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Comptes rendus

LEDUC (Guyonne). – L’Éducation des Anglaises au XVIIIe siècle. La conception de Henry Fielding

Paris : L’Harmattan, 1999. – 416 p.
Rebecca Rogers
Référence(s) :

LEDUC (Guyonne). – L’Éducation des Anglaises au XVIIIe siècle. La conception de Henry Fielding. – Paris : L’Harmattan, 1999. – 416 p.

Texte intégral

1L’ouvrage de Guyonne Leduc relit l’œuvre de l’essayiste et romancier Henry Fielding (1707-1754) en s’intéressant à ses attitudes concernant les femmes. Elle insiste surtout sur la mission pédagogique de cette œuvre, justifiant par là sa décision de centrer son analyse sur l’éducation. Fielding est alors examiné par rapport aux débats de l’époque et l’analyse porte notamment sur ses prises de position en matière d’éducation féminine. En précisant que son étude se situe « à la croisée de la littérature, de l’histoire des idées et des mentalités », G. Leduc cherche à placer Fielding dans un contexte social et culturel où l’éducation féminine est l’objet de controverses. Pour autant, cette analyse risque de laisser sur leur faim les historiens qui, se fiant au titre, souhaitent s’informer sur l’éducation des Anglaises au XVIIIe siècle. En effet, l’ouvrage de G. Leduc se positionne assez étroitement dans le champ des études littéraires malgré son utilisation judicieuse d’études historiques sur la période. Dès l’introduction, elle rejette la vision de Fielding transmise par ses biographes et la critique féministe anglo-saxonne. Selon l’auteur, les études antérieures ont négligé l’environnement idéologique de Fielding, et ont par la suite, mal interprété sa vision des femmes. Ni misogyne, ni conservateur, l’auteur de Joseph Andrews (1742) est un homme de son temps, « véritable réformateur social », soucieux d’améliorer l’éducation proposée aux femmes, mais guère révolutionnaire dans ses propositions. En définitive, il est « préféministe » au sens que donne G. Leduc à ce terme : une personne qui a pour le droit des femmes une respectueuse considération.

2Articulé en trois grandes parties, le livre propose d’abord un aperçu du débat idéologique sur l’éducation féminine. Replacé dans le contexte de l’époque, Fielding adhère aux idées de Locke, qui voit la nature humaine de manière dynamique et pour qui l’éducation est un élément clé pour le développement des individus. Mais à l’instar de nombre de ses contemporains, Fielding ne voit pas tant dans l’éducation un épanouissement personnel, qu’un moyen d’assumer son rôle dans la société. De cette position, découle sa volonté d’améliorer l’éducation féminine afin de venir au secours du mariage et des fondements moraux de la société.

3La deuxième partie s’intéresse de plus près aux projets éducatifs du dix-huitième siècle. Ainsi, en matière d’éducation féminine, Fielding se révèle soucieux de promouvoir un contenu moral et religieux dont le cadre ne serait pas la famille mais les institutions. Il défend en particulier l’acquisition solide de la lecture et de l’écriture par le biais de l’étude de la religion, de la littérature et de l’histoire. En revanche, son œuvre ne fait aucune référence aux études scientifiques pour les filles ou les garçons – de ce côté, Fielding n’est pas homme de son temps. Ses écrits théâtraux, romanesques, poétiques, journalistiques et juridiques mettent en scène des personnes de toutes conditions sociales, mais de façon générale, il revendique un schéma éducatif où l’individu ne quitte pas sa sphère sociale. G. Leduc précise toutefois « qu’en dépit de ses origines aristocratiques, il n’est pas défenseur acharné du système établi » (p. 165). En effet, Fielding fait partie des novateurs qui revendiquent une reconnaissance des capacités intellectuelles des femmes, capacités qui doivent, cependant, être cultivées afin de rendre les femmes meilleures épouses et meilleures mères.

4La troisième partie, intitulée « des conséquences idéologiques et sociologiques de l’éducation des femmes », s’intéresse enfin à l’attitude de Fielding envers les femmes savantes et, plus généralement, son rapport à la nouvelle idéologie bourgeoise de la féminité. Si l’écrivain tolère les femmes érudites, cette tolérance se voit plus par l’examen de ses réseaux d’amitiés que par sa prose. De manière générale, Fielding prône une image de la femme au sein de son foyer et critique toutes celles qui cherchent à jouer un rôle dans la vie politique. En somme, G. Leduc conclut que même s’il peut être qualifié de préféministe, l’objectif qu’il assigne à l’éducation féminine le place de façon médiane entre révolutionnaires et conservateurs.

5Cette étude a le mérite de placer l’auteur dans son contexte littéraire et de fournir des comparaisons avec d’autres écrivains, montrant ainsi l’importance du débat idéologique concernant l’éducation des femmes. L’analyse reste cependant, dans l’ensemble, cantonnée à l’histoire des idées, malgré quelques précisions sociales sur le développement des institutions et l’essor de certaines pratiques culturelles. Le parti pris de ne pas examiner Fielding à la lumière de sa vie, sauf dans le chapitre qui considère ses rapports avec quelques femmes remarquables, est assez déroutant pour le lecteur historien. Les éléments de la biographie de Fielding sont rares et éparpillés dans le texte ; ses écrits sont supposés connus. Enfin, et l’axe privilégié de l’étude nous le fait regretter, Fielding n’est guère situé par rapport aux débats religieux de la période, en dépit de la place qu’y tenait la question des femmes (la bibliographie, très volumineuse, est tout à fait déficiente sur ce point). Si cette étude ne renouvelle pas l’état des connaissances sur l’éducation des femmes anglaises, elle montre cependant la multiplicité des lieux où la question de l’éducation des femmes peut être posée. Ainsi, Guyonne Leduc incite les historiens à explorer des sources littéraires trop souvent négligées et à relire ou découvrir l’œuvre de Henry Fielding.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Rebecca Rogers, « LEDUC (Guyonne). – L’Éducation des Anglaises au XVIIIe siècle. La conception de Henry Fielding »Histoire de l’éducation [En ligne], 85 | 2000, mis en ligne le 12 octobre 2008, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/431 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.431

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Rebecca Rogers

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