Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe-XXe siècles) : introduction
Résumés
L’approche par les lieux, souvent délaissée pas l’histoire politique à l’exception des lieux de pouvoir, offre pourtant des perspectives heuristiques fécondes. Propice au changement d’échelle et aux approches transdisciplinaires, elle a ainsi connu un regain d’intérêt depuis quelques années, plusieurs travaux interrogeant différents lieux du politique. Les lieux de détention, d’enfermement et de privation de liberté appartiennent indéniablement à cette catégorie. Au croisement d’enjeux qui intéressent tant le pouvoir politique que la politique au sens de lutte concurrentielle pour la conquête et la conservation de ce pouvoir, ces lieux recouvrent une large variété de réalités, des bastilles politiques à proprement parler aux bagnes coloniaux, aux prisons militaires ou aux lieux de résidence surveillée des opposants à un régime. Ils sont ainsi l’objet d’un renouvellement historiographique qui place au cœur de l’étude le lieu de la privation de libertés. Ce texte introductif entend revenir sur les enjeux épistémologiques autour du concept de lieu, de son investissement par l’histoire politique et de l’objet singulier que forment les lieux de privation de liberté.
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Mots-clés :
lieux du politique, approche multiscalaire, histoire politique, lieux de privation de liberté, prison, prisonniers politiquesPlan
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1Qu’il s’agisse de prisons, de résidences surveillées, de camps d’internement, de bagnes ou encore de zoos humains, les lieux de privation de liberté constituent à la fois des outils de répression, de construction et de vie politiques. L’activité politique, qui est à la fois l’action de gouverner, la lutte concurrentielle pour les postes de pouvoir au sein du champ politique – que l’on pense aux mandats électifs, aux postes d’influence au sein des partis ou à la capacité à occuper l’espace public, par exemple la rue pour les mouvements sociaux ou populaires –, ou l’action des responsables politiques, se déploie en effet dans une grande diversité d’espaces et son étude implique de ne pas se limiter à une histoire des seuls lieux de pouvoir.
- 1 Par exemple les journées d’étude « Sociétés coloniales et post-indépendances : quels lieux du polit (...)
- 2 Outre la journée dont est issu ce dossier, de très nombreux colloques et journées d’études ont eu l (...)
- 3 « Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques », Rencontre des jeunes chercheurs de la (...)
- 4 Nous remercions Chantal Duckers qui a bien voulu relire une première version de ce texte.
2La réflexion sur l’interaction entre politique et lieux a été l’objet ces dernières années de nombreux travaux. Plusieurs colloques et journées d’études tenus en France ces dernières années ont été l’occasion d’explorer les lieux du politique de différentes aires géographiques1 ou d’étudier les caractéristiques d’un type de lieu politique particulier2. Ce renouvellement en cours de l’histoire des lieux du politique illustre la fécondité de cette approche. Résultat d’une journée d’étude tenue à Dijon en octobre 20233, ce dossier s’inscrit dans cette dynamique4.
- 5 René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, 2e éd., Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points Histoi (...)
3Peu investie par les historiens ces dernières décennies, l’analyse par les lieux est ainsi absente du livre-manifeste qui a contribué à refonder en 1988 le champ de l’histoire politique française, Pour une histoire politique5, qui ne lui consacre aucun de ses quatorze chapitres thématiques.
Faire l’histoire des lieux du politique
- 6 John Agnew, « Les lieux contre la sociologie politique », Espaces Temps, 1990, vol. 43, no 1, pp. 8 (...)
4Le lieu a en effet historiquement occupé une place marginale dans l’appareil conceptuel des sciences sociales occidentales, et fait l’objet de critiques qui s’expliquent en partie par la difficulté à le définir6.
- 7 Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984, p. VIII.
- 8 Ibid., p. XXIV.
5Pour l’historiographie francophone, le terme fait inévitablement appel au travail engagé par Pierre Nora en 1984 autour des trois volumes des Lieux de mémoire. Guidés par l’ambition de « saisir tous les éléments qui commandent l’économie du passé dans le présent7 », les auteurs adoptent une définition extensive des lieux : « les lieux de mémoire, ce sont d’abord des restes8 » sur lesquels la mémoire s’accroche. Aux lieux topographiques, il faut alors ajouter les lieux monumentaux (dans le cas de la politique, ce sont par exemple les palais du pouvoir ou la statuaire), qui ont eux aussi une localisation et une étendue dans l’espace, mais aussi les lieux symboliques (la manifestation, le vote) et les lieux idéologiques et doctrinaux (les programmes politiques, les discours). Cette définition du concept de lieu s’avère cependant bien trop large lorsqu’elle est appliquée au champ politique : elle revient en effet à englober dans le terme « lieux » quasiment l’entièreté de la vie politique – et, ce faisant, l’ensemble des thématiques proposées dans Pour une histoire politique.
- 9 Astrid von Busekist, « Chapitre 3. Le lieu du politique », dans Penser la politique, Paris, Presses (...)
- 10 Olivier Wieviorka et Michel Winock, Les lieux de l’histoire de France, Paris, Perrin, 2017, p. 9.
6C’est au même écueil que se heurte une définition anthropologique qui désigne comme « lieu du politique » à la fois l’État, toute organisation sociale s’en rapprochant, le corps individuel des dirigeants, voire le corps collectif de l’ensemble des citoyens participant à l’activité politique9. À l’inverse, dans leur ouvrage consacré aux Lieux de l’histoire de France, Olivier Wieviorka et Michel Winock proposent une définition plus restrictive et plus opérante : il s’agit d’étudier les « sites significatifs qui illustrent [l’histoire de France], à défaut de la résumer10 », c’est-à-dire un ensemble de points du territoire actuel de la France qui ont été le cadre ou l’enjeu de la formation de l’État, de la société ou de la nation en France.
Une histoire politique ancrée dans les lieux : une question de changement d’échelle
- 11 « Lieu », Géoconfluences, en ligne : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/lieu, consulté le (...)
- 12 Ibid.
