Les députés du PCF privés de leur liberté (1939-1943) : la prison comme lieu politique
Résumés
Souvent présentée comme un monde hermétique aux situations de rupture politique majeure, la prison serait une institution punitive par essence immobile. Notre article propose d’historiciser l’univers carcéral en étudiant les caractéristiques de l’internement des députés du Parti communiste français (PCF) entre octobre 1939 et février 1943. La question de l’enfermement de ces parlementaires en contexte de guerre permet d’explorer les logiques répressives successives de l’appareil d’État, le positionnement idéologique de l’organisation partisane et le vécu des détenus. La prison semble doublement apparaître comme un lieu politique. Elle se révèle être, d’une part, un espace où s’affrontent des stratégies politiques duales : si les pouvoirs publics usent de l’internement pour mettre à l’index des opposants, le mouvement communiste en fait un champ d’action pour défendre dès l’automne 1939 son orientation dite de « guerre impérialiste ». D’autre part, malgré les difficultés de leur quotidien carcéral, les députés emprisonnés conçoivent leur incarcération comme le temps d’une activité militante singulière. Sur le versant archivistique, notre analyse mobilise à la fois les sources de la répression étatique, les documents internes au PCF et des « ego-documents » – tels que les carnets et les lettres écrits en prison –, ainsi que des récits et des souvenirs de la détention.
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Mots-clés :
parti communiste français (PCF), Seconde Guerre mondiale, député communiste, prison, lieu politiquePlan
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1Dans ses mémoires de prison, ouvrage devenu canonique dans la production éditoriale du Parti communiste français (PCF) consacrée à la Seconde Guerre mondiale, le député communiste Florimond Bonte se fait le porte-parole de ses camarades de détention et affirme sans détour :
- 1 Florimond Bonte, Le Chemin de l’honneur. De la Chambre des Députés aux prisons de France et au bagn (...)
« Nous avons avec les faibles moyens qui sont à notre disposition, à combattre pour l’amélioration de notre sort, car, en défendant nos droits individuels, nous défendons le droit général des prisonniers politiques de toutes catégories, détenus actuellement en nombre chaque jour accru, dans toutes les prisons et les camps de concentration de France1. »
2Cette assertion met au jour notre volonté de faire de cette contribution une invite à saisir les caractéristiques de l’enfermement de militants révolutionnaires, investis d’un mandat électoral, en contexte de guerre.
- 2 Pour une approche globale, voir Serge Berstein et Jean-Jacques Becker, Histoire de l’anticommunisme (...)
- 3 Serge Berstein et Jean-Jacques Becker, « L’anticommunisme en France », Vingtième Siècle. Revue d’’h (...)
- 4 Ibid.
- 5 Jean-Claude Vimont, La Prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVI (...)
- 6 Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions (...)
- 7 Voir notamment Serge Wolikow, « Militants et dirigeants communistes face à l’emprisonnement politiq (...)
3Membres d’un groupe parlementaire issu du Front populaire et renommé « Groupe ouvrier et paysan français » après la dissolution de leur organisation le 26 septembre 1939, les députés du PCF sont pris dans une tourmente répressive. Celle-ci s’ouvre avec les premières arrestations lancées à leur encontre dans la nuit du 7 au 8 octobre 1939, et prend fin le 5 février 1943 lors de leur libération du groupe pénitentiaire de Maison-Carrée, dans la banlieue d’Alger. Répondant, au début de la guerre, à une logique d’exception mâtinée de présupposés idéologiques, visant à mettre à l’index les « ennemis intérieurs » d’une Troisième République agonisante, l’anticommunisme d’État2 est animé, sous Vichy, par une dynamique pleinement assumée d’exclusion des « indésirables ». Pour le dire autrement, sous les gouvernements Daladier et Reynaud, l’anticommunisme des pouvoirs publics se caractérise par un volontarisme politique certain qui doit être associé au poids de la conjoncture. En somme, un « anticommunisme de "circonstance"3 », une politique d’exception qui est fonction d’une situation d’exception. Durant cette période, la répression serait la conséquence du positionnement pris par les communistes face aux menaces de guerre et son déclenchement. Néanmoins, en amont, des objectifs politiques ne doivent pas être passés sous silence, cependant qu’en aval des habitudes sont prises par les agents de l’État. Dès l’été 1940, le régime de Vichy se distingue par un « anticommunisme de structure4 », « militant », qui vise à extirper définitivement le communisme. Ces deux temporalités répressives questionnent la thèse d’une « tradition libérale française5 » en matière d’emprisonnement d’adversaires du régime. Peine définie par le Code pénal dès 1832, dont la mise en place effective demeure à la discrétion des pouvoirs publics, la détention politique agit comme un puissant indicateur des représentations de l’appareil d’État à l’égard des communistes. Une relation d’interdépendance se tisse entre le gouvernement mobilisant ses relais coercitifs – justice, autorité militaire, administration pénitentiaire –, le prisonnier, le mouvement communiste et l’opinion publique. Dans le droit fil du schéma interprétatif proposé par Vanessa Codaccioni, la privation de liberté peut être envisagée comme un phénomène répressif résultant d’une « construction collective6 », étatique et militante. Si les pouvoirs publics n’hésitent pas à incarcérer de nombreux élus communistes, la prison éprouve, en retour, l’engagement militant des députés du PCF7. Leur quotidien carcéral met en lumière une forme de mobilisation politique originale, tributaire de modes de détention aux aménagements variables dans le temps. Pour l’Internationale communiste (IC ou Komintern) et sa section française, les arrestations de ces élus communistes deviennent aussi un champ d’action et un enjeu stratégique afin de relayer l’orientation de l’automne 1939 dite de « guerre impérialiste ». Par conséquent, entendue dans une acception large de structure institutionnelle construite spatialement où des idéologies et des pratiques se rencontrent, la prison apparaît comme un lieu politique tant pour l’État qui en use afin d’écarter des opposants, que pour l’organisation partisane et ses membres, qui s’en saisissent pour poursuivre leur action militante.
- 8 Préface de Michelle Perrot à Jean-Guy Petit et al., Histoire des prisons en France (1789-2000), Tou (...)
- 9 Pierre Pédron, La Prison sous Vichy, Paris, Éditions de l’Atelier, 1993 ; Corinne Jaladieu, La Pris (...)
- 10 Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002 ; Vincent G (...)
- 11 Tramor Quemeneur, « Panorama de l’internement des communistes en Afrique du Nord pendant la Seconde (...)
- 12 Extraits du schéma de l’autobiographie dite d’institution reproduit dans Bernard Pudal et Claude Pe (...)
- 13 Sur cette période abondamment étudiée par une historiographie très clivée, les analyses portent sur (...)
4Quoique le « vide8 » historiographique qui a longtemps caractérisé les travaux consacrés à l’emprisonnement durant le second conflit mondial ait été partiellement comblé9, d’autres structures de privation de liberté – émanations de procédures extrajudiciaires – ont davantage retenu l’attention de la communauté historienne, tels les camps d’internement10. L’enfermement de parlementaires communistes au début de la guerre, puis leur déportation en terre algérienne sur la décision arbitraire du gouvernement de Vichy, se trouvent relativement « marginalisé[s] dans les mémoires et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale11 ». Par ailleurs, si le mouvement communiste s’intéresse dès l’orée des années 1930 aux « répressions subies » et au « casier judiciaire12 » de ses adhérents en lien avec sa politique d’encadrement biographique, l’historiographie des communismes attentive à la séquence 1939-194513 a peu investi ce terrain de recherche de l’enfermement politique.
- 14 Pour se limiter à une seule référence, voir Norval Morris et David J. Rothman, The Oxford History o (...)
- 15 À l’inverse, dans une démarche attentive au poids de la conjoncture, voir Pierre Lascoumes, « Ruptu (...)
