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Les enquêteurs du dimanche

Revisiter les statistiques françaises de pratique du catholicisme (1930-1980)
Sunday Pollsters. Revisiting French Statistics on the Practice of Catholicism (1930-1980)
Alain Chenu
p. 177-221

Résumés

L’observance religieuse, et en premier lieu l’assiduité à la messe du dimanche, ont fait l’objet au sein de l’Église catholique française d’un programme d’enquêtes de très grande ampleur, inspiré et coordonnée par l’universitaire Gabriel Le Bras et le chanoine Fernand Boulard : de 1946 à 1970, des millions de questionnaires ont été administrés et analysés. L’article revisite l’histoire de ce programme. Il met en évidence son caractère profondément dual, enquêtes sur les habitudes religieuses des paroissiens, menées auprès des curés, d’une part, recensements dominicaux menés directement et anonymement auprès des fidèles d’autre part. Le déclin de cette statistique religieuse est rapporté au recul de l’influence de l’Église, à l’intérêt avant tout local des données produites, et à la montée de la concurrence des sondages aléatoires.

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Notes de l’auteur

Je suis très reconnaissant au Centre national des archives de l’Église de France de m’avoir autorisé à consulter les archives du chanoine Boulard, et à Jean-Paul Terrenoire d’avoir déposé au Centre de données socio-politiques les archives qu’il avait constituées au cours de la préparation de l’Atlas de la pratique religieuse des catholiques en France. Je remercie Claude Dargent et Guy Michelat pour leurs lectures attentives et leurs suggestions à propos d’une première version de ce texte.

Texte intégral

« Voir clair pour agir efficacement ». Pie xii

1Dans quelles circonstances une sociologie statistique de la pratique du catholicisme a-t-elle émergé dans la France des années 1930-1940 ? À quelles finalités pastorales et/ou scientifiques répondait-elle, quels étaient ses appuis institutionnels, de quels outils intellectuels et matériels s’est-elle dotée ? Et pourquoi s’est-elle éteinte, au sein de l’Église au début des années 1970, puis dans le monde académique dix ans plus tard, comme une épidémie qui ne trouve plus de nouvelles victimes ? Le présent article propose quelques réponses à ces questions, dont l’intérêt tient d’abord à l’ampleur exceptionnelle du programme d’observation qui a été mis en œuvre. De 1946 à 1966, les enquêtes de pratique catholique habituelle ont concerné environ dix millions de personnes. De 1949 à 1970, les recensements organisés lors de messes dominicales ont touché plus de quatre millions de fidèles. En dehors de la statistique publique, jamais en France des investigations aussi vastes n’avaient été menées, et ce record est resté ensuite inégalé.

  • 1 Voir Groupe de sociologie des religions, Archives de sociologie des religions, 1969.
  • 2 Jollivet, M., 1984, p. 178.
  • 3 Les archives que F. Boulard a très soigneusement classées sont déposées au Centre national des arch (...)

2L’histoire de ce programme a déjà été en grande partie écrite, mais elle l’a été surtout à chaud, d’abord par les deux principaux promoteurs de ces enquêtes et recensements, Gabriel Le Bras (1891-1970) et Fernand Boulard (1898-1977), par les membres du Groupe de sociologie des religions fondé en 1954 au Centre national de la recherche scientifique et à l’École pratique des hautes études1, puis par François-André Isambert et Jean-Paul Terrenoire, dans l’Atlas de la pratique religieuse des catholiques en France (l’Atlas tout court, dorénavant) qui, en 1980, rassemblait et réorganisait une grande partie des données construites au cours des décennies précédentes. Dans une recension de cet atlas, Marcel Jollivet estimait que l’ouvrage n’apportait pas de « moyens de se faire une opinion sur les conditions réelles dans lesquelles les données de base ont été réunies ; il est vrai – poursuivait-il – que ceci nécessiterait sans doute toute une recherche en soi, si toutefois même une telle recherche est encore possible »2. Le présent article est une contribution à une telle recherche. Il prend appui sur les archives jusqu’ici inexplorées de Fernand Boulard et de Jean-Paul Terrenoire, déposées respectivement au cnaef et au cdsp3.

  • 4 Cholvy, G., 1968.

3Enquêtes de pratique habituelle, recensements dominicaux : l’observation de la pratique du catholicisme a emprunté, à peu près simultanément, deux voies bien différentes. Les premières impliquaient l’élaboration, paroisse par paroisse, de listes nominatives et exhaustives renseignant la régularité avec laquelle chaque paroissien remplissait ou non ses obligations en matière de culte et de sacrements ; ces listes étaient établies à dire d’expert, par le curé ou par des personnes de confiance qui l’assistaient. Les recensements concernaient les personnes présentes aux messes dites sur un certain territoire un dimanche donné, invitées à remplir un bulletin individuel anonyme. Les enquêtes de pratique habituelle étaient bien adaptées à des contextes dans lesquels le clergé catholique, solidement implanté, avait accédé à une connaissance personnalisée de la quasi-totalité des habitants de chaque paroisse, dont il avait le devoir de tenir un fichier. Les recensements dominicaux fournissaient un portrait instantané des fidèles d’un jour, que l’influence de l’Église sur le territoire considéré fût massive ou très modeste. Ne nécessitant pas la constitution de fichiers nominatifs, ils bénéficiaient souvent du concours d’équipes universitaires, alors que les enquêtes de pratique habituelle impliquaient exclusivement des curés et des informateurs de confiance. Corrélativement, les métadonnées des recensements dominicaux (matériel de collecte, consignes…) sont assez souvent disponibles dans les publications correspondantes (le cas le plus favorable étant celui de la thèse de Gérard Cholvy sur l’Hérault4), tandis que celles des enquêtes de pratique habituelle ont été enfouies dans des cartons d’archives ou sont dispersées dans des périodiques d’accès difficile (Semaines diocésaines notamment).

  • 5 Aux termes du sous-titre que lui ont donné ses auteurs, l’Atlas est établi « d’après les enquêtes d (...)

4Ce dualisme méthodologique est rendu manifeste par la stabilisation, à la fin des années 1950, d’un vocabulaire technique distinguant les « messalisants » (habitués de la messe du dimanche, généralement rattachés à la paroisse de leur résidence principale) et les « messés », décomptés un dimanche donné dans une paroisse qui peut ne pas correspondre à leur domicile habituel. Il est corrélé à une opposition géographique : les enquêtes de pratique habituelle conviennent aux zones rurales, surtout si la tradition catholique y est bien vivante, les recensements, aux zones urbaines, même les plus déchristianisées. Mais des enquêtes de pratique habituelle peuvent concerner des zones urbaines, et des recensements dominicaux des zones rurales. Les unes et les autres ont souvent été organisés à l’échelon d’un diocèse entier5.

5Les deux approches correspondent préférentiellement à des comptes rendus différents, on le verra plus loin en détail : les enquêtes de pratique habituelle tendent plutôt à mettre en évidence la diversité des comportements religieux dans des zones de compositions socioprofessionnelles à peu près identiques ; les recensements établissent souvent un lien entre diversité spatiale des comportements religieux et inégalités socio-économiques territoriales. La « carte religieuse de la France rurale », familièrement désignée comme la « carte Boulard », établie à partir de fichiers nominatifs paroissiaux de pratique habituelle, propose un constat du premier type ; tandis que beaucoup de comptes rendus de recensements dominicaux sont centrés sur un rapprochement entre deux cartes, décrivant d’une part les variations spatiales de la pratique et d’autre part celles de la composition sociale des unités territoriales. L’explication typique proposée par les comptes rendus du type 1 consiste, après avoir identifié les frontières religieuses dont la « carte Boulard » suit le tracé d’un diocèse à un autre, à identifier l’origine historique des différences culturelles qui s’observent de part et d’autre des frontières. Celle du type 2 passe facilement de la mise en évidence d’une corrélation écologique entre fait religieux et composition sociale à un schéma causal rapportant la superstructure religieuse à l’infrastructure socio-économique. À propos de ces travaux, François-André Isambert écrira avec trente ans de recul, dans La sagesse et le désordre :

  • 6 Isambert, F.-A., 1980, p. 222. À l’inverse, certains travaux récents de sociologie des religions dé (...)

« La sociologie du catholicisme d’avant le Concile avait une orientation majeure. Je peux témoigner des préoccupations de ces sociologues dont j’étais, qui faisaient leurs enquêtes de sociologie religieuse avec France, pays de mission ? sur leur table de chevet. Montrer et remontrer pour toute la France et même pour tous les pays du monde que c’était le fait des plus déshérités que de participer le moins à la vie de l’Église, et que les solidarités établies entre les Églises et les classes dominantes étaient les principales responsables de cette situation, était au centre de nos préoccupations. Derrière les constats chiffrés se trouvait un réquisitoire à peine voilé. Nous nous sentions de plain-pied avec les prêtres-ouvriers ».6

  • 7 Voir J.-B. Duroselle, 1951.
  • 8 Boulard, F., Rémy, J., 1968, p. 69-91.

6Isambert procède ainsi à une généralisation quelque peu abusive. Certes tout un courant de la « sociologie du catholicisme d’avant le Concile » s’est attaché à démontrer que la force de l’engagement catholique était liée à l’appartenance aux classes dominantes ou aux catégories les plus déshéritées ; et il était bien représenté au sein du Centre d’études sociologiques (peut-être ces chercheurs s’inspiraient-ils de Lamennais et Buchez7 davantage que de Marx). Mais surtout Fernand Boulard et Jean Rémy, parmi d’autres, ont défendu une thèse inverse : pour eux, l’appartenance à une « région géographico-culturelle » l’emporte sur l’appartenance socioprofessionnelle dans l’explication de la dispersion des taux de pratique religieuse8 ; et leur position n’était nullement marginale au sein de la « sociologie du catholicisme d’avant le Concile ».

  • 9 Boutry, P., 2006 ; Siegfried, A., 1913.
  • 10 Boulard, F., 1954, p. 49.
  • 11 « Il y a quelques jours, j’étais encore dans le diocèse de Tarbes où j’ai fait le même travail qu’i (...)

7Comme le note Philippe Boutry, le repérage de régions géographico-culturelles situe la sociologie religieuse de Le Bras et Boulard dans le prolongement de la « géographie politique siegfriedienne »9. Cependant Fernand Boulard se montre volontiers critique à l’égard du déterminisme géologique auquel on ramène souvent le Tableau politique de la France de l’Ouest : « La géographie religieuse des campagnes devrait chercher le secret de sa physionomie surtout dans l’histoire »10 ; « Nous sommes loin d’un déterminisme géographique, comme si c’était du granit qui produisait la religion et le calcaire l’irréligion. C’est en sens inverse (…). Ce qui vous donne la clé, ça va être l’histoire »11.

  • 12 Quoist, M., 1952, planches hors-texte.

8Nous retracerons tout d’abord le cadre d’ensemble dans lequel les enquêtes et recensements de pratique religieuse ont pris naissance, puis ont prospéré et décliné. Nous entrerons ensuite dans le détail de la réalisation des enquêtes de pratique habituelle, puis des recensements dominicaux, en décrivant la chaîne de production allant de la conception de l’enquête à la publication des comptes rendus et des analyses secondaires éventuelles ; nous caractériserons « l’outillage mental » (Lucien Febvre) mis en œuvre, et donnerons aussi un aperçu de l’outillage simplement matériel, par exemple en signalant une publication comportant un lot de cartes sur papier cristal qui permet au lecteur de combiner les superpositions pour repérer à sa guise d’éventuelles corrélations écologiques12.

9Nous tenterons en conclusion de caractériser les principales causes de la vogue et du déclin de ce programme d’enquêtes.

1. Flux et reflux des enquêtes sur la pratique du catholicisme

10La sociologie du catholicisme français a été pour l’essentiel l’œuvre de sociologues catholiques français, chez qui engagement religieux et projet scientifique étaient – qu’ils le veuillent ou non – étroitement imbriqués. S’il est aisé de distinguer par principe une sociologie pastorale, mise au service de finalités religieuses, et une sociologie des religions, diffusant au sein de la cité scientifique un savoir dégagé de toute implication axiologique, il est en pratique plus difficile d’identifier les ruses de la raison qui veulent que des avancées de la science résultent d’initiatives à dominante de prosélytisme, ou que les travaux réputés les plus purement académiques subissent en profondeur l’empreinte de pulsions ou de valeurs restées obscures à leurs auteurs.

11Gabriel Le Bras et Fernand Boulard ont, chacun à sa manière, sinon joué un double jeu, du moins exprimé un double « je ». Le premier a été à la fois un éminent conseiller de l’Église catholique et un universitaire occupant au sein de la République laïque les positions de président de Section à l’École pratique des hautes études, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Paris, membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Le second a suivi un itinéraire le menant d’une position de curé de campagne, puis d’aumônier de la Jeunesse agricole chrétienne, à celle d’auteur de travaux dont la valeur scientifique a été reconnue dans les champs de l’histoire et de la sociologie (série des Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, articles parus dans des revues telles que Social Compass, les Annales, etc.).

  • 13 Le Bras, G., 1931 (texte repris en ouverture de G. Le Bras, 1955).
  • 14 « Le cadre élémentaire de la recherche que je vous propose c’est, naturellement, la paroisse rurale (...)
  • 15 Le Bras, 1936, p. 164.
  • 16 « Supérieur de la communauté de Saint-Sulpice de Favières (Seine-et-Oise) et aumônier diocésain jac (...)
  • 17 Commandé à Gabriel Le Bras par Marc Bloch pour la collection « Le paysan et la terre » (Gallimard), (...)
  • 18 Chamboredon, J.-C., Mathy, J.-P., Méjean, A. & Weber, F., 1985.
  • 19 Desrosières, A. & Thévenot, L., 1988, p. 35.
  • 20 Renahy, N., 2010.
  • 21 Michelat, G. & Simon, M., 1982, p. 197 ; voir plus largement Michelat, G. & Simon, M., 1977.

