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Actualité scientifique

Les pensions et institutions privées secondaires pour garçons dans la région parisienne (1700-1940)

Françoise Huguet
p. 205-221
  • 1 Compère (M. M.) ; Julia (D.) : Les Collèges français. 16e-18e siècles. Répertoire 1 : France du Mid (...)
  • 2 Bodé (Gérard) : Constitution d’un atlas-répertoire des établissements d’enseignement technique, in (...)
  • 3 De même, les circonscriptions administratives citées (arrondissements de Paris, départements) sont (...)

Une recherche sur les établissements privés d’enseignement secondaire à Paris et dans sa proche banlieue a été entreprise il y a quatre ans. Elle s’inscrit dans une des orientations du Service d’histoire de l’éducation, l’histoire de l’enseignement au niveau des établissements, et prolonge ainsi les recherches sur les collèges d’Ancien Régime1 et sur les établissements d’enseignement technique2. Elle couvre une période de plus de deux siècles mais se limite à la région de l’Île-de-France (au sens administratif contemporain)3.

Pour manifester à la fois la fragilité ou la longévité des établissements, leur place dans le système d’enseignement et les innovations pédagogiques dont ils ont pu être les promoteurs, ont été recueillis pour chaque établissement son nom, ses dates extrêmes de fonctionnement, ses adresses successives, la liste des directeurs qui se sont succédés à sa tête, chacun d’entre eux faisant l’objet d’une notice biographique (à l’heure actuelle, près de 3000 notices ont été établies) ; les objectifs de l’enseignement proposé sont détaillés quand les sources disponibles le permettent, de même qu’il est fait mention du nombre d’enseignants et d’élèves ; ces derniers sont répartis, dans la mesure du possible, dans les différentes sections avec indication du nombre des reçus aux baccalauréats ou aux écoles du gouvernement. Le mode d’hébergement est donné dans une brève description des bâtiments, qui précise le nombre de salles de cours ou d’études et de dortoirs. Quelques « observations », dues le plus souvent aux inspecteurs d’académie lors de leurs tournées, sont rapportées ; elles donnent une idée, pour une année donnée, de l’état de l’institution. Enfin, les sources qui ont été consultées sont indiquées pour chacun des établissements.

Que les renseignements recueillis soient, d’une institution à l’autre, d’inégale valeur tient essentiellement à la pauvreté et à la dispersion des archives. La période la plus riche du point de vue des sources, est celle au cours de laquelle l’Université exerce son monopole (1808-1850) ; les dossiers conservés aux Archives nationales ont pu être dépouillés dans leur totalité (séries F17 et AJ16). Pour le xviiie siècle, les renseignements sont donnés par les registres du chantre conservés aux Archives nationales, mais l’information y est succincte et on a dû avoir recours aux almanachs, aux prospectus ou aux annonces parues dans la presse de l’époque (Mercure de France, Journal général de France, etc.). La période postérieure à la loi Falloux est, de même, assez pauvre de sources ; en effet, il n’y a plus d’inspections de la part de l’Instruction publique, puisque l’enseignement est « libre ». Les informations ont été recueillies soit dans des rapports administratifs et des enquêtes consignés dans divers bulletins officiels de l’Instruction publique, soit dans des monographies d’établissements.

Dans son état actuel, le recensement fait état de près de deux mille établissements, sur toute la période étudiée. Les plus importants d’entre eux sont bien connus (tels Sainte-Barbe, rouvert en 1798, Stanislas, fondé en 1804 ou les grands collèges religieux nés à la faveur de la loi Falloux, comme les établissements jésuites de Sainte-Geneviève ou de Saint-Louis de Gonzague, ou encore l’école Albert le Grand, tenue par les Dominicains à Arcueil). La quasi-exhaustivité du recensement permet d’ores et déjà de relativiser leur place en mettant en valeur la diversité des autres établissements ; l’enquête inclut, en effet, ceux qui, en grand nombre, ont été fragiles ou instables, ou ceux qui offraient des programmes novateurs, étrangers aux standards de l’enseignement public. Il convient d’ailleurs de noter le caractère très relatif de ce que nous avons ici dénommé « établissements de niveau secondaire » : le secondaire est une notion qui s’est imposée au xixe siècle pour désigner des établissements proposant des études latines, mais la plupart des établissements privés accueillaient des élèves de niveau élémentaire et certains proposaient des cursus non classiques. Nous avons délibérément retenu des critères aussi larges que possible, afin de mesurer le phénomène de la pension privée dans toute son ampleur.

Les relations entre enseignement public et privé ont toujours été d’une grande complexité, alliant concurrence et complémentarité. Dans le cadre d’un monopole, reconnu à l’université de Paris avant la Révolution, puis à l’Université impériale, après 1808, les pensions et institutions privées de Paris proposent aux élèves des collèges, en particulier à ceux venus de province, à la fois des possibilités d’hébergement et un soutien pédagogique. La loi Falloux qui autorise, en 1850, la création d’établissements « libres » provoque la décadence des anciennes institutions privées et favorise le développement de l’enseignement confessionnel. Les diplômes et examens étant nationaux, les établissements privés doivent toutefois respecter les programmes des lycées. À partir de cette date, c’est bien un système de concurrence qui s’instaure entre les deux types d’enseignement.

Du fait de la longueur de la période considérée, il est clair que la notion même de pension a évolué. Une institution privée du xviiie siècle est très différente d’un établissement du xxe. Ces établissements ont cependant en commun de remplir, en dehors de l’enseignement proprement dit, des fonctions d’hébergement, de répétition des cours, d’aide au travail scolaire personnel, de surveillance des études. Le personnel est d’ailleurs composé, en dehors du directeur de l’établissement, de professeurs, de maîtres d’étude, de répétiteurs et de surveillants, appellations qui correspondent bien à leurs fonctions.

