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Notes critiques

CHOLVY (Gérard). – Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France (xixe-xxe siècles)

Paris : Cerf, 1999. – 420 p.
Françoise Mayeur
p. 129-131
Référence(s) :

CHOLVY (Gérard). – Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France (xixe-xxe siècles). Paris : Cerf, 1999. – 420 p.

Texte intégral

  • 1 Ainsi Jacqueline Roux : Sous l’étendard de Jeanne, Paris, Le Cerf, 1995, 310 p., sur les fédération (...)

1La quatrième page de couverture laisse planer une ambiguïté. L’auteur ne retrace pas ici, le titre de l’ouvrage est explicite, une « histoire de la jeunesse ». Il se livre à un historique de tout ce qui a été entrepris en France, durant deux siècles, pour encadrer la jeunesse chrétienne. Le terrain est donc immense et varié : il convient de saluer une telle entreprise qui s’essaie à tracer un tableau aussi complet que possible. Personne mieux que Gérard Cholvy ne pouvait la mener sur la longue durée. Non content en effet d’avoir abordé depuis longtemps et à de très nombreuses reprises ces questions, l’auteur n’a cessé de susciter, au sein du centre de recherches qu’il dirige à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, des travaux relatifs à telle ou telle initiative1.

2L’ouvrage comporte onze chapitres qui rendent compte de la chronologie mais présentent aussi un caractère thématique. C’est ainsi qu’un développement particulier s’intitule « Les mouvements au féminin » (p. 235). La plus grande place est réservée aux naissances, créations, transformations, échecs connus par la jeunesse catholique. Une place est faite aux initiatives protestantes, dans leur originalité – on songe par exemple à l’influence barthienne ou au rôle identitaire très fort que jouent les mouvements réformés. Cela n’empêche pas un sentiment global de concomitance dans les formes adoptées de part et d’autre, même si un léger décalage se manifeste dans le temps entre les éclaireurs, qui apparurent les premiers en France et les scouts catholiques qui eurent bientôt droit de cité.

3Même si la plus grande partie des développements successifs se trouve consacrée au xxe siècle, le rappel du xixe siècle en son entier permet d’évoquer l’effet de la période révolutionnaire sur l’éducation de la jeunesse. Les progrès de l’industrie et l’illettrisme aidant, la jeunesse populaire en milieu urbain se trouve vers le milieu du siècle dans un état de grande ignorance religieuse. Quelques jeunes gens des milieux aisés, où le déisme est fréquemment de mise, pratiquent une réelle dévotion. Des œuvres antérieures à la Révolution, comme de M. Allemand (1772-1836) à Marseille, allient à la piété des activités qui s’apparentent aux futurs patronages. À Paris, Frédéric Ozanam, qui n’a pas vingt ans, écrit Réflexion sur la doctrine de Saint-Simon par un catholique. Une pétition demande à l’archevêque des conférences à Notre-Dame, qu’inaugurera Lacordaire. Les Sociétés de Saint-Vincent-de-Paul, comme les Unions chrétiennes de jeunes gens, qui ont pour principe d’évangéliser les jeunes par les jeunes, sont créées par des jeunes gens : elles pratiquent la charité. À la Société de Saint-Vincent-de-Paul s’ajoute une floraison d’entreprises. J.-L. Le Prévost édite en 1844 le Manuel du patronage. Réussite aussi à Marseille où l’abbé Timon-David fait encadrer ses troupes par une élite ; son influence est certaine sur Daniel Brottier, futur fondateur des Orphelins apprentis d’Auteuil.

4Longtemps réticent devant les patronages, le clergé s’y convertit, durant ce que l’auteur décrit comme « l’âge du positivisme ». On dépêche des vicaires auprès des patronages dont le nombre croît de manière considérable. 4 168 patronages répondent en 1900 à l’enquête conduite par le recteur de l’Institut catholique ; il existe alors 96 œuvres protestantes et 800 patronages laïques. La persévérance connaît cependant l’échec après que l’enfant a dépassé l’âge de treize-quatorze ans. Il existe pourtant une « jeunesse militante » avec l’ACJF, dans un climat de renaissance spiritualiste et de catholicisme social, encouragé par Rerum Novarum, orienté vers le ralliement. Marc Sangnier crée le Sillon qui regroupe environ 10 000 jeunes gens. La condamnation pontificale des « ambiguïtés » que contiendrait la doctrine amène Sangnier à porter son action sur le terrain politique avec la Jeune République et à fonder les Auberges de Jeunesse.

