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Statistiques coloniales

Les sources statistiques coloniales aux Archives nationales d’outre-mer

De l’histoire de leur production aux perspectives d’usage actuelles
Colonial Statistical Sources at the National Archives of the French Overseas Territories: History and Research Potential
Amélie Hurel
p. 103-128

Résumés

Les sources conservées aux Archives nationales d’outre-mer offrent de nombreuses pistes de recherche pour étudier l’histoire de la statistique dans le contexte colonial français. L’étude des sources, tant de leur contenu que de l’historique de leur constitution, permet de dégager les traits saillants de l’utilisation et de la valeur accordée à la pratique statistique par l’administration coloniale dans les territoires colonisés par la France. Outil de gouvernance, de propagande, de surveillance ou encore de conception de politiques publiques, la statistique se déploie à travers une large gamme d’applications selon l’époque et les territoires considérés, interrogeant finalement sur les spécificités qu’elle revêt en contexte colonial.

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Texte intégral

  • 1 À l’exception des protectorats et des territoires sous mandats, dont les archives sont conservées p (...)

1Les archives de la présence coloniale française, conservées aux Archives nationales d’outre-mer (ANOM) à Aix-en-Provence, recouvrent, sur près de trois siècles, les deux empires coloniaux français1, sur quatre continents et trois océans : Amérique du Nord (Canada, Louisiane), Guyane et Antilles ; Afrique (Afrique subsaharienne, Algérie, Cameroun, Côte française des Somalis, Togo) ; océan Indien (Madagascar, Comores, Mascareignes, Terres australes et antarctiques françaises) ; Inde et Indochine ; Océanie (Polynésie française, Clipperton, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Nouvelles-Hébrides). Du xviie au xxe siècle, la gouvernance de ces empires coloniaux a suscité un système administratif tentaculaire, redoublé d’une organisation archivistique complexe faite de morcellements et de recompositions.

2Le domaine colonial français, d’abord constitué et géré par des compagnies concessionnaires, devient au xviie siècle l’apanage du pouvoir royal. Son administration est confiée au secrétariat d’État à la Marine, à Versailles, en lien avec un réseau de gouverneurs et d’intendants installés dans les territoires colonisés. Les archives de cette première administration coloniale font l’objet d’une organisation précoce, avec la création dès la décennie 1680 d’un dépôt pour conserver et organiser sa production documentaire. En dépit de la perte de la majorité des possessions coloniales à la fin de l’Ancien Régime et des bouleversements de la période révolutionnaire, l’organisation de l’administration centrale connaît une relative stabilité, restant attachée à la Marine pendant la plus grande partie du xixe siècle. Les archives de la Marine et des Colonies s’inscrivent alors dans cette continuité de gestion, tout en faisant l’épreuve de déménagements successifs. Un premier tournant archivistique majeur sera constitué par l’autonomisation de l’administration centrale coloniale, à la fin du xixe siècle, qui entraîne une séparation intellectuelle et matérielle des archives de la Marine, d’une part, et des Colonies, d’autre part. Jusqu’en 1920, l’instabilité chronique de l’organisation administrative du ministère des Colonies, combinée à des opérations de reclassement des archives contemporaines, façonne la physionomie actuelle des sources en déconstruisant leurs logiques de production.

  • 2 Fonds des gouverneurs, des résidents, des préfectures, fonds de police, des postes consulaires, dos (...)
  • 3 Santé, travaux publics, enseignement, finances, services économiques, justice…
  • 4 Les archives territoriales de l’AOF ont été intégralement laissées sur place. Les archives du Gouve (...)

3Dans les territoires colonisés, la construction des gouvernements locaux sera une opération à géographie variable, déployant chacun une architecture spécifique de ses compétences et missions, ainsi que des pratiques d’archivage propres, plus ou moins bien structurées. Le destin archivistique des sources administratives territoriales, au milieu du xxe siècle, suivra celui des territoires eux-mêmes. Pour les territoires érigés en départements ou territoires d’outre-mer en 1946 (Antilles, Guyane, Polynésie française…), les archives seront intégralement conservées sur place. Pour les territoires devenus indépendants, elles seront partagées entre les archives dites de souveraineté2, rapatriées par la France, et celles dites de gestion3, laissées sur place à disposition de l’État successeur, à l’exception notable de l’Afrique occidentale française (AOF)4. Cette fracture fondamentale augmente alors la singularité des sources de l’histoire du fait colonial.

4Mobiliser les archives du fait colonial pour étudier l’histoire de la statistique induit enfin d’appréhender la spécificité des sources statistiques et leur méconnaissance par les archivistes. Il suffit de lire les inventaires des fonds conservés aux Archives nationales d’outre-mer pour s’en convaincre : le traitement des sources statistiques est cause d’un certain embarras pour l’archiviste. Le plus souvent, elles sont réduites à leur niveau de compréhension le plus élémentaire, à savoir comme une simple typologie documentaire, et reléguées dans une section à part du plan de classement, où elles sont considérées comme de la documentation.

5Il convient dès lors de dresser un état des lieux des sources disponibles aux Archives nationales d’outre-mer pour l’histoire de la statistique coloniale, dans une perspective diachronique, prenant en compte à la fois l’historicité propre de l’administration et de la constitution des fonds, mais aussi celle du développement de la science et de la méthode statistique. En dressant le panorama des sources disponibles aux ANOM, mais aussi en interrogeant certains silences des archives, il s’agit de comprendre ce que les sources révèlent de la pratique statistique coloniale, et de sa qualification par l’administration. On divisera le propos en quatre parties chronologiques, et à l’intérieur de chaque partie, on examinera d’abord l’évolution propre des logiques de production et de conservation documentaires avant de proposer une analyse des sources disponibles.

1. États et recensements du premier empire colonial (xviie-xviiie siècles)

  • 5 C’est le cas notamment de la Compagnie des Indes orientales, de 1664 à 1771.

6L’entreprise coloniale périodisée comme le premier empire colonial français, du xviie siècle à 1815, est progressivement établie en Amérique du Nord (Canada, Louisiane), aux Antilles (Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique, Petites Antilles…), en Guyane, dans l’océan Indien et en Inde (Mascareignes, Sainte-Marie de Madagascar et Fort-Dauphin, comptoirs de Surate et Pondichéry, péninsule du Deccan…) mais aussi sur les côtes africaines (Saint-Louis-du-Sénégal, Gorée, Rufisque…). L’administration de ce domaine colonial royal est conduite par le secrétariat d’État à la Marine, ainsi que ponctuellement par des compagnies commerciales sous la forme de régies5.

Les dépôts des « fonds anciens » : histoires croisées

  • 6 FR ANOM COL A 15 Fo 235.

7En dépit de leur antériorité chronologique, les archives de l’administration du premier empire colonial sont les dernières à avoir été transférées aux ANOM, en 1996. Ces archives ont été d’abord concentrées dans un dépôt unique, dit « Dépôt de la Marine », créé à l’initiative du Secrétaire d’État Colbert de Croissy à la fin du xviie siècle. Deux dépôts spécialisés y seront ensuite accolés. D’une part, le Dépôt des papiers publics des colonies, créé par un édit de juin 17766, est chargé de conserver en métropole un triplicata des actes les plus importants rédigés dans les colonies pour garantir les droits des personnes et la sûreté de l’État (registres paroissiaux, recensements, actes notariés, minutes des greffes…). D’autre part, un Dépôt des Cartes et plans des colonies est créé par deux décisions de 1776 et 1778 pour servir de lieu de conservation de l’information géographique et d’outil stratégique de décision. Le travail de collecte assigné à ces deux dépôts spécialisés a une vocation rétroactive, ce qui explique qu’on y trouve un grand nombre de documents antérieurs à leur création. Ces trois dépôts, repris après le tournant révolutionnaire par le ministère de la Marine et des Colonies, connaîtront des destins archivistiques bien distincts. Ce ministère, héritier des fonctions du secrétariat d’État à la Marine, a en effet la particularité de conserver ses archives en propre, échappant au principe du versement aux Archives nationales.

