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Dossier

Poursuivre la lutte contre le régime franquiste malgré l’enfermement : les combats des militants des Commissions ouvrières incarcérés à Carabanchel entre 1970 et 1975

Continuing the fight against Franco’s regime despite imprisonment. The struggles of Workers’ Commissions activists imprisoned in Carabanchel between 1970 and 1975
Virginie Robleda Sudre

Résumés

Les conditions de détention des prisonniers politiques dans la prison de Carabanchel à Madrid révèlent les défis auxquels ils étaient confrontés et mettent en lumière leur résilience face à l’oppression. Malgré leur enfermement, les prisonniers politiques continuent à mener des combats qui prolongent efficacement le travail de sape entrepris par l’opposition en dehors des murs de la prison. Le constat des conditions d’incarcération des prisonniers politiques à Carabanchel dans les années 1970 nous permet de réaffirmer que la violence à l’encontre de ses opposants demeurait un élément central du régime dictatorial. Les prisonniers politiques ont su adapter leurs stratégies de lutte pendant leur détention. Les deux principaux axes de leur combat étaient la demande de reconnaissance du statut de prisonnier politique des militants enfermés par le régime, et la médiatisation des procès politiques montrant le vrai visage d’une dictature toujours bien présente mais se fissurant peu à peu. L’enfermement des opposants politiques se retournait ainsi contre la dictature : s’il contraignait les voix divergentes, il ne permettait pas de les réduire au silence, et leur lutte sans cesse renouvelée permettait de mettre un peu plus en lumière l’autoritarisme du régime.

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Texte intégral

  • 1 José Gómez Alén et Rubén Vega García, Materiales para el estudio de la abogacía antifranquista, Mad (...)
  • 2 Salvador Cruz Artacho, Julio Ponce Alberca, El mundo del trabajo en la conquista de las libertades, (...)
  • 3 José Álvarez Cobelas, Envenenados de cuerpo y alma. La oposición universitaria al franquismo en Mad (...)
  • 4 Carme Molinero et Pere Ysàs, La anatomía del franquismo: de la supervivencia a la agonía, 1945-1977(...)
  • 5 Paul Preston, Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1940, Paris, Belin, 2016.
  • 6 Santos Juliá, Víctimas de la Guerra Civil, Madrid, Booket, 2006.
  • 7 Julián Casanova, Francisco Espinosa, Conxita Mir, Francisco Moreno Gomez, Morir, matar, sobrevivir. (...)
  • 8 Santiago Vega Sombría, La política del miedo, El papel de la represión en el franquismo, Barcelona, (...)
  • 9 Pau Casanellas, Morir Matando. El franquismo ante la práctica armada, 1968-1977, Madrid, Los Libros (...)
  • 10 Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique : violence et politique en Espagne 1975-1982, Madr (...)
  • 11 Carme Molinero, Margarida Sala, Una inmensa prisión: los campos de concentración y las prisiones du (...)
  • 12 Ricard Vinyes, Irredentas: las presas politicas y sus hijos en las cárceles franquistas, Barcelona, (...)
  • 13 Virginie Sudre, « Nicolas Sartorius : un exemple des modalités de l’action antifranquiste entre ago (...)

1Alors que nous commémorons cette année les cinquante ans de la révolution des Œillets, l’année prochaine les cinquante ans de la mort de Francisco Franco seront certainement l’occasion de revenir un peu plus sur ce que fut son régime. Ce travail invite à se rappeler que pendant les années 1970 en Espagne, alors que le tourisme battait déjà son plein, que les années de croissance économique avaient profondément bouleversé le paysage économique et social du pays, et que les jours du dictateur étaient comptés, la violence à l’encontre des opposants politiques restait une des clefs de voûte du régime. Le régime restait convaincu qu’il saurait, malgré les soubresauts orchestrés par la « subversion », survivre au dictateur. Alors certes, on ne condamnait plus pour des faits remontant à la guerre civile, et le temps des exécutions à l’aube aux abords des cimetières était révolu. Mais la dictature se retrouva, à partir des années 1960, obligée de faire face à toujours plus d’actions dissidentes. Une poignée de militaires, des avocats1, des prêtres et des intellectuels s’engagèrent et multiplièrent les actions contre la dictature pendant les dix dernières années du régime. Les milieux ouvriers2 et universitaires3 furent les secteurs d’opposition les plus importants par la fréquence de leurs actions et le nombre de militants. Depuis le début des années 2000, plusieurs travaux – dont ceux de Carme Molinero et Père Ysás4 – ont démontré que même si l’opposition ne réussit pas à elle seule à renverser le régime, elle contribua nettement à l’affaiblir et à le décrédibiliser tant en Espagne qu’auprès des démocraties occidentales. La question de la violence répressive des premières années de dictature est depuis le début des années 2000 au centre de nombreux travaux historiographiques comme ceux de Paul Preston5, Santos Julia6, Julian Casanova7 ou Santiago Vega Sombria8. Dans les années 2010, de nouveaux travaux, dont ceux de Pau Casanellas9 et de Sophie Baby10, ont permis de mettre en lumière la violence prégnante du régime y compris pendant les années de transition. L’univers carcéral franquiste a également suscité l’intérêt des chercheurs : nous pourrions par exemple évoquer l’ouvrage coordonné par Carme Molinero, Margarida Sala et Jaume Sobrequés11, ou celui plus récent de Carles Vinyes12 consacré aux femmes incarcérées. Toutefois, ces recherches ne portent que sur les quinze premières années de la dictature. Nous souhaitons ici nous pencher sur les conditions et les conséquences de l’enfermement des opposants politiques dans les années 1970, jusqu’à la première loi d’amnistie et la libération des premiers prisonniers politiques après le décès de Franco. Cette étude de l’enfermement à des fins politiques s’appuie sur le dépouillement d’archives du Parti communiste espagnol (PCE), de la Direction générale de sécurité (DGS), du Tribunal d’ordre public (TOP), et des fonds du Tribunal suprême. Il se base également sur plusieurs entretiens avec Nicolás Sartorius13, militant puis, à partir de 1970, membre du comité exécutif du PCE, mais aussi et surtout membre du comité de direction des Commissions ouvrières (CO), premier syndicat d’opposition au franquisme du milieu des années 1960 jusqu’à la chute de la dictature.