12L’entente et la complémentarité sont grandes entre les deux hommes. Le Bras, brillant, visionnaire, d’un humour ravageur, a aussi le goût de l’archive et du travail empirique. Boulard est un organisateur rigoureux et tenace, et un excellent statisticien d’enquête. Leur rencontre date de 1944. Auparavant, Gabriel Le Bras avait publié en 1931 l’article programmatique « Pour un examen détaillé et pour une explication historique de l’état du catholicisme dans les diverses régions de la France » 13 ; en 1933, il avait proposé une échelle de pratique à cinq positions14 ; en 1936, il avait précisé sa conception – assez typiquement durkheimienne, mais la référence n’était pas explicite – du statut méthodologique des indicateurs de pratique religieuse : « La pratique n’est pas toute la religion (…) La pratique ou l’abstention créent donc une simple présomption de foi ou d’incroyance. Mais il me faut bien, tout en niant l’équation : pratique = croyance, constater que les consciences échappent à notre regard, seuls des signes extérieurs nous permettent de supposer l’attachement aux dogmes et à la discipline de l’Église »15. Fernand Boulard quant à lui avait été curé dans une zone de faible influence catholique où la pénurie de prêtres se faisait durement sentir16. Chacun des deux hommes s’attachait à mieux comprendre les conséquences de « la fin de la civilisation paroissiale » dont Gabriel Le Bras allait approfondir l’analyse dans L’église et le village17. Il est trivial de noter que le rôle social du curé et de l’institution paroissiale s’est trouvé affaibli du fait de la concurrence de l’instituteur et de l’école laïque, et de la déchristianisation du monde ouvrier. Mais ces changements vont de pair avec un déclin, moins souvent relevé, de « l’appartenance territoriale comme principe de classement et d’identification »18. Longtemps le curé, plus lettré que ses paroissiens, détenteur d’un monopole sur des biens de salut unanimement convoités, avait été le principal médiateur entre son village, dont il connaissait personnellement tous les habitants, et les mondes distants de la vie politico-religieuse régionale, nationale ou romaine. Tout bon curé de campagne se devait d’occuper une position centrale dans les réseaux de sociabilité de sa paroisse, de représenter sa localité aux deux sens de la représentation cognitive et de la représentation politique19. On peut considérer qu’il était, dans les termes d’une analyse proposée par Nicolas Renahy, le porteur et le producteur d’un important « capital d’autochtonie »20. De la capacité du curé à personnaliser l’identité collective de sa paroisse témoignait la célébrité de formules associant le mot « curé » et le nom d’un village : Ars, Cucugnan, ou, pour le drame ou la gaudriole, Uruffe, Camaret. Les membres des nouvelles classes moyennes salariées, issus d’écoles rayonnant sur de vastes marchés de l’emploi, voyaient quant à eux leur sociabilité se construire dans un espace plus ample que celui de la localité. Leur religiosité elle-même dépendait moins de leur appartenance locale que ce n’était le cas pour des agriculteurs ou pour des ouvriers. Guy Michelat et Michel Simon allaient montrer que « les catégories ‘cadres’ [étaient] celles dont le comportement est le moins dépendant de la ‘religiosité’ locale »21. Les données issues du programme Le Bras-Boulard, avec leur couverture locale exhaustive, permettaient avant tout de construire une représentation statistique de chaque paroisse, doyenné ou diocèse. Elles se prêtaient mal à une agrégation nationale parce qu’elles restaient toujours quelque peu lacunaires et que leurs grilles, malgré les efforts de Fernand Boulard, n’étaient que partiellement standardisées d’un diocèse à un autre.

13Un trait majeur de ces statistiques est qu’elles étaient construites en réponse à des problèmes que l’Église formulait en termes d’insuffisance de son influence non pas sur des classes sociales ou des milieux sociaux en tant que tels mais sur des territoires – non pas sur les ouvriers mais sur une « banlieue ouvrière » ou un « secteur prolétarien », non pas sur une partie de la paysannerie mais sur les pays ou les terres de mission de certaines régions rurales.

  • 22 Cavalin, T. & Viet-Depaule, N., 2007.
  • 23 Les saisons du conformisme saisonnier sont celles du cycle de vie entier, avec les quatre actes du (...)

14En 1927, le jésuite Pierre Lhande avait publié Le Christ dans la banlieue, un cri d’alarme quant à l’ampleur du fossé qui s’est creusé entre l’Église catholique et les concentrations ouvrières de la périphérie des grandes villes ; bientôt prolongé par des « radio-sermons » à l’audience encore plus vaste, ce livre constituait l’une des deux références majeures de Gabriel Le Bras dans son article de 1931 – l’autre concernait Siegfried et le Tableau politique de la France de l’Ouest. En 1941, le cardinal Suhard, archevêque de Paris, créait la Mission de France, qui allait former via son séminaire à Lisieux des prêtres séculiers voulant se consacrer à l’évangélisation des diocèses de France pauvres en vocations sacerdotales22. À la demande d’Emmanuel Suhard, les abbés Godin et Daniel publiaient en 1943 France, pays de mission ? Et c’est à la demande de l’abbé Godin que Fernand Boulard rédigeait Problèmes missionnaires de la France rurale. Dans ce livre, il annonçait la parution d’une carte de la pratique catholique distinguant, conformément à la typologie de Gabriel Le Bras, trois sortes de cantons ou doyennés : les pays chrétiens, les zones de conformisme saisonnier, et les terres de mission23.

  • 24 Furet, F., avant-propos de Boulard, F. (éd.), 1982, p. 9.

15En novembre 1947, la carte en question paraissait dans les Cahiers du clergé rural. Elle constituait une « première » scientifique mondiale : jamais auparavant les variations locales de la pratique religieuse n’avaient été ainsi cartographiées à l’échelle de tout un pays. François Furet la résumait ainsi : elle oppose « un ouest très pratiquant, de la Mayenne au Finistère et de la Vendée au Cotentin ; une zone centrale déchristianisée qui prend en écharpe le pays, des Landes jusqu’aux Ardennes, incluant le nord-ouest du Massif Central et tout le Bassin Parisien ; à l’inverse, un arc de forte pratique religieuse qui va du Pays Basque à l’Alsace en épousant les courbes sud  et sud-est du Massif Central »24.

16La carte s’appuyait sur les réponses du clergé à des enquêtes diocésaines dont F. Boulard mesurait les défauts, défauts qu’il allait s’employer à réduire au cours des décennies suivantes. Mais à quoi servait cette carte ? Avant tout à préparer des réformes de l’action de l’Église, pensées en termes de réorganisation territoriale, c’est-à-dire tournées vers les « pays de mission ». Une deuxième édition, révisée et mise à jour, paraissait le premier janvier 1952 ; elle comportait une série hors commerce identifiant par des surimpressions en rouge les secteurs d’intervention de la Mission de France (cf. Figure 1).

Figure 1. Carte religieuse de la France rurale (détail)

Figure 1. Carte religieuse de la France rurale (détail)

Note. Deuxième édition, 1er janvier 1952. Série hors commerce portant (en rouge) l’indication des secteurs de la Mission de France. « Carte établie selon la classification en régions A, B, C, de Problèmes missionnaires de la France rurale, par Fernand Boulard, aumônier national d’Action catholique rurale, avec le concours de Gabriel Le Bras, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Paris, président de la Section des sciences religieuses à l’École pratique des hautes études ». (Archives A. Chenu).

  • 25 Cointet, M., 1998, p. 282.
  • 26 Cavalin, T. & Viet-Depaule, N., 2007 ; Suaud, C. & Viet-Depaule, N., 2005.

17Pour se lancer dans sa nouvelle « mission intérieure », l’Église devait repenser en profondeur les catégories de sa pratique et les formes de son organisation. « Le paradoxe est que les diocèses fervents sont riches en vocations sur lesquelles veille avec un soin jaloux l’évêque et que les régions déchristianisées envoient peu d’élèves au séminaire local. Or les diocèses sont autonomes et chaque évêque garde ses jeunes prêtres »25. Par construction, la Mission de France empiétait sur les compétences traditionnelles des évêques. Elle avait été créée avec le soutien de l’aca, présidée jusqu’en 1948 par le cardinal Suhard, mais ce soutien, faiblement institutionnalisé, tenait beaucoup à la personnalité du cardinal, dont le décès, en 1949, fragilisait la Mission. À Lisieux, la formation des futurs prêtres, qui apprenaient à partager les conditions de vie et de travail des pauvres et des ouvriers, différait amplement de celle dispensée dans les autres séminaires. En 1952, Louis Augros, responsable à la fois de la Mission et du séminaire de Lisieux, était démis de ses fonctions ; la plupart des enseignants, considérés comme trop proches d’organisations telles que le Parti communiste et la cgt, étaient congédiés et le séminaire était limogé, au sens propre (transféré à Limoges) comme au figuré. Pour des raisons similaires, la Mission ouvrière était entrée elle aussi en conflit avec une partie de l’épiscopat français et surtout avec le Vatican ; en 1953-1954 les prêtres-ouvriers étaient mis en demeure de choisir entre leur sacerdoce et leur emploi26.

  • 27 Les orientations méthodologiques d’Économie et humanisme sont définies dans le Guide pratique de l’ (...)

18Le chanoine Boulard suivait une ligne soutenue par l’aca et tendant à réorganiser l’action missionnaire de l’Église, diocèse par diocèse, sous l’autorité de chaque évêque. Partant du diagnostic selon lequel l’échelon de la paroisse et même celui du doyenné ne permettaient pas au clergé d’exercer son ministère auprès des populations les plus déchristianisées, il proposait l’ajout d’un « nouvel étage de l’action », à l’échelon de « zones humaines » au nombre d’une douzaine environ par diocèse. Ce découpage répondait à peu près aux mêmes principes que celui des zones infra-départementales définies dans les travaux d’Économie et humanisme27. Le nouveau maillage territorial était susceptible d’être adopté dans le cadre de congrès diocésains, réunis au terme d’une année ou deux d’enquêtes préparatoires coordonnées par Fernand Boulard.

  • 28 « Aux pélerins français, en pèlerinage à Rome lors de l’entrée au Sacré Collège de Mgr Feltin et de (...)
  • 29 Cf. Poulat, E. & Ravelet, C., 1997 pour Desroche ; Keck, T., 2004, pour Montuclard.

19En préambule aux comptes rendus de ces travaux, beaucoup d’évêques mettaient en exergue la formule du pape Pie xii « Voir clair pour agir efficacement »28. Une telle citation pouvait avoir une fonction de paratonnerre et protéger la sociologie diocésaine : les foudres vaticanes s’étaient abattues sur la Mission de France, sur les prêtres-ouvriers, sur des hommes tels qu’Henri Desroche ou Maurice Montuclard qui avaient dû quitter la prêtrise et avaient opté pour la profession de sociologue, colorant cette discipline d’une aura quelque peu sulfureuse29.

20En 1954, Fernand Boulard publiait Premiers itinéraires en sociologie religieuse, un ouvrage préfacé par Gabriel Le Bras et centré sur la version 1952 de la carte religieuse de la France rurale. Au long des années 1950 et 1960, aidé du père Philippe Lacoudre basé à Saint-Sulpice-de-Favières, il s’employait à convaincre les diocèses de réaliser de nouvelles enquêtes de pratique religieuse habituelle, de plus en plus exhaustives et standardisées. Dans cette tâche, il bénéficiait du soutien de l’aca, puis de la Conférence des Évêques de France. Ces instances collégiales n’étaient pas des échelons hiérarchiques intermédiaires entre le pape et les évêques, elles n’avaient que des fonctions de coordination, de représentation et de service auprès des évêques, et certains diocèses refusaient leur concours. Mais en 1960, Fernand Boulard était nommé responsable du « Secrétariat interdiocésain pour une pastorale d’ensemble » ; cette position lui permettait d’exprimer ses talents d’organisateur avec davantage d’autorité.

  • 30 « Je vous ai signalé tout à l’heure, en regardant les courbes, comment nous constations une double (...)

21La formule de « pastorale d’ensemble » renvoyait à l’idée que chaque diocèse était en charge d’une « double pastorale », via les paroisses d’une part, les secteurs de l’Action catholique ou de mouvements similaires d’autre part30. Les congrès diocésains comportaient des sessions de « recherche pastorale », préparées par des enquêtes de pratique religieuse et visant à harmoniser, sous l’autorité de l’évêque, les rapports entre les différentes sortes de pastorale.

22Infatigable, Fernand Boulard se rendait dans les diocèses pour des réunions de lancement et de bilan, entretenait un volumineux courrier pour se faire communiquer les formulaires et les comptes rendus des enquêtes, s’efforçait de remédier aux éventuels retards ou insuffisances des équipes de sociologie religieuse. Les données moissonnées lui permettaient de faire paraître de nouvelles versions de sa carte, dans la seconde édition de Premiers itinéraires (1966) et dans le premier volume des Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français (1982), paru après son décès mais largement rédigé par lui.

  • 31 Daille, R., 1963, p. 11.

23À la fin des années 1960, les enquêtes de pratique religieuse voyaient décroître l’intérêt que leur portait l’Église Catholique. Les raisons de ce recul sont multiples, nous tenterons de les récapituler à la fin de cet article. Mais la première d’entre elles est assez triviale : pourquoi une institution aux forces déclinantes consacrerait-elle d’importants moyens à une évaluation très circonstanciée prouvant qu’elle est en perte de vitesse ? Les membres des centres diocésains de sociologie religieuse avaient de plus en plus souvent à subir l’ironie de questions du genre : « Dites-moi, mon Révérend Père, vous arrive-t-il de prêcher Jésus-Christ, ou bien prêchez-vous la statistique ? »31.

  • 32 Gusfield, J., 2009, p. 10.

24Dans le même temps, le monde académique, lui, témoignait d’un intérêt accru pour les indicateurs de pratique religieuse, et se comportait en quelque sorte comme le repreneur, le nouveau « propriétaire », au sens de Joseph Gusfield32, d’une sociologie catholique devenue sociologie du catholicisme. Les nouvelles publications mentionnaient le soutien du cnrs plutôt que le nihil obstat et l’imprimatur de l’Église.

  • 33 « Secrétariat pour une pastorale diocésaine d’ensemble
  • 34 insee, Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Éducation nationale, Secrétariat d’information pour (...)
  • 35 Voir l’organigramme de la rcp 163 dans Groupe de sociologie des religions, 1969, p. 15. Les données (...)
  • 36 Duplex, J., 1968, p. 60-62. Les pascalisants sont des catholiques qui font leurs pâques, c’est-à-di (...)
  • 37 Terrenoire, J.-P., 1982.

25Le principal artisan de cette « reprise » était Fernand Boulard lui-même : en 1966 il demandait aux évêques l’autorisation de réutiliser à des fins scientifiques les données issues des enquêtes diocésaines sur la pratique du catholicisme33. Soixante-trois diocèses répondaient positivement, sept autres avaient déjà publié les données correspondant aux autorisations demandées. La voie était ainsi ouverte à la création par le cnrs, en 1968, d’une Recherche coopérative programmée, la rcp 163 « Religion, politique et changement social dans la France contemporaine », dirigée par F.-A. Isambert, qui rassemblait des statistiques de diverses sources34 et les standardisait selon un maillage cantonal en vue d’une analyse des relations entre composition sociale, pratique religieuse et vote politique35. La rcp ayant pris fin en 1971, le Groupe de sociologie des religions prenait le relais et lançait le projet d’un atlas de la pratique du catholicisme en France. L’ouvrage allait s’inspirer, pour son format et aussi pour l’importance accordée au maillage cantonal, de l’Atlas de la France rurale que le Groupe de sociologie rurale (équipe du Centre d’études sociologiques, cnrs) avait réalisé sous la direction de Jean Duplex et qui comportait déjà trois cartes décrivant l’influence du catholicisme (densité du clergé, messalisants, pascalisants)36. Il paraissait en 1980, dix ans après le décès de Gabriel Le Bras et trois ans après celui de Fernand Boulard ; en 1982 un article de Jean-Paul Terrenoire lui apportait divers compléments méthodologiques et des errata37.

