d’Hervilly (1801-1878), membre de l’Athénée des dames, proche des Idéologues. Après avoir touché à la peinture et à la littérature, elle se convertit à la médecine. Ayant consulté Hahnemann à Köthen (Saxe-Anhalt), elle tomba amoureuse de lui malgré leur différence d’âge (45 ans), l’épousa en 1834 et l’emmena à Paris avec elle. À partir de là, elle devint son assistante ou son alter ego, participant à ses consultations et lui succédant après sa mort (1843) alors qu’elle était dépourvue de tout titre légal, possibilité du reste inaccessible aux femmes, non pas juridiquement mais de facto. La compagne de Benoit Mure, Sophie Liet (1811-1891) continua l’œuvre homéopathique de son époux après sa mort en 1860. Dans une tout autre période et sans que l’on puisse savoir ce qui revenait à la féminisation du corps médical ou à la doctrine en particulier, il faut noter, qu’en France tout du moins, la diffusion de la méthode Bircher-Benner fut exclusivement une affaire de femmes. La grande organisatrice de cette médecine fut une jeune femme d’origine russe, Xénia Peter et d’autres femmes, comme Madame Marneffe, furent des propagandistes de la méthode. Quant à l’équipe médicale qui desservait l’établissement parisien, elle était tout entière féminine avec les docteurs Sosnowska, Eliet et Leconte. En déduire que les médecines hétérodoxes furent des laboratoires de libération des femmes serait on ne peut plus hasardeux. Comme beaucoup de ceux qui l’avaient rencontré, Mélanie d’Hervilly fut fascinée par le personnage d’Hahnemann qui était assurément muni d’un charisme hors du commun. Certaines lettres féminines adressées à Max Bircher-Benner montrent combien ce dernier usait d’un pouvoir de séduction typiquement masculin pour exercer son emprise sur ses disciples-admiratrices. Dans l’entre-deux-guerres, les femmes sont omniprésentes dans le champ de ce que l’on pourrait appeler la nouvelle psychologie61. Elles jouent un rôle central dans les premiers cercles psychanalytiques comme l’illustrent les figures de Marie Bonaparte ou d’Anne Berman, toutes deux étudiées par Rémy Amouroux62. Les manuels d’automédication sont on le sait des lieux de savoir investis par les femmes63. Elles conservent une position dominante dans les secteurs où elles sont attendues – l’espace domestique, les enfants, la maternité –, mais les pratiques alternatives leur permettent de dépasser désormais ces frontières traditionnelles. Les femmes de la classe moyenne, infirmières ou enseignantes, sont ainsi omniprésentes dans les réseaux décentralisés qui pratiquent la méthode Coué dans les années 1920 aux côtés des anciens combattants et des médecins généralistes64.
- 65 James Whorton, Nature Cures, op. cit., p. 151.
- 66 Ibid., p. 101.
- 67 Barbara Clow, « Revisiting the Golden Age of Regular Medicine. Politics of Alternative Cancer Care (...)
- 68 Naomi Rogers, « Sister Kenny Goes to Washington. Polio, Populism and Medical Politics in Postwar A (...)