2Que révèlent les conditions de détention des prisonniers politiques dans la prison madrilène de Carabanchel ? Dans quelle mesure les combats qu’ils y mènent, et ce malgré leur enfermement, ont-ils prolongé le travail de sape entrepris en amont, hors des murs de la prison ? Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux conditions de vie de ces prisonniers politiques incarcérés à Carabanchel dans les années 1970, afin de démontrer que la violence était toujours une clef de voûte du régime. Nous verrons ensuite que ces opposants pendant leur détention ont su faire évoluer les objectifs et les modalités de leurs combats, afin de fragiliser encore un peu plus la dictature agonisante, que ce soit via la demande de reconnaissance de leur statut de prisonnier politique, ou via la politisation du « procès 1001 », contre les dirigeants du premier syndicat d’opposition, les Commissions ouvrières.

Vivre entre les murs de Carabanchel, lieu de réaffirmation de la toute-puissance du régime franquiste

  • 14 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras: ¿quién juzgó a quién ?, Madrid, (...)
  • 15 Ibid., p. 198.

3Pendant la seconde moitié de la dictature, la prison madrilène de Carabanchel a été le plus grand centre d’incarcération pour hommes en Espagne, pouvant accueillir jusqu’à 3 000 personnes14. La prison accueillait des prisonniers de droit commun, mais bien que la dictature n’ait jamais voulu reconnaître leur existence, de nombreux prisonniers politiques y purgeaient également leur peine. Tous ceux qui étaient en attente de jugement par le Tribunal d’ordre public, ou en procédure d’appel auprès du Tribunal suprême y étaient envoyés. La troisième galerie qui accueillait cette catégorie de délinquants regorgeait d’hommes jeunes : « la grande majorité des prisonniers de la troisième galerie, n’avaient pas dépassé trente ans15 » se souvient Francisco Acosta, mécanicien dans l’entreprise de transports publics de Séville, mais surtout dirigeant des CO incarcéré entre 1972 et 1975. Ils étaient majoritairement communistes, mais on y retrouvait également de nombreux militants des Commissions ouvrières, des étudiants, des membres de l’ETA, ou des militants de divers partis d’extrême gauche qui avaient pris leurs distances avec le PCE. Leur séjour ne durant que quelques mois, le brassage de population y était important.

4Le centre de contrôle, bâtiment circulaire au centre de l’édifice à la disposition en étoile, permettait aux gardiens de dominer visuellement l’ensemble des galeries et des cellules de la prison :

  • 16 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 198.

« Sa disposition en étoile […] et la hauteur de ses murs, en faisaient un lieu plein d’échos de voix humaines et de bruits de toutes sortes, d’un nouveau genre pour quelqu’un qui n’y avait jamais mis les pieds16. »

5À leur arrivée, les détenus étaient fouillés, et à cet effet, ils devaient se déshabiller complètement pour que les gardiens s’assurent qu’aucun objet interdit ne soit introduit au sein de la prison. Ensuite, ils étaient envoyés à l’isolement pendant cinq jours, c’est ce qu’on appelait la « Période », sinistre passage obligé que décrivent ces rapports qui parviennent à la direction du PCE :

  • 17 Archivo Histórico del Partido Comunista de España (AHPCE, Archives historiques du Parti communiste (...)
  • 18 AHPCE, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

« En théorie dans l’objectif d’un contrôle sanitaire, mais dans la pratique, le remède est pire que la maladie, et devient une période de sur-répression. 1°. La période pour les prisonniers politiques se déroule dans la galerie dite « des délits de sang ». 2°. La cellule, d’à peine 10 m², comprend deux lits superposés – quatre lits en tout – avec des sacs répugnants garnis d’étoupe en guise de matelas. […] Ce à quoi s’ajoutent un lavabo et une cuvette, dont la chasse est généralement inutilisable. 3°. Dans ces cellules, quatre personnes (prisonniers communs et politiques) cohabitent et réalisent leurs besoins physiologiques pendant cinq jours. On ne peut sortir dans le patio, et seulement si le gardien le veut bien, qu’une fois par jour, de 7 h 30 à 8 h le matin. 4°. Le contrôle sanitaire se résume à vérifier qu’on n’ait pas de « misère » (de parasite en tout genre), et un vaccin, est trop fréquemment injecté à l’aide d’une aiguille successivement réutilisée17. »
« Voilà un moment que nous demandons avec insistance que la mal nommée "période sanitaire" (cinq jours d’isolement dans une cellule infecte avec trois ou quatre autres personnes) soit supprimée, ou puisse être réalisée dans la galerie où le prisonnier est affecté, comme c’est le cas pour les prisonniers de droit commun ; l’objectif est de pouvoir s’occuper du camarade qui vient d’arriver, au moment où il en a le plus besoin, et d’éviter les extorsions "habituelles" dont ils sont victimes18. »

  • 19 AHPCE, 39/8.6, Situación de los presos políticos en la prisión de Carabanchel, Novembre 1975.

6Les détenus devaient répondre à l’appel matin et soir. Les repas étaient frugaux, « suffisants sur le plan calorique, avec une proportion importante de graisse et de féculents, mais déficiente en protéines et vitamines », ce qui provoquait l’apparition de maladies. Les familles devaient donc, quand elles en avaient les moyens, apporter aux détenus des aliments en complément. L’usage de l’eau était restreint, chaque bâtiment y ayant accès par plage de deux heures, mais la pression de l’eau restait faible et les chasses d’eau étaient toutes hors service. Entre ces murs, il faisait bien entendu froid et humide car il n’y avait pas de chauffage : on y a relevé pendant l’hiver 1971 une température de -12 degrés. En cas de « manquement », les détenus étaient envoyés en cellule disciplinaire : ils étaient alors enfermés dans des cellules de 4 m², sans matelas, sans vêtement de rechange ni même de papier hygiénique, où il leur était interdit de lire, de fumer, de parler, de chanter ou même de siffloter19.

  • 20 AHPCE, 39/8.6, Formas en que se realizan las comunicaciones orales y escritas de los presos polític (...)
  • 21 Témoignage de Francisco Acosta cité dans, José Babiano Mora (dir.), Proceso 1001 contra comisiones (...)
  • 22 Nicolás Sartorius, extrait de l’entretien réalisé le 3 novembre 2017.

7Soumis à un isolement strict, ils ne pouvaient envoyer qu’un courrier par semaine, soit à un membre direct de leur famille, soit à leur avocat. La missive était bien entendu systématiquement lue et censurée au besoin par les surveillants de prison20. Ils avaient la possibilité de recevoir deux visites par semaine, soit d’un membre direct de leur famille (sur présentation du livret de famille, ce qui excluait de fait la visite des concubines pour les jeunes hommes non mariés), soit de leur avocat. Les visites avaient lieu dans une grande pièce scindée d’une double paroi en plastique percée de petits trous, rendue presque opaque en raison de la saleté, et dans le brouhaha21, et le contact physique était proscrit. La visite des enfants de ces nombreux jeunes pères n’était autorisée que deux fois par an, le jour de la Merci le 24 septembre et le jour de Noël22. Cet isolement des proches, ce manque affectif, pesaient bien entendu sur le moral de ces hommes séparés pendant deux à dix ans des leurs. À ce manque s’ajoutait l’inquiétude pour leurs familles qui contribuaient à leur entretien, à leur alimentation, et à leurs femmes qui devaient assurer seules la garde, l’éducation et la subsistance des enfants. Natalia Calamai, l’épouse de Nicolás Sartorius, se souvient :

  • 23 José Babiano Mora (dir.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 149.

