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2024

Frédérick Genevée, Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF. Du « renouveau » à la « réunification » (1971-2001)

Paris, Éditions Syllepse / Les éditions Arcane 17, coll. « Groupe d’étude et de recherche sur les mouvements étudiants (Germe) », 2024, 352 p.
Rachel Mazuy
Référence(s) :

Frédérick Genevée, Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF. Du « renouveau » à la « réunification » (1971-2001), Paris, Éditions Syllepse / Les éditions Arcane 17, coll. « Groupe d’étude et de recherche sur les mouvements étudiants (Germe) », 2024, 352 p.

Texte intégral

  • 1 On peut évidemment citer sur l’UNEF les travaux d’Alain Monchablon – Histoire de l’UNEF de 1956 à 1 (...)
  • 2 Nicolas Bancel, « Le conflit entre l’UNEF et l’UGEMA et la radicalisation des mouvements étudiants (...)
  • 3 Voir le chapitre 5 « Histoire tatillonne de l’"imbroglio gauchiste" », dans Philippe Buton, Histoir (...)

1Contrairement à ceux concernant les partis politiques, les travaux portant sur les syndicats étudiants en France sont assez peu nombreux1. L’ouvrage que proposent Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian vient donc combler un manque. Les auteurs reviennent dans un premier temps sur le passé récent de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), le syndicat étudiant créé en 1907, marqué par la guerre d’Algérie2, le combat anticolonialiste et Mai 68. Mais alors que le syndicat avait offert « un cadre minimum plus ou moins commun à tous les groupes lors du printemps de 1968 », en 1969, « l’UNEF unie est morte3 » – pour reprendre la formule de Philippe Buton –, bien que la division ne soit officialisée qu’en 1971.

2Le livre aborde en effet presque uniquement la période de division, allant de 1971 jusqu’à la réunification en 2001, au cours de laquelle deux UNEF distinctes co-existent : l’UNEF-US – Unité syndicale, qui deviendra l’UNEF-ID – Indépendante et démocratique –, et l’UNEF Renouveau devenant ensuite l’UNEF-SE – Solidarité étudiante.

  • 4 Elle se poursuit d’ailleurs actuellement avec le collectif « Pour l’Histoire de l’UNEF », avec le s (...)
  • 5 « Écrire l’histoire de l’UNEF, entretien Frédérick Genevée, Guillaume Hoibian et Robi Morder », Gro (...)
  • 6 Un index des noms (couplé d’un index des organisations et des sigles) permet d’ailleurs d’offrir de (...)
  • 7 Frédérick Genevée, membre de 1984 à 1989, a été secrétaire général en 1987-1988. Guillaume Hoibian, (...)
  • 8 Une partie est annexée, cf. Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., p (...)
  • 9 Voir la liste dans ibid., pp. 321-322. Leurs versements continuent actuellement, tout comme les ent (...)

3La singularité de ce travail réside tout d’abord dans le fait qu’il est le fruit de recherches qui ont d’abord débuté par une importante collecte d’archives4, facilitées par l’utilisation du numérique et des réseaux sociaux. En effet, les archives officielles du bureau national ayant disparu avec la réunification en 20015, il a paru important aux auteurs de se tourner vers des acteurs et des actrices6 du mouvement dont ils sont partie prenante7. Réunissant des documents variés, notamment iconographiques (photographies, affiches, tracts8), ce sont ces archives collectées dans le cadre d’une perspective qui est aussi mémorielle9 et les dizaines d’entretiens menés en parallèle qui ont initié le projet de synthèse que constitue cet ouvrage.

  • 10 C’est la thèse d’Alain Monchablon.

4En cela, le livre témoigne de réseaux de sociabilité qui persistent, fondés notamment sur cette intense expérience de militantisme en commun, dont on aurait envie de savoir sur quoi elle a débouché pour ces acteurs. Plusieurs questions mériteraient d’être posées : d’où viennent-ils ? quelle est la place de la tradition familiale dans l’acquisition des règles de vie militante ? que sont-ils devenus ? le syndicat a-t-il pu jouer un rôle d’antichambre du pouvoir politique ? est-il, comme son ancêtre dans les années 1950 et 1960, une « école de formation des élus de la République10 » ?

  • 11 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., p. 280.

5Même s’il retient le singulier pour nommer le syndicat, s’il se concentre bien sur l’UNEF liée au PCF, l’ouvrage traite aussi, en contrepoint, de l’autre UNEF, liée tout d’abord au mouvement trotskiste et qui se rapproche ensuite des socialistes. Ainsi, par exemple, explorant la question de la lutte contre l’apartheid dans les années 1980 et au début des années 1990 – qui a marqué le combat des militants de l’Union des étudiants communistes (UEC) plus que ceux de l’UNEF communiste (elle permet d’éclipser les critiques liées aux droits de l’homme dans les pays socialistes) –, les auteurs évoquent l’investissement de ce terrain militant par l’UNEF-ID11, montrant ainsi, que les actions de l’un des syndicats sont souvent liées à celles de son concurrent.

