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Varia

Un débat entre statisticiens du xixe siècle : comment obtenir la nécessaire collaboration de la population à l’exercice du recensement ?

A Debate among Nineteenth Century Statisticians: How to Ensure Full Census Participation
Jean-Pierre Beaud
p. 125-150

Résumés

Obtenir la collaboration de la population lors d’une enquête statistique implique dans l’esprit de la plupart des statisticiens d’État, une obligation de répondre. En 2010, au Canada, le gouvernement conservateur avait aboli de fait l’obligation de répondre au questionnaire long du recensement de 2011, suscitant une vive controverse. Cet article remonte aux sources des débats sur l’obligation dans les pays occidentaux. Nous montrons que la Commission centrale de statistique de Belgique, dès les années 1840, et les Congrès internationaux de statistique, dès leur première occurrence en 1853, ont longuement discuté les divers aspects du problème et que ce n’est qu’en 1860 qu’une norme internationale est établie et qu’une sorte de sagesse statistique est dégagée : obliger quand c’est nécessaire et en tenant compte des normes culturelles et constitutionnelles, sans nécessairement le dire explicitement et tout en sanctionnant le moins possible.

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Texte intégral

  • 1 C’est-à-dire le Conseil privé et donc en pratique le gouvernement.
  • 2 URL : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/S-19/TexteComplet.html.
  • 3 La sélection des ménages se fait selon un plan d’échantillonnage stratifié et systématique. Voir à (...)
  • 4 Nous considérerons dans ce texte le terme obligatoire (ou obligation) comme s’appliquant aux répon (...)
  • 5 Nous utiliserons le terme statisticien même si, pour une partie de la période étudiée, ce terme n’ (...)
  • 6 La question de la participation au recensement et celle de l’obligation d’y répondre ont été au ce (...)
  • 7 Voir Statistique et société, 2016 ; 61e congrès de l’ISI, Marrakech, 2017, STS 073.

1De juin 2010 à mai 2011, la scène politique canadienne a été agitée par une controverse statistique inédite. Un gouvernement conservateur, s’appuyant sur les dispositions de la Loi sur la statistique à l’effet que le « gouverneur en conseil1 prescrit, par décret, les questions à poser lors d’un recensement fait en vertu des articles 19 ou 202 », avait éliminé de fait le questionnaire long et obligatoire administré auprès d’un échantillon de 20 % des ménages canadiens et l’avait remplacé par une enquête volontaire (c’est-à-dire non obligatoire) conduite auprès de 30 % des ménages canadiens3. L’administration du recensement canadien de 2011 s’était faite selon les nouvelles modalités, un questionnaire court et toujours obligatoire couplé à une enquête volontaire auprès d’un échantillon de la population. La victoire des Libéraux lors de l’élection de 2015 avait conduit au retour du questionnaire long et obligatoire. En 2017, une nouvelle Loi sur la statistique mentionnait explicitement pour la première fois le principe de l’obligation de répondre4. Ainsi donc, ce principe maintes fois évoqué durant la controverse de 2010-2011 ne figurait même pas dans la Loi sur la statistique à cette époque. On parlait bien de sanctions, d’amendes et même d’emprisonnement (cette dernière punition allait disparaître en 2017), mais pas explicitement d’obligation. Durant la controverse de 2010, le gouvernement conservateur canadien avait justifié la décision en invoquant le caractère inquisiteur et indiscret du questionnaire long administré à 20 % de la population canadienne et surtout l’obligation d’y répondre (le refus étant éventuellement sanctionné par une amende et même par la prison). À ses yeux alors, l’obligation pose un problème lorsqu’elle touche à des questions sensibles et c’est pour cette raison que le questionnaire long a été remplacé par une enquête volontaire. Le questionnaire court ne comprenant pas de questions de ce type, il pouvait rester obligatoire. De leur côté, les opposants au remplacement du questionnaire long et obligatoire par une enquête volontaire s’inquiétaient de l’abandon d’une méthodologie éprouvée et fiable conduisant à un taux de réponse élevé et donc à une qualité avérée au profit d’une stratégie menant à une baisse du taux de réponse, une moindre représentativité et donc une chute de la qualité. À leurs yeux, la décision du gouvernement conservateur était fortement teintée d’idéologie et ignorait ce que la science statistique avait établi depuis longtemps, à savoir la supériorité de l’échantillon probabiliste sur l’échantillon de volontaires et la nécessité d’un fort taux de réponses et donc l’imposition d’une obligation. Mais cette obligation de réponse invoquée, c’était un peu l’Arlésienne. Elle n’était pas explicitement mentionnée dans les textes officiels et apparaissait comme un dogme, aux yeux de certains, comme un postulat aux yeux d’autres. D’où venait-elle ? Avait-elle fait l’objet de débats ? Personne, à l’époque, n’était capable de répondre à ces questions. Pour éclairer quelque peu les termes du débat canadien de 2010-2011, alimenter la réflexion sur un sujet somme toute assez général, nous sommes retourné à ce qu’on peut appeler le débat originel sur la question. Il permettra de voir que des arguments invoqués lors de la controverse contemporaine canadienne étaient discutés, soupesés, que les positions conservatrices de 2010 ressemblaient fort à des positions de statisticiens5 ou administrateurs du xixe siècle et que des « solutions » dégagées (ou plus exactement retrouvées) plus tard étaient déjà mises en application ou à tout le moins envisagées dans certains pays dès le xixe siècle. La mémoire de ces moments s’était probablement évanouie. Quand les débats ont resurgi ici et là, au Canada6 surtout (mais un numéro de Statistique et société ou une séance récente d’un congrès de l’Institut international de statistique sur le sujet montrent que la question de l’obligation se pose un peu partout7), ces vieilles réflexions n’ont pas été exhumées. On pourra toujours invoquer des raisons scientifiques pour ignorer la statistique des Congrès internationaux de statistique, les contextes étant trop dissemblables entre la Belgique de Quetelet et aujourd’hui. Nous pensons plutôt qu’il est possible d’éviter les anachronismes et que si des praticiens confrontés au même problème (obtenir la collaboration des populations) recourent aux mêmes solutions, c’est que, mutatis mutandis, un savoir relativement stable sur la bonne gestion des rapports entre les bureaux de chiffres et les publics s’est constitué dès le milieu du xixe siècle, en Belgique surtout, mais aussi dans quelques autres pays avancés sur le plan de l’organisation statistique.

2Dès le milieu du xixe siècle, en Belgique en particulier, la gestion des refus et des réponses fausses fait l’objet d’un fort investissement à la fois intellectuel et bureaucratique. Le Bulletin de la Commission centrale de statistique de Belgique, avec Adolphe Quetelet comme figure dominante, et les Congrès internationaux de statistique, orchestrés par le même Quetelet, vont jouer le rôle de caisse de résonance pour les idées et les réformes en matière statistique : la question des refus et des réponses fausses y trouvera très tôt des réponses ingénieuses. Un siècle et demi avant l’affaire de l’abolition du questionnaire long et obligatoire au Canada, quasiment les mêmes arguments que ceux mis en avant durant la controverse de 2010-2011 ont été discutés. Parfois, les mêmes mots ont été utilisés, le mot « inquisitorial » en particulier. Revenir à ce débat du milieu du xixe siècle permet de constater que la question de l’obligation n’est pas une simple question technique : s’il avait suffi d’invoquer la meilleure qualité d’un recensement avec obligation de répondre pour imposer le principe et les sanctions, nul doute que tous les pays se seraient dotés de politiques fortes en ce domaine. Mais, comme on le montrera, poser la question des refus de répondre, c’est en même temps, par exemple, poser la question de la plus ou moins grande « sensibilité » de certaines questions ou même s’attaquer à la constitutionnalité de certaines demandes d’informations. Très tôt, la technique est venue buter sur la politique et le droit.

  • 8 I. Hacking, 1990 ; T. M. Porter, 1986.
  • 9 L’obligation, par sa faculté à augmenter le taux de réponse, est un outil éprouvé permettant de co (...)

3Au terme de ce voyage dans l’histoire statistique des pays occidentaux, dans les argumentaires des uns et des autres, il devrait apparaître que, pas plus en 2010 qu’aux xixe et xxe siècles, la statistique ne pouvait faire fi des réticences de certaines parties de la population. Le point de vue comparatif et historique qui est le nôtre ne doit certes pas nous faire oublier que les contextes évoqués sont très différents. Les Congrès internationaux de statistique se tiennent à une époque, aujourd’hui bien révolue, qui est encore presque celle de l’enthousiasme statistique, de l’avalanche des chiffres, de l’explosion des nombres, que Ian Hacking et Ted Porter situent dans les années 1820-18408. Aujourd’hui, de plus, les théories des échantillons probabilistes offrent un socle solide, qui n’existait pas du temps de Quetelet, aux généralisations, en autant que les individus sont tirés au sein d’une population avec des probabilités non nulles d’être choisis9. Et la notion d’exhaustivité a perdu peu à peu son rôle central pour être remplacée à ce titre par la notion de représentativité. Mais, revers de la médaille, plus qu’hier, l’argumentaire apparaît aujourd’hui très technique, voire franchement abscons, suscitant la méfiance d’une population de moins en moins bienveillante, dit-on, vis-à-vis des administrations étatiques et des experts. Quant à l’appareil bureaucratique de nos États post-industriels ou néo-libéraux, il n’a pas grand-chose à voir avec celui des États du xixe siècle. Il reste que les administrations statistiques butent toujours sur cette participation imparfaite à l’exercice du recensement et que les arguments mis de l’avant n’ont guère changé.