« Pour moi, c’était une vie aride, très dure, très solitaire, très inhumaine. Eux, ils avaient un avenir, c’étaient des hommes qui allaient se consacrer à la politique23. »

8Nicolás Sartorius reçut des visites de son épouse, mais seulement les premières années, car en 1973 elle partit se réfugier en Italie, dont elle est originaire, avec leur fille de 5 ans, pour échapper à la police qui la traquait et éviter d’être incarcérée à son tour.

  • 24 AHPCE, 39/8.6, Huelga de hambre en la prisión de Carabanchel, 1967.
  • 25 Archive historique du Travail (AHT, archives du syndicat Commissions ouvrières), 39/8.6, Situación (...)

9Le respect de la discipline de chaque galerie était assuré par des matons, généralement des délinquants de droit commun, qui acceptaient de bon gré leur mission en échange d’une réduction de peine ou de bakchichs24. Ceux-ci confisquaient régulièrement les cagnottes communes des détenus, procédaient à des fouilles arbitraires des cellules, s’emparaient de leurs objets25. De plus, les détenus étaient régulièrement inquiets d’un éventuel débordement de la part des surveillants, comme par exemple au printemps 1975, pendant lequel les attentats contre les forces de l’ordre se succédaient :

  • 26 AHT, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

« Quand les flics qui étaient de garde ont appris […] la mort des trois policiers, ça a provoqué un moment de chaos. Une dizaine d’entre eux, les plus exaltés, ont essayé de rentrer à l’intérieur de la prison. […] Ils ont renvoyé les familles qui venaient pour les visites et ont interrompu toute communication. Il y a quelques jours, celui qui était de garde dans la guérite et qui surveillait notre cour, a dit à un de nos camarades qui jouait au fronton de "ne pas le regarder, qu’il était sur les nerfs, qu’il allait lui coller deux balles et le laisser sur le carreau". Ces derniers jours la majorité des policiers de garde ont constamment le doigt sur la gâchette de la mitraillette, et en général ils la pointent vers la cour26. »

  • 27 AHPCE, Informes, 39/8.6, Informe sobre la cárcel de Carabanchel, 1973.

10La peur, les tensions, le manque, l’isolement, la frustration ou encore la colère, pouvaient à la longue conduire à une dégradation de la santé mentale des militants incarcérés. Si l’entrain, la camaraderie et la bonne humeur étaient la norme, nul n’était alors à l’abri du désespoir. Et pourtant, Carabanchel était considérée comme une prison modèle par la dictature, qui y emmenait jusqu’à des délégations étrangères la visiter, car le lieu, « à défaut d’être digne, était au moins incomparable avec les dizaines de prisons inquisitoriales qui emplissaient la géographie péninsulaire27 », selon un autre rapport du PCE datant de 1973.

La troisième galerie comme nouvelle base d’offensive

La revendication du statut de prisonnier politique

11La dictature n’a jamais accepté cette terminologie, et elle n’a eu de cesse de soutenir face à l’opinion publique internationale qu’il n’y avait pas de prisonniers dits politiques dans ses geôles. Toutefois, lorsqu’ils arrivaient en prison, les détenus étaient soumis à un test de connaissance et d’obédience aux valeurs religieuses et sociales, qui permettait d’évaluer le niveau de dangerosité du nouvel arrivant. Le résultat était ensuite converti en note allant de 1 à 3, et seuls ceux ayant le niveau 3 pouvaient déposer une demande de liberté conditionnelle. Le passage d’un niveau à l’autre étant conditionné à un bon comportement, cela engendrait un dilemme aux détenus souhaitant se mobiliser pour obtenir des améliorations de leurs conditions d’incarcération, tout en évitant de provoquer la colère du personnel de prison.

  • 28 AHT, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

12La revendication la plus importante pour les opposants incarcérés était précisément la reconnaissance de leur statut de prisonnier politique. En attendant que cette reconnaissance arrive – cela ne se produisit qu’avec la Loi d’Amnistie de 1977 –, ils demandaient à être regroupés dans une seule et même galerie, la troisième, pour se retrouver tous ensemble et ne plus être mélangés avec les délinquants de droit commun. En effet, la législation franquiste indiquait que les prisonniers devaient être séparés en fonction des délits commis. Or, ce n’était pas systématiquement le cas des prisonniers politiques, répartis entre la troisième galerie où ils cohabitaient avec « des homosexuels, des miséreux, et des petits délinquants sexagénaires28 », et la cinquième galerie où étaient enfermés des criminels de droit commun. L’origine et les conséquences de cette mesure sont commentées dans cet autre rapport envoyé au Parti :

  • 29 AHT, Informes, 39/8.6, La separación de los presos políticos en pequeños grupos, 1970, témoignage a (...)

« L’objectif de la séparation des prisonniers est de nous créer des difficultés, de faire en sorte d’éviter toute action conjointe pour réclamer nos droits, afin de rendre encore plus difficiles les années d’incarcération ; en quelques mots, pour nous réprimer et pour que nous "sachions ce qu’était la prison", comme ils disent. […] Les services d’infirmerie sont régis par cet esprit répressif et deux prisonniers affectés dans des galeries distinctes ne peuvent pas tomber malades en même temps, la séparation doit être maintenue avant tout. La taille restreinte de nos groupes nous empêche d’organiser une quelconque activité récréative. […] Il est clair qu’avec cette mesure, la Direction Générale des Prisons atteint plusieurs objectifs : augmenter le nombre de prisonniers politiques malades, créer pour nous un nombre infini de difficultés, faire empirer notre situation dans de nombreux aspects, empêcher que les liens entre les prisonniers politiques de diverses tendances puissent s’affirmer un peu plus, diminuer notre capacité de réponse face à leurs mesures répressives, rendre notre cohabitation plus difficile, etc., etc… Mais malgré ces séparations, ils ne sont jamais parvenus à anéantir notre combativité, à nous diviser malgré notre dispersion dans la prison. Ça a engendré des difficultés, mais nous avons gardé le cap que les prisonniers politiques ont maintenu tout au long de ces trente-et-un ans de Dictature, sans jamais nous mettre à genoux devant elle29. »

13Ainsi, les demandes de regroupement sont régulièrement réitérées, les détenus allant même jusqu’à entamer des grèves de la faim. Bien que la dictature ne leur ait jamais accordé le statut demandé, ils furent progressivement regroupés dans cette troisième galerie. Les détenus s’y organisaient pour faire circuler des communiqués, des écrits divers, ou des journaux clandestins. Des courriers de militants communistes étaient régulièrement adressés au Parti afin d’expliquer leurs prises de position : lors de grèves de la faim, suivies ou non, à réception d’un soutien financier, ou lors d’une levée de fonds dans les cellules pour l’envoi d’une contribution financière aux caisses de grèves, par exemple. C’est ainsi qu’ils parvenaient à maintenir le contact avec l’extérieur, et qu’ils poursuivaient leur engagement démocratique, malgré tout.