  • 7 À quelques exceptions près.
  • 8 La lettre G désignant le Dépôt des Papiers publics des colonies, aujourd’hui recoté en DPPC.

8Après 1815, les documents de gouvernance de l’Ancien Régime, conservés au sein du Dépôt de la Marine, se fossilisent en archives historiques. Ce fonds désormais clos7 connaîtra néanmoins une reconfiguration cruciale, suite à l’autonomisation de l’administration centrale coloniale, qui s’émancipe de la Marine à partir de 1881 pour devenir un ministère de plein exercice en 1894. Le fonds du secrétariat d’État est alors divisé en deux, opération lourde de conséquences tant en termes d’irrégularités de « découpe » que de conservation physique. C’est à l’occasion de ce partage que sera déterminé le cadre de classement alphabétique du fonds dit des colonies, sous la forme d’un système alphabétique de séries et de sous-séries numérotées de A à G8. Si le fonds des Colonies reste sous la responsabilité du ministère des Colonies, puis de la France d’outre-mer jusqu’en 1958, il fera l’objet d’un dépôt en 1910 aux Archives nationales, à Paris, dans un souci d’amélioration de ses conditions de conservation. Il y restera presque un siècle, avant d’être versé aux Archives nationales d’outre-mer. Le fonds dit de la Marine, sera lui versé par le ministère de la Marine aux Archives nationales en exécution du décret du 28 mai 1899. Malgré leur partition, ces deux fonds restent évidemment complémentaires, et une recherche portant sur le premier empire colonial ne peut faire l’économie de l’un ou de l’autre.

  • 9 La tenue de cette troisième collection des registres d’état-civil sera définitivement supprimée en (...)

9Au contraire, le Dépôt des Papiers publics des colonies connaît une pérennité et une intégrité remarquables. Organisé auprès du bureau des archives de l’administration centrale, il fonctionne comme un service administratif davantage que comme un dépôt d’archives. Il connaît un accroissement continu jusqu’en 1912, quand un décret restreint l’obligation d’expédition d’un triplicata aux seuls actes d’état-civil9. À partir de 1961, le DPPC est conservé dans les anciens locaux de l’administration centrale, rue Oudinot, sous la responsabilité de la section outre-mer des Archives nationales, avant d’être transféré aux Archives nationales d’outre-mer en 1986.

10Le dépôt cartographique est pour sa part confié en 1800 à l’inspecteur général du génie détaché au ministère de la Marine et des Colonies. Il y prend alors son nom actuel de Dépôt des fortifications des colonies, soulignant son infléchissement vers une vocation essentiellement militaire. Supprimé par décret du 29 juin 1880, le Dépôt a pour successeur le Service des constructions militaires et des fortifications aux colonies, placé sous l’autorité de l’Inspection de l’artillerie de Marine, service de l’armée, qui se voit confier le fonds pour le bon exercice de ses missions. À la veille de la Première Guerre mondiale, ce fonds ayant perdu son intérêt stratégique, il est finalement remis au service d’archives du ministère des Colonies, en plusieurs versements de 1899 à 1914. Après 1961, il reste également à la section outre-mer des Archives nationales d’outre-mer, rue Oudinot, jusqu’à son transfert aux ANOM en même temps que le DPPC et les fonds ministériels modernes.

Des sources statistiques recomposées

11Il faut d’abord convenir de la précocité de l’usage administratif des données chiffrées dans le cadre historique et institutionnel du premier empire colonial, dès la seconde moitié du xviie siècle. Le secrétariat d’État à la Marine a chargé dès le xviie siècle les administrateurs en poste dans les colonies d’établir des tableaux de recensements concernant la population, la production ou encore le commerce. Cette première administration coloniale met alors en œuvre une politique de recensement et de dénombrement de la population qui se systématise surtout dans la seconde moitié du xviiie siècle. Cette politique peut être reconstituée principalement à partir de la série des actes du pouvoir souverain du secrétariat d’État à la Marine (FR ANOM COL A), qui compile l’arsenal normatif régissant l’administration des colonies (édits, ordonnances, arrêts du Conseil, etc.) de 1663 à 1779. On y trouve une dizaine d’actes et instructions spécifiques aux opérations de recensement à effectuer en Louisiane, aux Antilles et à Saint-Domingue, qui informent à la fois sur leurs méthodes et leurs objectifs. Des éléments complémentaires à ces prescriptions ou à leur mise en œuvre peuvent également être consultés dans la série de correspondance au départ du secrétariat d’État à la Marine (FR ANOM COL B). Cette série est constituée par l’enregistrement des ordres et instructions adressés par le roi et le secrétaire d’État aux administrateurs en poste dans les colonies, de 1654 à 1816. Les séries COL A et COL B permettent ainsi de saisir le cadre de gouvernance du premier empire colonial tel qu’il est conçu par la métropole.

  • 10 FR ANOM COL C12 19 à 21.

12On attend donc dans les réponses des administrateurs coloniaux sur place – gouverneurs, intendants et autres officiers royaux – un foisonnement de données chiffrées, états, dénombrements et recensements. Dans la correspondance reçue par le secrétariat d’État à la Marine, conservée dans la série FR ANOM COL C, et elle-même divisée en sous-séries par territoires, on trouve ponctuellement des envois de tableaux, états récapitulatifs ou de correspondance rendant compte de ces opérations. Les sources conservées dans les sous-séries COL C ne permettent pas cependant de rendre compte de la réalité d’une pratique statistique coloniale – à quelques exceptions près, liées à des contextes territoriaux spécifiques. C’est notamment le cas de la série de correspondance à l’arrivée de Saint-Pierre-et-Miquelon qui contient des états statistiques détaillés relatifs à la pêche de 1763 à 180310.

13La faible part des documents statistiques dans la correspondance à l’arrivée permet toutefois d’éclairer deux phénomènes ordinaires de la constitution des sources sous l’Ancien Régime, mais dont l’acuité dans le contexte colonial mérite d’être soulignée. Il s’agit d’abord de l’écart entre les instructions du pouvoir central et leur application effective dans les territoires. D’autre part, elle témoigne des aléas affectant la collecte et la conservation des archives administratives, constitutifs de l’histoire des fonds. Dans le cas du premier empire colonial, l’intégration dans le cadre de classement de collections privées, constituées majoritairement à partir de documents publics (originaux ou copies), permet de pallier partiellement cette dispersion des sources. Plus particulièrement, la collection Moreau de Saint-Méry, cotée FR ANOM COL F3, qui touche l’ensemble des colonies du xve au début du xixe siècle, constitue un complément indispensable aux séries COL A, B et C.

  • 11 F. Malègue, 2018.

14Mais dans le cas des recensements coloniaux, un autre phénomène peut expliquer la disparition relative des tableaux de recensement de la correspondance à l’arrivée. Il s’agit de leur intégration au sein du Dépôt des papiers publics des colonies. À la fin du xixe siècle, au moment de la création du cadre de classement des archives anciennes des colonies par l’archiviste Guët, les recensements forment une sous-série à part entière du Dépôt (G1), aujourd’hui conservée sous la cote FR ANOM 5 DPPC. Cette série – qui contient aussi ponctuellement des listes de réfugiés ou des titres de concessions – couvre la quasi-totalité du territoire du premier empire colonial, de 1664 à 1881. On y trouve des états numériques, nominatifs et récapitulatifs, dressés par colonies ou par localités, qui s’intéressent à la composition de la population et à ses ressources économiques (cultures, bétail, armements, manufactures…). On peut donc en déduire que les recensements transmis par les gouverneurs et intendants avant 1776 ont été extraits des correspondances pour intégrer le DPPC, et/ou que des copies de documents antérieurs ont été réalisées à la fin du xviiie siècle et envoyées à Versailles pour conservation au sein du DPPC. Cette intégration en elle-même est alors signifiante de la valeur accordée aux recensements de population par l’administration centrale à la fin du premier empire colonial, comme outil de gouvernement. Il s’agit autant d’estimer le nombre et la catégorie des personnes vivant dans les territoires colonisés que d’évaluer la situation économique des colonies. Comme l’a démontré Fanny Malègue, il faut toutefois distinguer dans la pratique statistique de l’Ancien Régime deux temporalités, articulées autour du tournant pour le premier empire colonial que constitue la guerre de Sept Ans. C’est en effet seulement après 1763 que la pratique du recensement devient un enjeu majeur de gouvernance, « comme une véritable carte en chiffres, performative de ce qu’est l’empire11 ».