  • 4 André Marie Ruinet fonde, en 1803, une institution rue de la Harpe (5e) qu’il transfère bientôt imp (...)

Il reste que, dans une enquête de ce genre, la très longue durée soulève différents problèmes. D’abord, celui de la dénomination. Mis à part les établissements qui portent des noms particuliers comme le collège Sainte-Barbe, le collège Stanislas, l’école Saint-Sauveur ou la Société royale d’émulation, la plupart ont été désignés par des noms différents selon la période, voire simultanément dans certains cas. Pour tracer les continuités, a été utilisé le nom de leur premier directeur, sauf quand ces institutions sont plus connues sous un autre nom, qui peut être celui d’un directeur ultérieur : c’est le cas, par exemple, de l’institution Barbet, fondée en fait par André Marie Ruinet4.

Deuxième problème, l’identité d’un établissement sur le long terme. Faut-il considérer qu’un établissement est nouveau quand il change d’adresse ? Qu’en est-il par exemple d’un chef d’établissement qui, comme Jérôme Lavigne, change huit fois d’adresse en l’espace de vingt-cinq ans. Il ouvre un externat rue Sainte-Marguerite-Saint-Germain (6e) par déclaration du 1er juillet 1855. L’établissement est transféré rue de l’Ouest (6e), puis rue du Four (6e) en mars 1868. Après divers autres transferts qui le mènent de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) à la rue Champollion (5e), puis aux rue Saint-Jacques (5e) et Gay-Lussac (5e), il s’installe à Montrouge (Hauts-de-Seine) le 18 septembre 1882.

Certains établissements changent aussi de statut au cours de leur vie et passent de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire selon les grades universitaires de leur directeur. Ainsi en est-il de l’école Montyon, fondée en 1852 à Laon et transférée à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) en 1872. Établissement secondaire sous la direction de Jean Baptiste Moucheront et de ses successeurs jusqu’en 1886, il devient primaire sous la direction de Paul Moucheront de 1887 à 1889, date à laquelle ce dernier cède la direction à Jean Fénelon, qui transforme à nouveau l’établissement en école secondaire. À la suite de sa démission, le 8 mai 1891, Paul Moucheront reprend la direction et transforme à nouveau l’établissement en école primaire. Il semble qu’au début du xxe siècle, sous la direction de Silvestre, l’établissement reprenne son statut d’école secondaire : elle redeviendra primaire en 1927.

Enfin, la notion même de pension ou d’institution évolue et l’on voit se créer des écoles, des externats, des cours, des académies, des écoles professionnelles ou encore des conférences ou des instituts. Le nom donné n’est pas anodin et indique le plus souvent le type d’enseignement proposé ou le statut de l’établissement. L’objectif visé par Léon Gérardin quand il ouvre, en 1895, la Conférence Parmentier, rue de Vaugirard, est bien de donner un enseignement « par conférence » à des élèves candidats aux écoles nationales d’agriculture et à l’Institut agronomique. Cet enseignement comprend cependant toutes les matières exigées par les programmes officiels ; ce qui change, en fait, c’est l’organisation des études, qui s’apparente plutôt à des cours de faculté. On pourrait également citer l’Institut commercial de Paris, fondé en 1884 par Alexandre Bernardini et « destiné à préparer : des employés et des chefs de maison pour le commerce intérieur et le commerce d’exportation, des attachés commerciaux pour les consulats, des élèves pour l’École des hautes études commerciales ; en un mot, un personnel capable de représenter à l’étranger nos maisons françaises et de faire connaître nos marchandises sur tous les points du globe ». Les élèves y sont admis dès l’âge de 13 ans et des démarches sont tout de suite entreprises pour que le certificat d’études de l’Institut commercial soit assimilé au diplôme de bachelier pour l’admission au volontariat.

Le cadre réglementaire et institutionnel

  • 5 Statut de l’Université pour les maîtres ès arts tenans pensionnaires et faisans répétition, homolog (...)

La fonction exercée par les pensions est aussi ancienne que les études d’humanités et se développe à la périphérie des collèges, mais la professionnalisation des maîtres n’aboutit pas avant le xviiie siècle à une institutionnalisation productrice d’archives. Les maîtres de pension appartiennent dès lors à deux catégories officielles : les permissionnaires du chantre (dignité du chapitre de Notre-Dame qui a la tutelle des écoles), limités au nombre de vingt ; après une querelle avec l’Université à la fin du xviie siècle, ils obtiennent le droit de tenir pension à condition qu’ils aient obtenu la maîtrise ès arts et qu’ils s’installent exclusivement dans les faubourgs ; et les maîtres agréés par l’Université. Ces derniers, pédagogues répétiteurs membres de la faculté des arts, s’estimant victimes de la concurrence exercée par les permissionnaires du chantre, font appel à l’Université qui fait homologuer, en 1708, un statut5 aux termes duquel les maîtres de pension répétiteurs qui ont obtenu la maîtrise ès arts doivent, pour s’installer, faire reconnaître leur capacité et leurs mœurs par l’Université et rester soumis à l’inspection du recteur.

Après les bouleversements entraînés par la Révolution française, la première loi scolaire, votée par la Convention le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), proclame la liberté de l’enseignement. L’arrêté du 17 pluviôse an VI (5 février 1798) met les écoles particulières, maisons d’éducation et pensionnats sous la surveillance des municipalités « considérant que cette surveillance devient plus nécessaire que jamais, pour arrêter les progrès des principes funestes qu’une foule d’instituteurs privés s’efforcent d’inspirer à leur élèves et que [le Directoire exécutif] ne doit négliger aucun des moyens qui sont en son pouvoir pour faire fleurir et prospérer l’instruction républicaine. » À partir du Consulat, l’autorité sur ces établissements privés revient au ministère de l’Intérieur.