5Mobilisant tout à la fois les sources de la répression étatique, des documents internes à l’organisation ainsi que des écrits de prison et des témoignages, notre étude entend prendre la mesure des situations de rupture politique majeure sur l’univers carcéral, souvent présenté comme hermétique aux changements14. Nombre d’historiens insistent sur la faiblesse des répercussions des crises politiques sur le recours à l’enfermement et le fonctionnement des geôles, la prison étant envisagée comme une institution punitive par essence « immobile15 ». Analyser le phénomène d’internement des députés communistes en situation de guerre permet, sans nier les invariants de la détention, d’historiciser la prison et d’en explorer différentes dimensions. D’abord, nous aborderons l’emprisonnement des parlementaires communistes au prisme de la relation dynamique qui s’instaure entre répression étatique et, en réaction, mobilisations partisanes. Puis, nous évoquerons leur expérience carcérale marquée du sceau d’une détention militante.
L’emprisonnement des députés communistes : des stratégies politiques duales
Les pouvoirs publics et la répression d’un « ennemi intérieur »
- 16 Les accords de Munich, signés en septembre 1938 entre le Troisième Reich, l’Italie fasciste, la Fra (...)
- 17 Chiffres estimés par Roger Martelli, dans Prendre sa carte, 1920-2009 : données nouvelles sur les e (...)
- 18 Voir Louis Poulhès, L’État contre les communistes…, op. cit.
- 19 Sur ce sujet, voir Morgan Poggioli, « La CGT et la répression antisyndicale (août 1939-décembre 194 (...)
- 20 Voir notamment Ingo Kolboom, La Revanche des patrons. Le patronat français face au Front populaire, (...)
- 21 « Note de M. Georges Bonnet, Ministre des Affaires Étrangères, sur son entretien avec le comte de W (...)
6Marginalisé politiquement depuis la fin du Front populaire, pourfendeur de la politique munichoise assumée par le gouvernement Daladier16, le PCF constitue pour ce dernier une opposition encombrante autant qu’un adversaire tout désigné pour resserrer ses rangs. Cette dynamique répressive apparaît d’autant plus comme une rupture qu’elle vise un parti encore puissant, pleinement intégré à la vie politique française et imprégné d’une culture républicaine qu’il articule à sa tradition révolutionnaire, encore davantage depuis le tournant antifasciste de 1934. Le parti enregistre ainsi des succès électoraux inédits dans le cadre du Front populaire, qui se traduisent par l’obtention de soixante-douze députés, de nombreux élus notamment dans la « ceinture rouge » et le passage de 53 000 à 229 000 adhérents entre 1935 et 1939, avec un pic à 292 000 en 193717. Sans avoir à attendre le déclenchement de la guerre, les autorités de la Troisième République, alors dominée par les radicaux, renouent avec une rhétorique datant des années 1920 et ne tardent pas à désigner à nouveau les communistes comme des « ennemis intérieurs » à abattre18. La répression antisyndicale fragilise le mouvement ouvrier dès l’automne 193819, dans un contexte de remise en cause des accords Matignon qui aboutit au licenciement de nombreux grévistes20. En décembre, un appel est adressé au président du Conseil pour interdire le PCF, pendant que la France reçoit en grandes pompes le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne nazie von Ribbentrop. Quelques mois plus tard, le 1er juillet 1939, lors d’une rencontre avec l’ambassadeur allemand à Paris, le ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet prévenait son interlocuteur qu’en cas de guerre, « les élections seraient suspendues, les réunions publiques interdites, les tentatives de propagande étrangère, quelles qu’elles soient, réprimées, les communistes mis à la raison21 ».
7À ce titre, la signature du pacte de non-agression germano-soviétique le 23 août 1939 offre une occasion d’intensifier la répression contre les communistes. Comme le notent Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow dans Le Parti rouge. Une histoire du PCF :
- 22 Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow, Le Parti rouge. Une histoire du PCF, 1920-2020, Pari (...)
« La signature du pacte germano-soviétique, préparée dans le plus grand secret par Staline et son entourage le plus proche, prend à contre-pied la direction soviétique dans sa majorité, les responsables de l’Internationale présents à Moscou et la totalité de ses sections nationales. Le PC français n’échappe pas à la règle. Désarçonné par la nouvelle, ignorant le protocole secret prévoyant le partage de la Pologne, il s’empresse de justifier la décision soviétique en fustigeant les atermoiements franco-britanniques des mois précédents22. »
- 23 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », dans Jean-Pierre Azéma et al. (dir.), Le Parti co (...)
8L’acceptation par les communistes français de ce pacte de non-agression conclu entre l’Allemagne nazie et l’URSS de Staline n’est pour autant pas allée de soi, tant la surprise et l’incompréhension ont fait suite à son annonce. En effet, perçu par le PCF comme un véritable « coup de tonnerre23 », le pacte jette le trouble parmi les militants communistes. Il marque une rupture majeure dans l’orientation unitaire de Front populaire suivie par l’organisation communiste depuis le milieu des années 1930. Si L’Humanité et Ce Soir du 26 août approuvent sans réserve le pacte, les deux quotidiens appellent en même temps à l’« union de la nation française contre l’agresseur hitlérien ». La presse communiste est pour autant saisie et interdite dès le lendemain. Après l’invasion de la Pologne, les communistes votent les crédits de guerre le 2 septembre. En revanche, le changement de stratégie opéré à Moscou au sein de l’IC, sous l’injonction de Staline, oblige la direction du PCF à clarifier sa ligne. Les communistes doivent désormais dénoncer une « guerre impérialiste », renvoyant dos à dos États fascistes et démocratiques. Stéphane Courtois et Marc Lazar rappellent par ailleurs la désorganisation du groupe dirigeant :
- 24 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, Presses Universitair (...)
« Ce bouleversement politique acheva de semer la pagaille dans un parti déjà largement perturbé. La direction fut dispersée : Fried était parti début septembre organiser un centre clandestin à Bruxelles ; Thorez, Guyot et Gitton étaient mobilisés et Marty résidait à Moscou. Seuls Duclos, Frachon, Ramette et Tréand restaient libres de leurs mouvements24. »
- 25 Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow, Le Parti rouge…, op. cit., p. 76.
- 26 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 251.
9Jacques Duclos affirme encore le 7 septembre que la guerre est certes « impérialiste » mais conserve « un caractère révolutionnaire antifasciste25 ». Néanmoins, la nouvelle ligne officielle est définitivement fixée dès le lendemain par une directive venue du Komintern26.
- 27 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », art. cit., p. 206.
- 28 Julian Mischi, Le parti des communistes. Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours, (...)
- 29 Figure moins connue du PCF, le député de la troisième circonscription de Pontoise, Émile Cossonneau (...)
- 30 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », art. cit., p. 205.
10Si la direction du parti se distingue alors – à l’exception de trois de ses membres – par son soutien au pacte, nombre d’adhérents le désapprouvent, cependant que d’autres connaissent un véritable « déchirement27 », tiraillés entre leur volonté de maintenir la ligne antifasciste et leur attachement à l’URSS. Le groupe parlementaire est fortement ébranlé. Vingt-cinq des soixante-douze députés de mai 1936 quittent le parti, surtout les plus âgés et les moins intégrés à l’appareil central, ceux qui disposent de mandats locaux et sont issus de secteurs d’implantation récente28. Certains, comme Gabriel Péri qui veut croire que le pacte n’est qu’une position tactique, se mettent en retrait mais ne quittent pas l’organisation29. En ce sens, Jean Maitron opère une distinction utile entre l’« attitude apparente » – la prise de position publique – et l’« attitude intérieure » de certains élus face à ce revirement30. Il s’agit donc, pour plusieurs parlementaires, d’un processus complexe de positionnement politique dont la temporalité et les raisons demeurent, pour chacun d’eux, particulières.
- 31 Journal officiel, Lois et décrets, 27 septembre 1939, p. 11770.
- 32 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 254.