  • 38 Michelat, G. & Simon, M., 1982 ; Jollivet, M., 1984.
  • 39 Boutry, P., 2004 ; Julia, D., 2006.
  • 40 Voir notamment J. Gombin, 2008.

26L’Atlas procure une vue d’ensemble, pour la France rurale et pour la France urbaine, des principaux résultats auxquels le programme Le Bras-Boulard a finalement abouti. Les deux cartes qui se font face pages 34 et 35, des « messalisants ruraux » (par canton) et des « messés urbains » (par ville et agglomération), en constituent le cœur. Il comprend en outre des analyses écologiques originales centrées sur l’étude des corrélations multiples entre appartenance socioprofessionnelle, pratique du catholicisme et vote politique. Il va faire l’objet de recensions mitigées38 et ne connaît qu’une assez modeste diffusion. Ses deux auteurs avaient eu du mal à mener leur entreprise éditoriale à son terme, le monde académique à son tour se désintéressant de la cartographie de l’observance catholique. Les publications les plus significatives postérieures aux années 1980 allaient émaner d’historiens, Philippe Boutry, Dominique Julia39. Les autres textes se réfèrant à l’Atlas ou aux travaux Le Bras-Boulard les traitaient avant tout comme des sources40.

27Le contexte d’ensemble de l’essor et du déclin de ce programme étant tracé, nous allons examiner l’outillage conceptuel et méthodologique au développement duquel il a donné lieu. Il est auparavant nécessaire de décrire ce qu’était la pratique très ancienne des visites pastorales, dont les enquêtes de pratique habituelle sont le prolongement.

2. Aux origines des enquêtes de pratique religieuse, les visites pastorales

  • 41 Le Bras, G., 1955, p. 194s ; Répertoire, 1977-1985.
  • 42 Avant-propos de F. Furet à F. Boulard, (éd.), 1982, p. 9. Un questionnaire synodal datant de 906 a (...)
  • 43 Le Bras, G., 1955, p. 232.
  • 44 Le Bras, G., 1955, p. 232.

28Le droit canon impose à tout évêque d’inspecter ou de faire inspecter régulièrement (en principe tous les cinq ans) chacune des paroisses de son diocèse41. Chaque visite est préparée par l’envoi d’un questionnaire, auquel le curé doit répondre par écrit, en décrivant « la présence et l’assiduité à la messe, le baptême, la communion pascale, le nombre de serviteurs donnés à l’Église par le terroir. Accessoirement le curé répond aussi à des questionnaires de moralité »42. Chaque curé doit pouvoir s’appuyer non seulement sur les registres des baptêmes, mariages et sépultures, « qui sont comme les diaires du conformisme »43, mais aussi sur un fichier nominatif et exhaustif des habitants de la paroisse, « un état des âmes, prescrit par le même canon du Codex trop rarement observé, et qui est une série, évidemment secrète, de fiches individuelles où sont mentionnées les habitudes religieuses de chaque paroissien : c’est l’annuaire de la fidélité »44.

  • 45 Le Bras, G., 1955, p. 235.

29Les réponses aux questionnaires diocésains sont susceptibles d’être biaisées, puisqu’il appartient au prêtre lui-même d’élaborer les indicateurs qui vont servir à évaluer son action. « Un curé dont la paroisse ne va pas très bien hésite à confesser, voire à se confesser les chiffres, un curé dont la paroisse a périclité sous son gouvernement ne le proclame point volontiers, un curé qui a quatre paroisses et se trouve bien dans le presbytère où il réside craindra le transfert s’il annonce en un autre lieu une affluence plus considérable aux offices »45.

  • 46 Le Bras, G., 1955, p. 210.

« À partir de 1905 et surtout de 1920, les sources deviennent abondantes. Presque tous les diocèses ont leurs procès-verbaux de visites, où la pratique tient, sauf rares exceptions, une place notable, souvent la première place (…). Les enquêtes n’ont jamais connu pareille fortune : dirigeants des Congrès diocésains, Journées eucharistiques, associations pieuses rivalisent louablement dans la cueillette des chiffres, le maniement des fractions, le tracé des courbes. Nombreux sont les questionnaires partis des chancelleries épiscopales et concernant surtout le catéchisme et la communion ».46

  • 47 Le Bras, G., 1955, p. 120-194.
  • 48 Bourguet, M.-N., 1989.

30La Revue d’histoire de l’Église de France publie des « notes de statistique et d’histoire religieuse » qui rendent compte de cette floraison de rapports, dont Gabriel Le Bras élabore un index et qu’il suggère de traduire en carte47. Après avoir lu puis rencontré Le Bras, Fernand Boulard se lance dans la réalisation de la carte religieuse de la France rurale, dont la première version (1947) s’appuie sur la documentation hétérogène et lacunaire constituée par les rapports sur les visites pastorales. Dans les décennies suivantes, Boulard met ses talents d’animateur et d’organisateur au service d’une modernisation des enquêtes préparatoires aux visites pastorales ou aux congrès diocésains. Ces enquêtes incombent de plus en plus souvent à des « centres diocésains de sociologie religieuse » auxquels Boulard prodigue ses conseils. La statistique des évêques avait relevé jusqu’alors du modèle de la statistique départementale des préfets, dont le caractère hétéroclite a bien été caractérisé par Marie-Noëlle Bourguet48, elle allait désormais se prêter – jusqu’à un certain point – à des agrégations à l’échelon de l’ensemble des diocèses.

3. Les enquêtes auprès du clergé
sur la pratique religieuse habituelle

  • 49 Archives Boulard, 14PP283 (courrier de juillet 1963).

31À partir de 1946 et jusqu’à la fin des années 1960, perfectionnant ses consignes au fil du temps, le chanoine Boulard dote d’une véritable ingénierie les enquêtes de pratique religieuse habituelle que les curés ont à réaliser dans le cadre de la préparation des congrès diocésains. Il préconise une organisation en dix étapes au long d’une période d’un an – souvent plus longue en pratique49 :

  • 50 Dans le vocabulaire des instituts de statistique, les délégués sont en charge de l’encadrement dire (...)

« Une année de recherche pastorale.
Un préalable : l’équipe diocésaine
Il est indispensable que l’Évêque donne l’impulsion et suive personnellement de très près tout le travail. Mais il n’est pas bon qu’il se perde dans les détails. La présidence effective de l’équipe sera donc confiée à un Vicaire général ou assimilé qui sera responsable direct.
+ 2 ou 3 représentants de la direction des œuvres (celle-ci doit être active dans l’enquête sans pour autant lui enlever son caractère d’enquête officielle de l’Évêché), de représentants du grand séminaire, de l’Enseignement libre, des aumôniers de l’Enseignement public, des religieuses, du clergé urbain, du clergé rural ; enfin d’un laïc faisant la liaison avec les Mouvements et Œuvres. En tout une dizaine de personnes, faciles à réunir (au début il faut prévoir – pendant un mois et demi, une réunion par semaine)
Échelonnement des dates sur une année (ça peut être 2.)
Étape 1 (1,5 mois). Journée de lancement
Quelques jours après, réunion de l’équipe diocésaine de l’enquête : fixation des zones d’analyse, liste définitive des délégués décanaux de l’enquête50 (au besoin en jumelant ou triplant certains doyennés trop petits)
Répartition des enquêtes par sous-commissions.
Mise au point du mode de dépouillement (fiches à perforations marginales, procédé Sabox, mécanographie…) et des questionnaires adaptés à cette méthode choisie.
Envoi à M. Boulard pour « nihil obstat » technique (tous les formulaires doivent être mis au point avec lui avant d’être imprimés.)
Impression.
Étape 2. Embrayage des délégués décanaux
Journée de travail en fin de 2e mois fixant le terme du travail paroissial 6 mois plus tard (fin 8e mois.)
Étape 3. Coordination du travail sur le plan diocésain
Suivi de la collecte sur le terrain.
Mise en route de l’équipe spécialisée qui fera l’étude d’ensemble du département et du diocèse.
Tout au long, la Semaine religieuse doit tenir au courant du travail fait, des questions posées, et soutenir ainsi l’attention.
Réunir plusieurs fois les délégués des doyennés pour les chauffer.
Étape 4. Récolte des documents
Le délégué de l’équipe diocésaine passe une journée dans chaque doyenné avec le délégué de ce doyenné et 2 ou 3 curés afin de :
- contrôler les fiches paroissiales rentrées
- établir la fiche rose récapitulative du canton
- dégager quelques conclusions des autres enquêtes remplies.
Étape 5. Planning d’exploitation
Étape 6. Exploitation statistique (vers le 10
e mois)
- point des retardataires
- enquête de pratique religieuse au centre diocésain
- autres enquêtes.
Étape 7. Exploitation graphique
Étape 8.  Préparation des rapports
Veiller à ne pas submerger l’auditoire sous une avalanche de chiffres et de pourcentages.
10 jours avant la première session, répétition générale devant les cartes et graphiques définitifs.
Étape 9. Sessions de conclusions pastorales
Le projet de programme des diverses sessions est envoyé par M. Boulard environ un mois et demi avant la première session
Étape 10. Dispositif pastoral
Environ un mois après les sessions, mise en route du dispositif pastoral (sous la présidence de Mgr l’Évêque), choix des thèmes de commissions pastorales, désignation des délégués de chaque doyenné en chaque commission. 

32La chaîne de production des données sur la pratique religieuse habituelle met en jeu une fiche familiale nominative, deux tableaux A1 et A2 également nominatifs (aussi désignés comme « tableaux-brouillons »), et une fiche récapitulative dite de type B, généralement imprimée sur bristol rose.

  • 51 Cf., dans les archives Terrenoire, le Guide du responsable paroissial du recensement catholique ou (...)
  • 52 « Pour éviter des oublis, il est bon de tracer tout d’abord un plan de la paroisse (quartier par qu (...)
  • 53 Bulletin officiel de l’Évêché de Quimper et de Léon, 28 juin 1957, p. 347. Voir aussi, par exemple, (...)

33La fiche familiale comporte autant de lignes qu’il y a de personnes dans le ménage et renseigne pour chacune d’elles prénom, sexe, âge, profession, entreprise, et différents indicateurs de pratique religieuse51 (Figure 2). Elle est remplie à dire d’expert par le curé ou l’un des « laïcs de confiance »52 qui l’assistent et qui connaissent personnellement les habitants de la paroisse. Les renseignements concernant des paroissiens inconnus peuvent être obtenus par une visite sur place. Les « guides du responsable paroissial » établis par l’évêché indiquent comment éviter les oublis ou les doublons, et insistent sur la discrétion avec laquelle l’enquête doit être menée. L’ensemble des fiches constitue « le Fichier Paroissial qui est la forme moderne, de plus en plus répandue, du liber status animarum prescrit par le Droit Canon »53.

Figure 2. Bulletin familial d’enquête sur la pratique religieuse habituelle

Figure 2. Bulletin familial d’enquête sur la pratique religieuse habituelle

Note. Diocèse de Besançon, janvier 1962, 20 x 26 cm (Source : archives Terrenoire, cdsp).

  • 54 « Suggestions de travail. Il est avantageux d’organiser ainsi le travail : Monsieur le Curé n’écrit (...)
  • 55 Dans le cas de l’enquête menée en 1962 dans le diocèse de Besançon, le Tableau A1 comporte un compa (...)

34Les fiches familiales permettent de remplir, pour chaque paroisse, deux tableaux pré-imprimés conçus pour l’étude des effets respectifs de l’âge et de l’appartenance socioprofessionnelle sur la pratique religieuse54. Chaque ligne correspond à un individu nommément identifié, la liste étant la même pour les deux tableaux. Les variables de pratique religieuse sont croisées avec le sexe et l’âge (Tableau A1) ou avec le sexe et la catégorie socioprofessionnelle (Tableau A2). Des colonnes spécifiques permettent d’identifier les personnes susceptibles de faire l’objet d’enquêtes complémentaires55. Les consignes aux responsables d’enquête de pratique habituelle comportent des indications détaillées permettant notamment le codage de la catégorie socioprofessionnelle – à partir de 1954 c’est la nomenclature de l’insee qui est utilisée. Le dépouillement des listes permet d’établir une fiche récapitulative paroissiale de type B [figure 3].

Figure 3. Fiche récapitulative paroissiale (de type B)

Figure 3. Fiche récapitulative paroissiale (de type B)

Note. Enquête de pratique religieuse habituelle, diocèse d’Angoulême, 31 déc. 1963,16 x 24 cm (Source : archives Terrenoire, cdsp)

35Fiches familiales et tableaux-brouillons ne sortent pas de la paroisse ; les fiches roses doivent être établies en plusieurs exemplaires et transmises à l’évêché et au chanoine Boulard. On a donc affaire à une collecte à deux niveaux bien distincts, celui de la paroisse et celui du diocèse. Le curé est en charge de l’établissement des micro-données décrivant ses paroissiens ; soit les informations nécessaires figurent déjà dans son fichier nominatif, soit il doit procéder à des investigations complémentaires, en questionnant des « laïcs de confiance » ou en allant sur le terrain. L’évêque et éventuellement le centre diocésain de sociologie religieuse sont eux en charge de l’enquête auprès des curés, qui leur communiquent les données déjà agrégées relatives à leur paroisse – et aussi, parfois, des listes nominatives répondant aux besoins d’enquêtes particulières. Aucun terme unique (recensement, enquête, exploitation de fichier) ne désigne de manière pleinement satisfaisante ce processus à étages et à options.

  • 56 Certaines statistiques concernent les sept ans ou plus, l’entrée dans l’« âge de raison » impliquan (...)
  • 57 La critique majeure que Guy Michelat et Michel Simon adressent à l’Atlas concerne l’imprécision qui (...)

36L’agrégation à l’échelon d’un canton ou d’un diocèse est aisée (pour autant que les fiches roses ont été bien remplies, ce qui n’est pas toujours le cas) puisque les fiches vierges ont été préalablement élaborées par le diocèse. En revanche les variations dans le libellé des grilles d’un diocèse à un autre et d’une période à une autre, ainsi que les lacunes dans le processus de collecte, rendent très difficile l’établissement d’une carte nationale de la pratique ou de ses évolutions. Les seuils d’âge ne sont pas définis de manière stable56. Les conventions de délimitation de la population catholique, dont l’effectif constitue le dénominateur des divers taux calculés, varient elles aussi. L’Église considère que les « détachés » ou les « séparés » restent des catholiques, et tend à bannir l’usage du terme de « déchristianisation », dont la connotation de voyage sans retour est plus nette. Les consignes Boulard invitent à n’exclure du dénominateur que les anticléricaux déclarés. Mais parmi les catholiques d’origine, dûment baptisés, il est difficile de faire la part de ceux qui s’éloignent discrètement et de ceux qui sont en rupture notoire avec l’Église ; la marge d’incertitude s’accroît à mesure que des baptisés sont plus nombreux à n’émettre aucun signe de conformisme rituel et à relever de fait de la catégorie des individus sans religion57.

