BRODEUR (Raymond), CAULIER (Brigitte) (dir.). – Enseigner le catéchisme. Autorités et institutions XVIe-XXe siècles
BRODEUR (Raymond), CAULIER (Brigitte) (dir.). – Enseigner le catéchisme. Autorités et institutions XVIe-XXe siècles, Québec/Paris : Presses de l’Université Laval/Éditions du Cerf, 1997. – 466 p.
Texte intégral
1Le présent volume résulte d’un colloque tenu au Canada en 1995 ; ses initiateurs entendent, à travers quatre siècles, évoquer comment a évolué l’institution du catéchisme, dans l’univers francophone, depuis le concile de Trente. Une recherche aussi ample a rendu nécessaire une approche pluridisciplinaire et réuni historiens, missionnaires, théologiens, catéchètes, originaires de France aussi bien que du Québec ou de Wallonie. La question n’épargne pas, au reste, les diverses confessions. D’où le nombre élevé de collaborateurs – plus d’une vingtaine – rassemblés ici. Après la brève indication de quelques pistes, un premier ensemble de communications se penchent surtout sur l’histoire de l’institution catéchistique. Deux développements ultérieurs, plus amples, examinent à travers plusieurs exemples les relations entre catéchisme et institution scolaire, puis analysent les diverses étapes de la crise présente. Les catéchismes imprimés, à partir du début du XVIe siècle et de façon croissante au XVIIe siècle, servent aussi bien à la religion qu’à la lecture, avant de devenir au XVIIIe siècle des symboles de l’autorité épiscopale. À partir des années 1960, les catéchismes par demandes et réponses disparaissent d’Amérique du Nord et de plusieurs pays européens. Le statut de l’enseignement catéchétique évolue à mesure que l’État intervient davantage dans le développement de l’école : les lieux de diffusion s’étendent au XXe siècle, tandis que naît et s’étend la crise, et que l’action de Rome se fait de plus en plus sentir.
2Au carrefour des disciplines, le catéchisme rencontre la pédagogie dès le début du XXe siècle. La prise de conscience, dans les années 1940, de la déchristianisation, lui donne une dimension « missionnaire », ce qui aboutit à des effets inattendus : « le texte devient perdant » (J. Audinet). Dans les premières éditions de son Catéchisme progressif, Joseph Colomb (1950) réorganise l’ordre du catéchisme français pour le faire correspondre à un développement pédagogique plus adapté. La démarche devenue tout autre, le texte du catéchisme apparaît caduc. Les historiens n’en insistent pas moins sur l’intérêt et la pertinence des textes : dès sa fondation (1950), l’Institut supérieur catéchétique de Paris dispense un enseignement d’histoire de la catéchèse, donné par Jean Daniélou, Jean Châtillon et François de Dainville. Ainsi se constitue un immense inventaire, encore inachevé, vers lequel J. Daniélou oriente les travaux d’Élisabeth Germain. Il n’est donc pas de rupture totale avec le passé.
- 1 Précieux apparaît notamment le tableau chronologique de la législation romaine concernant l’enseig (...)
3R. Brodeur procède à l’inventaire de tout ce qui a servi à l’encadrement formel de l’enseignement religieux au Québec : les textes prescriptifs1, les trois types d’autorité qu’il voit à l’œuvre, sans exclure « les soubresauts de la pratique concrète », et l’institutionnalisation des rapports entre l’Église et l’État qui ne suppose pas un régime de séparation. L’examen, ensuite, des origines de l’institution catéchistique, et pas seulement du catéchisme, s’appuie sur des exemples français, pour les XVIe et XVIIe siècles. Marc Venard montre comment le catéchisme à l’église a cherché à combler les lacunes de l’école. Restent deux cultures, l’une écrite, l’autre orale, et cette rivalité entre le curé et l’instituteur que l’on pressent déjà. La catéchisation des « sauvages de Bretagne » (Alain Croix) montre de surcroît, avec les célèbres tables de P. Maunoir, une « religion de la peur ». L’orientation, au XVIIe siècle, vers la première communion change la manière d’envisager la catéchèse et le sens de la vie chrétienne : « la piété est axée non sur la messe, mais sur un moment de celle-ci : la communion », conclut Omer Henrivaux pour la Wallonie. Aux XVIIe-XVIIIe siècles en France, se rencontrent sur le catéchisme plusieurs volontés, celle des évêques et celle du roi affirmée contre les jansénistes et les protestants.