  • 10 Sites de HathiTrust Digital Library (URL : https://www.hathitrust.org/), du catalogue de la Biblio (...)
  • 11 Citons A. Desrosières, 1993 ; M. J. Anderson, 1988 ; M. J. Anderson & S. E. Fienberg, 1999 ; Insee(...)

4Notre analyse portera sur la deuxième moitié du xixsiècle, sur la Belgique d’Adolphe Quetelet, qui a longtemps servi de modèle, sur les Congrès internationaux de statistique et sur les expériences statistiques de divers pays, essentiellement européens. Elle exploitera les documents publiés à l’occasion des Congrès internationaux de statistique, ainsi que les Bulletins de la Commission centrale de statistique de Belgique qui se trouvent tous disponibles sur des sites web10. La lecture intensive de ces documents, aidée d’une recherche par mots-clés, nous a permis d’isoler les moments où la question de l’obligation de répondre a été abordée. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une riche littérature portant sur la statistique publique (ou d’État ou officielle), sur la quantification et, plus particulièrement, sur les recensements11.

1. Les Congrès internationaux de statistique

  • 12 La Commission centrale de statistique (de Belgique), organe chargé de la coordination des activité (...)
  • 13 Voir à ce sujet, É. Brian, 1989a. Pour une étude de l’ensemble des congrès, voir N. Randeraad, 201 (...)
  • 14 Le cas des réponses fausses, des « mauvaises réponses » en quelque sorte, est, on s’en doute, part (...)

5Lors du premier Congrès international de statistique qui se tient à Bruxelles en 1853, la question des sanctions à apporter aux refus de répondre et aux réponses sciemment fausses est à l’ordre du jour. En Belgique, les discussions à ce sujet ont cours depuis plusieurs années au sein de la Commission centrale de statistique12 sous l’impulsion d’Adolphe Quetelet, et des gestes concrets ont déjà été posés, comme on le verra. Naturellement, du fait de l’importance de Quetelet pour la statistique internationale, la pratique belge (la création d’une commission centrale de statistique, par exemple) est posée en modèle. En 1853, l’aura de Quetelet est à son maximum. Le premier Congrès international est son congrès ; il se tient dans sa ville et en français puisque c’est alors la langue de la statistique ; il réunit tout ce que l’Occident compte de statisticiens et surtout d’administrateurs de haut niveau des choses statistiques ainsi que plusieurs hommes de science et hommes politiques13. On aurait donc pu s’attendre à ce qu’une question aussi fondamentale, aussi première (comment maximiser le nombre de réponses, comment éviter les refus et les réponses fausses14) conduise le congrès à suivre l’exemple belge et la pratique en cours en Angleterre par exemple, et donc à imposer des sanctions aux récalcitrants, idéalement en s’appuyant sur une loi spécifique à la statistique. Il n’en fut rien et une proposition de ce type, mise aux voix, fut rejetée, il est vrai de peu. Le débat qui s’organise autour de la question au moment du congrès permet de constater, d’abord que les points de vue sont assez tranchés, ensuite que les protagonistes ont de bonnes raisons de camper sur telle ou telle position et enfin que les arguments mis en avant ne sont pas très éloignés de ceux invoqués encore aujourd’hui. D’un côté, certains statisticiens pensent que la perspective de sanctions conduira les éventuels récalcitrants à répondre aux questions de recensement ; de l’autre, des statisticiens voient plutôt dans ces sanctions une atteinte aux libertés et une fausse bonne idée qui conduirait à renforcer la suspicion à l’endroit de la statistique (Encadré).

Faut-il imposer une sanction pénale pour refus de répondre, 1853 ?

Lors de la séance du 23 septembre 1853 (premier Congrès international de statistique, Bruxelles), Alfred Legoyt, chef de la statistique au ministère français du Commerce, proposea dans la section sur le recensement que l’on adopte un paragraphe nouveau : « Il convient que l’exactitude des renseignements demandés soit garantie, autant que possible, par une sanction pénale. »

Horace Émile Say, économiste français qui obtient le prix Montyon de la statistiqueb en 1852, déclare : « Je demande que cette disposition additionnelle ne soit pas ajoutée aux conclusions de la section. Je crois que pour avoir une bonne statistique, il ne faut pas peser sur les populations auxquelles on adresse les questions. On a déjà beaucoup de peine à obtenir que nos recenseurs soient bien reçus. Si les gens éclairés leur répondent très-volontiers, les autres les reçoivent avec quelque défiance. S’il est connu dans la population que celui qui se présente a un droit contre vous, on le verra arriver avec infiniment de méfiance. Pour ma part, je n’accepterai pas d’être mis à la question. Je demande donc que ce soit d’une manière officieuse que l’on parvienne à la constatation des faits. Une autre observation, c’est qu’après tout nous ne pouvons faire les questions que par des commissaires, qu’il faut un personnel très-nombreux, et que nous ne sommes pas toujours sûrs également des personnes que nous envoyons. »

Legoyt répond : « Voici en résumé les observations que j’ai fait valoir à l’appui de ma proposition. J’ai fait remarquer que, dans trois pays, il existe une législation semblable : en Belgique, en Angleterre, aux États-Unis, et je crois que nos collègues d’Angleterre sont convaincus de l’efficacité de cette législation. En ce qui me concerne, je suis d’autant plus convaincu de la nécessité de la mesure que je propose, que, dans nos départements, il arrive fréquemment que les administrés refusent de répondre aux agents du dénombrement, ou répondent d’une manière illusoire. Eh bien, je crois qu’une pénalité est de nature à combattre ces mauvaises dispositions. C’est une conviction très-fondée et qui est basée sur les faits. Je ne vois pas pourquoi une sanction pénale aurait ce résultat que les agents du recensement seraient plus mal reçus que par le passé. Ce ne sont pas ces agents qui seraient armés d’un pouvoir discrétionnaire ; ils ne deviendraient donc pas un sujet d’effroi pour les populations. Que dirait la disposition pénale que je réclame ? Elle porterait à peu près ce qui suit : Ceux qui seront convaincus d’avoir refusé les renseignements demandés ou d’avoir sciemment donné des résultats inexacts, seront conduits devant un bureau de police et condamnés à une amende de… (interruption). Messieurs, cela se passe avec le plus grand succès dans trois pays, et vous admettez probablement que ce sont des pays civilisés… »

M. le Président : « Messieurs, permettez-moi une observation. Ne vous semble-t-il pas que l’opportunité d’une clause pénale doit dépendre des résistances qui se rencontrent dans l’exécution, et que, sous ce rapport, vous pouvez abandonner le soin de l’examen de la nécessité de cette clause pénale aux gouvernements ou aux administrations chargées d’exécuter un recensement quelconque ? Je crois, dès lors, qu’il est inutile de se préoccuper d’une question qui rentre spécialement dans les attributions de ceux qui sont chargés de l’exécution. »

Lord Ebrington (Grande-Bretagne) : « Je pense que, pour obtenir des résultats réellement utiles, le concours des gouvernements est nécessaire. Mais pour concilier les deux opinions qui se sont fait jour, on pourrait peut-être se borner à demander la sanction d’une clause pénale pour quelques renseignements que nous considérons comme indispensables, tels que le nom, les prénoms, la condition, le nombre des enfants ; les autres détails seraient laissés à la bonne volonté de ceux qui doivent répondre. […] La disposition additionnelle est mise aux voix, elle n’est pas adoptée. »

(Compte rendu des travaux du Congrès général de statistique, réuni à Bruxelles les 19, 20, 21 et 22 septembre 1853, p. 109-113).

a. Pour le mode de fonctionnement des Congrès internationaux de statistique, on pourra se reporter à É. Brian, 1989b.
b. Voir É. Brian, 1991.