37Les fiches roses sont susceptibles de donner lieu à des analyses paraissant dans les bulletins d’une paroisse ou d’un doyenné ; mais c’est surtout à l’échelon du diocèse que s’élaborent les travaux les plus approfondis, présentés et discutés dans le cadre des « congrès sur la pastorale d’ensemble ». Les comptes rendus paraissent soit dans la Semaine religieuse, soit dans des publications spécifiques, ronéotées ou imprimées. De nombreuses cartes et figures sont exposées dans les congrès puis reproduites dans les publications. Mettant principalement en évidence les variations de l’observance religieuse d’un canton à un autre ou d’une paroisse à une autre, elles déclinent à l’échelon diocésain une géographie politico-religieuse d’inspiration siegfriedienne.

38Les effets du sexe, de l’âge, de l’appartenance socioprofessionnelle sont susceptibles d’être contrôlés et de donner lieu à l’établissement de cartes distinctes pour les femmes et les hommes, les ouvriers et les agriculteurs, etc.

39Un compte rendu particulièrement intéressant, parce qu’il concerne une région où les taux de pratique religieuse sont très contrastés, est fourni par le volume Le diocèse de Besançon. Visage humain, visage religieux. Compte rendu des congrès diocésains de février, avril 1964. Par une « lettre sur la pastorale diocésaine » du 21 septembre 1961, l’archevêque avait convié les fidèles à collaborer à une enquête sur la pratique religieuse animée par « l’un des plus éminents spécialistes en la matière, Monsieur le Chanoine Boulard ».

« En février 1962, les premières enquêtes étaient lancées qui, par vagues successives, allaient permettre les vastes investigations destinées à ‘voir clair pour agir efficacement’ selon les propres termes du Saint Père Pie xii. Deux années de laborieuses recherches commençaient.
Les grandes vacances de 1962 et 1963, avec le précieux concours de nombreux prêtres et grands séminaristes, étaient consacrées de façon intensive au dépouillement des résultats et à leur traduction en cartes et graphiques.
Entre temps, l’événement du Concile faisait reporter de septembre 1963 à février, avril et mai 1964, les Congrès de conclusions… ». (p. 3)

40Le volume, paru seulement en 1967, comprend quarante huit planches hors-texte. De grandes cartes en couleur dépliantes (47 x 61 cm) décrivent notamment les taux de présence à la messe du dimanche commune par commune à l’échelon du diocèse. Un tel niveau de détail, plus poussé que celui de la « carte Boulard », répond bien à l’une des finalités pratiques assignées aux congrès diocésains, la délimitation de « zones pastorales » plus vastes que les doyennés : à cette échelle une partie des ressources des paroisses bien dotées en effectifs de prêtres et de laïcs pourra être affectée aux paroisses voisines, et l’Action catholique pourra toucher dans leur ensemble les principaux bassins d’emploi industriel ou tertiaire (Figure 4).

Figure 4. Cartes de pratique religieuse, diocèse de Besançon, détail

Figure 4. Cartes de pratique religieuse, diocèse de Besançon, détail

Notes. En haut, Diocèse de Besançon, 1967, hors-texte L, taux de messés de sexe masculin par commune (enquête de 1962) ; en bleu, les pays de chrétienté, en rouge les terres de mission, en jaune les zones de catholicisme saisonnier, en blanc les valeurs manquantes. Les traits noirs les plus épais séparent les départements, les plus fins les communes, les intermédiaires les « zones humaines »).
En bas, « Carte Boulard », 1952. Les hachures désignent les pays chrétiens (taux de pascalisants supérieur à 45 %) ; à cette échelle, le périmètre paraît homogène, si l’on excepte les variations de la présence protestante, signalée par les pointillés.

  • 58 Diocèse de Besançon, 1967, p. 45. Dans l’Atlas (p. 21), la ville de Besançon est décrite comme ayan (...)

41Restent en blanc les territoires où l’enquête n’a pu être menée à bien : l’agglomération de Montbéliard (qui inclut les usines Peugeot à Sochaux) et le gros du Territoire de Belfort. Dans ces zones, les plus industrielles du diocèse, l’influence de l’Église est faible. Non évoqués dans le compte rendu de 1967, des recensements dominicaux ont eu lieu à Montbéliard en 1954 (14 % de messés parmi les 20 ans et plus, Atlas, p. 114) et à Belfort en 1958 (13 % de messés, Atlas, p. 113), alors qu’à Besançon, où l’enquête de pratique habituelle a pu être réalisée, le taux de messalisants atteint 28 %58.

  • 59 Le 11 novembre 1965, Fernand Boulard écrit à Pierre Rémond et Michel Decreuse, les chevilles ouvriè (...)

42On prend ici la mesure du biais de représentativité inhérent aux enquêtes de pratique habituelle : elles présupposent que le clergé ait une grande familiarité avec le territoire étudié, qu’il dispose du temps nécessaire à la réalisation des enquêtes demandées, et que ses investigations soient bien tolérées par les habitants. Il semble que de telles conditions n’aient été réunies ni à Belfort ni à Montbéliard59. Ces enquêtes ne sauraient donc fournir des indications exhaustives sur la pratique de la messe dominicale à l’échelon de l’ensemble du territoire.

4. Les recensements d’assistance à la messe dominicale

  • 60 Pour un exemple de « guide pratique du responsable » de recensement dominical, voir G. Cholvy, 1968 (...)
  • 61 La situation de famille est presque toujours demandée. Elle distingue les célibataires, les mariés (...)
  • 62 Le Bras, G., 1956, p. 482.

43L’instrument de base pour la collecte des informations des recensements dominicaux est un questionnaire individuel anonyme distribué lors d’une messe et récupéré à l’issue de celle-ci60. Renseignant au moins quatre variables de base (sexe, âge, lieu de résidence, profession éventuelle61), il apparaît comme un perfectionnement des simples dénombrements des présences à la messe, sollicités notamment par Jacques Valdour dans sa collection « La vie ouvrière » et par les abbés Godin et Daniel dans France, pays de Mission (p. 70) pour caractériser l’abstention religieuse dans les paroisses ouvrières62.

  • 63 Le Bras, G., 1956, p. 601.
  • 64 Le Bras, G., 1956, p. 601-602.
  • 65 Voir Renouveau, journal catholique du 15e arrondissement, n° 60, avril 1952.
  • 66 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 13.
  • 67 Comment réaliser un recensement, 1960, p. 10. Outre Fernand Boulard, les auteurs sont François-Andr (...)

44C’est un disciple de Gabriel Le Bras, Jacques Petit (« élève à l’Institut d’Études Politiques, assidu au Centre d’Études Sociologiques »63), qui a effectué la première observation de ce type les 13 et 20 mars 1949 à l’échelle de la paroisse Saint-Laurent, dans le 10e arrondissement de Paris (3875 répondants). Le mémoire de J. Petit, résumé par Le Bras dans un article de 195064, paraît en 1956, présenté et annoté par François-André Isambert  dans le premier numéro des Archives de sociologie des religions. En 1950, les paroisses parisiennes de Saint-Pierre de Chaillot et de Saint-Hippolyte font l’objet d’observations similaires. En 1951, Gabriel Le Bras s’implique dans une opération couvrant l’ensemble du 15e arrondissement65. François-André Isambert, membre du Centre d’Études Sociologique, prend part à plusieurs de ces premiers recensements parisiens. En 1952, ce sont pour la première fois des villes entières (Lens, Liévin, Grenoble, Vienne) qui font l’objet de recensements66. En 1960 paraît un guide méthodologique, Comment réaliser un recensement d’assistance à la messe dominicale, « fruit d’un travail de collaboration entrepris sous la direction du Chanoine Fernand Boulard »67.

  • 68 Voir L. Gros, 1954, p. 16 ; Pin, E., 1956, p. 80-81.

45À la différence des enquêtes sur la pratique religieuse habituelle qui, portant sur la totalité de la population résidant sur un certain territoire, permettent de déterminer à la fois le numérateur et le dénominateur de tel ou tel taux de pratique religieuse, les recensements dominicaux ne décomptent pas les non-pratiquants. Ils s’effectuent donc de préférence à une date proche de celle d’un recensement général de la population effectué par l’insee68 : la répartition des messés par âge, sexe et catégorie socioprofessionnelle, selon un certain maillage territorial, permet de déterminer les taux de pratique dominicale selon ces diverses variables à condition que les mêmes tris puissent être effectués, selon les mêmes critères et le même maillage territorial, pour la population recensée par l’insee. Mais la statistique publique ne renseigne pas la répartition de la population par confession religieuse ; l’objectif de mesure du taux d’observance parmi les seuls catholiques ne sera donc atteint qu’approximativement, le flou étant proportionnel à la part des non catholiques.

  • 69 « La distribution des bulletins était assurée à chaque messe par des équipes d’adultes (en principe (...)

46La collecte, très concentrée dans le temps, nécessite une planification assurant la couverture de la totalité des messes célébrées sur le territoire de la paroisse durant le week-end considéré, et implique la mobilisation d’une masse considérable d’agents recenseurs bénévoles69. Il est donc difficile de garder secrète la date prévue pour le recensement, alors même qu’une annonce faite à l’avance est susceptible de produire des biais indésirables – la mesure du taux de messés étant un indicateur qui peut entrer dans l’évaluation de l’efficacité des curés, certains font campagne pour que l’église soit particulièrement bien remplie le jour du recensement.

  • 70 Labbens, J., 1954, p. 49.

« La date du recensement religieux n’est évidemment pas communiquée au public ; on évite même généralement d’en annoncer la préparation de manière que la surprise soit complète. À Marseille et à Paris, les responsables ecclésiastiques et laïcs aux divers échelons ont été avisés longtemps à l’avance de la date retenue : il est ainsi plus facile de « mobiliser » les agents d’exécution dont le nombre s’élève à plusieurs milliers et qui peuvent réserver leur dimanche ; le clergé peut prévoir les activités paroissiales en tenant compte du recensement. À Lyon, au contraire, la date fut gardée secrète à l’égard même du clergé et des responsables laïcs jusque dans la soirée du dimanche précédant l’opération ; on eut connaissance du jour fixé au moment même ou l’on recevait le matériel nécessaire à l’exécution. Ce système a l’avantage d’éviter les indiscrétions : on sait qu’un hebdomadaire à grand tirage s’est trouvé en mesure d’annoncer bien à l’avance la date d’un recensement religieux ; le dimanche précédent, un curé invitait ses paroissiens à venir nombreux huit jours plus tard et en amenant leurs amis (…). Des initiatives aussi intempestives ont été rendues impossibles à Lyon ».70

  • 71 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 23. Les recensements interviennent préférentiellement lors d’un di (...)
  • 72 Hughes, E. C., 1996, p. 76 s.

47Les répondants renseignant leur adresse permanente, les bulletins sont susceptibles d’être réalloués aux paroisses de résidence des recensés. Ainsi les Parisiens assistant aux messes du diocèse de Versailles sont plus nombreux, du fait des migrations de week-end, que les messés résidant dans le diocèse de Versailles et recensés à Paris71. En pratique, il y a des non réponses et des réponses inexploitables, il est difficile de couvrir simultanément un vaste territoire, la main d’œuvre bénévole et inexpérimentée est parfois défaillante. L’objectif de calculs de l’assistance nette, après compensation des soldes migratoires, n’est donc que très imparfaitement atteint. Mais seule la centralisation du codage et de l’exploitation de l’ensemble des bulletins à l’échelon d’une agglomération ou d’un diocèse permet d’espérer atteindre un tel objectif. Par suite, l’échelon paroissial, déjà tenu le plus longtemps possible dans l’ignorance de la date de collecte, est peu associé à l’exploitation des résultats ; ravalé à un rôle de petite main, il peut être tenté de pratiquer le freinage dans l’exécution de ce qu’Everett Hughes qualifierait de « sale boulot »72.

48La Géographie religieuse de l’Hérault contemporain, de Gérard Cholvy, décrit précisément le cas du recensement de novembre 1962 dans le diocèse de Montpellier :

  • 73 Cholvy, G., 1968, p. 489-490.

« Un guide de codage fut polycopié. Les codes sont ceux de l’INSEE quand les données sont comparables. La centralisation du travail a été le principe directeur : nous pensons que multiplier les équipes de travail aboutit aussi à multiplier les erreurs. Cependant le bulletin était tel que coder demandait un temps considérable. Plus de 75 personnes ont donc participé à ce travail. L’éventail est large : religieuses Carmélites, Dames de Nevers, Petites Sœurs du Père de Foucault, séminaristes, Frères Dominicains, retraités, ingénieurs, étudiants ».73

  • 74 À Lyon (Labbens, J., 1954, p. 8), à Paris (insee, 1957), à Bordeaux (Gouyon, P., 1957, p. 10), des (...)
  • 75 Le directeur général de l’Iinsee, F. L. Closon, signe l’avant-propos de cette publication :

49Des membres d’administrations publiques ou de bureaux d’études mettent leur professionnalisme et éventuellement certaines ressources de leur institution au service de recensements dominicaux74. C’est une publication de l’insee qui rend compte des principaux résultats du recensement dominical de 1954 dans le diocèse de Paris ; faute d’une bonne superposition entre les périmètres des paroisses et doyennés et ceux des communes et cantons, elle ne comporte pas de données à une échelle plus fine que la dichotomie Paris-banlieue, ce qui limite massivement son intérêt75.

  • 76 Daniel, Y., 1952, p. 64-65 (voir aussi p. 40-41 les cartes de la pratique religieuse et du niveau d (...)
  • 77 D’Angeville, A, 1836, cité par Isambert, F.-A., 1961, p. 181 et 195 notamment. Le rapprochement des (...)

50Les comptes rendus des premiers recensements dominicaux sont centrés sur des cartes témoignant de la force d’une corrélation écologique entre pauvreté et abstention religieuse. Celles de la paroisse Saint-Hippolyte, d’abord parues dans le bulletin paroissial Ivry-Choisy-Italie (Figure 5), sont reprises dans Aspects de la pratique religieuse à Paris et dans Christianisme et classe ouvrière76. Dans ce dernier ouvrage, François-André Isambert présente plusieurs cartes issues de l’Essai sur la statistique de la population française de d’Angeville, principal précurseur de l’analyse en termes de corrélation écologique77.