  • 6 Savoie (Philippe) : Les Enseignants du secondaire. XIXe – XXe siècles. Le corps, le métier, les car (...)

La loi générale sur l’Instruction publique du 11 floréal an X (1er mai 1802) indique, dans son titre iii sur les écoles secondaires, que « toute école établie par les communes ou tenue par des particuliers, dans laquelle on enseignera les langues latine et française, les premiers principes de la géographie, de l’histoire et des mathématiques, sera considérée comme école secondaire » (art. 6). Mais c’est le décret du 11 mars 1808 portant organisation de l’Université qui détermine les conditions statutaires du chef de pension en déclarant que « nul ne peut ouvrir d’école, ni enseigner publiquement, sans être membre de l’Université impériale, et gradué par l’une de ses facultés. Les emplois de maître d’étude et de pension ne pourront être occupés que par des individus qui auront obtenu le grade de bachelier ès lettres. Il faudra être bachelier dans les deux facultés des lettres et des sciences pour devenir chef d’institution. » C’est pourquoi l’appartenance des chefs des établissements privés à l’Université instaure une dépendance qui n’est pas que formelle : en droit, ils ne sont pas seulement gestionnaires d’une entreprise particulière, mais aussi des fonctionnaires nommés par le grand maître, et soumis au contrôle de l’Université et à sa discipline6.

  • 7 AN : F17 8880.

Soumises au versement de la redevance universitaire, les pensions et institutions se trouvent aussi rapidement contraintes d’envoyer leurs élèves au lycée ou au collège communal voisin, obligation déjà en vigueur dans le cadre de l’ancienne Université de Paris. La circulaire du 10 novembre 1810 avance que « la fréquentation des lycées par les élèves des pensions et institutions est le moyen le plus efficace d’entretenir, entre tous les établissements de la capitale, une émulation profitable, non seulement aux élèves, mais même aux maîtres employés dans ces établissements, puisque le mérite de ceux-ci s’appréciera par les succès de leurs élèves. » Ce qui est loin de satisfaire tous les chefs d’établissement, à l’enseigne de Boisbertrand qui, dans une lettre qu’il adresse en 1811 à Fontanes, alors grand maître de l’Université, se plaint que le récent arrêté qui « enjoint à tous les instituteurs d’envoyer leurs élèves au lycée […] a détruit son établissement dont le but unique et spécial était de former pour l’école Polytechnique des élèves qui eussent des connaissances plus étendues que celles qui sont exigées. »7

La loi Falloux du 15 mars 1850 qui proclame la liberté de l’enseignement allège les obligations du futur chef d’établissement privé. Lors de son installation, il doit seulement déclarer au recteur son intention de s’établir, désigner le local, et indiquer les lieux où il a résidé et les professions qu’il a exercées pendant les dix années précédentes. Il doit, en outre, fournir : 1°, un certificat de stage constatant qu’il a rempli, pendant cinq ans au moins, les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement secondaire public ou libre ; 2°, soit le diplôme de bachelier, soit un brevet de capacité délivré par un jury d’examen ; 3°, le plan du local, et l’indication de l’objet de l’enseignement.

Les pensions du début du xviiie siècle à la Révolution

  • 8 AD VIII/3/A, catalogue de 1746, aux Archives nationales.

Parmi les 236 établissements répertoriés jusqu’à la Révolution, les premiers que l’on connaisse sont créés en 1714. Celui de Jacques Doilot qui, reçu permissionnaire grand chantre en 1714, exerce ses fonctions de maître de pension rue de Picpus (12e) est encore répertorié dans un catalogue de 17468. Le second est celui de Georges Huvey, qui obtient permission du chantre cette même année 1714 et qui exerce rue de Charonne (11e) ; il est, lui aussi, répertorié dans le même catalogue de 1746.

Quelques pensions célèbres ont vu le jour durant cette période. Certaines créations s’appuient sur la tradition, d’autres sont significatives de l’intérêt des pédagogues pour un enseignement renouvelé.

  • 9 Hillairet (Jacques) : Dictionnaire historique des rues de Paris. Tome 1, Paris, Éditions. de Minuit (...)
  • 10 Lacroix (Louis) : Notice historique sur l’institution Savouré, Paris, 1853 (BN : Rp-7415 ; BHVP, in (...)

La pension Savouré voit, de 1730 à 1867, se succéder cinq générations de la même famille. Installée d’abord rue Copeau (5e) dans une maison appartenant aux Carmes de la place Maubert, elle est transférée, en 1779, rue de la Clef (5e). L’établissement s’installe, en 1867, rue de Ménilmontant (20e), à la suite du percement de la rue Monge, qui supprime une partie de la rue de la Clef. Il compta parmi ses élèves le prince Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon, que celui-ci amena en 1796 sachant que « dans cet établissement, on joignait à la tradition des bonnes et fortes études de l’ancienne université, celles des habitudes et des sentiments religieux. »9 Ses élèves vont d’abord au collège de Lisieux ou à Montaigu, ils iront, après la Révolution, au lycée impérial (Louis-le-Grand). En 1804, l’établissement compte 98 pensionnaires ; quarante ans plus tard, ils ne sont plus que 51. Cette pension représente l’exemple type de l’établissement qui résista aux crises de la Révolution en substituant ses cours particuliers à ceux des grands collèges qui venaient d’être supprimés. « Dans l’instruction publique où tout a été bouleversé et renouvelé depuis 60 ans, je ne connais qu’une seule maison qui ait résisté à la tempête, qui ait été successivement de l’ancienne Université et de la nouvelle, qui ait pu traverser des régimes si différents en conservant son caractère propre et ses traditions de famille », dit son premier historien10.

