Les savants chez l’imprimeur
Résumés
Dans le cercle de savants et de lettrés qui, dans la seconde moitié du xvie siècle, gravitent de près ou de loin autour de l’atelier d’imprimerie de Christophe Plantin à Anvers, les médecins occupent un espace significatif. On analysera leur rôle dans la production imprimée de l’officine plantinienne, ainsi que les réseaux qui, à travers eux, se dessinent à l’échelle européenne. Anvers apparaît ainsi, par l’imprimé et ses circulations, comme un de leurs nœuds principaux.
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- 1 On en a évoqué un certain nombre en introduction à ce dossier.
- 2 Pour une mise au point sur cette notion qu’il a lui-même introduite, voir Christian Jacob, « Intro (...)
- 3 Je donne systématiquement entre parenthèses les dates de naissance et/ou de mort des personnes la (...)
- 4 La bibliographie sur l’atelier de Plantin est très abondante. On ne citera pour l’heure que les mo (...)
1Au xvie siècle, des médecins participent, sous des formes variées, à des entreprises de savoir relevant de domaines très divers1, matérialisées dans des projets éditoriaux de plus ou moins grande envergure. Ces opérations éditoriales, parfois interconnectées, sont autant de lieux de passage : de textes, d’individus, de compétences, de rôles intellectuels. Aussi les ateliers d’imprimerie sont-ils, à des échelles différentes selon leur taille, leur place dans les réseaux de sociabilité urbaine, leur situation en termes de rapport aux pouvoirs, des « lieux de savoir » au sens le plus large que cette expression peut prendre2. Plus particulièrement, et pour ce qui nous intéresse ici, ils peuvent être pris comme des observatoires de la mise en place et du fonctionnement de communautés savantes, lettrées et artistiques, dans lesquelles les médecins occupent une place significative. L’officine de Christophe Plantin († 15893) à Anvers constitue à cet égard un cas singulièrement éclairant. Au cours de la seconde moitié du xvie siècle, la maison plantinienne devint en effet un des espaces centraux de la vie intellectuelle anversoise et plus largement flamande, mais également, par ses connexions ailleurs en Europe occidentale, un nœud des réseaux savants qui se sont dessinés, entre autres, à travers l’imprimé et ses circulations4.
2Dans ce qui suit, on n’évoquera à ce sujet que les aspects principaux concernant les médecins qui ont gravité, de près ou de loin, autour de l’atelier de Plantin, leurs activités et leur implication dans la production de l’officine. Il s’agira, plus précisément, de cerner les rôles multiples que les médecins ont joués aussi bien dans la marche de l’entreprise éditoriale qu’au sein du cercle plantinien. Ces deux facettes sont étroitement liées, voire indissociables, si on ne tient compte que des médecins qui faisaient partie de ce cercle, et encore plus de son noyau dur. Or l’on en retrouve d’autres, associés de façon parfois épisodique à la fabrication d’un ou plusieurs ouvrages, ou encore certains qui entretiennent des relations avec le groupe qui entoure Plantin sans pour autant y appartenir, ni même être installés à Anvers, ne serait-ce que pour des périodes courtes. Aussi peut-on identifier des degrés de proximité, qui peuvent de surcroît varier dans le temps pour un seul individu : aux médecins qui font partie de la coterie plantinienne s’ajoutent ceux qui ne font que travailler plus ou moins ponctuellement pour l’imprimeur, ceux qui, bien que rattachés au réseau, le sont indirectement ou dans une orbite plus éloignée, ceux enfin plus extérieurs encore, mais dont Plantin publie les écrits.
- 5 L’étude de la correspondance de Plantin, publiée en huit volumes par les soins de Max Rooses d’abo (...)
- 6 Voir Rafael Mandressi, « Livres du corps et livres du monde : chirurgiens, cartographes et imprime (...)
- 7 Sur les emblèmes et les livres d’emblèmes à la Renaissance et au xviie siècle, voir Alison Saunder (...)
3Disons néanmoins dès à présent que le propos que voici est limité : il ne vise qu’à poser les balises d’un dossier dont l’étude détaillée appartiendra à des développements ultérieurs, qui nécessiteront l’exploitation systématique de sources qu’on n’a que très peu mobilisées ici, la correspondance notamment5. Dans ce cadre, on s’attachera à décrire les différents groupes de médecins liés à Plantin et les manières par lesquelles ils sont connectés les uns avec les autres, ainsi qu’avec la communauté érudite réunie autour de l’officine anversoise dans son ensemble. On suivra aussi les traces de ces individus dans la production imprimée de Plantin, en mobilisant des matériaux biographiques permettant de définir et de croiser, le cas échéant, des trajectoires, afin de cerner le jeu de leurs identités intellectuelles composites dans un milieu savant et social qu’ils animent, où ils agissent à des titres divers et qu’ils contribuent à structurer. Ainsi le savoir médical n’est pas au cœur de l’enquête, qui porte sur les médecins plutôt que sur la médecine ; certes, les livres de médecine sortis des presses plantiniennes sont une composante importante de ce que l’on entend saisir, mais à la condition de ne pas les séparer du reste des imprimés portant, d’une manière ou d’une autre, la marque des médecins de l’entourage de Plantin. Parmi eux, les livres de cosmographie, de cartographie, de mathématiques, ont un poids considérable, et traduisent, pour ce contexte, la figure du médecin mathématicien, que l’on retrouve à d’autres moments et dans d’autres lieux au xvie siècle6. Ni les uns ni les autres n’épuisent cependant les matières où l’on voit des médecins intervenir – on les retrouve dans des livres d’histoire naturelle, de botanique ou d’emblèmes7, par exemple –, tout comme la qualité d’auteurs des textes n’épuise pas les fonctions que nombre d’entre eux ont été amenés à remplir dans la préparation d’un ouvrage – traducteurs, correcteurs, éditeurs.
Le premier cercle : Plantin et la « Famille »
- 8 Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1999 [1958], p. 18 (...)
- 9 On ne dira jamais assez à quel point l’usage de ce terme est délicat, par les anachronismes lourds (...)
4Originaire de Touraine, Plantin vint s’installer à Anvers vers 1549, après des séjours à Lyon, Orléans, Caen et Paris. Il commença ses activités dans la capitale économique des Pays-Bas espagnols en tant que relieur, au service notamment de Gabriel de Zayas († 1593), secrétaire d’État de Philippe II. Avec le soutien financier du marchand Hendrik Niclaes (1501-1581), il se lança ensuite dans l’imprimerie, et publia son premier livre en 1555. Au fil des ans, son officine deviendrait, avec une centaine d’ouvriers, 24 presses en activité et des dépôts ou des correspondants dans toute l’Europe, une des plus grandes entreprises du livre de son temps8. Au total, entre ses débuts comme imprimeur et sa mort en 1589, Plantin publia 2 450 titres, dont une grande majorité dans les domaines religieux et des études humanistes. En matière de science, parmi les livres publiés par Plantin, 55 ont eu trait à la géographie, 49 à la médecine, 32 à la physique, 23 à l’astronomie, 22 à la botanique, 13 aux mathématiques et 2 à l’art militaire. Minoritaires dans l’ensemble de sa production, les publications scientifiques9 issues de l’officine plantinienne représentent néanmoins la moitié de celles parues aux Pays-Bas méridionaux dans la seconde moitié du xvie siècle.
- 10 Caspar Van Zurich, Charles Van Bomberghe, ou le banquier Luis Pérez (gendre du bourgmestre d’Anver (...)
- 11 Vicente Bécares Botas, Arias Montano y Plantino: el libro flamenco en la España de Felipe II, León (...)
- 12 Sur la Famille de la Charité, voir Herman De La Fontaine Verwey, « The Family of Love », Quærendo, (...)
- 13 Jean-Marc Besse, Les grandeurs de la Terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance, Lyon, (...)
5Hendrik Niclaes, qui, avec d’autres riches commerçants d’Anvers10, avait permis à Plantin d’avoir les financements l’autorisant à lancer puis à protéger son entreprise dans des moments de difficulté, avait également été le fondateur, en 1540, de la Famille de la Charité (Huis der Liefde, Familia Charitatis), une communauté spirituelle aux activités secrètes dont Plantin était devenu un des membres éminents, même s’il s’en était éloigné pendant quelques années11. La Famille de la Charité se caractérisait par sa désaffection à l’égard des manifestations extérieures et des expressions ecclésiales du culte, ses membres, qui pouvaient appartenir aussi bien au calvinisme qu’au catholicisme (c’est le cas de Plantin), obéissaient aux autorités constituées, qu’elles fussent religieuses ou politiques, et maintenaient une attitude de retrait, voire ambiguë, dans les périodes de trouble12. Ainsi des presses de Plantin sortaient des imprimés tantôt catholiques, tantôt réformés, au gré des rapports de force entre ces deux confessions, outre les ouvrages de la Famille, que l’atelier imprimait secrètement13.
- 14 Besse, Les grandeurs de la Terre, op. cit., p. 359.
6En 1573, un des principaux disciples de Niclaes, Hendrik Jansen Van Barrefelt, rompt avec le fondateur en rejetant l’orientation de plus en plus prophétique et sectaire que celui-ci imprimait à son action. En s’éloignant de Niclaes, Barrefelt, opposé à la fondation d’une secte et partisan de conserver pour la Famille la modalité plus souple et discrète d’une communauté spirituelle, entraîne avec lui la plupart des membres du cercle d’intellectuels réuni autour de Plantin. Parmi eux, le philologue et orientaliste Andreas Maes (Masius, 1514-1573), le graveur et imprimeur Philip Galle (1537-1612), les poètes Pieter Heyns (1537-1598) et Jan Van der Noot, ainsi que les médecins Charles de l’Écluse (1626-1609), Jan Gerartsen van Gorp (Goropius Becanus, 1518-1572), Cornelius Gemma (1535-1578), Rembert Dodoens (1517-1585) et Adriaen de Jonghe (Hadrianus Junius, 1511-1575). Juste Lipse (Joost Lips, 1547-1606) faisait probablement lui aussi partie de la Famille, et « un certain nombre d’éléments convergents […] plaident en faveur d’une proximité (sinon d’une implication) » d’Abraham Ortelius (1527-1598) avec les activités de la communauté14.
- 15 Febvre et Martin, L’apparition du livre, op. cit., p. 187 ; Bécares Botas, Arias Montano y Plantin (...)
- 16 Voir Mandressi, « Livres du corps et livres du monde », art. cité, p. 209-230 ; sur Gemma Frisius, (...)
