ALEXANDRE-BIDON (Danièle), COMPÈRE (Marie-Madeleine), DANCEL (Brigitte), GAULUPEAU (Yves), VERGER (Jacques), BODÉ (Gérard), FERTÉ (Patrick), MARCHAND (Philippe). – Le Patrimoine de l’Éducation nationale.
ALEXANDRE-BIDON (Danièle), COMPÈRE (Marie-Madeleine), DANCEL (Brigitte), GAULUPEAU (Yves), VERGER (Jacques), BODÉ (Gérard), FERTÉ (Patrick), MARCHAND (Philippe). – Le Patrimoine de l’Éducation nationale./ Préface de Pierre Caspard. – Charenton-le-Pont : Éditions Flohic, 1999. – 989 p.
Texte intégral
1Ce volume imposant est susceptible de lectures multiples. Il laisse émerveillé de tant de richesses documentaires accumulées, d’autant que les termes de « patrimoine » et d’« éducation nationale » ont été considérés dans leur acception la plus large. Dans la préface, Pierre Caspard, affirme le pari de l’ouvrage : « partir du patrimoine matériel pour évoquer deux mille ans d’histoire de l’éducation ». Il propose deux cheminements au long de l’ouvrage. Le premier consiste à suivre le fil de l’histoire, sans négliger aucun des aspects si différents revêtus par l’éducation en France au cours des siècles : sont pris en compte à la fois acteurs, programmes, méthodes et finalités, mais aussi la variété des divers types d’éducation et des mises en œuvre. Le second entend jalonner le parcours par l’image, témoignages artistiques, fac-similés, reproductions de toute espèce. La table des matières manifeste une claire évolution historique, aux césures sans surprise. À l’usage, cette table, qui renvoie à de très courtes têtes de chapitre, sert surtout de sésame dans la succession des documents assortis de notes en général très bien informées. L’histoire se construit de la sorte, non sans rigueur, à partir des bâtiments, de textes, d’objets, et même, dans une moindre mesure, des représentations qu’en leur temps ils purent provoquer. Ainsi va-t-on, sans jamais se lasser, des images humoristiques de l’école au Moyen-Âge, de l’alphabet en céramique dans le dallage de Suscinio aux immenses constructions universitaires du XXe siècle.
2L’enseignement privé a toute sa place : les nombreuses reproductions de bâtiments, anciens collèges de jésuites par exemple, devenus souvent lycées, permettent aux esprits de rétablir la continuité que l’histoire classique, parfois trop sensible aux « ruptures » et à leur caractère dramatique, ne permet pas toujours de percevoir. L’« éducation nationale » elle-même ne laisse dans l’ombre aucune discipline, aucun type de formation, dans toutes les orientations. Un certain tropisme vers l’architecture scolaire et universitaire et les principaux architectes de lycées, sous la IIIe République notamment, arrive presque à proposer un sujet qui se suffit à l’intérieur du sujet et se montre d’une grande fécondité. Reste à regretter que l’abondante iconographie, soigneusement commentée, ressortisse de préférence au domaine de la vignette : quatre à sept reproductions pour chaque double page. Toute page d’autre part, à moins de tableaux chiffrés, de chronologies ou de plans d’études, se présente en trois colonnes, au point de rendre parfois malaisée la lecture continue. Celle-ci, au reste, n’a pas vraiment d’utilité, puisqu’à une époque donnée correspond une série d’images dont chacune, avec sa légende, forme un tout particulier. Le parti pris est d’abord « central » : sans doute nous montre-t-on des écoles bretonnes aussi bien que des établissements parisiens, mais les contrastes régionaux, à partir du XIXe siècle, n’occupent pas le premier plan.
- 1 Un buste de Victor Duruy suffisait au lieu de deux. Mgr Dupanloup ne fut jamais archevêque, le nom (...)
3Quelques erreurs de détail étaient évitables1. Mais plus profondément, le contenu général laisse quelques soupçons relatifs au progrès sur les idées reçues en matière d’éducation nationale que pourrait apporter un tel ouvrage. L’État n’a pas commencé à s’occuper de l’école primaire avec Jules Ferry; il aurait donc fallu mieux organiser l’ensemble, de telle manière que le progrès de la scolarisation apparût tout au long du siècle, en dégageant plus le rôle de l’administration universitaire. À cet égard, l’organisation pédagogique de Gréard à l’usage de la Seine, antérieure à la République, entretient des liens avec l’absentéisme scolaire dont la décrue fut si lente qu’il a longtemps survécu à Ferry. L’organisation pédagogique n’aurait pas pris la forme qu’on lui connaît si cet absentéisme n’avait été une contrainte première, encore plus forte lorsque, dans les années 1870, l’organisation est appliquée dans les départements. Plus près de nous, pourquoi donner tant de place à des plans de réforme : Langevin-Wallon, Billères, qui n’ont jamais été appliqués ? Enfin, pourquoi fournir une image détaillée du système éducatif tel qu’il était voici quelques décennies, pour déboucher brusquement sur un « XXIe siècle » tout ouvert à la prospective, dans un style et un vague tout ministériels ? En bref, une telle approche ne va pas sans quelque dérive muséographique. L’histoire par l’objet, autre inconvénient, évacue en grande partie la variété et la transformation des foules scolaires qui furent tout de même l’objet premier d’une éducation nationale. Un uniforme vide, voire un mannequin en uniforme, même s’il n’y manque pas un bouton de guêtre, n’a pas le pouvoir évocateur d’une réelle effigie d’élève de l’École polytechnique. L’objet risque de se trouver, pour celui qui est appelé à le regarder, hors du temps. Parallèlement, les questions politiques et religieuses, qui ont animé de leurs passions toute cette histoire, tendent à passer au second plan. Au demeurant, nous avons ici un irremplaçable livre d’images, foisonnantes, riches d’informations et de suggestions, dont nous n’avions pas d’équivalent. Il demeure désormais indispensable d’y recourir.
Notes
1 Un buste de Victor Duruy suffisait au lieu de deux. Mgr Dupanloup ne fut jamais archevêque, le nom de Mgr Frayssinous ne comportait pas de particule, le lycée Marie-Curie à Sceaux est construit en briques jaunes. Le « Sacré-Coeur des étudiants » à la Cité universitaire a cessé depuis longtemps d’être affecté aux habitants de la Cité, pour devenir la paroisse portugaise.
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Référence électronique
Françoise Mayeur, « ALEXANDRE-BIDON (Danièle), COMPÈRE (Marie-Madeleine), DANCEL (Brigitte), GAULUPEAU (Yves), VERGER (Jacques), BODÉ (Gérard), FERTÉ (Patrick), MARCHAND (Philippe). – Le Patrimoine de l’Éducation nationale. », Histoire de l’éducation [En ligne], 85 | 2000, mis en ligne le 27 mai 2009, consulté le 05 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/399 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.399
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