- 33 Voir Guillaume Bourgeois et Denis Peschanski, « Les députés communistes devant leurs juges : un pro (...)
- 34 Service historique de la Défense (SHD), 9 N 363, Ministère de la Défense nationale et de la guerre, (...)
- 35 Journal officiel, Lois et décrets, n° 178, 30 juillet 1939, pp. 9627-9634.
- 36 Corinne Jaladieu, La Prison politique…, op. cit., p. 21.
11La France ayant basculé juridiquement en état de siège depuis le début de la guerre, un décret-loi en date du 26 septembre dissout le PCF et l’ensemble de ses organisations satellites, proscrivant plus généralement toute activité communiste, celle-ci étant assimilée à un danger pour la défense nationale31. Sur les soixante-douze députés élus en 1936, quarante-quatre rejoignent le Groupe ouvrier et paysan français (GOPF) le 29 septembre et adressent une lettre au Président Herriot le 1er octobre appelant à la paix et vantant les initiatives diplomatiques de l’URSS. Le 3 octobre, Maurice Thorez « fut "enlevé" à son régiment en automobile par un "commando" […] et contraint de déserter32 », étant appelé à Moscou par le Komintern. Le 5, paraît au Journal officiel le décret autorisant les interpellations33. Le 7, les premières arrestations ont lieu pour « reconstitution de ligue dissoute » et « propagation des mots d’ordre de la IIIe Internationale ». Gardés à vue au 36 quai des Orfèvres, puis transférés à la prison de la Santé le 8, les députés communistes mis en accusation sont soumis au régime de droit commun. Malgré la demande répétée par les concernés et leur avocat Marcel Willard d’être mis au régime politique, ce statut leur est refusé par le gouvernement34. Ce refus est motivé par le fait que le délit relève du décret du 29 juillet 193935, à savoir « atteinte à la sûreté extérieure de l’État », une « infraction traditionnellement accentuée en temps de guerre » comme le note Corinne Jaladieu36. Les autorités mettent ainsi l’accent sur la nature délictueuse de l’infraction, et non sur ses ressorts politiques, pour justifier leur refus. Le choix du régime de détention apparaît ainsi comme un enjeu politique en tant que tel, dont les acteurs sont pleinement conscients.
- 37 Il s’agit en effet d’un tribunal militaire dans la mesure où la France est en état de siège.
- 38 SHD, 9 N 363, acte d’accusation.
12Le 30 novembre, alors que Thorez a été condamné deux jours plus tôt par le tribunal d’Amiens à six ans de prison pour désertion, la Chambre vote la levée de leur immunité parlementaire, puis la déchéance de leur mandat le 20 février 1940, avant même que ne soit prononcée leur condamnation. Le colonel Loriot37, le 24 février, dresse l’acte d’accusation contre les « 44 » inculpés. Après avoir établi la liste des mis en cause dont neuf sont alors en fuite, deux mobilisés et trois en liberté provisoire, il souligne l’objectif du gouvernement de « mettre un terme à la propagande et à l’activité communistes qui, à la lumière des événements, lui apparaissent de nature à compromettre la défense et la sécurité de la nation38 ». La date du procès, qui doit se tenir à huis clos, est fixée au 20 mars.
Un procès politique ? La stratégie de défense communiste
- 39 Archives d’État russes d’histoire politique et sociale (RGASPI), 495/184/4 (sortie 1939), 64, n° de (...)
13Si le régime politique est refusé aux députés communistes incarcérés, le mouvement communiste entend bien faire de ce procès une affaire politique. L’étude des archives du Komintern, notamment des échanges entre la direction communiste française et Moscou, révèle l’importance d’une défense politique des détenus pour fustiger la « guerre impérialiste ». En témoignent par exemple les critiques qu’exprime André Marty, depuis Moscou, sur les premiers interrogatoires des députés qui avancent souvent des arguments juridiques et pas suffisamment politiques à son goût39.
- 40 RGASPI, 517/1/1906, note d’André Marty sur l’attitude des députés communistes français arrêtés, 3 d (...)
- 41 RGASPI, 517/1/1906, lettre de Benoît Frachon adressée à l’IC, reçue le 17 janvier 1940 (écrite vers (...)
14En effet, certains députés se montrent hésitants. D’autres encore, tel Renaud Jean, n’hésitent pas à faire part de leurs critiques vis-à-vis de la « Lettre à Herriot ». La difficulté à obtenir son assentiment, et la peur qu’il partage ses doutes avec d’autres camarades incarcérés, sont débattues par la direction communiste et ses correspondants à Moscou, lesquels élaborent au contraire une stratégie de bloc solidaire40. En décembre 1939, Benoît Frachon soutient que « Willard voulait avoir le bloc des détenus », et d’ajouter que l’avocat « s’est plaint de l’état d’esprit d’un certain nombre de ses clients. Il m’a parlé d’un groupe de résistants avec comme principal député R.J [Renaud Jean]41 ». À la mi-février, vingt-sept députés ont accepté de signer la déclaration finale devant illustrer la solidarité du « bloc », manifester la loyauté des députés à la ligne du parti et être lue par François Billoux à la fin du procès.
- 42 Notamment les numéros clandestins de L’Humanité du 30 octobre 1939, du 10 novembre 1939 ou encore d (...)
- 43 RGASPI, 517/1/1906, tract « Libérez les députés communistes et les militants syndicaux emprisonnés (...)
15L’enjeu pour la direction communiste est de faire de la salle d’audience une tribune politique autant qu’un vecteur de cohésion pour une organisation désorganisée, déjà affaiblie par la crise née du pacte germano-soviétique avant d’être condamnée à la clandestinité. Une stratégie de « mobilisation populaire » est prévue par la direction, avec une campagne de presse et la publication de tracts évoquant l’emprisonnement arbitraire voire illégal des élus communistes42. Dans l’un d’eux, on peut par exemple lire que « les cellules de la Santé ont remplacé les cachots de la Bastille. Les arrestations massives et illégales ont remplacé les lettres de cachet43 ».
- 44 RGASPI, 517/1/1905, déclaration des députés communistes, version du 19 mars 1940, en ligne sur Pand (...)
16Les semaines qui précèdent le procès sont ainsi marquées par la stratégie de défense des députés, pensée en dialogue avec le Komintern. Marcel Willard est chargé de prononcer la plaidoirie juridico-politique, qu’il axe sur la dénonciation de la répression anticommuniste, et sur l’exaltation du Parti, victime de la dictature des deux-cents familles qui oppriment le peuple en le condamnant à la guerre. François Billoux, seul membre du Bureau politique (BP) présent lors de l’audience, lit au nom de ses camarades inculpés une déclaration finale offensive contre le gouvernement Daladier. Il déclare ainsi : « Nous avons été arrêtés et nous sommes poursuivis parce que nous sommes des communistes, parce que nous sommes restés des communistes malgré les sollicitations, malgré les menaces, malgré la répression44 », avant de garantir à l’auditoire que « ce ne sont ni les poursuites, ni les condamnations, ni les camps de concentration qui empêcheront les communistes de poursuivre cette œuvre éminemment humaine ». S’ensuivent les conclusions de la défense qui demande l’acquittement. Toutefois, le procès se tenant à huis clos, les communistes peinent à en faire un grand événement politique.
De la Santé au bagne d’Alger, de l’enfermement à l’éloignement
17Le verdict est rendu le 3 avril 1940. Tous écopent de la peine maximale de cinq ans d’emprisonnement assortie d’une amende de 4 000 à 5 000 francs et de la déchéance de leurs droits civiques et politiques, à l’exception de huit condamnés qui voient leur peine d’emprisonnement commuée en quatre ans avec sursis, pour blessures de guerre ou désolidarisation avec la déclaration finale. Ces derniers sont alors assignés à résidence en province, tandis que les « 27 du chemin de l’honneur », selon la terminologie du PCF, sont reconduits en prison à la Santé. Dans une lettre qu’il adresse à sa femme Denise le soir-même, Ambroise Croizat analyse cette sentence :
- 45 Fonds privé Caillaud-Croizat, archives familiales, lettre du 3 avril 1940 à Denise Croizat.