20L’histoire des médecines alternatives bénéficie donc pleinement d’une approche multidimensionnelle attentive aux figures féminines, à l’engagement féministe des praticiens, et croisant histoire politique et histoire du genre. C’est ce que montre bien l’étude par Whorton des fondateurs des médecines alternatives américaines. Citons par exemple le fondateur de l’ostéopathie, Andrew Taylor Still (1828-1917), autodidacte baignant dans les milieux méthodistes, influencé par la gymnastique suédoise et le magnétisme, militant unioniste contre l’abolition de l’esclavage mais aussi pour l’émancipation féminine, la plupart de ces disciples étant des femmes en 190065. Citons également Russell Trall, chef de file de la nouvelle hygeiothérapie des années 1860. L’homme est un médecin formé aux méthodes conventionnelles, puis à la botanique et à l’homéopathie. Son établissement de cure du New Jersey est un temple du self treatment et son discours est très marqué par sa critique de l’exploitation, son anti-esclavagisme, son féminisme. De fait, les femmes sont omniprésentes dans ce réseau hydrothérapique progressiste66. L’étude de Barbara Clow sur la Canadienne Renée Caisse est tout aussi suggestive d’une approche multidimensionnelle67. Cette infirmière de l’Ontario qui a travaillé dans un centre anti cancer dans les années 1920 a développé une des plus populaires méthodes alternatives du xxe siècle, fondée sur une théorie néo-humoraliste et l’emploi de la médecine des plantes. Sa défense d’une lay attitude en face des médecins académiques lui vaut quelques inspections du gouvernement fédéral. La méthode ne survit pas au Cancer remedy act adopté à la fin des années 1930 mais celui-ci est l’objet d’une virulente campagne de protestation des patients et de lobbying auprès des élus libéraux. Tout aussi emblématique est le combat de l’infirmière Elizabeth Kenny en 1948 pour proposer une méthode de soin physiologique de la poliomyélite68. Attaquant la médecine officielle et notamment la fondation nationale contre la paralysie infantile, elle réussit à s‘ouvrir les portes du Congrès et des magazines féminins déployant alors un véritable populisme médical, arc-bouté sur la défense des libertés du peuple américain inspiré du vieux courant alternatif thomsonien et incluant dans un même opprobre les élites et les institutions nationales. À travers cet épisode, c’est le rôle de l’État et la place de la science dans la société qui sont débattues. Si les deux protagonistes sont aux antipodes de l’échiquier politique, les accents de la nurse Kenny ne sont guère éloignés de ceux de Raspail au xixe siècle, tous les deux réclamant liberté et accès aux laboratoires scientifiques, en un mot une nouvelle forme de démocratie sanitaire.
21Chacune des parties de cette introduction constitue un chantier de recherches en soi et il est donc inutile de conclure trop longuement cet essai. Il resterait cependant, croyons-nous, à ouvrir plus systématiquement ce dossier pour la période de la deuxième moitié du xxe siècle, période qui commence à être investie par les historiens de la santé et qui comporte en son sein une phase considérée comme particulièrement riche pour l’histoire des médecines alternatives, celles des années 1960-1970.
Notes
1 « L’appel de 124 professionnels de la santé contre les “médecines alternatives” », Le Figaro, en ligne : http://sante.lefigaro.fr/article/l-appel-de-124-professionnels-de-la-sante-contre-les-medecines-alternatives-/ (consulté le 2 janvier 2019).
2 Par exemple par la lecture du récent Olivier Faure, Et Samuel Hahnemann inventa l’homéopathie : la longue histoire d’une médecine alternative, Paris, Aubier, 2015.
3 L’institut Bergonié de Bordeaux intègre une formation à l’hypnothérapie dans sa démarche de développement de la psycho-oncologie ; le centre Léon Bérard de Lyon utilise l’auto-hypnose afin d’alléger l’anxiété de ses patients.
4 Ce numéro est le fruit de la journée d’études « Pour en finir avec les médecines “parallèles”. Une histoire croisée des médecines alternatives et de la médecine académique (xixe-xxe siècle) » organisée à l’université du Mans le 21 novembre 2017 et soutenue par le laboratoire Temps, Mondes, Sociétés (TEMOS, FRE 2015, CNRS, université d’Angers, université Bretagne Sud, université du Mans).