- 13 En géographie, le terme « État territorial » désigne la conception de l’État comme une entité polit (...)
- 14 « The central premise is that territorial states are made out of places » (John A. Agnew, Place and (...)
7Cette définition strictement spatiale est sans doute la plus adaptée à l’étude des lieux par l’histoire politique : « un lieu est une portion d’espace sujette à des appropriations singulières et à des mises en discours spécifiques11 ». Les lieux politiques sont donc des espaces géographiquement situés et délimités dans lesquels s’ancre de différentes manières l’activité politique. En outre, « au sens strict, un lieu n’a pas d’étendue ou une étendue limitée : on le parcourt à pied et on peut l’embrasser du regard12 ». L’approche de la politique par les lieux est ainsi avant tout une question de changement d’échelle : il s’agit de se détacher d’une conception de la politique pensée seulement à l’échelle de l’État en partant de la « prémisse majeure » de l’approche de la géographie politique proposée par John Agnew en 1987 : « les États territoriaux13 sont constitués de lieux14 ».
- 15 Pascal Clerc, « Lieu », dictionnaire Hypergéo, en ligne, https://hypergeo.eu/lieu/, publié le 27 ao (...)
- 16 Matthieu Boisdron, « Les lieux du politique en Europe médiane (XIXe-XXe siècles) : introduction », (...)
- 17 Bernard Debarbieux, « Le lieu, fragment et symbole du territoire », Espaces et sociétés, vol. 80, n (...)
8À l’exception peut-être du lieu de pouvoir construit pour servir de siège à ce dernier, aucun espace n’est cependant politique par nature. Qu’il soit politique, du politique ou de la politique, un lieu n’acquiert cette caractéristique que par un processus de construction sociale : « les individus donnent une identité, et même plus fondamentalement une existence, au lieu », et ce dernier « est une potentialité que l’existence humaine et/ou les relations sociales réalisent15 ». Ainsi, « ce sont […] les modalités de l’investissement dudit espace et son assignation à une fonction qui lui confèrent cette dimension [politique]16 ». De cet investissement de l’espace découle l’inscription simultanée du lieu politique dans trois ordres : l’ordre des matérialités, c’est-à-dire « [l’inscription] dans la réalité de l’espace géographique » ; l’ordre des significations, par « [l’association à] des valeurs et des rôles spatiaux conformes à l’idéologie du groupe qui procède à sa territorialisation », qui le délimite et se l’approprie ; l’ordre des symboles, enfin, dans la mesure où « les éléments de l’espace géographique peuvent servir à symboliser le social en l’objectivant17 ».
- 18 Matthieu Boisdron, « Les lieux du politique en Europe médiane… », art. cit., p. 5.
9Dès lors, l’étude de la politique au sein des États à l’époque contemporaine implique de se pencher sur différents lieux, dont la nature peut varier en fonction des différents sens du terme « politique », mais qui partagent les mêmes caractéristiques, celles d’une « structure institutionnelle […] construite spatialement ou […] symboliquement, au sein [de laquelle] convergent des idéologies, mais aussi des pratiques18 » politiques. Les lieux du politique sont ainsi des lieux liés à l’exercice du pouvoir, à l’administration de la cité : il s’agit essentiellement des lieux de pouvoir déjà évoqués, des sièges géographiques des institutions étatiques, supra-étatiques ou infra-étatiques. Les lieux de la politique sont tous ceux où se déploie la lutte concurrentielle pour la conquête et la conservation du pouvoir. Cette acception est sans doute la plus large puisque, dans les temps forts de la vie politique en particulier, tout lieu peut devenir un champ de bataille ou de construction politique improvisé : il s’agit alors d’étudier comment la politique occupe l’espace, se déploie dans les différents lieux de la cité. Enfin, les lieux politiques sont les espaces qui constituent un enjeu ou un moyen de cette lutte pour les positions de pouvoir, qu’il s’agisse de s’en assurer le contrôle, de les utiliser pour arriver à ses fins, ou d’en faire un enjeu de son programme.
- 19 On retrouve ici la polysémie de la notion de politique largement étudiée par les sciences politique (...)
10Les lieux de privation de liberté, à la fois instruments du gouvernement de la cité, outils de répression des adversaires politiques dans la lutte pour la conquête et la conservation du pouvoir, mais aussi lieux d’échanges et de sociabilisation entre détenus, de production de discours et d’éducation politique, sont donc à la fois des lieux du politique, des lieux de la politique et des lieux politiques19.
Des lieux de privation de liberté
11La privation de liberté est d’abord entendue comme atteinte à la liberté de circulation et de mouvement, mais d’autres libertés individuelles sont également susceptibles d’être remises en cause par la réclusion, y compris des libertés considérées comme fondamentales dans des situations où l’État de droit n’est plus ou pas assuré. Les individus peuvent ainsi être privés, au cours de leur jugement puis de leur détention, de la liberté d’expression et d’information, du droit à la vie privée et à l’intimité, voire du droit à un procès équitable. Des libertés collectives, comme la liberté d’association et de réunion, le droit de vote et celui d’être candidat à des élections, ou encore les libertés syndicales, peuvent également être restreintes, voire supprimées.
12La définition de ces lieux de privation de liberté mérite quelques éclaircissements. Si l’on pense naturellement d’emblée aux prisons, qui occupent une part importante des cas présentés dans ce dossier, la formule retenue, délibérément inclusive, incite toutefois à élargir notre spectre à d’autres types d’espaces. Du bagne colonial à la résidence surveillée, en passant par le camp d’internement ou de concentration, ces espaces de rétention, d’éloignement ou de rééducation ont tous en commun une volonté politique de mise à distance, voire de neutralisation d’un individu ou d’un collectif vis-à-vis du corps social, en raison de ses opinions ou de ses actes politiques.
- 20 Jean-Claude Farcy, « Droit et justice pendant la Première Guerre mondiale. L’exemple de la France » (...)
- 21 Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à r (...)