  • 30 AHT, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

14Cependant, en 1975, à peine quelques mois avant la mort de Franco, un nouveau directeur fut nommé à Carabanchel : plusieurs courriers de détenus alertèrent alors le PCE sur la dégradation de leurs conditions d’incarcération30. Le nouveau directeur, Antonio Rodriguez Alonso, affecta à la troisième galerie ceux qui étaient les plus hostiles aux délinquants politiques. Il changea arbitrairement les détenus de cellules, parfois pendant la nuit. Il fit modifier l’installation électrique afin d’en diminuer la puissance, et d’imposer des coupures d’approvisionnement. Si les prisonniers politiques avaient réussi grâce à leur ténacité et leur obstination à obtenir des conditions d’incarcération un peu moins difficiles que celles de leurs codétenus, l’arrivée de ce nouveau directeur à la tête de Carabanchel impliqua un brutal retour en arrière pour eux, et ce, à quelques mois du décès de Franco, dont l’agonie, à l’image de celle du régime, semblait ne jamais vouloir s’achever.

La troisième galerie : lieu de sociabilité et de formation politique

15Les détenus communistes et ceux membres des Commissions ouvrières y instaurèrent une « caisse commune », pour regrouper l’argent qu’ils recevaient de leurs proches pour pouvoir s’approvisionner à l’économat de la prison. Ce temps d’enfermement fut également une période de leur vie pendant laquelle ils eurent le temps de lire et de s’instruire. Cependant, tous les ouvrages ne pouvaient franchir les portes de la prison, comme le rappelle une liste de revendications de prisonniers rédigée en 1967 :

  • 31 AHPCE, Informes, 39/8.6, Huelga de hambre en la prisión de Carabanchel, 1967.

« Depuis des mois nous réclamons […] le droit d’accès à l’ensemble de la presse nationale. Actuellement, les journaux vendus dans la prison (ABC, Ya, Arriba (pourtant partisans du Régime), sont raccourcis par la "censure" de la prison (le prêtre et un des professeurs) ; Actuellement il existe des revues en vente libre qui sont expressément interdites ici, et des livres qui ne peuvent être lus qu’après accord de la censure31. »

  • 32 AHPCE, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

16La longue main des censeurs était également dénoncée dans une autre lettre, rédigée cette fois en 1975, qui affirmait que « si le régime traite les Espagnols comme des mineurs, nous les "prisonniers politiques" n’avons pas passé l’âge de la plus tendre enfance. Or notre ambition, est bien modeste : que puisse entrer tout livre ou revue circulant librement dans le pays32 ».

  • 33 Les conditions de vie ici dépeintes font la synthèse des nombreux témoignages anonymes qui parvenai (...)

17Les détenus de la troisième galerie s’organisèrent également pour transformer une des cellules en bibliothèque, alimentée par leurs soins. Ils réussirent ainsi, malgré la censure et à force de ruse, à faire entrer des ouvrages sur le marxisme, sur la révolution soviétique, mais aussi des œuvres classiques ou plus contemporaines. Nombre de détenus, d’origine modeste, et n’ayant jamais eu accès aux connaissances dont disposaient ceux qui avaient suivi un cursus universitaire, pouvaient alors approfondir leur instruction politique, historique, littéraire ou philosophique33. Car bien entendu, pour ces individus dotés d’une conscience politique forte, il était important de pouvoir rester informés de l’actualité nationale et internationale. Les familles et les avocats lors des visites, tout en veillant à toujours bien choisir les termes employés et la teneur de leur propos, sous peine de se voir interrompus et sermonnés par le gardien chargé de leur surveillance, tentaient d’améliorer le panorama imparfait qu’ils en avaient. Francisco Acosta rapporte également les longs échanges politiques que ses camarades et lui affectionnaient :

  • 34 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 202. « La política (...)

« La politique avait beaucoup d’importance pour nous, et en général, nous nous réunissions avec la majorité des groupes idéologiques deux à quatre fois par mois, ce qui occupait quelques-unes de nos longues heures d’incarcération34. »

  • 35 Nicolás Sartorius, ¿Qué son las Comisiones Obreras?, Barcelona, La Gaya Ciencia, 1976, p. 5.

18Nicolás Sartorius passait pour sa part une grande partie de ses journées à l’atelier de menuiserie, où il travaillait en vue de réduire ses périodes d’incarcération. Il se souvient qu’il lisait beaucoup, mais surtout, il y rédigea deux essais politiques, « à une époque où, du fait de circonstances indépendantes de ma volonté je ne pouvais rien faire de mieux que de réfléchir35 ». Il en faisait passer les feuillets à son avocat au fil de ses visites au parloir, avant de pouvoir les publier quelques mois après sa sortie de prison, en 1976.

Retourner les armes du régime contre lui. L’exemple du Procès 1001

  • 36 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 244 : « que se vol (...)
  • 37 Ibid.
  • 38 Claudia Cabrero, Irene Díaz, José G. Alén, Rubén Vega, Abogados contra el franquismo, op. cit., p.  (...)
  • 39 Andrea Fernandez-Montesinos Gurruchaga, Hijos de vencedores y vencidos: los sucesos de febrero de 1 (...)
  • 40 En 1932, J.-M. Gil Robles est le cofondateur de ce parti, qui rassemble les partis de droite cathol (...)
  • 41 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 246.
  • 42 Ibid., pp. 249-250.
  • 43 Pour un panorama exhaustif des antécédents et de l’obédience politique des avocats engagés dans la (...)

