BAQUÈS (Marie-Christine), BRUTER (Annie), TUTIAUX-GUILLON (Nicole) (dir.). – Pistes didactiques et chemins d’historiens
BAQUÈS (Marie-Christine), BRUTER (Annie), TUTIAUX-GUILLON (Nicole) (dir.). – Pistes didactiques et chemins d’historiens. / Textes offerts à Henri Moniot. – Paris : L’Harmattan, 2003. – 380 p.
Texte intégral
1L’ouvrage, composé de vingt et un textes écrits par des chercheurs d’origines, géographique et professionnelle, diverses, s’organise en trois parties. La première introduit le lecteur au cœur des embûches de la construction historique. Entre les silences de l’histoire, ses impasses et ce qu’elle a sciemment rejeté, les auteurs ont le mérite de poser des questions fondamentales pour qui veut bien réfléchir au métier d’historien. « De quel droit faire l’histoire des autres ? » (p. 30). Mais aussi, de quel droit l’occulter et priver des femmes et des hommes du droit de la connaître ? Plusieurs articles rappellent ainsi combien les ambiguïtés de la démarche historique sont manifestes dans l’histoire coloniale, quelles que soient les réécritures en cours ; la rencontre avec l’autre, que M. Bloch souhaitait fraternelle, est, de fait, souvent conflictuelle.
2La deuxième partie prolonge cette réflexion en interrogeant certains des usages de l’histoire et les mises en scène du passé qu’ils supposent. L’étude du cas du musée de la Diaspora juive à Tel-Aviv permet ainsi de suivre le processus de fabrication d’une histoire mémorielle et nationale, tandis que sont questionnées, par ailleurs, les différentes formes de la pédagogie de l’histoire. Car, s’il est illusoire de penser que la recherche historique est à l’abri de toute instrumentalisation, le professeur d’histoire sait bien que l’histoire scolaire est configurée par les usages sociaux que l’on en attend. Les pages rédigées par C. Laville ou A. Morelli sont là pour rappeler d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une exception française.
3Consensuels sur la nécessité, aujourd’hui, de dépasser le constat que le modèle d’un récit clos, « destiné à mouler les consciences » (p. 234), n’est plus opératoire, les auteurs livrent leurs expériences dans la troisième partie, centrée sur l’histoire enseignée. On trouvera, particulièrement dans le dernier chapitre, des propositions précises, seules susceptibles d’enrayer le pessimisme ou le sentiment d’impuissance que risquent de provoquer, auprès d’un public insuffisamment formé, les exposés sans fard qui précèdent sur les manipulations de l’histoire par les nations. Les questionnements épistémologiques, les apports historiographiques – et on ajoutera les sources dont il est trop peu question dans l’ouvrage, hormis sous la plume d’E. Erdmann – « concernent directement l’histoire des professeurs » (p. 377) parce qu’ils contribuent à la définition des repères et de la conscience historique que l’apprentissage de l’histoire construit.
4En résumé, un livre exigeant, scrupuleux, inquiet, à l’image des textes d’Henri Moniot. Pistes didactiques et réflexions historiennes se croisent et se répondent, déroulent le même fil, démontrant, si besoin en est encore, que la véritable didactique, loin d’appauvrir le savoir, s’enchâsse dans un questionnement épistémologique sans concession. Aux lecteurs de poursuivre la réflexion…
Pour citer cet article
Référence papier
Évelyne Hery, « BAQUÈS (Marie-Christine), BRUTER (Annie), TUTIAUX-GUILLON (Nicole) (dir.). – Pistes didactiques et chemins d’historiens », Histoire de l’éducation, 101 | 2004, 140-141.
Référence électronique
Évelyne Hery, « BAQUÈS (Marie-Christine), BRUTER (Annie), TUTIAUX-GUILLON (Nicole) (dir.). – Pistes didactiques et chemins d’historiens », Histoire de l’éducation [En ligne], 101 | 2004, mis en ligne le 07 décembre 2009, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/807 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.807
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