7Des cinq médecins familistes cités, Goropius Becanus s’était associé avec Plantin en octobre 1563, apportant des capitaux à l’entreprise avec Cornelis et Charles Bomberghe et le banquier Jacopo Scotti15. Cette société d’édition dura cinq ans, mais Goropius Becanus demeura par la suite dans le cercle plantinien, en étant un des principaux conseillers de l’imprimeur dans le choix des œuvres à publier. Reçu docteur à Louvain, où il avait suivi l’enseignement du médecin, mathématicien et cosmographe impérial Reiner Gemma Frisius (Jemme, 1508-1555)16, Goropius avait été à Bruxelles le médecin de deux des sœurs de Charles V, Marie, gouverneure des Pays-Bas espagnols, et Éléonore. Refusant l’offre de Philippe II de se rendre à la cour de Madrid, il devint médecin de la ville d’Anvers en 1554. Goropius ne publia aucun livre de médecine, mais un ouvrage d’un millier de pages sur les antiquités d’Anvers, Origines Antwerpianæ, paru en 1569 chez Plantin qui, en 1580, imprima des Opera posthumes du médecin, un volume tout aussi massif contenant des écrits de Goropius sur les origines des langues.
- 17 Sur Cornelius Gemma, voir Hiro Hirai (éd.), Cornelius Gemma: Cosmology, Medicine and Natural Philo (...)
8Cornelius Gemma, fils de Reiner Gemma Frisius et professeur de médecine à Louvain comme son père, fit paraître chez Plantin ses deux œuvres principales, De arte cyclognomica en 1569 et De naturæ divinis characterismis, en 1575, des ouvrages touchant à la fois à l’astronomie, l’astrologie, la divination, la médecine, la prophétie, l’eschatologie et l’art de la mémoire. L’année de sa mort (1578) parut également chez Plantin un petit livre in-octavo sur la comète, De Prodigiosa Specie, Naturaq[ue] Cometæ, qui nobis effulsit altior lunæ sedibus, insolita prorsus figura, ac magnitudine, anno 1577 plus septimanis 10, Apodeixis tum Physica tum Mathematica17.
- 18 Les études récentes sur Dodoens manquent ; on citera à son sujet les écrits, utiles quoique ancien (...)
- 19 Jan van der Loe, fils d’un imprimeur liégeois, beau-frère et sans doute successeur d’Anthonis van (...)
- 20 Historia vitis vinisque, et stirpium nonnullarum aliarum. Item Medicinalium Observationum exempla, (...)
9Rembert Dodoens, né à Malines, docteur de Louvain tout comme Goropius et Gemma – il y obtint son doctorat en 1535 –, devint en 1548 médecin de sa ville natale, refusa en 1557 l’offre qui lui fut faite d’occuper une des deux chaires de médecine à l’université de Louvain, et en 1568 celle de remplacer le Bruxellois André Vésale (1514-1564) auprès du roi d’Espagne Philippe II. En 1574, il accepta, en revanche, de devenir médecin de l’empereur Maximilien II à Vienne, puis, à la mort de celui-ci en 1576, de son successeur Rodolphe II. Ayant quitté Vienne en 1580, Dodoens séjourna d’abord à Cologne, puis à Anvers, avant de regagner Leyde pour occuper une chaire de médecine à l’université, qu’il garda jusqu’à sa mort en 158518. L’œuvre imprimée de Dodoens est quasiment intégralement anversoise. Son premier ouvrage est en effet une Cosmographica in astronomiam et geographiam isagoge, parue en 1548 chez Jan van der Loe, qui sera son imprimeur jusqu’en 156319 ; en 1566 paraît son premier livre chez Plantin, sur les céréales, les légumineuses et les plantes aquatiques, le Frumentorum, leguminum, palustrium et aquatilium herbarum… historia, réédité en 1569. Par la suite, Plantin publiera tous les textes de Dodoens jusqu’à la mort de celui-ci, à l’exception de la première édition des Medicinalium observationum exempla rara, parue à Cologne chez Matern Cholin en 1580, d’abord comme la seconde partie d’un livre sur la vigne, le raisin et le vin, puis comme ouvrage autonome en 158120.
- 21 De l’atelier plantinien sortirent également des premières éditions d’ouvrages de Dodoens, à commen (...)
- 22 En 1553-1554, deux volumes étaient sortis des presses de Jan van der Loe qui contenaient les illus (...)
10Dodoens n’a donc eu, pour l’essentiel, que deux imprimeurs, tous les deux Anversois : Jan van der Loe et Plantin, le second ayant imprimé toutes les rééditions, corrigées et/ou augmentées, d’écrits de Dodoens parus auparavant chez son confrère21. Il en est ainsi de la Cosmographica isagoge de 1548, publiée chez Plantin en 1584 avec un titre quelque peu modifié (De Sphæra, sive de Astronomiæ et geographiæ principiis cosmographica isagoge), et surtout du Cruijdeboeck, l’herbier de Dodoens, paru en flamand en 1554 et, dans une édition augmentée, en 1563, dont Plantin imprima, encore enrichie, la version latine en 1583 : Stirpium historiæ pemptades sex, sive libri XXX22.
- 23 Histoire des plantes, en laquelle est contenue la description entiere des herbes, c’est à dire, l (...)
- 24 Parmi les travaux sur Charles de l’Écluse, les principales références sont à ce jour Florike Egmon (...)
11En 1557, le Cruijdeboeck avait été publié par Jan van der Loe dans une traduction française due à Charles de l’Écluse. Il s’agit en fait de la deuxième édition de cet herbier, pour laquelle Dodoens avait apporté des corrections et des ajouts, avec 133 nouvelles gravures par rapport à l’édition de 1554 – cela en fait 800 au total –, et sept autres par Charles de l’Écluse, qui inséra en outre un chapitre de sa main23. Né à Arras, l’Écluse avait fait des études de médecine à Montpellier sous Guillaume Rondelet (1507-1566), avant de s’établir à Anvers en 1554, pour voyager ensuite à Paris en 1561, dans le sud-ouest de la France, en Espagne et au Portugal en 1564-1565, puis à Londres et Bristol en 1571. En 1573, il est médecin de l’empereur Maximilien II et préfet du jardin impérial à Vienne, charges dont il est démis en 1576 par Rodolphe II. Il quitte alors Vienne à la fin des années 1580, s’installe d’abord à Francfort, où il travaille pour le graveur et éditeur Théodore de Bry, et ensuite à Leyde, à partir de 1593, où il occupe la chaire de botanique à l’université, est en charge du jardin botanique et meurt seize ans plus tard24.
- 25 Antidotarium, sive De exacta componendorum miscendorumque medicamentorum ratione libri tres, omnib (...)
- 26 Respectivement, Aromatum et simplicium aliquot medicamentorum apud Indios nascentium historia, 156 (...)
- 27 Caroli Clusii Atreb. Aliquot notæ in Garciæ Aromatum historiam. Eiusdem Descriptiones nonnullarum (...)
12Après la traduction de l’herbier de Dodoens pour Jan van der Loe, ce fut aussi en tant que traducteur que Charles de l’Écluse inaugura en 1561 sa collaboration avec Plantin, en traduisant en latin un Antidotarium italien25. D’autres traductions s’ensuivirent, notamment celles des œuvres du Portugais Garcia da Orta et des Espagnols Nicolás Monardes († 1588) et Cristóbal Acosta26. En 1576, c’est chez Plantin que l’Écluse fait paraître son Rariorum aliquot stirpium per Hispanias observatarum historia, puis en 1582 ses « notes » sur l’Aromatum historiam de Garcia da Orta suivies des descriptions des plantes tirées des voyages de Francis Drake, et, en 1583, ses écrits sur les plantes de Hongrie et d’Autriche27.
- 28 Les renseignements biographiques sur Pierre Pena sont extrêmement maigres. Médecin provençal ou na (...)
- 29 Kruydtboeck oft beschrijvinghe van allerleye ghewassen, kruyderen, hesteren, ende gheboomten, Anve (...)
- 30 Sur les éditions plantiniennes de L’Obel, et en particulier sus leurs milliers d’illustrations, vo (...)
13Avec ceux de Charles de l’Écluse et de Dodoens, un autre grand livre de botanique imprimé chez Plantin, en 1576 comme celui de l’Écluse sur les plantes d’Espagne, fut le Plantarum seu stirpium historia, du Lillois Matthias de L’Obel (1538-1616), docteur de Montpellier, médecin à Anvers et à Delft auprès du prince Guillaume d’Orange (1533-1584), puis surintendant du jardin botanique de Hackney à Londres et botaniste du roi Jacques Ier (1566-1625). L’Obel n’a peut-être pas appartenu à la Famille de la Charité, mais il est un ami proche de Plantin, qui ajouta à son édition du Plantarum historia les Stirpium adversaria nova, de L’Obel et Pierre Pena28, dont il avait acheté 800 exemplaires à son premier imprimeur, Thomas Purfoot, chez qui l’ouvrage était paru à Londres en 1571, ainsi que des Formulæ aliquot remediorum inédites du maître montpelliérain de L’Obel, Guillaume Rondelet (1507-1566). En 1581, Plantin publie la traduction flamande du Plantarum historia, dédiée au prince d’Orange29 et, à la demande de Severin Goebel (1530-1612), médecin du prince-électeur de Brandebourg, un Plantarum seu stirpium icones, composé de 2 176 illustrations avec un texte réduit aux noms des plantes et à des renvois aux éditions latine et flamande du Plantarum historia30.
- 31 Hadriani Junii Medici Emblemata... Eiusdem Ænigmatum libellus, Anvers, Christophe Plantin, 1565 ; (...)
14Le cinquième médecin assurément familiste de l’entourage de Plantin est Adriaen de Jonghe, né à Hoorn, dans la Frise occidentale. Après deux ans d’étude à Louvain en 1524-1526, il voyage en Italie et obtient son doctorat en médecine à Bologne en 1540. Il séjourne ensuite en Angleterre entre 1544 et 1550, avant de s’installer à Haarlem, où il devient médecin de la ville en 1552. En 1564, il est appelé à Copenhague pour devenir médecin de Frédéric II et professeur de médecine, mais trois mois plus tard il était de retour à Haarlem. Ce fut à ce moment-là qu’il entra en relation avec Plantin, chez qui seront publiés désormais tous ses ouvrages – auparavant, les écrits de De Jonghe étaient notamment parus chez des imprimeurs bâlois, comme Petri, Isengrin et Froben. Philologue, historiographe, poète, auteur de livres d’emblèmes et sur les antiquités, De Jonghe publia chez Plantin toutes ses œuvres à partir de 1565, à commencer par son poème religieux Anastaurosis, son édition du De Proprietate sermonum du lexicographe latin Nonius Marcellus et ses Emblèmes, publiés en latin et en flamand cette même année31, puis réédités dans leur version latine à quatre reprises (1566, 1569, 1575, 1585) et traduits en français en 1567, traduction qui connaîtra elle aussi plusieurs rééditions, en 1568, 1570 et 1575.
- 32 Nomenclator, omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans, Hadriano Junio medico (...)
- 33 Batavia. In qua præter gentis et insulæ antiquitatem, originem... aliaque ad eam historiam pertine (...)