19Au printemps 1972, deux mois après sa libération de prison lors d’une précédente condamnation, Nicolás Sartorius fut arrêté avec neuf autres dirigeants syndicaux lors d’une réunion de la structure de coordination nationale (Coordinadora General) des Commissions ouvrières. La dictature croyait tenir là son plus grand succès, car elle avait réussi à prendre entre les mailles de ses filets les principaux dirigeants du syndicat illégal, agitateur régulier du monde ouvrier, et déclaré avec le PCE ennemi public numéro un. Un procès extrêmement politique allait s’ouvrir, et les sentences requises contre les inculpés avaient vocation à marquer un coup d’arrêt pour l’opposition ouvrière. Cependant, les « Dix de Carabanchel », comme la presse les surnommait, décidèrent d’assumer pleinement cet état de fait, et tentèrent de dévier le tir pour ne plus être la seule cible, afin que ce procès politique devienne un procès ouvert contre la dictature. C’est ce qu’explique Jaime Sartorius investi dans la défense des accusés du procès 1001 : « (nous voulions) que ça se retourne contre eux. Autrement dit, que le régime paie le prix de ce qu’il était en train de faire en quelque sorte36 ». Le seul titre de l’ouvrage coordonné par José Babiano et consacré à ce procès emblématique, Proceso 1001 contra Comisiones Obreras, ¿Quién juzgó a quién ?37, souligne également ce renversement de situation. Les accusés décidèrent de transformer ce procès en un réquisitoire contre le régime ; réquisitoire d’une opposition antifranquiste dont l’unité devait être reflétée dans l’origine multipartite des avocats choisis38. En effet, puisque les accusés étaient des dirigeants des Commissions ouvrières, elles-mêmes accusées d’être à la solde du PCE, et que plusieurs d’entre eux étaient effectivement des dirigeants du Parti, les inculpés décidèrent de recourir à des avocats issus de l’ensemble des tendances politiques qui composaient alors l’opposition démocratique espagnole, de la droite démocrate jusqu’à l’extrême gauche. Parmi eux, on retrouvait l’ancien ministre de l’Éducation Joaquin Ruiz Giménez – celui-là même qui avait été démis de ses fonctions après les manifestations étudiantes de 195639 – qui avait rallié depuis des mouvements chrétiens de centre gauche ; José María Gil Robles, ancien chef de la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA)40 pendant la Seconde République, dorénavant chef de la Democracia Social Cristiana ; la défense de Nicolas Sartorius était assurée par Marcial Fernández Montes, ancien procureur du Tribunal suprême, qui avait démissionné pour devenir avocat et qui était une personnalité très respectée au sein de la profession41 ; la défense était complétée par Cristina Almeida et Manuel López, deux avocats communistes, un membre de Convergencia Socialista, censé représenter l’aile socialiste de l’opposition, et une avocate membre de l’Organisation révolutionnaire des travailleurs (ORT), parti marxiste-léniniste et maoïste, Francisca Sauquillo. Les membres du PSOE sollicités avaient tous refusé de prendre part à ce procès, jusqu’à ce qu’à la veille de son ouverture, le sévillan et futur président du gouvernement Felipe González se propose pour participer à la défense des inculpés du Procès 100142. Au total, ce sont dix avocats et dix co-défenseurs incarnant l’ensemble de l’éventail de l’opposition au franquisme qui s’engagèrent dans ce procès hors du commun43.

  • 44 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 82.
  • 45 El proceso 1001 y su conflictividad potencial, AGA, DGS, 44.1345.
  • 46 Claudia Cabrero, Irene Díaz, José G. Alén, Rubén Vega, Abogados contra el franquismo, op. cit., p.  (...)
  • 47 Sentencia Juicio 1001, Archivo Ministerio Interior.
  • 48 Ibid.
  • 49 Sumario del proceso 1001, Archivo Fundación Felipe González, op. cit.

20Les charges qui pesaient sur les « Dix de Carabanchel » étaient lourdes, et l’issue du procès connue d’avance. Le régime, satisfait de sa prise, qui mettait à mal la coordination du mouvement ouvrier, espérait bien que le jugement rendu ait caractère d’exemplarité aux yeux de l’opposition. Le procureur sollicita donc des peines allant de douze à vingt ans de prison pour les dix inculpés. Juan José del Águila fait remarquer que les peines encourues « rappelaient celles que la Justice Militaire infligeait après la Guerre Civile44 ». La correspondance de l’un des « Dix », Juan Muñiz Zapico, permet de mieux connaître l’orientation qu’ils souhaitaient donner au procès. Pour eux, l’instruction du délit étant collective, la défense devait l’être également. Tous les accusés étaient des membres connus et respectés du mouvement ouvrier dans leurs secteurs et provinces respectives (Madrid, Séville, Oviedo, Saragosse, Biscaye et Valladolid)45. Il fallait désormais les faire apparaître au niveau national comme l’incarnation collective d’un mouvement unitaire. On devait insister sur le fait que ce procès était le procès de la classe ouvrière qui s’opposait au franquisme46. Enfin, le contenu des rapports de police transmis et reproduits presque à l’identique par le procureur du Tribunal d’ordre public, prouvait que le régime était bien décidé à les faire passer pour de violents agitateurs. Les chefs d’inculpations n’étaient pas nombreux, mais ils étaient d’une gravité extrême au regard de la dictature. Les « Dix de Carabanchel » étaient accusés d’intégrer une Commission de coordination nationale, ou Commission permanente, organe de direction du mouvement ouvrier47. Ils étaient également accusés d’avoir attaqué l’Organisation syndicale de l’intérieur, en infiltrant les postes proposés à l’élection et en encourageant les ouvriers à organiser des assemblées et à se mettre en grève48. Enfin, et c’était là l’accusation la plus lourde de conséquences, le juge du TOP estimait que les Commissions étaient organisées, encouragées et financées par le PCE. La dictature avait compris que l’objectif des CO, tout comme du PCE, était de s’implanter dans toute l’Espagne, en créant des ramifications par secteur industriel et par zone géographique, afin de parvenir à organiser une grève générale pour « transformer par la force la structure étatique actuelle49 ». Le TOP insistait donc beaucoup sur la « violence intrinsèque » du Parti communiste et, par conséquent selon l’accusation, des Commissions ouvrières :

  • 50 Ibid.

« La violence circonstancielle du mouvement communiste est absolument vraie, motivée et inhérente à son expérience notoire de violence indélébile, essentielle, potentielle et actuelle, propre au communisme militant, autant pour la conquête et l’exercice autoritaire du pouvoir, que pour sa conservation inconditionnelle une fois conquis […]50. »

  • 51 Sans Titre, AGA, DGS, 44.1345.
  • 52 Sumario del proceso 1001, Archivo Fundación Felipe González, op. cit., p. 7.