6On notera que la solution de Lord Ebrington est celle mise de l’avant par les Conservateurs en 2010 (une quasi obligation pour ce qui est indispensable, soit le nom, le sexe, la date de naissance, l’âge, l’état matrimonial, le fait d’être ou non en union libre, le lien avec la personne qui remplit le questionnaire, la connaissance du français ou de l’anglais, la ou les langues parlées à la maison, la langue maternelle15 ; la bonne volonté pour le reste) et qu’elle est aussi un peu, comme on le verra, dans la lignée des réflexions des statisticiens belges. Certes, le contexte est différent et il ne faudrait pas pécher par anachronisme : l’échantillonnage n’est pas encore utilisé dans le cadre des recensements en 1853, bien sûr, et aujourd’hui les questionnaires sont administrés le plus souvent en ligne et donc sans la présence d’un enquêteur. Il reste que l’économiste libéral Horace Say (fils de Jean-Baptiste Say) replace bien l’exercice du recensement dans le cadre d’une relation entre une administration et des populations dont on doit respecter la liberté. « Pour avoir une bonne statistique, dit-il, il ne faut pas peser sur les populations auxquelles on adresse les questions ». C’est un point qui a également été développé au Canada en 2010 : en forçant les gens à répondre, ne risque-t-on pas d’obtenir des réponses peu fiables16 ?

7Au milieu du xixe siècle, donc, les statisticiens sont bien conscients qu’un des enjeux de l’exercice du recensement est d’obtenir la collaboration la plus massive – nous sommes alors dans une logique d’exhaustivité –, mais aussi la plus sincère des populations. Obliger les gens à répondre va-t-il dans ce sens ? Les experts sont partagés. Le questionnement était aussi présent en 2010, dans une logique moins d’exhaustivité cette fois-ci que de représentativité via une stratégie d’échantillonnage aléatoire. Comment ces diverses positions, exposées en 1853, se sont-elles structurées ? Un retour sur l’expérience belge nous en apprendra beaucoup.

2. Adolphe Quetelet, la Commission centrale de statistique et les premiers recensements en Belgique

8Réticence, résistances, mauvaise volonté, agents de recensement mal formés, etc. Très tôt, les statisticiens sont confrontés à un épineux problème. Le travail de rassemblement d’expériences de recensement provenant d’un peu partout en Europe réalisé par Quetelet et les membres de la Commission centrale de statistique de Belgique permet de montrer que le pragmatisme du président de la séance du congrès de 1853 n’est pas sans fondement : « Ne vous semble-t-il pas que l’opportunité d’une sanction pénale doit dépendre des résistances qui se rencontrent dans l’exécution, et que, sous ce rapport, vous pouvez abandonner le soin de l’exécution de cette clause pénale aux gouvernements ou aux administrations chargées d’exécuter un recensement quelconque ? » disait-il.

9La Commission centrale de statistique de Belgique a été créée le 16 mars 1841, quelques années après la révolution belge de 1830 et l’indépendance du pays qui, auparavant, était englobé dans un royaume uni des Pays-Bas. Son but est de :

  • 17 Société statistique de Paris, 1886.

« grouper et d’examiner tous les renseignements épars que recueillaient les diverses administrations. […] À l’origine de son institution, la Commission centrale était absorbée par l’organisation de la statistique belge ; aujourd’hui elle s’attache à l’améliorer et à la développer dans les limites d’une saine et bonne pratique pour la constatation des faits sociaux et économiques17. »

  • 18 N. Bracke, 2008 ; voir aussi J.-J. Droesbeke, 2003, ainsi que le texte plus ancien de A. Julin, 19 (...)
  • 19 J. & M. Dupâquier, 1985, p. 321 et suivantes. On pourra ajouter que dans le cas des pays d’Amériqu (...)
  • 20 É. Brian, 1989b.
  • 21 La bibliographie relative aux œuvres de Quetelet et aux travaux sur le savant belge est longue. Me (...)

10La recherche d’une saine et bonne pratique pose le travail d’Adolphe Quetelet, Xavier Heuschling et les autres membres de la Commission centrale de statistique sur un plan essentiellement pragmatique. Pour ce faire, ils vont éclairer le passé statistique de la Belgique18, rassembler tous les matériaux possibles sur les expériences étrangères grâce à leurs correspondants, proposer des changements à la pratique belge et, du fait de la notoriété de Quetelet, impulser des réformes un peu partout en Occident. L’activisme statistique des Belges a probablement à voir avec la naissance récente du pays. Les Dupâquier, en leur temps, avaient noté la quasi-synchronisation entre les bouleversements politiques d’un pays et la naissance d’un appareil de collecte de données19. Mais avec la Belgique, outre l’engouement pour la révolution de 1830, il y a quelque chose de plus, à savoir ce duo assez exceptionnel constitué de Quetelet, venu de l’astronomie et formé à la statistique française, et d’Heuschling, qui se rattache plutôt à la statistique allemande, cette science de l’État qui s’apparente à une science du politique. Éric Brian a bien montré que les deux hommes forts de la statistique belge campaient sur des positions épistémologiques différentes20. Peut-être fallait-il un tel binôme pour que prenne forme l’expérience belge de collecte de données marquée par un fort point de vue administratif et national et en même temps par une volonté d’établir un savoir technico-scientifique exportable21.

3. L’expérience belge, un modèle pour le monde de la statistique

  • 22 Au Canada, cela prendra la forme d’un volume, le quatrième, annexé au rapport du recensement de 18 (...)
  • 23 La Belgique ne voit le jour comme entité indépendante qu’en 1830. Cela concerne donc la partie bel (...)
  • 24 A. Quetelet, 1847, p. 5.

11Éclairer le passé statistique du pays est pour beaucoup de statisticiens un préalable à tout mouvement de réforme. Au milieu du xixe siècle, ils ressentent souvent le besoin de faire le point22. En Belgique, cela se traduira, notamment, par un important travail à travers les archives dont le Bulletin de la Commission centrale de statistique va rendre compte sous la signature de Quetelet. Les anciens recensements belges23 sont problématiques : le grand statisticien belge, par exemple, se pose la question de savoir si la stagnation de la population dans la province d’Anvers entre 1806 et 1816 est attribuable aux guerres de l’Empire (la Belgique est alors française, du moins jusqu’en 1815) ou aux « nombreuses réticences qui doivent avoir été faites pour échapper aux diverses charges dont le chiffre se réglait d’après celui de la population24 ». Pour dire les choses autrement, la stagnation observée est-elle réelle ou l’effet d’erreurs de mesure elles-mêmes provoquées par des stratégies pour échapper à « diverses charges » ? Au terme de son étude, Quetelet ne peut tirer de conclusions solides. Un constat s’impose toutefois : la population ou les édiles peuvent user de stratégies pour échapper à diverses charges. Il y a donc clairement un problème que la nouvelle statistique doit régler. Faut-il user de menaces, faut-il expliciter l’obligation en l’assortissant de sanctions, ou faut-il convaincre que l’exercice du recensement n’est ni à visées fiscales, ni à visées militaires, et faire confiance à la bonne volonté de de la population ?

  • 25 A. Quetelet, 1843, p. 30.
  • 26 « Bulletin de Recensement de la Ville de Bruxelles », Bulletin de la Commission centrale de statis (...)
  • 27 URL : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?imgcn.x=46&imgcn.y=9&DETAIL=1818030630%2 (...)

12Le recensement de la population de la ville de Bruxelles de 1842, dont l’architecture sera reprise pour le recensement général de la Belgique de 1846, va offrir un terrain d’essai idéal à Quetelet. Pour lui, il se déroula si bien qu’il ne fut pas nécessaire d’utiliser les « moyens de rigueur […] contre les récalcitrants25 ». Ces derniers malgré tout « s’expos[ai]ent à être poursuivis conformément aux lois et règlements existants26 ». C’est alors la loi du 6 mars 1818 qui s’applique. Elle pose que « [l]es infractions aux arrêtés royaux à l’égard desquelles les lois n’ont point déterminé ou ne détermineront pas les peines particulières […] seront punies d’un emprisonnement de huit à quatorze jours et d’une amende de vingt-six à deux cents francs ou de l’une de ces peines seulement27 ». Amende et emprisonnement, c’est le binôme que l’on retrouvera au Canada jusqu’en 2017. En 1845, lors des discussions préparatoires à ce qui sera le premier grand recensement belge, qui lui-même deviendra un modèle pour le monde de la statistique, les membres de la Commission centrale de statistique s’attardent sur la question des mesures de coercition, sur les obligations des habitants et sur les pénalités pour ceux qui refuseront de répondre aux questions. On peut suivre pas à pas, grâce aux bulletins, le mûrissement de leur réflexion. Deux rapports de commissions provinciales de statistique, qui serviront de matériau pour l’édification d’une stratégie nationale, attestent de cette interrogation quant au bon dosage de contrainte :

« Pour prévenir les entraves que pourrait rencontrer l’exécution du travail, la commission provinciale du Brabant suppose qu’un projet de loi sera soumis aux Chambres législatives, afin de déterminer d’une manière toute spéciale les obligations qu’auront à remplir les habitants, et établir des pénalités pour ceux qui refuseront de répondre aux demandes posées dans les bulletins. »

  • 28 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale », Bulletin de la Commission cen (...)