  • 11 Mercure de France, juillet-décembre 1759, vol. 77, Genève, Slatkine reprints, 1970, pp. 379-380.
  • 12 Mercure de France, avril 1770, vol. 98, Genève, Slatkine reprints, 1970, p. 274.

À l’inverse, après la création, en 1751, de l’école royale militaire, le roi et son gouvernement vont favoriser le développement des écoles militaires ou des écoles de dessin. C’est ainsi que le sieur Gournai ouvre en 1759, rue de Condé, une école de guerre, destinée essentiellement à la jeune noblesse. Il réduit, dit-il, « aux cinq parties suivantes tout ce qui comprend essentiellement la théorie d’un militaire. 1°. Les mathématiques ; 2°. L’histoire rapportée à la guerre ; 3°. La géographie ; 4°. L’hydrographie ou le pilotage ; 5°. Le dessin et les parties qui y ont rapport »11. Le sieur Rolin quant à lui décide, en 1770, de fonder rue Saint-Dominique une « institution académique et militaire, établie pour l’instruction de la jeune noblesse »12 et dans laquelle seront dispensés, outre les cours de latin, d’écriture, d’histoire, de géographie et de mathématique, les évolutions et exercices militaires proprement dits. La pension du sieur Duolet, installée au faubourg Saint-Antoine en 1779, ou encore l’institution de la jeune noblesse, installée à la barrière de Sèvres vers 1769, sont elles aussi spécialisées dans l’art militaire.

  • 13 Mercure de France, vol. 110, avril 1776, Genève, Slatkine reprints, 1970, pp. 275-276.

Plus originale pour l’époque, l’École générale de commerce est ouverte, en 1776, sur la butte du Mont Parnasse (6e). Elle est dirigée par Choquart et Rigaux et destinée à l’éducation des jeunes commerçants. L’enseignement y est donné de manière progressive, ainsi que l’indique Choquart dans l’exposé de son plan d’étude13. « En prenant un jeune homme au sortir de son cours de latinité, ou le lui ayant fait faire à la pension, s’il y entre dès l’enfance, je lui développe tous les ressorts du calcul en lui proposant toujours à résoudre des problèmes analogues au commerce. » Après avoir conduit ses élèves dans toutes les foires du royaume et ceux-ci « étant remplis de toute la théorie de leur profession », il leur fait ouvrir, de manière fictive, un commerce de détail puis un commerce de gros, afin qu’ils soient confrontés à toutes les difficultés d’une telle entreprise. Les élèves sont ensuite conduits, durant leur troisième année d’études, aux audiences des juges-consuls pour y apprendre comment les contestations peuvent naître, ils en font ensuite un rapport écrit et les jugements rendus sont discutés.

  • 14 Almanach Dauphin, 1777, cité par A. Franklin [Dictionnaire des métiers de Paris].

S’il y a bien volonté de renouveau et désir de se démarquer de l’enseignement des collèges, il reste cependant que les différences sont notables entre les pensions. L’enseignement dispensé n’est pas toujours le même, pas plus que ses priorités. Si presque tous les chefs de pensions sont persuadés que l’enseignement du latin doit cesser d’être prioritaire, ils continuent cependant de l’enseigner selon des méthodes nouvelles mais, parmi eux, plusieurs mettent plutôt l’accent sur l’enseignement des langues étrangères, plus utiles dans l’exercice de certaines professions. La différence la plus notable concerne les effectifs. L’Académie des enfants ouverte par Nicolas Viard en 1753 se contente de ne recevoir que quelques élèves, de façon à se consacrer plus particulièrement à leur éducation. D’autres font comme Mausserat de Longpré, qui fixe, en 1771, le nombre de ses élèves à 18 « sans qu’il puisse être augmenté ». Enfin, certains établissements, comme la pension de Cochois, à la Barrière du Trône (12e), ont des effectifs très importants, « pension considérable de 5 à 600 élèves, en très bon air, avec cour et vaste jardin »14.

  • 15 Affiches de l’abbé Fontenai,11 avril 1781, p. 60 ; 9 octobre 1782, pp. 163-164 ; 9 avril 1783, p. 6 (...)

La majorité des institutions privées sont situées, tout au long du xviiie siècle, dans un quartier latin un peu élargi (4e, 5e et 6e arrondissements actuels de Paris : plus de 42 %). Cette localisation s’explique par la proximité des collèges, alors tous situés dans ce périmètre. En effet, l’arrêt du parlement du 6 août 1779 ordonne aux maîtres de pension, même maîtres ès arts, d’envoyer leurs pensionnaires au collège à partir de la classe de 5e. Certains d’ailleurs, comme Frémont, insistent dans leur prospectus sur les avantages de leur localisation et l’on peut lire dans l’annonce du Journal de l’abbé Fontenai15 que sa pension de la rue des Fossés Saint-Victor (5e) « est près du jardin royal des plantes, des cours publics de physique, d’histoire naturelle, du Collège royal où se font différents cours publics de langues, d’histoire, de poésie ; près des écoles de droit, non loin du Luxembourg et du Palais ». Certaines pensions s’affranchissent cependant de cette tutelle : des quartiers comme ceux du 12e arrondissement, qui recense 32 établissements, ou du 16e, qui en compte 19, offrent des espaces où les pensionnaires peuvent jouir du bon air.

De la Révolution à la loi Falloux

Le nombre de créations de pensions durant cette période est égal à 865 et représente environ 45 % de la totalité des établissements recensés sur toute la période couverte par l’enquête. L’importance de ce pourcentage s’explique par le fait que le développement de l’enseignement privé parisien a été stimulé par la Révolution ; mais les pensions en exercice sont plus nombreuses, dans la mesure où une partie d’entre elles, fondées sous l’Ancien Régime, existent toujours.