13En parallèle se pose donc la question du statut de « prisonnier politique ». On peut facilement définir comme tel toute personne emprisonnée – ou placée en résidence surveillée – pour des raisons politiques. Ce statut renvoie nécessairement à une évaluation subjective, et ses contours varient donc en fonction du type de régime et de la reconnaissance ou non par celui-ci de droits particuliers pour les détenus politiques. En contexte de guerre, par exemple, le droit recule au profit de procédures d’exception et d’internements de civils jugés politiquement indésirables ou de nationalité ennemie20. Au nom des impératifs de la défense nationale, la justice militaire étend ainsi son rôle disciplinaire et exerce une autorité parfois brutale, à l’exemple de l’arbitraire et de la violence ordinaire qui se déploient pendant les guerres de décolonisation21.
- 22 Jean-Claude Vimont, « Histoire de la détention politique en France », Criminocorpus, « Justice et d (...)
14La reconnaissance de la nature politique d’une incarcération est dès lors d’autant plus problématique qu’elle apparaît soumise au bon vouloir des autorités judiciaires, voire politiques. Si la France semble témoigner historiquement d’une « tradition libérale » en matière pénitentiaire, selon l’historien Jean-Claude Vimont, « le placement dans un quartier spécifique pourvu d’un régime spécial de détention fut donc le définisseur d’un statut, d’une étiquette, d’une qualification que le droit ne parvenait pas à offrir, à définir22 ». Le lieu apparaît donc au centre des logiques de la détention politique et de sa singularité vis-à-vis de la détention de droit commun, cherchant tantôt à ménager des détenus disposant d’une certaine autorité morale liée à leur engagement, tantôt à durcir leurs conditions dans une logique répressive, vindicative, voire dissuasive.
15Face à l’absence de cadre juridique précis sur cette question, certaines organisations internationales ont tenté de définir des contours plus clairs à cette situation, telle l’organisation de défense des droits humains Amnesty International qui distingue prisonnier politique et prisonnier d’opinion :
- 23 « Qu’est-ce qu’un prisonnier d’opinion ? », site internet d’Amnesty International, en ligne : https (...)
« Un prisonnier politique est une personne emprisonnée pour des motifs politiques, c’est-à-dire pour s’être opposé par des actions (violentes ou non) au pouvoir en place (autoritaire ou moins) de leur pays (internationalement reconnu ou non). Un prisonnier d’opinion est une personne emprisonnée non pour avoir agi, mais pour avoir simplement exprimé ses opinions ou convictions23. »
- 24 Résolution 1900 (2012), « La définition de prisonnier politique », site internet du Conseil de l’Eu (...)
16De son côté, le Conseil de l’Europe a également établi une définition du prisonnier politique, devant répondre à au moins un des cinq critères retenus par l’institution, à savoir la violation de l’une des libertés fondamentales, la détention pour des raisons purement politiques sans rapport avec la moindre infraction, une durée ou des conditions de détention manifestement disproportionnées par rapport à l’infraction commise ou présumée, la détention dans des conditions créant une discrimination par rapport à d’autres personnes ou encore si la détention apparaît de façon manifeste comme l’aboutissement d’une procédure entachée d’irrégularités et liée à des motivations politiques de la part des autorités24.
Des approches historiographiques renouvelées
- 25 Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1993 [1975]. Voir é (...)
- 26 Michelle Perrot, L’impossible prison. Recherches sur le système pénitentiaire au XIXe siècle, Paris (...)
- 27 Jean-Claude Vimont, La prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVI (...)
- 28 Sur l’histoire de la justice, voir les travaux fondamentaux de Jean-Claude Farcy, notamment Deux si (...)
- 29 Marc Renneville, « Les bagnes coloniaux : de l’utopie au risque du non-lieu », Criminocorpus, 2007, (...)
17Les études historiques sur les prisons se sont multipliées, dans le sillage des travaux de Michel Foucault25 et de leur popularisation en histoire, par Michelle Perrot notamment26. Pour ce qui est du cas français, les lieux et régimes de détention politique ont beaucoup évolué tout au long de la période contemporaine, comme le montre Jean-Claude Vimont, dans ses travaux sur la prison politique en France du XVIIIe au XXe siècle27. Contre l’arbitraire des lettres de cachet, la Révolution française instaure sur des fondements légaux la peine d’emprisonnement, dont l’échelle est redéfinie en 1810 dans le Code pénal28. Celui-ci prévoit alors des peines de travaux forcés, de réclusion et d’emprisonnement, dans un lieu de correction. Les prisons ordinaires de l’Ancien Régime sont entre-temps devenues des maisons d’arrêt, qui reçoivent les prévenus en attente de leur procès, lors de leur placement en détention provisoire. Au XIXe siècle, les hommes condamnés aux travaux forcés purgent leur peine dans les bagnes coloniaux29, en Guyane à partir de 1854 et en Nouvelle-Calédonie à partir de 1863. À partir de 1872, les déportés pour motifs politiques les rejoignent, de même que les relégués, nom donné aux condamnés récidivistes, à partir de 1885. Si certains de ces lieux, notamment les bagnes, disparaissent au cours du XXe siècle, d’autres font leur apparition à mesure que de nouvelles législations pénales et pénitentiaires sont promulguées.
- 30 Cf. Serge Wolikow, « Ordre politique et emprisonnement dans l’entre-deux-guerres », dans Ordre mora (...)
- 31 Voir notamment Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2 (...)
- 32 Voir Pierre Pédron, La prison sous Vichy, Paris, Éditions de l’Atelier, 1993 ; Corinne Jaladieu, La (...)
- 33 Voir notamment Laurent Mortet, « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Un nouve (...)
