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AccueilNumérosXX - 1/2Histoire de la mesure« La lune sous la terre »

Histoire de la mesure

« La lune sous la terre »

Contribution à l'histoire de la mesure du temps dans les sociétés rurales du monde méditerranéen moderne
Eletheria Zei
p. 137-157

Résumés

À partir de l'exemple d'une agronomie grecque du xviie siècle, cet article pro­pose de montrer que la perception du cosmos et les systèmes de mesure du temps dans les sociétés rurales méditerranéennes sont le produit d'un brassage entre la science ancienne (astrologie et astronomie) et les différentes formes de sa vulgarisation à travers les siècles : agronomies, calendriers ruraux, encyclopédies diverses, etc. Outre le rôle des monastères, ce brassage est réalisé dans une grande mesure par les élites sociales et éco­nomiques mi-rurales et mi-citadines du monde méditerranéen. Une histoire des mesures du temps dans le monde rural peut, ainsi, contribuer à déchiffrer non seulement le profil social et économique des élites, mais aussi leur implication dans l'économie dcs villes méditerranéennes aux temps modernes.

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Texte intégral

1Dans l’Agronomie du xviie siècle1, l’ouvrage agronomique qui connaît la plus grande diffusion dans les régions grecques jusqu’au xixe siècle et qui a été rédigé par le moine crétois Agapios Landos, le chapitre ix : « Quand planter les arbres », indique : « Sache, donc, que, quand tu plantes un arbre, il faut que la lune soit sous la terre ». Cette phrase, figurant parmi les formules qu’historiens, anthropologues et folkloristes s’entendent pour qualifier de mystérieuses, ou pour considérer comme les produits d’une conception « magique » du monde, semble pourtant avoir une histoire tout à fait différente qui remonte jusqu’à l’Antiquité.

2Cette étude se propose de décrire certains mécanismes de brassage intellectuel entre des mondes traditionnellement opposés : l’Occident et l’Orient, la ville et la campagne, le savant et le populaire — notamment le brassage des astrologies-astronomies. Elle affirme la nécessité pour l’histoire des systèmes de mesure du temps de dépasser ces oppositions. Cela permettrait de mieux comprendre la structure sociale des campagnes méditerranéennes, notamment de déchiffrer le profil ambigu des élites semi-citadines, semi-rurales du monde méditerranéen moderne2.

3Nous commencerons par revenir au premier texte où l’on peut retrouver la fameuse phrase de Landos, une Agronomie du vie siècle attribuée à Cassianus Bassus. Une étude fine de son système de repérage dans le temps montre qu’il se situe déjà au carrefour de plusieurs cultures et ne pourrait se comprendre sur la base d’une opposition entre astronomie et astrologie, entre calendrier solaire et lunaire ou entre traditions antiques et chrétiennes, occidentales et orientales. Nous évoquerons ensuite la transmission des savoirs astrologiques à travers les « sommes » encyclopédiques médiévales, pour comprendre enfin à qui s’adresse le type de « vulgarisation » proposé par les Agronomies.

1. Une langue clandestine

4L’Agronomie grecque du vie siècle, attribuée à Cassianus Bassus, est connue par son édition du xvie siècle sous le titre Geoponica. De re rustica eclogae. Publiée pour la première fois en 1539 à Bailles, elle a connu deux autres éditions au xviiie siècle (1704 et 1781). Il s’agit, en principe, d’une compilation d’Agronomies classiques (grecques et latines), prônant des pratiques de culture et de conservation de grains, des pratiques d’élevage et des pratiques thérapeutiques pour les maladies des plantes et des bêtes, précédée d’une autre compilation de connaissances astronomiques-astrologiques.

5Dans la tradition de la littérature agronomique classique, la compilation de différents systèmes de mesure du temps représente un mécanisme fondamental d’assimilation, ou plutôt de compromis culturel entre des mondes différents, latins et grecs, chrétiens et païens, citadins et paysans. Les spécialistes de cette époque considèrent qu’elle symbolisait les échanges entre Grecs et Romains, sous la forme des calendriers compilés de Caton l’Ancien, de Varron ou de Columelle3 ou des différents systèmes de repérage dans le temps chez Cassianus Bassus4, scolastique oriental du vie siècle, mais aussi chez son prédécesseur d’un demi-siècle, Jean le Lyde, dans son riche recueil des calendriers grecs et romains ; tous ces calendriers y sont qualifiés de « grecs »5.

6Cassianus Bassus propose deux systèmes de mesure du temps : d’abord une année solaire, qu’il divise en quatre saisons (en commençant par le printemps) selon le passage et le séjour du Soleil dans ses positions sur le cadran du Zodiaque, selon les τροπας. Il s’agit des deux passages du soleil aux solstices, hivernal et estival, des équinoxes de printemps et d’automne (année tropique), ainsi que des levers (επιτολας) et des couchers (δυσεις) des étoiles visibles. Celles-ci se divisent en « celles qui se lèvent avant le soleil » (εωους), et « les étoiles du soir » (εσπεριους). Son année comprend les 12 mois du calendrier romain6, dont il cite aussi les noms égyptiens selon Ptolémée7. Chaque mois est divisé en calendes, nones et ides (cf. Tableau 1).