« À défaut de victoire sur le front militaire, le gouvernement vient de remporter la seule victoire qu’il ambitionnait. Cette guerre totale contre nous aura abouti à ce tableau effarant : deux cent douze années de prison. Plus de deux siècles. Deux millions de francs d’amende. Voilà ce que coûte en France le délit d’opinion45... »
18Après deux mois supplémentaires passés à la Santé, les députés incarcérés prennent le 18 mai 1940, en pleine débâcle, le chemin de l’exode, à travers un long périple en fourgon cellulaire vers le sud de la France. Ils sont répartis par ordre alphabétique dans les prisons d’Angers, de Poitiers et de Niort, puis sont réunis à la fin du mois de juin à Tarbes. Le 29 juin 1940, ils arrivent au Puy-en-Velay où ils séjournent neuf mois. À nouveau séparés, ils se retrouvent au pénitencier de Maison-Carrée en avril 1941.
- 46 Virgile Barel, Cinquante années de luttes, Paris, Éditions sociales, coll. « Souvenirs », 1966, p. (...)
19C’est ici que notre étude des lieux de privation de liberté rejoint celle du transfert pénitencier. Les véhicules utilisés apparaissent en effet comme des lieux de privation de liberté à part entière, bien que mobiles et temporaires. Leur configuration spatiale et l’absence de confort dans leur aménagement opèrent une continuité avec l’isolement et la mise à l’épreuve, aussi bien physique que mentale, qu’expérimente le détenu dans la prison. Virgile Barel écrit ainsi : « Sur le navire, on nous entassa dans une véritable cellule en ciment, sans hublots46. » Liliane Croizat se souvient quant à elle des mots de son père, de retour de captivité :
- 47 Témoignage cité dans Michel Étiévent, Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Challes-les-Eaux, Éd (...)
« Il lui restait surtout ces visions terribles du voyage, enfermé dans ce fourgon surchauffé, lâchement abandonné par la police au milieu de la route quand les avions allemands mitraillaient le convoi. […] Mais c’est surtout les chaînes qui l’avaient marqué. Ces chaînes aux pieds dans la cale du bateau qui filait vers Alger. Un élu du peuple mis aux fers par ceux qui étaient devenus des serviteurs d’Hitler. C’est cela, je crois, qu’il ne supportait pas. C’est là que ses mots s’arrêtaient. Juste avant les larmes47. »
20Le traitement subi dans les fourgons cellulaires comme dans le bateau qui les mène à Alger révèle la reproduction, dans ce contexte de guerre, de pratiques carcérales et répressives violentes et humiliantes, comme l’envoi au bagne ou l’internement des militants anticolonialistes. L’absence de sécurisation des détenus lors de leur convoi, voire dans une certaine mesure leur mise en danger délibérée, alourdissent leur peine d’enfermement, à travers des pressions psychologiques, la peur d’une mort soudaine et, plus prosaïquement, des pratiques d’humiliation politique, perçues comme des atteintes à leur dignité.
- 48 Christine Levisse-Touzé, « Les camps d’internement d’Afrique du Nord. Politiques répressives et pop (...)
- 49 André Moine, La Déportation et la Résistance en Afrique du Nord, Paris, Éditions sociales, 1972, p. (...)
- 50 Fonds privé Caillaud-Croizat, archives familiales, lettre du 9 avril 1941 à Denise Croizat.
21À ce titre, l’avènement du régime de Vichy est synonyme d’une détérioration des conditions de détention pour les députés communistes déchus. Celle-ci peut s’expliquer par la rupture entraînée par la capitulation du maréchal Pétain le 17 juin 1940, ouvrant la voie à la collaboration puis à la lutte contre la Résistance, en particulier communiste. Le choix de l’Algérie comme lieu de détention, et en particulier du bagne de Maison-Carrée, n’est pas neutre. Dès mars 1941, l’Algérie commence à servir de « terre de déportation pour les "indésirables" » et les détenus jugés « dangereux48 ». Les raisons de cette déportation sont sans doute multiples, mais André Moine y voit principalement « une garantie contre le développement de la Résistance49 », une « double précaution » pour Vichy qui lui permet de « séparer de la population une avant-garde de militants avertis ». Le 14 avril 1941, Denise Croizat reçoit ainsi une courte missive d’Algérie : « Mon lieu de déportation t’est donc connu. C’est une maison de forçats50. » Les détenus sont placés par deux dans des cellules, à l’exception de neuf d’entre eux qui, faute de locaux, sont regroupés dans une grande cellule aux petites fenêtres avec des barreaux de fer. L’envoi en Afrique du Nord est ressenti par les anciens députés comme une sanction politique injuste, d’une extrême violence. François Billoux écrit au ministre de la Justice, le 29 mai 1941 :
- 51 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux.
« J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir me faire savoir si nos 5 ans de prison ont été transformés en une condamnation à la mort lente à la suite de notre déportation illégale en Algérie51. »
22Cette thématique de la déportation, omniprésente dans les récits des intéressés, insiste autant sur l’hostilité du lieu de privation des libertés que sur l’arbitraire de la mesure.
- 52 Voir la notion de « vichysme colonial » développée par Jacques Cantier dans L’Algérie sous le régim (...)
- 53 Jacques Cantier, « Les camps d’internement dans l’Algérie de Vichy », art. cit., p. 51.
- 54 Virgile Barel, Cinquante années…, op. cit., p. 168.
- 55 Jean Vigreux, Waldeck Rochet. Une biographie politique, Paris, La Dispute, 2000, p. 123.
23Après le débarquement allié en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, la persistance d’un anticommunisme au sein des autorités d’Alger52 justifie une libération tardive des vingt-sept détenus, en février 1943. Cela fait écho au démantèlement du système d’internement en Algérie, qui ne s’est réalisé que de façon très progressive53. Peu après le débarquement, un certain Portelli, à la tête du Service d’ordre légionnaire, se rend même à Maison-Carrée en prétextant avoir reçu pour ordre de fusiller les anciens députés communistes. En l’absence d’ordre écrit, le directeur de la prison téléphone au Commandant de la place, qui nie avoir donné une telle consigne. Comme le raconte Virgile Barel : « C’est à ce simple geste que nous devons nos vies54. » Après des semaines d’attente, fin novembre, les détenus ont enfin des nouvelles des autorités, par le biais du préfet, qui leur propose le mois suivant une libération sous conditions politiques. Cette libération, finalement sans condition, n’intervient que le 5 février 1943, après plus de trois ans d’enfermement. Le rôle des Alliés semble d’ailleurs décisif dans cette remise en liberté, le général Eisenhower ayant imposé au général Giraud la libération des communistes55.
L’univers carcéral des parlementaires communistes internés : militer au quotidien « à l’ombre des hauts murs56 »
Poursuivre le combat : entre difficultés et moyens limités
- 57 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 29 juin 1940.
- 58 Ibid., 5 avril 1941.
- 59 Lucien Midol, La Voie que j’ai suivie, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 178.
- 60 Ibid., p. 184.
24Force est de reconnaître, d’abord, les multiples obstacles posés à l’action politique derrière les barreaux. Cette activité dépend fortement des modes d’incarcération appliqués aux députés communistes ainsi que du contexte militaire et politique. Les parlementaires connaissent, en tant que prévenus de droit commun, le régime cellulaire de la Santé : leur isolement n’est que ponctuellement rompu, jusqu’à la fin de leur procès, par les visites au parloir ou les rendez-vous chez le juge d’instruction. Leur condamnation définitive en mai 1940 induit une aggravation de leur statut. Néanmoins, la désorganisation administrative liée à la débâcle et au début de l’Occupation, tout comme l’afflux massif de prisonniers, ont pour effet de rassembler les « 27 » à la maison d’arrêt du Puy-en-Velay57. Lors de leur sévère détention en Algérie où la faim et la maladie les accablent, les ex-députés demeurent soumis au régime de droit commun, malgré leur regroupement dans le quartier politique du bagne58. Grâce à leurs « protestations59 », ils peuvent séjourner librement dans la cour en journée, les cellules n’étant fermées que la nuit. À la faveur du débarquement anglo-américain, leur « régime intérieur s’améliore60 » lentement et les discussions politiques se multiplient.