5 L’analyse la plus pertinente du rôle des « laïcs » dans ces médecines est celle de Eberhard Wolff, Gesundheitsverein und Medikalisierungprozess: der homöopathische Verein Heindenheim an der Brenz zwischen 1886 und 1945, Tübingen, Tübinger Vereinigung für Volkskunde, 1989 [Association pour la santé et procès de médicalisation : l’association homéopathique de Heindenheim sur la Brenz (Wurtemberg)] et du même en français, « Le rôle du mouvement des non-médecins dans le développement de l’homéopathie en Allemagne », dans Olivier Faure (dir.), Praticiens, patients et militants de l’homéopathie en France et en Allemagne (1800-1940), Lyon, Presses universitaires de Lyon/Boiron, 1992, p. 197-230.
6 Maurice Garden, « L’histoire de l’homéopathie en France (1830-1940) », dans Olivier Faure (dir.), Praticiens, patients et militants de l’homéopathie…, op. cit., p. 59-82.
7 George Weisz, « A Moment of Synthesis: Medical Holism in France between the Wars », dans Christopher Lawrence, George Weisz (dir.), Greater than the Parts, Holism in Biomedicine (1920-1950), Oxford/New York, Oxford University Press, 1998, p. 68-92.
8 Olivier Faure, Et Samuel Hahnemann inventa l’homéopathie…, op. cit., p. 249-260.
9 James Whorton, Nature Cures. The History of Alternative Medicine in America, Oxford/New York, Oxford University Press, 2002.
10 Citons à titre d’exemple : Ronald Guilloux, « L’acupuncture et le magnétisme animal face à l’orthodoxie médicale française (1780-1830) », Gesnerus, 70/2, 2013, p. 211-243.
11 Roy Porter et W. F. Bynum, Medical Fringe & Medical Orthodoxy, 1750-1850, Londres/Sydney, Croom Helm, 1987 ; Roberta Bivins, Alternative Medicine? A History, Wolfeboro/New York, Oxford University Press, 2007 ; Laurence Monnais, Médecine(s) et santé. Une petite histoire globale – 19e-20e siècles, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2016 ; Mark Jackson, A Global History of Medicine, Oxford, Oxford University Press, 2018.
12 Hervé Guillemain, La méthode Coué. Histoire d’une pratique de guérison au xxe siècle, Paris, Seuil, 2010.
13 Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme : le mythe du retour à la nature, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 242-243.
14 Aude Fauvel et Alexandra Bacopoulos-Viau, « The Patient’s Turn. Roy Porter and Psychiatry’s Tale, Thirty Years on », Medical History, 1, 2016, p. 1-18.
15 Robert Jütte, Medical Pluralism: Past, Present, Future, Stuttgart, Institut für Geschichte der Medizin der Bosch-Stiftung, 2013.
16 Hervé Guillemain et Nathalie Richard, « Towards a Contemporary Historiography of Amateurs in Science (18th-20th Century) », Gesnerus, 73/2, 2016, p. 201-237.
17 Michael Stolberg, « Alternative Medicine, Irregular Healers and the Medical Market in Nineteenth Century », dans Robert Jütte, Motzi Eklöf et Marie Nelson (dir.), Historical Aspects of Unconventional Medicine, Sheffield, European Association for the History of Medicine and Health (EAHMH), 2011, p. 139-162.
18 Richard Haehl, Samuel Hahnemann: sein Leben und Schaffen, Leipzig, Schwabe, 1922.
19 « Quellen und Studien zur Homöopathiegeschichte » : ouvrages publiés chez Haug (Stuttgart). 24 volumes publiés à ce jour. Il faut y ajouter une collection plus récente, « Kleine Schriften zur Homöopathiegeschichte », trois volumes parus depuis 2006, gratuits ou très bon marché.
20 Un des meilleurs titres est : Michael Stolberg, Geschichte der Homöopathie in Bayern (1800-1914), 1999.
21 Robert Jütte, Samuel Hahnemann, Begründer der Homöopathie, Munich, DTV Verlag, 2005 (2e éd. 2007).
22 Inge Christine Heinz, Schicken Sie Mittel, senden Sie Rath: Prinzession Luise von Preussen als Patientin Samuel Hahnemanns in deu Jahren 1829 bis 1835, Stuttgart, Haug Verlag, 2011. Et surtout : Martin Dinges, Bettina von Arnim und die Gesundheit: Medizin, Krankheit und Familie im 19 Jahrhundert, Stuttgart, Franz Steiner Velag, 2018.