Tableau 1. L’année solaire, Cassianus Bassus

Tableau 1. L’année solaire, Cassianus Bassus

* Les dates entre [ ] sont converties du calendrier romain par l’éditeur C. Wachsmuth de Ioannis Lavrentii Lydi, [1897], n° 4.

7Cassianus Bassus attribue à son système des origines latines8, or, même les non spécialistes reconnaîtraient que cette année correspond à une version simplifiée de la théorie du mouvement solaire ptolémaïque, intégrant deux années différentes, l’année tropique et l’année sidérale ; elle correspond aussi à une vision aristotélicienne du Cosmos, centrée autour d’une Terre immobile, se trouvant dans la « zone sublunaire » (υπο σεληνην απαήντων), sujette au changement et à la corruption et fortement influencée par les mouvements réguliers et éternels des astres, appartenant à la zone immuable9. Cette double tradition scientifique et philosophique antique persistante et que l’on retrouve dans la théologie des Pères de l’Église orientale (Basile de Césarée10) est conforme, par ailleurs, à la topographie céleste chrétienne. La théologie orthodoxe met du temps à se dégager du legs aristotélicien, qu’elle retrouve à plusieurs reprises lors de ses contacts avec l’Occident. Aux xiiie et xive siècles, tandis que les Byzantins sont emportés par le vent d’un néo–aristotélisme chrétien, saint Augustin et, par la suite, Thomas d’Aquin sont traduits, non sans réactions au sein des milieux théologiques 11. Cependant, de plus en plus au fil du xviie siècle12, le monde orthodoxe a recours à la symétrie, l’harmonie et l’immobilité de l’univers aristotélicien pour faire face aux bouleversements idéologiques causés par la théorie héliocentrique et par celle de « la pluralité des mondes », qui font leur apparition dans l’espace grec au début du xviiie siècle13.

8Or, Cassianus Bassus semble intégrer, en même temps, un autre système de repérage du temps plus ancien. Dans le chapitre intitulé « Sur le mois lunaire », il déclare que :

« Pour planter, il faut que la lune soit par dessous la terre, pour couper du bois il faut que la lune soit par dessus la terre »14.

9Plus loin, dans le chapitre 10 du Livre v, il paraît identifier la position de la lune « sous la terre » à l’espace de temps durant lequel la lune est « invisible » depuis la terre, voire aux jours « sans lune » (premiers jours de la lunaison)15. Dans le chapitre vii, il établit le calendrier de la lune « sous la terre » (νπογειος) :

« Qu’il est nécessaire de savoir quand la lune est sur la terre et quand elle est dessous ».

10Il constitue ainsi un mois lunaire de 30 jours, où la pleine lune tombe exactement au milieu, le 15e jour. Chaque jour lunaire, du coucher au lever du soleil, est divisé en 12 unités nocturnes et 12 unités diurnes (heures, ωρας, divisées en degrés, μορια), par lesquelles il mesure le séjour de la lune « sous la terre » durant les deux divisions symétriques du mois, c’est-à-dire durant la lune croissante (du 1er au 15e jour) et la lune décroissante (du 16e au 30e jour)16.

Tableau 2. Le calendrier de la lune « sous la terre »

Tableau 2. Le calendrier de la lune « sous la terre »

11Cassianus Bassus explique qu’il puise cette lunaison dans le Chaldéen de Diophane17 et surtout dans Zoroastre. Cependant, si l’on en croit Bouché–Leclerq, ce dernier ne représente que l’étiquette emblématique d’une tradition orientale plus large, celle de Babylone, de la Chaldée et de l’Égypte, adoptée par les Grecs, à laquelle Cassianus Bassus semble emprunter aussi le cadran du Zodiaque. En même temps, il paraît adopter une grammaire astrologique très ancienne, que nous pouvons déchiffrer grâce à l’ouvrage de Bouché-Lerclerq18.

Figure 1. Almanach pour l’an 1495

12[non reproduite faute de droits pour la mise en ligne]

Source. Paris (Londres) British Library IB 41027, in F. Maiello, 1996, p. 87.

13Selon cette grammaire, la rencontre du Zodiaque avec l’horizon et le méridien dans le sens du mouvement diurne – rencontre de l’astrologie avec l’astronomie – définit un deuxième cadran idéal, fixe par rapport à la Terre, qui représente le cycle d’une vie humaine depuis la conception ou la naissance jusqu’à la mort ; ce cycle est divisé d’habitude en 12 compartiments mobiles (lieux, τοποι), indépendants des douze signes fixes du Zodiaque, et en quatre centres (positions angulaires, cardines, anguli, des astres) :

14a. le levant ou horoscope, ortus*pars horoscopi, point initial de première importance, indicateur de l’heure fatale de la naissance qui détermine les trois autres centres ;

15b. la culmination supérieure, μεςουρανημα, medium caelum, M.C.  ;

16c. le couchant, δυσις, διαμεστρον δυτιχον-occasus ;

17d. la culmination inférieure, υπογειοναντιμεσουρανημα, μεσουρανημα, υπο γην, imum caelum19.