  • 12 En particulier les cotes COL F2 B 12 à 14, qui sont composées de tableaux statistiques relatifs au (...)

15Mais l’examen du seul DPPC ne parvient pas à épuiser le phénomène de dispersion des sources statistiques du premier empire colonial, et en particulier les lacunes des séries COL C. On peut ainsi retrouver des regroupements d’états chiffrés relatifs à la production et au commerce dans les sous-séries COL F des archives du secrétariat d’État à la Marine (fonds dit « des colonies »). Il faut signaler en particulier l’intérêt des sous-séries COL F2 B12 (Commerce aux colonies, 1663-1789) et COL F2 C (Colonies en général, 1645-1847) en matière statistique. Les sous-séries COL F (« Documents divers » dans le cadre de classement) sont pour la plupart factices, puisqu’elles ont été constituées à partir de documents retrouvés après reliure des séries COL C. On comprend alors que la physionomie actuelle des archives du secrétariat d’État à la Marine a été largement façonnée par les archivistes du xixe siècle.

16Plus étonnant encore, on trouve un grand nombre de tableaux et d’états statistiques parmi les mémoires du Dépôt des cartes et plans des colonies. Ce dépôt est effectivement chargé de collecter, avec chaque document cartographique, un « mémoire détaillé sur l’utilité de chaque espèce d’ouvrage ». Ces mémoires recèlent en fait une grande variété documentaire : on y trouve de la correspondance générale, parfois sans aucun lien avec les cartes ou plans, des états chiffrés, des récits d’exploration, des comptes rendus d’opération militaire… La création du Dépôt, qui vise à répondre à un double enjeu, de conservation matérielle d’une part, et de gouvernement d’autre part, participe de la même stratégie de gouvernance que le DPPC. En effet, ce regroupement utilitaire d’information géographique et statistique devient progressivement un véritable outil d’aide à la décision au service de l’administration royale. Parmi les séries territoriales qui composent aujourd’hui le DFC, il faut signaler l’intérêt particulier de la série 7 DFC (mémoires généraux sur les Antilles françaises), qui contient une partie dédiée aux « mémoires sur le commerce, la population et la statistique des colonies », majoritairement constituée de sources statistiques. Là encore, il est possible que ces mémoires aient été pour partie collectés dans le Dépôt de la Marine. Bien que ce fonds cartographique ait survécu à l’Ancien Régime, l’intérêt de ces mémoires pour l’histoire de la statistique coloniale concerne toutefois uniquement le premier empire colonial. La réaffectation du DFC à l’administration militaire au tournant du xixe siècle a en effet considérablement transformé la nature des documents conservés (plans de fortifications, devis, états estimatifs…).

17Les phénomènes de dispersion et de restructuration ayant affecté les sources du premier empire colonial doivent donc constituer un point d’attention particulier pour les historiens du fait statistique. La partition du Dépôt de la Marine, puis la conception du cadre de classement dans les années 1880, ont entraîné une perte de la logique organique de production et des recompositions a posteriori du matériau documentaire. Les recompositions mises en œuvre au xviiie siècle, par la création des dépôts spécialisés, peuvent toutefois constituer en elles-mêmes une information sur l’usage et la valeur accordée aux documents statistiques par l’administration, en adossant au contenu des sources l’histoire de leur constitution et de leur conservation.

2. La constitution du second empire colonial au xixe siècle, une déperdition statistique ?

  • 13 Hormis une courte période, de 1858 à 1860, pendant laquelle les deux administrations centrales sont (...)

18À partir de 1830, le projet colonial de la France reprend, marqué par la conquête de l’Algérie mais aussi le développement de la présence française en Afrique (golfe de Guinée, Gabon, Obock…), en Océanie (Tahiti, îles Marquises, Nouvelle-Calédonie…) et dans l’océan Indien (Madagascar, Mayotte, Comores). Ce second empire colonial va surtout se structurer sous la Troisième République et connaître une expansion en Afrique occidentale et en Asie, avec la poursuite de la conquête des territoires qui formeront l’Indochine française. Au sein de ce nouveau système administratif, il faut distinguer le cas de l’Algérie dont les services ne relèvent pas du ministère de la Marine et des Colonies, ni ensuite du ministère des Colonies13.

Une administration bicéphale, des archives contrastées

  • 14 M.-A. Menier, 1987.
  • 15 F. Chamelot, 2022.

19L’histoire de la collecte et de la conservation des archives ministérielles modernes des colonies14 s’avère particulièrement mouvementée. La production documentaire du ministère de la Marine et des Colonies, puis du ministère des Colonies, est en effet affectée par une série de problèmes chroniques : manque de moyens, personnel insuffisant, défaut de gestion et de collecte, déménagements fréquents. En dépit de l’existence d’un service d’archives, chaque bureau organise lui-même la gestion et la conservation de sa production, hors de tout contrôle. L’instabilité caractéristique de l’organisation interne des services ministériels, jusqu’en 1920, accentue d’autre part les difficultés d’archivage. Si la partition documentaire effectuée à la fin du xixe siècle, déjà évoquée pour les sources du premier empire colonial, suscite un intérêt stratégique et politique manifeste pour les archives, la discussion entre le ministère de la Marine et celui des Colonies se focalise sur l’enjeu de la propriété des documents, et non sur leur gestion concrète15. Le déménagement des archives attribuées au nouveau ministère des Colonies dans ses locaux de la rue Oudinot, en 1910, va cependant alerter le ministère sur leur situation critique, suscitant la création d’une mission de classement confiée à l’historien Christian Schefer en 1913. La mission met en œuvre un programme de reclassement intégral du matériau documentaire, pour la période 1810 à 1920 environ, selon une logique géographique progressive, avec des séries par territoire (ex : FR ANOM CIV : Côte d’Ivoire), par fédération (ex : FR ANOM AOF : Afrique occidentale française) et par région (ex : FR ANOM AFRIQUE : Afrique). Une série documentaire « Généralités » (FR ANOM GEN) est également créée pour les documents intéressant l’ensemble des territoires.

20Les archives centrales de l’Algérie sont également caractérisées par la mobilité des services producteurs. D’abord brièvement placés sous la responsabilité d’un intendant civil, de 1831 à 1832, les services civils chargés de l’Algérie ont été adossés au ministère de la Guerre, sous des appellations diverses et avec un périmètre mouvant, jusqu’en 1881. Après quelques années de nomadisme administratif, ils sont finalement rattachés en 1885 au ministère de l’Intérieur et constitués en un Bureau des services de l’Algérie. Leurs archives, qui suivent les transformations des services producteurs, feront l’objet de plusieurs versements aux Archives nationales par le ministère de l’Intérieur, en 1881, 1906, 1923 et 1957.

21L’expansion coloniale dans les territoires marque en outre le développement d’administrations territoriales plus étoffées que celles du premier empire colonial. Ces services civils, qui sont le plus souvent constitués à partir des administrations militaires de conquête, prennent majoritairement la forme de gouvernorats. Cette apparente uniformité recèle cependant une grande diversité d’architectures administratives et de statuts territoriaux, redoublés par de fréquentes évolutions formelles. Si l’on ne peut détailler ici le cadre conçu pour chaque territoire et son évolution, il faut signaler la tendance, à partir des années 1880, à la mise en place de fédérations territoriales sous l’égide de gouvernements généraux (Union indochinoise en 1887, Afrique occidentale française en 1885, Établissements français de l’Océanie en 1903…). Pendant la plus grande partie du xixe siècle, ces administrations territoriales sont pour la plupart embryonnaires ou transitoires, et leurs archives relativement peu constituées. À cet égard, il faut encore distinguer la particularité de l’Algérie, dont la géographie administrative est beaucoup plus précocement structurée, en provinces, puis départements, arrondissements et communes dès 1858. La réplication – toute relative, puisque ces structures sont placées sous l’autorité d’un gouverneur général et présentent de nombreuses originalités – du système administratif métropolitain induit une organisation archivistique plus structurée.