23 Roy Porter, « The Patient’s Point of View: Doing History of Medicine from Below », Theory and Society, 4, 1985, p. 175-198.
24 Pas moins de douze volumes des Krankenjournale de Hahnemann ont été transcrits et traduits à l’IGM de Stuttgart essentiellement par Arnold Michalowski puis publiés chez Haug Verlag à Stuttgart. Sur Des Guidi : Jacques Baur, Les manuscrits du docteur Des Guidi : contribution à l’histoire du développement de l’homéopathie en France, Genève, Médecine et hygiène, 1985, 2 vol.
25 Séverine Pilloud, Les mots du corps : expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du xviiie siècle : Samuel-Auguste Tissot, Lausanne, B.H.M.S, 2013.
26 Laurence Brockliss, « Consultation by Letter in Early Eighteenth Century Paris: The Medical Practice of E.F. Geoffroy », dans Ann La Berge et Mordechaï Feingold, French Medical Culture in the Nineteenth Century, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1994, p. 79-117 ; Isabelle Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires : la correspondance de Geoffroy au début du xviiie siècle », dans Elisabeth Belmas et Serenella Nonnis-Vigilante (dir.), Les relations médecin-malade des temps modernes à l’époque contemporaine, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 49-64.
27 Olivier Faure, « Léon Vannier’s Patients in the 1930s », dans Martin Dinges (dir.), Patients in the History of Homeopathy, Sheffield, EAHMH, 2002, p. 199-211.
28 Alfred Brauchle, Geschichte der Naturheilkunde in Bildern, Leipzig, Reclam, 1937 (réed. Stuttgart, Reclam Verlag, 1951) ; Eugen Ortner, Ein Mann kuriert Europa: Das Lebensroman des Sebastian Kneipp, Munich, Kösel-Pustet, 1938.
29 Jürgen Helfricht, Vincenz Priessnitz und die Rezeption seiner Hydrotherapie, Husum, Mathiesen, 2006.
30 Robert Jütte, Geschichte der alternativen Medizin; von der Volksmedizin zu den unkonventionellen Therapie von heute, Munich, Beck, 1996 ; Uwe Heyll, Wasser, Fasten, Luft und Licht: die Geschichte der Narurheilkunde in Deurtschland, Francfort/New York, Campus Verlag, 2006.
31 Maurice Garden, « Médecine “savante” et médecine “populaire” en Allemagne (fin xixe-début xxe siècles) », dans René Favier et al., Maurice Garden : un historien dans la ville, Paris, Éditions de la MSH, 2008, p. 399-421.
32 Deux exemples de date différente : Roger Larnaudie, La vie surhumaine de Samuel Hahnemann, fondateur de l’homéopathie, Paris, Éditions du Parthénon, 1935. Max Tétau, Hahnemann aux frontières du génie, Paris, Simila, 1997.
33 Marc Renneville, Le langage des crânes : une histoire de la phrénologie, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, 2000.
34 C’est ainsi qu’Eberhard Wolff sollicita Olivier Faure pour fournir une contribution sur la diffusion de la méthode Bircher-Benner (le célèbre Müesli) en France. « La méthode Bircher-Benner en France dans les années 1930 », dans Eberhard Wolff (dir.), Lebendige Kraft: Max Bircher-Benner und sein Sanatorium im historischen Kontext, Baden, Hier und Jetzt, 2010, p. 96-108 repris dans Olivier Faure, Aux marges de la médecine : santé et souci de soi en France au xixe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015, p. 349-364.
35 Olivier Faure, « Esquisse d’une histoire des marges médicales en France (xixe-milieu xxe siècle) », dans id., Aux marges de la médecine…, op. cit., p. 319-332.
