ENFERT (Renaud d’). L’enseignement mathématique à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes officiels (t. 2 : 1915-2000)
ENFERT (Renaud d’). L’enseignement mathématique à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes officiels (t. 2 : 1915-2000), Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2015
Texte intégral
- 1 Renaud d’Enfert, L’enseignement mathématique à l’école primaire, de la Révolution à nos jours. Text (...)
1Dans cet imposant ouvrage de 695 pages, réalisé avec la collaboration de Josiane Hélayel, Renaud d’Enfert propose un recueil de cent-un textes officiels concernant l’enseignement mathématique à l’école primaire, de 1915 à la fin du XXe siècle, poursuivant ainsi dans ce deuxième tome le travail entrepris en 20031. Il souligne que cette discipline a connu des évolutions nombreuses et importantes après la Première Guerre mondiale et avant l’introduction des mathématiques modernes dans les années 1960-1970. Avant de présenter ces textes, l’auteur retrace dans une longue et dense introduction, les grandes lignes de l’évolution de l’enseignement mathématique au primaire en le resituant dans le contexte général des transformations du système scolaire français de 1915 à l’an 2000. Il distingue quatre périodes.
2La première, de 1915 à 1936 (p. 16-34), est marquée par les conséquences de la Première Guerre mondiale et se caractérise par une volonté de faire évoluer l’enseignement primaire, dans une certaine continuité avec les principes énoncés dans les années 1880. Les structures ne changent pas avant 1936, la double finalité qui caractérise l’enseignement primaire est bien présente, mais dans un contexte « d’école unique », un rapprochement s’engage avec le secondaire. À partir de 1923, il s’agit de préparer les élèves de l’école élémentaire aussi bien à la vie active qu’à la poursuite d’études dans le secondaire. Les méthodes pédagogiques évoluent simultanément, elles s’appuient sur une démarche concrète et intuitive, et sont davantage centrées sur l’activité de l’élève. R. d’Enfert montre ensuite que les réformes de 1920, pour le « haut enseignement primaire » et celle de 1923, pour l’école élémentaire, ont pour objectif de bien différencier les degrés de l’école primaire : les programmes sont revus, et bien délimités. L’enseignement concentrique est abandonné au profit de l’enseignement progressif. Selon l’auteur, on note quelques « évolutions remarquables » dans les domaines de l’arithmétique, de l’algèbre et de la géométrie, qu’il décrit ensuite avec précision. Les programmes des différents examens du primaire sont revus en conséquence. Pour terminer cette première partie, est évoquée la question de la formation des maîtres du primaire : non seulement le niveau de celle-ci s’élève, mais les programmes des enseignements masculin et féminin deviennent presque identiques, ce qui constitue une réelle nouveauté par rapport à la réforme de 1905.
3La deuxième partie (p. 34-50) porte sur le « haut » enseignement primaire, de 1936 à 1959. Au cours de cette période, celui-ci subit de profondes réformes structurelles. Les écoles primaires supérieures, intégrées dans un « second degré », se rapprochent du secondaire et l’enseignement mathématique dispensé perd sa finalité pratique, s’éloignant ainsi du primaire. En 1941, elles sont transformées en collèges modernes. Parallèlement, dans les cours complémentaires, l’enseignement mathématique reste « primaire », c’est à dire résolument pratique. À la Libération, les cours complémentaires se rapprochent peu à peu du premier cycle du second degré. Les réformes Berthoin en 1959 et Fouchet-Capelle en 1963 entérinent cette secondarisation. Comme pour la période précédente, la formation des instituteurs et institutrices est revue à la hausse. Après leur suppression en 1940, les écoles normales sont rétablies à la Libération. On y prépare le baccalauréat et il est possible d’envisager des poursuites d’études pour enseigner à d’autres niveaux. Ces réformes structurelles entraînent des réformes au niveau des examens.