18Du ressort du ministère de l’Intérieur, l’administration pénitentiaire passe en 1911 sous la tutelle du ministère de la Justice, ce qui semble présumer une dynamique de dépolitisation, ou du moins d’inflexion philosophique dans la politique pénale, de la simple punition à un idéal de réhabilitation. Pourtant, la période de l’entre-deux-guerres est marquée par une recrudescence des arrestations politiques, notamment contre les militants communistes30. La IIIe République finissante est par ailleurs confrontée à l’afflux de réfugiés politiques, en particulier espagnols, allemands et italiens, considérés comme des « indésirables » et parqués dans des camps d’internement ou de concentration31. La prison sous le régime de Vichy est au contraire le lieu d’un retour à l’arbitraire et d’une rupture dans le principe de légalité autour de la peine d’emprisonnement, qui peut être accompagnée de torture, voire d’exactions32. En 1945, la Libération permet une réforme pénitentiaire, portée par Paul Amor, directeur de l’administration pénitentiaire, renouant avec la conception d’une justice réhabilitative, visant à permettre la réinsertion du condamné une fois sa peine purgée. En 1975, une autre réforme crée deux types d’établissements pénitentiaires : les maisons centrales, axées sur la sécurité, sont consacrées aux détenus les plus dangereux et aux peines les plus longues, tandis que les centres de détention sont orientés vers la réinsertion sociale des prisonniers. Plus récemment, en 2007, la création d’une autorité administrative indépendante, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, vise à contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux33.
- 34 Voir la rubrique « À propos » du carnet de recherches « École, armée, prison, asile, hospice, hôpit (...)
- 35 Elsa Génard, Anatole Le Bras, Mathieu Marly, Paul Marquis, Mathilde Rossigneux-Méheust et Lola Zapp (...)
19L’historiographie des lieux de détention a par ailleurs été renouvelée par les travaux du groupe de recherche sur les institutions disciplinaires (GRID), dont la volonté est de « prêter une attention aux expériences des individus et questionner ensemble les différentes composantes de l’archipel institutionnel qui se déploie en Europe à partir du XIXe siècle34 ». Ses activités ont principalement pris la forme d’un séminaire consacré aux circulations institutionnelles et d’un groupe de travail s’intéressant à la question des punitions en institution35.
- 36 Padraic Kenney, Dance in Chains: Political Imprisonment in the Modern World, New York, Oxford Unive (...)
- 37 Juliette Cadiot et Marc Elie, Histoire du Goulag, Paris, La Découverte, 2017.
- 38 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et al., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, Paris, La (...)
- 39 Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découvert (...)
- 40 Christine Deslaurier, « Un système carcéral dans un État en crise : prisons, politique et génocide (...)
- 41 Voir notamment Jaume Sobrequés i Callicó, Carme Molinero Ruiz et Margarida Sala (dir.), Una inmensa (...)
20Si la plupart des contributions à suivre ont privilégié le cas français, il va sans dire que les lieux de privation de liberté à des fins politiques ne sont pas une spécificité française, et que les études historiques ne s’y sont pas limitées36. L’analyse du phénomène concentrationnaire en Europe de l’Est ou en Asie a suscité de nombreux travaux, dont une récente Histoire du goulag37. De même, des études ont été menées sur l’enfermement politique en contexte colonial, notamment à travers les exemples des zoos humains38, lors de la guerre d’Algérie39, et sur les pratiques de répression politique en Afrique40. Comme le montre la contribution sur l’Espagne, la recherche sur ces thématiques est également dynamique de l’autre côté des Pyrénées, en particulier concernant la période de la guerre civile puis celle de la dictature franquiste41.
- 42 Signalons à ce sujet l’ouvrage de Marc André, Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jour (...)
- 43 Pour Bernard Debarbieux, un « haut lieu » est un « lieu qui exprime symboliquement, au travers de s (...)
- 44 Gwenola Ricordeau et Fanny Bugnon, « Introduction », dossier Système pénal et patrimonialisation : (...)
21Enfin, notons que ces politiques d’enfermement des opposants politiques sont aujourd’hui un enjeu mémoriel. Elles donnent lieu à une concurrence entre groupes politiques, à des enjeux de reconnaissance, de patrimonialisation, voire parfois de mise en tourisme de lieux de privation de liberté. Ce phénomène est à la fois extrêmement vaste et varié, que l’on pense, pour ne citer que quelques exemples, à Dachau et Auschwitz, à la prison de Montluc à Lyon42, au bagne de Poulo Condor au Vietnam, ou encore à Robben Island, recensée au patrimoine mondial de l’Unesco pour son témoignage de l’oppression et du racisme longtemps en vigueur en Afrique du Sud. Des réflexions ont ainsi pu être menées sur les enjeux de patrimonialisation et de tourisme carcéral, les lieux de privation de liberté pouvant à ce titre constituer des « hauts lieux43 » de pèlerinage politique44.
- 45 Les écrits de prison ont suscité de façon précoce de nombreuses études, cf. Bernadette Morand, Les (...)
22Sur le plan des sources, les archives des institutions judiciaires et policières sont bien entendu des documents à privilégier concernant les procédures d’arrestation, d’enquête, de procès et de détention, jusqu’aux modalités de libération. À l’opposé, les récits des internés, compilés dans des « carnets » ou « cahiers de prison », voire dans leurs Mémoires, sont riches d’informations sur l’expérience vécue de la prison et ses conséquences dans la réflexion, voire la trajectoire politique des détenus45. Nombreux sont les témoignages qui font de la prison une école de formation, un lieu où le temps suspendu est propice à un approfondissement de la formation politique. Les « lettres de prison », correspondances entretenues par ces derniers avec leurs proches ou les autorités nous renseignent également sur leur régime et leurs conditions de détention, ainsi que sur leur état d’esprit au moment de l’écriture. Enfin, les sources périodiques et les archives d’organisations peuvent apporter des compléments d’information, sur le cours de la procédure, l’état de l’opinion ou encore les stratégies de défense mises en place par les organisations visées par la répression.
- 46 Monique Cottret, La Bastille à prendre, histoire et mythe de la forteresse royale, Paris, PUF, 1986
- 47 Jean-Claude Vimont, « Les emprisonnements des maoïstes et la détention politique en France (1970-19 (...)
- 48 Jean-Claude Vimont, La prison politique en France, op. cit., p. 1.
- 49 Dominique Kalifa, Biribi. Les bagnes coloniaux de l’armée française, Paris, Perrin, 2016 [2009].