4Avec les systèmes scolaires, se développent diverses expériences : le catéchisme impérial, Lacordaire, les frères des Écoles chrétiennes qui marquent leur attachement au catéchisme, d’où, à la fin du XIXe siècle, les premiers des dix-sept volumes du Cours d’instruction religieuse de leur Institut. Dans la pédagogie réformée (A. Encrevé), prolifèrent des manuels où la morale occupe une place grandissante. Le camp libéral tente un renouvellement, mais la tendance évangélique modérée l’emporte après 1870 (manuel de Daniel Bonnefon, Wilfred Monod plus tard). Maurice Simon évoque les transformations en Belgique francophone. En Bretagne (M. Lagrée), la spécificité française se marque par l’attachement à la certification, sur fond de rivalité entre langues française et bretonne. Au Québec (B. Caulier), la double confessionnalité de l’école publique crée une situation différente, que complique la mixité confessionnelle : le système reste à étudier. La Wallonie (Jean Pirotte) offre avec l’imagerie scoute entre 1930 et 1965 un exemple particulier de pédagogie de la foi, fondée sur une spiritualité intuitive et pragmatique. Les missions n’ont pas été oubliées : les premiers jésuites en Chine, l’Église presbytérienne au Canada (1870-1900) ou, plus tôt dans le siècle, les frères de Ploërmel à la Martinique. Le motu proprio Orbem catholicum (1923) sert de point de départ à l’étude (Gilles Routhier) de la législation pontificale dont l’auteur observe la cohérence au fil des pontificats : sa richesse rejoint le mouvement catéchétique, sans voiler l’objectif de contrôle.
- 2 Gilbert Adler et Gérard Vogeleisen : Un siècle de catéchèse en France. 1893-1980. Histoire, déplac (...)
- 3 Sous le titre : « Le paradigme perdu ! », il constate, en théologien, l’épuisement du paradigme ca (...)
5Le renouveau catéchistique français se développe à la fin des années 1940 et au début des années 1950. La crise qu’analyse en détail J.-D. Durand éclate au grand jour en 1957. Le Saint-Office exige le retrait du « catéchisme progressif » de Joseph Colomb, le départ des responsables de l’Institut supérieur de pastorale catéchétique, et le retrait du commerce des livres incriminés. Il faut abandonner la méthode, les publications citées, les fiches du Centre de pédagogie chrétienne du chanoine Elchinger à Strasbourg. On obéit, Mgr Gerlier obtient du cardinal Pizzardo quelques adoucissements, Mgr de Provenchères démissionne de la présidence de la commission épiscopale de l’enseignement religieux. Ainsi sont mises en lumière les difficultés du renouveau des méthodes de transmission de la foi, affrontée à la culture moderne, le caractère périlleux de la recherche catéchétique eu égard au fonctionnement institutionnel de l’Église de France, la nature alors délicate des relations entre elle et Rome. E. Alberich, sur une plus longue période, montre combien est malaisé un équilibre entre le « rôle d’animation et de promotion catéchétique de la part de l’autorité centrale de l’Église et la juste autonomie des Églises particulières ». Ainsi est-il deux manières de concevoir le Catéchisme de l’Église universelle (1992). Au-delà de l’enseignement religieux, peut se faire jour le besoin d’une culture religieuse, à défaut de laquelle se perdent des pans entiers de l’histoire et de la littérature. Le catéchisme (Marcel Lefebvre) est devenu un instrument désuet dans un monde séculier et éclaté, d’où un certain nombre de défis à relever, entre autres la nécessité de l’inculturation. Conscience doit donc être gardée du pluralisme religieux, de la relativité de son point de vue. Auteur d’une solide étude parue en 19812, Gilbert Adler mesure ainsi le cheminement de la réflexion à ce sujet depuis lors3. La conclusion de B. Plongeron mène du « paradoxe » entre le jeu des autorités qui veulent exercer leur juridiction et l’ambition d’un « catéchisme uniforme », aux trois crises, de Joseph Colomb à Pierres vivantes en passant par le Catéchisme hollandais, qui secouent l’univers du catéchisme. Le catéchisme, qui n’est qu’un texte dans un dispositif global, se fait « happer » par la pédagogie. Un nouveau champ de recherche se présente alors : qu’entend-on au juste par « enseignement religieux » et par toutes les expressions connexes ? En s’engageant dans cette voie, il ne faut pas oublier que la religion construit le lien social, ce qui n’est nullement contraire à la citoyenneté.
Notes
1 Précieux apparaît notamment le tableau chronologique de la législation romaine concernant l’enseignement religieux des fidèles (1545-1965), p. 50.
2 Gilbert Adler et Gérard Vogeleisen : Un siècle de catéchèse en France. 1893-1980. Histoire, déplacements, enjeux, Paris, Beauchesne, 1981, 704 p.
3 Sous le titre : « Le paradigme perdu ! », il constate, en théologien, l’épuisement du paradigme catéchétique tridentin, en même temps que sa cohérence. La vérité ne se présente plus comme le modèle néoplatonicien. « Pluriel des connaissances, pluriel des lieux, pluriel des énoncés de foi, pluriel des objectifs poursuivis, l’invention d’un nouveau modèle catéchétique est à ce prix. »
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Référence électronique
Françoise Mayeur, « BRODEUR (Raymond), CAULIER (Brigitte) (dir.). – Enseigner le catéchisme. Autorités et institutions XVIe-XXe siècles », Histoire de l’éducation [En ligne], 85 | 2000, mis en ligne le 19 février 2009, consulté le 05 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/969 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.969
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