15En 1567, sortit des presses plantiniennes la première édition du Nomenclator de De Jonghe, un dictionnaire en huit langues, dédié au fils de Guillaume d’Orange, Philippe-Guillaume32. Cette dédicace a pu contribuer à la nomination de De Jonghe comme historiographe des États de Hollande et de Frise-Occidentale, d’où il était originaire, une charge politique qui consistait à collecter des preuves historiques en faveur du droit à l’indépendance des États vis-à-vis de Bruxelles. Il en résulta un ouvrage intitulé Batavia, dont une première version était achevée en 1570 mais qui ne sera publié, par Plantin, que treize ans après la mort de De Jonghe en 157533, alors qu’il venait d’être nommé professeur de médecine à l’université de Leyde.
Traducteurs, éditeurs, correcteurs
- 34 Crato von Crafftheim, qui fit ses études de médecine à Padoue et obtint son doctorat à Bologne, fu (...)
- 35 Sur Zsámboky, on se reportera notamment aux travaux récents de Gábor Almási, The uses of humanism (...)
16À travers ces quelques éléments sur ces médecins du premier cercle de Christophe Plantin apparaît tout d’abord une première chronologie, avec un moment inaugural au milieu des années 1560, et une géographie articulée autour de quatre pôles principaux : Anvers, lieu d’imprimerie, Louvain et Leyde, lieux universitaires, Vienne, lieu curial. Il faudra en ajouter d’autres, mais restons pour l’instant à Vienne, pour indiquer, outre ce qu’on a déjà évoqué, que Charles de l’Écluse, qui obtint sa charge de médecin de cour et directeur du jardin impérial sous Maximilien II grâce à l’appui du médecin Johannes Crato von Crafftheim (1519-1585), fut à son tour un soutien décisif pour la nomination de Rembert Dodoens comme médecin de l’empereur en 157434. À la cour de Vienne, on retrouve aussi le Hongrois János Zsámboky (Sambucus, 1531-1584), qui avait obtenu une licence en médecine à Padoue en 1555, après avoir fait des études à Wittenberg, Ingolstadt et Paris. Zsámboky avait été reconnu dès 1557 comme aulæ familiaris par l’empereur Ferdinand Ier, et entra au service du fils aîné de l’empereur, l’archiduc Maximilien, en prenant part au projet de constitution de la bibliothèque de celui-ci à Vienne. Médecin de cour et Hofhistoriograf de Maximilien, devenu empereur à la mort de son père en 1564, Zsámboky publia cette même année la première édition de son ouvrage majeur, les Emblemata, chez Christophe Plantin35.
- 36 En 1566, Plantin avait publié, par ailleurs, les Lettres d’Aristénète, dont le manuscrit avait été (...)
17Dans ses longues pérégrinations européennes, ce philologue, poète latiniste, collectionneur de manuscrits et bibliophile, avait séjourné à Anvers à la fin des années 1550 et au début des années 1560, sa rencontre et son amitié avec Plantin datant probablement de 1563. Le livre d’emblèmes de Zsámboky connut quatre rééditions latines, en 1566, 1569, 1576 et 1584, plus une traduction flamande et une autre française, en 1566 et 1567 respectivement, issues dans tous les cas des presses plantiniennes36. On ne peut que constater, sur le plan éditorial du moins, le parallélisme avec la production d’Adriaen De Jonghe – histoire, poésie, philologie –, dont la première édition des Emblemata, comme on l’a indiqué, parut chez Plantin en 1565. En 1567, l’imprimeur publia les traductions françaises des deux livres d’emblèmes : Les emblemes du signeur Iehan Sambucus, traduits de Latin en François et Les Emblesmes du S. Adrian Le Jeune, Medecin et Historien des Estats de Hollande, faicts françois et sommairement expliquez. Dans les deux cas, le traducteur fut Jacques Grévin (1538-1570), docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris en 1563 – il en sera exclu cinq ans plus tard –, poète et dramaturge.
- 37 Grand livre des affaires 1563-1567, Museum Plantin-Moretus, Prentenkabinet, Arch. 4, ff. 85v et 94 (...)
- 38 Le titre en français est suivi de sa traduction flamande : Het Eerste ende tweede deel van de fran (...)
- 39 Voir Kathryn J. Evans, « Jacques Grévin’s Religious Attitude and the Family of Love », Bibliothèqu (...)
- 40 C’est sous la direction de Porret que Gilles Beys, ancien « garçon bouticlier » et futur gendre de (...)
18Grévin séjourna à Anvers et rencontra Plantin en 1567, l’année de la parution des traductions des Emblèmes de Zsámboky et de De Jonghe, ainsi que celle des Œuvres de Nicandre, « Medecin et Poëte Grec ». Or le médecin et l’imprimeur avaient des liens dès avant cette date : le paiement pour la traduction des Emblèmes de Zsámboky figure dans les comptes de l’atelier dès le mois d’avril 1565, et en juin celui fait « à bon compte des colloques qu’il [Grévin] faict37 » – les « Colloques du langaige françois », c’est-à-dire le dictionnaire français-flamand qui paraîtra en 1567 sous le titre La Première et la seconde partie des dialogues françois pour les jeunes enfans, sans nom d’auteur et avec une préface en vers de Plantin38. Un certain nombre d’éléments militent par ailleurs en faveur de l’hypothèse d’une appartenance de Grévin à la Famille de la Charité39, dont sa connaissance de l’apothicaire Pierre Porret, lui-même familiste, ami d’enfance de Plantin et intermédiaire de celui-ci pour les affaires qu’il avait à traiter à Paris40.
- 41 Le théâtre de Jaques Grévin, de Clermont en Beauvaisis... Ensemble, la seconde partie de l’Olimpe (...)
- 42 Deux livres des venins, ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, theriaques, pois (...)
19Pendant son séjour à Anvers, Jacques Grévin revit et corrigea à la main son Théâtre, paru à Paris en 1561 et réimprimé en 1562, pour en confier probablement à Plantin la réédition41. Elle ne vit jamais le jour. Grévin quitta Anvers pour se rendre à Turin auprès de la duchesse de Savoie, Marguerite de France (1523-1574), sans doute dans les derniers jours d’octobre 1567 – la dédicace de sa traduction des Emblèmes de De Jonghe est datée du 20 octobre, alors qu’un avertissement à la fin de ses Deux livres des venins, parus en 1568, indique que « l’absence de l’Autheur, lequel n’a peu voir les corrections, a esté cause que plusieurs fautes sont eschappees en l’impression de ce livre », datée du mois d’octobre 156742.
- 43 Compendiosa totius anatomiæ delineatio, aere exarata per Thomâm Geminum, Londres, John Herford, 15 (...)
- 44 Anatomes totius, aere insculpta Delineatio, cui addita est Epitome innumeris mendis repurgata, qua (...)
- 45 L’Historia de la composición del cuerpo humano parut pour la première fois, en castillan, à Rome e (...)
20Le nom de Grévin est aussi associé à l’atelier de Plantin par la voie d’un autre ouvrage, intitulé Vivæ imagines partium corporis humani aereis formis expressæ, paru en 1566. Il s’agissait d’une opération éditoriale analogue à celle que l’imprimeur André Wechel († 1581) avait réalisée à Paris en 1564. Wechel avait à son tour repris ce que le Flamand Thomas Lamprechts (Geminus, † 1570) avait fait à Londres en 1545, en publiant un in-folio reproduisant 40 planches copiées sur celles du De Humani corporis fabrica (1543) d’André Vésale, accompagnées d’un des chapitres de ce traité et du texte de l’abrégé (Epitome) que Vésale en avait également fait paraître en 1543, chez Herbst à Bâle43. Le livre publié par Wechel à Paris en 1564 et réimprimé l’année suivante, Anatomes totius, aere insculpta delineatio, était augmenté, par rapport à celui de Lamprechts, d’un commentaire et d’une brevis elucidatio sur les parties simples et composées du corps humain par Jacques Grévin44. Lorsque Plantin entreprit, sur le même principe, l’édition de son propre recueil de planches anatomiques, il les emprunta non pas à Vésale mais à l’Historia de la composición del cuerpo humano de l’Espagnol Juan Valverde de Amusco45. De Valverde, Plantin ne conserva que le texte d’explication des planches, qu’il fit traduire en latin ; il ajouta le texte de l’Epitome de Vésale commenté par Grévin, et, à la fin, une « Partium omnium corporis differentiæ » toujours par Grévin, c’est-à-dire la solution qu’avait choisie André Wechel deux ans auparavant.
- 46 Harvey Cushing, A bio-bibliography of Andreas Vesalius, New York, Schuman’s, 1943, p. 151.
- 47 Sur Fernel, médecin du roi Henri II (1519-1559), voir les articles réunis dans Corpus, 41, Jean Fe (...)
- 48 Voir Biographie nationale, publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-ar (...)
- 49 Speculum nauticum super navigatione maris occidentalis confectum, Leyde, officina Plantiniana, Fra (...)
- 50 On citera, parmi ces ouvrages, l’Arte de navegar (1545) de Pedro de Medina (1493-1567), paru en fl (...)
- 51 Originaire de Lannoy, correcteur de Plantin en 1564, Frans I van Ravelingen (Raphelengius) épousa (...)
- 52 T’Boeck vande vroet-wijfs, Amsterdam, Cornelis Claesz, 1591 ; De Conceptu et generatione hominis e (...)
- 53 De hydrargyri usu aliorum item doctorum virorum sententiæ, Anvers, Christophe Plantin, 1579.
21Plantin réimprima les Vivæ imagines en 1572 et en 1579, après en avoir donné en 1568 une édition en néerlandais (Anatomie, oft levende beelden vande deelen des menschelicken lichaems), pour laquelle il fit appel à plusieurs traducteurs : selon Harvey Cushing, la version néerlandaise de l’Epitome serait de Martin Everaert, et celle des explications des figures de Jean de Thoor46, médecin flamand originaire de Bailleul, ami d’Ortelius et frère cadet de François de Thoor, lui aussi médecin, qui suivit à Paris les leçons de Jean Fernel47 (1497-1558) et fréquenta, entre autres, André Wechel et Charles de l’Écluse48. Quant à Martin Everaert, médecin et mathématicien originaire de Bruges, il fut aussi, pour l’officine plantinienne, le traducteur en latin du Miroir des navigateurs (Spieghel der Zeevaerdt) de Lucas Janszoon Waghenaer († 1606)49, de même que d’autres livres de navigation et de cartographie chez d’autres imprimeurs, aussi bien à Anvers qu’à Amsterdam50. Everaert avait été par ailleurs l’éditeur de la Petite chirurgie de Paracelse (De Cleyne Chirurgie ende Tgasthuys Boeck vanden seer Vermaerden), parue en 1568 chez la succursale plantinienne à Leyde dirigée par le gendre de Plantin Frans I van Ravelingen (1539-1597)51. Il édita aussi le De astrolabo catholico de Gemma Frisius (Anvers, Jan Verwithagen, 1583) et, dans le domaine de la médecine et de la chirurgie, il traduisit en flamand le Trostbüchlein, un ouvrage du chirurgien, astrologue et dramaturge Jakob Rüff (1505-1558), publié en allemand et en latin en 1554 à Zurich à l’intention des sages-femmes52, ainsi qu’un petit traité sur l’usage du mercure de Victor Ghyselinck (1539-1591)53.