  • 12 Un premier chapitre intitulé « Récit » déroule tout d’abord l’histoire du mouvement de 1971 à 2001 (...)
  • 13 Les auteurs posent notamment la question d’une organisation patriarcale du militantisme, en expliqu (...)
  • 14 Tout en se voulant un syndicat de projets (celui d’une sécurité sociale étudiante par exemple), l’U (...)

6Tout en suivant une trame chronologique12, le livre est organisé en chapitres plutôt thématiques qui posent de multiples questions sur le mouvement étudiant : ses formes de militantisme (souvent intenses, et laissant des traces plutôt heureuses, en dépit de la faiblesse des effectifs et les échecs)13, ses pratiques et ses modes d’organisation14, sa place au sein du mouvement étudiant ou le lien du syndicat avec la « nébuleuse communiste » et ses différentes organisations. On peut sans doute regretter, en plus d’une lecture parfois un peu ardue du fait de la multitude d’informations données, l’absence de paragraphes introductifs sur l’histoire du syndicat des années 1920 aux années 1960.

  • 15 La notice Wikipedia de l’UNEF, qui s’attache essentiellement à la période actuelle, oblitère totale (...)
  • 16 Pour Philippe Buton, c’est la direction du PCF qui organise la scission de l’UNEF qu’elle ne dirige (...)
  • 17 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 281-282.

7En effet, si ce n’est peut-être plus tout à fait le cas dans les représentations actuellement15, le mouvement, au moins depuis l’après Seconde Guerre mondiale, est souvent considéré, notamment dans la presse non communiste de l’époque, comme très marqué politiquement et lié intrinsèquement au parti communiste16. Ce sont ses positions vis-à-vis des pays communistes qui lui sont reprochées17.

  • 18 Le terme est utilisé par Roger Martelli, Jean Vigreux, Serge Wolikow dans Le parti rouge. Une histo (...)
  • 19 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 283-296. Le dépassement c (...)
  • 20 Ibid., pp. 202-204.

8Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian montrent cependant que, s’il s’inscrit bien dans la « galaxie communiste  »18 – ses dirigeants sont membres de l’UEC ou du PCF –, le syndicat est plus divers du côté de ses membres non dirigeants. Par ailleurs, des positions critiques s’y sont exprimées, notamment après 1976, en lien avec l’évolution temporaire des positions du PCF vis-à-vis de l’eurocommunisme, ou même les dépassant à partir de 197919. Selon les auteurs, le contrôle du PCF sur la jeunesse communiste s’exerce davantage sur son organisation de jeunesse que sur le syndicat, qui suit en cela plutôt le modèle de la CGT20. Pourtant, cette diversité fut un facteur d’affaiblissement, les militants non communistes n’arrivant pas à rester dans ce qui ne fut pas réellement une « maison commune », cela d’autant plus que les générations étudiantes se succèdent rapidement.

  • 21 Ibid., p. 41.

9De surcroît, comme le reste des organisations liées au parti communiste, l’UNEF entre en crise dans les années 1970 et surtout dans les années 1980 (« crise des effectifs, crise électorale, isolement politique21 »), tandis qu’en parallèle, la « culture communiste » se fait moins prégnante. Cela explique sans doute que le projet d’être le syndicat de tous les étudiants est impossible à tenir, même quand les militants s’investissent dans un large mouvement étudiant, tel celui contre la loi Devaquet en 1986.

10L’histoire de cette UNEF semble donc s’inscrire dans une perspective qui est celle des autres organisations communistes, dont le centre (le PCF) accepte de plus en plus, à partir des années 1960, voire favorise à partir des années 1990, des marges d’autonomie de la part de ses satellites.

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Notes

1 On peut évidemment citer sur l’UNEF les travaux d’Alain Monchablon – Histoire de l’UNEF de 1956 à 1968 (Paris, PUF, 1983), complétés en 2007 par Cent ans de mouvements étudiants (écrit avec Jean-Philippe Legois et Robi Morder, publié aux Éditions Syllepse) – ou les travaux, liés au cas de Clermont-Ferrand, de Nicolas Carboni (qui s’intéresse surtout aux militants de l’UNEF-ID). La thèse de sociologie (non publiée et que nous n’avons pas consultée) d’Isabelle Godard aborde, quant à elle, « Le syndicalisme étudiant hier et aujourd’hui : de la guerre d’Algérie à nos jours, deux générations de militants ? » (Aix-Marseille, 2002).