« La commission du Luxembourg dit qu’on ignore si, pour le cas présent, les règlements qui existent sont suffisants ; il lui paraît prudent, pour suppléer au silence ou au mauvais vouloir des administrations communales, que l’opération du recensement de la population du royaume soit prescrite dans la forme d’un règlement d’administration publique, c’est-à-dire par arrêté royal, parce qu’alors l’exécution de cet arrêté trouvera sa sanction dans la loi du 6 mars 181828. »

  • 29 « Mémoires et communications », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p.  (...)

13Deux aspects de la question sont en fait abordés de front : le bon vouloir des habitants et le bon vouloir des administrations communales. Avec l’édification de bureaux de statistique forts et la professionnalisation du travail statistique au xxe siècle, le second aspect deviendra moins central. Le premier, par contre, restera dominant jusqu’à aujourd’hui. Dans l’arrêté préparé par le ministre de l’Intérieur pour ce recensement de 1846, l’article 3 spécifie que les contraventions « seront réprimées conformément à la loi du 6 mars 181829 ». Cette répression se fera avec circonspection :

  • 30 « Mémoires et communications », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p.  (...)

« en se référant à la loi du 6 mars 1818, on a seulement voulu se ménager un moyen de contrainte à l’égard des personnes qui se conduiraient d’une manière blâmable vis-à-vis des agents, ou se permettraient des insertions inconvenantes ou malveillantes, ou bien encore qui, par leur refus de remplir ou de laisser remplir les bulletins, entraveraient l’exécution de l’opération. Toutefois cette mesure ne doit être appliquée qu’avec circonspection, et alors seulement que les moyens de persuasion ont été épuisés30. »

  • 31 « Rapport sur l’essai du recensement général fait à Molenbeek-St-Jean, 22 mai 1846 », signé par Qu (...)

14Cette argumentation relative à l’obligation et aux sanctions, à n’utiliser qu’en dernier recours, sera, sauf dans certaines périodes un peu particulières, le modus operandi des bureaux de chiffres jusqu’à nos jours. Le recensement de Bruxelles avait montré que les habitants étaient plutôt coopératifs et que, donc, les mesures prévues par la loi de 1818 n’avaient pas eu à être appliquées de façon significative (du moins on le suppose). Mais il ne s’agissait que d’un recensement urbain aux ambitions limitées. Était-ce extrapolable à un pays entier ? Soucieux de préparer au mieux le recensement de 1846, les statisticiens belges l’ont fait précéder par un essai réalisé à Molenbeek-Saint-Jean, en banlieue de Bruxelles. Il a permis de constater que les « agents de recensement ont rencontré chez les industriels peu d’empressement à les seconder31 ».

  • 32 « Rapport sur l’essai du recensement général fait à Molenbeek-St-Jean, 22 mai 1846 », Procès-verba (...)

15Pour les édiles municipaux, le peu d’empressement à répondre aux questions touchant aux matières premières et aux objets fabriqués pouvait être expliqué par le fait que les déclarants étaient « dominés par la pensée que la franchise ou la sincérité dans la réponse à ces deux questions devait être nuisible à leurs intérêts » et qu’« ils paraissaient craindre que le fisc ne s’emparât de leurs déclarations pour leur imposer de plus fortes charges, qui, à leurs yeux, sont déjà très-élevées32 ». Dans le rapport au ministre de l’Intérieur, en date du 23 décembre 1846, qui présente cette fois-ci les résultats du recensement de 1846, Quetelet et Heuschling notent que :

  • 33 « Résultats du recensement de la population. Rapport au Ministre de l’intérieur, Instructions et d (...)

« il est généralement reconnu qu’un recensement de la population est une des mesures administratives les plus difficiles et les plus compliquées ; il s’agit en effet de déterminer le nombre des habitants à une époque donnée, en ayant soin d’écarter les nombreuses causes d’erreur inhérentes à ces sortes d’opérations. Les moyens d’exécution ont été combinés de manière à environner le recensement de toutes les garanties d’exactitude possibles, sans froisser les susceptibilités des populations ; et en effet le nombre des procès-verbaux de contravention dressés a été réellement insignifiant : nous doutons fort qu’il se soit élevé jusqu’à dix dans tout le royaume. Après la grande expérience qui vient d’être faite, on reconnaîtra sans doute que les habitants ont donné une nouvelle preuve de leur obéissance à la loi et à ses représentants ; partout, dans les villes et les campagnes, ils se sont montrés disposés à seconder l’action de l’autorité. Du reste, nous ne nous dissimulons pas que ce résultat est dû en grande partie à la déclaration que vous nous aviez autorisé à faire […], que le recensement n’avait aucun caractère de fiscalité33 ».

  • 34 À peu près au même moment, les statisticiens du Royaume-Uni s’interrogent sur la nécessité de forc (...)

16Comme on le voit, l’expérience belge est étonnamment riche d’enseignements : (1) par la qualité du travail préparatoire (recensement de Bruxelles de 1842 ; test réalisé à Molenbeek-Saint-Jean ; retour sur les résultats de l’essai) ; (2) par l’identification de problèmes spécifiques aux enquêtes touchant à l’industrie34 ; (3) par le statut des sanctions qui ne sont utilisées qu’en dernier recours. Ces sanctions sont alors, simplement, celles reliées à toute désobéissance « à la loi et à ses représentants ». La question se posera, aussi, de savoir s’il faut ou non une loi spécifique pour la désobéissance statistique. Il reste que dès la fin de la première moitié du xixe siècle, les termes d’un débat sur l’obligation statistique sont posés. Ce débat, comme on l’a vu, sera porté sur la scène internationale lors du congrès de Bruxelles où il connaîtra un dénouement provisoire avec le rejet d’une proposition. Les situations sont différentes, disait le président de la séance en 1853. Faut-il alors imposer à tous les pays le modèle d’une obligation avec sanctions ? Le travail de collecte effectué par la Commission centrale de statistique de Belgique montre qu’en effet les expériences de recensement sont plutôt diverses.

4. La diversité des expériences de recensement

17Les correspondants étrangers de la Commission centrale de statistique rapportent l’expérience du recensement dans leur pays et le Bulletin de la Commission en rend compte de façon régulière. Si partout l’interrogation ou même l’inquiétude est réelle concernant la bonne volonté des répondants et des administrations chargées de la collecte, la réalité constatée est, en revanche, variable selon les pays. En Belgique, on l’a vu, « les habitants ont donné une nouvelle preuve de leur obéissance à la loi et à ses représentants ». Un cas bien différent nous est fourni pour Palerme :

  • 35 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale », Bulletin de la Commission cen (...)

« Le recensement exécuté ici à la date du 31 décembre 1861, a rencontré des difficultés, sinon généralement, du moins en partie. Des populations, du midi surtout, ont fait une opposition presque insurmontable. C’était l’effet de la crainte de nouveaux impôts, de nouvelles levées d’hommes, etc. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, car c’est bien ce qui est arrivé partout. En effet, le chiffre de la population ne sert-il pas de base en France à la contribution des portes et fenêtres, à la contribution mobilière, à la patente fixe, au droit d’entrée sur les boissons ? Et en Russie, par exemple, n’est-ce pas par voie de recensements annuels que s’opère le recrutement ? Il y a aussi des motifs particuliers qui portent les familles à ne pas mentionner toutes les personnes qui les composent, ou à ne pas donner exactement leur âge, leur profession, etc. Particulièrement dans les visites domiciliaires, on a eu la maladresse d’employer pour les enquêtes des agents de l’impôt sur la mouture du blé, abolie par la révolution de 1860, et ce pour des motifs d’économie, le Gouvernement continuant à payer les traitements de ces employés. Il en est résulté des soupçons vagues et des émeutes dans quelques communes. Cependant, leurs opérations marchent, quoique avec lenteur et avec moins d’exactitude qu’on pourrait le désirer35. »

  • 36 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statist (...)

18Si l’on veut faire de l’exercice du recensement un succès, il faudra donc d’abord s’attacher à bien dissocier celui-ci des exercices fiscaux ou militaires parce que partout ou presque lors des anciens recensements « les contribuables éprouvant la crainte d’avoir à subir une augmentation d’impôt, s’abstiennent de faire leur déclaration36 » (cas de l’Espagne). Dans certains pays, la crainte paraît justifiée ; en Autriche :

  • 37 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statist (...)

« au commencement du dix-neuvième siècle, le recensement de la population de la monarchie autrichienne se divisa en quatre parties distinctes. Dans l’une d’elles, la plus grande, on constata la population civile et la population militaire ainsi que le dénombrement des bestiaux. Mais comme cette opération avait principalement été ordonnée en vue de la conscription, on en chargea notamment les autorités militaires37 ».