  • 16 AN : F17 8882.
  • 17 AN : F17 9035.

Alors que certaines pensions et, sans doute, la majorité d’entre elles ne se proposent que d’enseigner les matières traditionnelles à savoir le latin, le français, les langues étrangères, l’histoire sacrée et profane, la géographie, la morale et le catéchisme, quelques-unes ont su mettre à profit un besoin plus spécifique en préparant leurs élèves aux écoles du gouvernement, en faisant valoir, par exemple, que l’enseignement des mathématiques dispensé dans les lycées était insuffisant pour la préparation des concours. Ces institutions sont d’ailleurs reconnues, pour la valeur de leur enseignement, par les pouvoirs publics. En témoigne une lettre16 envoyée par le grand maître de l’Université à Frayssinous, alors inspecteur d’académie, au sujet de la pension tenue par Jean Guillaume Garnier, en 1809, rue de Grenelle (7e), qui compte dans ses effectifs un assez grand nombre d’aspirants à Polytechnique. Dans cette lettre, le grand maître reconnaît que si ces élèves ont fait leurs premières études dans les lycées, « ils n’ont point acquis en mathématiques les connaissances nécessaires pour être admis à l’école Polytechnique. Les leçons de M. Garnier les mettent bientôt en état de subir l’épreuve du concours et plusieurs en sortent tous les ans avec honneur. ». Lors de la création en 1829, rue de Vaugirard (6e), par Jean Marie Duhamel, de son école préparatoire pour l’admission aux écoles Polytechnique, Militaire et de la Marine, un rapport17 avait été rédigé à la demande de l’inspection générale sur l’opportunité d’une telle ouverture : « On ne compte dans Paris que 7 ou 8 institutions au plus dans lesquelles on ait établi des cours spéciaux de mathématiques, et 2 seulement (celles de MM. Mayer et Laville) sont exclusivement destinées à préparer les jeunes gens aux diverses écoles. Cependant, tout le monde sait que, depuis quelques années, le nombre des candidats qui se présentent pour ces écoles a considérablement augmenté. La maison de M. Mayer est pleine et, tous les jours, il est obligé de refuser des élèves. Celle de M. Laville n’en a qu’une quarantaine, mais c’est à ce nombre qu’il a cru devoir se borner. Il n’est pas à craindre, d’ailleurs, que l’existence d’un nouvel établissement puisse faire le moindre tort aux collèges royaux, puisque M. Duhamel déclare l’intention d’envoyer au collège tous ceux de ses élèves qui seraient en état d’en suivre les cours ». Dans l’exposé de ses motifs, Duhamel indique cependant que « ces cours sont généralement insuffisants pour ceux des élèves qui se destinent aux écoles supérieures. Il importe que ces derniers soient préparés d’avance à l’instruction plus élevée qu’ils doivent recevoir et qu’ils sentent à peine le passage d’une école à l’autre. Pour arriver à ce résultat, j’établirai dans mon institution des cours particuliers destinés à compléter l’instruction élémentaire et à disposer l’esprit des élèves à celle qui doit suivre, de manière à mettre en harmonie l’ensemble des études, depuis les premiers éléments jusqu’aux parties les plus élevées de l’enseignement public ».

D’autres institutions, comme celles de Lyévins rue Culture Sainte-Catherine (3e), celle de Mayer d’Almbert, rue Saint-Jacques (5e) ou celle de Michelot, installée d’abord rue de la Chaise (7e), puis rue de Vaugirard (6e), préparent, elles aussi, aux concours des écoles Polytechnique, Saint-Cyr, Navale, des Mines et des Eaux et Forêts.

  • 18 AN : F17 9026.

C’est aussi durant cette période que l’on assiste à la création de quelques établissements préparant aux professions industrielles et commerciales. Outre l’École centrale des arts et manufactures, qui sort du cadre de l’enseignement secondaire, la plus originale est sans doute celle de Louis Lamotte18 qui sollicite, en 1832, du conseil royal, l’autorisation d’ouvrir un collège d’industrie (ou lycée Louis-Philippe), rue Saint-Martin (3e) « au centre de la population industrielle » ; ce collège serait situé dans une partie des bâtiments du Conservatoire des arts et métiers. Son projet répond à deux besoins : d’une part, offrir une instruction plus prompte et qui trouvera immédiatement des applications dans la vie aux familles qui ne destinent pas leurs enfants aux professions savantes ; d’autre part, offrir un complément gratuit des études pour les élèves distingués des écoles primaires. Pour ouvrir son établissement, Lamotte fonde une société au capital de 100 000 francs et met sur le marché 400 actions nominatives à 250 francs chacune. Appuyé par les Tuileries et le ministre de l’Instruction publique, il obtient l’autorisation d’ouvrir son établissement sous le nom de collège d’industrie ; il s’agit en fait d’une école d’enseignement mutuel.

On peut enfin mentionner Prosper Goubaux, véritable fondateur du collège Chaptal. En 1837, il ouvre, rue Blanche (9e), un établissement d’enseignement secondaire sous le nom de pension Saint-Victor. Cette institution, appelée aussi collège François 1er, devient, en 1846, la propriété de la ville, sous le nom d’école municipale, puis de collège Chaptal. Il reste à cet endroit jusqu’en 1874, date de son transfert boulevard des Batignolles (17e).

  • 19 AN : F17 9036.