2 Nicolas Bancel, « Le conflit entre l’UNEF et l’UGEMA et la radicalisation des mouvements étudiants coloniaux (1938-1960) », dans Nicolas Bancel, Daniel Denis, Youssef Fates (dir.), De l’Indochine à l’Algérie. La jeunesse en mouvements des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962), Paris, La Découverte, 2003, pp. 249-261.

3 Voir le chapitre 5 « Histoire tatillonne de l’"imbroglio gauchiste" », dans Philippe Buton, Histoire du gauchisme. L’héritage de Mai 68, Paris, Perrin, 2021, pp. 130-169.

4 Elle se poursuit d’ailleurs actuellement avec le collectif « Pour l’Histoire de l’UNEF », avec le soutien du GERME (Groupe de recherche sur le mouvement étudiant, créé en 1995) et de la Cité des Mouvements étudiants. Les documents collectés ont été mis en ligne (https://histoire-unef.fr/category/documents-et-eclairages/), et un inventaire des archives disponibles est également en élaboration sur le site histoire-unef.fr.

5 « Écrire l’histoire de l’UNEF, entretien Frédérick Genevée, Guillaume Hoibian et Robi Morder », Groupe d’études & de recherche sur les mouvements étudiants (Germe), 24 janvier 2024.

6 Un index des noms (couplé d’un index des organisations et des sigles) permet d’ailleurs d’offrir des éléments biographiques intéressants pour une étude prosopographique des quatre-cent-cinquante militants et militantes de la période. Il est complété par des annexes détaillées fournissant organigrammes, chronologies et les résultats des votes syndicaux au CROUS sur la période, Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, Paris, Éditions Syllepse / Les éditions Arcane 17, 2024, pp. 307-338.

7 Frédérick Genevée, membre de 1984 à 1989, a été secrétaire général en 1987-1988. Guillaume Hoibian, membre de 1986 à 1990, a siégé au BN et présidé la Fédération des résidences universitaires de France (FRUF).

8 Une partie est annexée, cf. Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 235-252.

9 Voir la liste dans ibid., pp. 321-322. Leurs versements continuent actuellement, tout comme les entretiens.

10 C’est la thèse d’Alain Monchablon.

11 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., p. 280.

12 Un premier chapitre intitulé « Récit » déroule tout d’abord l’histoire du mouvement de 1971 à 2001 (Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 25-50).

13 Les auteurs posent notamment la question d’une organisation patriarcale du militantisme, en expliquant qu’en matière de féminisme et de luttes contre les discriminations sociétales (handicaps, homosexualité…), l’organisation reste longtemps peu progressiste (Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 116-118).

14 Tout en se voulant un syndicat de projets (celui d’une sécurité sociale étudiante par exemple), l’UNEF, adossée aux institutions universitaires (UFR et CROUS), veut ancrer ses actions revendicatives dans une dimension de services offerts aux étudiants (cafétérias coopératives par exemple).

15 La notice Wikipedia de l’UNEF, qui s’attache essentiellement à la période actuelle, oblitère totalement cette UNEF liée au PCF, ne parlant pas de la scission et évoquant une centrale « réputée pendant des décennies proche de la gauche socialiste » dont elle s’éloigne progressivement dans les années 2010.

16 Pour Philippe Buton, c’est la direction du PCF qui organise la scission de l’UNEF qu’elle ne dirige pas. Voir le chapitre 6 « La forteresse universitaire » dans Philippe Buton, Histoire du gauchisme, op. cit., p. 170.

17 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 281-282.

18 Le terme est utilisé par Roger Martelli, Jean Vigreux, Serge Wolikow dans Le parti rouge. Une histoire du PCF (1920-2020), Paris, Belin, 2020. D’autres historiens (Axelle Brodiez) ou sociologues (Jacques Ion) lui préfèrent le terme de « conglomérat » ou celui de « nébuleuse » (en particulier à partir des années 1960). Cf. Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., p. 163.

19 Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 283-296. Le dépassement critique est notamment clair en ce qui concerne les positions vis-à-vis de la Pologne communiste après la mise en place de la loi martiale de décembre 1981 (Frédérick Genevée et Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF, op. cit., pp. 293-294).

20 Ibid., pp. 202-204.

21 Ibid., p. 41.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Rachel Mazuy, « Frédérick Genevée, Guillaume Hoibian, Histoire de l’UNEF. Du « renouveau » à la « réunification » (1971-2001) »Histoire Politique [En ligne], Comptes rendus, mis en ligne le 07 octobre 2024, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/18922 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12fg8

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Rachel Mazuy

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