  • 38 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statist (...)

19La tâche, on en conviendra, sera plus ou moins facile compte tenu de la situation de chaque pays ou région ou ville : à Palerme, clairement, le contexte n’était pas favorable. Conduire le travail en faisant appel aux militaires, à la police, aux agents de recouvrement de l’impôt comme cela se fait souvent dans un premier temps apparaîtra vite comme une mauvaise stratégie ; faire appel aux maîtres d’école sera déjà préférable. Au Danemark, par exemple, durant une bonne partie du xixe siècle, ce sont les receveurs des contributions et les maîtres d’école qui s’occupent du recensement en dehors de Copenhague et des grandes communes urbaines. En Norvège, on fait appel aux « instituteurs pour les communes rurales et [aux] maires pour les villes38 ». En Angleterre, ce sont les agents chargés de percevoir la taxe des pauvres et en Irlande, la police. Et lors du recensement de Bruxelles de 1842, les agents du recensement étaient accompagnés d’agents de la police locale. Mais tant qu’un personnel spécifique, formé à la chose statistique, ne sera pas introduit, d’une part la qualité du travail s’en ressentira, d’autre part les suspicions demeureront. D’un autre côté, tant que le travail statistique se réduira au recensement, le besoin d’un personnel spécifique apparaîtra comme un luxe qu’il est difficile de se payer. L’extension, dans la deuxième moitié du xixe siècle, du travail statistique au-delà du recensement de la population sera un moment clé de cette histoire.

  • 39 « Celui qui refusait de remplir le bulletin était passible d’une amende d’après l’arrêté royal […] (...)
  • 40 « Le refus de donner [les] renseignements et les fausses déclarations sont punis d’une amende. […] (...)
  • 41 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statist (...)
  • 42 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statist (...)

20Il faudra aussi évaluer la dose de contrainte à introduire dans l’exercice du recensement. En faisant appel à la police, la dose de contrainte était visible. Trop, probablement. Alors, en pratique, on fait peur un peu, mais pas trop ; et surtout on ne sanctionne pas : c’est le cas en Belgique, on l’a vu, en Suède39, en Angleterre40 et… au Canada jusqu’à aujourd’hui. Les « promesses » de sanctions deviennent monnaie courante durant les années cinquante et soixante du xixe siècle : c’est le cas du Portugal (« ont été passibles d’une amende les personnes qui, dans la rédaction des bulletins ou dans leur vérification, ont dissimulé sciemment la vérité41 »), de l’Autriche dès 1857 (« celui qui se soustrait au recensement ou qui fait une déclaration inexacte est condamné à une amende de 1 à 20 florins, à verser dans la caisse des pauvres de la commune, ou, à défaut de payement, aux arrêts dont la durée ne peut excéder une semaine42 »). En Angleterre, l’amende est introduite dès le premier recensement de 1801. Le Bas-Canada et, plus tard, le Canada suivront l’exemple anglais avec des sanctions sous forme d’amendes.

21De tous les textes de loi et de tous les comptes rendus d’expériences ressortent donc un certain nombre de points. 1. Les recensements sont assimilés un peu partout à ce que les Français appellent la fonction régalienne, à savoir l’armée et la guerre, l’impôt, la sécurité du pays. Les agents chargés du recensement sont, dans un premier temps, typiques de cette fonction régalienne (police par exemple). La crainte que, sous couvert de recensement, se collectent des informations servant aux autres fonctions régaliennes n’est donc pas sans fondement. 2. Très tôt, en fait dès les premiers recensements de l’époque contemporaine (on pourrait dire, de l’ère démocratique), l’obligation, sans être explicitement mentionnée, est la règle (pour les recensements antérieurs, menés souvent au nom du souverain, l’obligation va de soi). 3. La crainte des populations recensées se double progressivement, à mesure que les pratiques démocratiques se répandent, d’une demande de protection des libertés fondamentales, dont celle de conserver son intimité ou de ne pas voir ses libertés érodées. 4. Au fur et à mesure que la statistique se structure, le besoin de règlements spécifiques portant sur l’obligation et les sanctions se fait jour.

5. Les raffinements belges

22Les Belges vont pousser assez loin la réflexion sur la pratique du recensement et sur les moyens d’obtenir un taux élevé de réponses. Ils vont ainsi prendre conscience de l’importance de limiter le nombre de questions posées malgré l’enthousiasme métrologique des délégués au Congrès international de statistique :

  • 43 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)

« nous allons justifier maintenant, Monsieur le Ministre, pourquoi nous n’embrassons pas en entier le vaste champ tracé par le Congrès, pour déterminer les objets que peut comprendre un recensement. D’abord et au-dessus de tout, nous avons voulu éviter de fatiguer les populations et de les indisposer par des demandes trop nombreuses ou qui auraient un caractère inquisitorial. De commun accord, nous avons retranché plusieurs indications dont l’utilité était secondaire ou qui nous paraissaient offrir des difficultés43 ».

  • 44 Pour 1846, les noms et prénoms, l’âge (par la suite, on demandera plutôt la date de naissance), le (...)
  • 45 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)

23Pour le recensement de la Belgique de 1846, quatorze questions ont été posées, contre sept en 182944. Par la suite, le nombre va diminuer, passant à huit en 1856, neuf en 1866 et seulement trois en 1876. L’exercice du recensement, notent les statisticiens belges en s’adressant au ministre responsable du recensement, doit tenir compte de principes constitutionnels, comme la liberté religieuse et de conscience. Ainsi « grâce à la liberté des cultes et des consciences, inscrite dans la Constitution, aucun Belge ne peut être tenu de répondre à des questions concernant ses croyances religieuses ; on ne saurait appliquer de sanction pénale au refus de répondre à de semblables questions45 ». Même chose pour la langue parlée :

  • 46 « Pour la langue parlée, les mêmes membres trouvent qu’il y a un intérêt à savoir, non-seulement c (...)
  • 47 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)

« il doit suffire aux partisans de l’opinion opposée au maintien de cette demande de renseignement [langue parlée], de savoir qu’on n’attachera aucune pénalité au refus d’y répondre. La question perd alors le caractère délicat qu’on lui attribuait d’abord46. […] si nous avons cherché, cette fois, à restreindre le plus possible les questions en les limitant aux renseignements les plus nécessaires, l’administration ne doit pas pourtant se dépouiller de la faculté de poser des questions nécessitées ou justifiées par les circonstances, lors même que l’on n’attacherait aucune pénalité au refus de répondre en particulier à ces questions47 ».

  • 48 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)

En bref, il faut « n’attacher une sanction pénale qu’au refus de répondre aux renseignements les plus essentiels48 ».

24Les statisticiens belges vont également discuter d’une possible explicitation de l’obligation. Si tout le monde s’entend pour viser une forte participation à l’exercice du recensement, si l’un des moyens pour y parvenir – mais cela ne fait pas l’unanimité chez les statisticiens d’État – c’est de parler de sanctions, qu’on souhaite ne pas avoir à appliquer, pourquoi ne pas alors renforcer l’injonction implicite en la nommant, en l’explicitant ? Pourquoi ne pas introduire l’obligation de répondre avec ce qui l’accompagne, la sincérité des réponses, entre autres ?

  • 49 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)
  • 50 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la (...)

25Ces statisticiens vont donc, bénéficiant de cette pléthore d’expériences diverses collectées, discuter jusqu’à l’étourdissement la question du bon dosage d’amendes, de sanctions. Pour la préparation du recensement belge de 1856 (le deuxième après celui de 1846), il est spécifié dans le projet de loi du gouvernement concernant la Loi sur les recensements généraux de la population et les registres de population, à l’article 5, que les infractions seront punies selon les termes de la loi de 181849 ; la proposition de la section centrale de la Chambre des représentants de Belgique parle plutôt d’une amende qui ne peut excéder 100 francs. À la séance du 15 avril 1856 de la Chambre des représentants, consacrée à l’exposé des motifs pour le recensement général de la population, le ministre belge de l’Intérieur, Pierre De Decker, déclare : « L’art. 5 rend applicables aux infractions à l’arrêté royal organique du recensement, les peines comminées par l’art. 1er de la loi du 6 mars 1818. La pénalité doit être assez sévère afin de garantir la bonne exécution du recensement. Du reste le minimum de l’emprisonnement est d’un jour50 ». Les membres de la section centrale de la Chambre posent des questions au ministre : « Le Gouvernement croit-il nécessaire à la bonne exécution de la loi, le maintien aux articles 5 et 6 de la peine d’emprisonnement, qui répugne, en de telles matières, à la section centrale ? » Dans sa réponse, le ministre rappelle les termes de la loi de 1818, puis il ajoute :

« On avait également pensé qu’une peine purement pécuniaire pourrait devenir insuffisante dans certains cas spéciaux, comme, par exemple, celui de coalition. Mais, du moment que la section centrale croit qu’il n’y a pas lieu de prévoir une telle éventualité, le Gouvernement, pour ne pas multiplier les rigueurs de pénalité, se rallie à la proposition de se borner à une amende de 100 francs au maximum ».