Des sources statistiques dispersées… à l’exception de l’Algérie

22L’effondrement du premier empire colonial et les transformations de l’administration pendant la période révolutionnaire signent une décroissance manifeste de la pratique statistique coloniale, alors même que la science statistique, elle, est en plein essor en métropole.

  • 16 Voir la série Généralités (FR ANOM GEN) et les séries par territoire (FR ANOM GUY, GUA, MAR, REU…).
  • 17 Notamment FR ANOM GEN 320/2079 et GEN 321/2081.
  • 18 Voir en particulier les séries géographiques Martinique (FR ANOM MAR), Guyane (FR ANOM GUY) et la s (...)
  • 19 Par exemple, FR ANOM MAR 1/3 : essai statistique sur la Martinique de Moreau de Jonnès (1817).

23Pourtant, les sources révèlent d’emblée une poursuite de la volonté statistique de l’administration centrale dans les territoires subsistant après l’effondrement du premier empire colonial (Antilles, Guyane, Réunion…), alors qualifiés de « vieilles colonies ». À partir de 1816, on trouve en effet dans les sources des demandes répétées de l’administration centrale16 pour obtenir des renseignements statistiques et des recensements de la population17. Un modèle de documentation statistique, composé de divisions méthodiques dotées chacune d’un cahier de développement, est envoyé à ces territoires à partir de 1823. En dépit de ce volontarisme, très peu de notices ou d’états statistiques sont pourtant conservés dans les archives ministérielles des années 1810 aux années 1920. Pour la première moitié du xixe siècle, les sources statistiques conservées dans les séries géographiques correspondant aux « vieilles colonies » semblent en fait bien davantage résulter d’initiatives isolées que d’une réelle politique statistique coloniale. À l’exception de quelques rares états de culture ou de population, qui émanent des bureaux des gouvernements sur place, la plupart des renseignements, mémoires et ouvrages statistiques réalisés au début du xixe siècle sont le fait de quelques auteurs récurrents18, comme Alexandre Moreau de Jonnès ou Félix Renouard de Sainte-Croix. Il s’agit donc bien davantage de réalisations ponctuelles, par des spécialistes, dans le cadre d’une mission ou d’une commande spécifique, que d’une compétence stable de l’administration coloniale. D’autre part, ces sources reflètent une historicité de la science statistique bien particulière. Elles ne donnent pas à voir la méthode de recueil ni de production des données, mais se présentent davantage comme des essais ou mémoires19. Une recherche complémentaire dans les fonds des administrations coloniales locales de ces « vieilles colonies », restés sur place après leur départementalisation ou territorialisation, serait cependant indispensable pour confirmer cette analyse.

  • 20 Voir l’état des fonds des Archives nationales d’outre-mer. Par exemple, les établissements français (...)
  • 21 É. Taillemite, 1957.

24Pour les territoires intégrés au second empire colonial, le reclassement systématique des archives ministérielles au début du xxe siècle, déjà évoqué, rend particulièrement difficile la saisie de l’action statistique, et la comparaison avec celle établie pour les « vieilles colonies ». La constitution de séries géographiques met en œuvre un plan de classement thématique type à l’intérieur de chaque série dans lequel les statistiques doivent former la dernière partie (section XX). On peut cependant noter que les sources statistiques restent particulièrement éparses dans les séries géographiques correspondant aux nouvelles colonies20. À titre d’exemple, pour les Établissements français d’Océanie, on trouve des statistiques du commerce et de la navigation pour les années 1846, 1852-1853, 1891-1893 et 1905. En matière de recensement, des sources sont disponibles uniquement pour les années 1898 et 1926. La spécificité de l’histoire de la constitution de ces séries géographiques21, qui passe par une déconstruction de la logique administrative de production – voire des dossiers eux-mêmes – rend délicate toute interprétation. L’émiettement des sources statistiques tient-il du défaut d’organisation de la fonction statistique de l’administration coloniale, ou s’agit-il d’un effet secondaire de la recomposition des archives du ministère des Colonies au xixe siècle ?

25Pour la seconde moitié du xixe siècle, les archives territoriales conservées aux Archives nationales d’outre-mer – c’est-à-dire les documents rapatriés car considérés comme des archives de souveraineté – apportent peu d’éléments de réponse. Comme on l’a déjà noté, cette temporalité correspond aux prémices d’une administration en formation, évoluant à partir d’autorités de conquête transitoires.

  • 22 Conservé aux ANOM en bibliothèque, sous la cote FR ANOM BIB AOMA1001.

26Là encore, il faut distinguer le cas de l’Algérie comme un champ d’études à part. La spécificité du statut politique et administratif de l’Algérie au sein du système colonial français a en effet induit une organisation précoce de la fonction statistique, avec la création d’un premier service auprès du Gouvernement général par décret du 28 juillet 1842, puis la publication d’un annuaire statistique périodique à partir de 186722.

  • 23 Pour Constantine, il faut consulter la série continue de la préfecture (FR ANOM 93).
  • 24 K. Kateb, 1998 ; id., 2004.

27Conçu comme une colonie de peuplement, le territoire algérien a d’emblée suscité un intérêt statistique concernant l’évaluation de sa population. On trouve ainsi dans le fonds des services du ministère de la Guerre puis de l’Intérieur (FR ANOM F80) chargés des Affaires algériennes des états comparatifs numériques de la population européenne dès 1843. Une opération de recensement quinquennal, à l’instar de la pratique métropolitaine, est organisée à partir de 1852, sans faire l’objet d’une réglementation particulière. On constate toutefois quelques spécificités dans son application dans la seconde moitié du xixe siècle. En effet, les recensements des années 1870 s’appuient sur trois méthodologies de dénombrement : nominative, pour la population des villes et des centres colonisés, numérique, pour la population générale, et enfin sommaire – c’est-à-dire par tentes et par douars – pour les tribus des circonscriptions cantonales et militaires. À partir de 1886, la pratique du dénombrement sommaire est abandonnée au profit d’un alignement progressif avec les principes métropolitains (par exemple, les recensements à jour fixe). Le calendrier de recensement en Algérie suit alors celui de l’hexagone : le décret arrêtant le recensement en France est suivi par un second pour l’Algérie, pris sur le rapport du ministre de l’Intérieur en concertation avec le gouverneur général. On peut ainsi retrouver dans les séries G des préfectures d’Alger et d’Oran23 (FR ANOM 91 G et 92 G) les listes nominatives et les récapitulations des recensements de 1901 à 1911, ainsi que des bribes d’opérations antérieures et postérieures. La fiabilité des données récoltées pose cependant question, comme l’ont démontré les travaux de Kamel Kateb, notamment en raison des résistances et abstentions des populations algériennes aux recensements24.

  • 25 FR ANOM F80 539 à 555.