Figure 5. Pratique religieuse et îlots de pauvreté dans le 13e arrondissement de Paris

Figure 5. Pratique religieuse et îlots de pauvreté dans le 13e arrondissement de Paris

Note. ICI [Ivry, Choisy, Italie], Communauté paroissiale Saint-Hippolyte, n° 17, oct. 1951, p. 8-9 (Archives Terrenoire).

  • 78 Boulard, F., 1956, p. 57 ; 1966a, p. 35.
  • 79 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 13-14.

51Les deux cartes de la Figure 5 établissent une relation entre deux variables d’intérêt, la situation socio-économiques et la pratique religieuse, en contrôlant l’effet de la localisation infra-urbaine. Un raisonnement de ce type est central dans les ouvrages de Daniel (1952) et d’Isambert (1961) sur Paris, dans ceux de Michel Quoist sur un secteur de la ville de Rouen, dont les cartes hors-texte transparentes se prêtent à une combinatoire au choix du lecteur (1952), ou d’Émile Pin sur une paroisse lyonnaise (1956). Mais il est absent dans les publications de Fernand Boulard : dans Premiers itinéraires on trouve des juxtapositions de cartes correspondant chacune à une appartenance socioprofessionnelle donnée, l’unique variable d’intérêt étant la pratique religieuse, dont on rend manifeste les variations spatiales, la position socioprofessionnelle étant contrôlée78. Certes Boulard et Rémy constatent que, « dans la plupart des villes d’Europe occidentale, l’appartenance professionnelle est un facteur important de dispersion des taux de pratique : les ouvriers ayant une chance de pratiquer nettement inférieure à celle des autres groupes sociaux »79. Mais leur lecture des données des recensements dominicaux est centrée sur la mise en évidence de l’homogénéité culturelle et religieuse de régions, au-delà du clivage ville-campagne et de la diversité des positions socioprofessionnelles. Ils ne publient pas de cartes dans lesquelles l’appartenance socioprofessionnelle, ou plus largement la situation socio-économique, aurait un statut de principale variable d’intérêt ou de variable explicative.

  • 80 Chelini, J., 1958.

52En 1958, Jean Chélini a publié, à l’instigation du chanoine Boulard, un premier bilan des recensements de pratique dominicale, qui à cette date ont déjà concerné la plupart des grandes villes de France80. La seconde édition des Premiers itinéraires en sociologie religieuse (Boulard, 1966a) ainsi que Pratique religieuse urbaine et régions culturelles (Boulard et Rémy, 1968, p. 193-206) comportent des mises à jour de ce bilan. Boulard et Rémy assurent disposer de données exhaustives pour quatre vingt-huit diocèses sur quatre vingt-douze (1968, p. 30), mais les auteurs de l’Atlas écarteront les données de certains diocèses insuffisamment fiables à leurs yeux.

  • 81 Chélini, J., 1958, p. 112-114.
  • 82 « On peut tenter une évaluation prudente du nombre des adultes pratiquants habituels pour la totali (...)

53La multiplication des recensements dominicaux sur des périmètres ayant déjà donné lieu à des enquêtes de pratique habituelle permet des rapprochements entre taux de messés et taux de messalisants. Les effectifs présents à la messe un dimanche donné sont généralement inférieurs à ceux des fidèles allant à la messe régulièrement, mais il paraît arbitraire de fixer un coefficient multiplicateur unique qui permettrait de mettre en équivalence les mesures issues des deux types d’investigations. Jean Chélini souligne la diversité des coefficients observés81, et lorsque Boulard et Rémy se risquent à proposer une estimation du taux de messalisants pour la France entière par consolidation des résultats des enquêtes de pratique habituelle et des recensements dominicaux, ils adoptent une fourchette large, situant le rapport messalisants/ messés entre 1,2 et 1,682. Malgré le flou de ces rapprochements, l’intérêt d’une mesure unifiée de l’assiduité à la messe dominicale provoque par contrecoup un désintérêt relatif pour les autres indicateurs issus des enquêtes de pratique régulière – taux de pascalisants, cénalisants (c’est-à-dire communiants réguliers), baptisés, etc.

  • 83 Atlas, tabl. 0.02.
  • 84 Dans la Semaine religieuse du diocèse de Paris (29 septembre 1975), le cardinal Marty écrit « Voici (...)

54Les derniers recensements dominicaux interviennent en 1969 en Haute-Normandie et à Nevers, en 1970 à Saint-Nazaire83. Après cette date la présence à la messe ne fait plus guère l’objet que de dénombrements. Celui de mars 1975 dans le diocèse de Paris, synchrone avec le recensement de population, met en évidence un fort recul de l’assistance dominicale. Le cardinal Marty évoque une diminution de 47 % depuis 1962 ; le chanoine Boulard s’efforce de rectifier ce diagnostic, à ses yeux excessivement pessimiste84.

  • 85 Gombin, J., 2008, p. 7.

55Au total, les recensements dominicaux obéissent à des principes méthodologiques plus transparents que les enquêtes de pratique habituelle, qui recueillent avant tout les images que les curés veulent donner de leur propre pastorale. En ce sens, on peut juger discutable l’appréciation de Joël Gombin selon laquelle les données pour les cantons ruraux (issues des enquêtes auprès des curés) seraient plus fiables que celles pour les cantons urbains (généralement issues des recensements dominicaux)85 ; mais il est vrai que les résultats des recensements dominicaux souffrent d’autres faiblesses, aléas climatiques, incertitudes quant au lieu de résidence de beaucoup de répondants.

Figure 6. Enquêtes de fréquentation habituelle de la messe et recensements dominicaux : effectifs observés (1945-1969)

Figure 6. Enquêtes de fréquentation habituelle de la messe et recensements dominicaux : effectifs observés (1945-1969)

Source. D’après Isambert, F.-A. & Terrenoire, J.-P., 1980, Tableaux 0.01, 0.02, 2.28, 4.14 ;  Boulard & Rémy, 1968, p. 189-202.

  • 86 Isambert, F.-A. & Terrenoire, J.-P., 1980, p. 24.

56Des bibliographies d’ensemble des principales publications issues des enquêtes et recensements de pratique religieuse ont été établies par J. Maître dans les Archives de sociologie des religions, puis par Isambert et Terrenoire dans l’Atlas86. L’apogée se situe dans les années 1955-1959, avec trente quatre publications recensées dans l’Atlas, contre neuf au cours des cinq années précédentes, quatorze de 1960 à 1964, huit de 1965 à 1969 et cinq de 1970 à 1976. L’effectif des personnes observées via les enquêtes diocésaines ou les recensements dominicaux se situe lui aussi à son maximum dans la deuxième partie des années 1950 (Figure 6).

5. Les raisons d’une vogue et d’un déclin

57L’émergence et l’extinction, en un demi-siècle, du vaste programme d’enquêtes tracé en 1931 par Gabriel Le Bras constitue un processus historique singulier entremêlant des déterminations de plusieurs ordres. Les plus évidentes tiennent au déclin des forces de l’Église catholique. D’autres, moins visibles mais non moins structurantes, concernent l’obsolescence des catégories d’analyse selon lesquelles s’organisaient ces enquêtes. Enfin l’intérêt de statistiques exhaustives s’est amenuisé face à la concurrence des sondages aléatoires. Développons ces trois points.

58Dans les années 1950, l’Église était en mesure, à l’image de l’insee lors d’un recensement de la population, de quadriller le territoire en mobilisant des milliers d’agents recenseurs encadrés par des délégués et des experts. Trente ans plus tard, le clergé a vieilli, le nombre des ordinations qui était supérieur à mille en 1950 dépasse à peine cent en 1980, et l’influence de l’Église a décliné aussi parmi les experts (universitaires, membres du cnrs, de l’ined, de l’insee, d’instituts de sondage…) qui apportaient un concours bénévole à la réalisation des enquêtes de pratique religieuse.

  • 87 Lambert, Y., 2000.

59Indépendamment du niveau des forces de leur Église, les catholiques ont accordé de moins en moins d’importance au conformisme cultuel. On a assisté, selon la formule d’Yves Lambert, à la montée du « religieux hors piste »87. De nouveaux indicateurs de pratique – taux de lecture de la presse confessionnelle, de participation à des groupes de prière, à des associations caritatives – ont vu leur pertinence s’accroître. Certaines pratiques anciennes longtemps en déclin, tels les pèlerinages, ont trouvé un second souffle.

  • 88 La Croix, 9 mai 2008.
  • 89 Sondage Sofres-Le Monde-La Vie-France Inter, 8-13 septembre 1986, N =1530 (Michelat, G., 1991, p. 2 (...)
  • 90 Michelat, G., 1991, p. 140 s. : le coefficient de corrélation entre score de pratiques et score de (...)

60Faut-il pour autant considérer, comme Nicolas de Brémond d’Ars, prêtre du diocèse de Paris et sociologue, que « le thermomètre est cassé »88 ? Le thermomètre en question prenait la mesure de l’observance des obligations canoniques, assiduité à la messe dominicale, communion annuelle, etc. En fait ces indicateurs classiques de conformisme cultuel et sacramentel ont conservé l’essentiel de leur pertinence statistique et continuent de s’organiser selon de solides échelles hiérarchiques. Ainsi Guy Michelat, analysant un sondage d’opinion sur « l’identité catholique en 1986 », construisait une échelle à cinq positions, depuis les fidèles allant à la messe au moins une fois par mois jusqu’aux baptisés ou non baptisés ayant rompu avec toute pratique ou sacrement pour eux comme pour leurs enfants, en passant par différents degrés du conformisme saisonnier, extrême-onction et/ou mariage religieux, enterrement religieux, baptême des enfants89. Cette échelle était semblable, à quelques ajustements près rendus nécessaires par la diminution du niveau moyen de pratique, à celle que Gabriel Le Bras avait proposée à dire d’expert en 1933 ; ses cloisonnements, corrigés par l’idée que les pratiquants réguliers aillent à la messe non plus chaque dimanche mais seulement une fois par mois au moins, sont restés solides. Les scores de pratique sont fortement corrélés aux scores de croyance religieuse, et conformément aux fondamentaux de la sociologie durkheimienne, ils sont statistiquement plus robustes que les indicateurs de croyance90. L’outil « échelle de pratique du catholicisme » reste bon, c’est sa valeur d’usage qui s’est dépréciée.

61Une deuxième dimension clé des enquêtes Le Bras-Boulard, la grille des catégories socioprofessionnelles, a elle aussi suscité moins d’intérêt. La profession reste un très bon indicateur de position socio-économique, et les inégalités entre cs se sont en gros maintenues. Mais l’attention portée à l’appartenance socioprofessionnelle a décliné, au sein de l’Église et ailleurs également. En 2006, l’insee a édité l’ultime volume de la série Données sociales, lancée en 1973, qui fut un temps le navire amiral des publications de cet organisme, et dont beaucoup de chapitres décrivaient la société française au travers de lunettes divisant le monde social en catégories socioprofessionnelles.

  • 91 « La France s’achemine vers une domination des pratiques globales et vers une pratique qui sera tou (...)

62En troisième lieu les données Le Bras-Boulard ont été délaissées parce qu’elles conféraient un privilège majeur aux appartenances territoriales. Que l’Église catholique soit ou non en déclin, les institutions qui assuraient son organisation spatiale traditionnelle – paroisse, doyenné, diocèse – ont perdu de leur influence. Cette tendance avait été caractérisée par Gabriel Le Bras en 1956 en termes de domination croissante des « pratiques globales »91. Pour notre part nous l’avons décrite ici en termes de déclin du « capital d’autochtonie » que le clergé paroissial, et aussi les enquêtes et recensements de pratique religieuse, étaient à même de produire. Ces dispositifs fabriquaient de l’identité locale en diffusant, paroisse par paroisse, une sorte de portrait de groupe des catholiques. Cette fonction a été affaiblie du fait non seulement de la « domination croissante des pratiques globales », mais aussi de l’amoindrissement de la contribution de l’Église catholique à la construction des identités territoriales – la triple association curé-église-village a été rompue par l’élargissement des périmètres de sacerdoce, les nouveaux maillages, instables et clairsemés, n’ont pas accédé à une grande visibilité dans la conscience sociale.

  • 92 Les enquêtes de l’Observatoire interrégional du politique (1984-2000) sont représentatives à l’éche (...)
  • 93 Langlois, C., Tackett, T. & Vovelle, M., 1996, p. 32 ; Boutry, P., 2004.

63Une telle évolution diminuait l’avantage comparatif que des statistiques exhaustives, procurant une information sur les unités territoriales les plus exiguës, détiennent par rapport à des enquêtes par sondage dont la représentativité ne va généralement pas en deçà de l’échelon national92. L’intérêt d’observations territoriales fines est aussi limité du fait qu’en matière de géographie religieuse, beaucoup de frontières sont très stables et qu’il n’est donc pas nécessaire de renouveler souvent leur description – de nombreux historiens ont relevé les similitudes entre la « carte Boulard » et la répartition en 1791 des « prêtres réfractaires » refusant de prêter serment à la constitution civile du clergé93.

  • 94 « Le catholicisme en France », Sondages, 1952, n° 4, p. 10.
  • 95 Pour les eurobaromètres, les enquêtes européennes sur les valeurs et l’issp (International Social S (...)
  • 96 « Dans notre sondage de 1986, le total de ceux qui disent aller à la messe au moins une fois par se (...)
  • 97 Lettre de F. Boulard à Maurice Toutain, curé de Gargenville (Seine-et-Oise), 15 mars 1964 : « Il y (...)
  • 98 Lambert, Y., 1993.
  • 99 Pearce, J., 2000 ; Gombin, J., 2008, p. 6. L’article de Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’exi (...)
  • 100 Gombin, J., 2008.

64En France, le premier sondage focalisé sur la religion date de 195294. En 1977, Guy Michelat et Michel Simon ont publié Classe, religion et comportement politique, le premier ouvrage marquant dans le domaine de la sociologie française des religions qui soit fondé sur des sondages. La série des enquêtes européennes sur les valeurs, initiée en 1982, a procuré tous les neuf ans un riche ensemble d’indicateurs sur les pratiques religieuses et les croyances, et différents programmes internationaux ont également abordé ces thématiques95. Nous avons déjà évoqué l’enquête sur « l’identité catholique en 1986 », qui a permis d’analyser les liens entre de multiples indicateurs de pratiques et de croyances. C’est grâce à ces différents sondages, et non au programme Le Bras-Boulard, que les évolutions de la pratique du catholicisme ont pu être caractérisées avec un minimum de précision, sur la base de séries « barométrisées »96. C’est également grâce à ces séries qu’ont pu être distingués les effets respectifs, sur les taux de pratique religieuse, de l’âge, de la période et de la génération ; en 1966, Fernand Boulard avait perçu la nécessité d’une telle distinction, qu’il souhaitait mettre en œuvre sur la base des recensements dominicaux de 1954 et 1962 dans la région parisienne, mais son projet n’avait pas abouti97 ; Yves Lambert, se fondant sur des données issues de divers sondages, publiait en 1993 la première étude approfondie mesurant ces effets98. Les analyses fondées sur l’observation d’échantillons représentatifs à l’échelon national sont elles exposées à un biais d’individualistic fallacy99, les comportements ou opinions étant souvent analysés sans référence aux caractéristiques des cadres collectifs, notamment territoriaux, dans lesquels ils prennent naissance. Mais le développement des méthodes de régression multi-niveaux, dont une communication de Joël Gombin fournit un bon exemple d’application100, a permis d’obvier amplement à ce travers.