  • 51 Les citations qui précèdent proviennent du « Rapport fait, au nom de la section centrale, par M. C (...)

26En obtenant la suppression de l’emprisonnement et la réduction « à 100 francs [du] maximum de l’amende comminée par l’art. 1er de la loi du 6 mars 1818, la section centrale pense avoir fait assez pour assurer une sanction efficace aux mesures d’exécution relatives au recensement51 ». Deux arguments principaux avaient été mis de l’avant par la section centrale de la Chambre des représentants pour appuyer la proposition de sanctions mesurées. D’une part le fait que le rapport de la Commission de statistique à propos du recensement de 1846 mentionne que « partout dans les villes et dans les campagnes, les habitants se sont montrés disposés à seconder l’action de l’autorité ». Les moyens utilisés avaient permis d’« environner le recensement de toutes les garanties d’exactitude possibles, sans froisser les susceptibilités des populations ». La section centrale recommande donc l’emploi en 1856 des mêmes moyens qu’en 1846. Mais, d’autre part, la section centrale remarque que le Congrès international de statistique, invoqué à l’appui de la demande d’un recensement, « a rejeté la proposition qui lui avait été faite de garantir l’exactitude des renseignements demandés par une sanction pénale » (séance du 22 septembre 1855).

  • 52 On trouvera l’ensemble des échanges dans « Recensement général de la population… », no 242 du 14 m (...)

« Il y a suivant la section centrale, de graves inconvénients à multiplier, sans nécessité absolue, dans la législation comme dans les règlements administratifs, les cas de contravention et les peines, et particulièrement la peine de l’emprisonnement. Les pénalités que rencontreraient, pour ainsi dire à chaque pas, les classes ordinairement le moins éclairées de la société, pour des faits de pure négligence ou quelquefois de pure ignorance, peuvent faire naître dans les esprits de ceux qui les subissent des dispositions également regrettables, soit qu’ils en ressentent une sourde irritation, soit qu’ils s’y montrent insensibles ou indifférents. La section centrale a fait disparaître de la loi l’emprisonnement comme peine principale. Elle ne le conserve que dans les cas de non-paiement de l’amende…52 »

Hormis le caractère un peu méprisant de certains jugements (les classes ordinairement…), tout ou presque pourrait être copié-collé dans un document du xxie siècle sur les sanctions en cas de refus de répondre.

  • 53 Plus précisément, « Les déclarants étaient dominés par la pensée que la franchise ou la sincérité (...)

27Les statisticiens belges vont enfin sociologiser la pratique statistique. Ainsi, le physicien social Adolphe Quetelet remarquera que lors du recensement de Bruxelles de 1842, les informations concernant les habitations des contribuables (donc la partie la plus riche) sont imparfaites car ces derniers ont souvent refusé de répondre à cette partie. Les statisticiens précisent également, à propos cette fois de l’essai de recensement général fait à Molenbeek-Saint-Jean, que les « agents de recensement ont rencontré chez les industriels peu d’empressement à les seconder ; presque toujours les populations paraissent dominées par la crainte d’une augmentation des charges publiques53 ».

28Au milieu du xixe siècle, les termes du débat sur l’obligation de répondre étaient donc posés de façon subtile par les Belges. Les Britanniques et les Américains partageaient avec eux l’idée que des sanctions devaient être annoncées en cas de refus de répondre ou de réponse fausse (ce dernier cas est déjà plus difficile à cerner, bien sûr). Ils pensaient également que ces sanctions devaient être mesurées et appliquées le moins souvent possible. Là où les Belges semblaient vouloir innover, c’était dans l’explicitation du principe de l’obligation de répondre. Malgré l’aura de Quetelet, les délégués du premier Congrès international de statistique de Bruxelles n’avaient toutefois pas souhaité aller au-delà d’une discussion générale sur le sujet. Les choses n’en resteront pas là.

6. Retour au Congrès international de statistique

29Le congrès de Paris de 1855 revient sur certaines des questions posées à Bruxelles. On s’interroge ainsi sur les moyens de diminuer l’inquiétude des populations. « Ne convient-il pas [dans ce but] de faire opérer, à la même époque et simultanément, les divers dénombrements que prescrivent habituellement les gouvernements… » Mais surtout, on réintroduit le thème de la sanction pénale pour le refus de répondre et pour la réponse fausse, pour aussitôt le juger peu à-propos :

  • 54 Compte rendu de la deuxième session du Congrès international de statistique réuni à Paris les 10, (...)

« “Ne conviendrait-il pas d’assurer, autant que possible, par une sanction pénale, la sincérité des déclarations dans les dénombrements de la population, dans les recensements agricoles financiers, etc. ? La loi ne devrait-elle pas également punir le refus de répondre aux Agents chargés de ces opérations ?”
L’assemblée générale de Bruxelles, n’ayant eu sur cette question qu’une épreuve douteuse, le rejet s’en est suivi.
Sur cette question, par laquelle on solliciterait une loi pénale vraiment nouvelle, je n’aurais pas pris sur moi d’indiquer une solution ; j’ai cru devoir en référer à M. le Ministre, comme à l’autorité la plus compétente et la plus élevée. Il a jugé que semblable sanction présentait des difficultés et des inconvénients presque insolubles, même pour nos travaux intérieurs.
Avec la multiplicité des questions de statistique auxquelles on soumet l’universalité des populations, on créerait par millions les occasions possibles de poursuites ; et de quels moyens de conviction pourrait-on disposer ?
Dans tous les cas, pourrions-nous proposer aux nations étrangères de rendre universelle une semblable législation ?
Plusieurs nations, le plus grand nombre peut-être, la repousseraient. Même quand nous pourrions l’adopter pour nous, nous ne devrions pas risquer de la proposer dans un Congrès universel, lorsque le Congrès précédent l’a repoussée, bien que par une faible majorité54 ? »

Lors de ce congrès de Paris, s’il n’est pas donc statué sur la question de l’obligation dans le cas du recensement général de la population, en revanche dans le cas des statistiques agricoles, les avantages d’une obligation semblent l’emporter sur les inconvénients et la discussion est bien avancée de ce point de vue en Angleterre (dès la présentation du bill de 1847).

30Lors du 4e congrès (le 3e fut tenu à Vienne), celui de Londres, la question revient à l’ordre du jour et cette fois elle fait enfin l’objet d’une résolution qui reçoit l’agrément des délégués. Elle se lit ainsi :

  • 55 Compte rendu général des travaux du Congrès international de statistique dans ses séances tenues à (...)

« 6. Les agents spéciaux ou recenseurs chargés de la distribution et de la collection des bulletins veilleront à ce qu’ils soient remplis correctement, ou les rempliront eux-mêmes d’après les informations qui leur seront données par les “occupants” des maisons. Pour assurer autant que possible l’exactitude du dénombrement en ce qui concerne les renseignements dont la réunion a été jugée nécessaire, il importe qu’une pénalité soit édictée contre les personnes qui refuseraient de les fournir, ou qui sciemment les donneraient inexacts55 ».

31Cette résolution « modérée » ne parle pas d’emprisonnement (on a vu qu’en Belgique, après de nombreuses discussions, cette peine avait été écartée en 1856, alors qu’elle figurait dans la loi de 1818) et ne réserve les sanctions que pour les renseignements les plus importants. Pour faire un parallèle, bien sûr problématique, avec la querelle du recensement canadien de 2010, on pourrait dire que le gouvernement conservateur respectait en fait pleinement les directives du Congrès international de statistique de Londres. En l’espace de quelques années, s’appuyant sur les expériences de recensement dans les divers pays européens depuis le début du xixe siècle, et sur les réflexions, souvent menées par Adolphe Quetelet et ses amis belges, britanniques, français et germaniques, sur les avantages et les inconvénients de l’obligation statistique, les statisticiens en étaient arrivés en 1860 à une position somme toute nuancée et prudente sur la question de l’obligation : obliger quand c’est nécessaire et en tenant compte des normes culturelles et constitutionnelles, sans nécessairement le dire explicitement et tout en sanctionnant le moins possible. En 1860, donc, le gotha de la statistique réuni dans le congrès de Quetelet recommandait « qu’une pénalité soit édictée contre les personnes » qui, lors d’un dénombrement, refuseraient de fournir les renseignements demandés ou donneraient sciemment des réponses inexactes. Le mot « obligation » n’est pas explicitement mentionné ; mais l’esprit est là.