18Ce principe sert de base à la généthlialogie ou apotélésmatique individuelle grecque (d’origine probablement stoïcienne)20, que Ptolémée conteste ou utilise dans une conception mécanique21, tandis que les astrologues babyloniens et égyptiens attribuent une grande importance à l’influence du quatrième centre, celui de la culmination inférieure. Cela explique peut-être l’insistance particulière de Cassianus Bassus sur la position de la lune «vsous la terre » – il ne mentionne sa culmination supérieure, υπεργειον, que dans le titre et la phrase introductive du chapitre vii, Livre A. Selon l’astrologie orientale, la position « sous la terre » symbolise, ainsi, la nuit métaphysique, c’est-à-dire la dégradation et la mort, tandis que dans Geoponica, la lune « sous la terre » sert à indiquer les moments opportuns ou inopportuns de la culture. Comment s’effectue cette transposition significative ?

19Au moment de la rédaction du Geoponica (vie siècle), ce langage astrologique, et notamment celui de la divination de l’avenir (l’apotélesmatique individuelle ou universelle), se trouve déjà condamné hors de son milieu « naturel », les cours impériales de l’Orient depuis la fin du iiie siècle. Il subit l’acharnement de l’Église orthodoxe et de sa dogmatique, après avoir été proscrit des cours et des camps de guerre des empereurs romains22. Les astrologues de l’Antiquité tardive – titre initialement réservé aux mathématiciens après avoir été utilisé pour qualifier les pythagoriciens23 – sont ainsi classés dans les rangs des marginaux, des malfaiteurs dangereux, des mages24. Prévoir le futur, individuel ou universel, ne signifie-t-il pas aussi le contrôler ?

20Persécutions et lois restrictives n’ont pourtant pas réussi à éliminer la pratique de l’astrologie parmi les milieux citadins privilégiés, tant en Occident qu’en Orient. Elles n’ont fait que renforcer son côté métaphysique (grec), qui rivalise avec son caractère scientifique initial, plus largement oriental. L’astrologie scientifique semble, en revanche, se borner à son rôle pratique, quotidien et populaire, qui connaît une vogue nouvelle : avec l’aide constante de l’astronomie, elle produit des « Pronostics », des tables mathématiques, des éphémérides, des almanachs destinés à enseigner aux intéressés l’avenir immédiat, les moments opportuns ou inopportuns, selon les astres, pour commettre des actes particuliers ou s’abstenir25. Cela concerne, entre autres, la culture de la terre, ce qui explique sa persistance dans les livres agronomiques. Dans cette quête du moment opportun, tout dépend des étoiles, maîtresses du temps26 : la causalité céleste de la philosophie grecque vient rejoindre une tradition orientale qui jalonne le temps plutôt par rapport aux positions des astres que par rapport aux solstices et aux équinoxes de l’Occident27.

21Dans cette astrologie quotidienne d’origine orientale, le Soleil s’efface désormais devant la Lune et ses positions sur le Zodiaque. Mais, pour expliquer les jours heureux ou malheureux que les anciennes superstitions attribuaient à la volonté des divinités, pour assimiler et domestiquer les croyances païennes enracinées dans les milieux où cette astrologie pratique circule, c’est surtout à une Lune fictive qu’il est fait référence, aux lunaisons et aux computs symétriques, simplifiés, faciles à mémoriser. Rappelant une astrologie chaldéenne très vite contestée28, cette Lune est à la fois savante et populaire et elle tourne le dos à tout calendrier civil connu en Occident29. Elle s’affranchit des premiers calendriers lunaires romains, qui, depuis Romulus, introduisaient l’inégalité des mois30, du calendrier julien et des tables pascales élaborées depuis le iiie siècle, tant en Occident qu’en Orient, pour fixer la date de Pâques en fonction de la première pleine lune après l’équinoxe de printemps31. Telle est la lunaison fixe de Cassianus, dotée d’une division duodénaire, dont les heures rappellent encore les douze fractions égales du cercle de la géniture (lieux, τοποι). Chacune est divisée en 30 degrés (μοιρες)32 et la pleine lune est considérée comme « le meilleur des jours où tous les travaux s’effectuent de la meilleure façon durant toute la journée »33.

22Langue et grammaire, donc, anciennes, exilées par les pouvoirs politiques et religieux, sont méprisées par astronomes et philosophes. Ce n’est que beaucoup plus tard, vers le début du xive siècle, que l’astrologie est rapatriée en Orient, lorsque les Byzantins apprennent à connaître l’astronomie des Juifs caraïtes de Provence et les derniers acquis de l’astronomie perse et arabe34 et lorsqu’un courant néo-platonicien s’éveille en Orient. Ayant absorbé l’astrologie dans sa doctrine35, avec l’œuvre de Georges Pléthon ou Gemistos, dont le calendrier lunaire36 est presque identique à celui de Cassianus Bassus, ce courant ouvre de nouveau la discussion à la fin du xive siècle et au début du xve siècle sur la langue païenne oubliée du fameux Zoroastre37.

