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Notes critiques

BAUDELLE (Guy), OZOUF-MARIGNIER (Marie-Vic), ROBIC (Marie-Claire). – Géographes en pratiques (1870-1945). Le terrain, le livre, la cité

Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001. – 390 p.
Jean-Pierre Chevalier
p. 116-119
Référence(s) :

BAUDELLE (Guy), OZOUF-MARIGNIER (Marie-Vic), ROBIC (Marie-Claire). – Géographes en pratiques (1870-1945). Le terrain, le livre, la cité. – Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001. – 390 p.

Texte intégral

1En 1899, Emmanuel de Martonne était nommé à la chaire de géographie nouvellement créée à l’université de Rennes. Cent ans plus tard, un colloque a réuni des géographes, des historiens, des chercheurs issus de dix laboratoires. Guy Baudelle, Marie-Vic Ozouf-Marignier et Marie-Claire Robic ont organisé cette réunion scientifique autour du thème : « Géographes en pratiques (1870-1945) ». Ceci aurait pu donner lieu à une sorte de Mélanges offerts à Emmanuel de Martonne cent ans après sa venue à Rennes, mais les actes de ce colloque sont bien plus que la juxtaposition de contributions individuelles sur l’épistémologie de la géographie ou l’histoire de l’enseignement de la géographie à l’université. Ils forment un véritable livre. La qualité de l’impression, la diversité de l’iconographie, l’existence d’index et de tables le confirment d’emblée.

2Comme on le sait, l’institutionnalisation en France de la géographie universitaire « scientifique » date de l’extrême fin du xixe siècle. Les disciplines de Vidal de La Blache obtiennent la création de nouvelles chaires de géographie. Ils cherchent leur « distinction » et leur rupture avec l’ancienne géographie historique en créant des « laboratoires » de géographie. Guy Baudelle précise les conditions de la fondation du laboratoire d’Emmanuel de Martonne à Rennes (1899-1905). Sur une durée plus longue, Jean-François Condette nous fait suivre le développement du laboratoire de l’université de Lille de 1899 à 1939 et Marie-Claire Robic nous présente pour la même période ceux de la Sorbonne puis de l’Institut de géographie de la rue Saint-Jacques à Paris où de Martonne, après être passé par l’université de Lyon, terminera sa brillante carrière.

3Emmanuel de Martonne est bien sûr le personnage central de cet ouvrage. Il sera pendant des décennies la référence de la géographie physique en France. Ceci donne l’occasion à Pascal Marty de présenter l’évolution des débats scientifiques autour des indices exprimant l’aridité à partir de celui qui fut élaboré par de Martonne. À partir des pratiques pédagogiques de de Martonne, Emmanuel Jaurand explore le processus de canonisation du commentaire de cartes topographiques fortement cadré par la géographie physique. Robert Bariou et Guy Baudelle présentent une autre partie du legs pédagogique de Martonne en nous faisant suivre les traces et les tracés hérités des excursions à travers le relief appalachien au sud de Rennes. Nous sommes ici à l’intersection entre l’œuvre de de Martonne, la géographie physique, l’insertion régionale et l’usage des images.

4La question de l’insertion régionale des géographes peut être motivée par les liens économiques de dépendance des universités envers les collectivités territoriales, comme le montre pour le xixe siècle l’article d’André Grelon. Elle s’explique aussi par les interrogations des géographes sur les cadres régionaux comme le montre Jacquemine Garrel à propos de Camille Vallaux et de la Bretagne. Elle se comprend plus encore par les liens que tissent les géographes avec les milieux économiques et politiques. Dans ce contexte, Marie-Vic Ozouf-Marignier présente l’itinéraire de Pierre Foncin de Bordeaux à Douai, Annie Sevin celui de Louis Laffite et Georges Doumas, la haute figure de Louis Gallouédec. Efi Markou nous fait apparaître les figures d’ingénieurs engagés en géographie comme Jean Majorelle et André Libault à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Symétriquement, Isabelle Couzon présente la figure de l’expert-géographe, de Vichy à 1950.