- 61 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 147 et pp. 385-388.
- 62 Virgile Barel, Cinquante années de luttes, op. cit., p. 164.
- 63 Étienne Fajon, Ma vie s’appelle liberté, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 158.
- 64 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 388.
- 65 Ibid., p. 415.
25Par ailleurs, mener une activité militante suppose, pour les communistes internés, d’être tenus au courant des événements extérieurs et, au premier chef, de l’orientation politique suivie par le PCF. Leur statut de droit commun ne leur permettant pas d’avoir de journaux, trois canaux d’information privilégiés semblent repérables pour briser, fût-ce partiellement, l’hermétisme carcéral. D’abord, le rôle des avocats, comme intermédiaires à la fois entre la direction du PCF et les détenus mais aussi entre prisonniers eux-mêmes, est prégnant61. Ensuite, les femmes des détenus apparaissent comme une source de renseignements essentielle. Virgile Barel reçoit de sa compagne des lettres codées déjouant la censure62. Utilisant « une technique personnelle63 » plus hardie, Juliette Fajon s’emploie à dissimuler des documents sur papier pelure dans les objets qu’elle est autorisée à transmettre aux détenus64. Enfin, certains gardiens, tel le sergent de la prison marseillaise du fort Saint-Nicolas qui transmet habilement des journaux à François Billoux65, informent le groupe des « 27 ».
- 66 Chiffre obtenu grâce aux notices biographiques des vingt-sept députés, consultées dans le Maitron.
- 67 Fonds privé Hélène Brun, carnet de défense de François Billoux.
- 68 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 76.
- 69 Ibid., p. 469.
26Quoique peu nombreux, différents moyens sont utilisés par les députés pour continuer la lutte politique depuis leur cellule. À la différence des détenus de droit commun, ces élus communistes conçoivent leur incarcération comme le temps d’une activité militante singulière. D’ailleurs, huit d’entre eux ont déjà fait l’expérience de la prison durant l’entre-deux-guerres66, le temps de l’enfermement étant l’une des étapes marquantes du « cursus honorum » de la plupart des cadres du PCF. La fidélité au parti, qualité suprême attendue de tout membre de l’organisation, se mesure aussi dans les épreuves. La fermeté idéologique ne peut être ébranlée par la rigueur des conditions de détention. Certains dirigeants communistes connaissent donc les particularités d’une pratique politique spécifique, entravée par la privation de liberté. Dès leur arrivée à la Santé, ils préparent activement leur défense en attendant leur procès. François Billoux tient un carnet dans lequel il rédige des notes pour l’instruction et consigne des documents de la procédure judiciaire67. Archétype des combats menés par les prisonniers, une grève de la faim est suivie par Jean Duclos en vue de sa mise en liberté provisoire68. Le chant peut s’avérer être un moyen original afin de montrer son opposition à une décision politique. En avril 1941, à la prison militaire d’Alger, dans deux cellules différentes, les « 27 » fraîchement déportés se répondent par chants interposés fredonnant La Marseillaise, Le Chant du Départ et La Jeune Garde69. Ils entendent ainsi signifier bruyamment à leurs geôliers l’illégalité d’une telle procédure.
- 70 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 13 octobre 1939.
- 71 SHD, 9 N 363, lettre de Marcel Willard au gouverneur militaire de Paris, 31 octobre 1939.
27Les lettres adressées par les dirigeants communistes internés aux pouvoirs publics apparaissent comme l’outil privilégié du militantisme en milieu carcéral. Les députés les rédigent dès leurs premiers jours d’emprisonnement pour demander leur mise au régime politique70 ou leur mise en liberté provisoire. Elles dévoilent un argumentaire qui associe la défense des libertés républicaines et la dénonciation d’une décision gouvernementale uniquement guidée par des motifs politiques. Synthétisant les diverses demandes des détenus, l’avocat Marcel Willard dénonce l’illégalité d’une procédure judiciaire « éminemment politique », qui se distingue par « une violation de la constitution » de juillet 1875 et « un attentat à la liberté ». Il soutient que la lettre du 1er octobre ne constitue nullement un délit car elle exprime l’opinion de parlementaires, réunis dans une salle de la Chambre des députés, dans l’exercice de leurs fonctions. Il conclut en montrant que ces poursuites « soulignent le péril imminent qui menace les institutions républicaines71 ».
- 72 Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD 93), 324 J 1, cahiers de prison d’Auguste Touc (...)
- 73 Ibid., lettre des 27 députés communistes au général Eisenhower, 24 décembre 1942.
- 74 RGASPI, 517/1/1905, lettre de Renaud Jean à Marcel Willard, 13 janvier 1940. Consulter, également, (...)
- 75 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, lettre au maréchal Pétain, 19 décem (...)
28Forme d’expression politique à part entière, ces lettres servent aussi à marquer les grandes dates du maelström répressif qui frappe les élus depuis l’automne 1939. Tous les « 27 » envoient, par exemple, une « lettre politique72 » au maréchal Pétain à l’occasion du premier anniversaire de leur procès. Elles sont aussi utilisées pour hâter leur libération après le débarquement anglo-américain, comme l’atteste une lettre à Eisenhower, restée sans réponse73. Par ailleurs, certaines lettres révèlent des conceptions politiques divergentes parmi les emprisonnés. Au début de l’année 1940, la missive envoyée par Renaud Jean à son avocat Marcel Willard est topique. Accablé par la signature du pacte germano-soviétique, le député du Lot-et-Garonne décide, d’abord, de taire son désaccord et de se solidariser avec ses camarades favorables à ce revirement. Mais, depuis sa cellule de la Santé, il regrette que son parti ne place pas le procès à venir sur « son véritable terrain, celui de la défense de la liberté de pensée […] et de l’intérêt de la France dans la guerre actuelle74 ». Il s’oppose à une stratégie défensive qui « a été limitée à la défense de la politique actuelle (qu’[il] n’accepte pas) de certains dirigeants du Parti communiste dissous », à savoir la dénonciation de la guerre comme un conflit de nature « impérialiste ». Il finit par congédier son avocat. Cette lettre doit être mise en regard avec celle de François Billoux à Pétain, pour témoigner au procès de Riom contre les « fauteurs de guerre75 ». Celle-ci illustre, à l’inverse, l’intégration totale, par un membre du BP, du tournant stratégique opéré par l’IC à l’automne 1939.
Un lieu d’éducation politique
- 76 AD 93, 314 J 5, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, 4 mai 1941.
- 77 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, liste des livres à disposition des (...)
- 78 Étienne Fajon, Ma vie…, op. cit., p. 164.
29« Tant par les cours que par l’étude du livre, il s’agit pour nous d’apprendre, d’assimiler la théorie marxiste-léniniste76 », soutient Waldeck Rochet lors d’une assemblée générale des détenus communistes organisée à Maison-Carrée au printemps 1941. La consultation des différents carnets de détention révèle d’impressionnantes listes de livres compulsés par les détenus. L’inventaire dressé par François Billoux à Alger donne à voir une surreprésentation des « classiques » de la littérature française77 et, plus rarement, étrangère. Des manuels d’histoire, de mathématiques, de chimie ou de botanique, ainsi que des livres de grammaire russe, italienne ou allemande viennent compléter l’ensemble. Les cahiers tenus par les députés incarcérés témoignent de l’importance de la lecture, activité souvent vespérale, dans leur quotidien carcéral. Si peu d’ouvrages se distinguent par leur contenu idéologique, les bibliothèques des prisons en étant dépourvues, les militants s’emploient à parfaire leur éducation politique grâce aux opus envoyés par les familles ou ceux arrivés dans « des circonstances comiques78 ». La réapparition fortuite à Maison-Carrée d’un sac contenant les quatorze volumes du Capital, livres confondus par le vaguemestre du pénitencier avec de la documentation sur les banques, est à cet égard signifiante.