28Mais le contexte colonial appelle aussi le développement d’une statistique propre aux populations locales. Dès 1848, les services ministériels mettent en place des statistiques des tribus. Les tableaux statistiques conservés25 révèlent que l’intérêt de l’administration est plus qualitatif que quantitatif. Si l’évaluation numérique des populations locales reste sommaire, une attention particulière est accordée aux structures sociales et politiques (noms des « grands » de chaque tribu, principales familles et origines, état de soumission ou d’insoumission envers la France), ainsi qu’aux ressources économiques dont elles disposent (nature des richesses, biens domaniaux, bétail), rejouant ainsi l’approche des recensements du premier empire colonial. Cette statistique vise alors à connaître les populations autochtones et à créer les conditions de leur encadrement politique. Sur place, les sources statistiques relatives aux tribus (relevés administratifs, états, notices de renseignement…) sont collectées par les bureaux arabes, régis par l’arrêté ministériel du 1er février 1844 et placés sous la tutelle de l’autorité militaire. Ces bureaux, implantés dans les cercles, divisions et subdivisions militaires, sont chargés du contrôle des populations autochtones, en assurant la sécurité par le renseignement, la surveillance, les liens avec les notables. Ils adressent des renseignements périodiques, notamment sous forme de statistiques, suivant une chaîne de centralisation de l’information jusqu’à la direction centrale des affaires arabes, créée auprès du Gouvernement général en 1845. Les statistiques transmises aux échelons supérieurs recouvrent des thématiques variées : fiscalité, production, migrations, etc. Un nouveau travail d’évaluation des populations, sous la forme « d’états de familles » est également initié à la faveur du sénatus-consulte de 1863, visant à délimiter les territoires des tribus et des douars. Les sources de ces bureaux arabes, qui cessent progressivement leurs activités après 1870, sont conservées aux Archives nationales d’outre-mer dans des séries territoriales, pour l’Algérois (FR ANOM GGA I et II), l’Oranie (FR ANOM GGA J et JJ) et le Constantinois (FR ANOM GGA K et KK).

29Le bilan de l’action statistique de l’administration coloniale pour le xixe siècle est donc difficile à établir à partir des sources disponibles aux Archives nationales d’outre-mer, à l’exception du contexte spécifique de l’Algérie. Il faut néanmoins noter un décalage perceptible avec la situation en métropole, qui renforce l’hypothèse d’une spécificité du contexte colonial en matière d’histoire statistique.

3. Le tournant du xxe siècle et l’organisation de la fonction statistique

  • 26 À l’exception du Maroc en 1914. Les archives relatives à la présence française dans ce territoire, (...)

30Au début du xxe siècle, le second empire colonial français constitue un système plus stable et structuré. L’expansion territoriale ralentit considérablement26 au profit de la diffusion d’une idéologie impérialiste ordonnée.

L’amélioration des pratiques d’archivage de l’administration

  • 27 M.-A. Menier, 1987.
  • 28 Notamment celui du ministère d’État chargé des Affaires algériennes de 1945 à 1964 (FR ANOM 81 F), (...)

31Cette stabilisation du système colonial va de pair avec une réorganisation administrative et archivistique. Avec la loi du 31 juillet 192027, le ministère des Colonies est enfin doté d’un organigramme stable, et la collecte de ses archives s’améliore sous la direction de l’archiviste-paléographe Paul Roussier. Les archives ministérielles vont alors être organisées par service producteur (directions fonctionnelles, inspections, agences, comités, commissions, etc.), en vertu du principe du respect des fonds. Les services centraux chargés de l’Algérie connaissent eux une série d’évolutions, tout en restant attachés au ministère de l’Intérieur. Ils prennent d’abord la forme d’une sous-direction de l’Algérie de 1940 à 1955, puis d’une direction des affaires d’Algérie de 1955 à 1960, avant une refonte en ministère d’État de 1960 à 1962. Ces évolutions ont entraîné la constitution de nouveaux fonds ministériels pour l’Algérie28.

32En parallèle, la conservation des archives s’organise dans les territoires colonisés. Des services d’archives constitués et professionnalisés sont progressivement créés auprès des préfectures en Algérie, ou auprès des gouvernements généraux. On peut citer à titre d’exemple le service d’archives de l’Afrique occidentale française, créé en 1911 et placé sous la responsabilité de Claude Faure, ou la direction des Archives et des Bibliothèques de l’Indochine, confiée à Paul Boudet en 1917. L’impossibilité d’y transposer les pratiques métropolitaines a conduit ces services à devenir de véritables laboratoires d’expérimentation archivistique : création de cadres de classement sur mesure, mise en œuvre du rangement en continu ou encore aménagement de dépôts adaptés aux conditions climatiques, conception de manuels de formation à destination des administrateurs coloniaux, etc. Ces initiatives locales prennent chacune des formes et des fonctions différentes, en fonction du contexte territorial, faisant de l’acte d’archiver un processus modelé par le système institutionnel et politique colonial, jusqu’aux fractures des rapatriements.

33Ces tournants dans l’histoire des fonds vont permettre de mieux saisir le cadre politique et les objectifs recherchés par la production de statistiques au sein de ces administrations coloniales.

Des sources pléthoriques au service d’une intention statistique

34C’est également au début du xxe siècle que s’organise progressivement la fonction statistique au sein de l’administration coloniale.

  • 29 Décret du 16 mars 1910 organisant l’Office colonial.
  • 30 Par exemple, pour la Nouvelle-Calédonie : FR ANOM AGEFOM 331/13, 332/14, 333/15, 334/16 (1935-1938)
  • 31 FR ANOM GEN 61/621.

35Au niveau central, la production des statistiques est d’abord confiée à l’Office colonial, créé en 1899, avec la création d’un service ad hoc29. En 1937, il sera remplacé par le Service intercolonial d’information et de documentation, qui contient une section de documentation chargée d’établir ou de recueillir des données statistiques. Ces services successifs, qui deviendront l’Agence économique de la France d’outre-mer (FR ANOM AGEFOM), ont pour mission de rassembler, mettre à disposition et promouvoir des informations ou des initiatives relatives à l’empire colonial français. Le fait qu’ils deviennent les principaux producteurs de sources statistiques – au sens archivistique du terme, c’est-à-dire autant créateurs que destinataires – est révélateur de l’objectif assigné aux statistiques coloniales dans la première moitié du xxe siècle. Ces services ont ainsi pour rôle de collecter les données statistiques30 produites par les administrations territoriales, et de les restituer au public, en particulier aux entreprises commerciales privées, comme l’énonce clairement le ministre des Colonies dans une circulaire de 1899 adressée aux gouverneurs du Sénégal et de la Côte française des Somalis : « J’ai l’honneur de vous rappeler que j’attache le plus haut prix à ce que vous fournissiez régulièrement au département des statistiques trimestrielles sur le mouvement commercial de la colonie que vous administrez. Ces statistiques, qui seront communiquées au public par les soins de l’Office colonial récemment créé, présentent pour les négociants de la métropole un intérêt qui ne vous échappera pas31 ». Ainsi, ces statistiques visent avant tout un objectif d’information extérieure à l’administration.

  • 32 H. Brenier, 1914.
  • 33 É. Baillaud, 1906.

36Au niveau territorial, la première moitié du xxe siècle voit également l’affirmation de la fonction statistique. Dans les années 1910, le service des affaires économiques du Gouvernement général de l’Indochine, sous l’impulsion d’Henri Brenier, organise la production statistique de son service autour de publications, notamment avec un atlas statistique32. L’administration locale participe alors de la dynamique d’utilisation de la statistique coloniale comme moyen de communication, voire de propagande. La production de ces statistiques vise en effet, au-delà des seuls acteurs économiques, le grand public, comme le démontre l’installation d’expositions consacrées aux documents statistiques de l’Indochine et de l’Algérie (présentés sous forme de tableaux schématiques, de cartes de répartition ou de graphiques) lors de l’exposition coloniale de Marseille en 190633.

  • 34 Voir le fonds du Gouvernement général de Madagascar, série D : Politique et administration générale (...)
  • 35 P.-G. Marietti, 1947.

37Cette organisation de la fonction statistique comme support de communication ne doit cependant pas masquer la production de données statistiques par l’administration pour servir à sa propre information ou pour concevoir sa politique d'action publique. Aussi bien au niveau central que territorial, la plus grande stabilité de l’organisation institutionnelle ainsi que l’amélioration de la collecte et de la conservation des archives suscitent des sources statistiques foisonnantes – chaque service produisant les données qui lui sont utiles : statistiques judiciaires, commerciales, de l’enseignement, etc. La consultation de l’annuaire administratif du ministère des Colonies permet ainsi de constater la myriade de services chargés de produire des statistiques installés auprès des directions fonctionnelles de l’administration. On retrouve le même phénomène au niveau territorial – on peut citer, à titre d’exemple, l’arrêté du 27 juin 1924 portant répartition des services du Gouvernement général de Madagascar qui organise les compétences statistiques dans presque toutes les directions et sections34. Cette production statistique, établie à des fins de documentation, pose toutefois question dans sa méthode. C’est le reproche que lui fera notamment Pascal Marietti : « La documentation statistique sur les colonies françaises n’existe qu’à l’état tout à fait embryonnaire. On ne possède jusqu’à présent que dans peu de domaines des données chiffrées valables et dignes d’être retenues35 ».