4La troisième partie (p. 50-65) concerne l’enseignement primaire élémentaire de 1936 aux années 1960. Sous le Front Populaire, celui-ci est réaménagé et l’âge de la scolarité obligatoire est porté à 14 ans. Dans les classes qui accueillent les élèves terminant leur scolarité obligatoire, dites « classes de fin d’études primaires élémentaires », une pédagogie originale, active, faisant appel à l’initiative des élèves est mise en place. En 1941, l’enseignement élémentaire est à nouveau réaménagé. Ainsi l’enseignement mathématique privilégie l’acquisition de connaissances, la maîtrise de mécanismes et l’appel à la mémorisation. À la Libération, il retrouve sa configuration d’avant-guerre et les programmes de 1945 confortent le retour aux « fondamentaux ». Il en est de même en 1959, avec la réforme Berthoin, car celle-ci transforme l’élémentaire en un premier degré, destiné à préparer les élèves à suivre une scolarité secondaire. Cependant l’enseignement mathématique, fait l’objet de nombreuses critiques et les programmes sont considérés comme non adaptés aux évolutions du système scolaire. Une rénovation semble nécessaire.
5C’est au début de la quatrième partie, (p. 66-81) que l’auteur présente la « rupture » qu’a entraînée l’introduction des mathématiques modernes à l’école élémentaire. Les programmes publiés en 1970 sont influencés par les mathématiques structurales et les travaux de Jean Piaget. La pédagogie se veut « active », centrée sur les capacités d’invention des élèves. Pour former les maîtres, une réflexion est engagée sur la formation initiale et continue. Dans les années qui suivent, la réforme est vivement critiquée. En outre, l’avènement du collège unique entraîne une succession de réformes, visant à préparer tous les élèves à accomplir une scolarité au collège dans de bonnes conditions. De nouveaux programmes sont publiés en 1985, puis en 1995, affichant une volonté de « permettre une meilleure maîtrise des apprentissages de base ». Le problème d’arithmétique est à nouveau au cœur des activités mathématiques. Parallèlement, la formation des maîtres s’universitarise peu à peu, elle est complètement réformée par la loi d’orientation du 10 juillet 1989 qui crée les IUFM.
6Dans cette longue introduction, Renaud d’Enfert montre l’évolution de l’enseignement mathématique de 1915 jusqu’aux années 2000, rappelant que si l’introduction des mathématiques modernes a constitué une véritable rupture, il convient de ne pas négliger les réformes et les innovations de la période précédente. Sont ensuite présentés les textes officiels, les programmes d’enseignement, mais aussi des documents d’archives (p. 484) et des textes de nature locale (p. 234), tous précédés d’un texte explicatif. Outre la liste des textes présentés, on trouve également en annexe la liste de tous les textes officiels relatifs à l’enseignement primaire des mathématiques pour la période concernée, les sources et la bibliographie ainsi que trois index (onomastique, des institutions et thématique), permettant au lecteur de naviguer à son gré dans les textes proposés.
7Cet ouvrage présente un double intérêt. Le lecteur qui s’intéresse à l’histoire de l’enseignement mathématique trouvera dans l’introduction la passionnante histoire de cette discipline entre 1915 et la fin du XXe siècle. Quant aux textes présentés et expliqués, ils constituent une source indispensable et salutaire pour les chercheurs qui s’intéressent à cette discipline. Souhaitons, avec l’auteur, qu’ils saisissent l’occasion de s’appuyer sur cette aide infiniment précieuse pour « confronter ces textes aux réalités de la classe », continuant ainsi grâce à cet ouvrage, à écrire l’histoire de l’enseignement mathématique à l’école primaire.
Notes
1 Renaud d’Enfert, L’enseignement mathématique à l’école primaire, de la Révolution à nos jours. Textes officiels. T. 1 : 1791-1914, Paris, INRP, 2003 [avec la collaboration d’Hélène Gispert et Josiane Hélayel].
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Maryse Cuvillier, « ENFERT (Renaud d’). L’enseignement mathématique à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes officiels (t. 2 : 1915-2000) », Histoire de l’éducation, 148 | 2017, 203-205.
Référence électronique
Maryse Cuvillier, « ENFERT (Renaud d’). L’enseignement mathématique à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes officiels (t. 2 : 1915-2000) », Histoire de l’éducation [En ligne], 148 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2017, consulté le 14 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/3798 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.3798
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page