5La personnalité d’Emmanuel de Martonne et son rayonnement international sont aussi éclairés par trois articles de Gilbert Nicolas, Josefina Gómez Mendoza et Claire Delfosse, qui présentent ici une autre facette de ce géographe spécialiste de la Roumanie, traceur des frontières étatiques. Trois autres chercheurs étudient l’œuvre de de Martonne en fonction de leurs axes de recherches. Gilles Palsky nous présente de Martonne théoricien et praticien des cartes. Didier Mendibil nous fait découvrir ses pratiques et postures iconographiques ; elles sont le fondement du regard « classique » du géographe. Olivier Orain montre avec autant de rigueur méthodique comment l’écriture de de Martonne produit « le réalisme absolu », naturalisant l’homme et anthropomorphisant la nature.

6Une autre thématique nous conduit sur les chemins de l’excursion. Jean-Yves Puyo présente les excursions sous la iiie République, celles des forestiers « régénérationistes », du Club alpin, du Touring club et bien sûr les excursions interuniversitaires des géographes. La première est conduite en Bretagne en 1905 par Emmanuel de Martonne. Ces excursions géographiques sur le « terrain » et leurs rites sont étudiés plus précisément par Denis Wolf, tandis que Jean-Louis Tissier élargit la réflexion à la fonction de cette pratique et de cette référence au terrain au temps de la Révolution nationale, à Uriage. Une autre thématique, celle de la Bretagne et des géographes, pourrait aussi être distinguée, avec en particulier une contribution de Bernard Ellisalde sur le couple Armor/Arcoat chez les géographes du xixe et du xxe siècle. Mais nous n’épuiserons pas ici toutes celles qui traversent l’ouvrage.

7En effet, la présentation que nous faisons ici des différentes contributions ne suit pas volontairement l’ordre du livre ; elle propose un autre parcours, un des autres parcours possibles. Nous sommes en présence, comme le disent les trois directeurs de l’ouvrage, d’une « histoire géographique ». C’est donc un livre qui peut se lire comme une carte, comme une image qui offrirait à notre intelligence de nombreux parcours. Il est possible d’y suivre des pratiques scientifiques et des pratiques sociales, d’y voir une communauté scientifique et des parcours d’individus, de parcourir des lieux et d’observer la diffusion des innovations. Cette multiplicité des parcours de lecture possibles d’une histoire géographique montre la forte unité de l’ouvrage. Ce ne sont pas de simples actes d’un colloque réussi, mais un ouvrage dont l’unité ne tient pas qu’à sa forte introduction. Le pluriel mis en valeur par le titre Géographes en pratiques (1870-1945) et la pluralité des facettes proposées par le sous titre Le terrain, le livre, la cité nous conduisent à souligner la forte cohérence de ce livre, de cette entreprise.

8Un regret néanmoins, l’organisation de la bibliographie. Elle est répartie par chapitres, ce qui introduit des redites. Elle est tantôt groupée en fin de texte, tantôt filée en notes de bas de page. On aurait pu envisager une présentation homogène et une bibliographie globale de l’ouvrage, distinguant ouvrages, sources et bibliographie contemporaine. Heureusement, l’index des noms de personnes permet de retisser des liens biographiques, à défaut de ces regroupements bibliographiques. Cette remarque sur la forme de la bibliographie, par ailleurs remarquablement documentée, ne retire rien au fait qu’il s’agit d’un livre qui sera une référence pour l’histoire et l’épistémologie de la géographie.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Pierre Chevalier, « BAUDELLE (Guy), OZOUF-MARIGNIER (Marie-Vic), ROBIC (Marie-Claire). – Géographes en pratiques (1870-1945). Le terrain, le livre, la cité »Histoire de l’éducation, 101 | 2004, 116-119.

Référence électronique

Jean-Pierre Chevalier, « BAUDELLE (Guy), OZOUF-MARIGNIER (Marie-Vic), ROBIC (Marie-Claire). – Géographes en pratiques (1870-1945). Le terrain, le livre, la cité »Histoire de l’éducation [En ligne], 101 | 2004, mis en ligne le 06 janvier 2009, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/769 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.769

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Auteur

Jean-Pierre Chevalier

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