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Notes critiques

CHEROUTRE (Marie-Thérèse). – Le Scoutisme au féminin. Les Guides de France, 1923-1998

Paris : Le Cerf, 2002. – 628 p. (Histoire)
Françoise Mayeur
p. 133-136
Référence(s) :

CHEROUTRE (Marie-Thérèse). – Le Scoutisme au féminin. Les Guides de France, 1923-1998.– Paris : Le Cerf, 2002. – 628 p. (Histoire)

Texte intégral

  • 1  Les analyses de Maurice Crubellier : L’Enfance et la jeunesse dans la société française 1800-1950, (...)

1Il manquait une histoire générale du scoutisme féminin en France jusqu’à nos jours qui répondît à un minimum d’exigences scientifiques. Lacune qui surprenait, alors que se développent maintenant, selon différentes perspectives, les recherches sur la jeunesse et les mouvements de jeunesse1. Version remaniée d’une thèse d’histoire, le livre de M.-Th. Cheroutre vient pour sa part combler ce manque. L’auteur fut durant un quart de siècle une personnalité centrale du scoutisme féminin (commissaire générale des Guides de 1953 à 1979, elle siégea ensuite dans diverses institutions associatives) et ne craignit pas de se plier aux exigences universitaires pour retracer ce qui avait occupé tant de place dans sa vie.

2Le plan adopté suit étroitement la chronologie, des temps presque légendaires de la fondation jusqu’aux deux derniers chapitres où les méandres des discussions entre Scouts et Guides se mêlent aux événements contemporains et manifestent autant les progrès pédagogiques de part et d’autre que la divergence sur la manière de s’entendre entre les deux mouvements. Les Guides restent attachées moins à leur existence séparée en tant qu’organisation qu’à une « pédagogie féminine » affinée et maintenue par elles. Cette branche féminine du scoutisme marque ainsi sa différence avec les Éclaireurs et Éclaireuses qui se rapprochent plus vite et, apparemment, sans états d’âme. Le long chapitre V (Les confrontations : 1960-1975) évoque brièvement les circonstances qui précèdent et expliquent les « événements de 1968 ». Aussi bien les Semaines sociales de Reims, en 1961, ont-elles pris pour thème « La montée des jeunes dans la communauté des générations ». C’est le temps de diverses mutations dans la société française, de la libéralisation des mœurs, de la « nouvelle vague » des années 1960, tout aussi bien que l’époque de l’aggiornamento, non sans tensions, au sein de l’Église catholique pendant et après le Concile Vatican II (1961-1965). Tendances nouvelles, sans doute moins politiques que ne le laisse entendre l’auteur car elles apparaissent surtout de nature culturelle. L’auteur passe des questions posées au sein de l’Église conciliaire aux « options pédagogiques » prises par les Guides peu avant le Concile. Ainsi, la deuxième rencontre nationale des cheftaines, du 17 au 19 avril 1960, se propose « de préciser les réponses que doit apporter le guidisme à l’éducation du croyant ». « Affrontement de la foi et du monde moderne » : tel est l’objet de la rencontre, selon Joseph Folliet lors de l’ouverture. Quinze orientations pédagogiques sont nées des réponses envoyées par les districts à la question de savoir comment faire du guidisme « un guidisme vrai rejoignant la vraie vie des guides » : formule qui sert d’orientation aux guides pour les années qui suivent. De là, et pour répondre au fléchissement en nombre observé chez les quatorze ans, une série d’expériences. Elles aboutissent en 1966 à la répartition des guides en tranches d’âge, de l’enfance à l’âge adulte. Des Jeannettes aux Jem (Jeunes en marche), s’appliquent des pédagogies différentes qui prennent mieux en compte les aspirations de chaque âge. Dans le même temps, les essais de rapprochement avec les scouts se montrent difficiles, pour des raisons nombreuses. En juillet 1973, un rendez-vous des Guides et des Scouts à la Trivalle, pour élaborer un projet commun, rencontre de violentes critiques, formulées notamment par des groupes déjà en rupture qui y voient des relents soixante-huitards.