  • 36 Le lecteur pourra se référer à l’état général des fonds des ANOM pour connaître le périmètre exact (...)
  • 37 FR ANOM GGA 9H 52.
  • 38 Voir notamment la série continue de la préfecture de Constantine (FR ANOM 93).

38Pour l’Algérie, on observe également dans les fonds des administrations territoriales conservés aux Archives nationales d’outre-mer, c’est-à-dire des communes mixtes, sous-préfectures et préfectures36, la production de statistiques régulières. Outre l’étude démographique par recensement, quatre domaines statistiques sont plus particulièrement visés : l’agriculture, le commerce, l’industrie et la sûreté. Cette dernière dimension semble constituer un trait saillant de la statistique en contexte colonial dans le cas de l’Algérie. Ainsi, l’outil statistique est mis au service de la surveillance politique des populations algériennes. Au niveau du Gouvernement général, les dossiers des administrations successives en charge des affaires indigènes (FR ANOM GGA H) témoignent de cette utilisation dans le cadre des opérations de police, des conflits sociaux, des élections ou encore des troubles à l’ordre public. On peut citer à titre d’exemple la commission d’enquête administrative sur l’émeute anti-juive survenue à Constantine en 193437. Cette dimension est également largement répliquée dans les dossiers de l’administration centrale, comme en témoignent les fonds du ministère d’État chargé des Affaires algériennes de 1945 à 1964 (FR ANOM 81 F), et du Service de coordination des informations nord-africaines (SCINA) du ministère de l’Intérieur de 1955 à 1964 (FR ANOM 84 F). Pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie, la vocation de sûreté de l’outil statistique atteint son paroxysme, avec des états quotidiens des pertes infligées ou subies, attentats et victimes civiles, et des statistiques dédiées au renseignement politique38.

39Ainsi, le xxe siècle constitue une période particulièrement fructueuse pour l’étude de la statistique en situation coloniale. La structuration de la fonction statistique et l’amélioration des pratiques d’archivage au sein d’une administration ayant gagné en stabilité permettent un accroissement considérable des sources disponibles, en quantité et en qualité.

4. La professionnalisation de la statistique coloniale au sein du ministère de la France d’outre-mer (années 1940-1950)

40Malgré ses développements, la statistique coloniale de la première moitié du xxe siècle reste une statistique sans statisticiens, à quelques exceptions territoriales près. Il faudra attendre les dernières années de la présence coloniale française pour que se structurent des services professionnalisés.

L’activité du Service statistique des territoires d’outre-mer

  • 39 Les archives produites par ce premier service doivent se trouver, si l’on en croit Marietti, dans l (...)

41En 1922, un service de statistique générale, rattaché à la direction des services économiques, est créé auprès du Gouvernement général de l’Indochine avec du personnel de la Statistique générale de la France. La professionnalisation progressive de la fonction statistique infuse alors dans un mouvement ascendant, du local au central. C’est en effet à la faveur du retour d’Indochine de deux statisticiens du service des affaires économiques qu’est créé un premier service de statistique auprès du ministère des Colonies en 1933. Ce premier service, à partir des dépouillements des rapports des services techniques et des budgets, établit un bulletin mensuel des statistiques coloniales ou encore un annuaire statistique de l’Afrique occidentale française39.

42C’est toutefois une décennie plus tard que cette professionnalisation aboutira à l’échelon central avec la création du service statistique colonial en 1943, organisé par la loi du 20 mars 1944. Ce service avait pour attributions :

« 1er De traiter toutes les questions faisant intervenir la technique statistique, et notamment de centraliser, vérifier et exploiter les statistiques de toutes provenances intéressant les territoires qui relèvent du secrétariat d’État à la marine et aux colonies et d’en assurer éventuellement la publication ;

2e De coordonner l’activité des directions et services pour réaliser l’unification et la simplification des statistiques ;

3e De fixer en collaboration avec les spécialistes de chaque domaine d’activité les méthodes propres à assurer la qualité des dénombrements, de proposer toutes mesures utiles pour développer et améliorer la documentation statistique coloniale ;

  • 40 FR ANOM BIB AOM50001 1943 : Bulletin officiel du ministère des Colonies (période du secrétariat d’É (...)

4e D’assurer les relations avec l’organisation statistique métropolitaine et les organismes de statistiques étrangers et internationaux40 ».

43À la faveur de la transformation des services centraux en ministère de la France d’outre-mer à la Libération, il devient Service statistique des territoires d’outre-mer, compétent sur l’ensemble des territoires d’outre-mer, à l’exception de ceux de l’Afrique du Nord. Bien qu’il s’agisse d’un service propre du ministère, il a pour particularité d’être composé de personnel détaché de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le décret no 47-963 du 29 mai 1947, fixant les modalités de la coordination de la statistique et des études économiques pour la métropole et la France d’outre-mer, définit le cadre de leurs relations étroites.

44Ce service a donc un profil particulièrement original au sein de l’administration, et s’inscrit en faux par rapport aux pratiques antérieures, non professionnelles, de la statistique coloniale. Il semble qu’il ait démarré son activité par la conception d’annuaires statistiques d’ensemble, avant d’abandonner ce travail régulier très lourd et redondant avec les annuaires statistiques produits par les territoires eux-mêmes. Surtout, les statisticiens ont rapidement pris la mesure des limites des données issues de simples rapports administratifs, dans lesquels les estimations de population et de production agricole présentaient des variations particulièrement importantes. Le service va alors privilégier la méthode de l’enquête par sondage, afin d’analyser avec plus d’exactitude la situation démographique, sociale et économique des territoires colonisés. Pour mener ces enquêtes, le service central s’appuie sur des missions socio-économiques temporaires, composées majoritairement de statisticiens exerçant dans les services territoriaux. Ces missions socio-économiques visent des zones géographiques bien délimitées, parfois aux confins de plusieurs territoires d’outre-mer, à l’instar de la mission socio-économique du fleuve Sénégal.

  • 41 On peut simplement faire l’hypothèse qu’elles ont été divisées pour stockage, ce qui pourrait expli (...)

45Le Service statistique des territoires d’outre-mer cesse son activité en octobre 1958, à la disparition de son ministère de tutelle suite à l’indépendance de la plupart des territoires. Ses archives ayant été transférées en vrac aux ANOM, on ne dispose d’aucun élément supplémentaire sur l’histoire de leur conservation41.

  • 42 FR ANOM BIB AOM50001 1946 : Bulletin officiel du ministère de la France d’outre-mer, 1946.
  • 43 Par exemple au Cambodge (FR ANOM GGI 58177).

46À partir de 1946, il est prévu que des services locaux de statistique soient placés sous la tutelle du Service statistique des territoires d’outre-mer, dont il définit le programme d’action, après consultation des gouverneurs42. Trois territoires sont d’abord visés : l’Afrique occidentale française, l’Indochine – déjà pourvue d’un service spécialisé depuis 1922 –, et Madagascar. Des services statistiques territoriaux ont ainsi été créés dans plusieurs territoires de l’Afrique occidentale française dans les années 1950, notamment en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, au Sénégal et au Soudan français. Au niveau fédéral, le Service des études et de la coordination statistique et mécanographique en Afrique occidentale française (AOF) assurait un rôle de coordination. On trouve également dans les archives du Gouvernement général de l’Indochine quelques éléments relatifs à l’activité des services statistiques territoriaux43. Dans le cas de Madagascar toutefois, l’effectivité de la mise en œuvre de ces services reste une question ouverte.

Des sources statistiques inédites… et des pistes à poursuivre

  • 44 FR ANOM STAT 25 à 97.
  • 45 FR ANOM STAT 121 à 127.
  • 46 FR ANOM STAT 197 à 206.