23Les articles de ce dossier éclairent ces dynamiques historiographiques selon plusieurs angles. Les auteurs s’attachent d’abord à montrer combien l’emprisonnement des opposants se révèle être une stratégie politique : instrument aux mains de l’État, les lieux de privation de liberté se traduisent par des dispositions normatives et des pratiques concrètes de surveillance, de contrôle et d’encadrement, à des fins répressives des opposants politiques. Si la Bastille sous l’Ancien Régime symbolise à elle seule dans l’imaginaire l’arbitraire du pouvoir46, elle n’en est qu’un avatar tant les acteurs répressifs sont variés (justice, police, armée) et les motifs d’emprisonnement pluriels, qu’ils soient politiques et assumés comme tels ou qu’ils relèvent du droit commun. Imposé pour des raisons politiques, à l’issue d’une procédure potentiellement entachée d’irrégularités, fondé sur des conditions de détention discriminatoires et des atteintes aux libertés publiques, l’emprisonnement peut participer d’une stratégie politique sans que celle-ci soit toujours parfaitement définie par les autorités qui peuvent hésiter sur la nature des incriminations et sur le choix des instances de jugement47. Étudier l’emprisonnement politique permet ainsi de mesurer le seuil de tolérance fixé par les autorités à l’égard de leurs opposants, d’identifier comment la perception de la menace varie dans le temps et conduit à des réponses variées, qui ne sont ni fixes ni constantes selon les périodes et les régimes étudiés. Les articles réunis dans ce dossier le montrent : l’enfermement politique, s’il est une règle dans les régimes communistes et fascistes, concerne également des pays démocratiques qui ont emprisonné un large éventail d’opposants. Dans un contexte marqué par l’ombre projetée de la guerre d’Algérie, Maxime Launay reprend un objet classique, l’histoire des bagnes de l’armée française, afin d’identifier les dernières traces d’une institution disciplinaire devenue intolérable dans la France de l’après Mai 68. À travers l’étude de la réforme du régime disciplinaire du fort d’Aiton (Savoie), il montre comment un lieu de privation de liberté méconnu et entouré de secrets est devenu un lieu politique, fruit d’un « lent processus d’humanisation et de démocratisation des conditions de détention48 ». Il prolonge en cela une historiographie déjà suggestive, dont l’ouvrage majeur de Dominique Kalifa, Biribi, a contribué à en renouveler la compréhension à travers une approche d’histoire sociale et culturelle49.
- 50 Pierre Allorant, Walter Badier et Noëlline Castagnez (dir.), Procès politiques : tribune ou trempli (...)
24En réaction, l’enfermement peut conduire les prisonniers et leurs soutiens à construire eux aussi une stratégie politique. Partis et groupes parlementaires, journalistes et avocats, comités et intellectuels, sont autant d’acteurs qui, en dehors et en dedans, politisent l’emprisonnement au-delà des cas particuliers et font des lieux de privation de liberté des lieux politiques. La médiatisation apparaît à ce titre comme une modalité privilégiée de la contestation comme le montrent, en amont, les procès politiques qui offrent un tremplin et une tribune pour l’opposition50. En revenant sur le parcours de Nicolás Sartorius, un avocat et journaliste communiste s’opposant au régime franquiste, Virginie Robleda Sudre explique comment la demande de reconnaissance du statut de prisonnier politique des militants enfermés devient un enjeu pour l’opposition démocratique. La prison madrilène de Carabanchel incarne par excellence la répression à l’œuvre et apparaît comme le symbole de l’oppression politique de la dissidence en Espagne. En montrant le vrai visage de la dictature, l’enfermement des opposants se retourne contre le régime.
25Ces articles montrent également que, du point de vue de l’individu privé de sa liberté, l’espace de la réclusion peut également constituer un lieu de construction politique. En plus de constituer une étape de la vie militante, l’enfermement semble aussi constituer un moment privilégié de réflexion par la lecture d’ouvrages politiques, par l’élaboration d’une pensée politique, voire par la rédaction de textes doctrinaux. La tenue de correspondances, de « cahiers » ou de « carnets de prison » apparaît même comme une pratique courante, voire convenue, de la détention politique. S’y mêlent fréquemment des réflexions politiques alimentées par des récits et anecdotes inspirés par le quotidien de la détention. Les exemples de Louise Michel, de Lénine, ou encore de Gramsci sont ainsi révélateurs du poids de l’expérience carcérale dans l’élaboration d’une doctrine politique. De tels écrits peuvent d’ailleurs par la suite être utilisés par l’ancien détenu lui-même, dans le cadre de stratégies individuelles de légitimation politique. Antoine Limare montre pour sa part que l’enfermement dans les prisons de la Libération, loin de mettre fin à l’engagement politique des collaborationnistes, prolonge et renouvelle celui-ci lorsque ceux-ci s’interrogent sur leur échec politique au service d’une contre-histoire de l’épuration. Les épurés délivrent un discours contre la justice de la Libération qui n’est pas sans lien avec leurs conditions matérielles d’incarcération. Astreints au régime du droit commun – et donc amalgamés avec des délinquants et des criminels dont ils sont les cibles –, ils dénoncent la brutalité de la répression qui s’abat sur eux.
- 51 Pierre Péan, Une jeunesse française : François Mitterrand, 1934-1947, Paris, Fayard, 1994 ; Bénédic (...)