Ces quelques exemples montrent la diversité des enseignements qui pouvaient être dispensés dans les pensions et institutions privées de l’époque. Certains chefs d’établissement se mettent en marge de la législation comme Joseph Lafon, qui tient l’Institution décapédique, rue Buffon, en 1832, et qui déclare dans son prospectus19 : « Les élèves ne suivent pas les classes du collège : on ne les astreint pas à consacrer une année entière à ce qui peut être bien vu et bien su en six mois ; mais on leur fait expliquer tous les auteurs classiques adoptés par l’Université et l’on ne néglige rien pour allier la solidité de l’instruction à la rapidité des progrès. »

  • 20 Voir l’article de Marc Le Cœur, supra, pp. 131-167.
  • 21 Elle inclut les départements actuels de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Seine-et-Marne, de Seine- (...)
  • 22 AN : AJ16 4699.

Au cours de cette période, les chefs de pension sont un peu moins enclins à s’établir dans le Quartier latin, qui a perdu son monopole des études publiques20. Les premières installations y déclinent de près de 10 % par rapport à la période précédente et l’on voit monter des quartiers comme ceux de l’Ouest parisien (9e et 8e arrondissements actuels), qui recensent à eux deux près de 16 % des nouvelles créations d’établissements. Mais il s’agit de petits établissements, très différents des grandes institutions du Quartier latin ou du Marais. Le phénomène le plus marquant est celui qui touche la banlieue parisienne21 où près de 29 % des institutions sont alors créées, contre un peu moins de 9 % pour la période précédente. Sans doute faut-il voir dans cette expansion géographique la possibilité d’avoir un établissement plus grand, comme celui tenu par Phiet à Meaux (Seine-et-Marne), qui compte, en 1811, 120 pensionnaires, 20 demi-pensionnaires et 16 externes, et où le coût des études est sans doute moindre puisqu’il ne demande que 400 francs de pension ; ou celui, créé en 1809 à La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) et tenu par trois générations de Bazin, dont les bâtiments comprennent deux dortoirs de 50 et 14 lits et 6 salles de classes ou d’études. L’inspecteur d’académie le considère, en 1866, comme l’établissement le plus important de Seine-et-Marne, après le collège de Juilly. L’École réale supérieure, quant à elle, fondée en 1793 à Boulogne (Hauts-de-Seine) par Franche « est située aux portes de Paris, près du bois de Boulogne, à proximité de Saint-Cloud, à portée de nombreux moyens de communication, au milieu d’un parc de 4 000 m2 ; cette maison répond aux exigences des familles et des Parisiens en particulier qui recherchent avant tout pour leurs enfants le grand air de la campagne, aussi près que possible de la grande ville. »22

De la loi Falloux à la fin de la iiie République

Cette période est marquée par une relative stabilité ; les maîtres de pensions sont libres et ne sont obligés de communiquer ni le nombre de leurs élèves, ni leurs registres de personnel. On assiste alors à la création de quelques grands établissements dont certains existent toujours, et en particulier ceux des congrégations religieuses, jusque là bannies. Ces établissements ecclésiastiques se multiplient jusqu’au décret du 29 mars 1880, qui met à nouveau un coup d’arrêt à leur développement. Dans son rapport au président de la République, le ministre de l’Intérieur et des Cultes indique qu’un « recensement opéré en 1877 constatait l’existence de 500 congrégations non autorisées. » Ces différents ordres doivent donc fournir les justifications nécessaires afin d’être ou non autorisés par les pouvoirs publics. Mais la congrégation qui est essentiellement visée est la Compagnie de Jésus.

En 1865, Duruy constate qu’au niveau national, dans la période de 1854 à 1865, les établissements diocésains sont restés à peu près stationnaires. En 1876, les établissements privés dirigés par des prêtres séculiers, comme les établissements laïques, étaient en baisse, alors que les maisons appartenant à des congrégations étaient en progrès rapide depuis 1854.

  • 23 Rapport des recteurs et des inspecteurs d’académie, 1899.
  • 24 L’institution Jauffret se réunit, en 1870, à celle de Favard dirigée, depuis 1843, par les Frères d (...)

La situation est à peu près identique au niveau de l’académie de Paris. Les causes de cette surreprésentation de l’enseignement religieux se réduisent, dit le recteur de l’académie, à une seule : « l’impossibilité pour l’enseignement laïque de soutenir la concurrence à la fois contre l’enseignement public qui, au cours de la même période, s’est développé dans des proportions considérables, et l’enseignement congréganiste, qui a de plus en plus les faveurs de certaines corporations de l’État, de l’armée notamment, et de la plus grande partie de la haute bourgeoisie et qui trouve dans des associations riches, les larges subsides dont il a besoin. »23 Mais est-ce vraiment à cause du développement de ces écoles congréganistes qu’un certain nombre de grandes institutions qui envoyaient leurs élèves au collège Charlemagne, comme celles de Jauffret, Massin, ou encore Verdot24, ont dû fermer leurs portes ? Il semble plutôt que ce soit le développement de l’enseignement public qui ait provoqué ces cessations d’activité et la crise financière. Quelques établissements continuent cependant à recevoir des aides de l’État, mais ils sont laïcs, comme l’École Alsacienne qui reçoit, en 1900, près de 65 000 francs d’aides publiques.

Les petits établissements d’enseignement laïque subsistent tant bien que mal sous deux formes : ce sont des écoles préparatoires au baccalauréat ou des écoles qui n’ont de secondaire que le nom, le plus grand nombre d’élèves appartenant à l’ordre primaire.

Les établissements recensés durant cette dernière période de l’enquête sont au nombre de 952. Ce chiffre représente les 817 créations d’établissements durant la période considérée, auxquelles s’ajoutent trois pensions qui remontent à l’Ancien régime (Séminaire des Irlandais créé en 1768, Institut des jeunes aveugles fondé en 1784 par Valentin Haüy, Institution Le Pitre ouverte en 1786) et 132 maisons créées durant la période précédente et qui existent toujours.