21Les prévenus récusèrent massivement les accusations de violence à leur égard : « Je rejette la violence, je suis partisan du dialogue et de la justice sociale, et je suis contre la persécution. Je me consacre et me consacrerai toujours au sacerdoce51 » affirmait Francisco García Calve. Quatre d’entre eux étaient accusés d’avoir « un comportement social exécrable52 », et les rapports rédigés pour les présenter sont particulièrement révélateurs de la hargne de la Brigade politico-sociale (BPS) et du procureur du TOP à leur encontre. Voici comment est présenté Nicolas Sartorius :

  • 53 Ibid., p. 85.

« Réellement dangereux, depuis des années, il ne fait usage de la liberté que pour commettre des délits. Cet individu est ami avec d’autres qui sont aussi pernicieux que lui53. »

22Car l’objectif du TOP était également, comme le rappelle Juan José del Águila, de diaboliser ses opposants, en les présentant à l’opinion publique comme des délinquants multirécidivistes, dangereux pour la paix et la stabilité politique de l’Espagne.

  • 54 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 233.

23Le 20 décembre 1973 débutait le procès des « Dix de Carabanchel ». L’un d’entre eux, Pedro Santiesteban se souvient du « déploiement policier spectaculaire. Il y avait sept voitures de police au total, certains policiers portaient des fusils à lunettes télescopiques, ce qui confirmait l’intention du régime de nous faire apparaître comme de dangereux criminels face à une opinion publique dans l’attente du procès54 ». Or ce matin-là, alors que les accusés étaient déjà dans les cellules au sous-sol du tribunal, le président du gouvernement et homme de confiance de Franco, Luis Carrerro Blanco, était victime, rappelons-le, d’un attentat à la bombe perpétré par l’organisation indépendantiste basque ETA, dont il mourut quelques heures plus tard. Lorsque la nouvelle de l’attentat arriva au tribunal, le procès fut momentanément suspendu. Le 27 décembre 1973, les accusés furent finalement condamnés à un total de 162 ans de prison, les peines allant de douze ans et un jour pour les « novices », et jusqu’à vingt ans pour les plus téméraires. Ces condamnations furent les plus importantes jamais prononcées par le TOP tout au long de ses quatorze années d’existence. Les « Dix de Carabanchel » firent appel de cette décision.

  • 55 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Sr. Director del New York Times, mai 1 (...)
  • 56 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Al Congreso de la CGIL, juin 1973.
  • 57 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Carta a la FSM, mars 1973.
  • 58 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A los delegados y asistentes al congre (...)
  • 59 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Desde la prisión de Carabanchel al con (...)
  • 60 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A la opinión pública, novembre 1973.
  • 61 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Carta abierta de los procesados del 10 (...)
  • 62 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds TOP, Jaime Sartorius, 08/031, A los trabajadores, a la opinión (...)
  • 63 AHPCE, Llamamientos, 39/8.5, A la conferencia episcopal, février 1975.
  • 64 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A la sala segunda del Tribunal Supremo(...)
  • 65 AHPCE, Correspondencia, 39/8.3, Carta de los presos de la 3ra galería de Carabanchel, octobre 1974.
  • 66 AHPCE, Correspondencia, 39/8.3, Ref 406/19, novembre 1974.
  • 67 AHPCE, Llamamientos, 39/8.5, Ref. 275/7, août 1974.

24Dès leur arrestation en février 1972, jusqu’à l’appel du jugement en 1975, les accusés, soutenus par leurs proches, leurs épouses et leurs avocats, déployèrent une grande campagne d’information et de solidarité. Bien que confinés derrière les murs de Carabanchel, ils poursuivirent autant que possible la lutte, tâchant d’entretenir la campagne de solidarité avec de nombreuses lettres ouvertes envoyées à divers journaux et personnalités espagnoles et étrangères. On retrouve des courriers adressés par les « Dix de Carabanchel » au directeur du New York Times55, au Congrès de la Confédération générale italienne du Travail56, à la Fédération syndicale mondiale57, au Congrès des syndicats britanniques58, ou encore au Congrès mondial de la Paix59. Plusieurs lettres furent également envoyées aux journaux étrangers et diffusées clandestinement en Espagne avant le début de l’audience en novembre 197360, au lendemain du jugement en février 197461, et à la veille du procès en appel en février 197562. Un autre courrier fut rédigé et signé par les neuf inculpés du procès 1001 présents à Carabanchel (Francisco García Calve avait été envoyé au centre de détention de Zamora, réservé aux prêtres) et envoyé à la Conférence épiscopale au mois de novembre 197463. Dans leurs missives, les accusés appelaient à la prise de position publique pour leur défense, remerciaient leurs destinataires pour leur soutien, les informaient d’actions menées ailleurs en Espagne ou dans le monde, et contribuaient ainsi à entretenir la publicité de leur procès et la mobilisation en leur faveur. Ils adressèrent également différents courriers aux autorités espagnole pour protester contre leur incarcération et le procès qui leur était fait64. Enfin, on trouve plusieurs lettres s’adressant aux militants communistes et envoyées avec régularité par les militants incarcérés, dans lesquelles ils expliquaient certaines prises de position comme, par exemple, lorsqu’ils décidèrent d’entamer une grève de la faim pour soutenir une action entreprise à l’extérieur65, ou pour signifier l’envoi de leur contribution financière lors d’une levée de fonds réalisée par Mundo Obrero (organe de presse du PCE)66. Ils commentent également l’actualité politique, comme lors de la création en 1974 de la Junta Democrática, alliance de l’opposition démocratique emmenée par le PCE67.

25La médiatisation de cette affaire entre l’été 1972 et l’hiver 1973 n’empêcha pas le TOP de sanctionner démesurément les dirigeants des Commissions. Toutefois, cette campagne contribua à dégrader un peu plus l’image déjà sinistre du régime franquiste.

  • 68 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 233.

« […] Ce fut une victoire à la Pyrrhus pour le régime. En moins de trois mois, la vague de solidarité, au lieu de décroitre, a augmenté jusqu’à asphyxier le régime. Notre enthousiasme et notre espoir grandissaient en parallèle, et nous pensions justement que notre sacrifice n’avait pas été vain. Le mouvement ouvrier gagnait en prestige et acquérait droit de cité à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Les actes de solidarité se multipliaient de façon inimaginable, et leur écho parvenait jusqu’à la prison. Il est difficile de décrire l’ambiance de ces jours-là, pendant lesquels l’espoir revenait68. »

26Une semaine avant le début du procès en appel au mois de février 1975, les « Dix de Carabanchel » entamèrent une grève de la faim. Le jour de l’ouverture du procès, l’affluence aux abords du Tribunal suprême était importante. Les peines de l’ensemble des accusés furent revues à la baisse. Quatre d’entre eux purent même sortir de prison le soir même. C’était la première fois que le Tribunal suprême diminuait autant les condamnations prononcées par le TOP. Le déclin du régime franquiste était flagrant, la santé du dictateur se dégradait semaine après semaine et l’issue finale de ce procès était le symbole en quelque sorte de l’agonie de la dictature.