- 54 Victoris Giselini in Aurelii Prudentii Clementis, v. cl. Opera, commentarius, 1564.
- 55 Ghyselinck fut ainsi responsable, à ce titre, des éditions platininennes des Métamorphoses d’Ovide (...)
- 56 Epitomes Adagiorum omnium, quæ hodie ab Erasmo, Iunio, et aliis collecta exstant, pars altera, Vic (...)
- 57 Sententiæ veterum poetarum a G. Maiore Primum Collectæ & per locos communes digestæ nunc vero... r (...)
- 58 Virginia Brown, Paul Oskar Kristeller et F. Edward Cranz (éd.), Catalogus Translationum et Comment (...)
22Ce livre est le seul que Ghyselinck ait publié sur la médecine. Né à Zandvoorde, près d’Ostende, et mort à Bergues, ami de l’humaniste Juste Lipse, proche de Plantin et probablement familiste, Ghyselinck avait fait des études de médecine à Paris en 1560 ou 1561 ; il fut ensuite engagé par Plantin, imprimeur de son Commentaire sur Prudentius54, comme correcteur et scoliaste vers la fin de l’année 156455. Il fut aussi l’éditeur des éditions plantiniennes de l’abrégé des Adages d’Erasme et de De Jonghe56, des Sentences des poètes anciens compilées par l’apothicaire et théologien luthérien Georg Maier (1502-1574)57, et de la première édition, posthume, du livre de Jean Fernel sur la syphilis, De luis venereæ curatione, en 1579. Entre-temps, Ghyselinck avait repris en 1571 ses études de médecine à Dôle, où il fut reçu docteur en 1572 et commença peu après à exercer à Bruges58.
- 59 Hésychios De Milet, Hσυχιου Μιλησιου Ἰλλουστριου περι των ἐν παιδειᾳ διαλαμψ-αντων σοφων: Hesyc (...)
23On voit ainsi Plantin mettre à profit les compétences de médecins, notamment flamands, qu’il peut mobiliser à plusieurs titres : tantôt auteurs – d’ouvrages médicaux ou non –, tantôt traducteurs, commentateurs ou éditeurs de textes anciens ou contemporains. Ces médecins sont d’ailleurs associés parfois dans une même entreprise éditoriale en remplissant des rôles différents : Zsámboky édita les œuvres du lexicographe et historien de langue grecque Hésychios de Milet (VIe siècle), dont De Jonghe fut en 1572 le traducteur pour l’atelier plantinien59.
- 60 L’Enchiridion avait été imprimé par Plantin pour Philippe Galle d’abord en français en 1579 (Le Mi (...)
24Il en est de même pour la production cartographique de l’officine. Lorsque Plantin fait imprimer en 1585 la première édition latine de l’Enchiridion du Theatrum orbis terrarum d’Ortelius, c’est Hugo Favoli (1523-1585), originaire de Zélande, fils d’un gentilhomme Pisan, docteur de Padoue et médecin juré de la ville d’Anvers depuis 1563, qui rédige l’avis au lecteur, la préface adressée aux consuls d’Anvers, et traduit le texte de l’ouvrage, le tout en vers60. Favoli ne publia aucun texte médical, mais des œuvres en vers, comme les Hodoeporici Byzantini libri III sur son voyage à Constantinople dans la suite de l’ambassadeur de Charles Quint Gerard van Veltwijck († 1555), parus chez Philippe Galle en 1563, ainsi que des poèmes insérés dans des ouvrages d’autres auteurs, dont un « carmen heroicus » sur la bataille de Lépante dans les Arcus aliquot triumphales et monimenta victoriæ classicæ de Zsámboky publiés par Galle en 1572, les vers latins qui accompagnent les planches du De deis gentium imagines, paru chez Galle toujours en 1581, ou un court poème d’une page dédié à Pietro Bizzarri (1525-1586), historien italien, agent au service de l’Angleterre et lui aussi membre du cercle anversois de Plantin, dans la première édition de son traité sur les Perses, Persicarum rerum historia in XII libros descripta, sorti des presses plantiniennes en 1583.
Les Flandres et l’Espagne
25Le cas de Hugo Favoli est assez représentatif d’un type de médecin qui mène, pour ainsi dire, une double vie : proche des milieux lettrés et des ateliers d’imprimerie anversois, il n’y participe pas en tant que médecin sur le plan de ses écrits, alors que son statut professionnel à Anvers et ses revenus proviennent de sa pratique médicale. Aussi évolue-t-il, à la fois, dans des milieux sociaux qui ne se superposent pas, mais qui sont toutefois connectés par des individus comme lui : celui défini par son activité médicale et celui que dessinent ses activités littéraires, lato sensu, auprès des imprimeurs. On a vu en effet que Christophe Plantin publie, somme toute, peu d’ouvrages médicaux des médecins de son entourage intellectuel le plus immédiat, et qu’en matière de production imprimée ceux-ci cultivent l’histoire, la poésie, l’histoire naturelle ou la philologie, qu’ils traduisent, éditent et commentent des anciens ou des contemporains, qu’ils sont en définitive, à la ville et/ou à la cour, des humanistes et des savants pour lesquels la médecine est une formation, un repère professionnel, un point fixe dans une multiplicité de rôles qui trouvent une de leurs matérialisations dans l’imprimé.
- 61 Ayala fut aussi médecin du cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586), archevêque de Malin (...)
- 62 Deux livres portent sur les maladies des articulations : l’un de Gerard van Bergen, qui traite aus (...)
- 63 David van Mauden, Examen der peste, in het welck gheleert wort wat peste is, haer oorsaecken, teec (...)
- 64 Jacques Guérin, Traicté très excellent contenant la vraye maniere d’estre preservé de la peste (...)
- 65 Gerard Van Bergen, De Pestis Præservatione Libellus, 1565 ; Gabriel Ayala, Carmen Pro Vera Medicin (...)
- 66 Hugo Fridaevallis, De tuenda sanitate libri VI, 1568. Après la dédicace de l’auteur à Jean de Sain (...)
- 67 Gaulthier Bruele, Praxis medicinæ theorica et empirica familiarissima Gualtheri Bruele: in qua pul (...)
- 68 Joost Van Lom, Medicinalium observationum libri tres. Quibus notæ morborum omnium, et quæ de his p (...)
26De fait, parmi les livres de médecine que publie l’atelier de Plantin, une part significative correspond à la production d’un autre groupe de médecins, qui ont en commun un ancrage local ; il s’agit de médecins exerçant dans des villes des Pays-Bas, parfois jurés ou pensionnaires, comme Gerard van Bergen († 1583) et David van Mauden à Anvers, Gabriel Ayala à Bruxelles61, Joost van Lom à Tournai puis à Bruxelles, Hugo Fridaevallis à Courtrai, Jean Dubois († 1576) à Douai, ou encore Pieter van Foreest (1522-1597) à Delft. Une grande majorité de leurs ouvrages portent sur des maladies, au premier rang desquelles la peste, mais aussi la syphilis ou les maladies articulaires62. Les livres sur la peste, publiés au gré des épidémies ayant touché la ville, sont parfois destinés à « l’homme du commun » (den gemeynen mensch), d’où le choix du flamand, comme chez Van Mauden63 ou chez le Bruxellois Jacques Guérin (Jacob Gherin ou Gheeris), que Plantin publie en traduction française64. En revanche, Van Bergen et Ayala écrivent sur la peste en latin, le second en vers, de surcroît, avec une dédicace au cardinal de Granvelle65. Pour le reste, Plantin imprima les ouvrages de Fridaevallis sur le régime66 et de Gaulthier Bruele sur les maladies internes67, ainsi que les premières éditions des Observations de Van Lom et de Van Foreest68.
- 69 Il s’agit d’une nouvelle édition, revue, du Compendium curationis, præcautionisque morbi passim po (...)
- 70 Voir Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 66 et suiv. et p. 360.
- 71 Biblia Sacra Hebraice, Chaldaice, Græce, & Latine: Philippi II Reg. Cathol. pietate, et studio ad (...)
27L’édition médicale plantinienne, au sein de laquelle on voit la médecine pratique occuper une place importante, dessine par ailleurs une deuxième géographie, flamande, qui est en partie aussi celle que font ressortir les médecins traducteurs, correcteurs et éditeurs au service de l’officine anversoise. Reste une autre, qui concerne la péninsule ibérique. Si le tout premier livre de médecine publié par Plantin est en 1556 le Discurso breve, sobre la cura y preservacion de la Pestilencia d’Andrés Laguna († 1559)69, ce n’est qu’à partir de la seconde moitié des années 1560 et plus encore des années 1570 que les auteurs espagnols – écrivant d’ailleurs pour la plupart en latin – voient croître leur présence dans la production de l’atelier70. Notons la date de la parution du Methodus febrium omnium, et earum symptômatum curatoria de Fernando Mena († 1585), médecin de chambre de Philippe II : 1568. Deux événements sont à mettre en relation avec cette année : d’une part, le remplacement en 1567 de la gouvernante des Pays-Bas espagnols Marguerite de Parme par le duc d’Albe (Fernando Alvarez de Toledo y Pimentel, 1507-1582), chargé de réprimer une révolte calviniste déclenchée l’année précédente et, d’autre part, l’arrivée à Anvers, en mai 1568, du dominicain Benito Arias Montano (1527-1598), docteur en théologie, philologue, orientaliste, poète et chapelain du roi, envoyé par ce dernier pour superviser l’édition de la Bible polyglotte, dite aussi Biblia Regia, publiée en huit volumes in-folio71.
- 72 Voir Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 44-45.
- 73 La bibliographie à ce sujet est abondante ; on ne renverra ici qu’à des ouvrages publiés dans la c (...)
- 74 On se reportera, à ce sujet, à Maurits Sabbe, « Les rapports entre B. Arias Montanus et H. Jansen (...)
- 75 Goropius Becanus s’est vu offrir, sur la recommandation du bibliste, la charge de médecin personne (...)
- 76 On se reportera à ce sujet à l’étude détaillée qu’en fait Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, (...)
- 77 À eux quatre ils totalisent six éditions, compte tenu des deux rééditions, en 1579 et 1582, du De (...)