36 Il existe en Allemagne et en Suisse (Lausanne, Berne) des Instituts d’histoire de la médecine intégrés aux facultés de médecine et souvent animés par des historiens qui sont aussi médecins. Ils sont actuellement en voie d’intégration dans des unités de Medical Humanities où domine l’éthique. Seul l’Institut de Stuttgart est, et restera vraisemblablement, une unité dirigée par des historiens « purs ».
37 Robert Johnston, The Politics of Healing. Histories of Alternative Medicine in Twentieth‐Century North America, New York, Routledge, 2004.
38 Materia medica pura ou Reine Arzneimittellehre, six volumes publiés entre 1811 et 1821.
39 Fleury Imbert, De la nécessité d’une théorie en médecine, Lyon, Rossary, 1833, p. 13.
40 Robert Darnton, La fin des Lumières : le mesmérisme et la Révolution, Paris, Perrin, 1984 (éd. originale 1968). Voir aussi le numéro consacré au mesmérisme et à la Révolution française, Annales historiques de la Révolution française, 391, 2018.
41 Hervé Guillemain, « Principes pour une réappropriation globale de la santé au xixe siècle. Les combats de Raspail contre la médecine de son temps », dans Ludovic Frobert et Jonathan Barbier, Une imagination républicaine. François-Vincent Raspail (1794-1878), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017.
42 Arnaud Baubérot, « Aux sources de l’écologisme anarchiste : Louis Rimbault et les communautés végétaliennes en France dans la première moitié du xxe siècle », Le Mouvement Social, 246, 2014, p. 63-74, DOI : 10.3917/lms.246.0063.
43 Voir le texte de Célestin Freinet à propos de Suggestion et autosuggestion, École Émancipée, 10, 25 novembre 1923, dans lequel il est question de la méthode Coué.
44 Jean-Louis Loubet Del Bayle, Les non conformistes des années 1930 : une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris Seuil, 1969 (rééd. Points Seuil, 2001).
45 Hervé Guillemain, La méthode Coué, op. cit.
46 Voir aussi Isabelle Von Bueltzingsloewen, « Corps et âme : le courant holiste dans la médecine française (1930-1960) », Les conversations de Salerne. Santé e(s)t culture(s) en Méditerranée, Genouilleux, La Passe vent, 2013, p. 103-113.
47 François Zanetti, « Comment faire autorité ? L’abbé Sans et ses guérisons électriques », dans Jan Borm, Bernard Cottret et Monique Cottret, Savoir et pouvoir au siècle des Lumières, Paris, Les Éditions de Paris, 2011, p. 201-217.
48 Hervé Guillemain, « Du religieux dans la thérapeutique laïque d’Émile Coué (1910-1926) », dans Hervé Guillemain, Stéphane Tison et Nadine Vivier (dir.), La foi dans le siècle : mélanges offerts à Brigitte Waché, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 157-166.
49 Sylvie Fainzang, « Les patients face à l’autorité médicale et à l’autorité religieuse », dans Raymond Massé et Jean Benoist (dir.), Convocations thérapeutiques du sacré, Paris, Karthala, 2002, p. 125-142.
50 Samuel Hahnemann, Organon der rationellen Heilkunde, 1810, devenu dans les éditions suivantes Organon der Heilkunst, changement de terme qui montre bien la revendication d’être la seule médecine.
51 Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française, Paris, PUF, 1959.
52 Ronald Guilloux, « Transmissions de la moxibustion et de l’acupuncture en Europe. Entre pratiques et discours (1670-1830) », Revue d’anthropologie des connaissances, 6/3, 2012, p. 549-583, DOI : 10.3917/rac.017.0081.
53 Holly Folk, The Religion of Chiropractic: Populist Healing from the American Heartland, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2017.