2. Une langue revendiquée

23Au viie siècle, sous l’influence de saint Augustin, qui conseillait aux chrétiens la bonne connaissance des sciences et de la nature pour une compréhension plus profonde des Écritures, et suivant le modèle pionnier de la Translatio studii de Martianus Cappela38, l’archevêque de Séville, Isidore, achève une œuvre volumineuse, composée de 20 livres, sous le titre Étymologies39. Puisant dans un large spectre de sources classiques, Isidore structure son œuvre à partir des sept arts libéraux de l’enseignement médiéval, en consacrant les premiers livres au trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) pour continuer avec le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Dans sa vision des trois premiers arts en tant que discours unique sur la nature, et des quatre derniers en tant que riverains d’une seule science et de sa langue, les mathématiques, son souci de la constitution d’une structure du savoir est évident. Lui-même signale qu’il n’est pas un simple compilateur copiant les autorités classiques, mais un alchimiste qui mêle les substances comme le font les « marchands de couleurs ». Il ajoute ses propres éléments et catalyseurs ainsi que son invention poétique, pour créer un nouveau corpus de connaissances plus large, présenté de façon systématique et accessible40. Une théorie de la vulgarisation du savoir scientifique (et théologique) est née.

24Contrairement à la méthode scientifique classique, telle que la définit Ptolémée dans son Almageste (observation, description des données d’observation, réduction à une langue mathématique), Isidore va explicitement du discours à la raison et par là aux données de l’expérience, des noms aux choses et à leurs propriétés naturelles. L’étymologie est à la fois la recherche de l’origine linguistique et sémantique du nom et la définition de la chose (Livre i).

25Ainsi, une longue tradition intellectuelle est inaugurée qui dure jusqu’à la fin du Moyen Âge et qui conduit J. Le Goff à signaler le besoin de redéfinir l’usage historique du terme « encyclopédie »41. Cette tradition donne naissance à des ouvrages intitulés summae (breve), compendia, specula, imagine rerum, mundi ou naturae, c’est-à-dire des images ou miroirs du monde ou de la nature. La nature, surtout le ciel visible et invisible, devient ainsi livre ouvert ou miroir. L’homme peut la connaître par la lecture proprement dite de l’image de la Création, sans avoir nécessairement recours à ses sens, et notamment celui de la vision. Ce n’est peut-être pas par hasard qu’au siècle précédent, en Orient, Cassianus Bassus affirmait qu’il écrivait de telle façon que « ceux qui sont complètement illettrés comprennent facilement », « à l’ouïe » les levers et les couchers des étoiles visibles42.

26À mesure que les villes médiévales se transforment, qu’elles développent de nouvelles relations démographiques, économiques et sociales avec leurs régions, que faubourgs et marchés s’étendent, se forme aussi un grand public cultivé mais non érudit, avide d’un savoir plus compréhensible, les intellectuels urbains43. Sortant ainsi des cercles universitaires, cette érudition populaire voit pourtant le jour à l’intérieur des Écoles et des Universités, et se nourrit des progrès et des disputes scientifiques et théologiques de l’époque. Ses auteurs, souvent des hommes d’Église, utilisent le terme scolastique Summa pour traduire à la fois la structure unitaire du monde et toute compilation encyclopédique ; ils participent eux-mêmes à l’aventure scientifique de leur temps : Isidore de Séville et Bède le Vénérable, par leurs estimations, contribuent à l’expansion des tables pascales ; cette tendance connaît enfin son apogée aux xiiie et xive siècles, alors qu’éclate la dispute entre nominalistes et réalistes au cœur du monde scolastique44.

27Les ouvrages encyclopédiques d’Alexandre Neckam45, de Bède le Vénérable46, de Gossuin de Metz47, de Honorius Augustodunensis48, de Vincent de Beauvais49, de Barthélémi l’Anglais50, de Raban Maur51, de Thomas de Cantimpré52 – la liste est longue – brassent la sagesse des autorités anciennes dans leur marmite pour produire une nouvelle grammaire de lecture et de compréhension du monde, qui se veut d’abord unitaire et ordonnée. Leurs ouvrages sont structurés en livres, tables, listes et catégories. Ils mettent en place une grammaire plus simple, dans un langage plus populaire, et pour cela plus accessible à ceux qui « …ne sont pas de bons clercs, ni maîtres d’astronomie qui puissent bien [le] calculer… »53. Ils sont pourvus d’images ; s’ils ne sont pas directement rédigés dans une des langues nationales naissantes, ils sont traduits immédiatement du latin : la large entreprise de traduction des ouvrages latins initiée par Charles v en est l’exemple54. Infiltrée déjà depuis les xiie et xiiie siècles dans la philosophie-théologie médiévale avec les traductions d’Aristote et de la physique grecque et arabe55, l’astrologie entre ainsi dans le domaine du savoir quotidien des élites citadines : tout le monde sait que la nuit est l’espace du temps durant lequel le soleil se trouve sous les terres, et que « le soir s’appelle ainsi à cause de l’étoile qui suit le soleil couchant et précède les ténèbres »56, car ut dixit Isidorus.