28Les deux événements sont sans doute liés, le projet de publication de la Bible polyglotte ayant probablement été soumis par Plantin à Philippe II comme une démonstration de fidélité et d’orthodoxie catholique, à un moment où Madrid reprenait la main dans les Flandres par des moyens militaires et politiques conséquents72. Il n’est pas question de retracer ici l’histoire, bien connue, de la réalisation de la Bible polyglotte d’Anvers73, ni de discuter les différentes thèses autour des relations que Benito Arias Montano a pu entretenir avec la Famille de la Charité74. Il suffira, pour notre propos, de rappeler qu’Arias Montano, intégré quoi qu’il en soit au cercle de Plantin, conseiller éditorial de l’imprimeur, joua un rôle d’intermédiaire entre celui-ci et l’Espagne, aussi bien pendant son séjour à Anvers entre 1568 et 1575 qu’après son retour à Madrid puis à Séville, où il passa les dernières années de sa vie. En plus de ses bons offices ayant contribué à la promotion de certains de ses amis anversois – à commencer par Plantin lui-même, nommé prototypographus regius en 157075, Arias Montano participa de façon décisive, à la fois à la diffusion en Espagne de la production plantinienne76 mais aussi à l’introduction d’auteurs espagnols dans celle-ci. Parmi eux et à partir de 1568, on retrouve trois médecins : Fernando Mena, Nicolás Monardes, qu’on a déjà cités, et Simón de Tovar († 1596), ainsi qu’un chirurgien, Francisco Arceo77.
- 78 L’hypothèse a été avancée d’une intervention d’Arias Montano dans l’écriture du texte, qui aurait (...)
29Ce dernier, originaire comme Arias Montano de Fregenal de la Sierra, en Estrémadure, est l’auteur de deux petits traités, l’un sur la chirurgie, l’autre sur la guérison de fièvres, publiés par Plantin en 1574 en un seul volume : De recta curandorum vulnerum ratione, et Aliis eius artis præceptis libri II… Eiusdem De febrium curandarum ratione. Dans la préface qu’il rédige pour cet ouvrage, Arias Montano78 apprend au lecteur que Francisco Arceo l’a instruit dans les techniques chirurgicales pendant quatre mois passés en 1557 à Llerena, où Arceo exerçait alors, qu’il l’a choisi comme précepteur en la matière sur les conseils de Fernando Mena, un de ses maîtres à Alcalá de Henares, et que ce fut à son instigation que le chirurgien se décida à mettre par écrit ses méthodes. Chacun des chapitres du livre d’Arceo est annoté par un autre médecin espagnol, Alvaro Núñez, médecin de l’armée espagnole aux Pays-Bas et résidant à Anvers, mentionné par ailleurs dans la Bible polyglotte.
- 79 Examen i censura… del modo de averiguar las Alturas delas tierras, por la altura de la Estrella de (...)
- 80 L’autre ouvrage de médecine publié par Tovar, lié à ses activités de contrôle des apothicaires, es (...)
- 81 Voir Antonio Dávila Pérez, « Simón de Tovar y Arias Montano piden libros a la imprenta Plantiniana (...)
30Si Arceo était un proche d’Arias Montano, Simón de Tovar l’était également, voire davantage. Ce médecin d’origine portugaise, établi en Espagne vers 1540, chargé à Séville de contrôler le travail des apothicaires et correspondant de Charles de l’Écluse, faisait partie du cercle sévillan de lettrés et de savants formé autour d’Arias Montano. Tovar publia trois ouvrages, dont deux sur les médicaments, et un troisième sur les techniques et les instruments de l’art de la navigation79 ; le premier d’entre eux, intitulé De compositorum medicamentorum examine nova methodus, paru en 1586 chez Plantin, à qui le manuscrit avait été envoyé, avec une lettre de recommandation d’Arias Montano, en 158480. On voit Tovar, d’autre part, tout comme d’autres membres du cercle d’Arias Montano, adresser à l’officine plantinienne d’importantes commandes de livres, pour la plupart en deux exemplaires, dont un destiné au bibliste81.
Une histoire de médecins
31D’Anvers à Séville, en passant par Louvain, Leyde, d’autres villes flamandes (Bruxelles, Delft, Douai, Courtrai, Tournai), Vienne, Paris, Londres, Madrid, suivre conjointement les trajectoires d’un atelier d’imprimerie et des médecins qui, d’une manière ou d’une autre, y ont été associés, équivaut à tisser plusieurs toiles sur un seul métier. Malgré son manque d’exhaustivité, une enquête comme celle-ci montre le type d’éclairage qu’une histoire du champ médical de la première modernité européenne peut apporter à la connaissance des dynamiques des mondes savants et lettrés. Pour y arriver, encore faut-il mettre l’accent sur l’étude des médecins plutôt que sur celle de la médecine comme savoir universitaire.
32Considérer les lieux d’imprimerie comme des « lieux de savoir » n’est pas une hypothèse originale. S’intéresser aux médecins comme agents de la production et de la circulation des imprimés, qu’ils soient médicaux ou non, l’est davantage. Or c’est en liant les deux – des lieux et des acteurs – que l’on peut mieux mettre en lumière la place des médecins dans la constitution de communautés savantes. En effet, la mise en relation des ateliers d’imprimerie et des médecins qu’on y croise en tant qu’auteurs, mais aussi comme commentateurs, annotateurs, traducteurs, passeurs en définitive, mobilisant des matériaux textuels, des langues (latin, grec, flamand, espagnol, italien, allemand, français, anglais) et des images (emblèmes, cartes, images naturalistes et anatomiques), ouvre des fenêtres sur une économie des savoirs où l’on assiste, autour de ces nœuds de réseaux savants que sont les officines des imprimeurs, à la mise en œuvre de productions qui engagent des identités intellectuelles, professionnelles et sociales multiples.
33Au gré des fonctions remplies, des places occupées, des livres écrits, édités, préfacés, traduits, dédiés, négociés, on voit en effet des rôles se superposer, alterner ou se croiser. Les « médecins de l’imprimeur », dans le cas de Plantin et de son officine – mais d’autres cas seraient à examiner dans le même sens –, offrent à l’entreprise éditoriale des compétences de lettré, tracent, par leurs mobilités ou leurs accointances, des circuits d’échange, participent, par leurs insertions institutionnelles et/ou politiques (universités, jardins, cours, villes), à un maillage de lieux et de milieux où l’imprimé et sa fabrication apparaissent comme un des vecteurs décisifs.
Notes
1 On en a évoqué un certain nombre en introduction à ce dossier.
2 Pour une mise au point sur cette notion qu’il a lui-même introduite, voir Christian Jacob, « Introduction : faire corps, faire lieu », dans Christian Jacob (éd.), Lieux de savoir I : Espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007, p. 17-40.
3 Je donne systématiquement entre parenthèses les dates de naissance et/ou de mort des personnes la première fois que je les cite dans le texte ; l’absence de ces dates indique donc qu’elles sont soit inconnues, soit incertaines.
4 La bibliographie sur l’atelier de Plantin est très abondante. On ne citera pour l’heure que les monographies généralistes à son sujet, c’est-à-dire celles qui visent à donner une vue d’ensemble de l’entreprise ; il en est ainsi des travaux déjà anciens de Léon Degeorge (Léon Degeorge, La Maison Plantin à Anvers : monographie complète de cette imprimerie célèbre, documents historiques sur l’imprimerie, liste chronologique des ouvrages imprimés par Plantin de 1555 à 1589, 3e éd., Paris, Firmin Didot et Cie., 1886), et de ceux, plus récents, de Leon Voet (Leon Voet, The Golden Compasses: A History and Evaluation of the Printing and Publishing Activities of the Officina Plantiniana at Antwerp, 2 vol., Amsterdam, Vangendt, 1969-1972 ; id., The Plantin press, 1555-1589: A bibliography of the works printed and published by Christopher Plantin at Antwerp and Leiden, Amsterdam, Van Hoeve, 1980-1983).
5 L’étude de la correspondance de Plantin, publiée en huit volumes par les soins de Max Rooses d’abord et de Jean Denucé à partir du quatrième volume (Correspondance de Christophe Plantin, Anvers, J. E. Buschmann, 1883-1918), permettrait d’approcher plus finement les relations entre l’imprimeur et certains des médecins dont il est question dans cet article. Il en est de même pour les livres de comptes de l’imprimerie plantinienne, auxquels on se réfère de façon ponctuelle. On a délibérément choisi, pour cette première approche du dossier, de privilégier la production imprimée de l’atelier de Plantin, sachant que le tableau qui en ressort admet des nuances et des enrichissements qui nécessitent cependant, pour y être apportés, un cadre comme celui qu’on essaye de poser dans ce qui suit ; le peigne fin ne peut pas être passé sans avoir tenté, au préalable, de dessiner une chevelure.
6 Voir Rafael Mandressi, « Livres du corps et livres du monde : chirurgiens, cartographes et imprimeurs, xve-xvie siècles », dans Christine Bénévent, Isabelle Diu et Chiara Lastraioli (éd.), Gens du livre et gens de lettres à la Renaissance, Turnhout, Brepols, 2014, p. 209-230.
7 Sur les emblèmes et les livres d’emblèmes à la Renaissance et au xviie siècle, voir Alison Saunders, The Sixteenth-Century French Emblem Book. A Decorative and Useful Genre, Genève, Droz, 1988 ; Roger Paultre, Les images du livre. Emblèmes et devises, préface de Louis Marin, Paris, Hermann, 1991. Voir Alain Boureau, « Les livres d’emblèmes sur la scène publique. Côté jardin et côté cour », dans Roger Chartier (éd.), Les usages de l’imprimé, xve-xixe siècle, Paris, Fayard, 1987, p. 343-379. Pour les livres d’emblèmes au sein de la production des images savantes à l’époque moderne, voir Rafael Mandressi, « Le regard scientifique : cultures visuelles des sciences », dans Stéphane Van Damme (éd.), Histoire des sciences et des savoirs, t. 1 : De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 2015, p. 230-253.
8 Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, Paris, Albin Michel, 1999 [1958], p. 187. Par comparaison, un demi-siècle plus tard à Paris, pourtant le plus grand centre d’édition d’Europe au xviie siècle, une petite moitié des 76 ateliers d’imprimerie ne travaillaient qu’avec deux presses, un seul en disposait de sept, et l’imprimerie royale, créée en 1640, en avait dix. Les 76 ateliers parisiens employaient, au total, 257 compagnons et apprentis, et on ne trouvait « plus de huit ouvriers que chez quinze maîtres, et plus de quinze chez deux seulement » (Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701), vol. I, Genève, Droz, 1999 [1969], p. 372-373).
9 On ne dira jamais assez à quel point l’usage de ce terme est délicat, par les anachronismes lourds qu’il peut induire, en l’occurrence, dans la définition du périmètre d’un corpus ancien. Ce périmètre est donc sujet à caution et ne vise qu’à estimer, dans la production plantinienne, le poids de certaines matières qu’on pense pouvoir ranger, provisoirement, par commodité et sans grande finesse, dans une catégorie qui, dans ce qu’elle recouvre, n’appartient pas nécessairement au xvie siècle.