47Malgré sa relativement courte période d’activité, le Service statistique des territoires d’outre-mer apparaît comme un gros producteur d’archives, avec un fonds estimé à environ 40 mètres linéaires, majoritairement composé par les sources statistiques collectées et utilisées par le service. Ce fonds, coté FR ANOM STAT, donne alors à voir la conception d’une politique statistique, dans les dernières années de la présence française outre-mer, qui s’inscrit pleinement dans le cadre colonial. Les méthodes d’enquête statistique, tout comme les sujets choisis, témoignent ainsi de la spécificité de l’action statistique en contexte colonial. L’exemple le plus frappant en est bien sûr l’omniprésence de la statistique ethnique, rigoureusement exclue des pratiques en métropole. La répartition des données statistiques par ethnie apparaît dans la quasi-totalité des enquêtes, par exemple dans l’enquête démographique en Guinée de 1954-195544, ou dans celle sur les besoins alimentaires et les habitudes de consommation menée par la mission socio-économique du Soudan45. Le programme d’action statistique défini par le ministère de la France d’outre-mer, en concertation avec les administrations coloniales territoriales, révèle également la volonté d’encadrement de la population autochtone dans ses pratiques conventionnelles, extrinsèques à l’ordre colonial. On peut citer à titre d’exemple l’enquête sur les échanges non monétaires, qui vise à recenser et évaluer la valeur des flux de cadeaux, dons et trocs entre familles et villages46.

48L’ouverture inédite à la communication de la première partie du fonds du Service statistique des territoires d’outre-mer à l’automne 2023, suite au partenariat scientifique et financier pour classement avec l’Insee et l’Institut de recherches historiques du Septentrion (IRHiS) de l’université de Lille, suggère des pistes de recherche sans précédent pour l’histoire de la statistique coloniale. L’étude des documents intermédiaires de travail (plans de villages, relevés de populations et de cultures…), des données individuelles et récapitulations, ou encore des documents méthodologiques (instructions, formations des enquêteurs, etc.) offre un champ de recherche à part entière : techniques de sondage, méthodes de mesure, interprétation des résultats… Elle offre aussi la possibilité de mener des études comparatives avec les statistiques métropolitaines en exploitant les fonds conservés aux Archives nationales et au Service des archives économiques et financières (SAEF). Il faut toutefois noter l’hétérogénéité de l’état des dossiers conservés. Les données de certaines opérations statistiques ont ainsi pu être collectées dans leur intégralité, tandis que d’autres ne nous sont parvenues que par bribes.

  • 47 F. Chamelot, 2022.

49Les sources des services territoriaux de statistiques, placés sous la tutelle du Service statistique des territoires d’outre-mer, paraissent en revanche largement incomplètes dans les fonds conservés aux Archives nationales d’outre-mer. Pour l’AOF, les archives administratives des anciens territoires et du Gouvernement général n’étant pas conservées aux ANOM, on ne peut que renvoyer vers les services d’archives des territoires issus de la décolonialisation. Pour les autres territoires, en particulier l’Indochine et Madagascar, l’examen des fonds territoriaux rapatriés et conservés aux ANOM se révèle particulièrement déceptif. Suite à l’achèvement en 2021 du classement du fonds de la direction des services économiques de l’Indochine (FR ANOM GGI SE), on ne peut que constater l’absence de traces documentaires du service de la statistique. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées à cet égard. Les sources statistiques collectées et dépouillées par le service ont pu être considérées comme des archives de gestion. Elles seraient donc aujourd’hui conservées par les Archives nationales du Vietnam. Une seconde théorie expliquant cette absence pourrait résider dans les destructions de documents intervenues pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de l’occupation militaire des bâtiments du Gouvernement général47. Enfin, une troisième possibilité serait l’élimination des documents statistiques bruts dans le cadre d’une sélection volontaire, pour ne conserver que les publications des résultats. Dans le cas de Madagascar, aucune source n’a non plus pu être identifiée comme la production d’un service de statistiques. Le classement en cours des archives du Haut-Commissariat des années 1940 (FR ANOM HCM) permettra peut-être de conclure quant à l’existence effective ou non de ce service.

50La fonction statistique exercée par les administrations coloniales territoriales est alors surtout visible dans les collections rapatriées des bibliothèques administratives des services, qui forment le socle de la bibliothèque dite « AOM » des Archives nationales d’outre-mer. On y trouve notamment des annuaires statistiques territoriaux, déjà mentionnés, ou des publications des résultats. La collecte des sources statistiques elles-mêmes et la méthodologie d’enquête appliquée restent cependant méconnues dans l’état actuel du classement des fonds territoriaux rapatriés aux Archives nationales d’outre-mer.

51En dépit des nouvelles pistes de recherche ouvertes par le classement du fonds du Service statistique des territoires d’outre-mer, qui témoignent de la conception d’une statistique coloniale professionnelle, les sources paraissent lacunaires. Ces limites visibles des sources pourraient alors constituer un champ d’investigation à part entière, portant à la fois sur les archives territoriales rapatriées et celles conservées sur place, et dépassant la fracture entre archives de souveraineté et archives de gestion.

Conclusion

52Les sources statistiques conservées aux Archives nationales d’outre-mer permettent de reconstituer plusieurs évolutions de la pratique statistique coloniale et de sa qualification par cette administration au profil si singulier.

53D’abord, le premier empire colonial voit l’émergence d’une pratique statistique précoce, définie comme un outil de gouvernement, mais qui ne vise qu’un nombre réduit d’objets d’analyse (population, commerce). La lente construction du second empire colonial, à partir de 1815 et jusqu’à la fin du siècle, peine à remobiliser l’outil statistique et à le faire sortir d’une mécanique de documentation, redoublée par une forte dispersion des sources. Ce n’est qu’à partir du xxe siècle que la pratique statistique va être réinvestie par l’administration centrale et territoriale, essentiellement dans une dynamique d’information, de communication, voire de propagande, avant d’entamer un mouvement de professionnalisation dans les années 1940. Au sein de ce système colonial, le cas de l’Algérie doit cependant être distingué en raison de la spécificité de son statut. L’outil statistique y apparaît omniprésent, comme instrument privilégié d’administration, de contrôle et de surveillance des populations locales, depuis les prémices de la présence française jusqu’à la lutte pour l’indépendance.

54La professionnalisation tardive de la statistique au sein du ministère de la France d’outre-mer marque finalement le retour à une logique de gouvernement, utilisant la statistique comme instrument de création et d’analyse des politiques publiques. C’est ce dont la mise à disposition inédite du fonds du Service statistique des territoires d’outre-mer en salle de lecture permettra de prendre la mesure, ouvrant de nouvelles perspectives de recherche sur la statistique en contexte colonial, dans les dernières années de la présence française outre-mer.

55La mise en évidence de ces évolutions à partir des sources conservées aux Archives nationales d’outre-mer peut toutefois apparaître elle-même comme une reconstruction induite par des logiques de conservation. Réunies progressivement, de 1966 à 1996, dans une institution unique, les archives du fait colonial y ont en effet acquis une nouvelle intelligibilité – leurs disparités cédant sous l’effet d'une logique de conservation centralisée qui participe de la fabrique des archives coloniales comme catégorie. L’étude de ces sources implique donc de rendre visibles les logiques, anciennes et actuelles, de conservation et de traitement archivistique qui les informent – et même parfois les transforment.

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Bibliographie

Sources archivistiques

Archives nationales d’outre-mer (ANOM)

Agence économique de la France d’outre-mer (FR ANOM AGEFOM 331/13, 332/14, 333/15, 334/16).

Gouvernement général de l’Algérie, série Affaires indigènes (FR ANOM GGA 9H 52).

Gouvernement général de l’Indochine, série continue (FR ANOM GGI 58177).

Ministère des Colonies :
- série Généralités (FR ANOM GEN 61/21, 320/2079, 321/2081) ;
- série Martinique (FR ANOM MAR 1/3).

Ministère de la Guerre et de l’Intérieur en charge de l’Algérie (FR ANOM F80 539 à 555).