26De la simple prise de conscience politique à des formes plus avancées de radicalisation, la découverte de la vie carcérale peut aussi participer à la construction politique d’individus, mis en marge de la société par leur incarcération. Delphine Richard nous donne à voir la condition des prisonniers de guerre français qui, après 1940, s’ils ne sont pas des prisonniers politiques stricto sensu, sont en captivité en territoire ennemi et développent dans les camps un véritable laboratoire politique, où des hommes originaires de toute la France et de toutes les catégories sociales se mêlent, formant un vaste phénomène de brassage où sont relus les clivages politiques hérités de l’avant-guerre à l’aune du présent et des enjeux futurs de la guerre. Soulignant, dans la lignée des travaux de Pierre Laborie, l’ambivalence de la perception de la vie politique du régime de Vichy depuis les stalags et oflags, Delphine Richard montre combien les conditions de détention placèrent sous cloche les prisonniers et agirent comme un filtre décalé de l’opinion publique française. Lieux potentiels de fraternisation où les détenus vivent des expériences collectives, les lieux de privation de liberté sont parfois remobilisés dans les carrières politiques, à l’exemple de François Mitterrand, qui y constitua ses premiers réseaux et y trouva un appui précieux pour se forger un destin politique51. Si les lieux de privation de liberté forment des laboratoires, c’est aussi parce qu’il s’y élabore des pensées et des pratiques politiques collectives. Ils sont des espaces de rencontre où la réflexion (réunions informelles, circulation de tracts…) et l’éducation sont des éléments de sociabilité majeure. À travers l’étude des députés du Parti communiste français privés de leur liberté pendant la Seconde Guerre mondiale, Florent Gouven et Léo Rosell montrent que ces élus communistes conçoivent leur incarcération comme un temps singulier où l’activité militante doit se poursuivre autrement. Qu’il s’agisse de conférences ou de lectures de livres susceptibles de renforcer leur connaissance du marxisme-léninisme, les militants s’emploient à parfaire leur éducation politique et font de la prison un lieu de formation continue et un espace d’intense sociabilité militante. Loin d’être des espaces parfaitement hermétiques, les lieux d’enfermement ne peuvent pas empêcher le maintien de liens avec l’extérieur. Ils sont parfois perméables, à l’image d’Édouard Herriot étudié par Yann Sambuis qui, non seulement passe de la réclusion volontaire en Isère à la déportation en Allemagne, mais parvient à sortir de sa résidence surveillée grâce à la complaisance des gendarmes locaux supposés le surveiller, pour aller rencontrer des amis, dont d’anciens collaborateurs politiques engagés dans la Résistance. Ici, c’est paradoxalement le mouvement, à travers le déplacement de prison en prison, qui agit comme un outil de la répression.
27La construction en miroir d’une altérité à travers le prisme geôliers/détenus est également un vecteur important de la construction d’une identité politique, en contexte colonial notamment ou vis-à-vis des minorités. Dans une perspective différente par rapport aux autres contributions du dossier, l’article de Cyril Robelin vient enrichir la compréhension des zoos humains à travers une expérience qui en préfigure l’existence au XIXe siècle, l’exposition des « derniers survivants » de la tribu des Charrúas. L’étude de l’itinéraire carcéral de deux « indigènes » entre l’Uruguay et la France de la monarchie de Juillet montre en quoi les modes de claustration qu’ils subissent sont les marques d’une volonté de légitimation politique et de domination raciale sur une tribu détruite. L’exhibition de ces deux indigènes, à la fois prisonniers et trophées politiques, suscite des débats entre les partisans et les détracteurs du droit à l’enfermement des peuples premiers.
- 52 Journée d’études « Quels devenirs pour les lieux d’enfermement ? Entre effacement des mémoires et l (...)
- 53 Michael Welch, The Bastille Effect: Transforming Sites of Political Imprisonment, Oakland, Universi (...)
28Par le spectre suffisamment large de cas d’étude qu’il propose, ce dossier souligne combien le prisonnier politique est l’un des personnages centraux de l’histoire politique contemporaine. Chacun à leur manière, les articles réunis dans ce dossier témoignent, dans leur diversité, d’une histoire politique attachée à lier toutes les dimensions de la société ; autrement dit, ils participent d’une histoire sociale du politique. Ce dossier appelle bien des prolongements, que l’on pense, par exemple, au chantier de recherche ouvert sur les devenirs des anciens lieux d’enfermement, entre patrimonialisation et logiques mémorielles sélectives, où les jeux d’acteurs à l’œuvre confèrent à ces lieux une charge politique52. Plus encore, en s’appuyant sur le pouvoir d’évocation du lieu pour réfléchir à l’injustice de l’emprisonnement politique, la reconversion en lieu de mémoire a ouvert certains sites à un examen public sur les violences et crimes d’État qui y furent commis53. Devenus des lieux symboliques, ils sont les supports d’un imaginaire collectif aspirant aux droits de l’homme et à l’égalité démocratique.
- 54 Cité par Alain Chatriot, « Écrire l’histoire politique aujourd’hui. Introduction », Histoire@Politi (...)
29En cela, ce dossier est aussi le produit de son temps : à l’heure où l’État de droit et la protection des libertés publiques sont remis en cause partout dans le monde, notre actualité vient nous rappeler que l’enfermement, qu’il s’exerce pour des motifs politiques contre des hommes et des femmes à titre individuel ou sur des populations entières, est une donnée constante des sociétés qui ne s’est pas arrêtée au XXe siècle. De ce point de vue, l’histoire politique demeure bien, selon l’expression de René Rémond, une « histoire présente54 ». Puisse ce numéro contribuer à la réflexion sur le sujet.
Notes
1 Par exemple les journées d’étude « Sociétés coloniales et post-indépendances : quels lieux du politique ? », Université Rennes 2, 12 mai 2023 ; « Les lieux de pouvoir à l’échelle des territoires avant et après la décentralisation », Maison de la Région Nouvelle-Aquitaine, Poitiers, 17 novembre 2023 ; « Les lieux du politique en Europe centrale, orientale et balkanique, 1790-1990 », Inalco, 20 mai 2022. Cette dernière journée a fait l’objet d’une publication : Matthieu Boisdron (dir.), « Les lieux du politique en Europe médiane (XIXe-XXe siècles) », Histoire@Politique, n° 49, mis en ligne le 1er février 2023 : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/10566, consulté le 15 mai 2024. Promue par la Société française d’histoire politique (SFHPo), cette approche trouve matière à s’incarner depuis 2021 grâce à un programme de recherche consacré aux « lieux du politique ».