28Au xvie siècle, deux entreprises de vulgarisation du savoir religieux se confrontent au sein de l’Église occidentale : celle de la Réforme de Luther et celle de la Contre-Réforme catholique. Almanachs, pronostics, lunaires de la médecine en vogue assument, ainsi, un rôle de propagande religieuse, et remplacent de plus en plus les livres d’heures liturgiques chez les élites des villes et des bourgs57. Cette tradition littéraire, trouvant refuge dans les villes mais aussi dans les monastères, caractérisée par la bipolarité agriculture-médecine, à laquelle appartient aussi l’Agronomie de Agapios Landos58, contribue à la greffe du savoir astrologique thésaurisé à travers les siècles sur les systèmes dominants de repère du temps dans le monde ancien féodal : le calendrier ecclésiastique et le calendrier des corvées. Une telle greffe ne semble pas être rejetée par la nouvelle astronomie scientifique du xviie siècle, tout au moins en l’Europe occidentale59.

3. Entre « ville » et campagne. Les élites méditerranéennes des temps modernes

29On insiste aujourd’hui sur le fait que, depuis l’Antiquité, le paysan-cultivateur tant de l’Occident que de l’Orient, malgré les clichés, n’a pas l’habitude de scruter les arcanes des cieux pour orienter les travaux agricoles ; il prête plutôt attention aux signes de la terre60. Cette vulgata des cieux a-t-elle, donc, toujours été le privilège des élites ? Et de quelles élites s’agit-il ?

30Au vie siècle, Cassianus Bassus s’adresse au despote du champ, et le plus souvent à son ménager61, c’est-à-dire celui qui est chargé d’observer le calendrier des travaux agricoles, composé par des spécialistes, pour apprendre lui-même et pouvoir enseigner aux cultivateurs les temps opportuns de la culture. Le champ en question est, en principe, en blé, tandis que la vigne et le vin semblent occuper une place secondaire dans les intérêts de l’auteur62. Au xvie siècle, période de la régénération des campagnes européennes, une littérature agronomique savante, particulièrement prolifique, fait son apparition et s’achève avec Le Théâtre d’Agriculture d’Olivier de Serres (1600)63. Là aussi, il s’agit de conseils sur l’agriculture que l’auteur, propriétaire d’une ferme au sud de la France, donne à son ménager. Cette fois, c’est le profil du vigneron qui l’emporte.

31Revenons à l’Agronomie grecque du xviie siècle. Son auteur, Agapios Landos64, est le représentant d’un monde insulaire qui a subi une profonde transformation culturelle par une longue domination latine (vénitienne). Né probablement vers la fin du xvie siècle à Candie, en Crète vénitienne, dans une famille appartenant à la nobilité indigène65, Landos fait ses études en Italie mais aussi dans sa ville natale de Candie. Cette cité se nourrit déjà de la longue tradition byzantine du manuscrit et une conjoncture économique, politique et idéologique particulièrement heureuse pour Venise en Méditerranée en a fait un centre de l’enseignement grec et italien depuis le xve siècle66. Grâce à ces circonstances favorables, s’y développe un groupe social indigène cultivé, que le jeune Landos semble fréquenter en tant que disciple ou secrétaire : gens de droit et notaires, officiers des gardes civiques, membres des conseils urbains et des Académies littéraires. Ces notables crétois dominent aussi la campagne, souvent même les marchés méditerranéens, nombre d’entre eux étant versés dans la viticulture, le commerce et la propriété de navires depuis le xve siècle67. En même temps, ils adoptent la nouvelle passion des élites vénitiennes dominantes, la collection68 : ils possèdent des bibliothèques dans leurs domiciles urbains ainsi que dans leurs maisons de campagne, qui deviennent des lieux de rencontre pour hommes et savoirs69. Le contenu de ces bibliothèques est repéré dans leurs testaments : ouvrages de la littérature humaniste, de la philosophie et de la science classique (grecque et latine) de leur époque, traités d’astronomie et de la littérature populaire diffusée en Europe depuis les siècles précédents, qui passent toujours par les imprimeries de Venise.

32Entre son séjour en tant que moine au mont Athos, où il se met à transcrire des manuscrits, ses tournées en tant que prédicateur dans les régions grecques sous domination latine, et ses voyages à Venise, où il publie ses livres, au fur et à mesure que le xviie siècle avance, Landos achève son œuvre de vulgarisation religieuse. Pendant ce temps, la propagande catholique, notamment celle des Jésuites, connaît son grand essor en Méditerrannée orientale 70. De même que ses livres religieux, son Agronomie s’adresse explicitement aux élites insulaires de son temps, à cette catégorie qui marque le passage des sociétés rurales des fiefs latins à la domination ottomane dans la Méditerrannée orientale (l’Archipel grec et ses côtes) : les laboureurs et jardiniers71 indépendants, pour qu’ils sachent, entre autres, planter leurs arbres et leurs vignes et couper leur bois au moment propice, pendant que « la lune est sous la terre ». Greffant ainsi le calendrier lunaire de Cassianus Bassus sur l’année solaire (Julien) et le calendrier ecclésiastique orthodoxe, l’Agronomie grecque du xviie siècle semble marquer un compromis entre une culture du temps opportun et une culture du temps moral, qui reflète un monde agricole (insulaire) dominé, au seuil de profondes transformations.