Secrétariat d’État à la Marine :
- série Actes du pouvoir souverain (FR ANOM COL A 15 Fo 235) ;
- sous-série Commerce aux colonies (FR ANOM COL F2 B 12 à 14) ;
- sous-série Correspondance à l’arrivée de Saint-Pierre-et-Miquelon (FR ANOM COL C12 19 à 21).

Service statistique des territoires d’outre-mer (FR ANOM STAT).

Sources imprimées

Bulletin officiel du ministère des Colonies, Paris, L. Baudoin, Imprimerie nationale, 1887-1963.

Bulletin officiel du ministère de la France d’outre-mer, Paris, L. Baudoin, Imprimerie nationale, 1887-1963.

Gouvernement général civil de l’Algérie, Annuaire statistique de l’Algérie, Paris, Imprimerie nationale, 1926-1964.

Travaux

Baillaud, Émile, « Les documents statistiques de l’Indo-Chine et de l’Algérie à l’exposition de Marseille », Bulletin de la société de géographie commerciale de Paris, t. 28, 1906, p. 697-709.

Brenier, Henri, Essai d’Atlas statistique de l’Indochine française : Indochine physique, population, administration, finances, agriculture, commerce, industrie, Hanoï et Haiphong, Imprimerie d’Extrême-Orient, 1914.

Chamelot, Fabienne, « The Politics of French Colonial Archives. Mainland France, French West Africa and the Indochinese Union, 1894-1960 », thèse de doctorat en histoire, Université de Portsmouth, 2022.

Kateb, Kamel, « La gestion statistique des populations dans l’empire colonial français. Le cas de l’Algérie, 1830-1960 », Histoire & Mesure, vol. 13, no 1-2, 1998, p. 77-111.

Kateb, Kamel, « La statistique coloniale en Algérie (1830-1962). Entre la reproduction du système métropolitain et les impératifs d’adaptation à la réalité algérienne », Courrier des statistiques, no 112, décembre 2004, p. 3-17.

Malègue, Fanny, « L’empire en tableaux », Histoire & Mesure, vol. 33, no 2, 2018, p. 93-114.

Marietti, Pascal-Gaston, La statistique générale en France, Rufisque, Imprimerie du gouvernement général, 1947.

Menier, Marie-Antoinette, « Cent ans dans l’histoire des archives de la colonisation », La gazette des archives, no 139, 1987, p. 207-222.

Taillemite, Étienne, « Les archives de la France d’outre-mer », La gazette des archives, no 22, 1957, p. 6-22.

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Notes

1 À l’exception des protectorats et des territoires sous mandats, dont les archives sont conservées par le ministère des Affaires étrangères.

2 Fonds des gouverneurs, des résidents, des préfectures, fonds de police, des postes consulaires, dossiers du personnel français…

3 Santé, travaux publics, enseignement, finances, services économiques, justice…

4 Les archives territoriales de l’AOF ont été intégralement laissées sur place. Les archives du Gouvernement général de l’AOF ont toutefois fait l’objet d’une copie sur support microfilm, aujourd’hui numérisée et consultable aux ANOM.

5 C’est le cas notamment de la Compagnie des Indes orientales, de 1664 à 1771.

6 FR ANOM COL A 15 Fo 235.

7 À quelques exceptions près.

8 La lettre G désignant le Dépôt des Papiers publics des colonies, aujourd’hui recoté en DPPC.

9 La tenue de cette troisième collection des registres d’état-civil sera définitivement supprimée en 2011.

10 FR ANOM COL C12 19 à 21.

11 F. Malègue, 2018.

12 En particulier les cotes COL F2 B 12 à 14, qui sont composées de tableaux statistiques relatifs au commerce colonial, aux importations et exportations, aux circulations des navires ou encore à la pêche pour la période 1766-1789.

13 Hormis une courte période, de 1858 à 1860, pendant laquelle les deux administrations centrales sont réunies au sein d’un éphémère ministère de l’Algérie et des Colonies.

14 M.-A. Menier, 1987.

15 F. Chamelot, 2022.

16 Voir la série Généralités (FR ANOM GEN) et les séries par territoire (FR ANOM GUY, GUA, MAR, REU…).

17 Notamment FR ANOM GEN 320/2079 et GEN 321/2081.

18 Voir en particulier les séries géographiques Martinique (FR ANOM MAR), Guyane (FR ANOM GUY) et la série documentaire Généralités (FR ANOM GEN).

19 Par exemple, FR ANOM MAR 1/3 : essai statistique sur la Martinique de Moreau de Jonnès (1817).

20 Voir l’état des fonds des Archives nationales d’outre-mer. Par exemple, les établissements français d’Océanie (FR ANOM OCEA), la Nouvelle-Calédonie (FR ANOM NCL), ou encore les colonies de l’AOF et de l’AEF (FR ANOM AFRIQUE, CIV, SOUD…).

21 É. Taillemite, 1957.

22 Conservé aux ANOM en bibliothèque, sous la cote FR ANOM BIB AOMA1001.

23 Pour Constantine, il faut consulter la série continue de la préfecture (FR ANOM 93).

24 K. Kateb, 1998 ; id., 2004.

25 FR ANOM F80 539 à 555.

26 À l’exception du Maroc en 1914. Les archives relatives à la présence française dans ce territoire, placé sous protectorat, ne sont pas conservées aux ANOM mais aux Archives diplomatiques.

27 M.-A. Menier, 1987.

28 Notamment celui du ministère d’État chargé des Affaires algériennes de 1945 à 1964 (FR ANOM 81 F), et celui du Service de coordination des informations nord-africaines (SCINA) du ministère de l’Intérieur de 1955 à 1964 (FR ANOM 84 F).

29 Décret du 16 mars 1910 organisant l’Office colonial.

30 Par exemple, pour la Nouvelle-Calédonie : FR ANOM AGEFOM 331/13, 332/14, 333/15, 334/16 (1935-1938).

31 FR ANOM GEN 61/621.

32 H. Brenier, 1914.

33 É. Baillaud, 1906.

34 Voir le fonds du Gouvernement général de Madagascar, série D : Politique et administration générale (FR ANOM GGM D).

35 P.-G. Marietti, 1947.

36 Le lecteur pourra se référer à l’état général des fonds des ANOM pour connaître le périmètre exact des institutions conservées.

37 FR ANOM GGA 9H 52.

38 Voir notamment la série continue de la préfecture de Constantine (FR ANOM 93).

39 Les archives produites par ce premier service doivent se trouver, si l’on en croit Marietti, dans le fonds du service colonial des statistiques (FR ANOM STAT). Il faudra toutefois attendre le classement de la totalité du fonds pour l’établir avec certitude.

40 FR ANOM BIB AOM50001 1943 : Bulletin officiel du ministère des Colonies (période du secrétariat d’État), 1943.

41 On peut simplement faire l’hypothèse qu’elles ont été divisées pour stockage, ce qui pourrait expliquer qu’une partie du fonds soit positive à l’amiante. On peut estimer cette partie à un gros tiers du volume total du fonds qui est donc inaccessible, et ne pourra être classée et inventoriée qu’après une opération de désamiantage.

42 FR ANOM BIB AOM50001 1946 : Bulletin officiel du ministère de la France d’outre-mer, 1946.

43 Par exemple au Cambodge (FR ANOM GGI 58177).

44 FR ANOM STAT 25 à 97.

45 FR ANOM STAT 121 à 127.

46 FR ANOM STAT 197 à 206.

47 F. Chamelot, 2022.

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Pour citer cet article

Référence papier

Amélie Hurel, « Les sources statistiques coloniales aux Archives nationales d’outre-mer »Histoire & mesure, XXXIX-1 | 2024, 103-128.

Référence électronique

Amélie Hurel, « Les sources statistiques coloniales aux Archives nationales d’outre-mer »Histoire & mesure [En ligne], XXXIX-1 | 2024, mis en ligne le 11 octobre 2024, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/20965 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12ht8

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Auteur

Amélie Hurel

Conservatrice du patrimoine, Archives nationales d’outre-mer

amelie.hurel@culture.gouv.fr

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