- 79 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 6 avril 1941.
- 80 Ibid., 8 avril 1941.
- 81 AD 93, 314 J 5, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, 4 mai 1941.
- 82 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 11 mars 1941.
- 83 Jean Vigreux, Waldeck Rochet, une biographie politique, op. cit., p. 118.
- 84 Étienne Fajon, Ma vie…, op. cit., p. 158.
- 85 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 7 novembre 1942.
- 86 Ibid., 12 et 19 août 1941.
- 87 Ibid., non daté.
30Dès que les circonstances permettent aux « 27 » de se retrouver, les tâches intellectuelles peuvent être pensées collectivement. Dès l’arrivée des parlementaires déchus à Maison-Carrée, un « CD79 » (comité de direction) et des « AG80 » (assemblées générales) voient le jour, une « commission [étant] chargée de l’organisation du travail politique81 ». Le « CD » s’avère être le véritable organe politique décisionnel du groupe des détenus dont François Billoux, seul membre du BP parmi les « 27 », devient le responsable. Inaugurés au Puy le 11 mars 194182 et poursuivis en Algérie, de nombreux cours et conférences rythment les mardis de détention des ex-députés. Sept cahiers d’écolier de François Billoux portent trace de cette activité intellectuelle intense. Des groupes d’étude thématiques (économie politique, langues étrangères, etc.) sont également mis en place. La prison devient une « véritable école de formation continue83 ». Étienne Fajon se voit « confie[r] le travail d’éducation du groupe84 » par ses camarades, François Billoux en assurant la supervision. Si chaque détenu dispense au moins un cours selon sa spécialité, ce cycle d’études hebdomadaire donne à voir le rôle central joué par l’instituteur de métier Étienne Fajon assisté par Joanny Berlioz et Waldeck Rochet. Parfois, ravivant le souvenir des luttes révolutionnaires passées, les députés incarcérés profitent de l’actualité pour évoquer les grandes dates du mouvement internationaliste. En témoigne la conférence donnée par François Billoux afin de célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la révolution d’Octobre85. D’ailleurs, cela ne semble pas anodin si celui-ci assure les cours à forte teneur politique, à l’image de ceux consacrés à l’histoire du PCF86 ou de l’IC87. Il demeure, à Maison-Carrée, le membre le plus haut placé de l’appareil central du parti, promu au comité central dès 1926 et au bureau politique dans les années 1930. Il est doté d’une solide culture kominternienne issue, notamment, de nombreux voyages à Moscou.
- 88 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 427.
- 89 AD 93, 314 J 6, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, fin juin 1942.
- 90 Citation extraite de la notice d’Alexandre Prachay, publiée dans le Maitron.
31Par conséquent, l’expérience carcérale des « 27 » révèle une sociabilité militante, fondée notamment sur le partage du savoir. Lieu de réflexion et d’écriture, la prison met également au jour des moments de discussions politiques intenses qui nous conduisent à nuancer l’idée d’un bloc de détenus prétendument « inébranlable88 ». Lors d’une réunion des députés déchus à l’été 1942, Waldeck Rochet entend démontrer qu’Alexandre Prachay – qui aurait qualifié le pacte germano-soviétique de « manœuvre audacieuse » lors d’échanges entre camarades – « se trompe » en mettant « fortement en doute la politique extérieure suivie par l’US89 » depuis cet accord. Il semble intéressant de préciser que cet élu de Pontoise est considéré, dans un rapport de mai 1936 du délégué de l’IC Eugen Fried, comme « un camarade avec beaucoup de survivances social (sic)-démocrates90 ». Instituteur depuis 1915, il se forge une culture politique bien avant son adhésion au parti. Cet épisode donne à voir le surgissement, à la faveur d’une anodine discussion entre internés, de questionnements idéologiques chez un militant confronté à des conditions d’enfermement particulièrement difficiles et à l’attente d’une libération qui ne vient pas.
La libération : retrouver une activité militante marquée par la prison
- 91 AD 93, 324 J 1, cahiers de prison d’Auguste Touchard, version dactylographiée.
32Le 5 février 1943, quelques instants après leur sortie du groupe pénitentiaire de Maison-Carrée, les « 27 » se distinguent par un acte politique solennel : une déclaration commune devant le monument aux morts d’Alger intitulée « Salut à la Liberté91 ». Ce texte se veut tout à la fois un hommage aux camarades tués par Vichy et l’occupant, un salut aux troupes anglo-américaines, une célébration de la « glorieuse armée soviétique », ainsi qu’un appel à « l’union de la nation française » pour la libération du territoire. La question du statut politique des anciens élus communistes se pose très tôt. Ils entendent retrouver rapidement leur rôle de députés prêts à s’engager pleinement pour la victoire finale. Cinq jours après sa libération, François Billoux note :
- 92 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 10 février 1943.
« Le Gouvernement général insiste pour avoir immédiatement nos feuilles militaires. Que veulent-ils faire de nous ou tout au moins nous proposer ? Nous ne savons pas encore sur quel pied danser. On parle de nous faire entrer dans la production. Mais où, quand, comment ? Nous voulons qu’on nous reconnaisse comme des députés français92. »
33Deux mois plus tard, il dénonce le maintien en Algérie des méthodes de Vichy contre lui et ses camarades :
- 93 Musée de la Résistance nationale, fonds Prosper Môquet, carton n° 143, lettre de François Billoux à (...)
« Pour ce qui nous concerne, il apparaît qu’il y a dans la plupart des rouages de direction et d’administration une idée prédominante : nous écarter systématiquement, nous empêcher par tous les moyens d’apporter notre contribution à l’œuvre de la victoire93. »
- 94 Archives nationales (AN), 72 AJ/278, internements en Afrique du Nord, rapport des députés communist (...)
- 95 Fonds privé Hélène Brun, album daté du 1er juillet 1943.
34Outre leur action pour éradiquer les puissances de l’Axe, les dirigeants communistes restés en Algérie s’efforcent de hâter la libération de tous leurs camarades des divers centres de détention d’Afrique du Nord. Entre le 23 mars et le 9 avril 1943, la mission menée par Antoine Demusois et Henri Martel dans neuf camps algériens est à cet égard révélatrice. Ils rédigent un rapport alarmant sur les conditions de vie des militants internés94. D’ailleurs, des communistes espagnols, maintenus en détention à Maison-Carrée, ne s’y trompent pas en offrant aux « 27 » un album pour les remercier de leur action, ce livre ayant été confectionné par leurs soins « comme preuve de fraternité et en gage de l’unité des peuples de France et d’Espagne95 ».
Conclusion
35Si l’opération politique du jugement des députés communistes n’a pas forcément profité à Édouard Daladier, dans la mesure où celui-ci est remplacé dès le lendemain du début du procès à la tête du gouvernement par Paul Reynaud, les communistes peinent également à faire de la salle d’audience une tribune politique, gênés par le huis clos et par les obstacles à leur communication.