Photographie d’une manifestation à Paris en 1973

Photographie d’une manifestation à Paris en 1973

Sources : Juan José del Águila, El TOP : la represión de la libertad (1963-1977), Barcelona, Planeta, 2001, p. 17. Fundación Juan Muñiz Zapico, CCOO de Asturias. [En ligne] : https://www.fundacionjuanmunizzapico.org/​img/​actividades/​2013/​2013_proceso1001/​201312_proceso1001_04.jpg. [consulté le 07 octobre 2021].

Fundación Juan Muñiz Zapico / auteur anonyme

Conclusion

  • 69 Juan José del Águila, El TOP: la represión de la libertad (1963-1977), Barcelona, Planeta, 2001, p. (...)
  • 70 « Decreto ley 10/1975, de 26 de agosto, sobre prevención del terrorismo », [en ligne] : https://www (...)

27Dans la dernière décennie du régime franquiste, les opposants, malgré leur incarcération, ne mirent donc pas leur engagement entre parenthèses. Seuls évoluaient les objectifs immédiats et les modalités de leur combat, en refusant d’être assimilés à des délinquants de droit commun, ou en obligeant la dictature à faire face aux contradictions entre les principes affirmés et leur interprétation législative. Plus les chefs d’accusation étaient hautement politiques, plus les procès étaient médiatisés, plus c’était pour eux l’occasion de retourner la situation et d’entreprendre un procès ouvert contre la dictature. Le Tribunal d’ordre public fondé en 1963 et pensé pour condamner la délinquance politique, ouvra 22 600 procédures entre 1963 et 1977. Il prononça un total de 2 900 condamnations, dont 81 % pour « atteinte à la sécurité intérieure69 ». En août 1975, la dictature frappa une dernière fois en promulguant une Loi de prévention du terrorisme qui liquidait les derniers simulacres de garantie d’indépendance judiciaire70. Malgré tout, ce lourd arsenal ne permit pas au franquisme de venir à bout de la contestation et de l’agitation sociale qui alla croissant au fil des ans. À la mort de Franco, une période intense débuta pour l’opposition démocratique. Les dirigeants des Commissions ouvrières, libérés, prirent une part très active dans le bras de fer qui débuta contre les héritiers de la dictature ainsi que pour l’avènement de la démocratie. Dans un premier temps elles mobilisèrent toutes leurs forces afin d’accélérer la chute du régime en la personne de celui qui avait succédé au dictateur, Carlos Arias Navarro, qui finit par démissionner en juin 1976. Leur mobilisation pacifique après les attentats contre le cabinet d’avocats communistes de la rue Atocha à Madrid en janvier 1977 permit ensuite de contrecarrer l’image d’agitateurs violents et incontrôlables héritée des années de guerre civile et que la dictature avait largement diffusée tout au long de son existence. Puis, la direction des Commissions ouvrière convainquit ses militants d’accepter le volet économique des Pactes de la Moncloa, qui prévoyait une série de mesures d’austérité afin de contrer les conséquences de la crise économique et notamment l’inflation galopante, en échange de la garantie de l’instauration prochaine d’un régime démocratique en Espagne, après plus de quarante années d’une dictature violente jusque dans ses derniers soubresauts.

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Notes

1 José Gómez Alén et Rubén Vega García, Materiales para el estudio de la abogacía antifranquista, Madrid, GPS, 2010. Claudia Cabrero Blanco, Abogados contra el franquismo: memoria de un compromiso político, 1939-1977, Barcelona, Crítica, 2013.

2 Salvador Cruz Artacho, Julio Ponce Alberca, El mundo del trabajo en la conquista de las libertades, Jaén, Publicaciones de la Universidad de Jaén, 2011. José Babiano, Emigrantes, cronómetros y huelgas: un estudio sobre el trabajo y los trabajadores durante el franquismo (Madrid, 1951-1977), Madrid, Fundación Io de Mayo, 1995.

3 José Álvarez Cobelas, Envenenados de cuerpo y alma. La oposición universitaria al franquismo en Madrid. (1939-1970), Madrid, Siglo XXI, 2004.

4 Carme Molinero et Pere Ysàs, La anatomía del franquismo: de la supervivencia a la agonía, 1945-1977, Barcelona, Crítica, 2008. Pere Ysàs, Disidencia y subversión: la lucha del régimen franquista por su supervivencia, 1960-1975, Barcelona, Crítica, 2004.

5 Paul Preston, Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1940, Paris, Belin, 2016.

6 Santos Juliá, Víctimas de la Guerra Civil, Madrid, Booket, 2006.

7 Julián Casanova, Francisco Espinosa, Conxita Mir, Francisco Moreno Gomez, Morir, matar, sobrevivir. La violencia en la dictadura de Franco, Barcelona, Critica, 2004.

8 Santiago Vega Sombría, La política del miedo, El papel de la represión en el franquismo, Barcelona, Crítica, 2011.

9 Pau Casanellas, Morir Matando. El franquismo ante la práctica armada, 1968-1977, Madrid, Los Libros de la Catarata, 2014.

10 Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique : violence et politique en Espagne 1975-1982, Madrid, Casa de Velázquez, 2012.

11 Carme Molinero, Margarida Sala, Una inmensa prisión: los campos de concentración y las prisiones durante la Guerra Civil y el franquismo, Barcelona, Planeta, 2006.

12 Ricard Vinyes, Irredentas: las presas politicas y sus hijos en las cárceles franquistas, Barcelona, Crítica, 2024.

13 Virginie Sudre, « Nicolas Sartorius : un exemple des modalités de l’action antifranquiste entre agonie du régime franquiste et construction démocratique (1956-1978) », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, 28 | 2022, [En ligne], https://doi-org.ezscd.univ-lyon3.fr/10.4000/ccec.13450 [lien consulté le 30 avril 2024].

14 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras: ¿quién juzgó a quién ?, Madrid, Fundación Primero de Mayo, 2013, p. 198.

15 Ibid., p. 198.

16 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 198.

17 Archivo Histórico del Partido Comunista de España (AHPCE, Archives historiques du Parti communiste d’Espagne), Informes, 39/8.6, Informe sobre la cárcel de Carabanchel, 1973.

18 AHPCE, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

19 AHPCE, 39/8.6, Situación de los presos políticos en la prisión de Carabanchel, Novembre 1975.

20 AHPCE, 39/8.6, Formas en que se realizan las comunicaciones orales y escritas de los presos políticos, 1970.

21 Témoignage de Francisco Acosta cité dans, José Babiano Mora (dir.), Proceso 1001 contra comisiones obreras: ¿quién juzgó a quién¿, Madrid, Fundación Primero de Mayo, 2013, p. 203. AHPCE, 39/8.6: Informe sobre la cárcel de Carabanchel, 1973. Situación de los presos políticos en la prisión de Carabanchel, Novembre 1975.