33Ainsi la longue histoire du brassage entre différents systèmes de mesure du temps est-elle associée au brassage des perceptions différentes du monde en dehors de l’espace terrestre. La comprendre implique de ne pas s’en tenir à des oppositions entre systèmes théoriquement incompatibles, mais de s’attacher aux réalités de la circulation des savoirs : traductions, compilations, formes d’encyclopédisme, adaptation à divers lectorats. Dans cette histoire, la part des élites locales importe autant que les débats autour du legs aristotélicien.

34Elle appelle aujourd’hui à une nouvelle lecture de l’histoire des villes : l’exemple du conflit entre les consuls de Montpellier, Nîmes et Uzès et les tonneliers de la région (1500) indique que la greffe de différents systèmes de mesure du temps peut aussi servir à l’interprétation des rivalités de pouvoir aux confins de la ville méditerranéenne à l’aube des temps modernes. Le contrôle du marché est un objet important de revendication : ces consuls n’avaient-ils pas accusé les tonneliers du pays de décevoir le peuple et de faire de gros profit à ses dépens, en coupant leur matière première au mois d’août (et non pas au mois de mars) et « en mauvaise lune »72 ?

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Notes

1 Kostoula, D., 1991, p. 150.
2 L’historiographie moderne, depuis l’étude fondamentale de W. Kula, 1984, p. 26-37, a déjà associé les systèmes de mesure à la symbolique du pouvoir des classes dominantes.
3 Wenskus, O., 1986, p. 112–117 ; Ioannis Lavrentii Lydi, C. Wachsmuth, [1897], extrait du Livre premier de Varron, p. 302, et Extraits du Rei rusticae de Columelle, p. 303–314.
4 Geoponica sive Cassiani Bassi scholastici. De re rustica eclogae, 1914.
5 Ioannis Lavrentii Lydi, C. Wachsmuth, [1897]. Sur la discussion à propos de l’origine grecque ou romaine des calendriers de la haute Antiquité, voir encore O. Wenskus, 1986.
6 Pour un aperçu rapide de l’histoire du calendrier romain jusqu’à la réforme julienne (46 avant J.-C.) : Parisot, J.–P. & Lambert, G., 1986, p. 120–121.
7 Ioannis Lavrentii Lydi, C. Wachsmuth, [1897], p. 211–285 (Ptolemaei Calendarium).
8 L’année agricole grecque de Varron : Wenskus, O., 1986, p. 113, puisé dans Florentinus : Ioannis Lavrentii Lydi, [1897], p. 320–321 : « Florentini dissertatio de anno eiusque partibus » (tiré aussi de Cassianus Bassus).
9 Kalfas, V., 1997, p. 96.
10 Logothetis, C., 1930, p. 214–216.
11 Sfini, A., 2003, p. 24, n° 12, 13.
12 Voir à titre d’exemple les idées du néo–aristotélicien Théophile Korydalée, au xviie siècle : Sur la Genèse et la Détérioration selon l’exposé d’Aristote, par le très savant Théophile Korydalée, 1780 [en grec] ; voir aussi V. Macridis, 1997, p. 72–73.
13 Kondylis, P., 1998, p. 109–128 ; Dimaras, K. Th., 1985, p. 259 ; pour un aperçu sommaire du débat entre la théorie géocentrique et la théorie héliocentrique dans la pensée grecque des xviie et xviiie siècles, voir en particulier : Histoire et philosophie des sciences, 2003, p. 449–473 ; Karas, J., 1991, p. 246 ss. ; sur l’acculturation scientifique tardive des théories astronomiques du xviie siècle occidental dans la pensée du xviiie siècle grec et les réactions suscitées au sein de l’Église, voir : Sfini, A., 1999, p. 327–338 ; sur la persistance du géocentrisme dans la pensée de l’Église orthodoxe voir : Nicolaïdis, E., 1990, p. 113–119.
14 Geoponica..., Livre A, cap. 6, p. 11.
15 Geoponica..., Livre V, cap. 10, p. 136.
16 Geoponica..., Livre A, cap. 7, p. 11–15.
17 Geoponica..., Livre A., cap. 6., p. 11 : astrologue de la tradition chaldéenne, mentionné dans les Métamorphoses d’Apulée (ii, 12) : Bouché–Lerclerq, A., [1899] 1979, p. 563, n° 2.
18 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979.
19 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 256–259.
20 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 372–457.
21 Bien qu’il prenne en compte les cadrans astrologiques babyloniens, il se méfie de la qualité scientifique de leur astrologie, il conteste la théorie des lieux et n’adopte le Zodiaque et la dodécatémorie (δωδεχατημοριον) que pour déduire le nombre des années à vivre ; par ailleurs, il ne croit pas à son influence fatale sur la vie humaine. Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 270–275, 277, 416. Ses idées sur le cercle de la géniture sont résumées dans sa théorie aphétique, exposée dans la Tetrabible. Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 411–457.