Conclusion

32Partant de la crise de 2010-2011 autour de l’abolition du questionnaire long et obligatoire, des arguments mis en avant par les différents protagonistes d’une controverse publique sur un sujet apparemment technique, et surtout de l’absence de fondement historique solide quant au sujet abondamment débattu, l’obligation de répondre au questionnaire de recensement, nous avons remonté le cours de l’histoire de la pratique statistique dans les pays qui, au xixe siècle, faisaient figure de modèles, au premier rang desquels la Belgique d’Adolphe Quetelet. Nous avons identifié comment les statisticiens ici et là ont tenté de s’attaquer aux refus de répondre et aux réponses sciemment fausses (les deux cas étant généralement associés) et nous avons vu qu’il devint nécessaire de distinguer deux cas de figure, le refus des personnes physiques et celui des responsables des entreprises. Les statisticiens belges avaient très tôt identifié une relative mauvaise volonté de la part des industriels qui pouvaient toujours invoquer la lourdeur de leur travail, la masse de paperasse administrative ou leur inquiétude quant à de possibles liens avec le fisc. Dès le milieu du xixe siècle, en Belgique en particulier, la gestion des refus et des réponses fausses a fait l’objet d’un fort investissement à la fois intellectuel et bureaucratique et les principaux aspects de ce qu’on pourra appeler des conventions ont été mis en place. En 1860, le Congrès international de statistique de Londres en vint même à dégager des normes en matière d’obligation statistique.

  • 56 Voir à ce sujet, J.-P. Beaud & J.-G. Prévost, 1993.

33Confrontés aux mêmes difficultés, refus de répondre, réponses sciemment erronées, les bureaux de chiffres ont dû dégager des principes d’action afin d’obtenir la collaboration de la population. Dès le tout début de la deuxième moitié du xixe siècle, aussi bien des distinctions essentielles (celle entre le recensement et les autres enquêtes statistiques, celle entre les particuliers et les responsables des entreprises) que des principes d’action (limiter le nombre de questions posées, réserver le recours à l’obligation aux questions non sensibles, etc.) ont été posés par les statisticiens réunis en congrès, bénéficiant de la pratique et de la réflexion des plus aguerris d’entre eux, au premier rang desquels les Belges et surtout Quetelet. Une sagesse, si on la définit par la capacité à tenir compte du réel dans l’élaboration d’une morale, en est issue qui peut se résumer en une maxime : obliger quand c’est nécessaire et en tenant compte des normes culturelles et constitutionnelles, sans nécessairement le dire explicitement et tout en sanctionnant le moins possible. Si le Canada, surtout dans la période 1915-1922 – qui correspond à la mise en place d’un bureau statistique fort et centralisé56 –, a paru s’éloigner nettement de l’esprit de cette maxime, la suite de l’histoire et en particulier l’histoire récente montrent que, dans un contexte de montée de la méfiance à l’endroit des administrations étatiques, de développement des politiques identitaires, de la culture du moi, avec pour point d’orgue la crise du recensement de 2010-2011, un retour à la sagesse belge s’est opéré.

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Bibliographie

Sources imprimées

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Notes

1 C’est-à-dire le Conseil privé et donc en pratique le gouvernement.

2 URL : https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/S-19/TexteComplet.html.

3 La sélection des ménages se fait selon un plan d’échantillonnage stratifié et systématique. Voir à ce sujet le Rapport technique sur l’échantillonnage et la pondération (Recensement de la population, 2016) sur le site de Statistique Canada, URL : https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/ref/98-306/ch2-fra.cfm#a2-1. Pour une présentation plus complète de la controverse et des enjeux des débats, voir J.-P. Beaud, 2012. La première utilisation de la technique d’échantillonnage dans le recensement canadien date de 1941. Voir J.-P. Beaud & J.-G. Prévost, 1998.

4 Nous considérerons dans ce texte le terme obligatoire (ou obligation) comme s’appliquant aux répondants potentiels d’une enquête (qui doivent donc y répondre) ; un autre sens existe qui s’applique à l’organisme statistique (qui serait obligé de conduire une enquête spécifique). URL : https://www.canlii.org/fr/ca/legis/loisa/lc-2017-c-31/derniere/lc-2017-c-31.html.

5 Nous utiliserons le terme statisticien même si, pour une partie de la période étudiée, ce terme n’est pas encore en usage. Il recouvre en fait tous ceux qui s’occupent, essentiellement via le recensement, de collecter et d’analyser des données.

6 La question de la participation au recensement et celle de l’obligation d’y répondre ont été au centre de plusieurs mouvements d’opposition ou de contestation depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (boycott du recensement allemand de 1974, par exemple).

7 Voir Statistique et société, 2016 ; 61e congrès de l’ISI, Marrakech, 2017, STS 073.

8 I. Hacking, 1990 ; T. M. Porter, 1986.

9 L’obligation, par sa faculté à augmenter le taux de réponse, est un outil éprouvé permettant de construire un échantillon de type probabiliste.

10 Sites de HathiTrust Digital Library (URL : https://www.hathitrust.org/), du catalogue de la Bibliothèque nationale de France (URL : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/).

11 Citons A. Desrosières, 1993 ; M. J. Anderson, 1988 ; M. J. Anderson & S. E. Fienberg, 1999 ; Insee, 1987.

12 La Commission centrale de statistique (de Belgique), organe chargé de la coordination des activités statistiques, sera pendant longtemps le modèle qui inspirera les réformateurs statistiques, inquiets devant la prolifération des bureaux statistiques des différents ministères et donc le risque de cacophonie statistique. Jusqu’au début du xxe siècle, les débats seront orchestrés autour de la question : doit-on, peut-on coordonner et, si oui, comment ? Par la suite, le débat tournera plutôt autour de l’alternative entre centralisation et décentralisation. Le Canada, après avoir tenté, sans succès, en 1847, d’établir une sorte de Commission centrale (le Bureau d’enregistrement et des statistiques) optera dès 1915 pour la centralisation statistique avec la mise sur pied en 1918 du Bureau fédéral de la statistique. On observe la même évolution en Australie. Voir J.-P. Beaud & J.-G. Prévost, 1997.

13 Voir à ce sujet, É. Brian, 1989a. Pour une étude de l’ensemble des congrès, voir N. Randeraad, 2010.

14 Le cas des réponses fausses, des « mauvaises réponses » en quelque sorte, est, on s’en doute, particulièrement difficile à traiter. De fait, les statisticiens se borneront souvent à identifier le problème sans apporter de solution pratique (si ce n’est l’invocation de sanctions).

15 URL : https://canadagazette.gc.ca/rp-pr/p1/2010/2010-08-21/pdf/g1-14434.pdf. Certaines questions portant sur la langue ont été finalement ajoutées à la suite d’une campagne de protestation menée surtout par les communautés de langue française hors Québec. Comme il est précisé plus haut (note 1), c’est en fait le gouvernement canadien qui définit ce qui est indispensable.

16 C’était, en 2010, partie de l’argumentaire de la National Citizens Coalition, favorable à l’abolition de l’obligation pour le questionnaire long : « It should also be pointed out that the long form census as it stood did not provide true statistical accuracy to begin with. Perhaps put off by the intrusive nature of many questions, or perhaps recognizing the farce that the census has become, upwards of 20,000 Canadians indicated “Jedi” as their religion in the 2001 census. » URL : https://www.macleans.ca/politics/ottawa/this-issue-need-not-provoke-an-all-or-nothing-allegiance/.

17 Société statistique de Paris, 1886.

18 N. Bracke, 2008 ; voir aussi J.-J. Droesbeke, 2003, ainsi que le texte plus ancien de A. Julin, 1918.

19 J. & M. Dupâquier, 1985, p. 321 et suivantes. On pourra ajouter que dans le cas des pays d’Amérique latine qui acquièrent leur indépendance au xixe siècle, il y a eu souvent la volonté de marquer la rupture avec l’époque coloniale par la production de cartes et la réalisation de recensements, voire la création d’un bureau statistique. Pour le Mexique, L. Mayer Celis, 1999. Pour le Chili, pendant la période de la Patria Vieja (1810-1814), qui correspond aux premières luttes pour l’indépendance, un premier recensement est réalisé. Voir INE, 1999, p. 10-11. Voir aussi J.-P. Beaud & J.-G. Prévost, 2010.

20 É. Brian, 1989b.

21 La bibliographie relative aux œuvres de Quetelet et aux travaux sur le savant belge est longue. Mentionnons la parution récente de J.-J. Droesbecke, 2021. Voir aussi Académie royale de Belgique, 1997, et, bien sûr, J. Lottin, 1912.

22 Au Canada, cela prendra la forme d’un volume, le quatrième, annexé au rapport du recensement de 1871 : Canada, 1876.

23 La Belgique ne voit le jour comme entité indépendante qu’en 1830. Cela concerne donc la partie belge des entités préexistantes.