  • 25 Voir à ce propos les dossiers AJ16 517 et AJ16 4744 aux Archives nationales qui conservent des pros (...)

Les établissements sont alors mieux connus, dans la mesure où un grand nombre d’entre eux publient des prospectus25 présentant leurs programmes d’enseignement et les nombreux avantages que les parents peuvent y trouver en y inscrivant leurs enfants. Ils suivent pour la majorité d’entre eux les programmes des lycées et collèges, obligés à cela par le système unique d’examens et de diplômes ; certains de leurs élèves continuent d’ailleurs de fréquenter les établissements publics. Beaucoup d’institutions préparent ainsi leurs élèves au baccalauréat et incluent dans leurs programmes les préparations spécifiques aux écoles du gouvernement. En effet, la préparation aux concours se fait plus rarement dans des institutions spécialisées.

  • 26 Voir l’article de B. Belhoste, supra, pp. 101-130.
  • 27 AN : AJ16 6203, 6211, 6212.

Cinq nouvelles institutions offrent une préparation spécifique aux concours alors qu’une vingtaine avaient été créées au cours de la période précédente. Outre l’École Sainte-Geneviève26, il s’agit d’abord de l’École Péclet27, fondée en 1893 boulevard Pereire (17e) par d’anciens élèves de l’École centrale des arts et manufactures, qui précise dans son prospectus qu’elle « prépare de manière spéciale à l’école Centrale des arts et manufactures, à l’école des Ponts et Chaussées et à celle des Mines, à l’Institut agronomique, à l’École municipale de physique et chimie, à l’École des hautes études commerciales, à celle de Grignon et aux autres écoles d’agriculture. » Les cours y sont donnés par d’anciens centraliens, des professeurs de l’école Monge ou du lycée Condorcet. Elle ne semble pourtant pas avoir eu beaucoup de succès, car elle ferme ses portes en 1897, après quatre ans d’existence.

  • 28 AN : AJ16 6211.
  • 29 AN : AJ16 6206.
  • 30 AN : AJ16 6191, 6203, 6206. / AJ16 4699.

Est-ce un hasard si l’Institut spécial de l’École centrale28 est fondé par le premier directeur (Pescaire) de l’école Péclet et au moment même ou celle-ci ferme ses portes ? D’abord ouvert avenue Malakoff (16e), il est transféré à Versailles (Yvelines), en 1898, sous le nom d’École professionnelle et industrielle de Versailles et son directeur précise que « l’enseignement aura pour objet la préparation aux diverses écoles du gouvernement, mais qu’il sera, en outre, professionnel, industriel et commercial, avec externat du lycée Hoche pour les autres branches. » Cette maison ferme ses portes en 1901, après, elle aussi, quatre ans d’existence. Albert Mayence, licencié ès sciences mathématiques et ès sciences physiques, ouvre en 1894 l’école Philibert Delorme29, dans laquelle il donne des « répétitions isolées ou collectives aux élèves se préparant aux écoles Centrale, Navale, Saint-Cyr, à l’Institut agronomique, des répétitions de mathématiques aux élèves de l’Institut agronomique et des répétitions aux élèves se préparant à la licence ès sciences. » Le dernier exemple de ces écoles spéciales est celui de l’école Saint-Dominique et Lacordaire30. Créée en 1877, rue Saint-Jacques (5e), dans les anciens locaux de l’institution Notre-Dame, elle a pour objet « la préparation aux écoles du gouvernement ainsi qu’à l’école Centrale des arts et manufactures ». Les élèves, qu’ils soient candidats à Polytechnique, à l’ENS, à Centrale, à Navale ou à l’Institut agronomique, suivent les cours des lycées. Les candidats à Navale suivent durant les deux premières années les cours spéciaux du collège Albert-le-Grand à Arcueil. L’école déménage rue Saint-Didier (16e) en 1896, dans des locaux spécialement construits pour elle, et son public s’élargit puisqu’elle crée une division comprenant toutes les classes de l’enseignement moderne et classique depuis leur début jusqu’à la rhétorique inclusivement. Les élèves suivent les cours du lycée Janson-de-Sailly à partir de la classe de 3e. Sans doute faut-il voir dans le petit nombre de ces écoles spéciales, non pas une désaffection des élèves pour les concours, encore que le nombre de candidats à Polytechnique ait baissé, mais plutôt un effort des pouvoirs publics pour donner dans les lycées un meilleur enseignement préparatoire.

  • 31 AN : AJ16 4699.
  • 32 AN : AJ16 4699.
  • 33 AN : AJ16 6195.
  • 34 AN : AJ16 4699.

Au déclin du nombre des écoles spéciales correspond une hausse de celui des établissements proposant un enseignement de type professionnel, industriel et commercial. Le mouvement entamé durant la période précédente se poursuit et plusieurs écoles se créent pour répondre aux besoins d’une population scolaire renouvelée, à la désaffection vis-à-vis des études classiques et à la montée d’une population préfèrant un enseignement moderne plus directement pratique. Certaines de ces institutions affichent leurs objectifs sans ambiguïté. Telle l’école pratique d’électricité31 qui prodigue à partir de 1901, rue Belliard (18e), un enseignement professionnel à quelque 220 externes. Ou l’école industrielle32 fondée par Camille Galtier à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), en 1899, dont le but essentiel est « de parfaire l’instruction des enfants ayant déjà reçu un enseignement primaire sérieux, dans le sens professionnel, pour former des mécaniciens d’élite, capables de devenir contremaîtres, chefs d’atelier, conducteurs et directeurs d’usine »33. Après la démolition de l’immeuble à la suite d’un bombardement essuyé en 1918, il transfère l’école rue des Perchamps à Paris (16e) sous le nom d’école industrielle d’Auteuil. En 1901, elle scolarise 120 élèves dont 78 boursiers. Autre exemple : l’institution franco-anglaise de Vitry (Val-de-Marne)34, qui propose des études commerciales et industrielles et, surtout, un enseignement spécial des langues étrangères susceptible « de mettre un jeune homme à même de se créer une position honorable dans le commerce, la banque ou l’industrie ». Pour la langue anglaise, on offre aux élèves de partager la vie commune avec de jeunes Anglais qui viennent étudier, dans l’institution, la langue française.