22 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 560–570, 609–618 ; Papathanassiou M., 1997, p. 107–117.
23 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 5, n. 1.
24 Troianos, S., 1993, p. 271–295 ; Graf, F., [1996], 2004, p. 58–59, 63–66.
25 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 458–486 : sur la théorie des élections ou initiatives ou opportunités générales, .
26 Voir les chronocratories : Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 474–478.
27 Wenskus, O., 1986, p. 117. À cette tradition semble appartenir le calendrier météorologique et brontoscopique – parapègme de la Canicule dans Geoponica (Livre A, cap. 8, p. 15–17, cap. 10, p. 19–20), type de calendrier zodiacal–civil donnant des informations astronomiques et météorologiques, probablement d’origine grecque, selon O. Wenskus, 1986, p. 114. Constellation au sud–est d’Orion, dont l’étoile la plus lumineuse est Sirius, la Canicule (Chien) paraît laisser le monde classique occidental indifférent jusqu’à l’époque de Columelle (ier siècle avant J.-C.) : sur l’introduction tardive du calendrier (grec) de la Canicule dans la tradition romaine : Wenskus, O., 1986, p. 116–117. À la même tradition orientale semblent aussi appartenir les pronostics de Cassianus sur la dodécaétéride de Jupiter (Livre A., cap. 12, p. 21–28), c’est-à-dire l’hégémonie continuée de cette planète supérieure (selon ses passages par chaque maison planétaire et par chaque signe du Zodiaque) durant douze ans, tirée elle aussi de Zoroastre : sur le système de la dodécaétéride (chronocratories planétaires) voir en général A. Bouché–Lerclerq, [1899], 1979, p. 489–490, et sur Jupiter, p. 498 ; sur la portée universelle de Jupiter et de Saturne dans la conception du temps historique selon l’astrologie de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge : Gregory, T., 1984, p. 559-560.
28 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 54, 259–260.
29 Maiello, F., 1996, p. 30–37.
30 Parisot, J.–P. & Lambert, G., 1986, p. 120–121.
31 Flamant, J., 1984, p. 36–40.
32 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 258–260, 268–270.
33 Geoponica, Livre A., cap. 7, p. 13.
34 Nicolaïdis, T., [1990], p. 135–141.
35 Bouché–Lerclerq, A., [1899], 1979, p. 599–604.
36 Tihon, A., 2003, p. 190-191 ; 1998, p. 109-116.
37 V. Tatakis signale que la première publication bilingue (latine–grecque) des commentaires de Pléthon sur Zoroastre parut à Paris en 1599, et la deuxième à Amsterdam en 1689. Tatakis, V., 1977, p. 311, n. 245 et p. 266–267 ; Mercier, R., 2003, p. 195-209.
38 L’idée de remettre en circulation le savoir antique amassé et recopié pendant la période carolingienne : Le Goff, J., 1985, p. 14.
39 Isidori Hispalensis episcopi, Etymologiarum sive originum, Lindsay, W. M. (ed.), 1911 et Étymologies, livre ii, Marshall, P. K. (ed.), 1984 ; livre ix, Reydellet M. (ed.), 1984 ; livre xii, André, J. (ed.), 1986 ; livre xvii, André, J. (ed.), 1981.
40 Ribémont, B, 1999, p. 10, 13–14. Sur le rôle intellectuel des Étymologies pendant le Moyen Âge, voir en particulier J. Fontaine, 1983.
41 Le Goff, J., 1994, p. 25.
42 Geoponica, Livre A, cap. 9, p. 17.
43 Le Goff, J., 1985.
44 Voir en particulier : Vignaux, P., 1948.
45 Neckam, A., 1863.
46 Bède le Vénérable, De natura rerum, éd. C. W. Jones, Opera didascalica 1, Corpus Christianorum, Seria Latina, 123A, p. 189–234 (mentionné dans B. Ribémont, 1995, p. 47).
47 Gossuin de Metz, L’Image du monde de maître Gossouin, éd. O. H. Prior, 1913.
48 Honorius Augustodunensis, Imago mundi, éd. V. I. J. Flint, 49, 1982.
49 Vincent de Beauvais, Speculum majus, 1964.
50 Barthélémi l’Anglais, De proprietatibus rerum, trad. fr. par J. Corbéchon, 1372 (voir aussi B. Ribémont (éd.), 1999).
51 Raban Maur, De rerum naturis (De Universo), PL111, c. 9–614 (mentionné dans B. Ribémont, 1999, p. 47).
52 Thomas de Cantimpré, De natura rerum, 1973.
53 Ribémont, B., 1999, p. 31 (extr. de Gossuin de Metz, 1913) ; Salvat, M., 1997, p. 35–46.