24 A. Quetelet, 1847, p. 5.

25 A. Quetelet, 1843, p. 30.

26 « Bulletin de Recensement de la Ville de Bruxelles », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 1, 1843, p. 77.

27 URL : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?imgcn.x=46&imgcn.y=9&DETAIL=1818030630%2FF&caller=list&row_id=1&numero=1&rech=&cn=1818030630&table_name=loi&nm=1818030650&la=F&sql=dd+%3D+date%271818-03-06%27&language=fr&tri=dd+as+rank&fromtab=loi#Art.1.

28 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 2, 1845, p. 71.

29 « Mémoires et communications », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 39, Lettre du 1er septembre 1846 du ministre de l’Intérieur, le comte de Theux à M. le Gouverneur.

30 « Mémoires et communications », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 39, Lettre du 1er septembre 1846 du ministre de l’Intérieur, le comte de Theux à M. le Gouverneur.

31 « Rapport sur l’essai du recensement général fait à Molenbeek-St-Jean, 22 mai 1846 », signé par Quetelet et Heuschling, Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 78 ; une attitude comparable avait déjà été observée en 1843, dans le cadre de l’enquête gouvernementale sur le travail des enfants, É. Geerkens, 2019, p. 70.

32 « Rapport sur l’essai du recensement général fait à Molenbeek-St-Jean, 22 mai 1846 », Procès-verbaux du jury communal, Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 134.

33 « Résultats du recensement de la population. Rapport au Ministre de l’intérieur, Instructions et documents divers relatifs au recensement général », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 153.

34 À peu près au même moment, les statisticiens du Royaume-Uni s’interrogent sur la nécessité de forcer les propriétaires et cultivateurs à communiquer les documents statistiques : « on voit qu’en Angleterre, au lieu d’une statistique gratuite comme en France, il est question d’établir une statistique agricole rétribuée et soumise à une responsabilité sincère. Il convient aussi de remarquer que, dès la présentation du bill de 1847, le Gouvernement avait reconnu la nécessité de rendre obligatoire pour les propriétaires et les fermiers, la communication des documents statistiques, et de frapper d’amende les refus de concours ainsi que les déclarations fausses ou incomplètes. Dans l’enquête de 1854, tous les témoins entendus ont affirmé que cette condition était indispensable, si l’on voulait obtenir des chiffres à peu près exacts, et le comité de la Chambre des lords n’a pas hésité à proposer des mesures coercitives ». « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 41.

35 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 9, 1866, p. 60-61. Il faut noter que ce recensement s’opère dans le contexte particulièrement troublé de la formation du royaume d’Italie.

36 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, xciii.

37 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, lxxxv.

38 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, cxii.

39 « Celui qui refusait de remplir le bulletin était passible d’une amende d’après l’arrêté royal […] ; mais cette disposition comminatoire n’a reçu aucune application », in « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, cx.

40 « Le refus de donner [les] renseignements et les fausses déclarations sont punis d’une amende. […] On constate avec satisfaction que par les efforts constants [des] agents aidés de la bonne volonté de toutes les classes de la société, le recensement a été opéré d’une manière très-satisfaisante, dans le délai prescrit, et qu’aucun cas ne s’est présenté où il ait fallu appliquer les peines comminées par l’acte du Parlement », « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, lxxxiii.

41 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, civ.

42 « Commission centrale et commissions provinciales », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 10, 1866, lxxxvi.

43 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 51. On peut penser aussi qu’en limitant le nombre de questions, on limite ainsi le coût de l’opération du recensement. Ce coût est bien, comme le montre un échange en 1856 entre le ministre de l’Intérieur belge et la section centrale de la Chambre, une réelle préoccupation. (« Rapport fait, au nom de la section centrale, par M. Ch. Rogier », « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 129. URL : https://books.google.ca/books?hl=fr&id=c4FCAAAAcAAJ&q=article+5#v=snippet&q=article%205&f=false.)

44 Pour 1846, les noms et prénoms, l’âge (par la suite, on demandera plutôt la date de naissance), le lieu de naissance (mais pas le sexe), l’état civil, la communion religieuse (qui n’apparaîtra plus par la suite pour les raisons mentionnées plus loin dans le texte), la profession, le nombre d’étages de la maison, le nombre de pièces occupées par chaque famille, l’étendue du jardin d’agrément attenant à la maison, en cas d’assurance contre l’incendie, le nom de la société et le montant du capital assuré, la langue parlée habituellement, le type de séjour dans la commune, le type d’instruction et le fait que la famille soit secourue ou non par le bureau de bienfaisance (Revue de Belgique, 1878, p. 425-426). Bien sûr, la comparaison avec la situation actuelle, pour ce qui est du nombre de questions, doit être menée avec prudence, tant l’appareil d’État contemporain mais aussi les différents acteurs économiques et sociaux sont avides aujourd’hui d’informations sur la population.

45 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 52.

46 « Pour la langue parlée, les mêmes membres trouvent qu’il y a un intérêt à savoir, non-seulement comment les deux langues dominantes, le français et le flamand, se partagent les habitants du royaume, mais encore si, par le progrès du temps, l’usage d’une langue ne s’accroît pas au détriment de l’autre. Il ne s’agit pas uniquement ici de la ligne de démarcation entre les deux idiomes, mais encore, par exemple, de l’usage du français au milieu des populations flamandes ». (« Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 53.)

47 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 53.

48 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 53.

49 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 125. URL : https://books.google.ca/books?hl=fr&id=c4FCAAAAcAAJ&q=article+5#v=snippet&q=article%205&f=false.

50 « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 123-124.

51 Les citations qui précèdent proviennent du « Rapport fait, au nom de la section centrale, par M. Ch. Rogier », « Résumé des procès-verbaux des séances de la Commission centrale de statistique », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 7, 1857, p. 126 et suivantes. URL : https://books.google.ca/books?hl=fr&id=c4FCAAAAcAAJ&q=article+5#v=snippet&q=article%205&f=false.

52 On trouvera l’ensemble des échanges dans « Recensement général de la population… », no 242 du 14 mai 1856.

53 Plus précisément, « Les déclarants étaient dominés par la pensée que la franchise ou la sincérité dans leurs réponses à ces deux questions devait être nuisible à leurs intérêts ; d’un autre côté, ils paraissent craindre que le fisc ne s’emparât de leurs déclarations pour leur imposer de plus fortes charges, qui, à leurs yeux, sont déjà très-élevées », « Rapport sur l’essai du recensement général fait à Molenbeek-St-Jean », Bulletin de la Commission centrale de statistique, t. 3, 1847, p. 133-134. Au Canada, c’est dès le recensement des manufactures de 1916 que la question de la mauvaise volonté de certains industriels est clairement posée. Au moment où se met en place le Bureau fédéral de la statistique, en 1918, la loi va se durcir, prévoir même l’emprisonnement, et des poursuites vont être entamées en 1919-1920 contre plusieurs compagnies. Il est clair que c’est d’abord pour éviter que de gros acteurs économiques, par leur refus de répondre aux questions du recensement (des manufactures, des industries ou de l’agriculture) ou de diverses enquêtes, nuisent à la qualité des résultats que la Loi de la statistique, qui s’applique à tous les types de répondants (particuliers comme chefs d’entreprise), est rendue plus répressive. La question se pose, toutefois, en des termes quelque peu différents au xixe siècle. En France, les décrets Sauvy de 1938 seraient à l’origine de la Loi de 1951 et concerneraient les renseignements fournis par les « employeurs et chefs d’établissement », J.-F. Royer, 2016, citant G. Lang, 2008. Voir aussi M. Volle, 1982.

54 Compte rendu de la deuxième session du Congrès international de statistique réuni à Paris les 10, 12, 13, 14 et 15 septembre 1855, Paris, Imprimerie de Madame Veuve Bouchard-Huzard, mai 1856, p. 20-21.

55 Compte rendu général des travaux du Congrès international de statistique dans ses séances tenues à Bruxelles, 1853, Paris, 1855, Vienne, 1857, et Londres, 1860, Berlin, Imprimerie royale, 1863, p. 178.

56 Voir à ce sujet, J.-P. Beaud & J.-G. Prévost, 1993.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Beaud, « Un débat entre statisticiens du xixe siècle : comment obtenir la nécessaire collaboration de la population à l’exercice du recensement ? »Histoire & mesure, XXXVII-2 | 2022, 125-150.

Référence électronique

Jean-Pierre Beaud, « Un débat entre statisticiens du xixe siècle : comment obtenir la nécessaire collaboration de la population à l’exercice du recensement ? »Histoire & mesure [En ligne], XXXVII-2 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoiremesure/16746 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoiremesure.16746

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Auteur

Jean-Pierre Beaud

Département de science politique et Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, Université du Québec à Montréal. E-mail : beaud.jean-pierre@uqam.ca

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