Ces quelques exemples manifestent bien la volonté d’un certain nombre de chefs d’institution d’adapter l’enseignement aux besoins de classes sociales nouvelles. Mais si l’enseignement y est d’abord pratique et professionnel, les disciplines plus intellectuelles n’y sont pourtant pas négligées.

Observons enfin que, durant cette dernière période, Paris reste le lieu d’implantation choisi par la majorité des nouveaux chefs d’établissement, mais que la banlieue représente désormais près de 43 % des nouvelles installations, soit environ 15 % de plus que pour la période précédente. Cela n’est sans doute pas indépendant du développement de la périphérie de la capitale.

Menée dans la très longue durée, l’enquête permet ainsi de mettre les transformations de l’enseignement secondaire privé en rapport avec un grand nombre de facteurs, d’ordres très divers : l’évolution du système éducatif, de ses objectifs et de ses méthodes, mais aussi le développement économique et social, ou les mutations du cadre urbain. Les premiers résultats de ce travail montrent les capacités d’adaptation et d’évolution qui sont une des spécificités des pensions et institutions privées de garçons, et mettent en évidence la contribution qui a été la leur à l’évolution générale de l’enseignement secondaire.

Notes

1 Compère (M. M.) ; Julia (D.) : Les Collèges français. 16e-18e siècles. Répertoire 1 : France du Midi,1984, 759 p. ; Répertoire 2 : France du Nord et de l’Ouest, Paris, INRP / CNRS, 1988, 710 p.

2 Bodé (Gérard) : Constitution d’un atlas-répertoire des établissements d’enseignement technique, in Bodé (G.), Savoie (Ph.) (dir.) : L’offre locale d’enseignement. Les formations techniques et intermédiaires. XIXe-XXesiècles, numéro spécial d’Histoire de l’éducation, n° 66, mai 1995, pp. 201-207.

3 De même, les circonscriptions administratives citées (arrondissements de Paris, départements) sont celles d’aujourd’hui.

4 André Marie Ruinet fonde, en 1803, une institution rue de la Harpe (5e) qu’il transfère bientôt impasse des Feuillantines (5e) où elle restera jusqu’en 1864 date de sa fermeture. Son gendre Jean Baptiste Brissaud lui succède en 1820 et cède son établissement à Jean François Barbet en 1827.

5 Statut de l’Université pour les maîtres ès arts tenans pensionnaires et faisans répétition, homologué en parlement le 3e may 1708, Paris, impr. de C. L. Thiboust, 1733, in-8°, 77 p. (BN : 8-Z Le Senne-4707).

6 Savoie (Philippe) : Les Enseignants du secondaire. XIXe – XXe siècles. Le corps, le métier, les carrières. Textes officiels réunis et présentés par Ph. Savoie. Tome 1 : 1802-1914, Paris, INRP / Economica, 2000, pp. 32-33.

7 AN : F17 8880.

8 AD VIII/3/A, catalogue de 1746, aux Archives nationales.

9 Hillairet (Jacques) : Dictionnaire historique des rues de Paris. Tome 1, Paris, Éditions. de Minuit, 1985, p. 354.

10 Lacroix (Louis) : Notice historique sur l’institution Savouré, Paris, 1853 (BN : Rp-7415 ; BHVP, in-8°, 2307).

11 Mercure de France, juillet-décembre 1759, vol. 77, Genève, Slatkine reprints, 1970, pp. 379-380.

12 Mercure de France, avril 1770, vol. 98, Genève, Slatkine reprints, 1970, p. 274.

13 Mercure de France, vol. 110, avril 1776, Genève, Slatkine reprints, 1970, pp. 275-276.

14 Almanach Dauphin, 1777, cité par A. Franklin [Dictionnaire des métiers de Paris].

15 Affiches de l’abbé Fontenai,11 avril 1781, p. 60 ; 9 octobre 1782, pp. 163-164 ; 9 avril 1783, p. 60. BN : Lc2 67.

16 AN : F17 8882.

17 AN : F17 9035.

18 AN : F17 9026.

19 AN : F17 9036.

20 Voir l’article de Marc Le Cœur, supra, pp. 131-167.

21 Elle inclut les départements actuels de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d’Oise et des Yvelines.

22 AN : AJ16 4699.

23 Rapport des recteurs et des inspecteurs d’académie, 1899.

24 L’institution Jauffret se réunit, en 1870, à celle de Favard dirigée, depuis 1843, par les Frères des écoles chrétiennes ; l’institution Massin cesse d’exister en 1884, elle scolarisait pourtant à cette date 218 élèves ; Verdot qui succède à Lyévins, en 1836, rue Culture Sainte-Catherine (3e), réunit ses élèves à ceux de Louis Coutant, en 1863.

25 Voir à ce propos les dossiers AJ16 517 et AJ16 4744 aux Archives nationales qui conservent des prospectus d’établissements secondaires privés.

26 Voir l’article de B. Belhoste, supra, pp. 101-130.

27 AN : AJ16 6203, 6211, 6212.

28 AN : AJ16 6211.

29 AN : AJ16 6206.

30 AN : AJ16 6191, 6203, 6206. / AJ16 4699.

31 AN : AJ16 4699.

32 AN : AJ16 4699.

33 AN : AJ16 6195.

34 AN : AJ16 4699.

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