22 Nicolás Sartorius, extrait de l’entretien réalisé le 3 novembre 2017.

23 José Babiano Mora (dir.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 149.

24 AHPCE, 39/8.6, Huelga de hambre en la prisión de Carabanchel, 1967.

25 Archive historique du Travail (AHT, archives du syndicat Commissions ouvrières), 39/8.6, Situación de los presos políticos en la prisión de Carabanchel, Noviembre 1975.

26 AHT, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

27 AHPCE, Informes, 39/8.6, Informe sobre la cárcel de Carabanchel, 1973.

28 AHT, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

29 AHT, Informes, 39/8.6, La separación de los presos políticos en pequeños grupos, 1970, témoignage anonyme.

30 AHT, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

31 AHPCE, Informes, 39/8.6, Huelga de hambre en la prisión de Carabanchel, 1967.

32 AHPCE, Informes, 39/8.6, Carta de Carabanchel, 1975.

33 Les conditions de vie ici dépeintes font la synthèse des nombreux témoignages anonymes qui parvenaient depuis la prison de Carabanchel aux différentes cellules du PCE. Ces lettres sont conservées à l’AHPCE, 39/8.6.

34 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 202. « La política tenía gran importancia entre nosotros y por lo general la mayoría de los colectivos ideológicos celebrábamos reuniones semanales o quincenales, que ocupaban solo algunas horas del largo horario carcelario. »

35 Nicolás Sartorius, ¿Qué son las Comisiones Obreras?, Barcelona, La Gaya Ciencia, 1976, p. 5.

36 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 244 : « que se volviese en contra de ellos. O sea, que de alguna forma el régimen pagase un precio por lo que estaba haciendo. »

37 Ibid.

38 Claudia Cabrero, Irene Díaz, José G. Alén, Rubén Vega, Abogados contra el franquismo, op. cit., p. 238.

39 Andrea Fernandez-Montesinos Gurruchaga, Hijos de vencedores y vencidos: los sucesos de febrero de 1956 en la Universidad Central, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, 2008.

40 En 1932, J.-M. Gil Robles est le cofondateur de ce parti, qui rassemble les partis de droite catholiques et conservateurs opposés à Manuel Azaña. Il s’exile à la fin de la Guerre civile et rentre en Espagne quinze ans plus tard. Il fait partie des participants arrêtés à leur retour de la réunion anti-franquiste de Munich en 1962.

41 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 246.

42 Ibid., pp. 249-250.

43 Pour un panorama exhaustif des antécédents et de l’obédience politique des avocats engagés dans la défense des « Dix de Carabanchel », voir également Juan Moreno, Comisiones Obreras en la Dictadura, Madrid, Fundación 1°de Mayo, 2012, pp. 365-376.

44 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 82.

45 El proceso 1001 y su conflictividad potencial, AGA, DGS, 44.1345.

46 Claudia Cabrero, Irene Díaz, José G. Alén, Rubén Vega, Abogados contra el franquismo, op. cit., p. 157.

47 Sentencia Juicio 1001, Archivo Ministerio Interior.

48 Ibid.

49 Sumario del proceso 1001, Archivo Fundación Felipe González, op. cit.

50 Ibid.

51 Sans Titre, AGA, DGS, 44.1345.

52 Sumario del proceso 1001, Archivo Fundación Felipe González, op. cit., p. 7.

53 Ibid., p. 85.

54 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 233.

55 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Sr. Director del New York Times, mai 1973.

56 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Al Congreso de la CGIL, juin 1973.

57 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Carta a la FSM, mars 1973.

58 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A los delegados y asistentes al congreso de las Trade Unions (TUC) Inglaterra, septembre 1973.

59 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Desde la prisión de Carabanchel al consejo Mundial de la Paz, octobre 1973.

60 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A la opinión pública, novembre 1973.

61 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, Carta abierta de los procesados del 1001, février 1974.

62 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds TOP, Jaime Sartorius, 08/031, A los trabajadores, a la opinión publica, nacional e internacional, 11/02/1975.

63 AHPCE, Llamamientos, 39/8.5, A la conferencia episcopal, février 1975.

64 Archivo Histórico del Trabajo, Fonds Jaime Sartorius 08/031, A la sala segunda del Tribunal Supremo, 30/01/1975.

65 AHPCE, Correspondencia, 39/8.3, Carta de los presos de la 3ra galería de Carabanchel, octobre 1974.

66 AHPCE, Correspondencia, 39/8.3, Ref 406/19, novembre 1974.

67 AHPCE, Llamamientos, 39/8.5, Ref. 275/7, août 1974.

68 José Babiano Mora (coord.), Proceso 1001 contra comisiones obreras, op. cit., p. 233.

69 Juan José del Águila, El TOP: la represión de la libertad (1963-1977), Barcelona, Planeta, 2001, p. 17.

70 « Decreto ley 10/1975, de 26 de agosto, sobre prevención del terrorismo », [en ligne] : https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=BOE-A-1975-18072 [lien consulté le 21 janvier 2024].

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Table des illustrations

Titre Photographie d’une manifestation à Paris en 1973
Légende Sources : Juan José del Águila, El TOP : la represión de la libertad (1963-1977), Barcelona, Planeta, 2001, p. 17. Fundación Juan Muñiz Zapico, CCOO de Asturias. [En ligne] : https://www.fundacionjuanmunizzapico.org/​img/​actividades/​2013/​2013_proceso1001/​201312_proceso1001_04.jpg. [consulté le 07 octobre 2021].
Crédits Fundación Juan Muñiz Zapico / auteur anonyme
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Pour citer cet article

Référence électronique

Virginie Robleda Sudre, « Poursuivre la lutte contre le régime franquiste malgré l’enfermement : les combats des militants des Commissions ouvrières incarcérés à Carabanchel entre 1970 et 1975 »Histoire Politique [En ligne], 52 | 2024, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/17620 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vu5

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Auteur

Virginie Robleda Sudre

Virginie Robleda Sudre est maîtresse de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Elle a obtenu son doctorat en Études hispaniques à l’Université Montpellier 3 en décembre 2021, avec une thèse sur l’action antifranquiste de Nicolas Sartorius (https://www.theses.fr/2021MON30099). Elle est désormais membre de l’IHRIM (UMR 5317). Ses travaux couvrent un large éventail de sujets liés à l’histoire politique et culturelle de l’Espagne.

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