54 Sur l’histoire, la structure et la philosophie, en général, de ces ouvrages voir l’introduction de B. Ribémont, 1999, p. 12–31 ; 1995. Sur le rôle important de la traduction–adaptation pendant la période transitoire à la fin du Moyen Âge occidental et au début de la Renaissance, où de nouvelles langues et cultures se forment à travers, entre autres, un processus de construction d’un nouveau corpus de savoir ou la reconstitution de l’ancien, voir en particulier l’ouvrage classique de M. Bakhtine, 1970, p. 466–467 ; pour un aperçu historique de cette problématique en Orient, voir : Sfini, A., 2003, p. 15–31.
55 Gregory, T., 1984., p. 558–560.
56 Étymologies, Livre xx : Verdon, J., 1994, p. 7.
57 Maiello, F., 1996, p. 77-89.
58 Outre Cassianus Bassus, Landos puise aussi dans l’ouvrage de Castore Durante, docteur du pape Sextus v, Il Tesoro della Sanità, Venise, 1585, 1630, pour la deuxième partie du livre, recueil des conseils médicinaux et thérapeutiques à propos des malaises du corps humain (Agronomies, p. 172 ss.).
59 Grenet, M., 2001, p. 53-94, 169-207, 274-283, où l’auteur suit les survivances de l’astrologie populaire en France après le xviie siècle, dans la culture des couches illettrées, citadines ou rurales, à travers la Bibliothèque bleue, jusqu’aux symbolismes des Illuministes et des sociétés mystiques à la veille de la Révolution française.
60 Wenskus, O., 1986, p. 110–111 ; Maiello, F., 1996, p. 60–61 ; pourtant P. Camporesi soutient toujours l’existence d’une astronomie rustique dont les bergers sont les écrins vivants. Camporesi, P., 1993, p. 162–164.
61 Geoponica, Livre B, cap. 1 : p. 33, cap. 44, 45 : p. 79–81.
62 Geoponica, p. 1.
63 Sur l’essor et les titres de la littérature agronomique européenne au xvie siècle voir en général : Abel, W., 1973, p. 145–146 ; Jacquart, J., 1975, p. 194–196 ; Zéi, E., 2002, p. 337–338.
64 Sur la vie et l’œuvre de Agapios Landos voir D. Kostoula, 1983 (avec bibliographie) ; 1991, p. 11-57 ; N. B. Tomadakis, 1982, p. 379-388 ; A. Stamoulis, D. Stijfhoorn, & S. Alting, 1997, p. 70-76 ; Y. Mavrommatis, 2000, p. 505-518 (avec bibliographie et sources). Cf. aussi N. Cartojan, 1938, p. 117.
65 Nobili Cretensis : une deuxième catégorie de nobles, dont le statut est créé vers la fin du xve siècle en Crète et à laquelle appartenaient des Vénitiens installés sur l’île, plus tard aussi des Grecs : pour une bibliographie sommaire sur le sujet voir E. Zéi, sous presse, partie B, chap. iv.
66 Panayiotakis, N. M., 1988.
67 Sur la transformation économique de Candie vénitienne au xve siècle : Thiriet, F., 1961-1962, p. 338-352. Sur le profil et l’évolution de ces élites, à titre indicatif : Pippdi, A., 1974, p. 266-273 ; Baroutsos, F., 1999, p. 187-223 ; Zéi, E., sous presse, partie B, chap. iv.
68 Sur la pratique et la constitution des collections privées à partir du xvie siècle : Pomian, K., 1987.
69 Panayiotakis, N. M., 1968, p. 45-118, sur la bibliothèque de Antonios Kallergis (xvie siècle) ; Spanakis, S., 1955, p. 379-486 ; Konstandoudaki, M., 1975, p. 123, sur la bibliothèque du docteur Tzouanès Roditis (xviie siècle) ; Lydaki, I., 2000, p. 421-445, sur les bibliothèques de Zuan Maria Bevardo, de Georgios Korinthios, de Victor Lombardo, neveu par sa femme du vénitien Thomas Querini ; Pileidis, G., 1999, t. 2, p. 165-179 ; Maltezou, C., 1999, p. 50.
70 Sur le discours et les mécanismes de vulgarisation de la propagande catholique et des Jésuites (prédication, théâtre) dans les régions grecques sous domination latine, voir : Sfini, A., 2003, p. 89-107 (et bibliographie).
71 Agronomie, p. 131.
72 Maiello, F., 1996, p. 75.
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Table des illustrations

Titre Tableau 1. L’année solaire, Cassianus Bassus
Légende * Les dates entre [ ] sont converties du calendrier romain par l’éditeur C. Wachsmuth de Ioannis Lavrentii Lydi, [1897], n° 4.
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Titre Tableau 2. Le calendrier de la lune « sous la terre »
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Pour citer cet article

Référence papier

Eletheria Zei, « « La lune sous la terre » »Histoire & mesure, XX - 1/2 | 2005, 137-157.

Référence électronique

Eletheria Zei, « « La lune sous la terre » »Histoire & mesure [En ligne], XX - 1/2 | 2005, mis en ligne le 22 août 2008, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/790 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoiremesure.790

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Auteur

Eletheria Zei

Université de Patras, Faculté des Sciences humaines et sociales

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