  • 101 La pyramide des âges, pourtant attestée aux États-Unis dès 1874, apparaissait encore comme une nouv (...)

65L’efficacité des sondages s’est affirmée aussi parce que l’unification conceptuelle et méthodologique des enquêtes de pratique habituelle et des recensements dominicaux était restée très imparfaite, taux de messalisants et taux de messés demeurant difficilement comparables et affectés de biais différents. Les publications qui s’appuyaient sur ces données – les livres de Fernand Boulard, de nombreux articles parus dans les Archives de sociologie des religions… – avaient d’abord bénéficié d’un engouement collectif pour des techniques statistiques qui incarnaient alors la modernité101 ; dans un second temps, leurs limites paraissaient plus évidentes : outillage statistique uniquement descriptif, matière première constituée de données déjà agrégées à l’échelle des paroisses, donc enserrées dans le cadre préétabli d’un petit nombre de tableaux croisés du type de ceux figurant sur les fiches roses. Les micro-données des sondages d’opinion allaient se prêter à des usages beaucoup plus diversifiés, et à l’application de méthodes statistiques plus sophistiquées. En France, la grande majorité des sociologues des religions se détournait de l’ensemble de ces technologies statistiques et privilégiait les approches phénoménologiques ou ethnographiques, comme en témoignent les sommaires des Archives des sciences sociales des religions au-delà du milieu des années 1980.

  • 102 Collins, R., 1995.

66Au total, la carte Boulard est devenue un lieu de mémoire davantage qu’un instrument de travail vivant. Mais le programme de recherche dont elle est issue a constitué une expérience originale en matière de travail empirique et a produit des résultats de grand intérêt. Il constitue donc une tradition sociologique inaboutie, plutôt qu’une « tradition sociologique avortée »102. Les fiches roses méthodiquement classées par le chanoine Boulard dorment par milliers dans les cartons d’archives que la Conférence des évêques de France a pris le soin de conserver. Réservant des possibilités d’analyse secondaire qui n’ont été que très partiellement explorées dans l’Atlas, elles trouveront peut-être un jour de nouveaux « repreneurs », recrutés cette fois parmi les historiens quantitativistes et non plus parmi les sociologues des religions.

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 2e série. Diocèses concordataires et post-concordataires (à partir de 1801). Tome 1, Agen-Lyon, 1980. Tome 2, Marseille-Viviers, 1978.

Renahy, Nicolas, « Classes populaires et capital d’autochtonie. Genèse et usages d’une notion », Regards sociologiques, 40, 2010, p. 9-26.

Robinson, William S., « Ecological Correlations and the Behavior of Individuals », American Sociological Review, 15, 1950, p. 351–57.

Ruiter, Stijn & van Tubergen, Frank, « Religious Attendance in Cross-National Perspective: A Multilevel Analysis of 60 Countries », American Journal of Sociology, 115, 2009, p. 863-895.

Siegfried, André, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, 1913.

Suaud, Charles & Viet-Depaule, Nathalie, Prêtres et ouvriers, une double fidélité mise à l’épreuve, 1944-1969, Paris, Karthala, 2005.

Terrenoire, Jean-Paul, « Les pratiques culturelles dans leur contexte social et historique », Archives des sciences sociales des religions, 54, 1982, p. 149-158.

Voyé, Liliane, Sociologie du geste religieux. De l’analyse de la pratique dominicale en Belgique à une interprétation théorique, Bruxelles, Vie ouvrière, 1973.

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Notes

1 Voir Groupe de sociologie des religions, Archives de sociologie des religions, 1969.

2 Jollivet, M., 1984, p. 178.

3 Les archives que F. Boulard a très soigneusement classées sont déposées au Centre national des archives de l’Église de France ; le cnaef étant doté de moyens modestes, elles n’ont été que sommairement inventoriées, et ne sont donc accessibles que sur dérogation. Quelques cartons portent sur l’organisation générale des enquêtes et recensements, beaucoup d’autres rassemblent, à l’échelon d’un diocèse, des documents répartis en cinq catégories : visites diocésaines, correspondances avec les enquêteurs, « fiches roses » (voir plus loin), dossier de presse des résultats des enquêtes, et enfin documents sur les vocations et sur les effectifs du clergé.

Les archives que Jean-Paul Terrenoire a déposées au Centre de données socio-politiques (Sciences Po/cnrs) documentent de nombreuses enquêtes de pratique religieuse habituelle réalisées par l’Église catholique à l’échelon d’un diocèse au cours des décennies 1950-1960 (consignes de collecte et d’exploitation, fiches familiales, listes et tableaux récapitulatifs pré-imprimés, comptes rendus). Elles comprennent en outre des brouillons et des listings qui ont préparé la publication de l’Atlas de la pratique religieuse.

4 Cholvy, G., 1968.

5 Aux termes du sous-titre que lui ont donné ses auteurs, l’Atlas est établi « d’après les enquêtes diocésaines et urbaines suscitées et rassemblées par Fernand Boulard ». Cette formule est doublement discutable.

D’une part les adjectifs « diocésain » et « urbain » ne conviennent ni l’un ni l’autre : certains recensements dominicaux, organisés à l’échelle d’un diocèse, touchent des paroisses rurales (cf. G. Cholvy, 1968), certaines enquêtes de pratique habituelle concernent des zones urbaines (cf. Diocèse de Besançon, 1967), et beaucoup de territoires ont fait l’objet des deux types d’observations. Proposant une terminologie plus satisfaisante, Jacques Maître prend ses distances par des guillemets avec l’opposition rural/urbain : il distingue « Enquêtes auprès du Clergé (Enquêtes ‘Rurales’) » et « Consultations dominicales (Enquêtes ‘Urbaines’) » (Maître, J., 1957, p. 74-75). Il est vrai que Fernand Boulard estime qu il ne faut « recourir à ce type de recensement [dominical] que pour les paroisses d’au moins 5 000 habitants. Dans les paroisses plus petites le curé – guidé maintenant par des méthodes devenues rigoureuses – peut fournir des renseignements fort précis » (Comment réaliser un recensement, 1960, p. 8). Mais dans certaines de ces paroisses plus petites, le curé n’est pas en mesure de fournir de renseignements précis, et la formule du recensement dominical est alors irremplaçable. Pour notre part, nous préférons mettre en avant, à propos du premier type d’enquête, le caractère habituel de la pratique étudiée, et à propos du second le fait qu’il s’agisse toujours de recensements, portant sur la totalité des personnes présentes à une messe, alors que les enquêtes de pratique habituelle sont tantôt des exploitations de fichiers éventuellement complétées par des enquêtes partielles, tantôt des recensements.

D’autre part le sous-titre passe sous silence la contribution de Gabriel Le Bras, pourtant décisive aussi bien dans la conception d’ensemble du programme que dans la mise au point et la diffusion de la formule du recensement dominical.

6 Isambert, F.-A., 1980, p. 222. À l’inverse, certains travaux récents de sociologie des religions défendent de manière tout aussi mécanique l’hypothèse selon laquelle la précarité économique entraînerait un haut niveau de pratique religieuse (Ruiter, Stijn, van Tubergen, Frank, 2009, p. 870, p. 879).

Dans La France, pays de mission ? (1943), les abbés Godin et Daniel s’alarmaient de la déchristianisation de la banlieue ouvrière parisienne.

7 Voir J.-B. Duroselle, 1951.

8 Boulard, F., Rémy, J., 1968, p. 69-91.

9 Boutry, P., 2006 ; Siegfried, A., 1913.

10 Boulard, F., 1954, p. 49.

11 « Il y a quelques jours, j’étais encore dans le diocèse de Tarbes où j’ai fait le même travail qu’ici, et c’est dans ce diocèse que j’ai découvert tout d’un coup, de façon très précise, cette opposition que vous voyez là sur la carte générale entre les Pyrénées Occidentales pratiquantes en réalité dans les Hautes-Pyrénées comme dans les Basses-Pyrénées – et les Pyrénées Orientales qui sont toujours en minorité pratiquantes et qui rejoignent la région de Provence (...). Or, la séparation entre ces deux régions se fait au milieu du diocèse de Tarbes.

Si vous connaissez la carte du relief des Pyrénées, vous savez qu’il s’agit d’une barrière continue de l’Est à l’Ouest. Pas de passage, pas de failles : on ne passe qu’aux deux bouts. Si on regarde une carte géologique de la France, vous apercevez la grande barrière centrale d’un bout à l’autre, de l’Est à l’Ouest des Pyrénées. Pourquoi alors la séparation du Sud au Nord ? Pourquoi la séparation est-elle perpendiculaire ? Nous sommes loin d’un déterminisme géographique, comme si c’était du granit qui produisait la religion et le calcaire l’irréligion. C’est en sens inverse (...) Ce qui vous donne la clé, ça va être l’histoire » (Boulard, F., 1966b, p. 6).

12 Quoist, M., 1952, planches hors-texte.

13 Le Bras, G., 1931 (texte repris en ouverture de G. Le Bras, 1955).

14 « Le cadre élémentaire de la recherche que je vous propose c’est, naturellement, la paroisse rurale. Dans sa population, d’origine catholique, peuvent se trouver cinq catégories de personnes :

1° Des séparés, qui n’ont jamais appartenu à l’Église ou qui ont rompu toute attache avec elle ;

2° Des conformistes, que j’ai appelés saisonniers, parce que, aux quatre grandes saisons de leur vie : celles de la naissance, du premier raisonnement, de l’amour nuptial, de la mort, leur corps est porté ou escorté à l’église, et qui assurent à leur entourage les mêmes rites de passage (car il s’agit pour eux de quelque chose d’analogue aux rites décrits par M. Van Gennep) ;

3° Des pratiquants irréguliers, qui paraissent à l’église pour les grandes fêtes : Pâques, l’Ascension, l’Assomption, la Toussaint, Noël, les Rameaux. Ces irréguliers sont, en général, pascalisants ;

4° Des pratiquants réguliers, qui assistent à la messe tous les dimanches et communient à Pâques ;

5° Des dévôts, qui fréquentent assidûment l’église, communient souvent, font partie d’associations pieuses. » (Le Bras, G., 1933, p. 196-197).

15 Le Bras, 1936, p. 164.

16 « Supérieur de la communauté de Saint-Sulpice de Favières (Seine-et-Oise) et aumônier diocésain jac/jacf, [Fernand Boulard] avait impulsé dans le diocèse de Versailles (...) plusieurs groupes communautaires, ce qui lui avait valu de rédiger un projet de directoires communautaires [en 1933] (...) Fernand Boulard et le cardinal Suhard avaient compris qu’il fallait repenser la répartition des prêtres, voire même réorganiser les circonscriptions paroissiales rurales, comme le suggérait l’abbé Boulard : « La règle : un curé au pied de chaque clocher, a cessé, dans l’ensemble du territoire, d’être ordinairement réalisée – et, en beaucoup d’endroits – d’être bienfaisante » (Boulard, F., 1939, p. 252).

Fernand Boulard et le cardinal Suhard (...) savaient que pour plaider en faveur d’une nouvelle pastorale, il fallait compter bien davantage avec l’Action catholique spécialisée. Boulard allait d’ailleurs être nommé par l’aca. [Assemblée des Cardinaux et Archevêques], le 24 juillet 1941, à la même session (était-ce un hasard ?) qui décidait de la création de la Mission de France, aux fonctions d’aumônier général adjoint de la jac pour la zone occupée et allait écrire un ouvrage de référence lorsqu’il parut, Problèmes missionnaires de la France rurale, qui allait déterminer le choix des premières implantations des communautés de la Mission de France » (Cavalin, T. & Viet-Depaule, N., 2007, p. 29-30).

Les Problèmes missionnaires font partie d’une trilogie, parue dans la collection « Rencontres », qui s’ouvre avec La France, pays de Mission ? (Godin, H. & Daniel, Y., 1943) et se clôt avec Paroisse, communauté missionnaire (Michonneau, G., 1946). Le livre de Boulard traite de la France rurale, les deux autres rendent compte d’expériences pastorales situées dans la banlieue ouvrière parisienne.

En 1945 paraît aussi Paysannerie et humanisme, un ouvrage paru sans nom d’auteur mais écrit par l’abbé Boulard (« Un manuel de 450 pages, écrit pour les dirigeants de section de la jac, [Jeunesse Agricole Chrétienne] et qui s’essaie à tracer, dans tous les domaines, les grandes orientations d’une culture générale d’esprit rural ». Boulard, F., 1945, p. 2). Le nihil obstat date du 7 mars 1944, donc de l’Occupation. Une lettre de Gaston Roupnel, dont l’engagement en faveur du régime de Vichy vient alors de s’affirmer dans Histoire et destin (1943), constitue l’avant-propos. Le livre reprend plusieurs des thèmes centraux de la Révolution nationale : corporatisme (« La nation voit progressivement se reconstituer tous les « corps sociaux » intermédiaires entre l’État et l’individu, que la Révolution française avait fait disparaître et [qu’]elle redevient ainsi, selon la logique des choses, une communauté de communautés », jac, 1945, p. 275), acceptation des inégalités de classes (« Un homme ne se grandit pas parce qu’il monte de classe, mais quand il monte dans sa classe (où est normalement sa vocation) » – une citation parmi bien d’autres de L’homme cet inconnu, d’Alexis Carrel, le régent de la Fondation pour l’étude des problèmes humains), et valorisation de l’ordre social rural traditionnel : les références sont nombreuses à l’écrivain catholique vendéen Jean Yole, membre du Conseil national, de même qu’à J. du Plessis (La vie paysanne, 1941), à M. de Coupigny (Initiation sociale du jeune paysan, préface de Jacques Le Roy Ladurie, cité p. 288). Mais F. Boulard défend aussi l’indépendance nationale (« Nous ne devons pas obéissance à un pouvoir illégitime. Un usurpateur étranger, un envahisseur ne sont pas les représentants de Dieu auprès de nous. » p. 323) et fait référence aux ouvrages du marquis d’Aragon (Connaître la terre, 1942) qui a fondé et dirigé dans le Tarn le mouvement des démocrates chrétiens « Liberté », devenu « Combat », et a été condamné pour faits de résistance par la justice de Vichy.