36Pour autant, les prisons et le bagne dans lesquels sont incarcérés les députés communistes apparaissent comme des lieux de répression politique à part entière : d’enfermement puis d’éloignement, d’un « Tour de France des prisons » à la déportation. Ils n’en demeurent pas moins, dans le même temps, des lieux de formation politique : bien que députés, les incarcérés vivent cette expérience en prison comme une poursuite de leur formation politique. À ce titre aussi, la prison se révèle être un lieu de réflexion politique, pouvant mener à des projets pour la libération, celle des prisonniers devant s’articuler à celle de la nation tout entière. L’univers carcéral est loin d’être totalement hermétique et immobile. Il apparaît contraint de s’adapter au contexte militaire de la débâcle, est investi par divers acteurs communistes qui informent habilement les détenus, devient un enjeu dans l’aggravation des logiques répressives sous Vichy. Les emprisonnés eux-mêmes se saisissent du peu de moyens laissés à leur disposition par l’institution pénitentiaire pour poursuivre leur action militante derrière les barreaux.
37Enfin, notons l’ambiguïté de cet épisode dans la mémoire communiste. Certes, le « chemin de l’honneur » a permis de forger une culture résistante aux parlementaires qui n’ont pu prendre une part active à la lutte armée contre l’occupant et Vichy. Toutefois, les députés en question n’abusent pas du récit de cet événement à la Libération, étant donné que certains destins furent pires que les leurs, comme le montre la martyrologie communiste qui met l’accent sur les héros du « Parti des soixante-quinze mille fusillés ». De fait, il faut attendre juin 1969 pour que soit constituée, tardivement, une Amicale des déportés, emprisonnés et internés politiques en Afrique du Nord.
Notes
1 Florimond Bonte, Le Chemin de l’honneur. De la Chambre des Députés aux prisons de France et au bagne d’Afrique, Paris, Éditions Hier et Aujourd’hui, 1949, p. 355.
2 Pour une approche globale, voir Serge Berstein et Jean-Jacques Becker, Histoire de l’anticommunisme en France, vol. 1 : 1917-1940, Paris, Olivier Orban, 1987 ; et Frédéric Monier, « L’État face à la contestation communiste », dans Marc Olivier Baruch et Vincent Duclert (dir.), Serviteurs de l’État. Une histoire politique de l’administration française, 1875-1945, Paris, La Découverte, 2000, pp. 417-428. Pour la période concernée, Guillaume Bourgeois, « Communistes et anti-communistes pendant la drôle de guerre », thèse de 3e cycle en histoire contemporaine, Paris-X, 1983 ; et Louis Poulhès, L’État contre les communistes, 1938-1944, Paris, Atlande, 2021.
3 Serge Berstein et Jean-Jacques Becker, « L’anticommunisme en France », Vingtième Siècle. Revue d’’histoire, n° 15, 1987, p. 22.
4 Ibid.
5 Jean-Claude Vimont, La Prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos, 1993, p. 6.
6 Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 8.
7 Voir notamment Serge Wolikow, « Militants et dirigeants communistes face à l’emprisonnement politique », dans Michel Dreyfus et al. (dir.), La Part des militants. Biographie et mouvement ouvrier, Paris, Éditions de l’Atelier, 1996, pp. 105-117 ; et Frédérick Genevée, Le PCF et la justice, des origines aux années cinquante. Organisation, conceptions, militants et avocats communistes face aux normes juridiques, Clermont-Ferrand, PUCF, 2006.
8 Préface de Michelle Perrot à Jean-Guy Petit et al., Histoire des prisons en France (1789-2000), Toulouse, Privat, 2002, p. 16.
9 Pierre Pédron, La Prison sous Vichy, Paris, Éditions de l’Atelier, 1993 ; Corinne Jaladieu, La Prison politique sous Vichy : l’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, Paris, L’Harmattan, 2007.
10 Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002 ; Vincent Giraudier, Les Bastilles de Vichy. Répression politique et internement administratif, Paris, Tallandier, 2009.
11 Tramor Quemeneur, « Panorama de l’internement des communistes en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale », dans Nicole Cohen-Addad et al. (dir.), 8 novembre 1942. Résistance et débarquement allié en Afrique du Nord, Paris, Éditions du Croquant, 2021, p. 129.
12 Extraits du schéma de l’autobiographie dite d’institution reproduit dans Bernard Pudal et Claude Pennetier, Le Souffle d’octobre 1917. L’engagement des communistes français, Paris, Éditions de l’Atelier, 2017, pp. 363-367.
13 Sur cette période abondamment étudiée par une historiographie très clivée, les analyses portent surtout sur la stratégie du PC entre l’été 1939 et le printemps 1941, puis sur la lutte armée dans le cadre de la résistance communiste. Pour deux conceptions opposées, voir Stéphane Courtois, Le PCF dans la guerre, Paris, Ramsay, 1980 ; et Roger Bourderon, Le PCF à l’épreuve de la guerre, 1940-1943 : de la guerre impérialiste à la lutte armée, Paris, Syllepse, 2012.
14 Pour se limiter à une seule référence, voir Norval Morris et David J. Rothman, The Oxford History of the Prison: The Practice of Punishment in Western Society, Oxford, Oxford University Press, 1998.
15 À l’inverse, dans une démarche attentive au poids de la conjoncture, voir Pierre Lascoumes, « Ruptures politiques et politiques pénitentiaires, analyse comparative des dynamiques de changement institutionnel », Déviance et société, n° 3, 2006, pp. 405-419.
16 Les accords de Munich, signés en septembre 1938 entre le Troisième Reich, l’Italie fasciste, la France et le Royaume-Uni, permettent le démantèlement de la Tchécoslovaquie au profit de l’Allemagne hitlérienne, qui s’empare des Sudètes. Le président tchécoslovaque Edvard Beneš et Joseph Staline, secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), n’y sont pas conviés. En France, seul le groupe communiste vote contre la ratification des accords à la Chambre, ce qui entérine la fin officielle du Front populaire. Sur le plan international, ces accords entraînent l’échec du traité franco-soviétique d’assistance mutuelle face à l’Allemagne nazie, et servent ainsi de justification à Staline pour la conclusion du pacte de non-agression germano-soviétique.
17 Chiffres estimés par Roger Martelli, dans Prendre sa carte, 1920-2009 : données nouvelles sur les effectifs du PCF, Paris, Fondation Gabriel Péri/Conseil général de Seine-Saint-Denis, 2010, p. 8 et p. 44.
18 Voir Louis Poulhès, L’État contre les communistes…, op. cit.
19 Sur ce sujet, voir Morgan Poggioli, « La CGT et la répression antisyndicale (août 1939-décembre 1940). Entre légalisme et apprentissage de la clandestinité », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 2, 2016, pp. 149-162.
20 Voir notamment Ingo Kolboom, La Revanche des patrons. Le patronat français face au Front populaire, Paris, Flammarion, 1986 ; et Antoine Prost, « Chapitre IV. La grève du 30 novembre 1938 et la fin du Front populaire », dans id., Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXe siècle, Paris, Le Seuil, 2006, pp. 105-126.
21 « Note de M. Georges Bonnet, Ministre des Affaires Étrangères, sur son entretien avec le comte de Welczeck, Ambassadeur d’Allemagne à Paris », dans Ministère des Affaires étrangères, Documents diplomatiques, 1938-1939. Pièces relatives aux événements et aux négociations qui ont précédé l’ouverture des hostilités entre l’Allemagne d’une part, la Pologne, la Grande-Bretagne et la France d’autre part, Paris, Imprimerie nationale, 1939, p. 170.
22 Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow, Le Parti rouge. Une histoire du PCF, 1920-2020, Paris, Armand Colin, 2020, p. 75.
23 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », dans Jean-Pierre Azéma et al. (dir.), Le Parti communiste français des années sombres (1938-1941), Paris, Le Seuil, 1986, p. 206.
24 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, Presses Universitaires de France, 2022, p. 252.
25 Roger Martelli, Jean Vigreux et Serge Wolikow, Le Parti rouge…, op. cit., p. 76.
26 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 251.
27 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », art. cit., p. 206.
28 Julian Mischi, Le parti des communistes. Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours, Marseille, Hors d’atteinte, 2020, p. 320.