10 Caspar Van Zurich, Charles Van Bomberghe, ou le banquier Luis Pérez (gendre du bourgmestre d’Anvers Nicolas Rockocx, patron de Rubens), ainsi que le marchand parisien Pierre Porret.
11 Vicente Bécares Botas, Arias Montano y Plantino: el libro flamenco en la España de Felipe II, León, Secretariado de Publicaciones de la Universidad de León, 1999, p. 34.
12 Sur la Famille de la Charité, voir Herman De La Fontaine Verwey, « The Family of Love », Quærendo, 6/3, 1976, p. 219-271 ; Jean Dietz Moss, « “Godded with God”: Hendrik Niclaes and His Family of Love », Transactions of the American Philosophical Society, 71/8, 1981, p. 1-89 ; et Alastair Hamilton, The Family of Love, Cambridge, James Clark, 1981. Voir Bernard Rekers, Benito Arias Montano (1527-1598), Londres, The Warbug Institute, 1972, p. 70 et suiv. Sur la Famille en Angleterre, on se reportera à Jean Dietz Moss, « The Family of Love and English Critics », The Sixteenth Century Journal, 6/1, 1975, p. 35-52 ; id., « Variations on a Theme: The Family of Love in Renaissance England », Renaissance Quarterly, 31/2, 1978, p. 186-195 ; Janet E. Halley, « Heresy, Orthodoxy, and the Politics of Religious Discourse: The Case of the English Family of Love », Representations, 15, 1986, p. 98-120 ; et Christopher Carter, « The Family of Love and Its Enemies », The Sixteenth Century Journal, 37/3, 2006, p. 651-672. Pour le contexte français, voir Jean-François Maillard, « Christophe Plantin et la Famille de la Charité en France : documents et hypothèses », dans Mélanges sur la littérature de la Renaissance à la mémoire de V.-L. Saulnier, Genève, Droz, 1984, p. 235-253 ; voir Heather Ingman, « Jean De La Jessée and the Family of Love in France », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 47, 1984, p. 225-228.
13 Jean-Marc Besse, Les grandeurs de la Terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance, Lyon, ENS Éditions, 2003, p. 355. Voir aussi Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 43.
14 Besse, Les grandeurs de la Terre, op. cit., p. 359.
15 Febvre et Martin, L’apparition du livre, op. cit., p. 187 ; Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 34.
16 Voir Mandressi, « Livres du corps et livres du monde », art. cité, p. 209-230 ; sur Gemma Frisius, voir notamment Fernand Hallyn, Gemma Frisius, arpenteur de la terre et du ciel, Paris, Honoré Champion, 2008 ; et Fernand Van Ortroy, Bio-bibliographie de Gemma Frisius, fondateur de l’école belge de géographie, de son fils, Corneille, et de ses neveux, les Arsenius, Bruxelles, M. Lamertin, M. Hayez, 1920.
17 Sur Cornelius Gemma, voir Hiro Hirai (éd.), Cornelius Gemma: Cosmology, Medicine and Natural Philosophy in Renaissance Louvain, Rome, Serra, 2008. Voir Van Ortroy, Bio-bibliographie de Gemma Frisius, op. cit.
18 Les études récentes sur Dodoens manquent ; on citera à son sujet les écrits, utiles quoique anciens et marqués par la célébration locale, des Malinois Pierre-Joseph D’Avoine, Éloge de Rembert Dodoens, médecin et botaniste malinois du xvie siècle… suivi de la concordance des espèces végétales décrites et figurées par Rembert Dodoens… par le même auteur et par Charles Morren, Malines, J.-F. Olbrechts, 1830 ; et Philippe Jacques Van Meerbeeck, Recherches historiques et critiques sur la vie et les ouvrages de Rembert Dodoens (Dodonæus), Malines, J. Hanicq, 1841.
19 Jan van der Loe, fils d’un imprimeur liégeois, beau-frère et sans doute successeur d’Anthonis van der Haeghen, est mort en 1563 ; son nom continua pourtant à figurer sur les éditions publiées par sa veuve, Anna van der Haeghen, jusqu’en 1566, date à laquelle son fils Hendrik reprit l’officine.
20 Historia vitis vinisque, et stirpium nonnullarum aliarum. Item Medicinalium Observationum exempla, Cologne, Matern Cholin, 1580 ; Medicinalium observationum exempla rara, recognita & aucta. Accessere et alia quædam, quorum Elenchum pagina post Præfationem exhibet, Cologne, Matern Cholin, 1581. Les Medicinalium observationum exempla rara de Dodoens comprenaient 53 chapitres présentés comme des cas étant issus de sa pratique, suivis, dans l’édition de 1581, de Tabulæ physiologices d’après Galien. Il s’agit du seul livre expressément médical de Dodoens, dont Plantin publia en 1585, à Leyde, une édition augmentée d’un 54e cas et sans les Tabulæ physiologices.
21 De l’atelier plantinien sortirent également des premières éditions d’ouvrages de Dodoens, à commencer par le Frumentorum… historia, auquel suivirent, en 1568, un livre sur les plantes ornementales et odorantes (Florum & coronariarum odoratarumque nonnullarum herbarum historia, réédité en 1569), et un troisième sur les plantes purgatives, les racines utilisées à des fins médicinales et autres (Purgantium aliarumque eo facientium, tum et radicum, convolvulorum ac deleteriarum herbarum historiæ libri IIII... Accessit appendix variarum & quidem rarissimarum nonnullarum stirpium, ac florum quorundam peregrinorum). Dans tous les cas, il s’agit d’ouvrages richement illustrés par des gravures sur bois réalisées d’après des dessins de Pieter van der Borcht († 1608), né comme Dodoens à Malines, actif d’abord dans cette ville, déjà au service de Plantin, puis à Anvers à partir de 1572. Sur les graveurs ayant travaillé pour l’imprimerie de Plantin (sans aborder le cas de Pieter van der Borcht, cependant), voir Karen L. Bowen et Dirk Imhof, « Reputation and Wage: The Case of Engravers Who Worked for the Plantin-Moretus Press », Simiolus: Netherlands Quarterly for the History of Art, 30/3-4, 2003, p. 161-195. On ne s’arrêtera pas ici sur ces graveurs, tout en sachant, néanmoins, l’intérêt qu’il y aurait à les intégrer dans une analyse plus approfondie et plus fine des réseaux plantiniens, y compris en relation avec les appartenances familistes de certains d’entre eux, dont Borcht.
22 En 1553-1554, deux volumes étaient sortis des presses de Jan van der Loe qui contenaient les illustrations qu’on retrouve, respectivement, dans les trois premières et les trois dernières parties du Cruijdeboeck, avec un index des noms en latin, grec, allemand, brabançon, français et officinarum des plantes représentées : De stirpium historia commentariorum imagines ad vivum artificiosissime expressæ.
23 Histoire des plantes, en laquelle est contenue la description entiere des herbes, c’est à dire, leurs especes, forme, noms, temperament, vertus et operations non seulement de celles qui croissent en ce païs, mais aussi des autres estrangeres qui viennent en usage de medecine, Anvers, Jan van der Loe, 1557.
24 Parmi les travaux sur Charles de l’Écluse, les principales références sont à ce jour Florike Egmond, Paul Hoftijzer et Robert Visser (éd.), Carolus Clusius. Towards a cultural history of a Renaissance naturalist, Amsterdam, Edita KNAW, 2007 ; et Florike Egmond, The World of Carolus Clusius. Natural History in the Making, 1550-1610, Londres, Pickering and Chatto, 2010. On citera également le « Clusius Project », lancé en 2004 par l’Université de Leyde, principalement voué à la numérisation d’un corpus de quelque 1500 lettres de l’Écluse et à la reconstitution de son réseau de correspondants (voir https://www.library.universiteitleiden.nl/special-collections/scaliger-institute).
25 Antidotarium, sive De exacta componendorum miscendorumque medicamentorum ratione libri tres, omnibus pharmacopœis longè utilissimi, ex græcorum, arabum, & recentiorum medicorum scriptis maxima cura & diligentia collecti. Nunc verò primùm ex italico sermone latini facti, Anvers, Christophe Plantin, 1561.
26 Respectivement, Aromatum et simplicium aliquot medicamentorum apud Indios nascentium historia, 1567, réédité par Plantin en 1574 et 1579 ; De simplicibus medicamentis ex occidentali India delatis quorum in medicina usus est, 1574 ; et Christophori a Costa, medici et cheirurgi Aromatum & medicamentorum in Orientali India nascentium liber, 1582.
27 Caroli Clusii Atreb. Aliquot notæ in Garciæ Aromatum historiam. Eiusdem Descriptiones nonnullarum stirpium, & aliarum exoticarum rerum, que à generoso viro Francisco Drake equite Anglo, & his observatæ sunt, qui eum in longa illa navigatione, qua proximis annis universum orbem circumivit, comitati sunt, 1582 ; Rariorum aliquot stirpium, per Pannoniam, Austriam et vicinas quasdam provincias observatarum, historia, quatuor libris expressa, 1583. Des traités botaniques ultérieurs de l’Écluse, comme le Rariorum plantarum historia (1601) ou l’Exoticorum libri decem (1605), sortirent également des presses plantiniennes à Anvers, publiés après la mort de Christophe Plantin par ses successeurs Jan I Moretus (1543-1610) et Frans II van Ravelingen (Raphelengius, 1568-1643), respectivement.
28 Les renseignements biographiques sur Pierre Pena sont extrêmement maigres. Médecin provençal ou narbonnais, il aurait travaillé avec L’Obel à Montpellier vers 1565, puis à Londres entre 1566 et 1572, avant de devenir médecin du roi Henri III (voir Frans Antonie Stafleu et Richard S. Cowan, Taxonomic literature: A selective guide to botanical publications and collections with dates, commentaries and types, 2e éd., vol. 4 : P-Sak, Utrecht, Bohn, Scheltema & Holkema, 1983, p. 149-150).
29 Kruydtboeck oft beschrijvinghe van allerleye ghewassen, kruyderen, hesteren, ende gheboomten, Anvers, Christophe Plantin, 1581.
30 Sur les éditions plantiniennes de L’Obel, et en particulier sus leurs milliers d’illustrations, voir Sachiko Kusukawa, « Uses of pictures in printed books: The case of Clusius’ Exoticorum libri decem », dans Carolus Clusius, op. cit., p. 227-229.
31 Hadriani Junii Medici Emblemata... Eiusdem Ænigmatum libellus, Anvers, Christophe Plantin, 1565 ; Emblemata Adriani Iunii Medici. Ouergheset in Nederlanische tale deur M.A.G., Anvers, Christophe Plantin, 1565. Sur De Jonghe, on pourra se référer à Dirk Van Miert (éd.), The kaleidoscopic scholarship of Hadrianus Junius (1511-1575): Northern humanism at the dawn of the Dutch golden age, Leyde, Brill, 2011.