17 Commandé à Gabriel Le Bras par Marc Bloch pour la collection « Le paysan et la terre » (Gallimard), puis par Jean Malaurie pour « Terre humaine » (Plon), L’église et le village paraît finalement dans la « Nouvelle bibliothèque scientifique » (Flammarion) en 1976, six ans après le décès de son auteur.

18 Chamboredon, J.-C., Mathy, J.-P., Méjean, A. & Weber, F., 1985.

19 Desrosières, A. & Thévenot, L., 1988, p. 35.

20 Renahy, N., 2010.

21 Michelat, G. & Simon, M., 1982, p. 197 ; voir plus largement Michelat, G. & Simon, M., 1977.

22 Cavalin, T. & Viet-Depaule, N., 2007.

23 Les saisons du conformisme saisonnier sont celles du cycle de vie entier, avec les quatre actes du baptême, de la première communion, du mariage et de l’enterrement religieux. Les pays chrétiens comptent au moins 45 % (initialement 40 %) de chrétiens communiant à Pâques, les pays de mission comptent au moins 20 % de non-baptisés.

24 Furet, F., avant-propos de Boulard, F. (éd.), 1982, p. 9.

25 Cointet, M., 1998, p. 282.

26 Cavalin, T. & Viet-Depaule, N., 2007 ; Suaud, C. & Viet-Depaule, N., 2005.

27 Les orientations méthodologiques d’Économie et humanisme sont définies dans le Guide pratique de l’enquête sociale de L.-J. Lebret, en quatre volumes parus de 1951 à 1958, le premier bénéficiant d’une préface du directeur général de l’insee, François-Louis Closon. Sur l’histoire de ce mouvement, cf. D. Pelletier, 1996. Dans Premiers itinéraires, F. Boulard reproduit p. 107 une carte des Bouches-du-Rhône établie par Économie et humanisme et divisant le département en dix zones.

28 « Aux pélerins français, en pèlerinage à Rome lors de l’entrée au Sacré Collège de Mgr Feltin et de Mgr Grente, le Pape, faisant spécialement allusion aux travaux français de sociologie religieuse, disait : « On note parmi les catholiques de France, particulièrement dans l’Action Catholique, un effort de lucidité qui retient à juste titre l’attention du monde. Les progrès de la sociologie sont fructueusement utilisés dans les domaines où ses données sont valables ; on cherche à voir clair pour agir efficacement » (Osservatore Romano, 17 janvier 1953, cité dans Sociologie religieuse, sciences sociales, 1955, p. 266). La citation de Pie xii figure dans plusieurs des brochures diocésaines rendant compte des enquêtes de pratique religieuse menées en liaison avec le chanoine Boulard. Voir aussi Fernand Boulard : « On ne peut pas agir sur ce qu’on ne connaît pas » (Boulard, F., 1966b, p. 1).

« Voir clair », la formule est utilisée aussi par L.-J. Lebret, le principal animateur du mouvement Économie et humanisme, qui écrit dans l’avant-propos de son Manuel de l’enquêteur, premier volume de son monumental Guide pratique de l’enquête sociale : « Les deux guides de l’enquête rurale et de l’enquête urbaine sont destinés d’abord à tous ceux qui ont besoin d’y voir clair pour intervenir politiquement, syndicalement, socialement, culturellement dans la vie des communautés territoriales de base, communes, cantons, arrondissements ou départements » (Lebret, L.-J., 1952, p. 2).

29 Cf. Poulat, E. & Ravelet, C., 1997 pour Desroche ; Keck, T., 2004, pour Montuclard.

30 « Je vous ai signalé tout à l’heure, en regardant les courbes, comment nous constations une double influence : influence de la région (ce sont les mêmes cantons partout qui sont les plus pratiquants pour toutes les catégories socioprofessionnelles) et influence du milieu social, puisque vous avez partout les ouvriers d’usine et les salariés agricoles moins pratiquants que les autres catégories. Ça joue dans tous les cantons. D’où nécessité d’une double pastorale (...) : il faut à la fois, une action coordonnée dans les milieux sociaux et il faut une action coordonnée dans les paroisses et les doyennés. Si l’on oppose deux pastorales, en disant : moi, je ne crois qu’à la paroisse, ou moi, je ne crois qu’à l’Action Catholique, on laisse échapper toute une partie de la réalité ». (Boulard, F., 1966b, p. 3.)

31 Daille, R., 1963, p. 11.

32 Gusfield, J., 2009, p. 10.

33 « Secrétariat pour une pastorale diocésaine d’ensemble

Paris, 1er juillet 1966

Éminence, Excellence,

Depuis une dizaine d’années, les enquêtes pastorales ont permis de rassembler une documentation considérable sur la situation humaine et religieuse de nombreux diocèses de France. Cette documentation a été, je pense, conservée dans les évêchés, mais une partie essentielle, les fiches récapitulatives de la pratique religieuse par paroisse, en a été la plupart du temps recopiée, et les doubles sont en dépôt au secrétariat interdiocésain d’information pour une pastorale d’ensemble.

De ce travail énorme, les premières conclusions, pastorales, ont été tirées, sur le tas, lors des sessions de conclusions. Mais toutes les possibilités n’ont pas été exploitées ; et il devenait souhaitable de procéder à des recherches plus approfondies.

Au début de cette année, une dizaine de chercheurs, laïcs ou prêtres, spécialistes d’enquêtes, de mathématique, de programmation, de sociologie, répondant volontiers à mon invitation, ont accepté de former une « équipe-conseil ». Les quelques prêtres sont des spécialistes de la recherche pastorale (MM. Potel, Charpin, Decreuse) ; les laïcs, pour la plupart, représentent des organismes (insee ; groupe de sociologie des religions ; groupe de sociologie rurale ; recherche sur calculateurs électroniques...).

Le but de l’équipe serait d’étudier une exploitation plus poussée des documents existants, et aussi d’apporter éventuellement une aide technique aux enquêtes diocésaines (...).

L’équipe pense que ces études devraient à la fois servir la science pure ou les recherches personnelles de ses membres ; et, non moins, l’action pastorale.

Mais toute cette documentation est la propriété des diocèses ; et je considère même que les doubles que j’ai en ma possession ne peuvent être utilisés sans leur autorisation expresse.

C’est pourquoi je vous demande l’autorisation de

- communiquer la documentation à des laïcs (cnrs, insee, etc.)

- à des fins de publication éventuelle.

Le secrétaire de l’équipe-conseil est M. l’abbé Michel Decreuse, professeur de mathématiques au petit séminaire de Besançon... » (Archives Boulard, 14PP285).

34 insee, Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Éducation nationale, Secrétariat d’information pour une pastorale diocésaine – données communiquées par le chanoine Boulard, pour la quasi-totalité des cantons ruraux et pour les villes de plus de 20 000 habitants d’une trentaine de départements, etc.

35 Voir l’organigramme de la rcp 163 dans Groupe de sociologie des religions, 1969, p. 15. Les données informatiques réunies par la rcp, et publiées pour partie seulement dans l’Atlas, seront malheureusement perdues.

La rcp 206, créée en 1968 également et dirigée par G. Le Bras, est en charge d’une enquête historique sur les visites pastorales des diocèses de France ; elle initie un programme éditorial qui aboutit à la publication, de 1977 à 1982, des six volumes du Répertoire des visites pastorales de la France. Le greco n° 2, « Histoire religieuse moderne et contemporaine », créé en 1977, prolongera cette action en programmant la série des quatre volumes des Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français, parus de 1982 à 2011 (premier volume dirigé par Fernand Boulard).

36 Duplex, J., 1968, p. 60-62. Les pascalisants sont des catholiques qui font leurs pâques, c’est-à-dire qui communient lors de la messe de Pâques.

37 Terrenoire, J.-P., 1982.

38 Michelat, G. & Simon, M., 1982 ; Jollivet, M., 1984.

39 Boutry, P., 2004 ; Julia, D., 2006.

40 Voir notamment J. Gombin, 2008.

41 Le Bras, G., 1955, p. 194s ; Répertoire, 1977-1985.

42 Avant-propos de F. Furet à F. Boulard, (éd.), 1982, p. 9. Un questionnaire synodal datant de 906 a été publié par Jean-Paul Grémy, pour qui « il est possible que ce questionnaire soit le plus ancien questionnaire d’enquête dont on ait conservé la formulation complète » (Grémy, J.-P., 2008, p. 325 ; je remercie G. Michelat de m’avoir signalé cette référence).

43 Le Bras, G., 1955, p. 232.

44 Le Bras, G., 1955, p. 232.

45 Le Bras, G., 1955, p. 235.

46 Le Bras, G., 1955, p. 210.

47 Le Bras, G., 1955, p. 120-194.

48 Bourguet, M.-N., 1989.

49 Archives Boulard, 14PP283 (courrier de juillet 1963).

50 Dans le vocabulaire des instituts de statistique, les délégués sont en charge de l’encadrement direct des agents recenseurs. Dans une circulaire, F. Boulard établit un « Petit catéchisme à l’usage des ddes » :

« Un ddes est un délégué décanal d’enquête sociologique

Les ddes doivent comprendre, avant les autres, l’art de la sociologie religieuse.

Ils établissent les résultats de l’enquête au plan du canton, qu’ils transmettent à l’hades c’est-à-dire la Haute autorité diocésaine de l’enquête sociologique (surtout ne pas confondre avec le dieu des enfers).

Une fois qu’il a récupéré toutes les enquêtes des paroisses, expédié au ddes voisin les enquêtes qui ne sont pas de son canton et récupéré celles des doyennés voisins qui appartiennent à son canton (car à ce stade l’enquête décanale devient cantonale).

Il peut organiser une « pourcentage partie » (pour remplir les fiches roses) » (Archives Boulard, 14PP283, s.d.).

51 Cf., dans les archives Terrenoire, le Guide du responsable paroissial du recensement catholique ou enquête de pratique religieuse de l’évêché de Quimper et Léon, 1957, ou la Notice pour l’enquête de pratique religieuse établie par le diocèse d’Albi en 1964.

52 « Pour éviter des oublis, il est bon de tracer tout d’abord un plan de la paroisse (quartier par quartier pour les paroisses importantes) comportant un carré par maison recensée (...). Attribuer un numéro de code à chaque habitation, numéro qui sera reporté sur la fiche familiale correspondante, ou sur la liste.

Pour le plan, consulter le cadastre.

Pour la liste :

- le recensement le plus proche

- le registre des impôts fonciers et mobiliers de la commune

- à défaut, la liste électorale (...)

Des laïcs de confiance (si possible parmi eux un « répartiteur » de la commission de l’impôt foncier et mobilier pour la commune), consultés avec le tact et la prudence qui s’imposent, en leur expliquant bien le but de ce recensement catholique (mieux vaut parler de « recensement » que d’enquête) pourront éviter ou réparer des oublis » (Diocèse d’Albi, Notice pour l’enquête de pratique religieuse, 1964, p. 1).

53 Bulletin officiel de l’Évêché de Quimper et de Léon, 28 juin 1957, p. 347. Voir aussi, par exemple, le cas de la Drôme en 1959 (archives Terrenoire).

54 « Suggestions de travail. Il est avantageux d’organiser ainsi le travail : Monsieur le Curé n’écrit pas sur les tableaux, il dépouille les fiches familiales classées par rue et par quartier. Un confrère ou un paroissien discret est préposé au tableau de base n° 1, un autre au tableau de base n° 2. Monsieur le Curé dicte le nom de la famille que les deux secrétaires inscrivent chacun sur leur tableau en réservant une ligne par foyer. On répartit ensuite les membres de la famille en commençant par les moins de 20 ans qui n’intéressent que le tableau n° 1 » (Arras 1963, « Directoire n° 2. », Archives Terrenoire. On trouve des consignes similaires à Laval en 1961, à Besançon en 1962).

55 Dans le cas de l’enquête menée en 1962 dans le diocèse de Besançon, le Tableau A1 comporte un compartiment C à trois colonnes dans lequel un bâton doit signaler les personnes relevant d’une enquête complémentaire : « Enquête Jeunes », « Enquête Migrations ouvrières », « Enquête Chrétiens actifs ». Les résultats de ces enquêtes complémentaires sont présentés dans (Le diocèse de Besançon, 1967), p. 68-76 (chapitre « Les jeunes »), p. 58-59 (« migrations professionnelles », avec un paragraphe consacré aux « migrants Peugeot ») et p. 105-110 (« Les chrétiens actifs »).

56 Certaines statistiques concernent les sept ans ou plus, l’entrée dans l’« âge de raison » impliquant, aux termes du droit canon, l’assiduité à la messe du dimanche ; d’autres portent sur la population ayant dépassé l’âge du catéchisme (douze, treize ou quatorze ans) ; d’autres concernent les adultes au sens de la majorité légale (vingt et un ans, généralement arrondis à vingt ans). La mise en équivalence des diverses statistiques d’âge fait l’objet de conventions que les auteurs de l’Atlas explicitent p. 22.

57 La critique majeure que Guy Michelat et Michel Simon adressent à l’Atlas concerne l’imprécision qui affecte, dans les enquêtes de pratique habituelle comme dans les recensements dominicaux, le dénominateur des taux de pratique : « la définition de la population catholique n’est-elle pas fluctuante selon les recenseurs et le contexte dans lequel ils exercent leur ministère ? Si l’on peut définir facilement un baptisé, qu’est-ce que l’ascendance catholique ? » (Michelat, G. & Simon, M., 1982, p. 202).

58 Diocèse de Besançon, 1967, p. 45. Dans l’Atlas (p. 21), la ville de Besançon est décrite comme ayant fait l’objet d’un recensement dominical en 1962, il s’agit très probablement d’une erreur, les résultats concernant cette ville sont issus de l’enquête de pratique habituelle de la même année.

59 Le 11 novembre 1965, Fernand Boulard écrit à Pierre Rémond et Michel Decreuse, les chevilles ouvrières de l’enquête de pratique habituelle du diocèse de Besançon : « Chers amis (...) Je vous suis très reconnaissant de l’énorme, et passionnant travail que vous avez fourni pour répondre à ma demande. Serait-il possible de récupérer les fiches « en nombre considérable » arrivées trop tard pour le pays de Montbéliard ? Il s’agit en effet d’une région typique et la seule industrielle vu le forfait de Belfort. Il faudrait évidemment laisser tomber, en disant avec tact la raison, la zone 5 (Belfort) » (archives Boulard 14PP182). Il semble que les fiches de Montbéliard aient été définitivement perdues, et nous n’avons pas identifié les causes de la défection du Territoire de Belfort. Une réforme de 1969 divisera en deux le vaste diocèse de Besançon et donnera naissance au diocèse de Belfort-Montbéliard.