2 Outre la journée dont est issu ce dossier, de très nombreux colloques et journées d’études ont eu lieu ou sont prévus sur la période 2021-2025, par exemple : « Procès politiques : tremplin ou tribune pour l’opposition ? », Orléans, 25-26-27 novembre 2021 ; « Le meeting électoral en France de 1945 à nos jours », Metz, 10-11 octobre 2024 ; « Cafés, restaurants, banquets : les nourritures terrestres et la politique », Université Lyon 2, 21-22 mai 2025.
3 « Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques », Rencontre des jeunes chercheurs de la Société française d’histoire politique, Dijon, 20 octobre 2023.
4 Nous remercions Chantal Duckers qui a bien voulu relire une première version de ce texte.
5 René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, 2e éd., Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points Histoire », 1996.
6 John Agnew, « Les lieux contre la sociologie politique », Espaces Temps, 1990, vol. 43, no 1, pp. 87‑94.
7 Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984, p. VIII.
8 Ibid., p. XXIV.
9 Astrid von Busekist, « Chapitre 3. Le lieu du politique », dans Penser la politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2010, pp. 65-97.
10 Olivier Wieviorka et Michel Winock, Les lieux de l’histoire de France, Paris, Perrin, 2017, p. 9.
11 « Lieu », Géoconfluences, en ligne : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/lieu, consulté le 26 avril 2024.
12 Ibid.
13 En géographie, le terme « État territorial » désigne la conception de l’État comme une entité politique indépendante exerçant sa souveraineté sur un territoire délimité par des frontières.
14 « The central premise is that territorial states are made out of places » (John A. Agnew, Place and politics: the geographical mediation of state and society, Boston, Allen & Unwin, 1987).
15 Pascal Clerc, « Lieu », dictionnaire Hypergéo, en ligne, https://hypergeo.eu/lieu/, publié le 27 août 2004, consulté le 26 avril 2024.
16 Matthieu Boisdron, « Les lieux du politique en Europe médiane (XIXe-XXe siècles) : introduction », Histoire@Politique, no 49, 1er février 2023, p. 5, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/10626, consulté le 15 mai 2024.
17 Bernard Debarbieux, « Le lieu, fragment et symbole du territoire », Espaces et sociétés, vol. 80, n° 1, 1995, pp. 13-36.
18 Matthieu Boisdron, « Les lieux du politique en Europe médiane… », art. cit., p. 5.
19 On retrouve ici la polysémie de la notion de politique largement étudiée par les sciences politiques. Voir par exemple Patrick Hassenteufel, Sociologie politique de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2021, p. 9, ou Jean Leca, « L’état entre politics, policies et polity, ou peut-on sortir du triangle des Bermudes ? », Gouvernement et action publique, vol. 1, n° 1, 2012, pp. 59-82.
20 Jean-Claude Farcy, « Droit et justice pendant la Première Guerre mondiale. L’exemple de la France », Ler História, n° 66, 2014, pp. 123-139.
21 Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012.
22 Jean-Claude Vimont, « Histoire de la détention politique en France », Criminocorpus, « Justice et détention politique », 2013, en ligne : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/criminocorpus/2547, consulté le 18 avril 2024.
23 « Qu’est-ce qu’un prisonnier d’opinion ? », site internet d’Amnesty International, en ligne : https://www.amnesty.fr/focus/prisonnier-opinion, consulté le 16 avril 2024. Pour aller plus loin, voir Amnesty International, Pour des procès équitables, Londres, Amnesty International Publications, 2e éd., 2014.
24 Résolution 1900 (2012), « La définition de prisonnier politique », site internet du Conseil de l’Europe, en ligne : https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=19150, consulté le 18 avril 2024.
25 Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1993 [1975]. Voir également, dans une perspective géographique, Olivier Milhaud, Séparer et punir. Une géographie des prisons françaises, Paris, CNRS Éditions, 2017.
26 Michelle Perrot, L’impossible prison. Recherches sur le système pénitentiaire au XIXe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 1980.
27 Jean-Claude Vimont, La prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos, 1993.
28 Sur l’histoire de la justice, voir les travaux fondamentaux de Jean-Claude Farcy, notamment Deux siècles d’histoire de la justice (1789-1989). Notices bibliographiques, Paris, CNRS Éditions, 1996.
29 Marc Renneville, « Les bagnes coloniaux : de l’utopie au risque du non-lieu », Criminocorpus, 2007, en ligne : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/criminocorpus/173, consulté le 10 octobre 2023.
30 Cf. Serge Wolikow, « Ordre politique et emprisonnement dans l’entre-deux-guerres », dans Ordre moral et délinquance de l’antiquité au XXe siècle, Dijon, EUD, 1994 ou du même auteur, « Militants et dirigeants communistes face à l’emprisonnement politique », dans Michel Dreyfus, Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule (dir.), La part des militants, Paris, Éditions de l’Atelier, 1996, pp. 105-117.
31 Voir notamment Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002.
32 Voir Pierre Pédron, La prison sous Vichy, Paris, Éditions de l’Atelier, 1993 ; Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, Paris, L’Harmattan, 2007 ; Vincent Giraudier, Les bastilles de Vichy. Répression politique et internement administratif, Paris, Tallandier, 2009 ou encore plus récemment Christophe Lastécouères, Prisonniers d’État sous Vichy, Paris, Perrin, 2019.
33 Voir notamment Laurent Mortet, « Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Un nouveau regard sur les lieux de privation de liberté », Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 2, 2008, pp. 287-305.
34 Voir la rubrique « À propos » du carnet de recherches « École, armée, prison, asile, hospice, hôpital… », en ligne : https://grid.hypotheses.org/a-propos, consulté le 16 avril 2024. Ce groupe est composé d’Elsa Génard, Anatole Le Bras, Mathieu Marly, Paul Marquis, Mathilde Rossigneux-Méheust et Lola Zappi.