29 Figure moins connue du PCF, le député de la troisième circonscription de Pontoise, Émile Cossonneau, ne condamne pas officiellement le pacte mais plusieurs de ses camarades témoignent de ses réserves. Émile Fouchard, député communiste de Meaux, soutient que « Cossonneau était en désaccord avec le pacte, mais le Parti a réussi à le lui faire dissimuler ». Témoignage cité dans la notice d’Émile Cossonneau, publiée dans le Maitron.
30 Jean Maitron, « Les déchirements des militants », art. cit., p. 205.
31 Journal officiel, Lois et décrets, 27 septembre 1939, p. 11770.
32 Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, op. cit., p. 254.
33 Voir Guillaume Bourgeois et Denis Peschanski, « Les députés communistes devant leurs juges : un procès biaisé », dans Jean-Pierre Azéma et al. (dir.), Le Parti communiste français des années sombres (1938-1941), op. cit., p. 95.
34 Service historique de la Défense (SHD), 9 N 363, Ministère de la Défense nationale et de la guerre, lettre du 29 novembre 1939 adressée par le commissaire du gouvernement Loriot au gouverneur militaire de Paris Héring.
35 Journal officiel, Lois et décrets, n° 178, 30 juillet 1939, pp. 9627-9634.
36 Corinne Jaladieu, La Prison politique…, op. cit., p. 21.
37 Il s’agit en effet d’un tribunal militaire dans la mesure où la France est en état de siège.
38 SHD, 9 N 363, acte d’accusation.
39 Archives d’État russes d’histoire politique et sociale (RGASPI), 495/184/4 (sortie 1939), 64, n° de sortie 663, télégramme adressé par Marty à Lefort [Eugen Fried] le 19/10/1939 sur la conduite des députés communistes devant le juge d’instruction. Reproduit et commenté dans Serge Wolikow (dir.), Moscou, Paris, Berlin, 1939-1941, Télégrammes chiffrés du Komintern, Paris, Tallandier, 2003, p. 113-114.
40 RGASPI, 517/1/1906, note d’André Marty sur l’attitude des députés communistes français arrêtés, 3 décembre 1939 : « Plus de la moitié des détenus sont très solides ainsi qu’on peut le voir dans leurs réponses, et bien orientés politiquement, ils sont capables de tenir tête vigoureusement au tribunal (les meilleurs sont : Berlioz, Billoux, Cornavin, Gresa, Cristofol, Midol, Costes, Croizat, Bartholini, Bechart, Jean Duclos, Bonte) », p. 4.
41 RGASPI, 517/1/1906, lettre de Benoît Frachon adressée à l’IC, reçue le 17 janvier 1940 (écrite vers le 10 décembre 1939), p. 2.
42 Notamment les numéros clandestins de L’Humanité du 30 octobre 1939, du 10 novembre 1939 ou encore du 18 janvier 1940 qui en font leur une.
43 RGASPI, 517/1/1906, tract « Libérez les députés communistes et les militants syndicaux emprisonnés ».
44 RGASPI, 517/1/1905, déclaration des députés communistes, version du 19 mars 1940, en ligne sur Pandor, p. 3 [lien consulté le 22/05/2024].
45 Fonds privé Caillaud-Croizat, archives familiales, lettre du 3 avril 1940 à Denise Croizat.
46 Virgile Barel, Cinquante années de luttes, Paris, Éditions sociales, coll. « Souvenirs », 1966, p. 162.
47 Témoignage cité dans Michel Étiévent, Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Challes-les-Eaux, Éditions Gap, 1999, p. 74.
48 Christine Levisse-Touzé, « Les camps d’internement d’Afrique du Nord. Politiques répressives et populations », dans Jacques Cantier et Éric T. Jennings (dir.), L’Empire colonial sous Vichy, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 185. Il peut s’agir d’une méthode pour ostraciser les opposants politiques (Jacques-Guy Petit et al., Histoire des prisons…, op. cit., p. 97).
49 André Moine, La Déportation et la Résistance en Afrique du Nord, Paris, Éditions sociales, 1972, p. 181.
50 Fonds privé Caillaud-Croizat, archives familiales, lettre du 9 avril 1941 à Denise Croizat.
51 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux.
52 Voir la notion de « vichysme colonial » développée par Jacques Cantier dans L’Algérie sous le régime de Vichy, Paris, Odile Jacob, 2002.
53 Jacques Cantier, « Les camps d’internement dans l’Algérie de Vichy », art. cit., p. 51.
54 Virgile Barel, Cinquante années…, op. cit., p. 168.
55 Jean Vigreux, Waldeck Rochet. Une biographie politique, Paris, La Dispute, 2000, p. 123.
56 Jean-Claude Vimont, La Prison. À l’ombre des hauts murs, Paris, Gallimard, 2004.
57 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 29 juin 1940.
58 Ibid., 5 avril 1941.
59 Lucien Midol, La Voie que j’ai suivie, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 178.
60 Ibid., p. 184.
61 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 147 et pp. 385-388.
62 Virgile Barel, Cinquante années de luttes, op. cit., p. 164.
63 Étienne Fajon, Ma vie s’appelle liberté, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 158.
64 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 388.
65 Ibid., p. 415.
66 Chiffre obtenu grâce aux notices biographiques des vingt-sept députés, consultées dans le Maitron.
67 Fonds privé Hélène Brun, carnet de défense de François Billoux.
68 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 76.
69 Ibid., p. 469.
70 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 13 octobre 1939.
71 SHD, 9 N 363, lettre de Marcel Willard au gouverneur militaire de Paris, 31 octobre 1939.
72 Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD 93), 324 J 1, cahiers de prison d’Auguste Touchard, lettre d’Auguste Touchard à Pétain, 14 avril 1941.
73 Ibid., lettre des 27 députés communistes au général Eisenhower, 24 décembre 1942.
74 RGASPI, 517/1/1905, lettre de Renaud Jean à Marcel Willard, 13 janvier 1940. Consulter, également, Renaud Jean, Carnets d’un paysan député communiste, présentés par Max Lagarrigue, Anglet, Atlantica, 2001.
75 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, lettre au maréchal Pétain, 19 décembre 1940.
76 AD 93, 314 J 5, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, 4 mai 1941.
77 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, liste des livres à disposition des 27 à Maison-Carrée, non datée.
78 Étienne Fajon, Ma vie…, op. cit., p. 164.
79 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 6 avril 1941.
80 Ibid., 8 avril 1941.
81 AD 93, 314 J 5, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, 4 mai 1941.
82 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 11 mars 1941.
83 Jean Vigreux, Waldeck Rochet, une biographie politique, op. cit., p. 118.
84 Étienne Fajon, Ma vie…, op. cit., p. 158.
85 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 7 novembre 1942.
86 Ibid., 12 et 19 août 1941.
87 Ibid., non daté.
88 Florimond Bonte, Le Chemin…, op. cit., p. 427.
89 AD 93, 314 J 6, intervention de Waldeck Rochet à l’AG tenue en prison, fin juin 1942.
90 Citation extraite de la notice d’Alexandre Prachay, publiée dans le Maitron.
91 AD 93, 324 J 1, cahiers de prison d’Auguste Touchard, version dactylographiée.
92 Fonds privé Hélène Brun, cahiers de prison de François Billoux, 10 février 1943.
93 Musée de la Résistance nationale, fonds Prosper Môquet, carton n° 143, lettre de François Billoux à Fernand Grenier, 17 avril 1943.
94 Archives nationales (AN), 72 AJ/278, internements en Afrique du Nord, rapport des députés communistes Martel et Demusois, 11 avril 1943.
95 Fonds privé Hélène Brun, album daté du 1er juillet 1943.
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Référence électronique
Florent Gouven et Léo Rosell, « Les députés du PCF privés de leur liberté (1939-1943) : la prison comme lieu politique », Histoire Politique [En ligne], 52 | 2024, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoirepolitique/17570 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vu3
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