3Deux ans durant, M.-Th. Cheroutre a personnellement travaillé avec les scouts, eux-mêmes en proie à des divisions, pour ce rappro­chement entre les deux branches qui aboutit à un échec. Suit un récit minutieux de cette entreprise et de ses implications. Au vrai, partisan de la seule unification des branches aînées, l’auteur ne cesse de s’affirmer fidèle, comme d’autres mouvements catholiques féminins, à la conviction que la pédagogie propre au scoutisme féminin provient d’une irréductible spécificité féminine. Ainsi elle est amenée, malgré les manifestes changements sociaux et culturels, malgré l’introduction de la mixité dans presque toutes les institutions sociales, à rejeter toute idée de fusion avec le scoutisme masculin, et à prôner simplement une « nouvelle alliance ». L’intitulé du dernier chapitre : « Identité et partenariat » (le terme d’« altérité » y est manié un peu imprudemment) reflète, avec quelques longueurs, les limites de cette « alliance ».

  • 2  Cette décrue s’est accentuée depuis. De 35 000 en 1997, les Guides ne sont plus que 23 000 en 2002 (...)

4Tandis que les dirigeantes sont absorbées par ces discussions, le mouvement se constitue un « patrimoine immobilier ». Le recrutement des guides fléchit cependant de façon nette. Après l’apogée du recrutement – 67 494 adhérentes en 1964 –, les guides perdent un tiers de leurs effectifs en dix ans, de 1965 à 19752. La tendance n’est au reste pas propre à leur mouvement. Les données disparates fournies par l’auteur sur l’origine familiale des guides, le manque d’indications sur le ou les types d’accueil réservés par les adhérentes aux « orientations » ne suffisent pas à expliquer ce relatif étiolement, tandis que s’affirment au sommet les options pédagogiques successives.

5Accompagné d’une série d’instruments de recherche, le livre s’enrichit entre autres de biographies de grandes figures du mouvement ; l’entreprise a aussi le mérite de consigner des souvenirs personnels, mais aurait pu être plus méthodique et plus complète. La chronologie détaillée rappelle, à côté des grands moments du mouvement, la quotidienneté de celui-ci, comme l’adoption de nouveaux mots d’ordre, les changements de personnes, ou les activités de presse. Quelques cartes et graphiques constituent un ensemble un peu disparate et inégalement référencé. Un glossaire et un index, un encart de quelques images ou photographies donnent quelque vie à trois-quarts de siècle d’existence. Alors que l’auteur tout au long, « s’efface de son récit », comme l’écrit A. Prost, elle a le mérite d’avoir sauvé les archives des Guides et d’avoir essayé de définir un féminin qui ne soit pas féministe. Ainsi apporte-t-elle sa pierre aux complexes questions de la coéducation et de la place occupée par la femme dans la société.

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Notes

1  Les analyses de Maurice Crubellier : L’Enfance et la jeunesse dans la société française 1800-1950, Paris, Colin, 1979, tout comme les développements et les références bibliographiques d’Antoine Prost : Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation, t. I : « L’école et la famille dans une société en mutation », Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981, prévoient largement les thèmes développés dans des ouvrages ultérieurs, parmi lesquels se distinguent les ouvrages de Gérard Cholvy, consacrés à tous les types d’organisations de jeunesse, surtout catholiques. Voir Le Scoutisme. Quel type d’homme ? Quel type de femme ? Quel type de chrétien ? textes réunis par G. Cholvy et M.-T. Cheroutre, Paris, Le Cerf, 1994. L’histoire et le destin des Scouts de France se sont aussi enrichis, entre autres, des ouvrages de Philippe Laneyrie : Les Scouts de France, Paris, Le Cerf, 1985 et de Christian Guérin : L’utopie Scouts de France, Paris, Fayard, 1997.

2  Cette décrue s’est accentuée depuis. De 35 000 en 1997, les Guides ne sont plus que 23 000 en 2002. Les nouvelles vice-présidente (Françoise Parmentier) et secrétaire générale (Catherine Bouget) veulent rester fidèles aux valeurs consacrées du mouvement tout en cherchant une adaptation à la société actuelle, conduire aussi «  ne réflexion non pas féministe mais bien réelle sur la place de la femme dans la société », écrit Chloé Leprince dans La Croix du 14 octobre 2002.

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Pour citer cet article

Référence papier

Françoise Mayeur, « CHEROUTRE (Marie-Thérèse). – Le Scoutisme au féminin. Les Guides de France, 1923-1998 »Histoire de l’éducation, 97 | 2003, 133-136.

Référence électronique

Françoise Mayeur, « CHEROUTRE (Marie-Thérèse). – Le Scoutisme au féminin. Les Guides de France, 1923-1998 »Histoire de l’éducation [En ligne], 97 | 2003, mis en ligne le 21 mai 2009, consulté le 06 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/472 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.472

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Auteur

Françoise Mayeur

 

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