5Les mouvements d’action catholique se spécialisent aux débuts des années 1930 : JOC, JAC, JEC et JIC, bientôt doublées de mouvements féminins homologues. La « prise en charge des loisirs » entraîne durant la première moitié du xxe siècle un développement continu des patronages, facilités par les clubs de gymnastique et de sport qu’ils comportent. Viennent les compléter les colonies de vacances. Pour « revitaliser » l’institution, naissent « croisés », Cité des jeunes et surtout les Cœurs vaillants. Le dessinateur Hergé publia dans leur hebdomadaire, créé en 1929, Tintin chez les Soviets. Apparaissent les éclaireurs, mouvement de scoutisme protestant. La hiérarchie catholique se rallie au scoutisme, « greffe réussie de l’éducation nouvelle ». Il apparaît que beaucoup de l’histoire du scoutisme reste peu explorée, ce qui fait souhaiter des travaux sur « la base », au hasard des correspondances et de la conservation des archives.

6C’est avec des cadres venus du scoutisme que Vichy a créé les Chantiers de jeunesse. Après quelque temps d’illusion, vient le tournant de 1943 qui est celui du témoignage à rendre, face à une majorité restée attentiste. La grande vitalité des mouvements s’essouffle dès 1950-1960. La chute était proche. Vint l’ère, qui précède et suit immédiatement 1968, de l’« interdestruction soupçonneuse » (pasteur André Dumas). Pour G. Cholvy, la crise profonde qui suit vient du désaccord sur l’étendue du domaine « libre » dans l’action temporelle, étendue qui diffère entre l’Action catholique spécialisée mandatée par le pape, et l’ACJF non mandatée. Selon R. Rémond, la crise serait due à « la conjonction de la classe ouvrière et de l’ouvriérisme de l’autorité religieuse », ce qui paraît expliquer l’évolution de la JOC. Les relations avec la hiérarchie ecclésiastique revêtent cependant, nous semble-t-il, une autre complexité. La crise peut aussi bien être attribuée à une attitude plus générale des nouvelles générations, complètement décalée par rapport aux schèmes traditionnels qui gouvernaient la vision de l’éducation et de l’autorité chez ses aînés. Les scouts à la recherche de leur identité perdent la moitié de leurs effectifs en dix ans. Ils se divisent : ainsi, le catholicisme intransigeant refait son apparition avec les scouts d’Europe.

7Le dernier mot ne reste pas à la description d’un déclin. Une série de groupes limités témoignent d’une demande d’approfondissement. Chartres retrouve des pèlerins, même s’il est désormais plusieurs « Chartres ». Le scoutisme recrute à nouveau des adeptes. Encadrés dans les aumôneries ou les paroisses, dans des mouvements éducatifs, les jeunes se retrouvent aux JMJ, au FRAT fondé en 1979. Plus de 4 000 jeunes de 18 à 25 ans se préparent au baptême. Les Journées mondiales de la jeunesse regroupent enfin, à Paris en 1997, de 300 à 350 000 jeunes, ce qui pose le problème des cadres à former.

8Le livre prend fin avec un index des noms et une volumineuse bibliographie analytique, assez peu ordonnée et déparée de quelques coquilles. Il laisse l’impression d’une très grande accumulation de faits et de connaissances, tout en donnant le sentiment qu’une bonne partie de cette histoire mériterait encore réflexion et recherches.

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Notes

1 Ainsi Jacqueline Roux : Sous l’étendard de Jeanne, Paris, Le Cerf, 1995, 310 p., sur les fédérations diocésaines de jeunes filles (1904-1945). La fin de celles-ci donne à méditer sur l’influence qu’avait la hiérarchie ecclésiastique à cette époque sur ce type d’organisation.

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Pour citer cet article

Référence papier

Françoise Mayeur, « CHOLVY (Gérard). – Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France (xixe-xxe siècles) »Histoire de l’éducation, 93 | 2002, 129-131.

Référence électronique

Françoise Mayeur, « CHOLVY (Gérard). – Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France (xixe-xxe siècles) »Histoire de l’éducation [En ligne], 93 | 2002, mis en ligne le 15 janvier 2009, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/928 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.928

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Auteur

Françoise Mayeur

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