60 Pour un exemple de « guide pratique du responsable » de recensement dominical, voir G. Cholvy, 1968, p. 484-490.

61 La situation de famille est presque toujours demandée. Elle distingue les célibataires, les mariés et les veufs, mais les divorcés ne trouvent pas de rubrique où se classer.

62 Le Bras, G., 1956, p. 482.

63 Le Bras, G., 1956, p. 601.

64 Le Bras, G., 1956, p. 601-602.

65 Voir Renouveau, journal catholique du 15e arrondissement, n° 60, avril 1952.

66 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 13.

67 Comment réaliser un recensement, 1960, p. 10. Outre Fernand Boulard, les auteurs sont François-André Isambert et Jacques Maître (cnrs), François Malley (Économie et humanisme), Émile Pin (professeur à l’Université Grégorienne) et Raymond d’Izarny, directeur au Grand Séminaire de Nantes.

68 Voir L. Gros, 1954, p. 16 ; Pin, E., 1956, p. 80-81.

69 « La distribution des bulletins était assurée à chaque messe par des équipes d’adultes (en principe, une équipe de 2 distributeurs pour 40 à 50 personnes) » (insee, 1954, p. 5).

70 Labbens, J., 1954, p. 49.

71 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 23. Les recensements interviennent préférentiellement lors d’un dimanche « moyen », soit en mars – comme les recensements de population de l’insee – soit à l’automne, de manière à minimiser l’incidence des déplacements de vacances, des grippes hivernales, et de la mobilisation religieuse exceptionnelle autour de Pâques (Comment réaliser un recensement, 1960, p. 14).

72 Hughes, E. C., 1996, p. 76 s.

73 Cholvy, G., 1968, p. 489-490.

74 À Lyon (Labbens, J., 1954, p. 8), à Paris (insee, 1957), à Bordeaux (Gouyon, P., 1957, p. 10), des administrateurs ou inspecteurs généraux de l’insee apportent leur concours. La thèse de G. Cholvy sur l’Hérault bénéficie du soutien du rectorat (Cholvy, G., 1968, p. 490). À Besançon, le dépouillement d’une enquête diocésaine est probablement pris en charge par un bureau d’études (le 26 septembre 1969, Philippe Decreuse écrit à Michel Lacoudre : « J’ignore à combien reviendra le travail sur ordinateur. Connaissant les usages de la maison X, je pense qu’on n’entendra jamais parler de facture » Archives Boulard, 14PP182).

75 Le directeur général de l’Iinsee, F. L. Closon, signe l’avant-propos de cette publication :

« Un des aspects les plus frappants du développement des statistiques sociales en France est l’essor connu ces dernières années par les enquêtes de Sociologie religieuse. Depuis 1949, des Paroisses, des Villes, des Diocèses entiers ont procédé à un Recensement de pratique dominicale.

Le 14 mars 1954, l’Archevêché recensait les 650 000 personnes présentes à la messe sur l’ensemble du Diocèse de Paris.

Cette enquête sociologique est une des plus importantes qui aient jamais été entreprises dans notre pays.

L’Institut National de la Statistique et des Études Économiques a prêté son concours technique à la réalisation de ce travail de très grand intérêt, s’attachant notamment à faciliter la comparaison des données du Recensement de pratique religieuse avec celles du Recensement général de population qui a eu lieu quelques semaines plus tard.

Le rapprochement de ces deux sources a permis d’analyser l’influence du sexe, de l’âge et du milieu social sur la pratique religieuse.

Le compte rendu détaillé a été préparé par Monsieur Desabie, Administrateur à l’insee » (insee, 1957, p. iii).

Jean Chélini indique de son côté que l’établissement de la fiche [distribuée aux messes du 14 mars 1954 dans le diocèse de Paris] a été assuré en collaboration avec l’insee et une équipe de laïcs par Mgr Le Cordier, évêque-archidiacre de Saint-Denis » (Chélini, J., 1958, p. 319 ; voir aussi dans cet ouvrage les reproductions de diverses fiches, p. 317-332).

76 Daniel, Y., 1952, p. 64-65 (voir aussi p. 40-41 les cartes de la pratique religieuse et du niveau de confort par îlot dans la paroisse Saint-Séverin) ; Isambert, F.-A., 1961, p. 29-30.

77 D’Angeville, A, 1836, cité par Isambert, F.-A., 1961, p. 181 et 195 notamment. Le rapprochement des hors-textes 9 et 10 de d’Angeville met par exemple en évidence la corrélation inverse entre taux d’analphabétisme et nombre de portes et fenêtres pour cent habitants (on peut signaler incidemment que les deux cartes se font face dans l’édition de 1836, mais qu’un décalage d’une page rend cet appariement invisible dans la réédition de 1969). Bien que l’article de W. Robinson date de 1950, Isambert n’emploie pas l’expression de corrélation écologique et semble ignorer qu’une telle corrélation puisse être fallacieuse. Dans sa thèse sur la pratique dominicale en Belgique, L. Voyé se référera amplement à W. Robinson (Voyé, L., 1973, p. 57).

78 Boulard, F., 1956, p. 57 ; 1966a, p. 35.

79 Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 13-14.

80 Chelini, J., 1958.

81 Chélini, J., 1958, p. 112-114.

82 « On peut tenter une évaluation prudente du nombre des adultes pratiquants habituels pour la totalité de la France, urbaine et rurale. Nous disposons en effet :

1. des dénombrements individuels, de plus en plus rigoureux, de messalisants et presque toujours de pascalisants pour 76 diocèses sur 92 ;

2. du chiffre des messés pour 12 autres diocèses en entier, ainsi que pour presque toutes les villes de France.

D’autre part, des doubles comptages effectués dans une vingtaine de villes permettent d’avancer à partir du taux de messés un taux minimum et un taux maximum de messalisants. (Pour ce calcul portant sur la globalité des villes françaises, nous avons pris comme hypothèse inférieure un coefficient de 1,20 pour évaluer les messalisants à partir des messés ; comme hypothèse moyenne, un coefficient de 1,40 ; comme hypothèse supérieure 1,60).

Sur le total des adultes français (catholiques ou non), entre 22,8 % (selon l’hypothèse minima) et 25,1 % (selon l’hypothèse maxima) assistent régulièrement à la messe le dimanche (...).

Mais il faut évidemment calculer ces proportions par rapport aux Français catholiques. L’enquête sur les baptêmes administrés en 1958 a relevé que 91,4 % des habitants de la France sont baptisés dans la religion catholique. Les taux deviennent donc les suivants : hypothèse inférieure, 24,2 % de messalisants, hypothèse moyenne 25,5 %, hypothèse supérieure 26,7 % » (Boulard, F. & Rémy, J., 1968, p. 30).

83 Atlas, tabl. 0.02.

84 Dans la Semaine religieuse du diocèse de Paris (29 septembre 1975), le cardinal Marty écrit « Voici le chiffre global de la pratique religieuse des 1er et 2 mars 1975 : 191 420 pratiquants. Le recensement religieux de 1962 donnait pour Paris-Ville : 364 261 présents aux messes. Nous constatons donc une diminution très importante : 47 % ». Le chanoine Boulard envoie des courriers dans lesquels il explique que le déclin de la pratique est en fait moindre puisque la population parisienne a diminué de 500 000 habitants de 1962 à 1975. La baisse des taux apparents est donc de 37,5 % compte tenu de la diminution de la population. Le taux réel (une fois les messés ventilés dans leur paroisse d’appartenance canonique) serait de 35 % (parmi les assujettis de huit ans et plus : 377 547 messés en 1962, 196 475 en 1975, soit un passage du taux apparent de 15,7 à 9,8 %. De plus, la part des non-catholiques a dû s’accroître, de même que celle des Parisiens qui vont en week-end et n’assistent pas à la messe à Paris. « Cependant les quartiers les plus affectés par le déclin sont les arrondissements populaires (2-3-10-11-13-18-19-20 = - 43 %) alors même que les départs de week-end sont plus nombreux dans les arrondissements bourgeois (6-7-8-16 = - 28 %). Autres arrondissements : - 32 % . » (archives Boulard 14PP182).

85 Gombin, J., 2008, p. 7.

86 Isambert, F.-A. & Terrenoire, J.-P., 1980, p. 24.

87 Lambert, Y., 2000.

88 La Croix, 9 mai 2008.

89 Sondage Sofres-Le Monde-La Vie-France Inter, 8-13 septembre 1986, N =1530 (Michelat, G., 1991, p. 204).

90 Michelat, G., 1991, p. 140 s. : le coefficient de corrélation entre score de pratiques et score de croyances est de 0,77, et le coefficient de Loevinger est plus fort pour l’échelle des pratiques que pour celle des croyances.

91 « La France s’achemine vers une domination des pratiques globales et vers une pratique qui sera tout à fait minoritaire mais vraiment religieuse » (Le Bras, G., 1956, p. 481).

92 Les enquêtes de l’Observatoire interrégional du politique (1984-2000) sont représentatives à l’échelon de la région de programme. Elles sont diffusées par le cdsp.

93 Langlois, C., Tackett, T. & Vovelle, M., 1996, p. 32 ; Boutry, P., 2004.

94 « Le catholicisme en France », Sondages, 1952, n° 4, p. 10.

95 Pour les eurobaromètres, les enquêtes européennes sur les valeurs et l’issp (International Social Survey Programme), voir P. Bréchon, 2002 ; pour l’ess, voir le site http://www.europeansocialsurvey.org

96 « Dans notre sondage de 1986, le total de ceux qui disent aller à la messe au moins une fois par semaine s élève à 11 %. En gros, pour la France entière, nous descendons assez régulièrement d’un tiers dans l’immédiat après-guerre à un dixième pour les années récentes » (Maître, J., 1991, p. 35). Selon un sondage de l’ifop en août 2006, 7 % des catholiques déclarent aller à la messe tous les dimanches. La série des enquêtes européennes sur les valeurs marque une stabilisation des taux de pratique religieuse de 1999 à 2008 (Bréchon, P. & Tchernia, J.-F., 2009, p. 237).

97 Lettre de F. Boulard à Maurice Toutain, curé de Gargenville (Seine-et-Oise), 15 mars 1964 : « Il y a un point surtout que je voudrais pouvoir vérifier, c’est la comparaison des deux courbes, année par année d’âge, sexe masculin et sexe féminin, la courbe de 1954 et celle de 1962. Nous allons pouvoir enfin, pour la première fois – et je pense que cet aspect n’aura pas échappé à l’observation des techniciens de l’insee – vérifier si la « remontée » de la courbe dans les âges les plus élevés, est un phénomène d’âge (retours) ou un phénomène de générations (s’agit-il d’une baisse continue de la pratique religieuse ?) » (Archives Boulard, 14PP78).

98 Lambert, Y., 1993.

99 Pearce, J., 2000 ; Gombin, J., 2008, p. 6. L’article de Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas » propose une critique avant la lettre de l’individualistic fallacy (Bourdieu, P., 1973).

100 Gombin, J., 2008.

101 La pyramide des âges, pourtant attestée aux États-Unis dès 1874, apparaissait encore comme une nouveauté : le bulletin paroissial de Saint-Hippolyte en reproduisait une sans légende en couverture en jouant sur la curiosité du lecteur (« Qu’est-ce que c’est ? La tourelle d’un cuirassé ? Un nouveau microbe ? La maison de l’avenir ? Un nouveau radar ? Vous le saurez : en lisant ce numéro » (Ivry Choisy Italie, Communauté paroissiale Saint-Hippolyte, 17, 1951, p. 1). Les néophytes commettaient des erreurs : le vicaire général de Bordeaux signait une publication comportant une pyramide dont l’étranglement aux âges intermédiaires était un artefact, l’échelle des effectifs étant constante alors que les tranches d’âge étaient de deux ans au lieu de dix (Gouyon, P., 1957, p. 41).

102 Collins, R., 1995.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Carte religieuse de la France rurale (détail)
Légende Note. Deuxième édition, 1er janvier 1952. Série hors commerce portant (en rouge) l’indication des secteurs de la Mission de France. « Carte établie selon la classification en régions A, B, C, de Problèmes missionnaires de la France rurale, par Fernand Boulard, aumônier national d’Action catholique rurale, avec le concours de Gabriel Le Bras, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Paris, président de la Section des sciences religieuses à l’École pratique des hautes études ». (Archives A. Chenu).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/docannexe/image/4261/img-1.jpg
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Titre Figure 2. Bulletin familial d’enquête sur la pratique religieuse habituelle
Légende Note. Diocèse de Besançon, janvier 1962, 20 x 26 cm (Source : archives Terrenoire, cdsp).
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Titre Figure 3. Fiche récapitulative paroissiale (de type B)
Légende Note. Enquête de pratique religieuse habituelle, diocèse d’Angoulême, 31 déc. 1963,16 x 24 cm (Source : archives Terrenoire, cdsp)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/docannexe/image/4261/img-3.jpg
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Titre Figure 4. Cartes de pratique religieuse, diocèse de Besançon, détail
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Légende Notes. En haut, Diocèse de Besançon, 1967, hors-texte L, taux de messés de sexe masculin par commune (enquête de 1962) ; en bleu, les pays de chrétienté, en rouge les terres de mission, en jaune les zones de catholicisme saisonnier, en blanc les valeurs manquantes. Les traits noirs les plus épais séparent les départements, les plus fins les communes, les intermédiaires les « zones humaines »).En bas, « Carte Boulard », 1952. Les hachures désignent les pays chrétiens (taux de pascalisants supérieur à 45 %) ; à cette échelle, le périmètre paraît homogène, si l’on excepte les variations de la présence protestante, signalée par les pointillés.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/docannexe/image/4261/img-5.jpg
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Titre Figure 5. Pratique religieuse et îlots de pauvreté dans le 13e arrondissement de Paris
Légende Note. ICI [Ivry, Choisy, Italie], Communauté paroissiale Saint-Hippolyte, n° 17, oct. 1951, p. 8-9 (Archives Terrenoire).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/docannexe/image/4261/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 152k
Titre Figure 6. Enquêtes de fréquentation habituelle de la messe et recensements dominicaux : effectifs observés (1945-1969)
Légende Source. D’après Isambert, F.-A. & Terrenoire, J.-P., 1980, Tableaux 0.01, 0.02, 2.28, 4.14 ;  Boulard & Rémy, 1968, p. 189-202.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/docannexe/image/4261/img-7.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Chenu, « Les enquêteurs du dimanche »Histoire & mesure, XXVI-2 | 2011, 177-221.

Référence électronique

Alain Chenu, « Les enquêteurs du dimanche »Histoire & mesure [En ligne], XXVI-2 | 2011, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 09 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/4261 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoiremesure.4261

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Auteur

Alain Chenu

Cnrs/Sciences Po, Observatoire sociologique du changement, 27 rue Saint-Guillaume, 75 007 – Paris. Adresse E-Mail : Alain.Chenu@sciences-po.fr

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