54 Jacques Léonard, « Femmes, religion et médecine. Les religieuses qui soignent, en France au xixe siècle », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 32/5, 1977, p. 887-907, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/ahess.1977.293870.
55 Jean Christophe Coffin, « La doctoresse Madeleine Pelletier et les psychiatres », dans Christine Bard (dir.), Madeleine Pelletier : logiques et infortunes d’un combat pour l’égalité, Paris, Côté-femmes, 1992, p. 51-62 ; Gordon, Felicia, Constance Pascal (1877-1937). Authority, Femininity and Feminism in French Psychiatry, Londres, Institute of Germanic & Romance Studies, 2013.
56 Jacqueline Carroy, Nicole Edelman, Annick Ohayon et Nathalie Richard (dir.), Les femmes dans les sciences de l’homme (xixe-xxe siècle), Paris, Seli Arslan, 2005.
57 Olivier Faure, « Les religieuses hospitalières en France, entre médecine et religion », dans Isabelle von Bueltzingsloewen et Denis Pelletier, La charité en pratique : chrétiens français et allemands sur le terrain social xixe-xxe siècles, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.
58 Coline Loison, « L’action philanthropique des Dames-visiteuses de la Ligue contre le cancer, une épidémiologie mondaine ? », Histoire, médecine et santé, 8, 2015, p. 137-151, DOI : 10.4000/hms.907.
59 Nicole Edelman, Voyantes, guérisseuses et visionnaires en France (1785-1914), Paris, Albin Michel, 1995.
60 Anne Martin-Fugier, La vie élégante ou la formation du tout Paris (1815-1848), Paris, Fayard, 1990 (rééd. Points Seuil, 1993).
61 C’était l’objet de l’intervention d’Izel Demirbas et Aude Fauvel lors de l’après-midi d'étude « Une histoire de la psychologie par les femmes ? », Centre Alexandre-Koyré, 13 avril 2018 (programme en ligne : http://koyre.ehess.fr/index.php?2665, consulté le 3 janvier 2019).
62 Rémy Amouroux, Marie Bonaparte. Entre biologie et freudisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 ; id., « Anne Berman (1889-1979), une “simple secrétaire” du mouvement psychanalytique français ? », Gesnerus, 73/2, 2016, p. 360-375.
63 Marie Houdré-Boursin, Ma doctoresse, guide pratique d’hygiène et de médecine pour la femme moderne, Strasbourg, Editorial Argentor, 1928, 2 vol.
64 Hervé Guillemain, « Autoguérison et minimalisme thérapeutique dans la France des années 1920. Les pratiquants de la méthode Coué à travers leur correspondance », Revue d’anthropologie des connaissances, 7/3, 2013, p. 639-653, DOI : 10.3917/rac.020.0639 ; id., « La part féminine de la méthode Coué. Lettres de patients à Marguerite Burnat-Provins au début des années 1920 », Cahiers de l’Association des Amis de Marguerite Burnat-Provins, 19, 2011, p. 15-18.
65 James Whorton, Nature Cures, op. cit., p. 151.
66 Ibid., p. 101.
67 Barbara Clow, « Revisiting the Golden Age of Regular Medicine. Politics of Alternative Cancer Care in Canada 1900-1950 », dans Robert Johnston, The Politics of Healing, op. cit., p. 41-51.
68 Naomi Rogers, « Sister Kenny Goes to Washington. Polio, Populism and Medical Politics in Postwar America”, dans Robert Johnston, The Politics of Healing, op. cit., p. 90-109.
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Référence papier
Olivier Faure et Hervé Guillemain, « Pour une autre histoire des pratiques médicales alternatives », Histoire, médecine et santé, 14 | 2019, 9-28.
Référence électronique
Olivier Faure et Hervé Guillemain, « Pour une autre histoire des pratiques médicales alternatives », Histoire, médecine et santé [En ligne], 14 | hiver 2018, mis en ligne le 15 mars 2019, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/1656 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.1656
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