32 Nomenclator, omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans, Hadriano Junio medico authore, Anvers, Christophe Plantin, 1567. Le Nomenclator de De Jonghe fut réédité par Plantin en 1577, 1583 et 1585.
33 Batavia. In qua præter gentis et insulæ antiquitatem, originem... aliaque ad eam historiam pertinentia, declaratur quæ fuerit vetus Batavia ... quae item genuina inclytae Francorum nationis fuerit sedes, Anvers, Christophe Plantin, 1588.
34 Crato von Crafftheim, qui fit ses études de médecine à Padoue et obtint son doctorat à Bologne, fut médecin de l’empereur Ferdinand Ier en 1560, puis pendant onze ans de Maximilien II, qui le fit Comte Palatin en 1568. Pour une synthèse biographique sur Crato, voir Charles D. Gunnoe et Jole Shackelford, « Johannes Crato von Krafftheim (1519-1585): Imperial Physician, Irenicist, and Anti-Paracelsian », dans Marjorie Elizabeth Plummer et Robin Barnes (éd.), Ideas and Cultural Margins in Early Modern Germany: Essays in Honor of H. C. Erik Midelfort, Aldershot, Ashgate, 2009, p. 201-216. Sur Crato et la cour viennoise, voir Howard Louthan, Johannis Crato and the Austrian Habsburgs: Reforming a Counter-Reform Court, Princeton, Princeton Theological Seminary, Studies in Reformed Theology and History, 2/3, 1994. Voir Andrea Ubrizsy Savoia, « Some aspects of Clusius’ Hungarian and Italian relations », dans Carolus Clusius, op. cit., p. 271-273.
35 Sur Zsámboky, on se reportera notamment aux travaux récents de Gábor Almási, The uses of humanism: Johannes Sambucus (1531-1584), Andreas Dudith (1533-1589), and the republic of letters in East Central Europe, Leyde, Brill, 2009 ; et, avec Farkas Gábor Kiss, Humanistes du bassin des Carpates II : Johannes Sambucus, Turnhout, Brepols, 2014. Voir aussi Nancy G. Siraisi, History, medicine, and the traditions of Renaissance learning, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2007, p. 194 et suiv. Sur les Emblèmes de Zsámboky, voir Arnoud Silvester Quartus Visser, Joannes Sambucus and the learned image: The use of the emblem in late-Renaissance humanism, Leyde, Brill, 2005.
36 En 1566, Plantin avait publié, par ailleurs, les Lettres d’Aristénète, dont le manuscrit avait été remis à l’imprimeur en 1564 par Zsámboky, qui l’avait acheté en 1561. L’édition parut avec une dédicace du médecin hongrois à Philips zu Winnenberg und Beichelsteyn, datée à Vienne en 1565 : Aristainetu Epistolai Erōtikai : Tina tōn palaiōn Ērōōn Epitaphia ; E bibliotheca C. V. Ioan. Sambuci. Voir Rafael Gallé Cejudo, « Remarques sur l’édition plantinienne des Lettres d’Aristénète », Revue d’histoire des textes, 23, 1993, p. 211-218.
37 Grand livre des affaires 1563-1567, Museum Plantin-Moretus, Prentenkabinet, Arch. 4, ff. 85v et 94v.
38 Le titre en français est suivi de sa traduction flamande : Het Eerste ende tweede deel van de françoische t’samensprekinghen, overgheset in de nederduytsche spraecke. Sur l’attribution de cet ouvrage à Grévin, voir Lucien Pinvert, Jacques Grévin (1538-1570). Étude biographique et littéraire, Paris, Albert Fontemoing, 1899, p. 52-63.
39 Voir Kathryn J. Evans, « Jacques Grévin’s Religious Attitude and the Family of Love », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 47/2, 1985, p. 357-365.
40 C’est sous la direction de Porret que Gilles Beys, ancien « garçon bouticlier » et futur gendre de Christophe Plantin, est chargé, en 1567, de gérer la succursale plantinienne à Paris, installée dans la maison de Porret rue Saint-Jacques. Voir Imprimeurs & libraires parisiens du xvie siècle… d’après les manuscrits de Philippe Renouard, t. III, Paris, Service des travaux historiques de la ville de Paris, 1979, p. 312. Sur Plantin et le marché parisien du livre, voir Malcolm Walsby, « Plantin and the French Book Market », dans Matthew McLean et Sara Barker (éd.), International Exchange in the Early Modern Book World, Leyde, Brill, 2016, p. 80-103.
41 Le théâtre de Jaques Grévin, de Clermont en Beauvaisis... Ensemble, la seconde partie de l’Olimpe et de la Gélodacrye, Paris, Vincent Sertenas et Guillaume Barbé, 1561. Voir Pinvert, Jacques Grévin, op. cit., p. 64.
42 Deux livres des venins, ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, theriaques, poisons et contrepoisons, Anvers, Christophe Plantin, 1568. Trois ans plus tard, après la mort de Grévin, Plantin publiera la traduction latine de ce livre par le médecin d’Augsbourg Jeremias Mertz († 1585) : De Venenis libri duo, gallice primum ab eo scripti... et nunc tandem opera... Hieremiæ Martii,... in latinum sermonem... conversi.
43 Compendiosa totius anatomiæ delineatio, aere exarata per Thomâm Geminum, Londres, John Herford, 1545.
44 Anatomes totius, aere insculpta Delineatio, cui addita est Epitome innumeris mendis repurgata, quam de corporis humani fabrica conscripsit clariiss. And. Vesalius, eique accessit partium corporis tum simplicium tum compositarum brevis elucidatio, per Jacobum Grevinum, Paris, André Wechel, 1564. En 1569, Wechel publia la traduction française de l’ouvrage : Les portraicts anatomiques de toutes les parties du corps humain gravez en taille douce,… ensemble l’abbregé d’André Vesal & l’explication d’iceux accompagnée d’une déclaration anatomique, par Jacques Grévin, Paris, André Wechel, 1569.
45 L’Historia de la composición del cuerpo humano parut pour la première fois, en castillan, à Rome en 1556. Les planches dont s’est servi Plantin sont celles de la deuxième édition de l’ouvrage, Anatomia del corpo humano, publiée en italien par les mêmes imprimeurs, Antonio Salamanca et Antoine Lafréry, en 1559. Sur Valverde et son livre, voir Andrea Carlino, « Tre piste per l’Anatomia di Juan de Valverde. Logiche d’edizione, solidarietà nazionale e cultura artistica a Roma nel Rinascimento », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 114, 2002, p. 536-537, et Mandressi, « Le regard scientifique : cultures visuelles des sciences », art. cité, p. 240-241 ; voir id., « Livres du corps et livres du monde… », art. cité, p. 221-224.
46 Harvey Cushing, A bio-bibliography of Andreas Vesalius, New York, Schuman’s, 1943, p. 151.
47 Sur Fernel, médecin du roi Henri II (1519-1559), voir les articles réunis dans Corpus, 41, Jean Fernel, 2002 ; Jacques Roger, « Jean Fernel et les problèmes de la médecine de la Renaissance », dans Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel, 1995, p. 77-94 (1ère éd. 1960), et Hiro Hirai, « Alter Galenus : Jean Fernel et son interprétation platonico-chrétienne de Galien », Early Science and Medicine, 10/1, 2005, p. 1-35. Voir Rafael Mandressi, « Dire la nature. La médecine et les frontières du surnaturel (xvie-xviie siècles) », Corpus, 54, Médecine et anthropologie, 2008, p. 141-182.
48 Voir Biographie nationale, publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, tome 25, Bruxelles, Emile Bruylant, 1930-1932, col. 121-122.
49 Speculum nauticum super navigatione maris occidentalis confectum, Leyde, officina Plantiniana, Frans Ravelingen, 1586.
50 On citera, parmi ces ouvrages, l’Arte de navegar (1545) de Pedro de Medina (1493-1567), paru en flamand à Anvers chez Hendrik Hendriksen en 1580 (De Zeevaert oft Conste) avec les « Nouvelles instructions sur le principaux points de navigation » (Nieuwe Onderwijsinghe op de principaelste Puncten der Zeevaert) du mathématicien et cartographe Michel Coignet (1549-1623), ou la Relatione del reame di Congo et delle circonvicine contrade, tratta dalli scritti e ragionamenti di Odoardo Lopez [Duarte Lopes] portoghese (Rome, Bartolomeo Grassi, 1591) de Filippo Pigafetta (1533-1604), paru à Amsterdam chez Cornelis Claesz en 1596 sous le titre De beschryvinghe vant groot ende vermaert coninckrijck van Congo, ende de aenpalende oft ommegheleghen landen.
51 Originaire de Lannoy, correcteur de Plantin en 1564, Frans I van Ravelingen (Raphelengius) épousa la fille aînée de l’imprimeur anversois, Marguerite, en juin 1565. La Grande chirurgie (Die grosse Wundarznei) de Paracelse était parue en français à Anvers chez Willem Sylvius en 1567, traduite par le médecin et chirurgien Pierre Hassard ; né à Armentières, Hassard traduisit pour Plantin le Von der Pestilenz de Paracelse : De la peste, et de ses causes et accidents, comprins en cinq livres, 1570.
52 T’Boeck vande vroet-wijfs, Amsterdam, Cornelis Claesz, 1591 ; De Conceptu et generatione hominis et iis quæ circa hec potissimum considerantur libri sex, congesti opera Jacobi Rueff,... Insertæ quoque sunt picturæ variæ fœtus, primum in utero siti, Zurich, Christoph Froschauer, 1554.
53 De hydrargyri usu aliorum item doctorum virorum sententiæ, Anvers, Christophe Plantin, 1579.
54 Victoris Giselini in Aurelii Prudentii Clementis, v. cl. Opera, commentarius, 1564.
55 Ghyselinck fut ainsi responsable, à ce titre, des éditions platininennes des Métamorphoses d’Ovide en 1566 (rééditées en 1575, 1578, 1582, 1583 et 1587) et des Œuvres de Sulpicius Severus en 1574 : B. Sulpicii Severi archiepiscopi quondam Bituricensis, Quæ exstant opera, a V. Giselino... emendata, ejusdemque notis illustrata. Vita S. Severi, et temporum ratio... digesta eodem V. Giselino auctore. Scholia in Sacram Historiam ex P. Galesinii notationibus excerta.
56 Epitomes Adagiorum omnium, quæ hodie ab Erasmo, Iunio, et aliis collecta exstant, pars altera, Vict. Giselini opera nunc primùm edita, & duplici indice illustrata, 1566.
57 Sententiæ veterum poetarum a G. Maiore Primum Collectæ & per locos communes digestæ nunc vero... recognitæ... et castigatæ, 1574. L’ouvrage comprend aussi le De poetica virtute libellus de l’humaniste italien Antonio Mancinelli (1451-1505).