35 Elsa Génard, Anatole Le Bras, Mathieu Marly, Paul Marquis, Mathilde Rossigneux-Méheust et Lola Zappi, « Liens familiaux et institutions disciplinaires », Revue des politiques sociales et familiales, n° 139-140, 2021, p. 123-128 ; des mêmes auteurs, « Les liens familiaux à l’épreuve des institutions disciplinaires », Le Mouvement Social, vol. 279, n° 2, 2022, pp. 3-15 ; Mathilde Rossigneux-Méheust et Elsa Génard (dir.), Routines punitives. Les sanctions du quotidien – XIXe-XXe siècles, Paris, CNRS Éditions, 2023.
36 Padraic Kenney, Dance in Chains: Political Imprisonment in the Modern World, New York, Oxford University Press, 2017. Sur le cas des États-Unis, voir Dan Berger, The Struggle Within: Prisons, Political Prisoners, and Mass Movements in the United States, Oakland, PM Press, 2014. Sur celui des îles britanniques, voir Peter Shirlow, Jonathan Tonge, James McAuley et al., Abandoning historical conflict?: former political prisoners and reconciliation in Northern Ireland, Manchester, Manchester University Press, 2007, et William Murphy, Political imprisonment and the Irish, 1912-1921, Oxford, Oxford University Press, 2014.
37 Juliette Cadiot et Marc Elie, Histoire du Goulag, Paris, La Découverte, 2017.
38 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et al., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, 2004.
39 Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 2001.
40 Christine Deslaurier, « Un système carcéral dans un État en crise : prisons, politique et génocide au Rwanda (1990-1996) », dans Florence Bernault (dir.), Enfermement, prison et châtiments en Afrique, Paris, Karthala, 1999, pp. 437‑471.
41 Voir notamment Jaume Sobrequés i Callicó, Carme Molinero Ruiz et Margarida Sala (dir.), Una inmensa prisión: los campos de concentración y las prisiones durante la Guerra Civil y el franquismo, Barcelone, Crítica, 2003. Plus récemment et avec une perspective d’histoire du genre, Angeles Egido León et Jorge J. Montes Salguero (dir.), Mujer, franquismo y represión. Una deuda histórica, Madrid, Sanz y Torres, 2018.
42 Signalons à ce sujet l’ouvrage de Marc André, Une prison pour mémoire : Montluc, de 1944 à nos jours, Lyon, ENS Éditions, 2022.
43 Pour Bernard Debarbieux, un « haut lieu » est un « lieu qui exprime symboliquement, au travers de ses représentations et de ses usages, un système de valeurs collectives ou une idéologie » (Bernard Debarbieux, « haut lieu », dans Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, pp. 448-449).
44 Gwenola Ricordeau et Fanny Bugnon, « Introduction », dossier Système pénal et patrimonialisation : entre lieux de mémoire et tourisme carcéral, Déviance et Société, vol. 42, n° 4, 2018, pp. 605‑618.
45 Les écrits de prison ont suscité de façon précoce de nombreuses études, cf. Bernadette Morand, Les écrits des prisonniers politiques, Paris, PUF, 1976. Voir également à titre d’exemple Claude Quétel, « Comment Mein Kampf est-il né ? », dans Tout sur Mein Kampf, Paris, Perrin, 2017, pp. 51‑67. Par ailleurs, notons qu’une séance du séminaire « Organisations ouvrières et mouvements sociaux » du LIR3S, ancien centre Georges Chevrier, fut organisée le 3 mai 2000 autour de « La prison : écriture et activité politique ». Y sont intervenus Frédéric Monier sur « L’héroïsme insupportable : militants et écrits de prison au cours des années 20 », Denis Peschanski sur « Les carnets Renaud Jean », Frédéric Genevée sur « Le PCF et la justice », Stéphane Gacon sur « La gauche et l’amnistie des prisonniers politiques 1870-1970 : écrits de prison et campagnes publiques », Serge Wolikow sur la « Vie quotidienne et vie politique en prison : en temps de paix et en temps de guerre » et Jean Vigreux sur « Un tour de France des prisons : les députés communistes internés 1939-1943 ».
46 Monique Cottret, La Bastille à prendre, histoire et mythe de la forteresse royale, Paris, PUF, 1986.
47 Jean-Claude Vimont, « Les emprisonnements des maoïstes et la détention politique en France (1970-1971) », Criminocorpus [en ligne], 2015.
48 Jean-Claude Vimont, La prison politique en France, op. cit., p. 1.
49 Dominique Kalifa, Biribi. Les bagnes coloniaux de l’armée française, Paris, Perrin, 2016 [2009].
50 Pierre Allorant, Walter Badier et Noëlline Castagnez (dir.), Procès politiques : tribune ou tremplin pour l’opposition (France, XIXe-XXe siècles), à paraître aux Presses universitaires de Rennes en 2024.
51 Pierre Péan, Une jeunesse française : François Mitterrand, 1934-1947, Paris, Fayard, 1994 ; Bénédicte Vergez-Chaignon, Les vichysto-résistants. De 1940 à nos jours, Paris, Perrin, 2008 ; Olivier Wieviorka, Nous entrerons dans la carrière. De la Résistance à l’exercice du pouvoir, Paris, Éd. du Seuil, 1994.
52 Journée d’études « Quels devenirs pour les lieux d’enfermement ? Entre effacement des mémoires et logiques de patrimonialisation » organisée par Gaïd Andro (CREN, Université de Nantes), Fanny Bugnon (Tempora, Université Rennes 2) et Fanny Le Bonhomme (Criham, Université de Poitiers), le 6 avril 2023.
53 Michael Welch, The Bastille Effect: Transforming Sites of Political Imprisonment, Oakland, University of California Press, 2022.
54 Cité par Alain Chatriot, « Écrire l’histoire politique aujourd’hui. Introduction », Histoire@Politique [en ligne], n° 51, 2023, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/15403, consulté le 15 mai 2024.
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Référence électronique
Maxime Launay, Léo Rosell et Yann Sambuis, « Les lieux de privation de liberté, des lieux politiques (XIXe-XXe siècles) : introduction », Histoire Politique [En ligne], 52 | 2024, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/17730 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vtw
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