58 Virginia Brown, Paul Oskar Kristeller et F. Edward Cranz (éd.), Catalogus Translationum et Commentariorum: Mediaeval and Renaissance Latin Translations and Commentaries. Annotated Lists and Guides, vol. VII, Washington, Catholic University of America Press, 1992, p. 281-282.
59 Hésychios De Milet, Hσυχιου Μιλησιου Ἰλλουστριου περι των ἐν παιδειᾳ διαλαμψ-αντων σοφων: Hesychii Milesii de his qui eruditiones fama clarnere liber, Anvers, Christophe Plantin, 1572.
60 L’Enchiridion avait été imprimé par Plantin pour Philippe Galle d’abord en français en 1579 (Le Miroir du monde), « tourné en prose Françoise » à partir du texte « reduict premierement en rithme Brabançonne » par le poète familiste Pieter Heyns. En 1583 parut l’édition flamande de l’ouvrage, Spieghel der werelt, « gestelt in ryme door M. Peeter Heyns ». Sur Favoli, voir Bibliotheca belgica. Bibliographie générale des Pays-Bas, Marcel Hoc et Herman Liebaers (éd.), 226e livraison, Bruxelles, Bibliothèque Royale, 1961.
61 Ayala fut aussi médecin du cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586), archevêque de Malines et diplomate au service de la couronne espagnole, qui joua un rôle politique éminent aux Pays-Bas en tant que principal conseiller de la gouvernante Marguerite de Parme.
62 Deux livres portent sur les maladies des articulations : l’un de Gerard van Bergen, qui traite aussi de la maladie de la pierre (De præservatione et curatione morbi articularis et calculi, libellus, 1564), l’autre de Jean Dubois, dans lequel est insérée une declamatio sur la syphilis : De morbi Articularii curatione tractatus quatuor,… Eiusdem de morbo Gallico declamatio (1565).
63 David van Mauden, Examen der peste, in het welck gheleert wort wat peste is, haer oorsaecken, teeckenen ende toevallinghen, met de cure oft ghenesinghen der selve, Anvers, Christophe Plantin, 1584. L’année précédente, Van Mauden avait fait paraître chez Plantin un traité d’anatomie, également en flamand : Bedieninghe der anatomien: dat is maniere ende onderrichtinghe om perfectelijck des menschen lichaem t’anatomizeren.
64 Jacques Guérin, Traicté très excellent contenant la vraye maniere d’estre preservé de la peste en temps dangereux, avecques une singuliere methode, pour estre entierement guery d’icelle, Anvers, Christophe Plantin, 1567. Le livre de Guérin parut dans une première édition flamande en 1558, à Anvers, chez Jan van Ghelen (Een excellent boecxken vander pesten), réédité en 1571. D’après les titres indiqués dans les différentes éditions de cet ouvrage, Guérin aurait été apothicaire à Utrecht (1558), médecin et chirurgien juré de la ville d’Enghien (1567), puis médecin à Anvers (1571). Sur les livres de peste sortis des presses anversoises, voir A. F. C. Van Schevensteen, « Les traités de pestilence publiés à Anvers : essai de bibliographie », De Gulden passer – Le compas d’or, nouvelle série, 9e année, 3-4, 1931, p. 101-195.
65 Gerard Van Bergen, De Pestis Præservatione Libellus, 1565 ; Gabriel Ayala, Carmen Pro Vera Medicina. Ad reverendissimum ac illustrissimum Cardinalem Granvellanum. Ad Eundem De Lue Pestilenti Elegiarum Liber Unus, 1562. La même année Plantin imprimera, de Gabriel Ayala, des Popularia epigrammata medica.
66 Hugo Fridaevallis, De tuenda sanitate libri VI, 1568. Après la dédicace de l’auteur à Jean de Saint-Omer, seigneur de Moerbeke et gouverneur d’Aire, on trouve trois poèmes faisant l’éloge du livre, dont un de Jean Dubois, en vers endécasyllabes.
67 Gaulthier Bruele, Praxis medicinæ theorica et empirica familiarissima Gualtheri Bruele: in qua pulcherrima dilucidissimaque ratione morborum internorum cognitio, eorundemque curatio traditur, 1579. Plantin publia deux autres éditions de cet ouvrage, en 1581 et 1585. Dédiée au compte de Huntington, la Praxis de Bruele, qui présente sous une forme tabulaire les symptômes et le traitement d’une quarantaine de maladies, connut un succès éditorial certain, avec plusieurs rééditions, à Leyde chez Ravelingen (1599, 1612) puis chez Joannes Maire (1628, 1647), à Venise (1602), à Genève (1628) et à Londres (1639 et, en traduction anglaise, 1648).
68 Joost Van Lom, Medicinalium observationum libri tres. Quibus notæ morborum omnium, et quæ de his possint haberi præsagia, judiciaque, proponuntur, 1560 ; et Pieter Van Foreest, Observationum et curationum medicinalium, de febribus ephemeris et continuis libri duo, 1584, respectivement dédiés aux Sénats de Bruxelles et de Delft.
69 Il s’agit d’une nouvelle édition, revue, du Compendium curationis, præcautionisque morbi passim populariterque grassantis, hoc est, vera & exquisita ratio noscendæ, præcavendæ atque propulsandae febris pestilentialis, paru à Strasbourg chez Wendelin Rihel en 1542. Sur Andrés Laguna, voir Elisa Andretta et José Pardo Tomás, « Il mondo secondo Andrés Laguna (1511?-1559): il Dioscorides spagnolo tra storia naturale e politica », à paraître dans Rivista Storica Italiana. Je remercie les auteurs de m’avoir permis de prendre connaissance de leur étude avant publication.
70 Voir Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 66 et suiv. et p. 360.
71 Biblia Sacra Hebraice, Chaldaice, Græce, & Latine: Philippi II Reg. Cathol. pietate, et studio ad Sacrosanctæ Ecclesiæ usum, Anvers, Christophe Plantin, 1569-1572.
72 Voir Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 44-45.
73 La bibliographie à ce sujet est abondante ; on ne renverra ici qu’à des ouvrages publiés dans la collection « Bibliotheca Montaniana » des éditions de l’Université de Huelva : celui déjà cité de Vicente Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, et celui préparé par Baldomero Macías, La Biblia políglota de Amberes en la correspondencia de Benito Arias Montano, paru en 1998.
74 On se reportera, à ce sujet, à Maurits Sabbe, « Les rapports entre B. Arias Montanus et H. Jansen Barrefelt (Hiël) », De Gulden passer – Le compas d’or, nouvelle série, 4e année, 1, 1926, p. 19-43, qui suggère une proximité entre le dominicain espagnol et les familistes, à Ben Rekers, Arias Montano, Madrid, Taurus, 1973 (1ère éd. en néérlandais 1961), qui va jusqu’à conjecturer une adhésion d’Arias à la Famille, et à Vicente Bécares Botas, qui récuse fermement cette hypothèse dans Arias Montano y Plantino, op. cit. On renverra aussi, à ce sujet, à Luis Charlo Brea, « Acotaciones al Arias Montano de Ben Rekers », Excerpta Philologica, 10-12, 2000-2002, p. 259-265. Sur Arias Montano, les médecins et la cartographie, voir Mandressi, « Livres du corps et livres du monde… », art. cité, p. 226-227.
75 Goropius Becanus s’est vu offrir, sur la recommandation du bibliste, la charge de médecin personnel de Philippe II en 1569, qu’il déclina ; Ortelius devint géographe du roi en 1573, Cornelius Gemma fut à son tour recommandé à la Cour de Madrid, de même que Gerhard Mercator (1512-1594).
76 On se reportera à ce sujet à l’étude détaillée qu’en fait Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 145-312.
77 À eux quatre ils totalisent six éditions, compte tenu des deux rééditions, en 1579 et 1582, du De simplicibus medicamentis ex occidentali India delatis de Monardes, paru en 1574. On pourrait ajouter, à la condition, discutable, de considérer qu’il s’agit d’un « livre espagnol », les deux rééditions latines et la traduction flamande des Vivæ imagines, dont une traduction espagnole, approuvée pourtant en 1576, ne vit jamais le jour. Vicente Bécares Botas les comptabilise, y compris l’édition en espagnol qui ne fut pas publiée, dans sa liste des 120 éditions plantiniennes d’auteurs espagnols entre 1555 et 1589 (Ibid., p. 66-73).
78 L’hypothèse a été avancée d’une intervention d’Arias Montano dans l’écriture du texte, qui aurait été rédigé ou composé par lui à partir des notes que Arceo lui aurait transmises. Voir Francisco Arceo, Método verdadero de curar las heridas y otros preceptos de este arte. Método de curar las fiebres, Andrés Oyola Fabián et José María Cobos Bueno (éd.), Huelva, Universidad de Huelva, Servicio de Publicaciones, 2009. Sur les relations d’Arias Montano et Arceo, voir aussi Joaquín Pascual Barea, « El epitafio latino inédito de Arias Montano a un joven médico y astrólogo y el tratado de cirugía de Francisco Arceo », Excerpta philologica, 10-12, 2000-2002, p. 357-372.
79 Examen i censura… del modo de averiguar las Alturas delas tierras, por la altura de la Estrella del Norte, tomada con la Ballestilla, Séville, Rodrigo de Cabrera, 1595.
80 L’autre ouvrage de médecine publié par Tovar, lié à ses activités de contrôle des apothicaires, est Hispalensium pharmacopoliorum recognitio, Séville, Andrea Pescioni et Juan de León, 1587. Pour les éléments biographiques concernant Tovar, voir Miguel López Pérez et Mar Rey Bueno, « Simón de Tovar (1528-1596): redes familiares, naturaleza americana y comercio de maravillas en la Sevilla del XVI », Dynamis, 26, 2006, p. 69-91. Pour les relations entre Tovar, Arias Montano et Charles de l’Écluse, voir Josep L. Barona, « Clusius’ exchange of botanical information with Spanish scholars », dans Carolus Clusius, op. cit., p. 100-102, 105-106, 108-109.
81 Voir Antonio Dávila Pérez, « Simón de Tovar y Arias Montano piden libros a la imprenta Plantiniana: hacia la reconstrucción de las lecturas de un círculo humanista sevillano (II) », Calamus Renascens, 2, 2001, p. 107-180 ; voir id., « Francisco Pacheco y Arias Montano piden libros a la imprenta Plantiniana: hacia la reconstrucción de las lecturas de un círculo humanista sevillano (I) », Excerpta Philologica, 9, 1999, p. 213-257 ; et Bécares Botas, Arias Montano y Plantino, op. cit., p. 222-233.
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Référence papier
Rafael Mandressi, « Les savants chez l’imprimeur », Histoire, médecine et santé, 11 | 2017, 131-152.
Référence électronique
Rafael Mandressi, « Les savants chez l’imprimeur », Histoire, médecine et santé [En ligne], 11 | été 2017, mis en ligne le 20 octobre 2017, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/hms/1119 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/hms.1119
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